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Le fonds d’autodéfense juridique de la CLAC est de retour

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Mar 152023
 

De la Convergence des luttes anticapitalistes

Le Comité d’autodéfense juridique de la Convergence des luttes anticapitalistes relance son Fonds d’autodéfense juridique, qui vise à supporter les personnes qui sont victimes de la répression policière ou juridique pour des gestes présumés commis dans le cadre d’actions individuelles ou collectives ayant une portée anticapitaliste, féministe, anticoloniale ou antiraciste.

Nous avons besoin de vos contributions pour remplir le Fonds! Suite aux larges mobilisations de 2012, plusieurs fonds légaux ont été créés pour supporter les personnes arrêtées, mais depuis quelques années, ceux-ci ne sont plus disponibles, incluant celui de la CLAC jusqu’à maintenant. Nous repartons donc un fonds légal pour soutenir les personnes arrêtées pour des activités militantes, parce qu’il est important de supporter financièrement les arrêté.es pour qu’iels puissent faire face aux systèmes policier et judiciaire biaisés et injustes du gouvernement.

Pour faire un don au Fonds d’autodéfense juridique

  • Par chèque
    Faire le chèque à l’ordre de la “Convergence des luttes anticapitalistes” et l’envoyer à l’adresse:
             CLAC-Montréal / QPIRG-Concordia
             c/o Université Concordia
             1455 de Maisonneuve O
             Montréal, Quebec
             H3G 1M8

Inscrivez “Fonds d’autodéfense juridique” sur le chèque, pour qu’on sache qu’il s’agit d’un don pour le fonds.

  • Par virement interac
    Envoyez à l’adresse: finance @ clac-montreal.net
    Avec la question de sécurité: “Fonds d’autodéfense”
    Et la réponse: “juridique”.
    Si vous faites un don spécifiquement pour la campagne des arrêtéEs à Atlanta:
    Inscrivez comme question: “Solidarité Atlanta”
    Et la réponse: “stopcopcity”.

Si vous avez été arrêté et avez besoin de la contribution financière du Fonds, consultez cette page:
https://www.clac-montreal.net/fonds

Si vous avez besoin de soutien juridique suite à une arrestation, contactez le Comité d’autodéfense juridique de la CLAC à
info @ clac-montreal.net

En fichier attaché: le communiqué distribué par la CLAC à la conférence de presse “Les recours collectifs pour le droit de manifester interpellent la mairesse et le directeur du SPVM” du mardi le 14 mars 2023.

Fichiers attachés: PDF iconconf-de-presse.pdf

Déploiement de bannière pour les défenseurs de la forêt de Welaunee

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Mar 142023
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

La militarisation et l’expansion du pouvoir policier est une menace mondiale. La lutte contre le projet de développement Cop City à Atlanta reflète d’autres luttes locales partout dans le monde. Cette lutte de première ligne, solide et de longue durée, montre comment la destruction des habitats naturels est liée à la violence et à la répression de I’état.

A la lisière de la forêt de Welaunee, chaque policier repoussé avec des feux d’artifice et chaque pièce d’équipement de construction incendiée est accueilli avec joie par les compagnons de toute l’île de la tortue et au-delà.

Nous avons fabriqué et déployé cette banderole à Montréal en solidarité avec toutes les personnes arrêtées à Altanta, même les plus innocentes. Nous n’oublierons jamais Tortuguita.

Le verger au complet : La justice transformatrice – entretien avec harar v.a. hall

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Mar 132023
 

De la Convergence des luttes anticapitalistes

Télécharger l’épisode

La musique

Les références

Processus de justice transformative au Rojava: https://armsforrojava.wordpress.com/2014/10/21/consensus-is-key-new-justice-system-in-rojava/comment-page-1/

La transcription

Présentation

Dans cet épisode de Le Verger au complet / The Whole Orchard, nous parlons de justice transformatrice avec harar v.a. hall, un.e créateurice et penseureuse multidisciplinaire queer, noir.e, jamaïcain.ne-canadien.ne, élevé.e à Tkaronto/Toronto et vivant, organisant et rêvant actuellement à Tiohtià:ke/Montréal. En tant qu’animateurice et programmateurice d’événements, iel a cherché à créer des espaces pour l’expression artistique, l’apprentissage et la production de connaissances au sein des communautés dont iel font partie.

Leur travail est ancré dans un désir permanent de libération et de guérison à un niveau individuel et collectif. Ainsi, tout cela s’inspire d’abord de leurs propres expériences en matière d’identité, d’amour, de désir, d’appartenance, de traumatisme, de bonheur et de communauté. Iel s’efforcent de créer des œuvres et des espaces qui explorent honnêtement ces émotions et ces expériences, dans l’espoir de donner libre court à notre imagination radicale.

Q1 : En quoi la justice transformatrice diffère-t-elle de la justice punitive ? Et d’où vient-elle ?

Je pense que je les différencierais plus largement en fonction de leurs objectifs, et donc je pense que le résultat le plus important de la justice punitive est la punition. Je pense qu’il y a souvent des discussions sur les piliers de la justice et vous savez, nous avons des discussions sur la réhabilitation, nous avons des discussions sur la restitution et toutes les autres choses qui sont censées découler de l’emprisonnement des gens, des amendes même, car je pense que les amendes font également partie du système punitif. Je pense que tout ce qui fait partie de ce système de justice pénale que nous voyons largement dans les sociétés coloniales relève de la justice punitive, mais c’est pour punir les gens et je pense que cela a très peu à voir avec la sécurité. Je pourrais en parler davantage plus tard, mais par contraste, je pense que l’objectif de la justice transformatrice est la guérison. Je pense que c’est la guérison de la personne qui a été blessée. C’est aussi la guérison de l’auteur du crime, ce qui est quelque chose que nous ne mettons pas souvent en avant lorsque nous parlons de justice punitive, mais je pense qu’au sens large, c’est aussi la guérison de votre communauté et de votre société. Lorsqu’un individu est blessé, lorsque quelqu’un d’autre fait quelque chose qui a blessé une autre personne, une autre personne et ainsi de suite, je pense qu’il est vraiment important de penser aux effets d’entraînement que cela entraîne. Le traumatisme n’est pas seulement ressenti par une personne, il n’est pas seulement vécu par une personne, il est ressenti par les personnes qui la soutiennent, il est ressenti par leurs familles, il est ressenti par les personnes qu’elles ont blessées en réponse au mal qu’elles ont subi, et donc, la justice transformatrice est vraiment centrée sur la guérison de toutes les personnes qui ont été touchées par cet acte. Et je pense que c’est aussi vraiment incroyable parce que j’ai l’impression que la justice punitive transforme les gens en criminels. Et une fois que vous êtes un criminel, il est très difficile de ne pas le rester et donc vous devenez un acte unique que vous avez fait, ou peut-être un couple d’actes que vous connaissez. Et je pense que la justice transformatrice affirme toujours l’humanité d’une personne d’abord et j’apprécie vraiment cela parce que je ne pense pas que quelqu’un veuille être étiqueté par la pire chose qu’il a faite dans son pire jour ou les impacts ressentis par la pire chose qu’il a faite, mais c’est ce que fait la criminalisation. Elle vous transforme en la pire chose que vous avez faite et vous fait revivre cela, ressentir cela et être puni pour cela chaque jour de votre vie. Et si vous êtes dans une société qui non seulement vous criminalise mais aussi quand vous êtes relâché vous avez un casier judiciaire, vous savez quand vous postulez pour un emploi, quand vous postulez pour un logement, ce casier vous suit comme un criminel vraisemblablement jusqu’au jour de votre mort, à cause d’une chose que vous avez faite et donc il n’y a pas de place pour la guérison, il n’y a pas de place pour la croissance, il n’y a pas de place pour l’évolution et c’est comme si vous pouviez guérir de ça, comment les gens autour de vous peuvent guérir de ça aussi. Donc oui, je dirais qu’ils sont vraiment diamétralement opposés sur la façon dont ils voient les gens et quels sont leurs objectifs. Et puis je pense que les origines de la justice transformatrice viennent vraiment des mouvements abolitionnistes. Mais pour parler des mouvements abolitionnistes, je pense qu’il est vraiment important de parler des origines des prisons, mais aussi des origines des prisons contemporaines en tant que système, parce que je pense qu’il est vrai que des gens ont été emprisonnés, ont fait l’expérience de l’emprisonnement pendant, genre, toute l’histoire, mais je ne pense pas que la punition, de la manière dont elle existe en tant que mode vraiment central du système carcéral, existe depuis aussi longtemps et je pense qu’il est vraiment important de se rappeler qu’elle n’est pas si ancienne parce qu’elle peut très facilement être retirée de la manière dont nous pensons à la justice et à la manière dont nous pensons à répondre au mal. Ainsi, le mouvement pénal et pénitentiaire actuel trouve son origine spécifiquement aux États-Unis, dans les années 1700, et l’on voit cette large intégration d’une doctrine très profondément religieuse dans la création des institutions. Malheureusement, c’était aussi le cas dans les bibliothèques, mais ce n’est pas aussi important. Je pense qu’en réfléchissant à la façon dont les gens pensaient alors aux longues peines de prison et à la suppression de la liberté des gens, et en pensant continuellement, même après être sorti de prison, à une sorte de punition prolongée, à une façon de faire réfléchir le prisonnier sur ce qu’il a fait. Et c’était cette idée que non seulement il fallait garder les prisonniers à l’abri de la société, mais que les prisonniers eux-mêmes avaient besoin d’être punis, de réfléchir et de penser, et qu’une sorte de pénitence les rendait meilleurs. Et donc, que vous soyez une personne religieuse ou non, je pense que ce n’est pas la question, je pense qu’il est vraiment important de se rappeler que cette partie sur la punition est très profondément détachée de la justice. Il est très profondément détaché de la sécurité et donc si nous croyons que nos objectifs pour le système de justice que nous choisissons sont la sécurité, la justice, alors nous n’avons pas besoin que la punition en fasse partie, elle n’est pas nécessaire, elle est assez nouvelle et elle peut être supprimée. Et donc je pense que la justice transformative et le mouvement abolitionniste des prisons sont comme des meilleurs amis, je pense que la justice transformative vient vraiment comme, je pense que le mouvement abolitionniste est une destruction de ce que nous voyons, comme le mouvement abolitionniste des prisons comme une distraction du système que nous voyons qui est si nuisible à nos communautés, et je pense spécifiquement aux communautés noires, aux communautés latino-américaines, aux communautés indigènes, mais je pense à la société plus largement parce que je pense que la carcéralité a malheureusement infecté une grande partie de la façon dont nous pensons aux interactions entre les gens. Mais je pense que ce qui est vraiment beau et intéressant dans la justice transformative, c’est qu’il n’y a pas de point d’origine distinct, ce n’est pas une seule personne qui l’a créée, mais elle est née de théories de personnes qui se disaient : nous n’avons pas besoin de prisons, mais nous avons besoin de quelque chose de mieux, nous avons besoin de quelque chose de plus brillant, nous avons besoin de quelque chose de grand. On peut donc remonter jusqu’aux psychologues, qui ont étudié l’impact des prisons sur le comportement humain et la façon dont ils traitent les autres et les prisonniers, on peut donc remonter jusqu’aux abolitionnistes, on peut même remonter jusqu’aux quakers canadiens qui ont répondu aux mouvements quakers américains en devenant abolitionnistes et en devenant des défenseurs de la justice transformatrice, donc des défenseurs de la justice transformatrice, donc évidemment, vous connaissez des noms comme Angela Davis ou vous connaissez des noms comme Ruth Wilson Gilmore, mais je pense qu’il y a tellement de penseurs modernes de la justice transformatrice. Personnellement, j’aime beaucoup Adrienne Maree Brown, parce que je pense qu’elle centre vraiment le rêve et l’imagination dans les mouvements de justice transformatrice, ce qui est, je pense, vraiment intégral, c’est de penser au-delà de ce qu’on nous a dit être possible et d’imaginer à quoi la justice peut ressembler, à quoi notre guérison peut ressembler si nous brisons complètement les boîtes que la société nous a en quelque sorte imposées à travers la carcéralité.

