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Anciens mythes, nouveaux peuples: Les « métis de l’est » et l’effacement des autochtones

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Oct 312020
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Un zine de Sabordage Distro, 2020
Traduit de l’anglais par Mille Batailles

*Avis aux lecteurs·rices : Le texte suivant est une compilation d’extraits que les auteures ont reliés par un récit de leur cru. Les extraits issus d’ouvrages externes sont en italique. Le nom de l’auteur se trouve à la fin de l’extrait. 1

1 NdT : Toutes les citations sont traduites de l’anglais par les traductrices de ce zine, à l’exception de celle de Said (1993), qui est de Paul Chemla.

L’ère de réconciliation menée par l’État de Justin Trudeau cherche désespérément à se perpétuer. En se désagrégeant, elle dévoile (une fois de plus) une réalité crue : de nombreux·ses colon·es blanc·hes veulent désespérément se trouver du bon côté de l’histoire. Pour ce faire, ces personnes recueillent et racontent des histoires à propos de la grande différence entre la situation « présente » et celle du « passé ». Parmi ces histoires, on compte aujourd’hui et depuis toujours la vision romancée d’une réconciliation menée par l’État.

La réconciliation – en tant que terme – signifie la résolution d’un conflit, le retour au stade de relations amicales. Ce terme peut aussi signifier l’alignement de deux positions différentes afin de les rendre compatibles. […] Alors comment l’État canadien et les peuples autochtones peuvent-ils se réconcilier ? Ils ne peuvent certainement pas revenir à un stade de relations amicales, car ce stade n’a jamais existé. La réconciliation ne peut donc que signifier une élimination du conflit par l’enchevêtrement des communautés autochtones et allochtones […]rendant compatibles deux positions conflictuelles. Cela signifie l’assimilation des peuples autochtones, par la promesse d’une égalité économique au sein du Canada offerte en échange de leur renonciation à leurs revendications de souveraineté. Et cela signifie que les Canadien.nes peuvent engloutir les idées et les symboles autochtones dans leurs propres histoires colonisatrices, dans leur propre canadiana. Voici la seule voie possible sous l’État canadien.

(Tawinikay, 2018)

La fabrication de cette compatibilité grâce au cadre de la réconciliation ne constitue qu’une des multiples tentatives étatiques d’effacer le passé tout comme le présent des peuples autochtones et de faire disparaître le problème permanent qu’ils représentent pour la légitimité de l’État canadien, pour le mythe fondateur de la Confédération et pour les revendications territoriales colones sur le territoire qu’il tente de gouverner. L’effacement des autochtones est un moyen mis en oeuvre pour assurer un avenir au colonialisme de peuplement.

Ce texte s’attarde principalement à la manière dont les personnes blanches contribuent aux tentatives étatiques d’engloutissement et de consommation des cultures autochtones en forgeant des récits qui les transforment en personnes autochtones. Nous faisons ici référence à la tendance grandissante à l’auto- autochtonisation ou, comme de nombreuses personnes le nomment, au transfert de race 2 – processus selon lequel une personne blanche se réinvente en personne autochtone, en utilisant souvent cette revendication identitaire pour miner les luttes d’auto-détermination des peuples autochtones eux- mêmes.

2 NdT : L ‘usage de raceshifting est plus commun en anglais que celui de « transfert de race » l’est en français.

Particulièrement au « Québec » et dans les provinces de l’est, nous constatons l’auto-autochtonisation d’un grand nombre de colon·es blanc·hes, souvent à travers le système judiciaire colonial. Les personnes blanches s’étant auto-autochtonisée se rassemblent la plupart du temps sous le terme « métis 3 de l’est ». Elles forment ainsi une grande variété de fausses « nations » à travers lesquelles faire pression sur le gouvernement pour en obtenir la reconnaissance et des gains économiques. Ces revendications identitaires se rendent fréquemment en cour lorsque des individus ou des groupes cherchent à obtenir des droits de pêche ou de chasse ou lorsqu’il s’agit de combattre des revendications territoriales faites par des groupes autochtones. Bien que ces personnes blanches aient pour la plupart échoué à prouver leur statut autochtone, même d’après les exigences légales canadiennes, ces revendications indiquent les manières dont la blanchité continue à être utilisée pour effacer les autochtones. Nous aborderons en détails certains exemples de ce phénomène plus loin dans ce texte.

3 NdT : Tout comme Darryl Leroux dans son article « Le révisionnisme historique et la création des métis de l’est, la mythologie du métissage au Québec et en Nouvelle-Écosse » dans Politique et sociétés, nous avons choisi d’utiliser la lettre majuscule pour distinguer la communauté Métis historique des revendications métisses qui ne sont pas liées aux peuples Métis, pour lesquelles nous utiliserons la minuscule. Comme Leroux l’indique, « nous faisons cette distinction pour bien tracer notre argument principal ».

Ce zine réunit plusieurs longs extraits de textes s’attardant aux compréhensions actuelles théoriques et pratiques du phénomène d’auto-autochtonisation au « Québec » et dans l’est du « Canada ». Ce texte n’a ni l’intention de prendre position quant aux politiques d’appartenance des différentes nations autochtones ni de décider du statut des personnes autochtones ayant été déconnectées de leurs familles, de leurs communautés et de leurs cultures par la violence coloniale. Nous sommes simplement préoccupées par le fait que des personnes blanches, des familles blanches et des communautés blanches tentent de bâtir une force politique au détriment des personnes autochtones pour revendiquer des terres, des droits de pêche et de chasse et d’autres gains matériels. Notre objectif consiste à nous doter, nous- mêmes ainsi que nos communautés, des informations nécessaires pour de contrer cette force.

Nous ne sommes pas intéressées à alimenter la légitimité des cadres légaux étatiques visant à déterminer le statut ou l’appartenance des personnes autochtones à une communauté. Au contraire, nous tenons à répéter ce qu’affirment certaines personnes autochtones lorsqu’elles dénoncent le transfert de race : l’appartenance à une communauté est déterminée par la parenté et cette communauté devrait pouvoir déterminer qui en fait partie, non pas l’État ni une organisation de personnes blanches. Nous comprenons que la législation canadienne complique et brouille le terrain de la lutte anti- coloniale. Elle est à la fois un des mécanismes principaux employés par l’État colonial pour tenter de contrôler les personnes autochtones et un mécanisme vers lequel nombreuses d’entre elles doivent se tourner pour combattre l’État et le capitalisme. Par ses tentatives de freiner la résistance et d’en créer les conditions avec ses lois et sa surveillance, l’État renforce son récit selon lequel il serait une entité politique et légale légitime. Cela masque ce qui demeure la réalité ainsi que la plus profonde angoisse de la société et de l’État coloniaux, celle de n’être à jamais qu’une force d’occupation étrangère.

Nous écrivons ce texte en 2020, au moment où les territoires occupés par le soi-disant Canada ont vu déferler des vagues de perturbation économique en réponse au raid de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) sur les défenseur·es de la terre Wet’suwet’en qui protègent la Yintah contre les tentatives répétées de construction du gazoduc de Coastal GasLink. Les blocages de train, de port et de route menés par des communautés autochtones (incluant notamment des défenseur·es de la terre Gitxsan, Kanien’keha:ka et Mik’maq), appuyés par d’autres actions menées autant par des sympathisant·es autochtones qu’allochtones, ont alimenté et actualisé une vision de la lutte anti- coloniale qui va au-delà des promesses de réconciliation de l’État. De plus, nous écrivons ce texte au moment où la covid-19 a mis elle aussi, mais d’une autre manière, un frein au Canada et à son économie. Pourtant, dans le nord de la Colombie-Britannique, les camps de travailleurs se maintiennent et à travers tout le continent de nombreux projets d’extraction se poursuivent. Une fois de plus, en réponse à l’État, nous voyons apparaître des blocages et brûler des injonctions. Si nous choisissons de nous positionner de la façon dont nous le faisons dans ce texte, c’est que nous désirons lutter avec les défenseur·es de la terre et les protecteur·trices de l’eau autochtones et que cette vague d’auto- autochtonisation est non seulement en tension avec ces dernier·es, mais qu’elle a été et continuera d’être ouvertement en conflit avec eux et elles.

Les auteures de ce zine sont des colones anarchistes blanches en lutte contre l’État canadien et l’idéologie du colonialisme de peuplement 4 . L’une de nous est de descendance Métis de la Rivière Rouge et canadienne-française (et d’autres descendances européennes). En grandissant, elle a parfois entendu des histoires affirmant une même autochtonie (ou absence d’autochtonie) au sujet de ces deux ascendances. L’autre auteure a grandi dans un ménage majoritairement blanc et euro-américain. Dans cette famille, on ne racontait rien du peuple (Ojibwe) dont on habitait le territoire ni de la manière dont on se rapportait à l’histoire de ce territoire ou à son peuple.

4 NdT : settlerism

Dans une autre version de l’histoire de nos vies, les embarcations coloniales ayant emmené les colon·es depuis l’Europe auraient coulé. Dans ces autres temps, nos écrits ne seraient peut-être pas nécessaires. Mais nous avons hérité d’une autre version du monde. Nous devons donc prendre part à la conversation concernant le transfert de race et la manière dont il accélère l’effacement des autochtones. L’auto- autochtonisation est un phénomène intimement lié aux désirs d’appartenance de la suprématie blanche, appartenance nécessitant le déplacement de ceux et celles qui sont perçu·es comme des obstacles à ce désir ainsi que la création de mythes à propos de liens ancestraux aux territoires sur lesquels on se trouve. Tuck et Yang (2012) décrivent ces processus relationnels et émotionnels comme un « mécanisme de déculpabilisation colonial 5 ». Comprendre les narratifs d’auto-autochtonisation comme des coups joués dans une partie où l’innocence est en jeu permet de construire un cadre pour adresser et rejeter l’angoisse profondément coloniale des colon·es blanc·hes alimentant ces gestes et ces fantasmes d’auto-autochtonisation. Une pratique intégrale au transfert de race consiste à raconter des histoires et, plus spécifiquement, des histoires à propos d’ancêtres autochtones éloigné·es que les personnes blanches se créent pour légitimer leur processus d’auto-autochtonisation. King (2003) écrit « Les histoires sont des choses merveilleuses. Et elles sont dangereuses […] Puisqu’une fois une histoire racontée, on ne peut la reprendre. Une fois racontée, elle est en liberté dans le monde ».

5 NdT : settler move to innocence

Le « métis de l’est »

La longue histoire du phénomène d’auto-autochtonisation au « Canada » est intimement liée au vieux projet canadien, toujours d’actualité, visant à effacer les peuples autochtones à travers le peuplement colonial et l’extraction de ressources au profit de l’expansion capitaliste. Au Canada, une des manières les plus répandues pour les personnes blanches de s’auto-autochtoniser consiste à revendiquer l’identité de « métis de l’est ». Dans le contexte des métis de l’est, l’auto-autochtonisation réfère à « l’usage tactique d’ancêtres lointain·es pour réinventer une identité “métis” […] Ces “nouveaux métis” profitent de la confusion chez les colon·es par rapport aux formes d’autochtonité qui reposent sur la parenté et l’appartenance pour trouver de la légitimité » (Leroux & Gaudry, 2017).

Il s’agit le plus souvent de colon·es blanc·hes de descendance française qui fouillent leur arbre généalogique à la recherche d’ancêtres autochtones lointain·es et isolé·es pour s’identifier comme « métis de l’est ». Nous présenterons plus loin dans ce zine différents cas tirés du phénomène des métis de l’est et des histoires de différents groupes menant l’initiative. Mais nous souhaitons d’abord offrir une idée de l’ampleur de la situation.

