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Rouyn-Noranda : L’Hydre et le dragon

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Août 042023
 

Du Campement d’autodéfense populaire à Rouyn-Noranda

Il y a près d’un siècle, sur la rive septentrionale du lac Osisko, en territoire Anishinaabe non cédé, émergeait d’un sol riche en cuivre, la Noranda mine, qui deviendra l’épicentre économique d’une ville en gestation, Rouyn-Noranda. Quelques années plus tard, s’y greffera une fonderie qui sera construite aux abords des quartiers ouvriers. La compagnie avait, à l’époque, menacé de cesser ses opérations si elle était dans l’obligation de construire son usine aux émanations mortelles à une trentaine de kilomètres de la ville naissante, lui occasionnant des frais de transport qu’elle ne désirait pas assumer. La ville, intoxiquée par les rejets délétères du dragon cracheur d’anodes, d’acide et de métaux lourds se développa donc autour des cheminées, comme d’innombrables cancers et autres maladies incurables, . 

Encore aujourd’hui, Glencore, l’hydre corporative présente dans 50 pays, génére plus d’une centaine de milliards de dollars annuellement, accumule les méfaits pour corruption, évasion fiscale et contamination de l’environnement, et fait planner le spectre de la fermeture pour faire plier les gouvernements à leur demandes. En 2018, une étude de biosurveillance menée sur des enfants de deux à cinq ans du quartier Notre-Dame, qui gît au pied de la fonderie, a permis de constater des taux alarmants d’arsenic dans leur organisme et en 2022 un rapport du CISSSAT nous apprend que Rouyn-Noranda enregistre des taux de cancers du poumons, de MPOC, de maladies neurologiques et de naissances de bébés de petits poids beaucoup plus élevés qu’ailleurs au Québec, ainsi qu’une espérance de vie de cinq ans plus courte. 

La population de la ville est abandonnée par toutes les autorités qui devraient intervenir, le gouvernement du Québec accorde des assouplissements à des mesures déjà complaisantes, les élues municipaux et les membres de la chambre de commerce s’inquiètent pour l’attractivité et voudraient enfouir le dossier au plus vite pendant que la tension monte parmi la population laissée à elle seule contre une des multinationales les plus puissantes du globe. 

En plus de la honte qu’elles devraient ressentir, les institutions politiques en place ressentiront le tremblement de notre rage collective, car pour nous c’en est fini de la complaisance avec la multinationale écocidaire et corrompue, nous en avons assez de la destruction de nos écosystèmes et ne tolérerons plus d’être empoisonnés•es à mort par les émanations toxiques de la Fonderie Horne. 

Unissons-nous à partir du 24 août 2023 pour que cesse la violence de cette multinationale écocidaire! 

Le 1er mai, les enfants comptent

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Août 012023
 

Du Punch Up Collective

Cette année, Punch Up Collective a organisé sa septième contribution à la célébration du 1er mai à Ottawa : un pique-nique axé sur les enfants et une courte marche. Nous voulions expliquer pourquoi cet événement était si amusant et réfléchir un peu à l’inclusion des enfants et des familles dans ce genre de célébrations, et à la différence entre les inclure et concentrer les événements sur les enfants et les familles.

Nous avons organisé un mélange de choses pour célébrer le 1er mai – parfois des événements, parfois des ateliers ou d’autres choses qui, nous l’espérons, contribueront à perpétuer l’héritage de la lutte pour la dignité et la joie pour tou.te.s. Notre premier événement du 1er mai, en 2015, s’intitulait “All In : Worker Organizing Beyond the Mainstream Labour Movement” (L’organisation des travailleurs au-delà du mouvement syndical dominant). Il s’agissait d’une table ronde réunissant des personnes parlant du travail du sexe, du travail des migrants, des travailleur.se.s de la réduction des risques et des toxicomanes. Dans le cadre de la préparation de l’événement, nous avons payé un camarade local qui dirigeait une crèche pour qu’il apporte des jouets et des activités et qu’il mette en place un espace pour les enfants. Personne n’a amené ses enfants. La même année, nous avons organisé un atelier intitulé “Planning to be Good to Each Other” (Planifier pour être bons les uns envers les autres) sur la mise en place de pratiques de réduction des risques sociaux dans les groupes radicaux ; là encore, nous avons mis en place une garderie, mais là encore, aucun enfant n’était présent.

En 2016, nous avons organisé une projection du film Lego dans un centre communautaire, avec un vidéoprojecteur, des legos et du pop-corn. De nombreuses familles sont venues (et nous, qui n’avions pas d’enfants à l’époque, avons eu l’occasion de nous émerveiller du nombre de personnes de moins de dix ans qui avaient mémorisé tout le film Lego, et du volume de pop-corn que les enfants peuvent consommer). L’année suivante, nous nous sommes retirés de l’organisation publique du 1er mai après que le Parti communiste révolutionnaire a pris en charge les événements prévus. À la place, nous avons organisé un repas-partage dans une maison privée où il n’y avait pas de service de garde d’enfants, et un grand nombre d’enfants sont venus. C’était amusant, en partie parce qu’il y avait aussi un groupe de personnes non parentales qui aimaient vraiment passer du temps avec les enfants et les personnes qui s’occupaient d’eux. L’année suivante, en 2019, nous avons décidé d’organiser un repas-partage plus élaboré, avec des activités et une personne explicitement prête à s’occuper des enfants, dans un centre communautaire local. Très peu de personnes sont venues, et seulement quelques enfants. C’était décevant.

Un collectif normal pourrait regarder cette litanie et décider qu’il n’y a tout simplement pas de besoin dans la gauche radicale locale d’avoir un service de garde formel pour les enfants lors de nos événements en général et du 1er mai en particulier. Le 1er mai 2020 était le premier à se dérouler dans l’ombre de la pandémie, et nous avons redoublé d’efforts pour essayer de faire quelque chose avec les enfants en tête : nous avons payé un ami artiste local pour faire des pages de coloriage sous l’étiquette ” Quarantine Capitalism “, et nous les avons partagées à la fois ici à Ottawa et en ligne. Les gens nous ont envoyé de magnifiques photos de personnes de tous âges coloriant ces pages et les affichant dans des lieux publics.

En 2021, épuisés par les événements sur zoom et non préparés à se réunir en personne, nous avons envoyé une carte de vœux du 1er mai par courrier. L’année dernière, n’étant toujours pas prêts à réunir les gens en personne mais réfléchissant à ce que nous entendions de la part de personnes souhaitant plus d’espace pour comprendre comment travailler ensemble, nous avons proposé une version en ligne de notre atelier sur le comment et le pourquoi de la construction de collectifs efficaces.

Voilà qui nous amène à cette année. La pandémie est toujours en cours, le temps à Ottawa au début du mois de mai est très imprévisible, et pourtant nous avons décidé d’organiser une manifestation en personne, en plein air, axée sur les enfants. Nous nous sommes inspirés de la Candy Bar Protest de 1947, au cours de laquelle des enfants ont fait grève pour ramener le prix des barres chocolatées à 5 cents ; cette action a débuté en Colombie-Britannique, mais s’est étendue à l’ensemble du Canada, notamment à Calgary, Edmonton, Winnipeg, Montréal, Québec, Ottawa, Toronto et aux Maritimes. Nous avons consulté certains de nos amis parents au sujet de notre idée d’organiser un défilé d’enfants avec des bruiteurs (les parents ont répondu : “Avez-vous pensé que les enfants sont des bruiteurs ?”), la lecture d’histoires et la fabrication d’une bannière. Ils ont tous répondu : “Ça a l’air bien ! Je ne sais pas si nous pourrons venir !”.

Il pleuvait beaucoup à la date prévue et nous avons dû reporter au samedi matin suivant. Si vous n’êtes pas parent, vous ne savez peut-être pas que le samedi matin est, pour une raison ou une autre, le principal moment où – si vous avez eu la chance de vous inscrire à la gymnastique ou à la natation entre 21 heures, heure d’ouverture du portail de la ville, et 21 h 02, heure à laquelle tout est complet – les enfants ont des activités. Nous nous sommes donc rendus à l’endroit prévu avec notre bannière, notre matériel pour faire du bruit, nos snacks, notre drapeau rouge et noir et notre drapeau queer, mais sans grand espoir que des enfants viennent. Sept minutes après l’heure de début prévue, l’un d’entre nous a demandé : “Combien de temps devrions-nous attendre avant de plier bagage ?” et nous avons passé un certain temps à nous demander si tout cela n’avait pas été une erreur. Nous avons essayé d’appeler la personne qui avait accepté de contribuer à la musique pour lui dire de ne peut-être pas venir. Par chance, il était en train de faire du vélo avec sa guitare et n’a donc pas entendu notre appel. Certains se connaissaient, d’autres ne connaissaient personne. Les enfants se sont mis au travail et ont fabriqué des tambours avec des seaux, des shakers avec des assiettes en carton collées les unes aux autres avec des haricots et des graines à l’intérieur, et ont décoré d’autres objets sonores. D’autres se sont éloignés pour dessiner des fleurs, des cœurs et d’autres choses plus mystérieuses sur notre bannière “Tout pour tout le monde”. Les gens ont pris des collations et ont écouté une lecture de Candy Bar War, puis des chansons sur le thème du 1er mai. À un moment donné, nous nous sommes rassemblés pour chanter et marcher autour de l’église.

C’était une très belle journée. La plupart des enfants présents avaient entre un et six ans. La plupart des adultes étaient des anarchistes vieillissants, et beaucoup d’entre nous ne s’étaient pas vus depuis de nombreuses années, avant même le début de la pandémie. C’était la première fois depuis 2020 que nous nous réunissions en personne et c’était à la fois étrange et agréable d’être ensemble. Nous pensions que nous n’apporterions qu’une pierre à l’édifice des célébrations du 1er mai dans notre ville, mais en fin de compte, ce petit événement a été la seule manifestation organisée à Ottawa. Cela nous a amenés à réfléchir à la manière dont nous dirigerons notre énergie pour les années à venir.

Bien que nous ayons invité des personnes qui ne sont pas des parents ou des soignants, la plupart des personnes qui sont venues étaient directement liées aux enfants d’une manière ou d’une autre. Nous n’avons pas non plus contacté nos amis bibliothécaires anarchistes qui organisent des événements centrés sur les enfants dans les espaces publics d’Ottawa pour voir s’ils avaient des idées d’activités précédant le défilé qui auraient pu attirer des gens que nous ne connaissions pas déjà. En général, nous n’avons pas réfléchi de manière suffisamment stratégique au contexte dans lequel nous voulions participer.

Bien sûr, il est également agréable d’avoir un espace social pour célébrer le 1er mai avec d’autres radicaux. Mais même si c’est l’objectif, l’organisation d’événements publics où il y a un espace pour que les gens qui ne se connaissent pas encore se rencontrent doit être délibérée et réfléchie. Nous avons essayé de mettre cela en pratique en passant d’un modèle où nous organisons des événements existants et y ajoutons simplement la garde d’enfants à l’organisation de plus d’événements explicitement politiques et conceptualisés comme étant pour les enfants et les familles dès le départ. En observant d’autres organisations qui maintiennent un engagement constant à toujours offrir quelque chose de significatif aux enfants, nous pensons que cela vaut non seulement la peine d’être fait, mais que c’est aussi beaucoup plus amusant que les espaces bifurqués que nous voyons tant à gauche, où les choses sont soit seulement pour les enfants, soit seulement pour les adultes. Mais pour nous, trouver l’équilibre sur ce point est encore un travail en cours.

Action contre une agence immobilière de luxe montréalaise

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Juil 122023
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

À Montréal, le 1er juillet est le jour du déménagement. Ca a toujours été chaotique, mais les menaces posées par les réformes sur le logement du projet de loi 31 risquent d’empirer excessivement la situation.

On nous dit qu’il y a une crise du logement, mais ce terme est utilisé pour éviter de nommer les responsables. Pourquoi les logements sont-ils rares, insalubres, dispendieux et précaires à Montréal?

  • Des propriétaires verreux qui rénovincent, demandent des dépôts de garantie et des frais d’intermédiation
  • La conversion des logements en locations court-terme (AirBnB) pour éviter les lois sur le logement et augmenter les profits, allant jusqu’à causer plusieurs morts au printemps.
  • La construction de nouveaux logements pour les investisseurs, pas les résidents. Des dizaines de tours de luxes sont construites et vendues à des investisseurs pour rester vides et prendre en valeur pendant que les logements abordables sont dits “impossibles”.

Plus de 500 personnes sont nouvellement sans-abris depuis le jour du déménagement. L’éviction des personnes qui habitent en tente sous l’autoroute Ville-Marie est imminente. Ils construisent des grattes-ciels pour de riches investisseurs urbains pendant que le monde dort dur. La loi 31 fait partie de ce plan. Le lobby des propriétaires, développeurs immobiliers, gestionnaires immobiliers et agences immobilières fait du profit sur un Montréal où il faut désormais payer ou se pousser. Les pouvoirs en place veulent une ville faite pour les riches – loyers élevés, bouffe inabordable, gentrification yuppie – les riches s’enrichissent.

On dit fuck la crise du logement, y’a du logement partout. Luxury MTL, aussi connu sous le nom de Immeubles Montria, fait partie du problème. Le développement immobilier de luxe crée un monde pour les riches. On va l’attaquer. Leurs fenêtres ne sont que le début.

Solidarité avec celles et ceux en grèves des loyers À Toronto. Squattons le monde!

Nanterre (France) : Émeutons-nous !

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Juil 032023
 

De Rebellyon

Tract initialement publié le 29 juin 2023

Un jeune homme de 17 ans, Nahel, a été tué par balles par un flic avant-hier, le 27 juin à Nanterre, exécution sommaire pour quelque chose qui se retrouve nommé « un délit de fuite » ou « refus d’obtempérer », quelque chose qui ressemble à tenter la liberté pour ne pas rester à la merci de deux flics prêts à tuer. Nous n’avons pas les mots, nous les cherchons encore, pour exprimer notre colère et notre solidarité totale, sans conditions et avant même d’en savoir plus sur tout ce que la presse déverse depuis les rumeurs de commissariats. En voici toTexteut de même quelques uns, puisque s’exprimer nous paraît quand même nécessaire.