Q2 : La justice transformatrice et la justice réparatrice sont parfois utilisées de manière interchangeable. Pensez-vous qu’il est important de faire la distinction ?

J’aime cette question parce que je pense que le chevauchement entre la justice transformatrice et la justice réparatrice a en fait rendu un très mauvais service à la mise en œuvre de la justice transformatrice, en particulier dans les processus communautaires, et je pense donc que je vais dire que je suis un grand défenseur de la justice transformatrice, je ne suis pas un défenseur de la justice réparatrice. Je pense que la justice réparatrice a beaucoup d’avantages, mais ce n’est pas ce que je défends idéologiquement. Je pense qu’il est important de le dire parce qu’évidemment, je pense que tout le monde fonctionne avec des préjugés et c’est le mien, mais la justice réparatrice est vraiment belle et ses origines se trouvent souvent dans l’enseignement autochtone, les guérisons autochtones et la justice autochtone, en particulier sur l’île de la Tortue, et je pense que c’est pourquoi nous voyons beaucoup d’intégration, en particulier au Canada, de la justice réparatrice dans le système de justice pénale.

Mais la préoccupation majeure de la justice réparatrice se situe entre la personne qui a été lésée et celle qui a fait le mal. Je pense que c’est vraiment important et que cela permet de dépasser l’emprisonnement carcéral et de ne pas se concentrer simplement sur la punition d’une personne, mais en fin de compte, cela permet toujours à la personne qui a été lésée d’être le seul arbitre de ce qui est juste et d’évaluer le degré de préjudice causé par une autre personne. Et je sais que beaucoup de gens entendent cela et se disent : c’est génial, c’est incroyable, l’individu qui a été lésé devrait être celui qui décide de ce qui est juste et de ce dont il a besoin, mais je pense en fait que c’est le pire moment pour décider de ce qu’est votre idée de la justice, lorsque vous avez été lésé. Mais je pense aussi que la question plus large est que personne n’arrive à un cas de préjudice en étant parfaitement guéri, sans traumatisme, nous portons toutes nos expériences avec nous, et je ne pense pas que, je ne fais pas une sorte de point pour une pratique standardisée en termes de justice transformative, comme si chaque processus devait se ressembler, mais je pense que c’est vraiment mauvais si nous supposons qu’une victime ou un survivant, une personne qui a été blessée est dans la meilleure position à ce moment-là pour s’occuper de la personne qui l’a blessée et je ne pense pas qu’ils devraient avoir à le faire. Je ne pense pas qu’elle doive être une personne qui pense à la guérison de la personne qui lui a fait du mal, mais dans un processus de justice réparatrice où nous centrons ces deux personnes sur ce qu’une personne peut faire pour l’autre personne afin qu’elle sente qu’elle peut guérir et passer à autre chose, il y a en fait très peu de possibilités pour la personne qui a causé le mal d’accéder également à la guérison. Mais je pense qu’au-delà de cela, et je ne pense pas que cela soit vrai pour tous les processus de justice réparatrice, je pense qu’il y a un certain niveau de guérison communautaire qui y est intégré, mais je pense que la différence est que la guérison communautaire n’est pas centrale. Le changement structurel social n’est pas central et je dirais que c’est vraiment énorme dans la justice transformative, donc il y a une responsabilité et un accent sur la façon dont la communauté a été touchée par ce préjudice, et je pense que la grande chose à ce sujet, au-delà du fait que tout le monde qui a existé dans ce cas de préjudice reçoit ensuite le soutien pour grandir, aller de l’avant, et guérir de cela, est aussi qu’il y a maintenant une responsabilité prise par la communauté pour ce qui a permis à cela d’exister en premier lieu. Je ne pense pas qu’il soit raisonnable ou juste d’attribuer une chose que quelqu’un a faite uniquement à lui, alors qu’il est un sous-produit de son environnement, un sous-produit de sa communauté. Et donc je pense que la justice transformatrice permet, et je pense que je dirais même qu’elle force une communauté à regarder constamment à l’intérieur d’elle-même comment elle peut s’assurer que cela ne se reproduise pas, parce que nous savons que cette action n’est pas due au fait que cette personne est une mauvaise personne qui fait du mal aux gens, mais plutôt au fait qu’elle a été mise dans une position qui lui a permis de faire du mal à quelqu’un. Et ouais, et donc je pense qu’à bien des égards, la justice transformative fonctionne aussi pour réagir ou je dirais pour empêcher le mal de se produire à l’avenir de la même manière, parce que nous assumons tous la responsabilité du mal et nous assumons tous la responsabilité de la guérison. Alors que je pense que la justice réparatrice isole vraiment cela aux personnes qui ont existé dans ce cas de préjudice.

Q3 : Quelles attitudes et perspectives sont nécessaires avant d’intégrer la justice transformatrice dans nos pratiques habituelles ?

Je pense que la première chose que nous devons faire, et je pense que c’est un processus vraiment personnel que chacun doit entreprendre, c’est de comprendre que nous allons tous causer du tort à un moment donné dans notre vie et que cela ne nous rend pas mauvais, mais que ce n’est pas non plus une chose que nous devons fuir et que nous ne devons pas nier. Je pense que si vous entendez que vous pourriez faire du mal à un moment de votre vie et que vous vous dites : ” pas moi, je suis quelqu’un de bien “, alors je pense que vous allez probablement vous engager dans la justice transformative avec l’idée que certaines personnes sont des auteurs, certaines personnes sont des victimes, certaines personnes sont blessées, certaines personnes sont des auteurs, certaines personnes sont des survivants. Et le fait est que nous serons probablement tous ces choses dans de nombreux cas différents, et dans de nombreuses configurations différentes tout au long de notre vie. Et nous ne pouvons pas être coincés dans les rôles que nous existons dans un cas de préjudice. Et donc je pense que cela demande beaucoup de réflexion personnelle et aussi une vérification constante de soi pour se rappeler que c’est quelque chose que vous tenez toujours comme une croyance et la raison pour laquelle je pense que c’est un premier pas qui est vraiment important parce que je pense que cela va informer la façon dont vous traitez les autres personnes quand elles ont été blessées ou quand elles ont fait du mal à quelqu’un. Et je pense que pour s’engager dans la justice transformatrice, je pense que beaucoup d’entre nous sont très à l’aise pour agir en tant que partisans, en tant que confiants, en tant que défenseurs des survivants, en tant que personnes qui sont dans une position où elles sont blessées. Je pense qu’il est beaucoup plus difficile d’agir en tant que défenseur, en tant que confiant, en tant que défenseur d’une personne qui a fait quelque chose que nous considérons comme mauvais, parce que nous avons été élevés dans une société qui nous a laissé croire que ces personnes sont mauvaises et que les mauvaises personnes ne méritent pas de soutien, les mauvaises personnes ne méritent pas de défense. Et donc je pense que si nous pouvons vraiment nous mettre dans la position que cela pourrait être nous, et que ce sera probablement nous à un moment de notre vie, je pense que cela nous permet d’employer une empathie beaucoup plus radicale dans le travail que nous faisons. Et donc oui, je pense que c’est vraiment intégral. Je pense que nous devons aussi… C’est difficile parce que je dis ça et je peux aussi penser à beaucoup de fois où je n’ai pas fait preuve de compassion pour les autres et pour moi-même, mais je pense que nous devons avoir beaucoup de compassion pour le fait que nous avons grandi et été socialisés dans une société qui nous a appris la punition dès le plus jeune âge, la plupart d’entre nous, qui nous a enseigné les prisons dès notre plus jeune âge, dans les jeux auxquels nous jouions, dans les livres que nous lisions étant enfant, dans les émissions que nous regardions, la carcéralité et la punition sont partout et nous les apprenons à un si jeune âge, avant même d’apprendre à parler. Ces choses sont profondément ancrées en nous et je ne pense pas que nous devions haïr cela en nous-mêmes, mais je pense que nous devons constamment vérifier cela et réfléchir au moment et à la manière dont nous allons intégrer cette socialisation dans le travail que nous faisons. Et je ne pense pas que cela signifie que nous ne devons pas essayer et que cela ne marchera jamais, mais je pense que cela signifie que tout le travail que nous faisons sera imparfait et c’est bien ainsi. Je pense que c’est bien parce que faire cela de manière imparfaite suffisamment de fois sera toujours bien mieux que la carcéralité. Je choisirai toujours un processus de justice tranformative imparfait plutôt que d’emprisonner quelqu’un. Mais plus que cela, je pense que nous devons penser à cela comme à un travail générationnel et intergénérationnel. Et donc si je peux travailler très dur pour interroger constamment les façons dont j’ai intégré la punition, dans toutes mes interactions de la manière dont j’ai été socialisé à le faire et que j’ai pensé à ces dichotomies avec le mal et le bien et que cela a également un impact sur la façon dont je pense aux gens, peut-être que je ne me débarrasserai jamais complètement de cela en moi, mais je peux m’assurer que je ne transmets pas cela aux personnes plus jeunes que moi. Je peux m’assurer que je ne le transmettrai pas au processus que je crée, aux communautés dont je fais partie, aux choses que nous construisons. Nous ne sommes peut-être pas parfaits, mais nous pouvons travailler très dur pour nous assurer que nous ne transmettons pas littéralement ce traumatisme, ou cette socialisation, aux choses qui vont vivre après nous. Et je pense que c’est le travail que nous devons faire.

Q4 : Pouvez-vous nous expliquer à quoi pourrait ressembler un processus de justice transformatrice dans le cas d’un meurtre ?