Selon les statistiques du recensement canadien, entre 1991 et 2016 le nombre de personnes s’identifiant comme métis dans l’Est du Canada a massivement augmenté. En 1991, 8 690 personnes s’identifiaient comme métis au Québec comparé à 69 360 en 2016 – une augmentation totale de 698%. Les provinces de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick, où résident un grand nombre de colon·es de descendance française, ont vu une augmentation plus drastique encore, soit de 10 000% sur la même période. Dans l’est du Canada, plus de 70 organisations représentent ces nouveaux métis et c’est sans compter les organisations à vocation similaire qu’on retrouve au Maine, au Vermont et au New- Hampshire (source : https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/171025/dq171025a-eng.htm ).

L’augmentation du nombre de communautés « métis » au Québec : ce n’est qu’un début ?

Paraphrase du site https://www.raceshifting.com

Au Québec, les recherches démographiques démontrent qu’une majorité significative des gens descendant des colon·es français·es établi·es au XVIIe siècle ont au moins un·e ancêtre autochtone, soit vraisemblablement l’une des treize femmes autochtones ayant marié un colon avant 1680 (Leroux, 2018; voir aussi Beauregard 1993). Puisque le nombre de colon ·e s français ·es au début de la colonisation était assez bas et qu’il y avait un taux élevé de mariages entre Canadiens-Français jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, un grand segment de la population québécoise et canadienne-française est susceptible d’avoir plusieurs ancêtres autochtones. Ceci étant dit, le fait d’avoir un, deux, trois ou même cinq ancêtres autochtones datant d’il y a plus de dix générations ne représente qu’entre 0,1% et 1% des ancêtres d’une personne (voir Charbonneau et al. 1990; Vézina et al. 2012). Une recherche du même ordre menée principalement par des chercheur ·se s québécois ·es francophones suggère fortement que les populations de descendance française sont aujourd’hui plus susceptibles d’avoir un bien plus grand nombre d’ancêtres d’origine anglaise ou d’une autre ethnie européenne (allemande, belge) que d’origine autochtone (Leroux, 2018; voir aussi Desjardins 2008).

Les mythes du transfert de race

La mémoire individuelle et collective est portée de génération en génération par les histoires qu’on raconte. Elles lient intimement les êtres aux lieux, aux régions et aux territoires. Raconter des histoires peut contribuer à préserver et à affirmer la souveraineté de certaines personnes sur un territoire et/ou leur appartenance à une communauté. Au fil du temps, grâce à la transmission et à l’intégration de leurs histoires, les luttes pour l’autonomie et de libération de l’État colonial des personnes autochtones gagnent en puissance. Des luttes sont menées de génération en génération, se déployant par leur mise en récit, racontées, encore et encore, à travers les décennies et les siècles. Lorsqu’on observe le cas des métis de l’est, on constate cependant que les histoires racontées sont utilisées pour effacer la complicité, autant actuelle qu’historique, des personnes blanches avec les processus du colonialisme de peuplement. Cet effacement est rendu possible par une mise en récit qui repose sur des tests d’ADN, des mythologies familiales et des tableaux généalogiques auxquels la législation coloniale accorde une légitimité. Les démarches d’auto-autochtonisation d’une personnesblanche peuvent être suscitées par le fait de sentir son accès à la terre menacé (pour des raisons réelles ou imaginaires) ou bien par l’influence d’un mouvement d’auto-autochtonisationnaissant . Elle a alors accès à des infrastructures (tests d’ADN, organisation des métis de l’est, forums généalogiques et autres ressources conçues spécifiquement pour la recherche d’ancêtres autochtones) lui permettant de se trouver des ancêtres autochtones éloigné ·e s qui peuvent remonter à aussi loin qu’au XVIIe siècle ou à plus de dix générations. Munie de cette supposée preuve de sonautochtonité,la personne blanche peut alors rechercher d’autres personnes avec qui renforcer cette nouvelle identité, avec qui partager des histoires légitimant leurs revendications territoriales, ce qui établit ainsi des conditions favorables pour que d’autres suivent le même chemin.

Said (1993), adressant la relation entre les récits, le pouvoir, la terre et l’impérialisme, écrit :

Dans l’impérialisme, l’enjeu suprême de l’affrontement est évidemment la terre ; mais, quand il s’est agi de savoir à qui elle appartenait, qui avait le droit de s’y installer et d’y travailler, qui l’entretenait, qui l’a reconquise et qui aujourd’hui prépare son avenir, ces problèmes ont été transposés, débattus et même un instant tranchés dans le récit. […] Le pouvoir de raconter ou d’empêcher d’autres récits de prendre forme et d’apparaître est la plus haute importance pour la culture comme pour l’impérialisme, et constitue l’un des grands liens entre les deux.

La plupart des colon·es éprouvent une angoisse existentielle à l’idée de ne pas être originaires de la terre qu’ils et elles habitent. On peut la voir se manifester dans leur manière compulsive de chercher à légitimer leur présence en tant qu’envahisseurs/force d’occupation. Lorsqu’elles ressentent cette angoisse propre au colonialisme de peuplement, de nombreuses personnes blanches cherchent des histoires qui puissent l’alléger, des histoires qui ouvrent un chemin vers l’appartenance. Chez d’autres, on crée des histoires pour essayer de tirer un profit économique de l’exploitation du territoire – pour continuer à profiter de son exploitation en tant que colon·es. Lorsque des personnes blanches s’auto- autochtonisent ou effectuent un transfert de race, leurs actions, leurs attitudes et leurs histoires contribuent aux tentatives de négation et de remplacement des modes de vie politiques et culturels des Métis, des Premières Nations et des peuples Inuits à travers les territoires connus aujourd’hui sous le nom d’Amérique du Nord.

Tuck et Yang (2012) soutiennent qu’« il est difficile pour les colon·es d’accepter le fait qu’ils et elles bénéficient directement ou indirectement de l’effacement et de l’assimilation des peuples autochtones. Le poids de cette réalité est inconfortable ; la misère associée au sentiment de culpabilité les pousse à chercher une forme de répit, quelle qu’elle soit ».Deloria (1998) affirme : « L’identité américaine a un caractère indéterminé en partie à cause de l’incapacité de la nation à faire face aux peuples indiens.Les Américains voulaient ressentir une affinité naturelle avec le continent, et seuls les Indiens pouvaient leur enseigner une telle intimité aborigène. Cependant, pour asseoir leur contrôle sur les territoires il leur a été nécessaire de détruire les premiers habitants ».

Le récit intrinsèque à l’auto-autochtonisation poursuit le processus de déplacement et d’effacement entamé par les premiers colonisateurs à leur arrivée sur l’île de la Tortue. Les colon·es sont ceux et celles qui proviennent d’un autre territoire,qui viennent supplanter les lois et les épistémologies autochtones, faisant leur propre loi etimposant leurs mythes d’origine sur une région donnée. Comme King (2003) le suggère, « vous devez faire attention aux histoires que vous racontez. Et vous devez faire attention aux histoires qu’on vous raconte ». L’auto-autochtonisation en cours dans l’Est du Canada trouve appui dans les histoires racontées par des colon·es qui cherchent à refaire l’histoire et à y assurer l’avenir de l’État colonial. Il est donc primordial que nous développions notre capacité à détecter ces histoires et à rendre visible leur fonctionnement afin de désarmer leurs défenseur·es et de défier l’auto-autochtonisation colone lorsqu’elle apparaît dans le contexte de lutte contre l’État et le colonialisme de peuplement.

Tuck et Yang (2012) écrivent : « dans une société de peuplement colonial, tout fait pression pour détruire ou assimiler l’Autochtone afin de le faire disparaître du territoire – voilà comment une société arrive à tenir en simultané différents propos contradictoires sur les personnes autochtones, comme de dire que tous·tes les Indien·nes sont mort·es, qu’ils et elles vivent dans des réserves lointaines, quetoutes les personnes autochtones de nos jours sont moins autochtones que les générations précédentes ou que tous les Américains sont un “petit peu Indiens” ». Bien que leurs propos se situent dans le contexte des soit-disant États-Unis, des parallèles significatifs peuvent être tracés avec les impulsions et les désirs colons qui existent aux soi-disant Québec et Canada, desquels il est important d’examiner les histoires spécifiques.

Pourquoi les « métis » de l’est, pourquoi au Québec et dans l’est du Canada?

Ce n’est pas un hasard si de nombreuses personnes blanches qui s’auto-autochtonisent revendiquent une appartenance à la nation Métis. Les mouvements des métis de l’est capitalisent sur la méconnaissance du métissage et ce faisant l’empirent. On suppose souvent à tort que les personnes Métis, ce peuple autochtone né suite au contact européen, sont Métis parce qu’elles sont issues d’un « mélange », et qu’elles sont ainsi moins autochtones que les Premières Nations ou les Inuits. En français, le terme « métis » signifie littéralement « mélangé » et on l’emploie pour référer aux personnes de « races mélangées », ce qui complique d’avantage la situation.

Leroux (2019) explique l’histoire de cette confusion linguistique dans son livre Distorted Descent, p. 4- 6 :

L’idée de métissage a une origine spécifique dans la pensée française et la pratique linguistique […]. Selon Pierre Boulle, le terme « race » a été introduit dans l’usage français à la fin du quinzième siècle et était probablement un emprunt à l’italien « razza ». « On a d’abord associé le terme à l’idée de lignée, » soutient Boulle, « plutôt qu’à des critères physiques déterminés permettant de différencier de vastes regroupements humains. » Selon Boulle, durant la majorité de son premier siècle en circulation, le terme n’était pas neutre puisqu’il faisait référence à un caractère ou des traits innés, particulièrement ceux qu’on associait à l’aristocratie. L’historien Guillaume Aubert approuve Boulle, expliquant que dès la deuxième moitié du seizième siècle, « le terme “race” a commencé à être utilisé de manière interchangeable avec “sang” pour exprimer l’idée de “famille” ou de “lignée” » en France métropolitaine.” Selon Aubert, la principale motivation du développement de ce concept était de réguler les mésalliances ou les mariages entre personnes de différents rangs sociaux. Aubert explique d’ailleurs que « selon l’idéologie de l’aristocratie française du début de la modernité, la conséquence la plus horrible [de ces mariages] retombait sur les enfants engendrés. La majorité des textes français de cette période réfère à ces enfants avec le terme “métis”, qu’on définit dans les textes de l’époque comme étant le mélange de deux ” espèces ” différentes. En d’autres termes, dans la France métropolitaine, le terme “métis” était d’abord un terme péjoratif marquant les frontières de la déviance sociale et politique à partir de lignes ayant une ressemblance avec les notions présentes de “classe” et de “race”».