17 ans, putain.

Le gouvernement a essayé de diminuer la portée du drame pour éviter la confrontation directe, pour protéger ses flics, se protéger lui-même, ainsi que le monde de merde et de misère qu’il maintient en place. Pour tenter de se prémunir face à la colère de tous, il a utilisé une technique dégoûtante : celle de l’atténuation et de la pacification, en ne lésinant pas sur l’usage de mensonges. Mettre en avant, par les médias et les déclarations de presses des différents partis de gauche et de droite, que l’adolescent avait un casier judiciaire (ce qui s’est avéré faux), que le policier était en danger (ce qui s’est tout autant avéré faux), invoquer le rôle de médiation de la justice et du deuil national pour régler le problème. Toutes ces techniques sont bien rodées mais ont été inefficaces hier et aujourd’hui : Tout le monde sait que cette exécution n’est pas un problème privé, entre un policier et une famille, pas plus qu’elle n’est une bavure exceptionnelle. Ce que la presse et l’État défendent en salissant ceux qu’ils exécutent, c’est la possibilité de maintenir l’ordre coûte que coûte, c’est la possibilité de nous tenir en joue et de tirer, c’est la possibilité d’une « légitime défense » de sa propre existence au prix de nos vies. C’est nous contre eux. Et tout le monde se contrefiche qu’il ait un casier judiciaire ou non, comme tout le monde se contrefiche que ceux que ses flics visent soient fichés S, ou qu’ils soient défavorablement connus de la CAF, de Pôle Emploi ou des services de police. Tout le monde sait qu’il faut se battre, et personne ne semble avoir envie de pleurer en silence. Alors que les pompiers, le gouvernement, la gauche et tous les pacificateurs appellent au calme, la mère de Nahel a courageusement demandé « une révolte pour son fils ».

Les tentatives d’endormissement de la colère sont pour l’instant un échec : le jour même, des émeutes ont éclaté à Nanterre, et la révolte s’est propagée dans tout le 92, dans une partie du 93, et dans d’autres villes, à Bordeaux, à Lille, à Nantes, à Roubaix. Par endroits, les policiers sont débordés, blessés, et parfois s’enfuient, abandonnent. La seconde nuit d’émeutes a été encore plus offensive et s’est étendue à d’autres villes, à Toulouse, à Lyon, à Strasbourg, à Clermont-Ferrand, dans quelques endroits de Paris, dans le XXe, à Belleville, à la Chapelle, dans le sud du XIIIe… et surtout dans énormément de villes d’Île-de-France. Ce matin, les services de nettoyage peinent à masquer les traces de la révolte.

Voitures, bus, lignes de tram, mairies, barricades, écoles et commissariats, tout flambe. Des pillages ont eu lieu, de magasins, camions, supermarchés. Cette largeur de vue pour mieux cibler ce qui maintient l’ordre et cette pertinence dans les attaques, que le mouvement contre les retraites a peiné à ouvrir malgré son ampleur, on dirait que deux nuit d’émeutes commencent à l’envisager. La prison de Fresnes a été très courageusement prise d’assaut durant la deuxième nuit d’émeute, pour aller libérer les prisonniers, pour tous nous libérer. Une brèche s’ouvre, une brèche pour faire trembler ce qui hier paraissait invincible. Mais hier, c’était novembre 2005. Hier, c’était les gilets jaunes. Hier, c’était mai 68. Hier aussi nous avons fait trembler l’Etat, son maintien de l’ordre, et ainsi nous comprenons que cet ordre est loin d’être inattaquable, puisqu’il tremble.

Il nous faut rentrer dans cette brèche, et nous voyons quelques moyens qui sont à notre portée à tous, ici et maintenant. Nous souhaiterions, dans l’idéal, pouvoir dépasser ces “quelques moyens à la portée de tous” et pour cela il nous faut, comme les émeutiers de Nanterre, trouver des moyens nouveaux pour trouver de l’efficacité contre nos ennemis, la police de l’État, du capitalisme, de la démocratie, et plus encore contre l’apathie, la résignation, le suicide quotidien, le désintérêt collectif. Tout cela n’est pas normal, et doit être combattu, pour Nahel, pour M. tué dans le CRA de Vincennes, pour les milliers de personnes qui meurent aux frontières de l’Europe, pour Serge et blessés du maintien de l’ordre à Sainte-Soline et partout, et pour tous les autres d’hier et de demain, pour nous tous, pour en finir aussi avec la pitié, le paternalisme et la condescendance, avec toute notre rage d’en finir avec ce monde et avec un désir de liberté, intact.

Dans cette lutte que nous allons être nombreux à mener, rappelons-nous toujours que l’ennemi que l’on a en face de soi, celui qui nous mène une guerre ouverte, n’est pas le seul. N’oublions pas celui qui se met à notre côté, celui qui récupère et tue de l’intérieur, qui aspire et vampirise : la gauche, ses grands frères moralisateurs et ses sociologues de comptoirs, la négociation de la paix sociale qui très vite voudra encadrer et tuer la haine dans le calendrier judiciaire qui, lui avant tout, est notre ennemi. C’est ce calendrier judiciaire lui-même qui prolonge les arrestations. Solidarité avec les 180 interpellés de la nuit dernière.

De Nanterre à la France, de la France au reste du monde
Émeutes ! Révolutions !

État des lieux : l’extrême droite au Québec en 2023 

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Juil 032023
 

De Montréal Antifasciste

Ce texte a été produit par le collectif Montréal Antifasciste et imprimé sous format zine pour distribution gratuite au Salon du livre anarchiste de Montréal, les 27 et 28 mai 2023.

À la faveur des crises émergentes (économique, climatique, migratoire, sanitaire, etc.) et en l’absence d’une alternative structurée sur la gauche de l’échiquier politique, il souffle actuellement sur le monde un vent de droite que rien ne semble ralentir. Suivant naturellement ce courant, l’extrême droite est en situation de regain dans plusieurs régions du monde, autant dans ses formes réactionnaires et institutionnelles (loyales aux systèmes en place) que soi-disant révolutionnaires (hostiles aux systèmes en place), notamment aux États-Unis et dans certains pays d’Europe occidentale, dont l’Italie et la France, mais aussi en Russie et ailleurs en Europe de l’Est, au Moyen-Orient et en Inde, pour ne nommer que quelques exemples. Avec quelques mois et années de retard, le Canada et le Québec ne sont pas épargnés par ce courant de fond, autant sur le plan de la politique institutionnelle (le tournant populiste du Parti conservateur du Canada, la percée médiatique du Parti conservateur du Québec) que sur celui du soft power (par exemple, au Québec, l’influence dominante des médias de l’empire Québecor sur la « mise à l’ordre du jour ») et des mouvements populaires ou pseudo-populaires (comme l’opposition aux mesures sanitaires).

Le soi-disant « convoi de la liberté », qui a paralysé la capitale canadienne pendant plusieurs semaines à l’hiver 2022, est venu confirmer la convergence de plusieurs phénomènes a priori distincts, mais participant tous de cette réémergence de l’extrême droite : un leadership partiellement issu de mouvements et groupuscules suprémacistes influencés par l’alt-right et la logique « accélérationniste » (mais surtout enraciné dans le ressentiment anti-Trudeau qui caractérise le populisme/séparatisme de l’Ouest canadien), un complotisme antisanitaire (dont une composante « conspirituelle » issue des mouvances new-age et de santé alternative) ancré dans le confusionnisme et la désinformation propagée par des acteurs d’extrême droite, et un courant de fond populiste profitant de l’hostilité grandissante (et largement légitime) à l’égard des élites politiques et économiques.

Au Québec, Montréal Antifasciste a documenté l’émergence et l’essor parallèles de mouvements et groupements nationaux-populistes et néofascistes dans la période 2016-2020, correspondant grosso modo avec la présidence de Donald Trump et l’âge d’or de l’alt-right aux États-Unis. Des groupes populistes islamophobes et anti-immigration comme La Meute et Storm Alliance ont côtoyé durant cette période des organisations militantes et idéologiques ouvertement néofascistes et suprémacistes, comme Atalante, la Fédération des Québécois de souche, Soldiers of Odin et des incarnations locales du courant alt-right.

Les mobilisations antiracistes/antifascistes, dans un premier temps, puis les tensions et dissensions internes, l’institutionnalisation d’une partie de leurs revendications, et enfin la pandémie mondiale de COVID-19, ont fortement déstabilisé (voire, dans certains cas, neutralisé et éliminé) ces organisations. En revanche, la pandémie a donné à certains acteurs – connus et nouveaux venus – l’occasion de faire rebondir la droite populiste et l’extrême droite dans des directions inédites, et la période actuelle est marquée par l’apparition d’un certain nombre de nouveaux projets fortement marqués à droite de la droite conservatrice traditionnelle. De plus, et peut-être de manière plus significative encore, le paysage politique et culturel mainstream et institutionnel continue d’opérer un glissement vers la droite, lequel pourrait avoir de graves conséquences dans le court et le moyen terme. Nous proposons donc ce tour d’horizon – sans doute incomplet – de la situation actuelle au Québec.

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Définitions pratiques

Nous sommes cruellement conscient·es de la difficulté de définir de manière concise et précise un phénomène aussi complexe que le fascisme, mais aux fins de cette brochure et des orientations du collectif Montréal Antifasciste, nous proposons les définitions suivantes :

Le fascisme est une idéologie ultranationaliste antilibérale centrée sur le projet de refondation d’une version fantasmée de la nation primordiale*, qui aurait été perdue sous l’effet de la « décadence moderne », des valeurs libérales et des groupes en quête d’égalité, et qui doit être restaurée par la consolidation forcée de hiérarchies et de discriminations structurantes entre différentes catégories d’humains (sur la base des genres, « races », rangs sociaux, identités sexuelles, cultures, religions, origines ethniques, etc.). L’extrême droite désigne les courants de pensée et d’action politique qui, à l’intérieur comme à l’extérieur du système, mais à un degré plus radical que la droite conservatrice traditionnelle, tendent à consolider ces hiérarchies structurantes, normaliser les rapports d’oppression et de discrimination, et ainsi favoriser l’émergence de formations fascistes.

L’antifascisme désigne l’ensemble des personnes, des organisations, des mouvements sociaux et des courants de pensée et d’action qui s’opposent, non seulement au fascisme réalisé, mais aussi à l’ensemble des facteurs politiques, sociaux et culturels qui facilitent la réémergence d’un esprit fasciste et la réalisation de formes fascistes anciennes ou nouvelles. Cela comprend autant les programmes nationaux-populistes xénophobes et réactionnaires que les groupuscules néofascistes, « nationalistes révolutionnaires » et néonazis, et les courants complotistes qui alimentent le confusionnisme et recyclent des thèmes d’extrême droite. L’antifascisme libéral s’opère pour l’essentiel à l’intérieur des limites définies par le système capitaliste et l’ordre bourgeois. L’antifascisme radical tend vers une organisation de la société radicalement égalitaire, c’est-à-dire débarrassée des hiérarchies et des discriminations systémiques, dont le capitalisme, la suprématie blanche, le colonialisme et l’hétéropatriarcat. Le diminutif « antifa », initialement employé en Allemagne dans les années 1970 et 1980, fait généralement référence à l’antifascisme radical.

*Cette définition s’inspire des travaux de l’historien et politologue britannique Roger Griffin.

De la Meute à la CAQ : l’intégration institutionnelle des revendications islamophobes et anti-immigration

Rappelons que Montréal Antifasciste s’est formé peu après les rassemblements islamophobes organisés par La Meute à Montréal et à Québec, le 4 mars 2017. Ces manifestations coordonnées, qui survenaient quelques semaines seulement après la tuerie de masse au Centre culturel islamique de Québec ayant fait six morts et de nombreux blessés graves, avaient pour objet de protester contre la motion M-103, une résolution non contraignante (adoptée le 23 mars 2017) visant principalement à faire reconnaître par le gouvernement fédéral l’importance de « condamner l’islamophobie et toutes les formes de racisme et de discrimination religieuse systémiques ». Au cours des années suivantes, La Meute et d’autres projets du même tonneau, comme Storm Alliance, le Front patriotique du Québec, Soldiers of Odin Québec, et plus tard les soi-disant Gilets jaunes du Québec et la Vague bleue, ont multiplié les manifestations et actions à caractère islamophobe et anti-immigration à Montréal, Québec, Trois-Rivières et Ottawa, ainsi qu’au poste frontalier de Saint-Bernard-de-Lacolle et aux abords du Chemin Roxham. Ces dernières mobilisations visaient à réclamer la fermeture du passage « irrégulier » emprunté par un nombre relativement important de demandeurs du statut de réfugié en vertu des dispositions de l’Accord sur les tiers pays sûrs conclu entre le Canada et les États-Unis. Dès le départ, ces diverses manifestations étaient en outre flanquées de milices de pacotille (inspirées notamment des III% et des groupes de combat de rue de l’alt-right étasunienne, comme les Proud Boys), telles que le Groupe Sécurité Patriotique et les Gardiens du Québec, ainsi que de diverses figures connues de l’extrême droite locale cherchant à en découdre avec les antifascistes.