Ok, je pense que souvent les gens parlent de processus de justice transformative, et ils pensent que cette personne a volé une autre personne, mais qu’il s’agit d’une personne à faible revenu, et que nous savons tous que le vol est généralement basé sur des facteurs socio-économiques, et que nous fonctionnons déjà avec beaucoup, je pense, beaucoup plus de compassion pour la personne qui a fait la chose que nous considérons comme mauvaise. Je vais donc commencer par un exemple de meurtre, parce que je pense que c’est quelque chose qui est assez irréversible, je dirais, et qui a certainement causé du tort et nous pensons souvent que c’est un acte vraiment impardonnable. Et je pense que le pardon est vraiment important pour la justice transformatrice, mais je ne pense pas qu’il soit nécessaire pour chaque personne de pardonner à une personne qui a fait du mal. Je pense que la différence entre le pardon et le fait d’empêcher activement une personne de vivre sa vie et de se développer est en fait un écart énorme. C’est la différence entre l’inaction et l’opposition active, et je pense que nous devons parfois assumer notre inaction, comme le fait de blesser, mais nous n’avons pas à nous opposer à la liberté d’une autre personne. Et donc, si je parle de meurtre, c’est parce que je pense que cela arrive souvent, évidemment, mais je pense aussi que les cas de violence se produisent aussi souvent au sein des communautés marginalisées et je pense que nous voyons des incarcérations disproportionnées pour ces choses, pour ces crimes, et aussi, juste d’énormes quantités de dommages qui se produisent pour toutes les personnes impliquées. Je pense donc que dans les cas de meurtre dans un système carcéral, c’est assez simple. Vous appelez les flics. Cette personne est généralement retenue et détenue jusqu’à la date de son procès. Cela arrive souvent très, très, très loin dans le temps, et les gens sont donc souvent retenus et détenus, qu’ils aient été prouvés coupables ou non. Mais disons, pour les besoins de l’exemple, que cette personne l’a fait, nous savons qu’elle l’a fait, et donc elle est finalement incarcérée et reçoit sa sentence, et évidemment la sentence n’est pas objective et est basée sur beaucoup de choses qui n’ont rien à voir avec la culpabilité ou non de la personne, mais souvent sa race, son statut socio-économique, son niveau d’accès. Donc, pour une raison quelconque, cette personne va en prison et attend la fin de sa peine jusqu’à ce qu’elle soit libérée.

Et quand elle est libérée, elle a un casier judiciaire, et comme le meurtre est un crime violent, c’est quelque chose qui ne disparaîtra jamais de son casier. Ils peuvent parfois faire une demande de grâce, mais les grâces coûtent vraiment très cher et s’ils ne sont pas riches, ils seront étiquetés comme meurtriers et ne pourront donc probablement pas trouver d’emploi, ni de logement. Et donc la plupart des gens qui ont des crimes violents dans leur dossier finissent par commettre beaucoup d’autres crimes. Je prends, je pense qu’il est vraiment important de passer par le processus carcéral, parce que j’ai l’impression que c’est juste la chose la plus dévastatrice à penser au fait que les actions uniques ont littéralement un impact sur la vie des gens et de tout le monde autour d’eux pour 60, 70, 80 ans et puis des générations plus tard parce que cela a un impact sur leurs enfants, cela a un impact sur leurs familles. Et donc oui, s’ils ont des enfants, leurs enfants grandissent sans parent, leur parent grandit, vous savez, peut-être décède, vit sans son enfant, sa communauté perd une personne. Je pense que beaucoup de gens vont aussi consacrer beaucoup de ressources pour essayer de rendre la vie aussi confortable que possible pour les personnes incarcérées, donc vous voyez aussi un argent direct qui est retiré à la famille qui a déjà perdu un soutien de famille pour être utilisé pour essayer de soutenir quelqu’un qui a été incarcéré. Je pense donc que cela a des effets vraiment dévastateurs. Mais je pense que du côté de la personne, de la famille et de la communauté qui a également perdu quelqu’un, une fois que la personne va en prison, elle ne reçoit rien.

Ils ne reçoivent pas de soutien de l’État, en termes de guérison. Ils doivent payer pour leur propre thérapie. Ils doivent, vous savez, payer leurs propres funérailles. Ils doivent gérer leur propre deuil. Je pense que l’État et le monde leur disent qu’ils devraient diriger toute cette tristesse et cette haine vers la personne qui leur a enlevé cette personne, et que toute cette douleur qu’ils ressentent est la responsabilité de cette personne. Et donc, je dis que tout ce mal s’est produit à partir d’une seule instance qui peut vraiment être traitée de manière plus approfondie dans un processus de justice transformative.

Pour en revenir au cas initial du meurtre, une personne a disparu et une autre personne l’a fait. Je pense que, je pense que tout d’abord vous devez vraiment parler à cette personne et je pense que vous devez lui demander pourquoi elle l’a fait. Parce que très très très peu de gens se mettent à tuer d’autres personnes sans raison. Et je ne dis pas que si oui ou non… le raisonnement n’a pas d’importance en termes d’application d’un processus de justice transformative, mais je pense que le raisonnement peut en fait nous aider à trouver beaucoup de solutions pour tous ces autres impacts nuisibles que nous voyons se propager, donc je pense que si cette personne est engagée dans d’autres activités criminelles par le biais d’organisations comme des gangs ou d’autres organisations criminelles et que c’est la raison pour laquelle elle l’a fait, je pense qu’il y a en fait beaucoup de travail à faire pour savoir pourquoi cette personne a ressenti le besoin de tuer une autre personne au sein de son organisation de gang. Je ne suis pas personnellement contre ou pour les gangs, je pense que les gangs peuvent apporter beaucoup de soutien aux personnes qui n’en ont pas ailleurs. Et je pense que c’est aussi l’échec d’une communauté, que les gens n’ont pas accès à leur famille, ils n’ont pas accès à un soutien financier, ils n’ont pas accès à une communauté ou à des personnes qui les voient ou les reconnaissent comme des êtres humains, alors ils se tournent vers les gangs.

Mais dites que ce n’est pas un gang, dites que c’était un accident. Souvent, les gens vont encore en prison pour des accusations d’homicide involontaire. Je pense que si c’est un accident, alors cette personne n’a pas besoin d’être emprisonnée pendant plusieurs années. Elle a probablement besoin de beaucoup de thérapie. Elle a besoin d’un grand soutien pour guérir, car la plupart des gens ne veulent pas avoir tué quelqu’un et la plupart des gens ne considèrent pas cela comme un accident banal. Je pense donc que le traumatisme lié au fait de savoir que l’on a tué quelqu’un doit être pris en compte. Et la pire façon de le faire, ou le pire endroit possible, c’est dans un endroit où vous subissez davantage de violence et où vous serez probablement contraint de refaire quelque chose comme ça. Disons que c’est dû à une maladie mentale, disons que c’est dû à des choses incontrôlées qui échappent au contrôle de la personne. Je pense qu’elles ont également besoin de soutien et de guérison et, encore une fois, la prison sera la pire façon de traiter cela. Mais je pense au-delà de ce cas et de ce qu’il faut faire avec cette personne, car je pense qu’il s’agit aussi de s’occuper de toutes les autres personnes qui ont été touchées. Je pense donc que l’approche de la justice transformatrice ne se contente pas de se demander comment punir cette personne ou comment traiter cette personne qui a fait quelque chose de mal. Il s’agit plutôt de se dire que le préjudice n’est pas seulement la mort d’une personne, mais aussi le fait qu’une autre famille va exister sans ressources ni soutien communautaire. Donc, au lieu d’investir de l’argent et du temps dans des avocats et dans, je ne sais pas, l’emprisonnement de quelqu’un, investissons cet argent, ce temps et ce soutien pour permettre à cette famille de guérir du fait qu’elle a perdu quelqu’un, pour soulager la douleur et la pression financière de devoir enterrer quelqu’un, de, vous savez, faire face au fait que souvent les gens perdent quelqu’un et doivent retourner au travail immédiatement, qu’ils doivent restructurer toute leur vie. Un processus de justice transformatrice autour du meurtre réfléchirait à toutes les façons dont nous pouvons soutenir les personnes qui ont perdu quelqu’un, sans se concentrer sur la punition. Et je pense que l’avantage de cette approche est que les gens ne retiennent pas leur colère et leur tristesse de la même manière, ou ne ressentent pas constamment les effets de cette perte au fil du temps. Je ne dis pas qu’ils doivent pardonner à la personne qui a fait ça. Mais je ne pense pas qu’ils recherchent activement la vengeance de la même manière, parce que la vengeance, ils ne la ressentent pas, ils ne ressentent pas toutes les autres choses qu’ils doivent gérer autour de leur tristesse. Et c’est vraiment la seule chose que nous devrions aborder à ce moment-là, parce que c’est si difficile, n’est-ce pas ?

Q5 : Les processus de TJ nécessitent beaucoup de temps, de compétences et d’énergie émotionnelle et mentale. Comment pouvons-nous œuvrer pour en assurer la durabilité et les rendre largement accessibles (et veiller à ce qu’ils ne soient pas laissés aux non-hommes et aux survivants ou aux victimes potentielles de préjudices similaires) ?

Je pense que le fait d’accompagner et de soutenir les gens dans les processus de TJ est une compétence, et une compétence que nous devrions tous être intéressés à développer. Je pense que la raison pour laquelle ce travail est souvent confié à des non-hommes, à des survivants, à des personnes qui ont subi des préjudices, c’est parce qu’ils savent déjà ce que c’est que d’être abandonné par le processus carcéral et parce qu’ils ont un intérêt direct dans une alternative, et donc je pense que la façon dont nous avons cette durabilité est d’avoir autant de personnes que possible avec cet ensemble de compétences. Je pense que la raison pour laquelle, souvent, c’est vraiment épuisant, ça peut être vraiment coûteux, c’est parce qu’il n’y a pas beaucoup de praticiens dans nos communautés qui ont beaucoup d’expérience dans ce travail. Je pense que c’est une chose pour laquelle il faut faire beaucoup d’efforts pour s’améliorer, je pense que c’est une de ces choses qui est le seul moyen parce que vous apprenez de l’expérience, vous apprenez des exemples. Si nous pensons à l’énergie mentale et émotionnelle, je pense que c’est plus facile lorsque nous avons le soutien d’une grande équipe, et je pense que la plupart des processus de justice transformatrice qui sont efficaces et fonctionnent bien sont soutenus par de grandes équipes, donc ils sont soutenus par des pods pour l’auteur et le survivant – la personne qui a été blessée. Ils ont plusieurs facilitateurs et plusieurs personnes qui peuvent en quelque sorte échanger le travail émotionnel. Ils tiennent compte du fait que ces processus peuvent durer des années et qu’une seule personne ne peut pas faire cela pendant plusieurs années sans aucune pause ni aucun soutien. Nous devons renforcer les capacités de nos communautés pour que ce travail ne soit pas épuisant mentalement et émotionnellement, et que le plus grand nombre possible de personnes soient en mesure de le faire. Je pense également que cela permet à davantage de personnes de s’approprier la TJ et de la développer. Je pense qu’il est dommageable qu’une sorte de processus communautaire basé sur la guérison de chacun soit laissé à certaines personnes, et qu’elles soient les seules à pouvoir être considérées comme des experts en la matière. Je pense que nous devons tous être investis de manière égale et je pense que cela signifie aussi que les hommes et les personnes qui peuvent parfois dire “Oh, je suis plus intéressé par les actions, ou par la destruction du système” et je dis “Eh bien, si nous détruisons le système, voici ce qui va le remplacer, et vous ne pouvez pas seulement être intéressé par la destruction, vous devez être intéressé par la construction”. Et donc je pense que faire de cette pratique une compétence pour tout le monde est la façon dont nous traitons ces questions de durabilité.

Q6 : Dans quelle mesure la JT dépend-elle de la participation volontaire de la personne qui a causé le préjudice ? Que se passe-t-il lorsqu’elle refuse d’être tenue responsable ou ne veut pas participer au processus ?