En 1684, le physicien et intellectuel français François Bernier a devancé ses contemporains européens de quelques décennies en proposant une approche complètement différente pour comprendre les « races », une approche basée principalement sur des caractéristiques physiques. L’historien Siep Stuurman conçoit l’œuvre de Bernier comme « la première tentative de classification raciale de la population mondiale, classification préfigurant d’un sièclecertaines compréhensions anthropologiques ». […]

De nos jours, les francophones utilisent principalement le terme « métis » en concordance avec l’héritage de Bernier au dix-septième siècle, comprenant les « races » humaines à un niveau biologique. En ce sens, « métis » ressemble à l’anglais « mixed-race », bien qu’au Canada le terme « métis » soit utilisé plus communément par les francophones que celui de « mixed-race » chez les anglophones. […]

Malgré la complexité des origines du terme « métis » dans la marmite coloniale, si, en français, on l’utilisait de manière limitée en parallèle avec « race mélangée », la majorité de la confusion linguistique dans son usage en anglais serait résolue. Or, on utilise aussi le terme « métis » pour référer, en français (et en anglais), à un peuple autochtone , ce qui constitue la principale difficulté de son usage. Utiliser le terme « métis » à la foispour désigner le mélange biologique entre deux individus qu’on imagine être de « races » différentes et pour référer à un peuple autochtone ayant sa propre histoire, ses propres relations et territoires sur les plaines du nord suscitera nécessairement des incompréhensions. Cette confusion linguistique ne devrait pas servir d’unique base aux débats et/ou aux conflits, mais dans le contexte des discussions tendues autour de la nature de l’autochtonité présentement soulevées par le mouvement d’auto-autochtonisation,il vaut la peine de la souligner. […]

Cependant, en plus de ce contexte linguistique, les histoires particulières circulant à propos de la colonisation française jouent un rôle dans l’auto-autochtonisation d’un grand nombre de descendants français blancs du Québec et de l’est du Canada, autrefois la Nouvelle-France. Leroux explique, en page 8 et 9 :

Durant des générations, l’historiographie des canadiens-français et des québécois français a vu s’enchaîner de puissants récits en ce qui a trait aux relations entre les colons français et les peuples autochtones. […]

La majorité de l’historiographie récente concernant le régime français a cherché consciemment à réconcilier les peuples autochtones et les descendants français en brouillant les lignes de la blancheur et de l’autochtonité, reflétant de ce fait une série d’efforts allant en ce sens dans la culture populaire. Selon ces nouvelles histoires sur les origines de la colonisation, les colonisateurs français des débuts et les peuples autochtones qu’ils rencontraient auraient créé une forme nouvelle de « réciprocité interculturelle, mieux encore, une synthèse ethnoculturelle – une fusion des horizons – d’où le Québec émerge en tant que société totalement nouvelle, » tel que l’explique le politologue Daniel Salée. « L’image est séduisante. » […]

Bien que les documents laissés par le Régime français (1608-1763) suggèrent que les femmes autochtones se mariaient rarement à des colons français, la recherche académique et la culture populaire ont transformé le « mythe du métissage » en vérité relativement non-controversée au Québec et au Canada (français). Cette vérité repose sur une croyance nationaliste en la bonté inhérente du colonialisme de peuplement français en Nouvelle- France, particulièrement lorsqu’on la compare à la colonisation britannique (et, à un moindre degré, espagnole).

(Leroux, 2019)

Non seulement les personnes autochtones sont impactées par ces spécificités linguistiques et narratives lorsque leurs territoires sont occupés par des gens qui s’auto-autochtonisent, mais le peuple Métis, dont le mouvement a redéfini le nom, subit aussi des impacts. Il devient alors nécessaire de distinguer le peuple Métis des personnes blanches qui s’appellent métis de l’est.

Le peuple Métis est un peuple autochtone, expliquent-il, parce que les Métis ont développé leurs propres institutions politiques, pratiques linguistiques et formes culturelles à partir de leurs relations de parenté avec les peuples Cris, Saulteaux, Assiniboines et Dene. « Les Métis sont un peuple, non pas un processus historique », écrit Gaudry en 2016 pour l’Encyclopédie canadienne. De nombreux mariages mixtes se sont produits à travers l’histoire canadienne, écrit-il, mais la plupart des enfants issus de ces unions ont trouvé leur place dans l’une des communautés de leurs parents – ou dans les deux. « Les Métis historiques » écrit-il, ne sont pas le résultat automatique d’un « mélange, mais étaient plutôt « de vrais humains qui, mis face à un choix, ont créé une entité politique et sociale sur leurs propres termes ». (Leroux, 2018, Self-Made Métis).

Comme Gaudry (2018) l’écrit dans Communing with the Dead : The “New Métis”, Métis Identity Appropriation, and the Displacement of Living Métis Culture, des mouvements comme celui des métis de l’est supplantent le peuple et les communautés autochtones Métis contemporaines et les remplacent par des gens dont les revendications à l’autochtonité reposent sur leur supposées connexion à des personnes ayant vécu il y a de nombreuses générations.

Cela revient à « mépriser les Métis vivants en situant la promesse d’une renaissance culturelle métis dans la mémoire du sang, de la généalogie et de la descendance – c’est-à-dire la connexion aux morts – plutôt que dansune connexion avec la culture vivante des communautés Métis. Voilà ce à quoi réfère Circe Sturm lorsqu’il parle d’« un vide présumé d’indianité » : la croyance contemporaine que les communautés autochtones soit n’existent pas, soit s’avèrent moins capable d’articuler un commentaire sur leur propre existence que des étranger ·e s qui en parlent avec un ton d’autorité, incluant ceux et celles qui ont intérêt à ranimer une identité perdue. Mais il n’y a pas de vide culturel ou politique Métis, il n’y a pas de vide Métis. (Gaudry, 2018)

À travers les générations, les communautés Métis continuent d’exister, de transmettre leur langue, leur culture et leur lutte. Les Métis et les autres peuples autochtones ne cessent d’expliquer clairement que ce qui détermine qui est membre d’une communauté et qui a le droit de s’en revendiquer sont la parenté et « qui te revendique » 6 plutôt que des théories raciales essentialistes sur la descendance.

6 NdT : who claims you

Comme Jennifer Adese, une femme Métis élevée en Ontario, l’explique, en ayant grandi très exposée aux revendications à l’autochtonité des « métis de l’est », sa compréhension de ce qu’est l’identité Métis a été biaisée. « Je ne m’identifiais pas en tant que Métis lorsque j’étais plus jeune, parce que les revendications de personnes autour de moi m’ont fait croire que la signification de Métis était vide » puisque « rien ne reliait entre elles les personnes revendiquant cette identité outre les revendications elles-mêmes » (Adeese, Todd & Stevenson, 2017). Non seulement cela cause en soi des dommages, mais avoir à démonter les revendications des métis de l’est peuvent, selon Adeese, entraver le travail de lutte anticoloniale contre les impacts de la colonisation sur la nation Métis.

Les luttes actuelles et passées des Métis, à travers lesquels ils et elles accomplissent ce travail important, ont servi de matériel au mouvement des métis de l’est. Par exemple, dans le contexte des décisions légales sur les droits des personnes Métis, les personnes blanches ont vu l’opportunité d’assurer leur accès à la terre et à des territoires de chasse, particulièrement lorsque des revendications territoriales et d’autres types d’actions menées par des nations autochtones sur leurs territoires « menacent » cet accès.

L’Auto-autochtonisation en action : premier cas de figure

En octobre 2004, un petit groupe de chasseurs se réunit sous une grande tente dans les monts Chic-Chocs, au sud du parc national de la Gaspésie. Raymond Cyr, le directeur d’un organisme d’éducation pour les personnes handicapées, s’était joint à son cousin Marc LeBlanc, guide de chasse et de pêche, pour la saison de la chasse à l’orignal. Refuge touristique en été, la région devient une destination de chasse et de pêche lorsque les feuilles se teintent de couleurs. Des véhicules tout-terrain à quatre roues motrices robustes, des remorques chargées à bloc et des camping-cars patinés par les intempéries sillonnent le réseau de vieux chemins forestiers adjacents à la sinueuse autoroute 299, laquelle coupe à travers les falaises de calcaires de la vallée de la rivière Cascapédia.

[…]

LeBlanc était actif dans la région depuis 1992. Mais lorsque les cousins se rencontrent dans leur tente en ce jour d’automne, douze ans plus tard, ils font face à un dilemme : en Gaspésie, une entente entre le gouvernement provincial et la communauté Mi’kmaq de Gesgapegiag est en voie d’établir un territoire sous contrôle Mi’kmaq, sur lequel seraient offertes des activités de plein air moyennant certains frais (en français, il s’agit d’une « pourvoirie », terme désignant à la fois le territoire et l’entité qui le contrôle). Selon les plans de Gesgapegiag, le territoire comprendrait un centre d’interprétation et des sentiers de randonnée et d’équitation, ainsi que des services de pourvoirie tels que des guides, de l’hébergement et des repas.

Le chef de Gesgapegiag de l’époque, John Martin, a expliqué, dans un reportage aux nouvelles régionales, que le projet vise en partie à diminuer la pression sur la population locale d’orignaux en gérant le nombre de chasseurs dans la zone. En 2005, 102 orignaux avaient été tués sur ledit territoire : sept par des chasseurs mi’kmaq et les quatre-vingt-quinze autres par des chasseurs non mi’kmaq.

[…]

Officiellement, l’accord était en cours d’élaboration depuis 1999. Au moment du voyage de chasse de Cyr et LeBlanc, en octobre 2004, il bénéficiait d’une importante couverture médiatique. S’il se concrétisait, le projet s’ajouterait aux près de sept cents autres territoires de pourvoiries privées existant au Québec, dont une douzaine en Gaspésie et plusieurs dizaines gérés par des communautés autochtones. Il s’agirait de la deuxième pourvoirie exploitée par les Mi’kmaq. Tout au long du processus, les négociateurs de Gesgapegiag avaient insisté sur le fait que le projet était central à leurs efforts de reconnexion à leur territoire historique et de construction de leur économie, puisqu’il emploierait une vingtaine de membres de la communauté. Néanmoins, cela attisa la colère de nombreux habitants des environs.

[…]

Cyr et son groupe de chasseurs étaient également contrariés. Face à l’éventualité d’avoir soit à payer un droit d’accès au territoire, soit à chercher un nouveau territoire de chasse – et déjà agacés par l’arrivée de l’exploitation forestière dans la région – Raymond Cyr propose une alternative. Lui, LeBlanc et un petit groupe de chasseurs chassant sur le territoire adjacent avaient l’habitude de se réunir dans une tente commune chaque soir pendant la courte saison de chasse à l’orignal, pour discuter de la chasse du jour. Lors d’une de leurs réunions nocturnes, selon les documents du tribunal et les souvenirs de trois personnes présentes, Cyr suggère aux membres du groupe de chasseurs de revendiquer une identité autochtone. Après tout, chacun d’entre eux avait probablement de lointains ancêtres autochtones – les estimations scientifiques en matière de démographie historique estiment que la majorité des descendants des premier·ères colon·es français·es ont au moins un ancêtre autochtone. Dans le cas de Cyr, disait-il, il en était certain : sa famille en avait toujours parlé.

Mais le plan de Cyr est accueilli avec une certaine incrédulité. Un collègue chasseur, un policier du nom de Benoît Lavoie, se montre sceptique :

« Nous n’avons jamais eu de droits, seuls les Indiens ont eu des droits, nous, nous n’en avons pas » déclare-t-il, selon les documents du tribunal. Cyr répond avec audace par quatre mots fatidiques : « Lisez la décision Powley ».

(Leroux, 2018, Self-made Métis – https://maisonneuve.org/article/2018/11/1/self-made-metis)

L’arrêt Powley

R. c. Powley fut la première grande affaire de droits autochtones concernant les Métis. L’arrêt Powley donna lieu au « test Powley », lequel établit un ensemble de critères définissant non seulement ce qui pourrait constituer un droit des Métis, mais aussi qui est habilité à exercer ces droits. Bien que l’arrêt Powley définit les droits des Métis en ce qui a trait à la chasse, de nombreux experts juridiques et dirigeants Métis considèrent l’affaire Powley comme potentiellement déterminante pour l’avenir de la reconnaissance des droits des Métis.