Bien que ces formations et ces mobilisations aient pu alors sembler marginales, elles s’inscrivaient en fait dans un contexte beaucoup plus large de droitisation du champ politique institutionnel au Québec, laquelle s’opérait déjà depuis la prétendue crise des « accommodements raisonnables », en 2006-2007[1]. L’arrivée au pouvoir de la CAQ en 2018 n’a fait qu’accélérer ce processus, comme l’a vite confirmé le projet de loi 21, qui sous le prétexte de protéger la « laïcité de l’État » prenait clairement pour cible les femmes musulmanes et d’autres minorités religieuses. L’obsession de la CAQ pour les seuils d’immigration durant la campagne électorale (aujourd’hui récupérée par le PQ) trahissait également une volonté populiste de satisfaire aux exigences d’une base électorale chez qui les sentiments islamophobes et xénophobes exprimés par La Meute trouvaient un fort écho. En entrevue à Radio-Canada en 2019, et malgré les démentis officiels, François Legault avouait d’ailleurs à demi-mot que la loi 21 était une sorte de « compromis » avec les mouvements islamophobes :

« Pour éviter les extrêmes, il faut en donner un peu à la majorité. […] Je pense que c’est la meilleure façon d’éviter les dérapages. » […] On délimite le terrain, parce qu’il y a des gens un peu racistes qui souhaiteraient qu’il n’y ait pas de signes religieux nulle part, même pas sur la place publique. »

Personne ne s’y trompait d’ailleurs, et surtout pas les dirigeants de La Meute, comme Sylvain Brouillette, qui affirmait déjà lors des élections de 2018 que la CAQ véhiculait les idées de La Meute, et vice-versa :

« Si La Meute est sur le bord du racisme, cela veut dire que vous l’êtes aussi, M. Legault. […] c’est ceux qui pensent comme vous que vous traitez de racistes. »

Et encore en 2019, lors du dépôt du projet de loi 21 :

« Quand ils disent qu’ils n’ont rien à voir avec La Meute, c’est assez risible. Les revendications de La Meute, c’est exactement le programme de la CAQ et c’est là-dessus qu’il a été élu »

Ainsi, l’institutionnalisation des revendications xénophobes et islamophobes des formations comme La Meute ont peut-être autant – sinon plus – contribué à précipiter leur désuétude et leur déclin que l’opposition antifasciste et les nombreuses crises internes qui les ont traversées (luttes de pouvoir, détournement de fonds, accusations d’agressions sexuelles, etc.). Rien n’aura illustré ce phénomène de manière aussi grotesque que le mouvement de la Vague bleue (2019), qui en définitive ne revendiquait rien d’autre que ce que le gouvernement de la CAQ était déjà en train de mettre en place, tout en protestant puérilement contre le groupe de presse (dont le réseau TVA) qui est en grande partie responsables de la droitisation dont cette mouvance nationale-populiste était en quelque sorte l’aboutissement.

Bien sûr, le recadrage sur la droite du paysage politique se poursuit aujourd’hui sans l’apport de ces regroupements. L’empire médiatique Québecor, notamment par l’entremise d’une petite armée de chroniqueurs réactionnaires, poursuit quotidiennement une entreprise de formatage idéologique de masse dont les éléments de discours se retrouvent souvent dans la bouche des élu·es de la CAQ. À preuve, la résistance fanatique à reconnaître l’existence du racisme systémique ainsi que la récupération de l’épouvantail « woke » par François Legault jusque dans les débats de l’Assemblée nationale. Mathieu Bock-Côté, dont Legault a vanté l’essai L’empire du politiquement correct en 2020 et dont il a tout récemment relayé une chronique intitulée « Éloge de notre vieux fond catholique », et qui colporte quotidiennement ses élucubrations sur la chute imminente de la civilisation occidentale dans les pages du Journal de Montréal et sur les ondes de TVA/LCN, est sans doute l’un des plus importants passeurs des idées d’extrême droite dans le mainstream, ici comme en France (où il a servi de faire valoir à Éric Zemmour durant la dernière présidentielle et où il sévit toujours en tant que chroniqueur et intervenant régulier sur différentes plateformes d’extrême droite, dont CNews, Causeur, Valeurs actuelles, etc.). Il est pourtant encore dépeint ici comme un conservateur modéré, et toute tentative de l’associer à l’extrême droite est accueillie comme le fait d’un délire « woke ».

Autant qu’un coup payant pour la CAQ, la récente fermeture du chemin Roxham est une autre victoire triomphale pour les mouvements xénophobes qui la réclamaient à grands cris depuis des années.

Et finalement, l’instabilité relative de la CAQ sur différents dossiers, dont celui des seuils d’immigration et, plus récemment, sa volte-face dans le dossier du troisième lien, ouvre un espace sur sa droite, qu’Éric Duhaime et son Parti conservateur du Québec sont ravis d’occuper avec un mélange toxique de libertarianisme et de populisme qui plaît énormément à la frange déçue de la base caquiste et charrie dans le mainstream les obsessions actuelles de l’extrême droite (dont l’hystérie « anti-drag », sur laquelle nous reviendrons ci-dessous).

Dans ce contexte où l’économie de l’information de masse et la politique institutionnelle sont dominées par la droite, et compte tenu de l’air du temps complotiste qui ne donne aucun signe d’essoufflement (au contraire, l’émergence de l’intelligence artificielle laisse deviner une explosion imminente de la désinformation et de la confusion), et compte tenu des contextes étasuniens et européens, il n’est pas exclu que se reforment au Québec, dans un avenir plus ou moins rapproché, des organisations nationales-populistes encore plus agressives et encore plus marquées à l’extrême droite. Raison de plus, comme nous ne cessons de le répéter, pour articuler des alternatives fortes, structurées et attrayantes à la gauche de la gauche institutionnelle.

Quoi qu’il en soit du contexte institutionnel, en 2023, La Meute ne survit qu’en ligne et n’est plus que l’ombre de ce qu’elle a été (c’est-à-dire, déjà pas grand-chose…), et Storm Alliance a complètement disparu de la carte. Il en va de même pour le Front patriotique du Québec, qui a organisé des marches nationalistes le 1er juillet pendant plusieurs années consécutives, le Groupe sécurité patriotique, les Gardiens du Québec, les « Gilets jaunes » du Québec et tous les groupuscules plus ou moins conséquents qui s’étaient formés dans cette période. Certains des militants de premier plan de ces organisations, dont Steeve Charland (La Meute) et Mario Roy (Storm Alliance), se sont toutefois recyclés dans le mouvement d’opposition aux mesures sanitaires qui a pris de l’essor durant la pandémie de COVID-19, comme nous le verrons plus loin. Le Parti patriote de Donald Proulx, et d’autres formations marginales du même genre continuent d’exister, mais sans exercer d’influence significative.

Où sont passé·es les fascistes pur jus?

L’une des principales occupations de Montréal Antifasciste dans la période entre 2017 et 2020 a été de traquer et de documenter la progression et les activités du groupe Atalante, qui était en quelque sorte à la fois une itération contemporaine du mouvement white power québécois, dont les origines remontent aux groupuscules de boneheads des années 1990, et une sorte d’avant-garde du mouvement identitaire/néofasciste (spécifiquement, nationaliste révolutionnaire) d’inspiration européenne au Québec. On peut dire sans aucun doute qu’Atalante a été le groupe le plus structuré et le plus déterminé auquel Montréal Antifasciste s’est opposé jusqu’à maintenant.

Quand Atalante s’est créée en 2016, l’organisation pouvait déjà compter sur un certain nombre de militants issus du Québec Stomper Crew et, plus généralement, du milieu néonazi québécois. Ses membres étaient déjà formés idéologiquement et politiquement, notamment grâce aux activités de la Fédération des Québécois de souche et de ses propres précurseurs, comme la Bannière noire, contrairement à la plupart des autres groupes dont il est question dans ce texte et que nous avons vus naître et mourir dans les dernières années. De plus, l’organisation qui a clairement inspiré Atalante, depuis sa fondation et jusque dans la moindre de ses actions (au point de reprendre le même lettrage sur ses banderoles), n’avait rien pour nous rassurer : CasaPound est une organisation néofasciste italienne, fondée en 2003, qui revendique plusieurs milliers d’adhérent·es, a pignon sur rue dans plusieurs villes italiennes et mène la vie dure aux immigrant·es et aux antifascistes.

Atalante est essentiellement basé dans la ville de Québec, malgré les quelques tentatives infructueuses pour créer une cellule fonctionnelle à Montréal et la présence de quelques militant·es éparpillé·es à travers la province (notamment au Saguenay). Notre collectif est quant à lui, comme son nom l’indique, basé à Montréal, et cette distance a constitué un frein à une pleine et entière mobilisation contre la formation néofasciste de Québec. Saluons au passage les militant·es antifascistes de Québec, qui d’abord peu nombreux·euses, ont inlassablement lutté sur le terrain contre Atalante, ses membres et ses idées.

Ce contexte, dans un climat politique favorable (islamophobie, regain du nationalisme identitaire) sera d’abord une recette gagnante, puisqu’Atalante comptera jusqu’à 60 membres et sympathisant·es à son point fort, en 2018-2019, en plus de disposer d’une audience bienveillante au sein du mouvement national-populiste. Avec l’inauguration de son club de boxe en 2017, nous craignions que l’étape suivante soit l’ouverture d’un local d’activités politiques, ce qui aurait marqué un tournant. Suivant l’adage « mieux vaut prévenir que guérir », nous avons décidé de mettre l’énergie nécessaire pour empêcher un groupe comme Atalante de s’épanouir et de s’implanter. Entre 2017 et 2022, le collectif Montréal Antifasciste a ainsi produit une série d’articles visant à combattre les idées toxiques et exposer publiquement les membres d’Atalante.

Les activités d’Atalante se sont dramatiquement résorbées, à partir de fin 2019, sous l’effet combiné de la constante attention négative des antifascistes et du bannissement de l’organisation des principales plateformes de médias sociaux, qui leur servaient à la fois de vitrine politique et de guichet de recrutement. Les déboires judiciaires de Raphaël Lévesque et Louis Fernandez n’ont certainement pas aidé : l’agression au bar Lvlop en décembre 2018 à jeté un froid sur l’organisation, et le procès de Lévesque dans l’affaire Vice n’a pas eu l’effet de vitrine politique escompté. Il appert également qu’un certain nombre de conflits interpersonnels ont pu diminuer la cohésion au sein du groupe et mener à la création de sous-cliques. Enfin, les membres d’Atalante, tout « antisystèmes » qu’ils disent être, semblent avoir été rattrapé par le système en passant la trentaine ou la quarantaine : des emplois plus confortables, des familles et des maisons en banlieue ne facilitent pas le militantisme nationaliste-révolutionnaire.

Depuis 2020, les sorties du groupe s’espacent et les militant·es sont moins nombreux·euses sur les photos. La pression s’est presque entièrement relâchée sur les antifascistes de la région. Le podcast L’armée des ondes, lancé en octobre 2020 et principalement diffusé sur la chaîne Telegram du groupe pour relancer ses activités, sort d’abord tous les mois, mais s’étiole lentement depuis 2022. À l’hiver 2021-2022, le groupe a bien tenté de s’implanter dans le mouvement d’opposition aux mesures sanitaires, mais sans grand succès. Le 24 juin 2022, on nous a signalé la participation du band Légitime Violence à l’événement « La Saint-Jean de la race » organisé par Nomos.tv et Alexandre Cormier-Denis.

Depuis, des membres clés d’Atalante semblent s’être recyclés dans des projets contre-culturels ou professionnels. Cerbère Studios est inscrit au registraire des entreprises au nom de Félix-Olivier Beauchamp, et donne probablement des contrats de graphisme au couple Étienne Mailhot-Bruneau et Laurence Fiset-Grenier. Louis Fernandez était pour un temps enregistré comme dirigeant de l’entreprise Saisis la foudre/Éditions Tardivel, avec Gabriel Drouin, mais l’entreprise a été radiée en 2021. Jonathan Payeur s’est pour sa part associé au musicien néonazi Steve Labrecque pour animer une distribution de vêtements identitaires/nazies sous la bannière Pagan Heritage (à l’heure d’écrire ces lignes, cependant, le site de la distro semble vide et inactif). Celui qu’on soupçonne d’être le principal idéologue du groupe, Antoine Mailhot-Bruneau, garde un profil bas et continue de travailler comme ambulancier à Lévis. Raphaël Lévesque, désormais papa, semble maintenant bien seul lorsqu’il tente d’intimider des militant·es antifascistes… Il n’est toutefois pas possible d’annoncer la fin officielle d’Atalante et rien n’empêche une future résurgence du groupe sous une forme ou une autre. Une poignée de militants, dont Jo Payeur, sont d’ailleurs ressortis récemment des égouts pour rendre hommage à leur maître à penser suicidé, Dominique Venner. On peut néanmoins affirmer que l’activité du groupe est pratiquement au point mort à ce stade-ci.

Les autres…

Pour sa part, le groupe islamophobe d’inspiration néonazie Soldiers of Odin Québec, qui avait attiré l’attention sur lui avec une série de sorties publiques et d’actions provocatrice en 2017 et 2018, n’a pas fait long feu après s’être heurté à des antifascistes en chair et en os. Malgré un changement de leadership, le groupe ne s’est jamais rétabli et semble aujourd’hui avoir complètement disparu.

La Fédération des Québécois de souche (FQS), avec son site Internet et son journal, Le Harfang, a longtemps été l’une des plus importantes plateformes d’information et de formation idéologique par et pour l’extrême droite québécoise. Fondée en 2007 par des néonazis, la FQS déployait depuis plus d’une décennie un grand parapluie où se côtoyaient – probablement pas sans difficulté – les familles d’extrême droite réactionnaires et « révolutionnaires ». Au moment d’écrire ces lignes, le nom de domaine quebecoisdesouche.info semble avoir été détourné ou non renouvelé, et les dernières publications sur le compte Twitter de la FQS datent de 2020. La chaîne Telegram du Harfang, qui compte 288 abonnés au moment d’écrire ceci, est toutefois encore très active et semble être la principale plateforme du groupe. La publication du Harfang, dont le plus récent numéro (printemps 2023) porte sur la théorie du « grand remplacement », se poursuit également. Aux dernières nouvelles, la direction du journal était assurée par le pseudonyme auteur de la FQS, Rémi Tremblay, ainsi que par Roch Tousignant et François Dumas, les dinosaures du Cercle Jeune nation, qui tentaient déjà d’unifier les différentes tendances de l’extrême droite dans les années 1990. (Lire à ce sujet la brochure Notre maître le passé?!? Extrême droite au Québec 1930-1998.)