J’aime beaucoup cette question, elle m’a fait réfléchir un peu parce que je pense que c’est un élément central du processus, mais je ne pense pas que ce soit nécessaire. Et si je dis cela, c’est parce que je pense qu’il peut être un peu facile pour les gens de se dire “la personne qui a fait du mal ne veut pas s’asseoir, donc je suppose qu’il n’y a pas de justice transformative et qu’elle est un agresseur maintenant et que nous allons l’écarter”. Je pense que c’est en fait très facile et que cela penche toujours vers une pensée punitive. Je pense que nous devons créer des processus de TJ qui existent en l’absence d’une personne qui a fait du mal et qui contemple de faire partie de ce processus. Il ne s’agit pas de les forcer à participer au processus, mais de savoir à quoi ressemblent notre guérison et nos soins lorsqu’une personne qui fait partie du puzzle ne veut pas en faire partie. Comment pouvons-nous encore nous tourner vers l’intérieur et réfléchir à notre communauté en disant “ok, mais comment avons-nous permis que cela se produise ?” ou “décidons-nous que cette personne est un abuseur et que les abuseurs vont juste être abusifs et que si nous nous débarrassons de tous les abuseurs soudainement, notre communauté ne subira pas de préjudice”. Allons-nous continuer à offrir le même soutien à une personne qui ne s’articule pas uniquement autour de sa vengeance contre l’autre personne, ou allons-nous lui offrir une guérison en dehors du mal qui s’est produit, allons-nous maintenir un espace pour sa guérison si cela ne se concentre pas sur le blâme de l’autre personne, si cela ne fait pas de cette personne le centre de toutes les autres expériences. Je pense qu’il est formidable d’avoir cette personne et j’aime l’idée que les gens assument la responsabilité de leurs actes, mais je pense aussi que nous devons faire preuve de compassion et de réalisme face au fait qu’il est difficile d’entendre que l’on a blessé des gens d’une manière que l’on n’aurait jamais imaginée. Je pense que si nous voulons que les gens courent vers la responsabilité, nous devons créer un processus permettant aux gens de revenir et de faire partie de ce processus de TJ même après leur refus. Est-ce que nous permettons aux gens de fuir la responsabilité puis d’y revenir ? Allons-nous dire non, “vous avez manqué votre chance et maintenant personne ne veut vous offrir la guérison, vous avez manqué votre chance et maintenant vous êtes un abuseur pour toujours”. Je pense que c’est comme je l’ai dit, c’est une dérobade et je pense que nous devons être plus imaginatifs et créer des processus plus robustes pour le soutien et la guérison qui vont au-delà d’une personne parce que je ne pense pas qu’une personne qui ne s’engage pas devrait suffire à faire exploser tout un processus, et si c’est le cas, alors il n’était pas assez fort au départ.

Q7 : Y a-t-il des façons dont la justice transformatrice peut être utilisée à tort pour punir (par exemple, en appliquant des méthodes et des principes de responsabilisation en matière de violence sexuelle à des situations qui ne le sont pas, en exigeant l’exclusion d’espaces par vengeance plutôt que par sécurité, etc.

Je pense que cela arrive souvent, il arrive que les gens appliquent la pensée carcérale dans une sorte de mesures punitives aux processus de TJ. Mais je vais aussi dire que je ne pense pas qu’ils le fassent intentionnellement. Je pense que cela nous ramène à ce que je disais plus tôt, à savoir que nous avons été socialisés par ce processus et que nous ne nous rendons même pas compte de sa profondeur jusqu’à ce que nous pervertissions ou ruinions cette belle chose que nous imaginons avec ces mêmes idées que nous n’avons pas encore interrogées. Je pense que cela se produit souvent dans les cas de violence sexuelle parce que nous voulons soutenir les survivants, nous voulons que les gens se sentent en sécurité, nous voulons que les gens se sentent soutenus et nous pensons que cela va à l’encontre de la guérison d’une autre personne qui a fait ce mal. Donc je pense qu’en termes d’évitement, je pense que c’est effrayant parce que ça arrive souvent, mais je pense que ça signifie aussi que nous devons l’appeler, d’une manière vraiment gentille. Je pense qu’il est si difficile de le dénoncer, et les gens font du call-in et du call-out, je pense que nous devons le dénoncer avec gentillesse. Je pense que nous devons être vraiment forts sur le fait que nous voyons quelque chose qui se passe qui est vraiment mal, mais aussi être comme : “Je ne pense pas que vous faites ça parce que vous êtes mauvais, je ne pense pas que vous faites ça parce que vous êtes un faux praticien TJ, je ne pense pas que vous faites ça parce que vous essayez de ruiner cette chose, je pense que vous faites ça parce que peut-être vous ne le réalisez pas ou je pense que vous faites ça parce que vous souffrez et vous n’avez pas assez de soutien et vous n’avez pas assez de ressources, et tu dois aussi payer ton loyer et faire ton travail”, et toutes ces choses sont vraiment très difficiles tout en essayant de soutenir une personne que tu n’aimes pas parce qu’elle vient d’agresser sexuellement ton amie. C’est normal que vous luttiez contre cela, mais nous devons trouver un meilleur moyen.

Cela signifie que nous devons dénoncer ces choses. Je pense que le fait de demander l’exclusion des espaces est vraiment intéressant. Je trouve que c’est un peu là où la justice réparatrice et la TJ deviennent un peu piquantes, et sont utilisées de manière interchangeable. Et je vois souvent des principes de justice réparatrice où nous donnons la priorité à la victime ou au survivant (ou à la personne lésée) avant tout, et je pense que cela ne peut pas être réellement durable dans la JT. Je pense que bannir quelqu’un, ou exclure quelqu’un d’un espace, a du sens dans le cadre de la justice réparatrice. C’est ce que signifie le sentiment de justice pour un survivant, une victime ou une personne qui a subi un préjudice ; c’est ce dont ils ont besoin pour que la justice soit rétablie. Je pense que le problème est que lorsque nous excluons des personnes de l’espace, en particulier des communautés, nous oublions la raison pour laquelle nous avons des communautés en premier lieu, c’est-à-dire pour assurer la sécurité des personnes, pour permettre aux personnes de se développer, pour fournir aux personnes la guérison et le soutien, souvent la communauté prend également la place de la famille pour les personnes qui n’ont pas de famille biologique ou qui sont éloignées des familles biologiques ou qui ne sont pas tenues ou vues par leur famille biologique. Et donc, couper quelqu’un de la communauté va reproduire ce mal à d’autres personnes qui n’ont pas de communauté, à d’autres personnes qui font partie d’autres communautés. Je pense que si nous voulons créer des pratiques solides, nous devons toujours réfléchir au but de notre action. Il ne suffit pas de donner à quelqu’un ce dont il dit avoir besoin parce qu’il a été lésé, il faut se demander quel est l’objectif, quel est l’impact. Il faut se demander si cette personne n’a pas besoin de se trouver dans cet espace ou si elle a besoin de se sentir soutenue et aidée au sein de sa communauté. D’accord, vous avez proposé une solution consistant à ne pas avoir cette personne dans les parages, nous ne pensons pas pouvoir faire cela, mais comment pouvons-nous vous soutenir et vous accompagner pour que la présence de cette personne ne vous dérange pas. Peut-être que vous pouvez tous les deux avoir accès à l’espace, mais vous serez séparés le même jour pour ne pas avoir à courir l’un contre l’autre et être à nouveau traumatisés. Peut-être que cette personne va jouer un rôle différent dans cet espace. Je pense que nous devons être plus innovants dans notre façon de répondre aux besoins des gens, au-delà de leur donner ce qu’ils pensent vouloir, mais aussi au-delà de la facilité, car je pense que lorsque nous revenons aux mesures punitives, à la carcéralité, c’est souvent la chose la plus facile à faire, c’est ce qui est câblé dans notre cerveau, c’est la solution rapide, et je ne pense pas que la TJ soit construite sur des solutions rapides. Il s’agit généralement de processus longs et exhaustifs et d’essayer un tas de choses jusqu’à ce que cela fonctionne, jusqu’à ce que nous ayons tous ce dont nous avons besoin.

Q8 : Quand la justice transformatrice n’est-elle pas nécessaire ?

Je pense que dans les cas de préjudice, la JT est probablement toujours nécessaire. Je pense que parfois, nous n’avons pas toujours les ressources ou le temps nécessaires pour créer un processus efficace ou honnête. Mais je ne pense pas que cela signifie que nous n’en avons pas besoin, je pense que cela signifie qu’il nous manque quelque chose pour en faire la meilleure chose possible. Je pense cependant que dans les cas de blessures, la TJ n’est pas nécessaire et je pense qu’il peut être très difficile de regarder vers l’intérieur et de dire “est-ce que cette personne m’a fait du mal ou est-ce que cette personne m’a fait du mal ?”. Et parfois le mal et la blessure se chevauchent, je ne pense pas que ce soit simple, mais je pense que nous devons tous faire ce travail de ne pas rendre justice ou de demander justice ou de demander des comptes pour des interactions vraiment humaines, comme si quelqu’un vous avait brisé le cœur ou que votre ami n’était pas un bon ami pour vous ou que quelqu’un était méchant d’une manière qui vous a fait perdre confiance en lui. Je pense que cela fait partie des relations avec les gens, cela fait partie de l’intimité, cela fait partie de la proximité. Je pense qu’il est vraiment impossible d’être proche des gens, d’avoir des relations intimes avec eux et de ne pas être blessé. Je pense que cela fait partie de l’expérience humaine, et lorsque nous essayons de rectifier la blessure avec la TJ, je pense que nous faisons en sorte que les gens se ferment aux autres parce qu’ils ont tellement peur que chaque cas de blessure fasse l’objet d’un processus de responsabilisation ou d’un appel public, qu’ils ne s’ouvrent pas aux autres. Je pense que nos communautés sont construites sur nos relations et que nos relations sont construites sur la confiance et sur la croissance émotionnelle. Et donc si nous ne nous permettons pas d’être blessés, si nous ne nous permettons pas de grandir émotionnellement et de faire la différence entre ces deux choses qui se produisent, je pense que nous courons le risque de ruiner la très belle chose que la TJ peut être pour notre communauté.

Q9 : Quelles sont les possibilités et les limites de la justice transformative dans le cadre du capitalisme carcéral ?