[…]

L’affaire Powley a défini un ensemble de critères connus aujourd’hui sous le nom de « test Powley ». Ce test est utilisé pour définir les droits des Métis de la même manière que le test Van der Peet est utilisé pour définir les droits des autochtones (Indiens). Une fois qu’un droit est identifié, le test Powley est un processus qui peut être employé pour évaluer si les demandeurs sont autorisés à exercer les droits des Métis.

(Salomon & Hanson (n.d.), Powley Case https://indigenousfoundations.arts.ubc.ca/po wley_case/ )

Pourtant, depuis l’arrêt Powley, on a assisté au Québec à une expansion remarquable des revendications entourant l’identité métis, y compris par plusieurs nouvelles organisations (Gélinas et Lamarre 2015 : 341). Les résultats de l’Enquête nationale auprès des ménages de 2011 confirment ce phénomène : le Québec a connu laplus forte augmentation provinciale de l’auto-identification métis entre 2006 et 2011, avec le taux remarquable de 47 %, et une augmentation encore plus étonnante de 158 % entre 2001 et 2011 […] Pour le dire simplement, l’existence d’un test d’identité métis couplé à une incompréhension fondamentale de la difficulté de répondre aux critères de ce test semble avoir créé une fausse feuille de route vers l’autochtonité, feuille de route utilisée par une diversité de personnes et d’organisations pour établir leurs revendications.

(Vowel & Leroux, 2016, White Settler Antipathy and the Daniels Decision)

L’affaire Powley a influencé d’autres contestations juridiques à propos des droits des Métis, comme l’affaire R. contre Daniels (2016).

Daniels c. Canada

La décision de la Cour suprême dans l’affaire Daniels c. Canada a résolu une importante question constitutionnelle à propos du niveau de gouvernement ayant une autorité législative sur les Métis et les Indiens sans statut légal. Malheureusement, nombre d’organisations et de personnes ayant commenté l’affaire ont tiré des conclusions générales et incorrectes à propos de cette décision, suggérant fréquemment que Daniels aurait clarifié qui est Métis ou Indien non inscrit. Ces interprétations erronées de l’affaire Daniels ont conduit à une recrudescence des revendications d’autochtonité de la part de colon·es blanc·hes, ce qui aura probablement comme conséquence, dans les années à venir, de faire monter les tensions entre les colon·es et les peuples autochtones, ainsi qu’entre les peuples autochtones. Bien que ce type de revendications affaiblissant les doits autochtones soit un phénomène vieux de plusieurs générations aux États-Unis (voir Sturm 2011), cette tactique demeure relativement nouvelle au Canada.

[…]

Le problème de l’affaire Daniels

La décision Daniels a été saluée par un éventail incroyable d’organisations et d’individus. Bien sûr, il y a lieu d’être optimiste, en particulier pour les populations autochtones ayant été privées de leurs droits dans les dernières générations par le régime de gouvernance colonial du Canada, mais il y a également beaucoup de raisons de s’inquiéter. Nous sommes particulièrement troublés par la manière dont l’arrêt Daniels, lu conjointement avec plusieurs décisions complémentaires de la CSC depuis une dizaine d’années, a encouragé toute un éventail d’organisations soi-disant métis à revendiquer l’identité autochtone et les droits qui en découlent.

Bien que la décision elle-même n’ait pas porté sur des enjeux d’identité ou de droits, des organisations métis auto-proclamées se sont emparées de la déclaration suivante, émise par Madame la juge Abella au nom de la Cour : « Le terme “Métis” peut renvoyer à la communauté Métisse historique de la colonie de la rivière Rouge au Manitoba ou encore être utilisé comme terme générique pour désigner quiconque possède des origines mixtes européennes et autochtones. » (Daniels c. Canada 2016). Cette déclaration semble relativement banale mais, prise hors contexte, on peut y lire la Cour défendant une position facilitant les fantasmes nativistes de colon·es blanc·hes désirant être “Indiens”.

[…]

Les interprétations présentes de Daniels résonnent avec le vieux désir colon d’effacer les peuples autochtones en prenant leur place. Eve Tuck et K. Wayne Yang (2012) qualifient cette tactique de « nativisme colon » et la décrivent comme une méthode permettant aux colon·es blanc·hes de revendiquer une identité autochtone tout en conservant leurs privilèges. Essentiellement, ces revendications imaginatives permettent aux colon·es blanc·hes de se sentir à leur place sur des terres autochtones volées. Ce besoin d’appartenance semble particulièrement fort au Québec, où les notions nationalistes de terre natale québécoise existent inconfortablement en tension avec l’antériorité autochtone. Cependant, le Québec ne fait guère figure d’exception : partout où le colonialismede peuplement blanc opère il y a une recherche de légitimité et une volonté d’assurer un avenir colon.

(Vowel & Leroux, 2016, White Settler Antipathy and the Daniels Decision)

Pendant ce temps, avec Leblanc dans les Monts Chic-Chocs…

Dans les dix-huit mois suivant leur première discussion sous la tente, LeBlanc constitue un organisme qu’il appelle la Communauté Métisse de la Gaspésie (CMG). Sous ce nom, le groupe commence à faire pression contre le projet mi’kmaq. « En suivant la bonne approche, il pourrait y avoir moyen d’obtenir une injonction contre ce projet [de pourvoirie autochtone] », déclare LeBlanc à un journal local en juillet 2006. « Nous allons dire au gouvernement fédéral qu’il y a des métis en Gaspésie et que notre territoire est actuellement en train de se faire voler. Nous allons demander au gouvernement du Canada de nous donner le temps et les moyens financiers pour recenser le nombre de métis, écrire l’histoire de la communauté métisse de la Gaspésie et arrêter le projet de pourvoiries.

» En peu de temps, l’intervention de la CMG en tant que « peuple autochtone » et l’opposition politique du groupe à un niveau plus large ont réussi à ralentir la progression du projet mi’kmaq, que le gouvernement a finalement mis en veilleuse.

[…]

Les propos de Leblanc étaient simplement un signe avant-coureur de ce qui allait venir. Depuis 2004, au Québec, vingt-cinq organisations de ce type, représentant les personnes se déclarant « métisses », ont été créées, dont une vingtaine étaient encore actives à l’été 2018. Les données recueillies à partir des registres des organisations et des reportages des médias montrent que dix de ces organisations comptaient à elles seules au moins 42 000 membres cotisants à la fin de 2017.

(Leroux, 2018, Self-made Métis – https://maisonneuve.org/article/2018/11/1/self-made-metis )

Auto-autochtonisation en action : second cas de figure

De l’autre côté du fleuve Saint-Laurent, en face de la Gaspésie, au Nitassinan, territoire innu, un processus étrangement similaire à la fondation du groupe gaspésien s’est déroulé dix-huit mois auparavant. En mars 2006, la Communauté Métisse du Domaine du-Roy et de la Seigneurie de Mingan (CMDRSM) est devenue le premier organisme québécois à tenter de satisfaire aux critères du test Powley en tant qu’intervenant dans une affaire portée devant la Cour supérieure du Québec. Connue familièrement sous le nom d’affaire Corneau, celle-ci portait sur la construction illégale de camps de chasse sur des terres publiques.

La création de la CMDRSM – à Chicoutimi, à la tête de la rivière Saguenay, un peu plus d’un an avant son intervention dans l’affaire – était directement liée à la négociation d’une revendication territoriale globale dans la région. Les régions du Saguenay-Lac-St-Jean et de la Côte-Nord ont été le théâtre d’un mouvement d’opposition aux droits de chasse et de pêche des Innus depuis plusieurs générations. À partir de 1864, le gouvernement a interdit aux Innus de pêcher le saumon des rivières se jetant dans le cours inférieur du fleuve Saint-Laurent. Durant les années 1970 et 1980, les Innus et la police ainsi que des habitants blancs appuyés par le gouvernement se sont livrés à une longue bataille, entraînant probablement la mort de deux pêcheurs innus (bien que les Innus aient soupçonné le pêcheur d’avoir été assassiné, aucune accusation n’a jamais été portée). Suite à cette période connue sous le nom de « guerre du saumon », les droits de pêche des Innus furent partiellement rétablis dans la plupart des rivières du territoire, le gouvernement ayant enfin commencé à s’apercevoir que sa position était juridiquement intenable.

En 2000, on a annoncé une entente-cadre qui reconnaîtrait plus amplement les droits de récolte des Innus sur un vaste territoire régional. Bien que l’entente ait suscité l’opposition de la base militante innu – puisqu’elle auraitimpliqué de renoncer à tout droit à de futurs litiges – elle a néanmoins entrainé la vive réaction des résidents franco-québécois blancs locaux, entre autres chez les organisations de chasseurs, de pêcheurs et de propriétaires fonciers, ainsi que des gouvernements municipaux et des politiciens. Cette opposition a donné naissance à trois organisations de défense des droits des blancs dans la région, dont deux auraient mobilisé des milliers de nouveaux membres individuels et corporatifs en deux ans : la Fondation Équité Territoriale (FET) et l’Association pour le Droit des Blancs (ADB). Ce militantisme pour les « droits des blancs » a généralement pris la forme d’attaques contre l’entente-cadre innu, les membres des organisations allant s’exprimer contre cette dernière lors d’audiences publiques et donnant leur avis aux médias.

[…]

En 2005, André Forbes, le fondateur de l’ADB, est devenu un membre fondateur clé du conseil d’administration de la CMDRSM et le « chef » de son « clan » métis de la Côte-Nord, devenant de facto le leader de ses membres dans une grande région de la Côte-Nord. Avant sa soudaine transformation en « chef métis », Forbes était l’un des dirigeants les plus véhéments du mouvement des droits des blancs dans la région. Dans un article publié dans le quotidien de Québec Le Soleil, il avait affirmé que les négociations concernant le traité représentaient « de la politique haineuse qui amène des tensions sociales et qui se termine comme en Israël » . Lors d’une manifestation, Forbes avait par ailleurs inventé le terme « Taliban rouge » pour désigner de manière péjorative les peuples autochtones de la région, invoquant un mélange toxique de symbolisme anti-autochtone et islamo- phobe.

(Leroux, 2018, Self-made Métis – https://maisonneuve.org/article/2018/11/1/self-made-metis )

Les histoires des colon·es blanc·hes métis de l’est : un geste « nativiste colon »

Puisque les colon·es blancs ne peuvent manifestement jamais retourner sur leurs terres natales européennes perdues, après des générations de déracinement, ils s’approprient, développent et redéveloppent continuellement des tautologies revendiquant les terres autochtones, créent des représentations « réalistes » de ces territoires qui perturbent les formes de savoir autochtones, et inventent un identité originelle traversant le temps et l’espace, conçue pour se régénérer à chaque fois qu’elle se trouve délogée.

(Wysote & Morton, 2019)

En ce sens, le simple fait de raconter une histoire à répétition ne la rend pas plus réelle. Wysote et Morton (2019) expliquent que les déclarations contemporaines de colon·es blanc·hes légitimant leurs revendications à la terre ou à un ancêtre autochtone – dans un système de colonialisme de peuplement – demeurent un engagement indéfectible à la blanchité et à l’avenir colon. La fonction des histoires transformant des colon·es blanc·hes en autochtones consiste à naturaliser la violence coloniale perpétrée envers les Premières Nations, les Métis et les Inuits, comme si la configuration actuelle du pouvoir colonial était logique et irréfutable (Wysote et Morton, 2019). Il s’agit de ce que Tuck et Yang (2012) identifient comme le « nativisme colon », un mécanisme de déculpabilisation pour se défaire de la complicité au système, passé comme présent, de violence coloniale.