Dans la même famille, le Front canadien-français, qui s’inspirait des précurseurs catholiques intégristes du Cercle Tardivel et du Mouvement Tradition Québec (proches de la FQS), ainsi que des projets d’Alexandre Cormier-Denis, s’est avéré une étoile filante en 2020, ses militants clés ne s’étant jamais tout à fait rétablis de l’article les exposant à la lumière du soleil. Quelques-uns de ses militants ont toutefois rebondi en 2022 en créant un nouveau projet nationaliste, la Nouvelle Alliance (NA). Il est pour l’instant exagéré de qualifier ce groupuscule de fasciste à proprement parler, mais il est aussi plutôt difficile de cerner avec précision son programme politique, sinon qu’il s’inscrit dans la tradition indépendantiste conservatrice et tend vers le confusionnisme. Ce qu’on peut affirmer avec certitude, cependant, est que son activisme reprend directement les méthodes d’Atalante (affichage, collages, accrochages de bannières, rassemblements commémoratifs, le tout s’appuyant lourdement sur la représentation ostentatoire dans les médias sociaux), lesquelles méthodes sont dérivées, comme nous l’avons vu, des mouvements néofascistes européens. Dernièrement, les militants de la NA se sont fait voir au stade de football lors des matchs du CF Montréal (formulant des menaces explicites et réussissant ainsi à se mettre à dos l’ensemble des groupes de partisans…), ce qui signale une intention de s’inscrire dans des espaces « culturels » historiquement contestés par les fachos. On nous rapporte également que des militants de la NA se livrent à de l’intimidation d’étudiant·es écologistes, ce qui indique là aussi une volonté claire d’antagoniser la gauche et les antifascistes. Sans même insister sur la filiation déjà évoquée avec le FCF et la participation d’individus déjà identifiés à l’extrême droite, il est assez évident que derrière l’image d’un nationalisme BCBG plus ou moins débarrassé du bagage sulfureux des groupes explicitement fascistes, ce sont les mêmes arrière-pensées et les mêmes motifs qui sous-tendent l’activité de ce nouveau projet. Leur autocollant reprenant le fameux slogan « Le Québec aux Québécois », même s’il joue d’ambiguïté, ne devrait laisser aucun doute à cet égard dans le contexte. Quoi qu’il en soit, s’ils cherchaient l’attention des antifascistes, ils l’ont trouvée.

Un autre fasciste notoire qui insiste lourdement pour démentir qu’il l’est (car le fascisme, c’est bien connu, a complètement disparu de la surface de la Terre en 1945…) est Alexandre Cormier-Denis, qui anime avec ses acolytes la webtélé, Nomos-tv. Depuis sa création, Nomos véhicule un ultranationalisme explicitement raciste et xénophobe, généralement réactionnaire, mais pas forcément hostile au « nationalisme révolutionnaire » (Cormier-Denis a déroulé le tapis rouge à Raphaël Lévesque d’Atalante en juin 2020). En plus de sa base d’appui au Québec, ce projet à caractère ethnonationaliste a trouvé dans les dernières années un écho particulièrement favorable dans les réseaux identitaires français, comme le confirme la forte activité sur la chaîne Telegram publique de Nomos et l’accent ridicule qu’a adopté Cormier-Denis dans ses capsules depuis quelque temps. Cormier-Denis a d’ailleurs chaudement soutenu la candidature d’Éric Zemmour (qu’il appelle facétieusement le « sépharade magique ») aux dernières élections présidentielles françaises, ce qui lui a en outre attiré les foudres des antisémites enragés, comme Sylvain Marcoux (voir ci-dessous). Cormier-Denis et Nomos adhèrent à la stratégie métapolitique théorisée par l’extrême droite française à partir des années 1980 (dans le giron du Groupement de recherche et d’études pour la civilisation européenne – GRECE), qui consiste à miser sur la transformation graduelle, sur le temps long, du paysage culturel et idéologique jusqu’à ce que le contexte général soit jugé favorable à la prise du pouvoir politique par l’extrême droite. Cette stratégie est d’ailleurs à l’œuvre en France depuis plus d’une génération et explique (entre autres facteurs) pourquoi le Rassemblement National de Marine Le Pen s’approche de plus en plus du pouvoir à chaque cycle électoral.

La chaîne Nomos a été déplatformée de YouTube en octobre 2021, en réponse à une plainte du Réseau canadien anti-haine, et ses animateurs ont choisi de transférer ses activités sur la plateforme Odyssée, en se repliant sur un modèle payant. Malgré cela, il est raisonnable d’affirmer que Nomos.tv est à l’heure actuelle une plateforme de premier plan pour l’extrême droite idéologique au Québec.

Et les nazis…

L’activité des charognes nazies a subi une suite de revers au Québec dans les dernières années, mais n’est jamais complètement disparue.

Montréal Antifasciste a suivi attentivement le procès pour incitation à la haine de Gabriel Sohier Chaput, alias Zeiger, qui s’est soldé par un verdict de culpabilité en janvier 2023. En dépit de ce verdict (que le principal intéressé souhaite porter en appel), le procès a été bâclé et a révélé l’incompétence de l’enquête policière et l’impréparation de la poursuite, à commencer par l’insuffisance des accusations portées contre cet idéologue et militant nazi extrêmement prolifique et influent entre 2014 et 2018. Rappelons que Sohier Chaput était un auteur et proche collaborateur du site The Daily Stormer, en plus de co-administrer le forum de discussion Iron March et de produire une chiée de propagande nazie et suprémaciste blanche pendant de nombreuses années. Il avait été identifié par des antifascistes en 2018 et fait l’objet d’une série d’articles dans la Montreal Gazette en mai de la même année. Sohier Chaput vit actuellement dans la petite localité de Marsoui, en Gaspésie, vraisemblablement chez un membre de sa famille.

Un de ceux qui avaient une opinion forte sur le procès de Zeiger était Sylvain Marcoux, dont le Parti nationaliste chrétien (PNC) n’a pas connu une très bonne année non plus. Après avoir été arrêté en août 2020 pour harcèlement criminel et intimidation à l’endroit du directeur de la Santé publique, Horacio Arruda, et avoir dû présenter des excuses en septembre 2021 pour s’en tirer avec une absolution, Marcoux n’a pas été en mesure de faire reconnaître son parti d’inspiration nazie par le directeur général des élections au scrutin provincial d’automne 2022. Qu’à cela ne tienne, Marcoux et ses acolytes du PNC, dont une certaine Andréanne Chabot, sévissent sur Telegram et sur Twitter, où ils créent de nouveaux comptes au fur et à mesure que la plateforme les supprime.

Dernièrement, Sylvain Marcoux a fait une apparition en marge d’une manifestation anti-drag à Sainte-Catherine, sur la rive sud de Montréal, où il a été accueilli avec une volée de bois vert par les antifascistes réuni·es sur place pour bloquer les homophobes.

D’autres bozos ont aussi décidé de faire une apparition lors de cet événement, soit les militants de White Lives Matter (WLM), qui avaient fait l’objet d’un article de Montréal Antifasciste en mars 2022. Deux d’entre eux, Raphaël Dinucci St-Hilaire (de Laval) et David Barrette (de Saint-Jean-sur-Richelieu), ont eux aussi vite appris que les trans et les queers savent se défendre, et doivent désormais composer avec le fait d’être identifiés à cette organisation suprémaciste blanche, avec les conséquences que cela implique.

Il en va de même pour Shawn Beauvais MacDonald, un autre nazi bien connu de nos services, habitué du chat WLM, dont nous soupçonnons fortement qu’il est lié à la création d’un nouveau projet activiste local, analogue à WLM, le Frontenac Active Club. Selon l’Anti-Defamation League :

« Les Active Clubs forment un réseau [inter]national de bandes localisées de suprémacistes blancs en grande partie inspirés du Rise Above Movement (R.A.M.) de Robert Rondo. Les membres des AC se voient comme des guerriers s’entraînant pour la guerre en cours contre un système qui, selon eux, conspire délibérément contre la race blanche. »

Le 21 avril 2023, des autocollants du Frontenac AC sont apparus sur la rue Atateken, dans le Village de Montréal, et le jour même, une publication a été affichée sur la chaîne Telegram @FrontenacAC revendiquant les collants, avec la légende « J’débarque en drift à la pride, mon capot inclusif ». Ce message fait explicitement référence aux attentats à la voiture-bélier comme celui qui a coûté la vie à Heather Heyer, le 12 août 2017, à Charlottesville, en Virginie, en marge du rassemblement suprémaciste « Unite the Right » (auquel a d’ailleurs participé Shawn Beauvais MacDonald). Or, le lendemain, après une activité de lancement de livre coorganisé par Montréal Antifasciste au Comité social Centre-Sud, qui se trouve à deux pas de là où les autocollants Frontenac AC ont été posés la veille, ce même Beauvais MacDonald a eu l’idée fort saugrenue de se présenter seul au bar Yer’Mad, un lieu de rencontre bien connu de l’extrême gauche montréalaise, dans le but évident d’en intimider la clientèle. Ayant été informé·es de sa présence, des antifascistes se sont rapidement présenté·es sur place et l’en ont expulsé manu militari. Cette séquence d’événements nous porte à croire que Shawn Beauvais MacDonald est un acteur clé de cette nouvelle initiative. Des autocollants Frontenac Active Club sont aussi apparus dans les derniers temps à Saint-Jean-sur-Richelieu et à Bromont.

Dans la région de Québec, la quasi-disparition d’Atalante a laissé un vide, mais les nazis ne sont jamais bien loin. Au printemps 2019, le groupe phare de la formation néofasciste, Légitime Violence, a tenté d’organiser un spectacle avec le groupe français de black métal néonazi Baise ma hache dans un centre communautaire de Québec, mais la vigilance de la communauté les a forcés à se réfugier plutôt au bar Le Duck. Cet établissement semble d’ailleurs cultiver une certaine sympathie pour les nazis, puisqu’il a accueilli des membres de l’entourage de Légitime Violence, des militants de WLM et des sympathisant·es de Nomos, en juin 2022, à l’occasion d’un événement appelé la « Saint-Jean de la race ».

Il convient aussi d’attirer l’attention sur un curieux phénomène qui a agité la scène hardcore de Québec en 2023. En février dernier, un nouveau groupe, du nom de R.A.W, commence à faire parler de lui. En creusant un peu, on apprend que ce sigle signifie Rock Against Wokism (une référence pas très subtile au mouvement néonazi Rock Against Communism), le fameux « wokisme » étant personnifié sur leur matériel visuel par Justin Trudeau mangeant un coup de poing sur la gueule. Il y a bien sûr d’innombrables raisons d’en vouloir à Justin Trudeau et à son gouvernement, comme le fait qu’il sert les intérêts capitalistes, mais nous ne croyons pas que sa défense des minorités en fasse partie… (Soulignons au passage que le visuel du groupe est librement inspiré de celui du groupe métal Pantera, dont le chanteur aime bien lui aussi tendre le bras à l’occasion…)

Comme si ce n’était pas suffisant, le groupe a comme batteur Philippe Dionne, un ancien membre de Légitime Violence, ce qui ne semble pas déranger outre mesure les autres membres du groupe. Le chanteur, Martin Cloutier, pour sa part, a confusément tenté d’expliquer la démarche du groupe, mais a fini par s’enfarger très publiquement dans son jupon transphobe, lui qui est un adepte de Tucker Carlson, Breitbart News et autres pourritures de l’extrême droite américaine.

Le groupe avait prévu un concert le 4 mars, mais la scène hardcore antiraciste de la province s’est rapidement mobilisée et les groupes qui devaient partager l’affiche avec eux se sont mis à annuler les uns après les autres. La soirée a fini par se tenir au Studio Sonum, connu pour employer des fascistes, avec un seul autre groupe, Corruption 86, dont le chanteur, Laurent Brient, est connu pour avoir été également membre de la formation white power Bootprint, sans oublier son adhésion à une tentative de formation d’un chapitre du groupe néonazi Volksfront au début des années 2010. Qui se ressemble s’assemble…

D’autres nazis de la région dont nous avons déjà parlé continuent aussi à y sévir à divers degrés : Gabriel Marcon Drapeau continue à vendre ses camelotes nazies sous la bannière Vinland Stiker, notamment au marché aux puces Jean-Talon, à Charlesbourg (dont l’administration semble tolérer qu’un nazi y vende régulièrement de la marchandise nazie depuis des mois…). Et toujours dans le département de la guénille, nous avons déjà mentionné le projet Pagan Heritage de Steve Labrecque et Jonahtan Payeur.

La spirale antisanitaire, les fantasmes de complot et la « réinfosphère »

Montréal Antifasciste a plus d’une fois abordé, durant et après la pandémie de COVID-19, la convergence observée de certains courants d’extrême droite avec la mouvance complotiste et la « conspiritualité », un phénomène antisanitaire dérivé des milieux hippies/New Age. Malgré les liens de plus en plus flagrants et répandus entre ces trois tendances, qui, au Canada, ont abouti au grotesque « convoi de la liberté », certaines voix à gauche se sont élevées (et le font encore!) pour défendre cette convergence comme l’expression d’une révolte populaire légitime contre les élites, qu’il faudrait soutenir et accompagner (les plus cyniques diraient exploiter…) plutôt que dénoncer et combattre au vu de ses dimensions réactionnaires, égoïstes et antiscientifiques.

Nous persistons à croire qu’il s’agit là d’une grossière faute d’analyse, comme le confirment les plus récentes orientations de la complosphère, et que la spirale antisanitaire observée au cours des dernières années est à la fois une manifestation de l’extrême droite et une occasion pour elle de faire rayonner ses thèmes et ses obsessions. Ce faisant, elle parvient à ouvrir considérablement sur la droite la fenêtre d’Overton, soit le spectre des idées acceptables au sein de la population générale. Comme pour élargir à un plus large public les chambres d’écho antisanitaires qui s’étaient formées sur les médias sociaux durant la pandémie (lesquelles s’appuyaient déjà largement sur les chambres d’écho xénophobes/islamophobes de la période précédente), la complosphère s’est dotée dans les dernières années de plateformes de diffusion s’inspirant, parfois explicitement, du concept de « réinformation » développée par l’extrême droite française depuis une vingtaine d’années.