Je pense qu’il est vraiment important de se rappeler que la justice transformatrice n’a pas été conçue pour exister sous le capitalisme et que notre forme idéalisée de TJ se situera toujours dans un monde sans capitalisme, sans colonialisme et sans pouvoirs impériaux, parce que je pense que c’est la seule façon pour nous de vraiment prospérer. En gardant cela à l’esprit, j’ai l’impression qu’il est très important d’intégrer cela dans nos mouvements de libération, dans le travail que nous faisons maintenant, parce qu’il est en fait très difficile, dans toutes les sortes de révolutions qui ont eu lieu au cours de l’histoire, d’inverser soudainement la tendance. C’est vraiment difficile de dire “nous avons tout brûlé et maintenant nous allons créer quelque chose de nouveau”, si personne ne s’est jamais entraîné à travailler sur les choses. Et donc je pense que nous devrions toujours penser à l’intégration de la JT dans nos communautés, dans nos organisations comme une pratique vers l’application dans un monde meilleur. La seule façon de savoir comment cela fonctionne, et je ne veux pas dire parfaitement, je ne crois pas vraiment à la perfection, mais mieux ou sous une forme idéalisée, c’est en trébuchant, en nous voyant échouer, en nous voyant faire des erreurs, en nous voyant peut-être confondre le mal et la douleur, en nous voyant courir vers la sincérité lorsque nous voyons une forme extrême de mal, puis revenir vers la TJ. Tout ce travail est vraiment nécessaire parce qu’aucun bon système qui fonctionne pour tout le monde (et je pense que la TJ doit fonctionner pour tout le monde) n’a été construit exclusivement dans les livres, on ne peut pas simplement en parler, ce ne peut pas être une chose que nous gardons dans nos cœurs jusqu’au moment où nous serons libérés du capitalisme. Je pense que nous devons constamment la mettre en pratique, nous devons constamment la travailler pour qu’elle soit meilleure. Donc oui, je pense que c’est pourquoi c’est à la fois un outil de libération mais c’est aussi quelque chose qui va grandir avec notre processus de libération, si cela a un sens. Je pense que c’est difficile parce que, et je ressens ça tout le temps quand je pense au fait que les personnes spécifiques qui pratiquent la TJ, une grande partie du travail consiste à convaincre les gens que quelque chose d’autre est possible. Une grande partie du travail consiste à rappeler constamment aux gens qu’il faut penser au-delà de ce que l’on nous a dit être possible, de ce qui existe actuellement, des circonstances du monde dans lequel nous existons aujourd’hui, et ensuite nous devons appliquer cette chose qui ne devrait jamais vraiment exister dans le système, à l’intérieur du système, pour pouvoir y arriver. Mais je pense que ce genre de travail est vraiment nécessaire parce que je ne crois pas que nous puissions simplement continuer à avancer dans le système et faire ce que nous devons faire jusqu’à ce qu’un jour nous en soyons libérés et que nous puissions fonctionner dans ce monde parfaitement ou que nous puissions fonctionner dans ce monde sans apporter toutes les choses que nous portons actuellement dans ce monde. Je pense qu’il est important pour notre avenir et pour les personnes qui viendront après nous de faire ce travail maintenant. De sorte que lorsque nous arriverons à un point de libération, ils n’auront pas à faire ce travail pour nous. Je pense que c’est vraiment itératif.

Conclusion

Bien que la justice transformatrice ne puisse pas être pleinement ou largement fonctionnelle sous le capitalisme, il est important de la mettre en œuvre au mieux de nos capacités alors que nous construisons vers une révolution, dans la lutte pour la libération et contre les systèmes et institutions oppressifs. Nous voulons que les communautés et les mouvements soient résilients et ne s’effondrent pas lorsque des dommages internes se produisent et ne sont pas traités correctement. Les ennemis et l’État peuvent également utiliser les cas de préjudice au sein des mouvements ou des communautés pour les discréditer ou justifier leur propre violence à leur encontre. En mettant en place des mécanismes pour faire face à ces situations dès le début, nous faisons des communautés de résistance de meilleurs endroits et nous montrons que nos solutions sont efficaces pour créer des communautés meilleures et plus justes, contrairement à la police d’État.

Un mouvement social fort n’est pas seulement une question de mobilisation, mais aussi une question de gestion du désordre que nous laissons parfois. Grandissons en tant que mouvement social et prenons soin de nous.

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Mar 082023
 

Du Centre de documentation sur la contre-surveillance

Un bref aperçu des méthodes modernes de la criminalistique linguistique pour déterminer les auteur·ice·s d’un texte, traduit de l’allemand de Zündlumpen n°76 (2020)

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L’article suivant tente de donner un aperçu d’un point de vue non technique. Il existe quelques publications académiques sur ce sujet qui pourraient être examinées pour une meilleure analyse. Cependant, mon objectif principal ici est de soulever la question, et non de fournir un point de vue solide et concluant. Si vous en savez plus, publiez !

La plupart des gens qui commettent occasionnellement des délits et ont des démêlés avec la justice s’intéressent sans doute à la possibilité d’éviter de laisser des traces qui pourraient leur coûter cher à l’avenir, peut-être même après des années ou des décennies. Ne pas laisser d’empreintes digitales, de traces ADN, d’empreintes de chaussures ou de traces de fibres textiles ou au moins se débarrasser des vêtements après coup, éviter les caméras de surveillance, faire attention aux traces d’outils, éviter les enregistrements de toute sorte, détecter la surveillance, etc. – tout ça devrait être une préoccupation pour toute personne qui commet des délits de temps en temps et qui ne veut pas être identifiée. Mais qu’en est-il de ces traces qui n’apparaissent souvent qu’après la commission d’un délit, dans le désir d’expliquer son acte de manière anonyme ou même en utilisant un pseudonyme récurrent ? Lors de la rédaction et de la publication d’un communiqué ?

J’ai l’impression que souvent, aucune attention particulière n’est accordée à ces traces malgré un développement technologique rapide des capacités d’analyse. Ça peut être délibéré, être une négligence, ou être un compromis entre des besoins divergents. Sans vouloir faire ici une suggestion générale sur la manière de traiter ces traces – après tout, chacun·e fera ce qu’iel lui semble le mieux – je voudrais présenter les méthodes avec lesquelles les autorités enquêtrices en Allemagne et ailleurs travaillent actuellement (probablement), ce qui semble possible en théorie et ce qui pourrait devenir possible à l’avenir.

Je devrais peut-être préciser à l’avance que tout ou du moins la plupart de ce que je présente ici est scientifiquement et juridiquement controversé. Et je m’intéresse moins à la validité juridique des analyses linguistiques – ou à leur validité scientifique – qu’au fait de savoir s’il semble plausible que ces recherches puissent contribuer à une opération de surveillance, car même si une piste n’est pas utile en soi devant un tribunal, elle peut toujours mener à d’autres pistes utiles.

Identification d’auteur·ice·s au BKA [Office fédéral de la police criminelle d’Allemagne].

Selon ses propres dires, l’Office fédéral de la police criminelle (BKA) dispose d’un département consacré à l’identification des auteur·ice·s de textes. L’accent est mis sur les textes liés à des actes criminels, comme les communiqués de revendication, mais aussi sur les “prises de position” des “milieux extrémistes de gauche”, entre autres. Tous les textes collectés sont traités par des analyses linguistiques dans un “recueil de communiqués” et peuvent être comparés et parcourus avec le système d’information criminelle sur les textes (KISTE). Selon le BKA, les textes sont classés en fonction des caractéristiques biographiques suivantes de leurs auteur·ice·s (présumé·e·s) : origine, âge, formation et profession.

Tous les nouveaux textes sont également comparés aux textes précédemment enregistrés pour déterminer si plusieurs textes peuvent avoir été écrits par la même personne.

Dans le cadre d’enquêtes spécifiques, les textes enregistrés peuvent aussi être comparés à des textes dont l’auteur·ice est connu·e, afin de déterminer s’ils ont été écrits par la même personne ou si ça peut être exclu.

Il s’agit des informations officielles du BKA concernant ce département. Qu’est-ce que ça veut dire en pratique ?

Je pense qu’on peut supposer qu’au moins tous les communiqués de revendication sont enregistrés dans cette base de données et analysés pour voir s’il existe d’autres communiqués de revendication par le(s) même(s) auteur·ice(·s). Le fait qu’ils enregistrent également les “prises de position” permet de tirer d’autres conclusions : ça semble au moins possible qu’en plus des textes ayant une pertinence pénale, ils stockent aussi d’autres textes qui sont censés provenir d’un milieu particulier. Par exemple, des textes provenant de journaux, des déclarations de groupes/organisations politiques, des appels, des articles de blog, etc. Dans le pire des cas, je suppose que tous les textes publiés sur des sites Internet d'”extrémistes de gauche” (après tout, il est assez facile de les dénicher), ainsi que les textes de publications papier qui semblent intéressants pour les autorités enquêtrices, seraient ajoutés à cette base de données.

Ça veut dire que pour chaque communiqué de revendication, le BKA disposerait d’un ensemble de textes dont il présume qu’ils ont le même auteur·ice. Il peut s’agir d’autres revendications ou d’autres textes qui ont été ajoutés à la base de données. Outre le cas des délits commis en série, ça peut donner d’autres indices sur les coupables, comme des pseudonymes, des noms de groupe – ou, dans le pire des cas, des noms – sous lesquels l’auteur·ice d’une revendication peut avoir écrit d’autres textes, mais aussi, selon le texte, toutes sortes d’autres informations, dont souvent des indices sur le lieu de résidence et d’activité d’une personne, ses thèmes de prédilection, ses caractéristiques biographiques, son parcours éducatif, etc. Toutes ces informations peuvent au moins servir à réduire le cercle des suspects.

Ce qui n’est pas clair dans tout ça, ce sont les autres échantillons de comparaison que le BKA pourrait obtenir. Pour la plupart des gens, il existe certainement toute une série de textes auxquels les autorités enquêtrices ont (pourraient) avoir accès et qui pourraient être ajoutés à la base de données en cas de suspicion ou même à titre de précaution – si une personne est fichée avec une mention telle que “extrémiste de gauche violent”, etc. Il peut s’agir de n’importe quel document portant votre nom, qu’il s’agisse d’une lettre adressée à une autorité ou d’une lettre à l’éditeur d’un journal. Je ne citerai ici intentionnellement que les sources les plus évidentes, histoire de ne pas donner par inadvertance une inspiration décisive aux autorités enquêtrices, mais je suis sûr que vous pouvez déterminer vous-même lesquels de vos textes pourraient être accessibles. Si les enquêteurs du BKA parviennent à réduire le cercle des suspects à une caractéristique spécifique, ça permet la comparaison avec des masses d’échantillons de textes disponibles (par exemple, si on suppose qu’un·e scientifique d’une certaine discipline est responsable d’une lettre, toutes les publications de cette discipline pourraient être utilisées comme échantillons de comparaison). Ça serait, par exemple, une explication (partielle) possible de ce qui a pu se passer avec Andrej Holm dans l’affaire contre le militante gruppe (mg), du moins si on suppose que le BKA n’a pas simplement tapé “gentrification” sur Google, donc je pense qu’il est tout à fait possible que de telles analyses soient effectuées.

Méthodes pour détecter des auteur·ice·s et établir des profils

Ceci dit, tout ça ne prend en compte que ce que le BKA prétend être capable de faire et pousse ces considérations jusqu’à certaines conclusions logiques. Mais comment fonctionne réellement la reconnaissance des auteur·ice·s ou l’établissement de profils ?