Nativisme colon

Avec ce mécanisme de déculpabilisation, les colon·es repèrent ou s’inventent un ancêtre lointain qui, selon la rumeur, aurait eu du « sang indien », et grâce à cette affirmation ils se présentent comme irréprochables face aux tentatives d’éradication des peuples autochtones. Aux États-Unis, nombreux sont les exemples de figures publiques qui « se souviennent » d’un ancêtre autochtone éloigné, comme Nancy Reagan (qui, dit-on, serait une descendante de Pocahontas) ou, plus récemment, Elizabeth Warren et plusieurs autres, ce qui illustre à quel point le nativisme colon est un phénomène commun. Dans ce récit tiré de Custer Died for Your Sins, Vine Deloria Jr. discute de ce qu’il appelle le complexe de la grand-mère indienne : […]

Les blancs se revendiquant du sang indien ont tendance à renforcer des croyances mythiques à propos des Indiens. À une seule exception près, toutes les personnes que j’ai rencontrées qui se revendiquaientdu sang indien le faisaient du côté de leur grand-mère. Une fois, j’ai fait une projection à rebours et j’ai découvert que, de toute évidence, pendant les trois premiers siècles de l’occupation blanche la plupart des tribus étaient entièrement composées de femmes. Personne, semble-t-il, ne voulait revendiquer un Indien mâle comme ancêtre.

Il n’est pas nécessaire d’avoir une fine connaissance des attitudes raciales pour comprendre la véritable signification du complexe de grand-mère indienne affligeant certaines personnes blanches. Un ancêtre mâle a trop l’aura du guerrier sauvage, du primitif inconnu, de l’animal instinctif, pour en faire un membre respectable de l’arbre généalogique. Mais une jeune princesse indienne ? Ah, on pouvait bien se saisir d’une marque de royauté. D’une manière ou d’une autre, le blanc se trouvait lié à une maison noble, raffinée et cultivée si sa grand-mère était une princesse indienne s’étant enfuie avec un intrépide pionnier…

Avoir une véritable grand-mère indienne est probablement la plus belle chose qui puisse arriver à un enfant, alors pourquoi de nombreux blancs ressentent-ils le besoin d’avoir une princesse indienne comme lointaine grand-mère ? Est-ce par peur d’être catégorisé comme étranger ? Ont-ils besoin d’un lien de sang avec la frontière et ses dangers pour faire l’expérience de ce que signifie être un Américain ? Ou est-ce une tentative pour éviter d’être confrontés à la culpabilité qu’ils portent pour le traitement des Indiens ? (1988, p. 2 à 4)

Le nativisme colon ou, comme l’appelle Vine Deloria Jr., le complexe de la grand-mère indienne est un mécanisme de déculpabilisation colonial, puisqu’à travers lui on cherche à s’écarter d’une identité colone, tout en continuant à profiter du privilège colon et à occuper les terres volées. Deloria observe que le nativisme colon est genré et analyse les raisons qui rendent davantage attrayante le fantasme d’une grand-mère indienne par rapport à un grand-père indien. D’une part, on peut s’attendre à ce que de nombreux colon·es aient un ancêtre autochtone et/ou esclave. Voilà précisément l’habitude du colonialisme de peuplement, qui pousse les humains vers d’autres communautés humaines ; les stratégies de viol et de violence sexuelle, ainsi que l’attrait ordinaire des relations humaines, font en sorte que les colon·es ont des ancêtres autochtones et/ou esclaves. […]

L’ancestralité et l’appartenance tribale sont deux choses différentes ; l’identité autochtone et l’appartenance tribale sont des enjeux que seules les communautés autochtones ont le droit de débattre et de définir, non pas les tests d’ADN, les sites web sur l’héritage et certainement pas l’état colonial. Le nativisme colon imagine un passé indien et un avenir colon ; en revanche, la souveraineté tribale soutient un présent autochtone et de nombreux intellectuels autochtones théorisent la décolonisation comme une pluralité d’avenir autochtones, sans État colonial.

(Tuck & Yang, 2012)

Sur la décolonisation, la réconciliation et l’effacement

En essayant de reproduire des histoires d’autochtonité, les colon·es appuient et intensifient les tentatives d’effacement par l’État canadien des peuples autochtones, ces derniers étant toujours déjà une menace existentielle et matérielle pour la légitimité de cet État. Voilà l’une des raisons qui rend à jamais incompatible l’État colonial et les peuples autochtones ancrés dans leurs territoires, leurs histoires, leurs cultures et leurs protocoles (paraphrasé de Tawinikay, 2018).

Pour nourrir un imaginaire de la décolonisation (menée par les peuples autochtones), plutôt que de réconciliation ou d’auto-autochtonisation, il faut développer une certaine acceptation de sa position de colon·e. Bien sûr, il ne s’agit pas de faire la promotion d’une identité individuelle de « colon·e » à adopter, avec laquelle devenir confortable et à préserver à travers des luttes. Il ne s’agit pas non plus de promouvoir quelque avenir colon que ce soit. Plutôt, nous proposons d’utiliser ce mot pour décrire les formes de relations que les colon·es, en tant que tel, entretenons avec les territoires où nous avons habité et ce, dans bien des cas, depuis des générations. Patrick Wolfe (2013) explique : « il est important de ne pas s’égarer dans un certain volontarisme. L’opposition entre autochtone et colon·e est une relation structurelle, elle n’est pas le fruit de la volonté. Le fait que je sois, parexemple, un colon australien n’est pas le produit de ma conscience individuelle. En fait, c’est une condition historique qui me précède. Ni moi ni les autres colon·es ne pouvons nous en extraire avec la force de notre volonté, que nous le voulions ou non. Sans doute nos consciences individuelles respectives peuvent-elle affecter la manière dont chacun de nous répond à cette position historique commune, mais elles ne l’ont pas créée et elles ne peuvent pas la défaire. »

Tawinikay (2020) propose aux colon·es une orientation :

Voyez-vous tels que vous êtes, voyez votre communauté telle qu’elle est. Agissez de manière à créer un monde où la réconciliation puisse être possible, un monde dans lequel les vôtres redonnent les terres et démantèlent l’État canadien centralisé. Ne romantisez pas les autochtones avec qui vous vous organisez. Ne croyez pas qu’il soit impossible de remettre en question leur jugement ou de choisir de vous organiser avec certain·es plutôt que d’autres. Trouvez ceux et celles dont le cœur brûle toujours vivement, ceux et celles qui préfèrent continuer à lutter plutôt qu’accepter la carotte de la réconciliation. N’agissez jamais par culpabilité ou par honte.

Et ne vous laissez pas croire que vous pouvez transcender votre position colone en faisant du travail de solidarité. Comprenez que vous pouvez et devez trouver vos propres façons de vous connecter à ce territoire. À partir de vos propres traditions, celles dont vous héritez ou celle que vous créez par vous-mêmes.

Nous nous positionnons contre les appels vides et immatériels à la réconciliation faits par les politiciens qui ne cherchent qu’à maintenir l’ordre colonial autant que contre les propositions inutiles selon lesquelles la décolonisation se ferait en prenant conscience que « tout le monde est autochtone de quelque part » ou que tout le monde peut devenir autochtone d’ici.

« La décolonisation n’est pas un « et ». C’est un ailleurs. »

( Tuck et Yang, 2012)

« La décolonisation […] consiste à abroger l’autorité de l’État colonial et à redistribuer les terres et les ressources. Elle signifie également l’adoption et la légitimation des visions du monde autochtones auparavant réprimées”.

(Tawinikay, 2019)

Bibliographie

Adese, Jennifer, Zoe Todd, and Shaun Stevenson. “ Mediating Métis Identity: An Interview with Jennifer Adese and Zoe Todd ,” MediaTropes 7 , no. 1 (2017): 1–25.
Beauregard Y (1993) Mythe ou réalité. Les origines amérindiennes des Québécois: Entrevue avec Hubert Charbonneau. Cap-aux-diamants: La Revue D’histoire Du Québec 34: 38–42.
Desjardins B (2008) La contribution différentielle des immigrants français à la souche canadienne-française. Annales de Normandie 58(3–4): 69–79.
Gaudry, A. (2016). Respecting Métis nationhood and self-determination in matters of Métis identity. Aboriginal history: A reader, 152-63.
Leroux, D. (2019). Distorted descent: White claims to Indigenous identity. Univ. of Manitoba Press.
Leroux, D. (2018). Self-made métis. Maisonneuve: A Quarterly Journal of Arts, Opinion & Ideas.
Leroux, D., & Gaudry, A. (2017). Becoming Indigenous: The Rise of Eastern Métis in Canada. The Conversation.
Leroux, D. (2018). ‘We’ve been here for 2,000 years’: White settlers, Native American DNA and the phenomenon of indigenization. Social studies of science, 48(1), 80-100. Saskatoon Métis Local 126
https://www.facebook.com/permalink.php? id=1751610371790141&story_fbid=2220680341549806
Tawinikay, 2020. Reconciliation is Dead: A Strategic Proposal. https://mtlcounterinfo.org/reconciliation-is-dead-a-strategic-proposal/
Tawinikay, 2019. Autonomously and with conviction: A Métis refusal of state-led reconciliation. https://north-shore.info/2018/10/22/autonomously-and-with-conviction-a-metis-refusal-of-state- led-reconciliation/
Tuck, E., & Yang, K. W. (2012). Decolonization is not a metaphor. Decolonization: Indigeneity, education & society, 1(1).
Vowel, C., & Leroux, D. (2016). White settler antipathy and the Daniels decision. TOPIA: Canadian Journal of Cultural Studies, 36, 30-42.
Wolfe, P. (2013). Recuperating binarism: A heretical introduction.
Wysote, T., & Morton, E. (2019). ‘The depth of the plough’: white settler tautologies and pioneer lies. Settler Colonial Studies, 9(4), 479-504.

Action devant les bureaux de la Chambre de commerce de Saguenay

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Oct 302020
 

Du Collectif Emma Goldman

Lundi matin, à Chicoutimi sur le Nitassinan, une bannière où il est inscrit « Fiers de saccager le territoire pour quelques dollars » a été déployée sur la façade de l’immeuble devant la Chambre de commerce de Saguenay, à l’angle des rues Labrecque et Racine.

Nous, les membres du projet de ré-éducation urbaine, revendiquons la prise de position immédiate et claire contre le projet GNL d’Énergie Saguenay; il s’agit d’un projet industriel d’ampleur, qui, caché derrière une façade de prétentions vertueuses, s’inscrit dans une logique de marchandisation de nos écosystèmes et de notre richesse collective. Dans un contexte global de crise de la biodiversité, de changements climatiques majeurs et irréversibles – et de transition écologique demandée par la majorité des groupes syndicaux et étudiants à travers la province – la région du Saguenay mérite mieux que de se rabaisser aux pieds des logiques marchandes imposées par le grand capital américain. Ce projet extractiviste ne contribuera qu’à accentuer les inégalités sociales et économiques dans les décennies à venir, à concentrer le pouvoir entre les mains d’une poignée d’investisseurs désinvestis des intérêts réels de notre région, et à saccager notre environnement. En somme, le projet est complètement à contre-courant des rêves collectifs, et des projets d’avenir de la jeune génération, qui elle, désire une transition régionale vers une société plus sobre, écologique et durable. Il s’agit d’un moment charnière pour préserver notre dignité humaine, et pour démontrer que nous avons encore à cœur le bien-être collectif.    

Nous invitons aussi la population, tous et toutes, à s’informer sur le projet et sur ses ramifications, à se mobiliser et à démontrer aux autorités leur opposition frontale à son installation sur notre territoire.