C’est le cas notamment du projet Lux Média (anciennement le Stu Dio), animé par André « Stu Pit » Pitre, qui se réclame ouvertement de ce concept. Pitre et ses collaborateurs répandent non seulement tous les fantasmes du complot en vogue (innombrables variations sur le thème des vaccins mortifères, climatoscepticisme, grooming panic et pédosatanisme, le « Big Lie » de Trump et autres motifs de la fantasmagorie QAnon, etc.), mais aussi un nombre incalculable de menteries grossières (il est d’ailleurs permis de douter de la sincérité et de l’intégrité morale de Pitre, qui semble avant tout préoccupé par le maintien de ses sources de revenus) ainsi que de nombreux sujets appartenant historiquement à l’extrême droite, comme le « grand remplacement » et autres prétendues machinations des « mondialistes » (un euphémisme/dogwhistle antisémite) pour faire disparaître la civilisation occidentale. Il y a quelques années à peine, ces thèmes n’étaient vraiment abordés que dans les sphères de l’extrême droite idéologique, comme la Fédération des Québécois de souche, mais l’influence combinée des milieux nationaux-populistes de la période 2016-2019 et de la complosphère antisanitaire plus récente ont eu pour effet d’élargir considérablement le bassin des personnes qui y sont exposées. Le confusionnisme, c’est-à-dire le brouillage délibéré du sens des mots et des concepts politiques et leur détournement à des fins malveillantes, est un autre moyen employé par ces acteurs pour manipuler les esprits et favoriser l’adhésion à cet assemblage toxique de propos mensongers, de fantasmes du complot et de clichés d’extrême droite. (Mise à jour : Le 24 juin 2023, à l’occasion de la Saint-Jean-Baptiste, Lux Média a prêté ses locaux à Nomos-tv pour lui permettre de faire d’enregister devant public la deuxième édition de son événement spécial appelé « Saint-Jean de la race », ce qui signale un rapprochement clair entre les deux projets et confirme encore une fois la pollénisation croisée de l’extrême droite et de la complosphère.)

En quête perpétuelle de clics (que ce soit pour maintenir leur flux de revenus ou leur statut nouvellement acquis de petite vedette), une petite armée de leaders et d’influenceurs complotistes exploite l’anxiété générée par les crises du monde actuel, la peur du changement et la grande crédulité d’une partie de la population – qui est favorisée par la structure même des médias sociaux et la méfiance légitime à l’égard des les médias de masse – pour détourner et fanatiser une base déjà susceptible aux fantasmes de complot. Cette mécanique insidieuse fait en sorte que « l’agenda » complotiste est de plus en plus influencé, voire déterminé, par l’extrême droite, et que l’arrimage des deux est de plus en plus étroit.

Le prétendu « convoi de la liberté » en 2022, qui était dès le départ organisé par des militant·es identifié·es à l’extrême droite, a marqué à cet égard une accélération. L’opposition aux obligations vaccinales s’est vite transformée en opposition à la vaccination tout court, puis assez vite les délires complotistes QAnon et autres éléments de discours en rupture avec la réalité sont venus prendre de plus en plus de place dans la rhétorique des sympathisant·es lambda du convoi. Rappelons d’ailleurs ici que les Farfadaas, dirigé par Steve « l’Artiss » Charland, ex-lieutenant de La Meute, se sont impliqués à fond dans le convoi et le mouvement d’opposition aux mesures sanitaires, tout comme Mario Roy, une figure de premier plan de Storm Alliance et autres groupuscules islamophobes de la période 2016-2019.

En février dernier, soit un an après le démantèlement du convoi, Christine Anderson, une députée européenne de la formation allemande d’extrême droite Alternative für Deutschland (AfD), a été invitée à effectuer une tournée canadienne en surfant sur son soutien au convoi. Cette tournée était sponsorisée au Québec par la Fondation pour la protection des droits et libertés du peuple, dont le principal porte-parole, Stéphane Blais, s’est fait connaître pour les démarches judiciaires farfelues qu’il a entreprises contre le gouvernement du Québec. (Notons que les organisateurs de la conférence d’Anderson à Montréal ont dû déplacer l’événement à l’extérieur de la ville en raison des pressions antifascistes.) Récemment, un autre influenceur et pompe à fric complotiste, Samuel Grenier, a annoncé qu’il organisait à l’été 2023 une série d’événements suivant la même formule, cette fois-ci avec une députée du Rassemblement national (RN), le parti d’extrême droite français.

Mais sans doute le développement récent le plus significatif de la complosphère québécoise, du point de vue antifasciste, est la rapide fanatisation des discours anti-LGBTQ+, qui sont à la fois un élément central des fantasmes de complot contemporains et un thème récurrent de l’alt-right et de l’extrême droite religieuse. Au Québec, l’hystérie « anti-drag », qui a déjà fait des dégâts importants aux États-Unis sur le plan politique institutionnel, est principalement portée par le militant anti-vaccin François Amalega Bitondo. Celui-ci est proche des courants évangélistes qui ont fait leur beurre durant la pandémie, comme Carlos Norbal, le pasteur-entrepreneur (sic) à la tête de l’Église Nouvelle création, et les animateurs de la chaîne ThéoVox.tv, dont Jean-François Denis. Il est aussi un invité récurrent de Lux Media et exerce une forte influence sur la complosphère par ses interventions régulières sur les médias sociaux. Il se consacre désormais entièrement à la croisade anti-LGBTQ+, ayant notamment organisé (ou tenté d’organiser…) une série de manifestations contre les heures du conte en drag de l’artiste et pédagogue Barbada. Pour l’instant, ces rassemblements (le 2 avril à Sainte-Catherine et le 16 mai à Mercier-Est) ont été mis en déroute par la communauté trans et queer antifasciste, mais au moment d’écrire ces lignes, Amalega ne montre aucun signe de vouloir ralentir ses ardeurs homophobes/transphobes et a lancé un appel à manifester à Jonquière, le 26 mai. Appel auquel ses suiveux·ses de la région semblent vouloir donner suite.

La vive opposition antifasciste à l’offensive haineuse des conspis en a surpris plus d’un·e – dont Amalega lui-même –, puisqu’iels découvrent une forme de résistance qui leur avait largement échappé jusque-là. Citons à ce propos le compte-rendu de la contre-manifestation du 2 avril produit par Montréal Antifasciste :

« Il convient de dire ici que le milieu complotiste a largement été épargné par les antifascistes au cours des trois années marquées par la pandémie. Malgré la proximité maintes fois explicitée entre l’extrême droite et les fantasmes de complot, les enjeux d’ordre sanitaire relèvent pour l’essentiel de choix personnels, et il est compliqué et délicat d’intervenir contre des personnes et des regroupements sans contours clairs dont le principal défaut est d’adhérer à des balivernes antiscientifiques. Une ligne est toutefois franchie lorsque ces fantasmes de complot visent directement nos communautés et compromettent notre sécurité à court, moyen et long terme. C’est cette ligne que franchissent actuellement les anti-drag et les transphobes avec leur panique bidon, et il est absolument nécessaire de leur envoyer le message que les communautés queers et trans ne se laisseront pas intimider sans se défendre. Qu’il ne subsiste aucun doute à cet égard : si les queerphobes/transphobes persistent dans leur démarche de diabolisation de nos communautés, iels nous trouveront toujours sur leur chemin. Queers bash back, darling… »

La galaxie des « réinformateurs »

Outre les plateformes déjà mentionnées, comme Nomos.tv et Lux Media, un certain nombre d’autres projets médiatiques participent activement à cette convergence des sphères complotistes et de l’extrême droite.

Le plus influent durant la pandémie était sans doute Radio-Québec, animé par Alexis Cossette-Trudel. Radio-Canada a démontré en 2020 que Cossette-Trudel était l’un des principaux passeurs des délires QAnon dans le monde. Celui-ci a d’ailleurs été déplateformé (de Facebook en octobre 2020, et de Twitter en janvier 2021), mais la nouvelle administration de Twitter, qui s’avère un grand allié de l’extrême droite et de la désinformation, a tout récemment jugé bon de lui redonner l’accès à son compte. Radio-Québec reste sans aucun doute l’une des plus importantes plateformes complotistes au Québec à l’heure actuelle.

Un autre projet qui a vu le jour dans la foulée de la pandémie, sur une plateforme quasi complotiste fortement marquée à droite, est Libre-Média. Son rédacteur en chef est Jérôme Blanchet-Gravel, une espèce de Mathieu Bock-Côté de pacotille qui a fait de la misogynie un véritable mode de vie. Disant se porter à la défense de la « liberté de presse et d’expression », Libre-Media reprend en fait tous les thèmes de la complosphère antisanitaire et relaie plusieurs fantasmes de complot en vogue, sur une ligne éditoriale agressivement « anti-woke ».

Rebel News Québec, une section locale du média « alt-light » d’Ezra Levant qualifié par Radio-Canada de « site de fausses nouvelles », a vu le jour en 2022. C’est essentiellement le one-woman-show de la très cringe Alexandra (Alexa) Lavoie, secondée dans sa démarche par un certain Guillaume Roy. Le style de la maison est brouillon et incompétent (tout en revendiquant un statut de journalisme professionnel), mais ça n’a aucune importance, car le but de l’entreprise est de provoquer et d’alimenter la colère de la base complotiste. Il suffit de voir pour s’en convaincre le particulièrement pathétique reportage sur l’action de défense communautaire contre les anti-drag du 16 mai.

Nous avons déjà mentionné la plateforme évangéliste ThéoVox.tv, un studio de web télé doublé d’un « ministère », qui relaie et alimente les obsessions du complotisme antisanitaire en les enrobant d’un discours moralisant hyperconservateur. ThéoVox accueille régulièrement François Amalega sur son plateau, où il répand librement sa hantise des LGBTQ+. Amalega est aussi un favori du pasteur Carlos Norbal, qui l’invite même à l’occasion à prêcher lors de ses services dominicaux!

Il existe en outre toute une galaxie de vlogueurs·euses complotistes plus ou moins influent·es, qui ensemble forment un écosystème fermé où les fantasmes de complot aux accents fascisants circulent librement. Nommons Stéphane Blais, Dan Pilon, Amélie Paul, Samuel Grenier, Carl Giroux, Jonathan « Joe l’Indigo » Blanchette, Mel Goyer, Maxime « le policier du peuple » Ouimet et une pléthore d’autres coucous de la même portée.

Fermons ce tour d’horizon en mentionnant la chaîne Odyssée (une alternative à YouTube extrêmement accueillante pour l’extrême droite, où s’est notamment réfugié Nomos.tv) de Jean-François Gariépy, un ethnonationaliste québécois jouissant d’une notoriété et d’une influence considérables dans ce qu’il reste du milieu alt-right à l’échelle internationale.

Prendre la mesure du problème et agir en conséquence…

Bien entendu, il n’y aura pas de solution simple à la montée de l’extrême droite, ni au problème endémique des fantasmes de complot qui intoxiquent une partie considérable de la population par le truchement des médias sociaux. Il est toutefois important de connaître les sources de la toxicité et ses principaux facteurs si l’on espère l’endiguer un tant soit peu. Il importe également de comprendre la mécanique par laquelle ces fantasmes favorisent la fanatisation de la base complotiste et l’essor de l’extrême droite, dont les thèmes sont de plus en plus exploités par ces mêmes « réinformateurs » malveillants.

La question se pose ensuite de la marche à suivre pour renverser la vapeur… Comme nous l’avons déjà écrit, ces développements sont avant tout conditionnés par des facteurs systémiques : crise de confiance à l’égard des institutions de pouvoir, multiples crises imbriquées (dont celle du capitalisme en tant que tel), pertes des repères et érosion des privilèges de la classe moyenne blanche hétéronormative, intégration des éléments de programmes de la droite populiste dans le mainstream culturel et politique, etc. La logique élémentaire voudrait donc que toute proposition de solution durable tienne compte de ces facteurs et revête également un caractère systémique.