Qui n’a jamais eu peur que le prof d’allemand ne vous dénonce après qu’un poème moqueur sur un enseignant soit apparu dans les toilettes et que toute l’école se moque du fait que vous seul·e auriez pu écrire “aspirateur” [Leerer] au lieu de “professeur” [Lehrer]. Heureusement, toute la fac d’allemand a joué le jeu, adoptant le récit d’une faute d’orthographe et fermant les yeux sur le jeu de mots. La criminalistique linguistique semble exiger un peu de pratique, ou au moins une motivation criminologique, qui sait ? Quoi qu’il en soit, l’analyse d’erreurs, dont la plupart ont probablement entendu parler, était l’un des principaux outils d’analyse du BKA vers 2002, avec l’analyse de style, selon un article promotionnel de Christa Baldauf, flic spécialiste du langage. Les fautes d’orthographe, les erreurs grammaticales, la ponctuation, mais aussi les fautes de frappe, l’orthographe nouvelle ou ancienne, les indications sur les particularités du clavier, etc., tout ça sert aux flics du langage à collecter des indices sur l’auteur·ice. Par exemple, si j’écris “muß” au lieu de “muss”, ça peut être un indice que j’ai manqué certaines des réformes orthographiques les plus récentes quand j’étais à l’école. Si, en revanche, j’écris constamment des termes qui, selon les règles d’orthographe, utilisent “ß” et non “ss”, ça pourrait signifier qu’il n’y a pas de “ß” sur mon clavier. Par exemple, si je parle de “dem Butter” [au lieu de “die Butter”], ça pourrait être une référence au fait que j’ai grandi en Bavière, etc. Mais peut-être aussi que je simule toutes ces choses dans le seul but d’induire en erreur les flics du langage. La plausibilité de mon profil d’erreur fait également partie d’une telle analyse. De même, l’analyse stylistique examine les particularités de mon style d’écriture. Quel type de termes j’utilise, ma structure de phrase présente-t-elle des schémas spécifiques, y a-t-il des termes particuliers qui se répètent d’un texte à l’autre, etc. Je pense que toute personne qui examine de plus près ses textes reconnaîtra certaines caractéristiques stylistiques qui lui sont propres.

De telles analyses qualitatives servent avant tout à établir le profil des auteur·ice·s. Il est certes possible de faire correspondre différents textes de cette manière, mais la véritable valeur de ces analyses réside dans la possibilité de déterminer des éléments tels que l’âge, le “niveau d’éducation”, l'”appartenance à un milieu”, les origines régionales, et parfois même des indications sur la profession/formation, etc. On entend aussi parler de tentatives pour déterminer des éléments comme le genre, mais ça semble généralement moins évident.

En revanche, il existe également des analyses plus quantitatives et statistiques qui examinent tout ce qui peut être mesuré de cette manière, de la fréquence des mots aux termes particuliers utilisés en passant par la structure syntaxique des phrases. Ces méthodes, connues sous le nom de stylométrie, sont parfois très controversées car il n’est pas possible de dire exactement ce qu’elles sont censées mesurer, mais elles donnent parfois des résultats étonnants, notamment en combinaison avec des techniques d’apprentissage automatique (machine learning). Je pense que ces approches sont donc surtout susceptibles d’être utilisées pour regrouper différents textes en fonction de leurs similitudes.

L’avantage évident de ces analyses quantitatives est qu’elles peuvent être réalisées en masse. Tous les textes disponibles ou numérisables peuvent être analysés de cette manière, des messages sur les réseaux sociaux aux livres. Bien que le succès de ces méthodes soit actuellement encore relativement modeste, et qu’il s’est souvent avéré que des textes supposés similaires le sont davantage par leur genre que par leur auteur·ice, si on part du principe que les styles d’écriture individuels pourraient correspondre à des modèles quantitatifs, ça signifie qu’une fois ces modèles connus, une attribution massive de textes à certain·e·s auteur·ice·s sera possible.

Et maintenant ?

Il y avait et il y a, bien sûr, diverses approches pour gérer cette situation, aucune n’étant meilleure ou pire qu’une autre. Celleux qui n’écrivent pas de communiqués évitent largement ce problème, mais sont tout de même concerné·e·s s’iels participent à des publications ou écrivent d’autres textes. Cellui qui camoufle des textes avant leur publication, par exemple en faisant réécrire et reformuler successivement des passages par plusieurs personnes, etc., court quand même le risque de développer des caractéristiques linguistiques et stylistiques exploitables ou de ne pas réussir à dissimuler des caractéristiques. Cellui qui pense pouvoir ignorer tout ça parce qu’il n’existe aucun échantillon de texte qui peut lui être attribué ou parce qu’iel est convaincu que la valeur juridique de la reconnaissance d’auteur·ice est trop fragile, risque qu’à l’avenir des échantillons de texte deviennent d’une manière ou d’une autre disponibles (par exemple parce qu’iel est reconnu·e coupable d’avoir écrit un texte) ou que la valeur juridique de la procédure évolue. Celleux qui pensent que la technologie n’est pas (encore) assez bonne peuvent être surpris·es par les développements futurs. Celleux qui utilisent des solutions techniques pour masquer leur qualité d’auteur·ice courent le risque de laisser de nouvelles caractéristiques et traces, et aussi de produire des communiqués mal écrits que personne ne veut lire de toute façon. Celleux qui n’écrivent jamais aucun texte, eh bien, n’écrivent jamais aucun texte.

Donc faites ce qui vous parle le plus, mais faites-le dès maintenant – si ce n’est déjà le cas – en gardant à l’esprit ces traces et cette sensation de malaise dans l’estomac qui, dit-on, a sauvé plus d’une personne d’une erreur d’inattention au moment crucial.

Résidences pour aîné-e-s (RPA) : La vie des personnes âgées compte

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Mar 042023
 

Du Collectif Emma Goldman

Il y a 9 ans, le 23 janvier 2014, un incendie épouvantable brisait la quiétude nocturne du village de l’Isle-Verte dans le Bas-du-fleuve. La résidence privée de personnages âgées (RPA) du Havre allait montrer quelques unes des défaillances d’un modèle capitaliste de traitement envers les personnes âgées dans notre société. 32 personnes âgées ont péri dans le brasier. Le profit passant avant la vie ; l’enquête du coroner montra qu’il n’y avait aucun système de gicleurs dans des sections habitées par des patients et patientes non autonomes et qu’il y avait un manque de formation et de préparation pour intervenir dans une telle situation, en plus d’un manque d’effectif chez les pompiers volontaires du village.

9 ans après, non seulement faut-il avouer que le drame s’est avéré inefficace pour changer les mentalités dans le marché des résidences pour aîné-e-s, mais des dizaines de propriétaires de RPA menacent actuellement de fermer leur établissement si Québec maintient son échéancier d’obligation pour les gicleurs d’ici décembre 2024 (une échéance, il faut rappeler, que le gouvernement a déjà repoussé face aux pressions). À Québec, plus d’une centaine de résidents et résidentes de la RPA Villa Sainte-Foy viennent d’apprendre par courrier que le bâtiment qu’ils et elles habitent vient d’être vendu et sera converti en logements locatifs. Le propriétaire a décidé de vendre, simplement car il trouvait les coûts pour se conformer aux nouvelles normes trop importants. Ce que le marché permet est absolument horrible pour la centaine de personnes qui comptait sur ce toit.

Les propriétaires de RPA font actuellement un bras de fer avec le gouvernement pour obtenir plus de soutien. Ils ne sont pourtant pas à plaindre avec des loyers mensuels moyens atteignant plusieurs milliers de $ et des coûts qui augmentent à la carte de façon drastique. Ce sont les personnes âgées qui sont prises au piège, trop souvent sans protection et en situation de dépendance, dans la macabre soif de profit de ces propriétaires. Malgré cela, Québec aide déjà considérablement, voire beaucoup trop, les RPA privés. Comme le révélait l’émission Enquête à l’automne 2020, les RPA sont considérés depuis déjà plusieurs années comme un bon placement par les investisseurs, l’“or gris”. Ce qui les intéresse n’est pas de veiller à offrir des conditions dignes à leurs résidents et résidentes, mais d’obtenir le plus de retour possible sur leurs investissements : des profits autrement dit. Ils profitent pour être clair d’un système âgéiste, soit un rapport social de domination qui assigne socialement une position de pouvoir aux individus, différenciée en fonction de leur groupe d’âge. Ils ne rechignent certainement pas devant l’appauvrissement des personnes âgées, le refus de mettre en place les mesures de sécurité les plus élémentaires pour les personnes non autonomes, les coupures dans les services et ils inculquent leur vision marchande de la personne au personnel qui voit le ratio soignant-patient sans cesse augmenter.

Les maigres campagnes visant la défense des droits des personnes âgées et la dénonciation des abus pourront faire bien peu dans ce contexte. Il faudra certainement continuer de dénoncer les cas d’abus envers et contre les institutions qui cherchent à les faire taire, mais il faudra également mettre le doigt sur les racines du problème : les mécanismes de la domination âgéiste profondément ancrés dans notre système politico-économique et ses institutions.

Au-delà des prises de conscience, il sera nécessaire de construire des convergences avec toutes les personnes âgées qui en ont ras-le-bol et soutenir le développement d’initiatives et l’auto-organisation dans leurs milieux et combattre le système.

Pour compléter l’analyse au sujet de l’âgéisme envers les personnes âgées, les deux articles suivants sont à consulter:
L’âgéisme : un autre système d’oppression à combattre ici et maintenant !
Âgéisme : Que veulent les personnes âgées ?

Un anarchiste du Pekuakami

Ce que nous savons jusqu’à présent sur le projet de nouvelle prison pour femmes à Montréal

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Mar 032023
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Le Québec a récemment annoncé la construction d’une nouvelle prison provinciale pour femmes à Montréal, dont les travaux devraient commencer cet automne (2023). La nouvelle prison est destinée à remplacer la Maison Tanguay, qui a été fermée en 2016. Depuis, les femmes sont emprisonnées à Leclerc, qui était initialement un établissement mixte, à Laval. Le plan du gouvernement provincial est de démolir Tanguay en 2024, et de construire la nouvelle prison entre l’ancien site de Tanguay et la prison de Bordeaux, toujours en activité, à Ahuntsic-Cartierville. L’ensemble du projet est facturé 400 millions de dollars.

Nous souhaitons partager quelques recherches sommaires sur les plans de construction, dans l’espoir qu’elles seront utiles à tou.tes celleux qui envisagent de s’organiser contre la construction de cette prison dans les mois et années à venir.

Dans l’état actuel des choses, la construction commencera à l’automne 2023, et la nouvelle prison ouvrira à l’été 2029.

La prison aura 237 lits.

L’emplacement approximatif de la prison est indiqué sur la carte ci-dessous :

Les quatre contrats suivants ont déjà été attribués par la Société québécoise des infrastructures pour les travaux du projet. Pour chaque contrat, nous avons inclus un lien vers les détails du contrat. Cependant, le téléchargement des documents associés nécessite un compte.

1. Services professionnels en génie mécanique et génie électrique

Ce contrat a été attribué à Groupe TT / BPA / ÉDFM, pour un total de 7 285 762$. Leur mandat a débuté le 15 janvier et se terminera probablement en avril 2029.

Groupe TT – https://facebook.com/people/Groupe-TT-construction/100065212462242
BPA (bouthillette parizeau) – bpa.ca
ÉDFM – https://b2bhint.com/en/company/ca-qc/gestion-edfm-inc–1170270806

https://www.seao.ca/OpportunityPublication/avisconsultes.aspx?ItemId=0eae49b7-e977-4ed8-aa8c-30cf4954af56

https://www.seao.ca/OpportunityPublication/avisconsultes.aspx?ItemId=4a1afcfc-33f5-44a6-96f4-a2aa678f5a55

2. Services professionnels en génie civil et génie structure

Ce contrat a été attribué à Consortium SDK/CIMA+ pour un total de 2 943 780$. Leur mandat a débuté le 15 janvier, et se terminera probablement en avril 2029.