Bloquons le Canada

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Oct 222020
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

À cette heure au Mi’kma’ki, des pêcheurs commerciaux menacent physiquement des Autochtones dans le cadre d’une campagne d’intimidation et d’harcèlement autour de la prise de homard de subsistance de ces derniers. La violence monte en flèche ces derniers jours et rien n’indique que l’escalade cessera. Des vidéos circulent où on voit la GRC qui permet aux pêcheurs commerciaux de voler ou empoisonner le homard, bruler des véhicules, péter des vitres, jeter des pierres sur des Mi’kmaq et s’en prendre à des chefs et à des femmes.

Quoi de mieux comme exemple du fonctionnement de la race au Canada? L’État protège les grands intérêts commerciaux et se sert des prolétaires blancs comme arme contre la population non-blanche. On trouve d’autres exemples partout au pays.

En aout, le camp à kilomètre 27 sur le Yintah Wet’suwet’en s’est fait incendier et l’État ne lève pas la main pour poursuivre les auteurs, alors que des posts publics sur Facebook font appel à cette action précise.

Au Secwepmeculecw, les Tiny House Warriors subissent un harcèlement quasi permanent de la part de suprémacistes blancs qui sont allés jusqu’à établir un camp et un barbecue à deux pas de femmes et de filles autochtones ainsi que de personnes bispirituelles pour les agresser et intimider.

En territoire algonquin, des chasseurs non-autochtones ne cessent d’insulter et de menacer des Autochtones sur leur propre territoire tandis qu’ils cherchent à protéger les orignaux de la chasse excessive.

En territoire Six Nations, la police harcèle et arrête des Autochtones sans que les gens aux alentours se remuent pour les retenir.

Quand est-ce que trop c’est trop? Pourquoi ne bloquons-nous pas le pays? Ne permettons pas à l’État colonisateur et suprémaciste blanc de poursuivre ses violences sans résistance. Il faut agir. Nous faisons appel aux allochtones et aux sympathisant·e·s d’agir comme bien vous semble partout où vous êtes. Les voies de transport sont vulnérables, nous l’avons bien prouvé au printemps. Pas besoin de beaucoup de monde pour prendre des actions subversives capables d’infliger des dégats immenses à l’État.

Agissons dès maintenant. On attend quoi?

#SHUTDOWNCANADA2020 : Les appels à l’action se multiplient

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Oct 192020
 

Du Point d’accès Gidimt’en

D’un océan à l’autre, les communautés autochtones sont attaquées.

Il est temps d’arrêter de parler et de commencer à agir.

Il est temps de #ShutDownCanada encore une fois.

Protégeons les sources d’eau ! Résistance Wet’suwet’en à Coastal Gaslink

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Oct 162020
 

De It’s Going Down

Mise à jour sur la continuation de la lutte de résistance contre le pipeline de Coastal Gaslink qui menace les cours d’eau sur le territoire Wet’suwet’en. Pour plus d’information, abonnez-vous à Gidimt’en Checkpoint.

Nos cours d’eau sont sous attaque. Notre façon de vivre est en jeu. Coastal Gaslink est à quelques semaines de commencer les tests de forage sous Wedzin Kwa – la rivière qui nourrit tout le territoire Wet’suwet’en et donne vie à notre nation.

Nous continuons la réoccupation de nos territoires – la préparation de notre nourriture, à tenir nos cérémonies, à enseigner à nos enfants ce que c’est que d’être Wet’suwet’en.

Nous devons nous protéger. Nous devons protéger ce que nous avons à tout prix.

Nous avons besoin de votre support maintenant plus que jamais.

Un message de Sleydo, Molly Wickham, porte-parole pour le point de contrôle de Gidimt’en.

Visitez www.yintahaccess.com pour nous appuyer, pour des dons ou pour trouver les moyens de nous aider.

Affiche : Supportons l’appel Anishnabeg pour un moratoire à la chasse à l’orignal dans le Parc La Vérendrye

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Oct 142020
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

La Nation Algonquine Anishinabeg, protectrice et gardienne du territoire du Parc La Vérendrye et plus loin encore, a mise en place plusieurs campements pacifiques bloquant l’accès aux chasseurs aux abords de la route 117. Depuis deux ans, celle-ci dénonce publiquement une baisse alarmante de la population d’orignaux. Supportons les moratoire, restons informés et à l’écoute et informons les gens autour de nous de ce qui se passe là bas!

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Du rôle de Facebook dans le sabotage des luttes autochtones

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Sep 292020
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Depuis deux mois à Six Nations (Ontario), des communautés autochtones occupent le territoire de 1492 Land Back Lane, situé sur le territoire Haudenosaunee, menacé par le projet de développement immobilier de MacKenzie Meadows, projet qui n’a pas reçu l’accord de la population. Ailleurs au soi-disant Canada, d’autres communautés défendent des terres où elles habitent menacées par l’industrie extractive, la chasse et d’autres projets non-consentis par les habitants.

Ces différentes mobilisations convergent vers un appel à la visibilité de ces luttes et de l’importance des vies autochtones mises en jeu.

Le vendredi 9 octobre à Montréal aura lieu une journée de solidarité avec le territoire 1492 Land Back Lane où se dérouleront un rassemblement culturel autochtone et une manifestation.

L’événement est sur Facebook et se nomme Journée de solidarité avec #1492LandBackLane: https://www.facebook.com/events/1049347945523775

CEPENDANT, chaque personne ayant tenté de partager l’événemnent sur sa page s’est vue refuser la publication sous prétexte que l’adresse utilisée (celle de l’événement) était un spam était un spam ou que la publication contrevenait aux critères de bienséance de la communauté facebook. Sans grande surprise en fait.

FB ne se cache plus de son rôle dans le démantèlement de luttes pour la justice sociale, en particulier des solidarités avec les mobilisations autochtones, en suspendant des comptes et des posts qui y sont liés:

“Facebook Disables Hundreds of Accounts Linked to Wet’suwet’en Support Rally”
https://thetyee.ca/News/2020/09/21/Facebook-Disables-Wetsuweten-Linked-Accounts/

“Facebook announce crackdown against anarchists”
https://www.redblacknotes.com/2020/08/20/facebook-announce-crackdown-against-anarchists/

On Facebook Banning Anarchist and Antifascist Pages & the Digital Censorship to Come
https://itsgoingdown.org/on-facebook-banning-anarchist-and-antifascist-pages-the-digital-censorship-to-come/

EN ATTENDANT de nourrir nos propres moyens de diffuser l’info, merci de passer le mot comme vous le pouvez sur la mobilisation du 9 octobre à Montréal.

Affiche: Abattons l’hydre technoindustrielle

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Sep 172020
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

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Texte de l’affiche:

Abattons l’hydre technoindustrielle

Il n’est jamais trop tard pour dire non

Intelligence artificielle
Bénéficiaires de plusieurs $100M en financement d’État, les labos d’IA oeuvrent à mettre des algorithmes d’« apprentissage automatique » au service d’une panoplie d’industries. Sous une façade « éthique », certaines applications permettront simplement aux capitalistes bien placé.es de s’enrichir davantage. D’autres sont destinées à renforcer la répression, qu’il s’agisse de détecter les voleurs au supermarché par la surveillance vidéo automatisée, de mettre au point des outils de reconnaissance faciale qui fonctionnent même pour des visages partiellement couverts, ou de « prédire » le crime ou la probabilité de récidive d’un.e détenu.e.

Réseau sans-fil 5g
La puissance inouïe du réseau 5G permet le déploiement de l’IA au niveau d’une ville en temps réel. Tout déplacement devient traçable grâce à des milliers de caméras intégrées à un système de surveillance centralisé, une vision déjà mise en pratique dans plus d’une « smart city » européenne. D’innombrables capteurs à travers l’espace public, dans les commerces, les voitures, le transport en commun ou bien portés sur nos corps cherchent à faire de toute action l’objet de calculs, de prédictions et de contrôle, le tout sous un couvert éco-responsable. Une toile d’algorithmes devient omniprésente donc invisible, invisible donc incontestable.

Robotique et automatisation
Voitures autonomes. Entrepôts robotisés. Magasins sans caissier.ères. Robots de livraison qui appellent les flics lorsqu’ils sont attaqués. Une infrastructure se déploie qui changera le monde du travail ainsi que nos milieux de vie de façon permanente. Il ne s’agit pas de pleurer la disparition d’emplois éreintants et ennuyeux. Un rythme déshumanisant est imposé aux travailleur.ses restants, qui doivent suivre la cadence des machines et des logiciels de productivité ou se retrouver à la porte. D’autre part, quelles mesures de contrôle social et quels stratagèmes d’exploitation attendent les nouvelles masses d’exclu.es du chômage technologique ?

La vie devant un écran
Les possibilités de relations authentiques entre les humains et avec ce qui nous entoure sont de plus en plus effacées au service d’une hyper- connectivité virtuelle. La compréhension, la découverte et la recherche de sens sont réduites à une production de données. Déficit d’attention, troubles de mémoire, perte de capacités affectives et d’imagination, perturbation du sommeil, douleurs musculo-squelettiques, anxiété, solitude, dépression : les symptômes de la dépendance aux technologies connectées empirent alors qu’un pan grandissant de la population est immergé dans les écrans tactiles depuis la petite enfance.

30 juillet 2020
Achim, Allemagne
Une grue est incendiée sur le chantier d’un immense centre logistique d’Amazon, retardant les travaux et causant des centaines de milliers de dollars en dommages. Un autre grain de sable dans l’engrenage d’un chef de file de l’exploitation numérique. (anarchistsworldwide.noblogs.org)

Pour des vies libres et riches, ouvertes à l’inconnu

Soyons la panne dans leur réseau !

Six Nations : Journée de solidarité avec les défenseurs de la terre Haudenosaunee le 9 octobre

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Sep 112020
 

De 1492 Land Back Lane

6 septembre 2020

Cette semaine nous avons vu dix arrestations d’individu·e·s lié·e·s au 1492 Land Back Lane. Ceci comprend des allié·e·s non-autochtones ainsi que des personnes issues d’autres communautés Haudenosaunee comme la chercheuse mohawk Courtney Skye et le journaliste oneida Karl Dockstader.

Par ces arrestations de nos proches et de nos allié·e·s, la OPP fait preuve d’une stratégie encore plus violente. Le Canada est en train de choisir comment répondre à nos soucis et aux questions qui nous importent et ils ont choisi la violence policière et la criminalisation au lieu du dialogue avec notre communauté.

Notre peuple se voit inculpé pour le simple fait de leur présence sur leur territoire et de vouloir pratiquer leur culture. S’occuper ainsi de conflits territoriaux est inacceptable et ne devrait pas être toléré.

Nous affirmons que ceci est une stratégie délibérée du part de la OPP pour intimider nos sympathisant·e·s et dissuader celleux qui voudraient appuyer notre usage de nos terres.

On craint que la OPP cherche à nous couper de ravitaillement, y compris la nourriture et l’eau. Si elle réussit, cette technique sera dans la lignée des stratégies coloniales de se servir de la famine pour pousser les peuples autochtones de leurs terres.

Nous faisons appel à une journée de solidarité le 9 octobre 2020.

Les défenseurs de la terre au 1492 Land Back Lane font également appel à leurs allié·e·s pour continuer de contacter leurs députés et la OPP pour exiger le respect de notre communauté et la justice pour les développements illégitimes dans notre territoire.

« Il est profondément insultant et injuste que le peuple Haudenosaunee soit arrêté pour vouloir défendre leur territoire. Arrêter des Haudenosaunee pour leur présence sur la terre et chercher à nous effacer par la violence policière ne légitime pas leurs fausses réclamations sur notre territoire », selon le défenseur de la terre Skyler Williams.