Il importe par ailleurs de prendre en considération l’attitude du système face à ces phénomènes et d’anticiper ses conséquences sur nos propres mouvements. Il convient par exemple de mentionner la manière dont l’État et les différents centres du pouvoir capitaliste utilisent la peur du fascisme pour consolider de nouveaux outils de répression. On l’a bien vu, par exemple, dans le contexte du « convoi de la liberté », avec la législation d’urgence, la démonétisation des organisateurs·trices et les différentes manières dont la peur du fascisme a été invoquée par les commentateurs de droite et libéraux pour justifier les mesures extraordinaires de répression. Non seulement l’antifascisme libéral ne remet pas en cause le système, il peut aussi facilement devenir un moyen pratique de consolider un système politique répressif et de réaffirmer la légitimité de l’État à écraser toustes ses opposant·es, quel que soit leur positionnement idéologique. Comme nous l’écrivions quelques mois après le convoi :

« Plusieurs ont aussi accueilli favorablement la loi d’exception invoquée par le gouvernement pour mater quelques centaines d’hurluberlus frustrés. Un tel enthousiasme à l’égard de la répression trahit une mauvaise compréhension des rapports entre l’État bourgeois et les mouvements sociaux. La principale utilité du recours à cette mesure pour le gouvernement, au-delà des pouvoirs immédiats qu’elle lui conférait pour saboter l’organisation des anti-vaxx, a été de créer un précédent pour les prochaines occasions de réprimer les mouvements de dissidence ou de désobéissance populaires, qu’ils soient progressistes ou réactionnaires. Ce précédent devrait donc fortement inquiéter quiconque sympathise avec les mouvements pour la justice sociale et économique, la décolonisation ou la protection de l’environnement qui pourraient être portés à mener des actions de désobéissance à l’avenir. On peut sans difficulté anticiper les éventuelles réactions de l’État, par exemple, quand des communautés autochtones reprendront des moyens extralégaux pour défendre leurs territoires ou quand la nouvelle génération recourra inévitablement aux actions directes pour réclamer des transformations radicales de la société et de la gouvernance au regard des changements climatiques qui se précipitent. Si la mesure législative exceptionnelle est employée cette fois-ci contre un groupe dont les pulsions réactionnaires nous répugnent, rien ne garantit qu’elle ne sera pas invoquée plus tard pour réprimer des revendications qui nous tiennent à cœur. En fait, l’histoire nous enseigne que la répression s’est presque toujours abattue avec plus de zèle et de force sur les mouvements progressistes que sur les mouvements réactionnaires… »

///

Quelles sont donc nos perspectives, en 2023, pour contrer efficacement la normalisation des thèmes d’extrême droite et la dangereuse convergence réactionnaire décrite ci-dessus, mais aussi la reproduction des systèmes de domination qui en sont la cause? Nous croyons qu’une partie du défi qui se pose à nous est d’arrimer la multitude des résistances particulières dans un mouvement social antifasciste large et unitaire. C’est-à-dire multiplier les solidarités de sorte que, par exemple, les dimensions antiraciste, anticolonialiste et anti-hétéropatriarcale de la lutte antifasciste (et toute autre dimension) progressent simultanément et s’arriment en même temps aux mouvements écologistes et anticapitalistes. Pour citer à nouveau notre texte de mai 2022 :

« En tant qu’antifascistes et anticapitalistes, nous croyons qu’il faut impérativement penser et actualiser la résistance, non seulement à l’extrême droite et à la menace fasciste, mais aussi à l’État bourgeois et aux institutions de pouvoir connexes qui renforcent l’hégémonie néolibérale et l’ordre social colonial. L’État bourgeois ne veut pas notre bien, et les tensions entre les intérêts des différentes classes sociales sont aussi irréconciliables aujourd’hui qu’elles l’ont toujours été. (…) Face à l’extrême droite et à la menace fasciste, d’une part, et à l’hégémonie néolibérale, d’autre part, notre souhait le plus cher est de voir le camp de l’émancipation se rallier autour d’un projet à la fois antiraciste/antifasciste, féministe, anticapitaliste et anticolonialiste. »

Il faut aussi, bien sûr, s’atteler concrètement à la pénible tâche de déconstruire les discours complotistes et d’exposer leur ancrage dans l’extrême droite, et ce, sans s’y perdre. Ce qui est plus facile à dire qu’à faire, au vu de la loi de Brandolini, qui énonce que « la quantité d’énergie nécessaire pour réfuter des sottises est est d’un ordre de grandeur supérieur à celle nécessaire pour les produire ». Mais il faut bien que la raison triomphe, alors il nous faudra trouver collectivement les moyens de résoudre cette problématique.

Dans le même ordre d’esprit, en guise de tâche concrète, il nous semble essentiel de déconstruire au quotidien, dans nos milieux de vie et de travail, l’hystérie anti-woke qui a empoisonné l’espace public ces dernières années. Par définition, la personne qui se dit anti-woke affirme essentiellement être anti-antiraciste, anti-antisexiste, anti-égalité, anti-justice sociale et, ultimement, anti-empathie! En d’autres termes, être anti-woke, c’est avouer son désarroi devant un monde qui change et évolue vers une plus grande acceptation de la différence et de la diversité, vers une décomposition de la suprématie blanche et hétéropatriarcale, et vers une situation de justice et d’égalité plus généralisée. C’est la définition même d’un état d’esprit réactionnaire, et il nous emble nécessaire de combattre cette tendance de plus en plus présente dans l’espace public et la culture générale. Sans nécessairement accepter sans broncher l’étiquette « woke » qu’on cherche bêtement à leur accoler (qui a ce stade-ci, de toute façon, ne désigne plus qu’une caricature vidée de toute substance), nos mouvements doivent reconnaître et continuer à faire valoir l’importance de « rester woke », au sens original du terme, c’est-à-dire de demeurer sensible aux injustices et aux inégalités d’ordre systémique et de s’engager au mieux de notre possible pour les démanteler.

Et finalement, comme toujours, « nous invitons nos sympathisant·e·s à renouveler leur engagement dans la pratique antifasciste, c’est-à-dire dans l’autodéfense populaire/communautaire, et ce, sans jamais perdre de vue l’horizon révolutionnaire. Car une véritable émancipation ne s’obtiendra jamais par la pétition. »

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¡No pasarán!

[1]               La crise des « accommodements raisonnables » est une séquence de controverses largement fabriquées et montées en épingle, entre 2006 et 2008, par les médias populistes de l’empire Québecor et des formations politiques opportunistes, dont l’Action démocratique du Québec de Mario Dumont (précurseur direct de la Coalition avenir Québec, formée en 2011) et le Parti québécois, dont le projet de « charte des valeurs » (2013) était porté par Bernard Drainville, lequel est aujourd’hui… au service de la CAQ!

Conspis et néonazis : qui sont les organisateurs de la manifestation anti-LGBTQ du 8 juillet à Québec?

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Juin 262023
 

De Montréal Antifasciste

Attention : cet article contient des éléments de contenu explicitement homophobes, racistes et antisémites.

Le 8 juillet prochain doit avoir lieu à Québec une manifestation « contre la propagande LGBTQ dans les écoles et les institutions ». Cette manifestation s’inscrit en fait dans une série d’événements organisés depuis quelque temps au Québec dans l’intention apparente de diaboliser les communautés LGBTQ et leurs allié·es. Le prétexte pour tenir ce rassemblement devant le Musée de la civilisation de Québec est une exposition en cours examinant « les multiples réalités liées aux identités de genre ».

François Amalega Bitondo, dont nous avons parlé à plusieurs reprises au cours des derniers mois, est à nouveau impliqué dans cette mobilisation, mais il n’en est pas l’instigateur. Peut-être pour renforcer une crédibilité quelque peu ébranlée, il s’est cette fois-ci associé sur Facebook à de mystérieux « jeunes » qui disent être à l’origine de la démarche.

Mais qui sont ces fameux jeunes? Et d’où exactement provient cet appel à manifester? Cet article vise à démontrer que les initiateurs de la manifestation anti-LGBTQ du 8 juillet sont en fait un petit groupe de jeunes néonazis du clavier (dont un personnage que nous suivions déjà depuis quelques années) et que la base d’appui de cette mobilisation est fermement ancrée dans les réseaux d’extrême droite et néonazis québécois, dont l’entourage du Parti nationaliste chrétien de Sylvain Marcoux, qui exerce manifestement un ascendant considérable sur ces jeunes esprits.

À la lumière des renseignements exposés dans cet article, il est plus évident que jamais que les communautés concernées et leurs allié·es doivent se mobiliser et résister par tous les moyens nécessaires à la montée de la haine anti-LGBTQ, qui remplit clairement aujourd’hui une fonction de fanatisation des sphères conservatrices et complotistes.

Une contre-manifestation aura d’ailleurs lieu à Québec le 8 juillet; restez à l’affût pour plus de renseignements.

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Qui est « Lucas Ali Boucher Thériault »?

Pendant plusieurs semaines suivant la création de l’événement Facebook par un certain Lucas Ali Boucher Thériault, le 8 juin 2023, les deux seuls organisateurs listés publiquement étaient celui-ci et le militant complotiste François Amalega.

Plus récemment, d’autres coorganisateurs ont été listés, dont Carl Giroux, un influenceur antisanitaire, et deux autres individus qui semblent être connectés (du moins par les médias sociaux) au jeune Boucher Thériault : Justin Crépeau, de Québec, et le compte « Chose Mat ».

Lucas Boucher Thériault est un résident de la région de Lanaudière (Joliette, Saint-Jean-de-Matha) qui n’a pas plus de 15 ou 16 ans aujourd’hui, mais qui était déjà sur notre radar depuis quelques années en raison de ses activités douteuses sur les médias sociaux. Nous l’avons notamment suivi sur Instagram et Twitter ainsi que sur la plateforme Discord, où il a créé une chaîne à saveur « identitaire » alors qu’il n’avait que 13 ans.

À l’été 2021, son activité trahissait déjà un ancrage à l’extrême droite, et manifestement, le jeune Lucas n’a fait que se fanatiser depuis. En plus de reprendre tous les motifs antisémites bien connus (il recommandait récemment sur Twitter un documentaire de propagande néonazie extrêmement populaire dans ces réseaux), son discours s’est porté avec insistance sur les communautés LGBTQ, qu’il associe intégralement au « grooming », soit le conditionnement des personnes mineures à des fins d’exploitation sexuelle. Cette vieille obsession de l’extrême droite – qui se conjugue au vieux fond d’homophobie tout droit hérité de la morale religieuse – agite particulièrement les milieux complotistes depuis quelque temps, comme en fait foi le langage halluciné (et explicitement transphobe) entourant les récentes tentatives de mobilisation contre les heures du conte en drag.

En juin 2021, Lucas Boucher Thériault crée le compte « lucas_le_patriote » sur Instagram; de l’été à l’hiver 2021, plusieurs autres comptes sont aussi créés sous différents pseudonymes, et de nombreux indices (photos, vêtements et accessoires, références croisées et redondances, etc.) permettent facilement d’établir le lien avec Lucas Boucher Thériault; dans les captures d’écran ci-dessous, tout indique que les comptes « Metalbuzz268 », « Vector_the_boss », « Blair_insta_ », « Tomate_kasher88 » et « Lucasbackup14 » sont tous administrés par lui. Notez l’utilisation des chiffres 14 et 88, deux codes néonazis notoires, et les nombreux autres référents d’extrême droite. Même en l’absence d’indices probants, nous croyons que le compte « Tabarnak38tabarnak » s’inscrit dans le même petit système. Il pourrait toutefois aussi appartenir à un comparse. Nous laisserons nos lecteurs·rices tirer leurs propres conclusions à cet égard.

De juin à août 2021, Lucas Boucher Thériault déploie également son activité sur la plateforme Discord, sous les pseudos « Commander Lucas » (Christian Power) et, plus tard, « Loyalty ». Après avoir créé la chaîne « Québec identitaire » (d’abord baptisée « Xero’s Anti-Governement », puis « Nam Deus »), il y évoque avec d’autres la création d’une milice patriotique, à laquelle il consacre un salon de discussion. Il y publie même un « manifeste » (en réalité, une fort mauvaise dissertation d’anglais), dont les métadonnées révèlent son identité en propre. C’est au moins en partie dans ce bouillon toxique que s’est opérée sa fanatisation.

Il « arrive sur Twitter » en octobre 2021 avec le compte @knowyourenemyt_ (créé en juillet 2018). Il y adopte le pseudo « Bad Goy » (goy signifie non-Juif). En guise d’exemples de son activité, il y fait la promotion de la plateforme de diffusion web antisémite Goyim.tv et de la Goyim Defense League, décrite par l’Anti-Defamation League comme un réseau informel d’individus dont l’objectif général est « de jeter l’opprobre sur les Juifs et de répande des mythes et des théories du complot antisémites »; le 15 juin dernier, il a relayé un tweet du groupe néonazi Active Club de Californie; le 17 juin, suite à la disparition en mer de centaines de réfugiés au large des côtes grecques, Lucas Boucher Thériault relaie un tweet se désolant que 12 personnes d’origine pakistanaise aient survécu au naufrage…

Il est tout à fait légitime de penser que Lucas Boucher Thériault n’est qu’un enfant en mal d’attention qui a fait une série de choix déplorables sous l’influence d’idéologues malveillants; c’est rigoureusement vrai. Toutefois, du moment que les mauvais choix de cette jeune personne le mènent à s’afficher comme nazi – pendant plusieurs années et sans aucun signe de vouloir ralentir son dérapage – pour finalement organiser publiquement une manifestation anti-LGBTQ, une ligne rouge est dépassée. Nous croyons qu’il devient alors nécessaire de le dénoncer tout aussi publiquement. Le même raisonnement s’applique aux autres jeunes nommés dans cet article.

Nous ne prenons aucun plaisir à exposer ce jeune homme et ses acolytes aux conséquences de leurs actes, mais certaines leçons importantes doivent être apprises à la dure quand le bon sens élémentaire ou l’encadrement parental ne suffisent pas à rectifier la mauvaise trajectoire. Le niaisage nazi derrière un clavier, c’est une chose; l’organisation in real life, c’en est une autre. Et il n’est jamais trop tôt pour comprendre qu’à ce jeu, les conséquences sont proportionnelles au niveau d’engagement.

L’amplification du signal de la manif du 8 juillet

Le rôle de Lucas Boucher Thériault ne fait donc aucun doute, mais nous croyons également utile de retracer l’origine de cet appel à manifester ainsi que la chronologie de son amplification, qui révèle le rôle des autres nazillons dans ce plan foireux.

Sur Telegram

  • Le 2 juin est créé le canal Telegram « Comité Anti-Grooming », qui se décrit comme un « groupe de dissidents opposés à la propagande lgbt sur les jeunes ». L’appel à manifester y est publié. Il est également relayé sur Instagram le 14 juin par un compte du même nom (rebaptisé récemment anti_grooming_quebec), dont une autre utilisatrice d’Instagram affirme publiquement qu’il est administré par Justin Crépeau. Première coïncidence…
  • Le 7 juin 2023, le compte Telegram « FierCF » (@Skullmaskowner1488) relaie l’appel sur la chaîne publique « Clavardage Nomos-TV ».

À noter que l’avatar du compte « FierCF », au moment de cette publication, était un totenkopf (insigne des SS) et que son nom d’utilisateur était @Skullmaskowner1488 (le masque de tête de mort et le chiffre 1488 sont deux motifs de référence néonazis). L’utilisateur en question a plus tard changé son pseudo pour @fuckni****rs1488 (le mot raciste est ici caviardé), et plus récemment pour @jeanpatriote14. Au moment de rédiger ceci, son avatar est un Carillon Sacré-Cœur. On remarque ici la transposition des symboles du nationalisme canadien-français sur ceux du nazisme.