SDK – sdklbb.com
CIMA+ – cima.ca

https://www.seao.ca/OpportunityPublication/avisconsultes.aspx?ItemId=8bcbe444-afc0-4ad6-839e-150ce5edf66c

https://www.seao.ca/OpportunityPublication/avisconsultes.aspx?ItemId=6839222e-60e3-4da0-93d8-5c19161790fc

3. Services professionnels en architecture

Ce contrat a été attribué à Parizeau Pawulski + Pelletier de Fontenay + NEUF architectes en consortium pour un montant total de 13 393 780$. Leur mandat a débuté le 15 janvier dernier et se terminera vraisemblablement en avril 2029.

Parizeau Pawulski Architects – https://www.facebook.com/people/Parizeau-Pawulski-Architectes/100083382480717/
Pelletier de fontenay – https://www.pelletierdefontenay.com/

https://www.seao.ca/OpportunityPublication/avisconsultes.aspx?ItemId=d437cf87-4db6-4e43-a79a-b2fbe06de735

https://www.seao.ca/OpportunityPublication/avisconsultes.aspx?ItemId=1b5d0bc4-110f-4a73-aa4b-2cf093a7da0c

4. Facilitateur en processus de conception intégrée

Ce contrat a été attribué à Vertima Inc. pour un total de 33 750$.

Vertima Inc – vertima.ca

https://www.seao.ca/OpportunityPublication/avisconsultes.aspx?ItemId=3058152f-b650-46ca-a6ba-1b58da1f5c9d

Chasse au trésor pour Coastal Gaslink

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Fév 272023
 

Soumission anonyme à BC Counter-Info

Au cours des derniers mois, plusieurs sections du pipeline Coastal Gaslink ont été vandalisées. Financièrement, les conséquences de chaque acte étaient mineures : quelques trous dans le gazoduc ici, quelques soudures corrodées là, du béton endommagé ici. Notre objectif était de contribuer aux petits retards d’un projet dont le budget était déjà largement dépassé.

  1. Nous avons percé des trous de moins d’un centimètre de large dans une section de tuyau qui n’avait pas encore été abaissée dans la tranchée. Nous avons recouvert les trous d’un film en fibre de verre, qui empêche temporairement les fuites des tuyaux, mais ce bandage ne durera que quelques mois. Nous savons que les sections soudées des tuyaux enterrés sont évaluées avant d’être abaissés dans la tranchée. Une fois la tranchée remblayée, ils sont testés sous pression. Les trous ont été scellés dans l’espoir qu’ils passent le premier test de pression, mais ils devront être excavés et réparés avant que la canalisation ne soit achevée. Cela s’est produit durant  la dernière semaine d’octobre sur la section 8 du pipeline, entre les kilomètres 610 et 613.
  2. Entre les kilomètres 585 et 588 du pipeline, nous avons trouvé une section du tuyau qui avait été creusée. Nous avons donc endommagé le revêtement au niveau des joints en l’écaillant et en le ponçant à des endroits moins visibles. Ce revêtement est nécessaire pour protéger la canalisation contre la corrosion et la rouille. Nous avons effectué cette opération au début du mois de novembre. Cette approche nous a plu car les dommages ne sont pas visibles, mais ils peuvent tout de même avoir un impact structurel important à long terme si la corrosion et la rouille apparaissent, et il faudra donc les réparer.
  3. Nous avons percé de très petits trous et les avons remplis cette fois avec un mastic époxy, quelque part entre les kilomètres 605 et 608 du tracé du pipeline (c’est dans la section 8.) Nous avons fait cela dans la deuxième semaine de novembre. Nous n’étions pas certain.es que le mastic résisterait au test de pression, mais nous avons décidé que cela valait la peine d’essayer puisque ce mastic est plus facile à trouver et à utiliser que le revêtement en fibre de verre.
  4. Fin novembre, nous avons percé et rempli des trous dans le pipeline avant qu’il ne soit descendu dans la section 6 entre les kilomètres 486 et 489.
  5. Début décembre, nous avons ébréché et cassé les soudures d’une section de conduit qui n’avait pas encore été descendue dans la tranchée entre les kilomètres 606 et 609.
  6. Nous avons endommagé le revêtement protecteur d’une section de tuyau en le meulant et nous avons ébréché des joints de soudure sur plusieurs sections de conduit avant qu’ils ne soient enterrés entre les kilomètres 377 et 380 de la section 5 du pipeline. Ces travaux ont été effectués au début du mois de janvier.
  7. Près du kilomètre 27 du chemin forestier de North Hirsch, nous avons endommagé les soudures et le revêtement d’une section de conduit à la mi-janvier.
  8. Nous avons versé de l’acide chlorhydrique sur les tuyaux en béton que nous savions être destinés au tunnel sous la Wedzin Kwa et avons utilisé une foreuse à béton à l’intérieur du tuyau pour les affaiblir encore plus. Les tuyaux en béton sont conçus pour protéger le tuyau lui-même de la pression du sol environnant. Étant donné la sécurité et la surveillance accrues du stockage des tuyaux en béton, nous ne pouvons pas dire quand cela s’est produit.
  9. Début décembre, nous avons meulé et écaillé le revêtement des joints soudés des sections de tuyaux entre les kilomètres 598 et 601.
  10. À la mi-février, nous avons gratté et écaillé de grandes parties du revêtement du conduit entre les kilomètres 626 et 629. 

Ou est-ce ce qui s’est vraiment passé ? Seules certaines de ces activités ont réellement eu lieu. Nous avons attendu avant de partager ces informations pour les partager toutes en même temps, en les accompagnant de quelques faux rapports supplémentaires. La seule façon de localiser les endroits où les réparations sont réellement nécessaires est de creuser et de réexaminer toutes les canalisations susmentionnées. Du béton fissuré ou des tuyaux rouillés et troués avec des bandages peuvent entraîner de petites fuites et des déversements à grande échelle, c’est pourquoi chaque action, qu’elle soit authentique ou falsifiée, est portée à l’attention du public bien avant que le pipeline ne soit opérationnel.

Bien que nous préférerions n’écrire que des rapports totalement honnêtes, nous pensons également que nous devons faire preuve d’ingéniosité et utiliser tous les moyens à notre disposition pour retarder la construction du mieux que nous pouvons. Nous présentons nos excuses aux personnes impliquées dans la lutte pour ne pas être en mesure de vous donner une image précise de ce que nous avons réellement accompli. CGL, nous vous souhaitons bonne chance dans votre chasse au trésor.

Manifestation du Syndicat des locataires dans les bureaux de Transport Québec

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Fév 242023
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Lundi 20 février, des membres du Syndicat autonome des locataires de Montréal (SLAM-MATU) ont pris d’assaut les bureaux de Transport Québec. Tout projet d’éviction future du campement Ville-Marie doit être annulé, et les membres du campement doivent recevoir des logements qui correspondent à leurs besoins. Nous avons marché sur les bureaux de TQ, tout comme nous marchons sur les bureaux des propriétaires, parce que l’action directe donne des résultats.

Nous appelons les membres du public, les sympathisants et les camarades non logés à descendre dans la rue lundi prochain, le 27 février, à 17h30, au métro Atwater (Cabot Square) pour aider à mettre fin à ces évictions.

Ces évictions ne sont pas des solutions à l’itinérance et n’améliorent pas la vie des personnes sans abri. L’itinérance est causée par notre système d’hébergement défaillant, les loyers prédateurs et les évictions des proprios, et la politique d’austérité moderne des gouvernements capitalistes qui sous-financent et gèrent mal les services de santé mentale, sociaux et de logement. La crise du logement nous affecte tous ! Défendez vos voisins !

La musique est encore une fois celle d’Action Sédition. Allez les voir.

Message aux personnes qui affichent dans les rues de Montréal

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Fév 232023
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Bonjour à vous,

Ce message s’adresse aux personnes qui font de l’affichage dans les rues de montréal. N’hésitez pas à faire passer le message, je crois qu’il est important que tout le monde soit au courant.

Récemment, la ville de montréal a envoyé une mise-en-demeure à la bibliothèque anarchiste DIRA, en lien avec des affiches qui ont été posées à proximité de la bibliothèque. La ville demandait à la bibliothèque DIRA d’enlever ce “matériel promotionnel”, sous menace de poursuites judiciaires et aussi qu’une facture pour le nettoyage des affiches leur serait envoyée. Ces affiches n’ont aucun lien avec la DIRA, et n’ont pas été posées par la DIRA elle-même, donc la DIRA ne va pas les enlever. Par contre, ceci est peut-être un indicateur que la ville de montréal est en train de changer ses politiques en matière d’affichage.

L’affichage est permis depuis le jugement Singh de 2010, qui suit une arrestation pour affichage ayant eu lieu en 2000. Vous pouvez voir plus de détails ici et le texte du jugement Singh ici (en particulier les paragraphes 41 à 45). En gros, ce jugement permettait l’affichage urbain parce que la ville n’offrait pas suffisamment de babillards pour l’affichage, que ceux-ci n’étaient pas dans tous les quartiers et ne couvraient pas les artères importantes. Notez que ce jugement n’autorise pas l’affichage urbain : il autorise l’affichage tant que la ville n’offre pas suffisamment d’endroits pour le faire.

Il est possible que la ville considère maintenant qu’il y a suffisamment d’endroits pour afficher, et qu’elle essaie maintenant de sévir contre les personnes et les organisations qui affichent dans les rues de montréal en-dehors des babillards. Il est possible que nous faisions face à une nouvelle forme de répression de la ville de montréal. Nous n’allons quand même pas arrêter d’afficher, mais je vous recommanderais :

  • Si vous faites de l’affichage urbain, assurez-vous d’avoir au moins une personne pour faire de la “copwatch”, c’est-à-dire une personne qui regarde s’il n’y a pas des flics ou des employéEs de la ville aux alentours,
  • Si vous vous faites arrêter ou vous connaissez quelqu’unE qui s’est fait arrêter, contactez la LDL (Ligue des droits et libertés) pour leur faire le message : https://liguedesdroits.ca/a-propos/contact/
  • Si vous connaissez une organisation qui aurait reçu une mise-en-demeure de la ville à cause de ses affiches, contactez la LDL pour leur faire le message : https://liguedesdroits.ca/a-propos/contact/

Ce nouvel épisode de répression souligne l’importance du définancement de la police : quand la police ne sait plus quoi faire de son argent, elle s’en sert pour écraser les personnes plus vulnérables et celleux qui s’opposent à son ordre établi. Tout logement social qui n’est pas construit parce que la ville désire garder ses poteaux noirs, plates et déprimants devrait être perçu comme ce qu’il est : un foutu scandale.

Amour et rage,

UnE camarade


N’hésitez pas à consulter notre section affiches et à nous soumettre vos créations en format pdf.

Le Syndicat industriel des travailleurs et travailleuses au Québec : postmortem pour le 10e anniversaire

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Fév 052023
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Le mois de février marque le dixième anniversaire de la présence des Industrial Workers of the World (IWW) au Québec. Alors qu’il n’était qu’une étincelle dans les yeux d’un groupe tenace de vétérans de la grève étudiante cherchant à élargir leur combat, le syndicat fête aujourd’hui son dixième anniversaire sans qu’aucun lieu de travail de la province ne soit organisé sous sa bannière.

Quelle était cette initiative et pourquoi a-t-elle rencontré des difficultés ?