Williams a poursuivi : « des milliers de personnes partout au Canada nous ont contacté pour nous soutenir et des centaines de personnes sont venues de près comme de loin visiter le 1492 Land Back Lane. Celleux qui veulent se trouver sur la bonne côté de l’Histoire savent que notre souveraineté est plus importante qu’encore une pâté de maisons sur des terres autochtones volées. »

Nous faisons appel à nos allié·e·s de continuer d’amplifier notre demande pour la paix et la sécurité. Veuillez continuer de nous soutenir sur les réseaux sociaux et en faisant des dons sur notre GoFundMe ou par PayPal à landback6nations@gmail.com.

Capitalisme de surveillance et choc pandémique

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Sep 082020
 

Du Projet accompagnement solidarité Colombie (PASC)

Au début de la pandémie de la COVID-19, dans notre collective au sein de laquelle depuis 15 ans nous discutons des réalités qui nous entourent dans le but d’agir collectivement, nous avons réalisé une série de discussions, ayant déjà donné lieu à un premier article1. Aujourd’hui, nous publions ce texte, résultat de nos recherches du soir. Nous savions bien que la pandémie aurait des conséquences économiques, politiques, structurelles voir même structurantes, et nous nous inquiétions des enjeux de surveillance et de contrôle.

En route vers une nouvelle « normalité » ?

Notre hypothèse de départ est que la crise liée au coronavirus permet d’accélérer la mise en œuvre d’un capitalisme de surveillance. Nous tenterons de faire un tour d’horizon des mécanismes de contrôle, de surveillance et d’ingénierie sociale qui sont en train d’être déployés et d’analyser dans quelle mesure ils nous propulsent dans cette nouvelle ère du système capitaliste, aussi appelée 4e révolution industrielle. Nous essaierons d’identifier les designers de ce nouveau monde, de cibler ceux qui en profitent et de voir les pistes qui se dessinent pour tenter d’y résister.

À l’origine de nos recherches, pour essayer de comprendre la crise ou plutôt, de mettre le doigt sur la forêt que cachait l’arbre, un article a particulièrement attiré notre attention. Publié par le Massachusets Institue of Technology (MIT), le 17 mars 2020 et écrit par un scientifique, Gideon Lichfiled, son titre était particulièrement angoissant : « Nous ne reviendrons pas à la normale ». Son sous-titre l’était tout autant : « la distanciation sociale est là pour rester pour beaucoup plus longtemps que quelques semaines. Notre mode de vie sera appelé à changer et sur certains points, pour toujours ». L’élément primordial de cet article, consistait à nous faire comprendre que nous ne sommes pas dans une situation temporaire et qu’au contraire nous ne sommes qu’au début de la mise en place d’une nouvelle façon de vivre en société.2

Non que nous tenions à retourner à la « normalité » à laquelle nous a habitué le système capitaliste, remplie d’injustices et que nous dénonçons depuis des années, mais cet article prétendait que nous allions devoir nous préparer à faire face à plusieurs vagues d’éclosions du virus, et donc de restrictions de nos droits et libertés et ce à très long terme. Cinq mois plus tard, nous observons qu’effectivement, plusieurs mécanismes de contrôle et d’ingénierie sociale sont en train de se mettre en place et de non seulement changer les comportements et notre manière de vivre en société mais de mettre la table pour propulser un capitalisme de surveillance.

Contrôle et surveillance : un tour d’horizon

Pour faire face à la pandémie de la COVID-19, au lieu de proposer des investissements dans nos services publics, notamment dans le système de santé et les soins aux personnes âgées, la majorité des États se tournent vers le privé pour nous offrir des solutions technologiques. Si certains logiciels sont en développement, d’autres existaient déjà, comme ceux mis en place dès le début de la crise en Israël par exemple, où les données de géolocalisation des cellulaires, normalement utilisées par les services de renseignement pour réprimer les mouvements sociaux palestiniens, ont été utilisés pour identifier les personnes qui auraient été en contact avec des porteurs du virus.3

Application de traçage via cellulaire et données de santé

Partout dans le monde, des pays ont recours à des applications de suivi numérique qui avertissent les gens ayant croisé le chemin d’une personne contaminée. Par exemple, à Singapour, le « traçage » des personnes testées positives a permis non seulement de publier les informations sur chaque cas connu, mais aussi à envoyer une alerte à l’ensemble des personnes ayant croisé l’individu malade.4 Fin avril, déjà, plus d’une trentaine de pays avaient recours aux applications de traçage5. Ainsi, avec le prétexte de vouloir nous protéger du virus, nous assistons à la mise en place de systèmes de suivis des déplacements et des relations de milliards d’individus, alors que les résultats sanitaires sont plus qu’incertains.

Ainsi, dans le cadre de cette expérimentation grandeur nature, l’éventail des dispositifs de surveillance et de contrôle va d’applications où les données sont stockées dans des serveurs centraux et communiquées aux autorités, à celles où les données sont prétendument « anonymisées » (non lié à l’identité des personnes) et stockées sur notre propre cellulaire…

Le Canada a décidé de lancer sa propre application pour cellulaire, qui utilise la technologie Bluetooth pour tracer les contacts entre personnes. L’application Alerte COVID a été lancée le 31 juillet, mais comme ce fut le cas à propos d’applications similaires développées ailleurs dans le monde, son efficacité est sérieusement mise en doute, en plus d’être jugée trop intrusive et pas assez sécurisée6.

Ce qui pourrait surprendre c’est l’engouement de tant de gouvernements7 pour une solution dont l’efficacité est loin d’être démontrée. Tout d’abord, la géolocalisation, ou la présence dans le rayon Bluetooth8 d’un autre téléphone, ne prouve en aucun cas que la personne atteinte ait réellement pu constituer un risque de contagion. Rappelons qu’un porteur de COVID-19, ne contaminera en moyenne qu’entre 0 et 5.7 personnes9, alors que plusieurs dizaines de personnes ayant croisé son chemin recevront un avis de risque de contamination, provoquant inutilement un potentiel vent de panique.

Selon les dires même des développeurs de ces applications et des gouvernements qui les mettent en place, pour être efficaces, il faudrait que les trois quarts de la population d’une ville ou d’un pays la télécharge. Il est difficile de croire que ces taux élevés d’utilisation seront atteints. Comme le notait la revue Nature dans un éditorial du 29 avril dernier10, l’application tant vantée de Singapour n’était utilisée que par 20 % de la population, ce qui signifie que les chances que deux personnes utilisant l’application se croisent ne sont que de 4 %. Bien que l’utilisation de ces technologies se fasse pour l’instant sur une base volontaire dans la majorité des pays qui se prétendent démocratiques, il existe un risque réel pour que la pression soit forte pour la rendre obligatoire après la ou les prochaines vagues d’éclosion du virus. Les médias de masse jouent un rôle important dans la promotion des nouvelles mesures ; nous avons pu observer comment cela fut le cas concernant le port du masque qui fut rendu obligatoire suite au premier déconfinement, alors qu’il n’avait pas été jugé utile de le porter avant cela. Il est préoccupant de voir qu’il semble plus simple de jeter le blâme de la non-efficacité de certaines mesures sur les récalcitrants, que de se demander lesquelles sont vraiment efficaces.

Par ailleurs, de sérieux doutes ont été émis sur la capacité réelle des développeurs de ces applications de protéger les données des utilisateurs. Au Dakota par exemple, l’application Care19 a rendu publiques les données de géolocalisation de 30 000 usager.e.s.11 D’ailleurs, le chef de la cybersécurité aux Commissionnaires du Québec, Jean-Philippe Décarie-Mathieu « croit que le sentiment d’urgence de l’industrie technologique et des décideurs pour trouver des solutions à la pandémie, exacerbée par un certain climat de peur, peut porter les développeurs de ces applications à tourner les coins ronds en ce qui concerne la sécurité des données ».12 Pourtant, on tente de nous convaincre que les applications développées en Occident sont radicalement différentes de celles implantées en Chine par exemple, puisqu’elles ont été développées de façon à anonymiser les données, à ne pas permettre la géolocalisation, ou encore parce que les données seront stockées sur notre cellulaire et non sur un serveur externe. Cependant, comme Edward Snowden l’affirme dans ses mémoires, ce genre de garantie ne tient pas puisqu’il est impossible de faire disparaître définitivement des données enregistrées.13

Au soi-disant14 Québec, le projet de réunir les données de santé en ligne date de 2009, avec l’implantation du Dossier Santé Québec (DSQ), qui avait pour but de centraliser les données de santé des patients. Rappelons qu’à l’époque, les groupes communautaires en santé et services sociaux avaient dénoncé cette mesure qui aillait à l’encontre du droit à la confidentialité15. Plus de dix ans plus tard, le Carnet de Santé Québec, lancé en mai 2020, permet aux patients d’accéder aux informations du DSQ16 sur leurs téléphones cellulaires.

La Chine comme exemple, depuis quand ?

Bien que ce qui circule sur la Chine dans les médias occidentaux, sur fond de guerre commerciale, soit souvent à prendre avec un grain de sel, il est néanmoins frappant de voir comment des pratiques attribuées initialement au caractère autoritaire du Parti communiste chinois sont maintenant louangées comme étant l’avenir du monde « civilisé » pour faire face au virus. C’est d’abord en Chine que plusieurs applications de traçage ont été lancées : celle du gouvernement, celle de la capitale, Pékin, et celles d’autres collectivités locales. Elles livrent toutes des code-barres destinés à déterminer le degré de risque que représente un individu en lien avec son degré d’immunité au virus et les contacts que la personne a eu avec des individus potentiellement infectés ou à risque. Ainsi le code-barres change de couleur selon cette évaluation du risque : « vert » aucun problème, « orange » obligation de se placer en quarantaine à la maison et « rouge » obligation de se placer en quarantaine dans un lieu centralisé déterminé par l’État. Les individus doivent installer ces applications sur leur téléphone intelligent afin de pouvoir circuler dans la ville, puisque des détecteurs de code-barres ont été installés et des checkpoints des autorités mis en place à l’entrée de divers endroits publics, comme les transports ou les centres commerciaux ; seul un code vert permet d’y entrer.17 Mais ces codes barre vont au-delà de la détermination du risque que pose une personne, ils envoient aussi des informations à la police et aux autorités, ce qui représente un dangereux précédent dans le déploiement de nouvelles formes de contrôle social automatisé. Chaque fois que le code barre est scanné, les données de géolocalisation de la personne sont envoyées aux autorités18. L’application promue par le gouvernement central, baptisée Alipay Health Code a été développée avec l’entreprise Ant Financial, une compagnie sœur du géant du commerce en ligne Alibaba. Malgré les implications liberticides d’un tel système de contrôle et de surveillance de la population, les médias occidentaux ont vanté le modèle chinois de gestion du déconfinement19. Remarquons par contre qu’ils n’ont pas fait autant de reportages sur les autres mesures mises en place par la Chine, comme par exemple les brigades de prévention communautaire dans les quartiers20 qui ont permis de freiner la contagion, ni du fait que la médecine chinoise intègre techniques de médecine allopathe et connaissances ancestrales telles que l’acupuncture et l’usage des plantes médicinales.