Il n’est pas possible d’affirmer avec certitude que ce compte Telegram est lié aux jeunes coorganisateurs nommés ici, mais des indices forts permettent de le croire (comme nous le démontrons ci-dessous) et les efforts de cet utilisateur pour promouvoir la manifestation du 8 juillet sur la chaîne de Nomos coïncident parfaitement avec l’activité des autres comptes de médias sociaux cités ici au cours du mois de juin.

  • Le 8 juin, Lucas Boucher Thériault crée l’événement Facebook pour la manifestation; il est relayé le même jour par le Parti nationaliste chrétien, le groupuscule d’inspiration néonazie de Sylvain Marcoux.
  • Le 22 juin, « FierCF » confirme dans le salon de clavardage de Nomos que la manifestation aura bel et bien lieu.

Sur Twitter

Tout porte à croire que le compte @AntiwokeL73304 (créé en juin 2023) est aussi administré par l’un ou l’autre des coorganisateurs de la manifestation du 8 juillet. Même si le nom et l’habillage du compte ont été modifiés depuis, pendant quelques jours le pseudo public était « Anti-f****t Army » (le terme homophobe est ici caviardé) et son avatar était un totenkopf. La description du profil comportait la mention « Également un fier NS », soit national-socialiste, c’est-à-dire, nazi. Le nom actuel du compte @AntiwokeL73304 est « Vieux rat grincheux ».

  • Le 13 juin, après avoir relayé la publication d’Amalega sur la manifestation, « Vieux rat grincheux » révèle dans un commentaire qu’il fait partie des organisateurs; deux jours plus tard, il s’étonne que les antifascistes n’aient pas encore parlé de sa manif de merde. (Voilà qui est fait.) On confirme rapidement en consultant les abonnés et les abonnements du compte que cet utilisateur est dans la sphère d’influence de Nomos-tv et du Parti nationaliste chrétien de Sylvain Marcoux.

Sur Facebook

À peu près au même moment, Justin Crépeau (« el_grand_zouf » sur Instagram), qui est listé sur Facebook comme coorganisateur de la manifestation du 8 juillet, en fait aussi une promotion active sur différentes pages.

Quant au coorganisateur « Chose Mat », nous n’avions extrait aucune information concluante à son sujet, à part qu’il dit avoir étudié au CÉGEP de Lévis et qu’il suit sur Facebook François Amalega, Le Harfang (Fédération des Québécois de souche), Nouvelle Alliance (une Nouvelle Amanchure nationaliste cryptofasciste), le Parti nationaliste chrétien de Sylvain Marcoux (encore lui, tiens tiens), les Éditions Tardivel (rattachées à des militants d’Atalante) et une page vide dont l’avatar est le logo du défunt forum néonazi Iron March…

Or, il se trouve qu’en novembre dernier, un certain Justin Crépeau (oui oui!) avait contacté Montréal Antifasciste par Messenger pour nous demander si nous avions vraiment l’intention de « faire un article sur lui ». De toute évidence, quelqu’un (pas nous) a dû brandir cette menace pour l’intimider. Avant même que nous répondions quoi que ce soit à ce premier message, il s’est empressé de dénoncer « un autre fasciste d’extrême droite neo nazi (notez ici la formulation “un autre”…) qui appelle à la mort des juifs et des noirs c’est **** **** il a 19 ans et vit à st-jean chrysostome lévis (sic) ».

Mise à jour : Le lendemain de la publication de l’article, le jeune **** **** a communiqué avec nous sur le conseil d’une amie. Il jure avoir été ajouté comme coorganisateur sans son consentement par Lucas Boucher Thériault. Il nous assure n’avoir aucune affinité politique avec les deux autres organisateurs et n’avoir jamais eu l’intention d’organiser, ni même de participer à cette manifestation. Il dit avoir suivi les pages fascistes dans le seul but de s’informer afin de « troller ». Il affirme également que la dénonciation le visant est un coup monté par Justin Crépeau. Selon lui, Justin Crépeau est le véritable maître d’œuvre de la manifestation du 8 juillet, et Lucas Boucher Thériault en est le seul autre véritable coorganisateur, avec le soutien de François Amalega. Nous lui accordons le bénéfice du doute et avons choisi de modifier l’article en conséquence.

Carl Giroux, pour sa part, est un coucou à calotte qui fait des vidéos de frustré dans son char, comme la pandémie en a généré des hordes. Il anime la page Facebook LibreChoix, qui a épousé la cause anti-LGBTQ sous l’effet de mode des derniers temps. On n’a pas grand-chose à dire sur ce douchebag du peuple, sinon qu’il était présent à la manif anti-drag de Mercier-Est le 16 mai dernier et que l’hostilité qu’il y a rencontrée l’a apparemment pris par surprise. Giroux ignore possiblement tout du pedigree néonazi de ses petits camarades, mais il n’aura plus le bénéfice du doute à la lecture de cet article. Gageons qu’il dira que les antifas ont tout inventé sous la direction de George Soros et les globalistes.

Et qui se profile en fait derrière ces nazillons?

Au-delà des détails sordides, qu’est-ce que notre démonstration révèle de ces adultes qui s’associent à de jeunes personnes dont ils ignorent tout dans le seul but de booster la crédibilité de leur croisade haineuse contre les drag queens, les personnes trans et la « théorie du genre »? Et que penser en revanche de ces jeunes néonazis racistes qui profitent de l’influence d’un coucou d’origine camerounaise pour s’introduire dans le mouvement populiste anti-LGBTQ? Dans les circonstances, on serait bien embêté de dire qui est l’idiot utile de qui…

Mais s’il faut parler de grooming, au-delà de la panique morale qui vise injustement les communautés LGBTQ, il serait sans doute plus pertinent de s’interroger sur l’influence extrêmement toxique qu’exercent des faux prophètes et idéologues fascistes comme Sylvain Marcoux et son parti néonazi, ou Alexandre Cormier-Denis et Nomos-tv, sur une partie de la nouvelle génération peut être trop susceptible à leurs bêtises et leur propagande haineuse. Ce sont eux, les véritables responsables de ce gâchis, tout comme ceux qui, sous un langage plus châtié, attisent les mêmes anxiétés dans les médias et l’arène politique.

Il faut peut-être aussi se livrer à un constat d’échec collectif, si nous avons effectivement permis que la mémoire de l’Holocauste se soit à ce point perdue et que l’épouvantable héritage du nazisme puisse aujourd’hui exercer un tel attrait sur une partie de la nouvelle génération.

C’est bien davantage là que réside le danger imminent pour la société québécoise, en 2023, que dans une exposition muséale sur la diversité de genre, les heures du conte en drag ou les allées et venues de membres des communautés LGBTQ qui ne demandent rien d’autre que de vivre leur vie dans la paix et la dignité.

Ne laissons pas ce fléau se répandre. Combattons farouchement l’influence des empoisonneurs.

Restons toujours antifascistes.

Mettez fin à l’Entente sur les tiers pays sûrs (ETPS) et ouvrez les frontières !

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Juin 162023
 

De Solidarité sans frontières

Une coalition de groupes à but non lucratif dédiés à la solidarité avec les personnes réfugiées organise présentement une marche, qui se tiendra dans les prochains jours en protestation contre l’Entente sur les tiers pays sûrs (ETPS). Nous voulions prendre le temps de le partager avec vous, dans un esprit de solidarité critique. Nous savons que les organisateur.trices de la marche ont énormément travaillé à cette action, et trop de nos membres ont elles et eux-mêmes fait face à la violence qu’inflige l’ETPS.

Nous voulons souligner par la même occasion que l’ETPS constitue, plus largement, une manifestation particulièrement hypocrite de la violence coloniale, raciste et capitaliste des frontières; elle s’inscrit dans un système impérialiste auquel participe activement le Canada.

Nous demandons, comme les organisateur.trices de la marche, la fin de l’ETPS, et ce, dans le cadre de notre combat plus large pour l’abolition des frontières. Nous militons pour un statut pour toutes les personnes migrantes sans papiers ici au “Canada”, ainsi que pour la régularisation à l’entrée pour tous celles et ceux qui, de force ou de par leur propre choix, immigrent ici. Nous croyons que les migrant.es méritent dignité et sécurité, peu importe leur capacité à contribuer à l’économie capitaliste et peu importe les raisons pour lesquelles ils et elles quittent leur chez-soi d’origine.

Personne n’est illégal.e sur des terres volées!

Marche – June 17-18-19 de Montreal à Roxham Road
www.facebook.com/events/286104663755514/

Qu’y a-t-il dans les contrats? À la recherche de plus d’information sur le projet de prison pour femmes à Montréal.

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Juin 152023
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Pour en apprendre plus, consultez ce texte au sujet de qui a été accordé les nouveaux contrats et qui touche également sur le projet de construire une nouvelle prison pour femmes sur l’île de Montréal.

Pour lutter contre de nouveaux projets de construction, il faut d’abord apprendre le plus possible sur le projet. Cette recherche peut prendre de nombreuses formes; comme les premiers contrats ont déjà été accordés dans le cadre de la nouvelle prison pour femmes à Ahuntsic-Cartierville, nous voulions les voir. Pour faire court, c’était assez compliqué. Le gouvernement provincial a mis en place d’embêtantes mesures de sécurité sur les contrats qui les rendent plutôt faciles à télécharger de manière anonyme, mais très difficiles à ouvrir et à partager. Pourtant, nous les avons consultés, mais ils ne contiennent pas grand-chose. Nous partageons ici les parties pertinentes pour les personnes qui veulent lutter contre la nouvelle prison.

Tout d’abord, le gouvernement n’a pas fait preuve d’honnêteté relativement à la taille véritable de la nouvelle prison. Selon les médias, la nouvelle prison sera capable de stocker 237 personnes. En fait, le contrat indique qu’il faut qu’il soit possible d’élargir les bâtiments pour finalement accommoder 405 personnes. C’est vrai que l’échéancier de cette phase du projet s’arrête lorsqu’il n’y a toujours que 237 cellules, mais il y a un plan clair pour l’élargir davantage à l’avenir, bien qu’il n’y ait aucun calendrier proposé. Cela représente plus de personnes que la Maison Tanguay n’avait au départ, mais moins que la capacité actuelle de Leclerc (qui est, on le rappelle, une ancienne prison fédérale avec une capacité importante, mais qui s’effondre et laisse entrer la pluie et le vent).

Deuxièmement, la Société Elizabeth Fry du Québec est fortement impliquée dans ce projet. Pour celles et ceux qui ne les connaissent pas, les sociétés Elizabeth Fry existent dans la plupart des provinces. Il existe également un organisme national du même nom. Elles semblent fonctionner de manière autonome, l’organisme national étant le plus ouvert à des idées radicales. Leur mandat commun est d’aider les femmes qui ont des démêlés avec la justice ou qui risquent d’en avoir. Le document indique que la Société Elizabeth Fry du Québec contribue à l’élaboration d’un plan pour un nouveau modèle d’incarcération à long terme des femmes au Québec, y compris en tant qu’expert-conseil pour la nouvelle prison. (Citation directe: «Afin de répondre à ces inquiétudes, le MSP signe une entente de partenariat avec la Société Elizabeth Fry du Québec (SEFQ) pour contribuer à l’amélioration des conditions des détenues dans l’établissement actuel, mais également pour proposer un modèle novateur à long terme pour l’incarcération de la clientèle féminine».) Évidemment, le système carcéral a une aile à but non lucratif et la Société Elizabeth Fry du Québec en fait partie. Cela ne représente pas forcément un changement par rapport au statu quo, mais il s’agit d’un exemple concret de la collaboration.

Troisièmement, le document comprend cinq éléments clés qui doivent figurer dans la nouvelle prison. 1. La prison sera aménagée en pavillons. 2. Il y aura des niveaux de sécurité adaptés pour les différentes populations carcérales. 3. L’architecture extérieure visera à désinstitutionnaliser les bâtiments. 4. L’aspect intérieur de la prison doit préserver la dignité des prisonnières en leur offrant un environnement sécuritaire et apaisant. 5. Une acoustique qui favorise l’intelligibilité des conversations.

Que signifient-ils chacun? Le premier élément veut sans doute dire que la prison sera conçue en modules. Leur apparence peut varier, mais selon le collectif Escaping Tomorrow’s Cages, «les origines des prisons en modules remontent à la lutte contre la criminalité des années 90, quand le système se préparait à incarcérer plus de monde pendant plus longtemps. Elles sont conçues avec deux grandes priorités: couper les prisonniers et prisonnières de la communauté et économiser de l’argent.» Il nous rappelle également que «les infrastructures sont plus importants que l’usage qu’on en fait», donc on peut anticiper que la trajectoire de cette nouvelle prison sera semblable à celle des«bungalows» qui ont été construits dans les nouvelles prisons fédérales régionales pour femmes après la fermeture de la prison pour femmes à Kingston au milieu des années 90. Ils étaient mieux au départ, mais au fil du temps ils ont été réduits à leur potentiel pour la surveillance et la sécurité.1

D’autre part, le fait d’avoir des niveaux de sécurité adaptés aux différentes populations carcérales n’a besoin d’aucune explication. Cette tendance dans la construction de prisons se dessine depuis au moins trente ans et figure déjà dans de nombreuses prisons partout au pays. D’évidence, la nouvelle Tanguay aura une unité d’isolement et une aile à sécurité maximale. En raison des siècles de colonisation et de suprématie blanche, les femmes autochtones sont incarcérées au Canada et au Québec à un taux élevé. Le taux d’incarcération des femmes autochtones dans des unités d’isolement et de sécurité maximale est particulièrement élevé.2 Il n’y a donc aucune surprise que le gouvernement veut créer une unité d’isolement et une unité de sécurité maximale dans cette nouvelle prison.