L’idée étatsunienne : un syndicalisme de solidarité

Alors que les effectifs syndicaux américains continuaient à décliner dans les années 90, un groupe de penseurs s’est fait le champion d’une stratégie, connue sous le nom de syndicalisme de solidarité, selon laquelle le mal et le remède aux problèmes du travail provenaient de la même source : le droit du travail.[1]

Le droit du travail – plus précisément la loi américaine sur les relations de travail (NLRA) – était censé affaiblir les syndicats en les obligeant à suivre un processus d’accréditation formel pour représenter les travailleur.ses d’une entreprise donnée[2]. L’accréditation permettait d’augmenter le nombre d’adhérents et de bénéficier d’un levier juridique au détriment des actions auxquelles un syndicat devait renoncer, comme la grève de sympathie, pour conserver son accréditation.

L’article 7 de la NLRA offre une solution de rechange, permettant aux travailleur.ses de contourner le long processus d’accréditation du syndicat par le biais d’une élection et de négociation d’une convention collective, qui peut prendre des années à se concrétiser. La section 7 permet à deux travailleur.ses ou plus d’agir ensemble pour améliorer leurs conditions de travail – sans accréditation syndicale et sans convention collective.

Si le fait de sauter à travers les cerceaux pour obtenir la “permission de négocier” produit des syndicats impuissants, alors contourner ce point de passage en s’engageant directement dans l’activité concertée protégée par l’article 7 serait la solution. À titre d’exemple, les travailleur.ses de Starbucks se sont récemment engagés dans une grève qui ne mériterait aucune protection juridique au Canada.

Le IWW arrive au Québec

En 2013, l’IWW a affrété sa première section locale au Québec.

Malgré le statut actuel de la province comme étant la juridiction la plus radicale et la plus favorable aux travailleur.ses au Canada, le code du travail du Québec a immédiatement présenté un problème pour l’expérience du syndicalisme de solidarité. Le régime des relations de travail du Québec n’a pas d’équivalent à la section 7 de la NLRA. Il n’existe aucune protection légale pour les travailleur.ses qui s’engagent dans une activité concertée. S’ils faisaient grève – définie dans le code du travail comme pratiquement tout type d’activité concertée ayant un impact sur la production – l’employeur avait légalement le droit de les licencier.

Toutefois, dans les sections 12 à 15, le code du travail provincial contient des dispositions visant à protéger les travailleur.ses tout au long du processus de formation d’un syndicat et pendant la participation aux activités syndicales. Invoquant le libellé général des sections 12 à 15 dans les plaintes déposées auprès de la Commission du travail, l’IWW a tenté de forcer l’interprétation de ces sections comme une sorte de clone déformé de la section 7 de la NLRA.

Voici comment se déroulerait la séquence des événements :

(1) Les travailleur.ses participent à une certaine activité concertée → (2) L’employeur prend une mesure anti-ouvrière → (3) Déposer une plainte pour violation des articles 12-15 → (4) Utiliser l’aide de l’agent du conseil pour négocier des règlements financiers importants causant → (5) Un effet de découragement sur l’employeur cible, et un effet de signal sur les autres employeurs.

La stratégie du syndicat serait-elle admissible aux protections offertes par la Commission des relations du travail du Québec ? Plus concrètement, les employeurs seraient-ils prêts à entrer dans la salle d’audience pour le savoir ? Alors que certains employeurs ont refusé de provoquer l’attention de la Commission du travail sur des actions syndicales qui pourraient être réinterprétées comme étant protégées par la loi, d’autres ont découvert que la Commission accordait des règlements financiers extrajudiciaires importants aux travailleur.ses engagés dans une activité concertée.

Si les plaintes de la Commission du travail ont fourni aux IWW une base juridique défendable pour s’engager dans une activité concertée, le syndicat a pu récolter les fruits de son style d’organisation sous la forme d’un soutien plus large de la part des membres des entreprises cibles, ainsi que d’un activisme plus intense sur le lieu de travail. L’activité concertée lors de la phase de formation du syndicat a permis d’obtenir ces avantages en créant des occasions plus fréquentes et plus intenses sur le plan émotionnel pour les membres afin d’accroître leur sentiment d’identification à l’organisation.

Aucun plan ne survit au contact avec l’ennemi

Si le syndicalisme de solidarité a connu sa part de succès des deux côtés du 49e parallèle, la stratégie a finalement échoué de manière similaire aux États-Unis et au Québec.

Aux Etats-Unis, bien que la section 7 ait permis aux syndicats de développer leur force et leur soutien au cours de la phase initiale de formation dans l’atelier, elle n’est pas allée assez loin pour créer les conditions nécessaires à l’enracinement du syndicat sur le lieu de travail. La section 7 n’a pas non plus créé les conditions nécessaires pour que l’IWW obtienne des concessions de l’ampleur de celles des autres syndicats en termes de salaires, d’horaires, de protection de l’emploi et d’influence sur la gestion de l’entreprise.

Des deux côtés de la frontière, les interventions des conseils du travail pour défendre l’activité concertée étaient trop inefficaces. Les travailleur.ses n’ont pas été en mesure de passer de luttes intenses avec les employeurs pour des problèmes initiaux et limités à la création d’un syndicat durable capable d’influencer la politique de l’entreprise. Malheureusement, la rapidité avec laquelle les employeurs peuvent mener une campagne de terreur – en étouffant les initiatives par des licenciements et des fermetures d’installations, comme au Zeppelin bar and grill et à Red Bee Media – a toujours dépassé les interventions des conseils du travail. Dans la pratique, les employeurs ont également démontré leur capacité à endurer les tactiques de guerre économique mesquine de l’IWW, ainsi que les pénalités financières qui étaient réalisables en vertu des normes de protection des activités concertées. Plus important encore, les employeurs ont su résister à la détermination de leurs employés à travailler dans une zone de guerre perpétuelle.

Au Québec, les travailleur.ses n’étaient pas non plus en mesure d’effectuer le changement juridique découlant de l’accréditation officielle qui marque un passage important d’un ensemble de lois moins avantageuses régissant les contrats de travail individuels, à l’ensemble de lois plus avantageuses régissant la négociation collective et les conventions collectives. Le modèle de syndicalisme de solidarité au Québec a nécessité une abdication et un abandon importants des droits et protections juridiques.

Par conséquent, l’organisation des IWW au Québec s’est heurtée à un mur. De nombreux travailleur.ses qui étaient capables et désireux de faire un mouvement latéral vers la CSN, la deuxième plus grande fédération syndicale du Québec, l’ont fait. D’autres sont partis sans représentation syndicale sur leur lieu de travail.

Un échantillon des efforts d’organisation et de leurs résultats :

EntrepriseRésultat initlalRésultat à long terme
Frites Alors! rue RachelAccord volontaire (pas de statut dans le droit du travail québécois)Le syndicat est mort à cause du roulement du personnel ; on ne sait pas si les travailleurs de ce site bénéficient toujours de cet accord.
Aux Vivres Boul. Saint LaurentAbsorbée par la CSNLe syndicat existe légalement, mais elle a disparu par manque de soutien de la part de la centrale.
Union for employees of student unions and student union owned enterprises (STTMAE)Ententes volontaires avec les syndicats étudiants des cégeps (aucun statut en vertu du droit du travail du Québec)Les membres représentés par les syndicats sont passés à la CSN
Secteur communautaire (STTIC)Absorbé par le CSN Double campagne IWW-CSN qui a conduit à des améliorations significatives de la convention collective pour certains membres.Le syndicat est maintenu, mais il est désormais exclusivement représenté par la CSN ; les IWW sont évincés ou quittent l’exécutif.
Humble Lion CafeAccord volontaire (pas de statut dans le droit du travail québécois)Le syndicat est mort à cause du roulement du personnel ; on ne sait pas si les travailleurs de l’entreprise bénéficient toujours de l’accord.
Red Bee MediaFermeture d’entreprise, licenciements massifs, règlements financiers par médiation de la Commission des relations de travailLes travailleurs ont perdu leur emploi ; l’entreprise a fermé
QA CourierLicenciement de masseLes coursiers à vélo ont fait un premier effort en se tournant vers le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, qui a progressé en Ontario (voir Gig Workers United), mais pas au Québec.
KeywordsLicenciements multiples, règlements financiers par médiation de la commission du travailL’effort de syndicalisation des jeux vidéo se poursuit sous les auspices de Game Workers United & Communications Workers of America

Preuve de concept

L’expérience du syndicat de solidarité de l’IWW a permis au mouvement syndical de tirer des leçons importantes. L’application délibérée, planifiée et persistante de l’activité concertée dans la création d’un syndicat se traduit par des degrés de participation et de soutien plus élevés et plus durables parmi les membres. Plus important encore, elle donne lieu à des actions syndicales de plus haut calibre qui sont efficaces pour prendre les employeurs et les commissions du travail au dépourvu.

Malheureusement, il s’agit généralement de gains à court terme, mesurés en mois et non en années, qui, le plus souvent, finissent par amener les travailleur.ses à demander des conventions collectives dans la plupart des campagnes réussies, en raison des outils juridiques supplémentaires qu’ils rendent disponibles et de l’épuisement des travailleur.ses qui s’organisent.

Aujourd’hui, à la lumière des obstacles décrits ci-dessus, les lieux de travail organisés publiquement par l’IWW aux États-Unis combinent les tactiques du syndicalisme de solidarité avec les conventions collectives et la négociation, réduisant ainsi l’écart de leur approche antérieure. Pendant ce temps, d’autres campagnes d’organisation clandestine sur le lieu de travail se poursuivent dans ce que l’on peut appeler à juste titre un syndicalisme artisanal, à petite échelle – impossible à étendre en dehors d’un ou deux lieux de travail, et transitoire.

L’organisation de l’IWW au Québec a suivi une trajectoire similaire. Elle a établi d’importants précédents pratiques en matière d’activité syndicale en démontrant la volonté de la commission provinciale du travail d’agir pour défendre l’activité concertée. Cependant, elle n’a pas réussi à atteindre son objectif, qui était de créer des syndicats durables capables d’obtenir des concessions importantes sans tenir compte des unités de négociation et du type de traités de paix avec les employeurs, limités dans le temps, qui ont caractérisé les mouvements syndicaux américano-canadiens depuis le début du XXe siècle.

Contrairement à certains de leurs homologues américains, les dirigeants de l’IWW, dont l’empreinte au Québec se réduit rapidement, n’ont pas manifesté d’intérêt pour une approche hybride du syndicalisme qui inclurait des tactiques allant au-delà du menu d’activités concertées protégées de la Commission du travail, ce qui rend l’avenir de l’organisation incertain. La présence du syndicat au Québec, qui comprenait autrefois des enclaves à Drummondville, Sherbrooke, Québec et Montréal, ne compte plus que quelques dizaines de membres actifs à Montréal.


[1] le terme “syndicalisme de solidarité” a connu plusieurs changements de signification. Dans les termes les plus larges, il désigne un ensemble de tactiques pouvant être utilisées par n’importe quel syndicat, tandis que dans d’autres, il fait référence au syndicalisme minoritaire. Dans ce contexte, il fait strictement référence à une tendance dominante de la pensée syndicale qui le définit comme une stratégie basée sur l’article 7 de la NRLA tel que décrit ci-dessus.

[2] Cela est vrai même dans les cas où les travailleurs d’une entreprise donnée forment un syndicat pour obtenir un certificat de représentation.