La troisième exigence pour ce projet fait également partie d’une tendance dans la construction des prisons au cours de la dernière décennie. En donnant à la prison une apparence approchable et accueillante, le gouvernement espère que tout le monde sera convaincu qu’elle est autre chose qu’un lieu où on enferme les pauvres et les personnes racisées pour les punir. Il en va de même pour l’environnement intérieur, qui est censé être calme et apaisant. En gros, il faut mettre des rideaux aux fenêtres et décorer les murs de jolis dessins dans l’unité de sécurité maximale. Dernièrement, une acoustique propice à la conversation. Cela en dit long sur l’acoustique de la plupart des prisons. Les prisons sont très bruyantes. On veut que celle-ci le soit un peu moins. Qu’on les félicite. Il se peut qu’il s’agit d’une question de sécurité. Si les conversations sont audibles, on peut plus facilement les enregistrer. On ne sait pas forcément le pourquoi de tout ça, mais ce n’est rien de bon.

Prenons maintenant un moment pour prêcher à la chorale. La réforme du système pénitentiaire est une impasse. Comme l’a dit Ann Hansen dans Taking the Rap: «Les nouvelles prisons arrivent dans un emballage progressiste, décoré avec des images de réhabilitation et de programmation, mais une fois la prison flambant neuve ouverte, on trouve qu’elle est remplie de toutes sortes de gadgets technologiques censés améliorer la surveillance et la sécurité qui coûtent tellement cher que l’administration pénitentiaire déclare qu’elle ne peut plus payer la programmation progressiste promise sur l’emballage.»3

Qu’y a-t-il d’autre dans les documents? On y trouve un échéancier pour le projet. Jusqu’en 2024, il n’y aura que la planification et la démolition. En mai 2025, ils comptent lancer l’appel d’offres. La construction est censée avoir lieu entre juillet 2025 et avril 2029. Voici une capture d’écran.

La cinquième et dernière chose dans les documents est une liste des noms et des responsabilités des personnes impliquées dans le projet. Si vous cherchez des personnes en particulier à tenir responsables pour ce projet, en voici quelques-unes pour commencer: Chef de projet (direction de la gestion de projet, SQI): Amélie Viau; représentant du ministre: Bruno Gosselin; responsable d’entente (direction de l’expertise, SQI): Nathalie Duchesneau; CGPI (conseiller en gestion des pratiques intégrées) participe au premier comité de pilotage et demeure disponible en appui à l’équipe du projet pour tout le mandat de facilitation: Sébastien Parent; responsable BIM: Zakia Kemmar.

Nous laisserons le dernier mot à Ann Hansen: «La réforme du système pénitentiaire est vouée à l’échec, mais ça ne veut pas dire qu’on ne peut pas utiliser la lutte pour la réforme dans un contexte révolutionnaire comme moyen de sensibilisation. De vraies personnes souffrent dans les prisons aujourd’hui. Si l’un d’entre nous se trouvait en isolement pendant des années, voudrions-nous attendre la révolution pour que quelqu’un essaie de nous aider? La réponse se trouve dans la zone floue entre la lutte pour la réforme et la lutte pour le changement révolutionnaire. Ces luttes sont une fausse dichotomie alors qu’on peut combler cette zone floue. Tant que les campagnes concrètes de réforme se déroulent dans un contexte révolutionnaire et sont guidées par des principes révolutionnaires, elles peuvent jouer un rôle dans la campagne pour abolir à la fois le capitalisme et son mécanisme de contrôle social, la prison4


1. Comme l’explique Ann Hansen dans son livre Taking the Rap : « J’ai été à Grand Valley Institution dans le sud de l’Ontario à deux reprises, en 2006 et en 2012, et lors de ces deux brefs passages, j’ai témoigné d’un retour en arrière dans la prison qui a changé d’un enclos carcéral où les femmes cuisinaient et vivaient ensemble dans des bungalows soigneusement installés dans des cours herbeuses bordées d’arbres, où on faisait pousser des légumes dans des potagers et où les femmes circulaient librement de 8h à 22h dans l’enclos … en un complexe carcéral à niveaux de sécurité multiples avec peu d’emplois ou de programmation et où deux personnes partagaient chaque cellule, y compris dans les unités de sécurité maximale et d’isolement. Ce retour en arrière a eu lieu dans les six prisons régionales pour femmes au cours des quinze années après la fermeture de la prison pour femmes à Kingston en 2000. Cet accomplissement n’est surpassé que par le fait que le nombre de femmes incarcérées a augmenté de 40 % dans les dix ans après la fermeture pour atteindre 550 femmes. Ceci dans un pays où le taux de criminalité ne cesse de diminuer depuis vingt ans. » p. 336-7

2. Le Québec ne tient pas des statistiques sur cette question précise à notre connaissance, mais en 2019 et 2020, les femmes inuites et des Premières Nations représentaient 9,6 % de la population carcérale féminine au Québec. “Les Inuites, les femmes sans diplôme, les célibataires, les femmes vivant seules, présentent des taux, d’incarcération nettement, plus élevés.Selon un rapport récent, 96 % des femmes détenues dans les nouvelles unités d’isolement UIS dans le système fédéral sont autochtones.

3. Taking the Rap p. 339

4. Taking the Rap p. 343

Avis à la communauté. Les déportations augmentent. Soutenons-nous les uns les autres et restons en sécurité

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Juin 152023
 

De Solidarité sans frontières

Montréal, 11 juin 2023 – Le réseau de Solidarité Sans Frontières a constaté une augmentation du nombre de personnes convoquées aux bureaux de l’ASFC à Montréal pour entamer des procédures de déportation. De plus, ces dernières semaines, nous avons eu connaissance de deux incidents où l’ASFC (la police des frontières) s’est présentée au domicile de membres sans papiers de la communauté. Ils étaient tous deux sous le coup d’un mandat d’arrêt pour ne pas s’être présentés à leur déportation. L’ASFC a trouvé leur adresse et s’est rendue à leur domicile pour les arrêter.

Nous envoyons cet avis pour que les gens soient informés et préparés.

Pourquoi cela se passe-t-il?

Il se peut que l’ASFC rattrape finalement le retard accumulé après la pandémie. C’est peut-être la façon dont l’ASFC se prépare au programme de régularisation tant attendu. Il y a peut-être d’autres raisons. Il nous est impossible d’en être sûr·e·s.

Que pouvons-nous faire ?

Voici quelques suggestions tirées de notre expérience collective sur les moyens de nous protéger et de protéger les autres.

1) Ma demande d’asile a été refusée et j’ai reçu une lettre de l’ASFC

Si votre demande d’asile a été refusée et que vous recevez une lettre de l’ASFC vous demandant de vous présenter pour entamer une procédure d’expulsion, envisagez de prendre contact avec Solidarité Sans Frontières ou une organisation en laquelle vous avez confiance. Nous pouvons vous donner des informations de base sur ce à quoi vous pouvez vous attendre et des conseils généraux. La connaissance, c’est le pouvoir, et nous partagerons tout ce que nous pourrons.

Si d’autres membres de votre communauté sont également menacés d’expulsion, envisagez d’organiser une réunion communautaire. Vous pouvez planifier une action collective pour lutter contre les expulsions et réclamer la régularisation ensemble. Les étudiant·e·s internationaux et internationales indien·ne·s en Ontario sont un exemple inspirant de ce qui peut être fait pour lutter contre les déportations. Ils en sont actuellement à leur 15e jour de sit-in devant les bureaux de l’ASFC. Contactez-nous, Solidarité sans frontières essaiera de soutenir vos actions. Voir ci-dessous.

2) Je suis resté·e après une date d’expulsion et/ou je ne me suis pas présenté·e à une rencontre avec l’ASFC

Si vous êtes déjà resté·e au Canada après une date d’expulsion, ou si vous ne vous êtes pas rendu·e à une réunion à laquelle l’ASFC vous avait ordonné de vous rendre, un mandat d’arrêt a probablement été émis contre vous (sauf si vous aviez moins de 16 ans à l’époque).

De nombreuses personnes dans cette situation déménagent si l’ASFC a leur adresse et ensuite gardent leur nouvelle adresse confidentielle. Cependant, il arrive que l’ASFC les retrouve et se rende à leur domicile pour les arrêter. D’après notre expérience, cela se produit généralement parce que d’autres personnes connaissant leur situation les ont dénoncées à l’ASFC. Il est bon de se préparer à une visite de l’ASFC à votre domicile, même si vous pensez qu’elle ne connaît pas votre adresse.

Faits et expériences importantes

  • Un mandat d’arrêt à votre encontre ne donne pas à l’ASFC le droit légal de pénétrer ou de s’introduire dans votre domicile. Les agents de l’ASFC ne peuvent pénétrer de force dans votre domicile que s’ils disposent d’un mandat de perquisition autorisé par un tribunal ou si quelqu’un est en danger. Cela signifie que, dans la plupart des cas, ils ne sont pas légalement autorisés à entrer dans l’appartement si la personne qui répond à la porte leur dit qu’ils ne peuvent pas entrer.
  • Si vous vivez avec quelqu’un et que cette personne répond à la porte, elle a le droit de garder le silence. Elle n’est pas obligée de répondre aux questions de l’ASFC. En réalité, il peut être très difficile de garder le silence. Réfléchir à l’avance à ce que cette personne dira et s’entraîner à le faire est une très bonne idée. Il est important de noter que lorsque l’ASFC est venue arrêter une personne sans papiers dans le passé, elle disposait des informations complètes sur la personne, y compris sa photo. Les agents de l’ASFC ont montré cette photo à la personne qui répondait à la porte et lui ont demandé si la personne sans papiers était chez elle.
  • Par le passé, lorsque l’ASFC est arrivée à un domicile, elle a placé des agent·e·s à toutes les sorties, afin d’attraper les personnes qui tenteraient de s’enfuir par la porte arrière.
  • Il est arrivé que des personnes sans papiers qui sont restées discrètement à l’intérieur et n’ont pas ouvert la porte à l’arrivée de l’ASFC parviennent à rester en sécurité.

Élaborez un plan de sécurité

Élaborez un plan à l’avance. Cela peut vous aider à rester calme et à agir au meilleur de vos intérêts si l’ASFC vient frapper à votre porte. Réfléchissez à la façon dont vous et les personnes avec lesquelles vous vivez agirez si l’on frappe à votre porte. Voici quelques questions que vous pouvez vous poser: Est-il vraiment nécessaire d’ouvrir la porte si vous n’attendez pas de visiteurs ? Si vous devez ouvrir la porte, qui devrait le faire ? Que dira la personne qui ouvre la porte s’il s’agit de l’ASFC et qu’elle vous demande ? Où serez-vous lorsque l’autre personne ouvrira la porte ? Si vous vivez avec des personnes qui ne connaissent pas votre situation ou qui sont trop effrayées par l’ASFC pour vous protéger, comment devez-vous vous préparer ?

Autres précautions

L’ASFC ne semble pas mener d’enquêtes proactivement, mais de nombreuses personnes prennent des précautions de base, par exemple en n’utilisant pas leur vrai nom sur Facebook ou des photos de leur visage claires sur Facebook. Si vous recevez des messages non sollicités comme des offres d’emploi, il est préférable de ne pas y répondre ou de demander à un ami de confiance ou à une organisation de vérifier l’authenticité du message avant d’y répondre.

3) Mon visa de travail, d’études ou de voyage est expiré ou annulé et je n’ai pas quitté le pays

Si vous êtes entré·e au Canada avec un visa de travail, d’études ou de voyage valide et que vous n’avez pas quitté le pays après l’expiration ou l’annulation de votre visa, un mandat d’arrêt n’est pas automatiquement émis contre vous. Bien que l’ASFC (ou la police) puisse toujours vous arrêter si elle est informée de votre statut, normalement, elle ne vous recherchera pas activement. Vous n’êtes tout simplement pas sur leur radar.

Pourquoi l’action collective est importante

Bien qu’il soit essentiel de se préparer individuellement, il est important de se rappeler que vous n’êtes pas seul·e face à un système d’immigration et d’asile injuste, où les lois sont utilisées pour justifier le fait de forcer violemment les gens à partir. Nous devons continuer à nous organiser, à nous mobiliser et à lutter collectivement contre la détention et l’expulsion des migrants, qui brisent des vies, des familles et des communautés. Des victoires politiques sont possibles.

Solidarité Sans Frontières et ses allié·e·s font actuellement campagne pour pousser le gouvernement à accorder un statut permanent à toutes les personnes sans papiers et aux réfugié·e·s refusé·e·s au Canada, et à mettre immédiatement fin aux déportations et aux détentions. Le gouvernement est à l’écoute : le Premier ministre Justin Trudeau a chargé le ministre de l’Immigration Sean Fraser d’explorer la possibilité d’un programme de régularisation, et les sans-papiers ont rencontré directement M. Fraser pour lui dire ce qu’ils voulaient en octobre dernier. Fraser a promis que les déportations cesseraient lorsqu’un programme de régularisation serait annoncé.

Rejoignez-nous dans cette lutte, car un statut pour tous et toutes nous aidera à être plus en sécurité. Veuillez écrire, appeler ou visiter tous et toutes les ministres du Cabinet fédéral au Québec. Venez à une assemblée en ligne le 14 juin à 19h. N’hésitez pas à nous contacter si vous avez des questions, si vous avez besoin de soutien ou si vous voulez rejoindre la lutte pour un #StatutpourToutesl !

Uni·e·s, nous sommes fort·e·s.

Téléphone: 514-809-0773
Email: solidaritesansfrontieres@gmail.com
Site Internet: www.solidaritesansfrontieres.org
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Graffiti en solidarité avec G. Mihailidis

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Juin 142023
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Un graffiti a été peint sur un mur du quartier Parc-Extension, en solidarité avec G.Mihailidis.

‘Solidarity with G.Mihailidis, we want you alive and free, death to the autoritarian world’

(‘Solidarité avec G.Mihailidis, nous te voulons en vie et libre, mort au monde autoritaire’)

Giannis est en greve de la faim depuis le 12 mai. Il demande sa libération apres avoir fait un parti de sa sentence qui devrait lui permettre d’etre libéré sous certaines conditions. Il a entamé une greve de la soif depuis le 10 juin.

Liberté pour Giannis. Feu aux prisons.