Surveillance policière et contagion

Plusieurs autres moyens permettant la surveillance médicale de masse sont en train de voir le jour. Si certaines de ces mesures peuvent nous sembler sensées afin de faire face à la menace du virus, elles sont implantées en bloc de manière accélérée ce qui rend difficile une analyse sérieuse de leur pertinence et l’expression de critiques quant aux risques que certaines d’entre elles représentent. Les caméras thermiques sont un de ces gadgets et bien que celles-ci aient fait scandale dans un IGA à Saint-Lambert,21 en Colombie elles sont déjà parfaitement acceptées dans les aéroports et dans le transport en commun22. La carte d’immunité fait aussi partie des propositions en vogue. L’Imunity Card23, est un document d’identité où seraient enregistrés, entre autres choses, les résultats des personnes ayant été testées, une proposition qui surgit en réaction à la pénurie de test. Dans un futur pas très lointain, l’information concernant la vaccination fera probablement aussi partie de ce qui y est inscrit. Proposée initialement aux États-Unis, l’Allemagne et le Chili étudient la possibilité d’implanter ces cartes. Cette mesure est emblématique puisqu’elle fait partie de l’arsenal de moyens qui relèvent plus de la paranoïa sécuritaire que de réelles mesures de protection sanitaires. En effet, les scientifiques ignorent encore si l’immunité est possible et pour combien de temps24.

D’autres technologies sont en cours de développement afin de surveiller l’immunité des individus et le risque potentiel qu’ils représentent. Depuis 2016, le Massachusets Institue of Technology (MIT) travaille sur un carnet de vaccination prenant la forme d’une encre invisible injectée sous la peau, mais détectable par les téléphones intelligents, qui permettrait de vérifier si une personne a effectivement reçu tel ou tel vaccin25. Bien que ce fameux carnet de vaccination invisible ne sera sans doute pas prêt avant la fin de cette pandémie, IBM travaille actuellement sur le développement d’un certificat numérique qui servirait à identifier les personnes ayant été déclarées positives de la COVID-19, celles qui en sont rétablies, celles qui ont été testées, et lorsqu’il y aura un vaccin, qui l’a reçu. Si tel que le prétend le fondateur d’IBM, Bill Gates, l’ensemble de l’humanité devrait être vaccinée contre la COVID-19, il y aura beaucoup beaucoup d’argent à faire avec de tels projets. De plus, cela nous emmène à nous questionner : que fera-t-on des gens qui refusent de se faire vacciner ? Pourront-ils aller dans les commerces, dans les épiceries, travailler, sortir dans les bars ? Et dans l’éventualité où aucun vaccin efficace ne réussisse à être développé ou en attendant sa découverte, il y aura aussi énormément d’argent à faire avec le développement de ces technologies de gestion du risque que représentent les individus et probablement beaucoup de profilage.

À tout cela vient s’ajouter le confinement, volontaire ou obligatoire selon les pays. La notion de confinement de masse, comme mesure adoptée en urgence globalement, est elle-même mise en doute.26 En effet, isoler la population a des conséquences négatives sur la santé, psychologiques notamment mais aussi physiques : l’absence d’exposition aux autres et l’utilisation à outrance du gel antiseptique affaiblit notre système immunitaire, retardant artificiellement les pics de contagion, tandis que l’absence d’activité physique rend nos corps plus vulnérables à toutes sorte de maladies et affaiblit particulièrement les personnes âgées.

Néanmoins, le caractère volontaire ou répressif des mesures implantées pour faire respecter le confinement varie d’un endroit à l’autre sur la planète. Dans de nombreux pays du Sud global, les États ont opté massivement pour des mesures répressives. En Colombie par exemple, les personnes qui enfreignent le décret sur l’isolement social, peuvent encourir une peine de prison allant de 4 à 8 ans.27 Les mesures incluent selon les villes, le couvre-feu, l’interdiction de sortir sauf pour l’accès aux services de santé, la gestion des déplacements par catégorie de population, les contrôles d’identité lors de l’entrée dans un établissement et finalement, alternance entre jours pairs et impairs selon le numéro d’identité, afin d’avoir le droit de sortir pour acheter des denrées alimentaires, s’approvisionner ou aller dans une banque. Ces mesures étant impossibles à respecter pour des millions de gens qui gagnent chaque jour les maigres revenus qui leur permettront ou non de se nourrir et de se loger, la mairie de Bogota a opté pour carrément « fermer » certains quartiers et militariser les rues. Dans certaines provinces canadiennes comme au Nouveau Brunswick, les personnes revenant de l’étranger sont non seulement assignées à domicile, mais elles reçoivent une visite quotidienne de la GRC pour s’assurer qu’elles respectent le confinement. À Hong Kong, les personnes qui reviennent de l’étranger doivent porter un bracelet électronique durant leur période de quarantaine et celui-ci est connecté à leur téléphone intelligent : si le bracelet et le cellulaire viennent à être séparés, un message d’alarme est envoyé aux autorités et le contrevenant risque, selon les cas, une amende ou même la prison28 .

Récemment au soi-disant Canada, sous le prétexte de la pandémie, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) tente d’introduire des bracelets de cheville pour localiser par GPS des migrant.e.s, en les « offrant » à plusieurs détenu.e.s comme un prix à payer pour leur liberté.29 À travers son nouveau programme de « solutions de rechange à la détention » 30, l’ASFC sous-traite le contrôle des migrant.e.s à des tierces parties telles que la John Howard Society, qui supervisent au soi-disant Québec des programmes punitifs de « gestion des cas » s’apparentant à des programmes de libération conditionnelle, parfois en combinaison avec des stratégies de traçage GPS et de reconnaissance vocale.

Cela n’est pas sans rappeler le projet d’identification numérique développé par Accenture et Microsoft, sous le nom de « ID2020 », qui a été lancé lors du sommet des Nations Unies à New York en juin 2017. Il s’agit de développer un vaste réseau de documentation numérique pour les réfugié.es, par la création d’une base de données biométriques globale31. Toutes les données publiques et commerciales qui existent sur un individu y seraient inscrites et chaque service reçu inscrit au dossier32. Comme le dit le site officiel du projet33, les systèmes d’identification existants, incluant les passeports, sont jugés obsolètes et ce projet vise à les remplacer. Des organismes de soutien aux personnes réfugiées et sans-papiers ont dénoncé que l’obtention de l’aide humanitaire est conditionnelle à l’acceptation de ce fichage dans certains camps de réfugiés des Nations Unies34.

Au soi-disant Québec, le gouvernement travaille sur un projet visant à fournir à la population une identité numérique : il espère être en mesure d’attribuer des identités numériques dès l’automne 2021 et que l’ensemble du “portefeuille de services numériques” soit complété d’ici 2025. Nos données personnelles seront cryptées dans ses serveurs infonuagiques et pour nous identifier, on utilisera notre nouvelle identité numérique accompagnée soit de nos données biométriques soit d’un mot de passe complexe (au choix), à partir de notre téléphone intelligent.35

Vers un nouvel ordre social?

L’urgence et le climat de peur servent à forcer le consensus et à fabriquer le consentement de la population aux diverses mesures mises de l’avant pour nous sortir de la crise sanitaire. Nous acceptons jours après jours la mise en place de mesures de contrôle social qui, il y a à peine quelques mois, auraient été impensables. Le traitement médiatique de la pandémie n’est pas étranger à l’acceptation sociale des changements drastiques qui nous sont imposés.

Bien que ces mesures s’appliquent dans le contexte de la pandémie, il y a fort à parier que plusieurs d’entre elles sont là pour rester, tel que nous met en garde le Guardian à ce sujet36. Les États tendent à rendre permanentes les lois spéciales et autres mesures d’exceptions introduites en temps de crise. Nous n’avons qu’à penser aux lois anti-terroristes ayant été votées un peu partout sur la planète après le 11 septembre 2001, donnant des pouvoirs accrus aux forces de l’ordre et à l’État en matière de contrôle et de surveillance ; l’ensemble de ces pouvoirs sont toujours en place.

Les enjeux entourant l’avancée des technologies de surveillance vont bien au-delà du respect de la vie privée et des questions sanitaires ; leur mise en place « teste la température de l’eau » afin de jeter les bases pour générer l’adhésion de la population au déploiement accéléré du capitalisme de surveillance. Comme nous le verrons, de dernier est basé non seulement sur la cueillette et le contrôle des données des individus, mais surtout sur l’ingénierie sociale, c’est-à-dire le façonnement des comportements individuels et sociaux.

La crise du coronavirus et la mise en œuvre du capitalisme de surveillance

Afin de pouvoir analyser la situation générée par la crise globale liée à la pandémie de la COVID-19, il est nécessaire de prendre un pas de recul pour se pencher sur les conditions préexistantes à cette crise. Où en est le développement de l’économie capitaliste à l’heure du numérique et du marché du Big Data, alors que les avancements de la robotique, de la biotechnologie et de la neuroscience se marient à celle de l’intelligence artificielle ?

Pour analyser la situation actuelle, il est nécessaire de se demander ce que la crise permet d’accélérer : c’est-à-dire le déploiement du capitalisme de surveillance et de la « quatrième révolution industrielle »37. Il ne s’agit que d’aller faire un tour sur le site du Forum économique mondial pour prendre toute la mesure de ce qui se trame pour informatiser nos vies jusque dans leurs moindres recoins38 :

« La crise de la COVID-19 nous démontre que les technologies émergentes telles que l’Internet des objets et l’intelligence artificielle ne sont pas seulement des outils, ils sont essentiels au fonctionnement de notre société et de notre économie. Particulièrement, en ces temps d’instabilité, nous devons les penser en termes d’infrastructure critique ».39

Tout comme cela s’est produit par le passé avec les numéros de téléphone, aujourd’hui les adresses IP, différentes pour chaque dispositif connecté à un réseau, ne sont plus suffisantes ; on doit donc passer d’un système IPv4 à 9 chiffres à un système IPv6 à 17 caractères. Avec ce nouveau système, nous allons progressivement passer de 4.3 milliards d’adresse IP disponibles actuellement, à un potentiel de 340 undécillion ou sextillion40, bref un nombre presque infini de dispositifs qui peuvent être connectés. Déjà en 2017, le Forum économique mondial affirmait « qu’entre 50 et 100 milliards d’objets seront connectés en 2020 ».41 Ces chiffres augmentent de façon exponentielle au rythme de l’installation du réseau 5G, un système internet tout neuf, qui rendra peu à peu obsolètes les ordinateurs et cellulaires que nous utilisons aujourd’hui. Le réseau 5G permet de capter les ondes millimétriques, qui augmenteront considérablement la rapidité de l’internet et le nombre d’objets qui peuvent y être connecté. Disons en résumé que télécharger un film de 2h prendra moins de 10 secondes et qu’une vidéo pourra apparaître en 3D42.

Toutefois, la mise en place du réseau 5G à l’échelle mondiale se fera graduellement et pourrait prendre encore un certain temps parce qu’il est compliqué à installer : pour ce faire il faut changer les antennes actuelles, et installer un peu partout, ville par ville, des milliards de tours et de petits boîtiers, qui permettent à ces ondes courtes d’être accessibles partout pour rendre l’internet presque immédiat. Au soi-disant Canada, Bell, Rogers et Telus ont introduit les réseaux de cinquième génération dans plusieurs grandes villes, et quelques modèles de téléphones intelligents compatibles avec la 5G sont maintenant offerts en magasin. Mais le signal risque d’être faible ou instable pour quelque temps encore en raison du nombre insuffisant de tours de transmission et il faudra encore plusieurs années avant de comprendre le réel potentiel de la 5G.43

Les entreprises de cybersécurité s’inquiètent, puisque cette multiplication exponentielle du nombre de connections augmente énormément les risques de piratage et la vulnérabilité des systèmes, entre autres. Il y a aussi tout un mouvement qui dénonce les impacts inconnus sur la santé de ces nouvelles ondes. Alors que l’OMS affirme que les impacts sur la santé des ondes en général et en particulier de celles du 5G sont insignifiants,44 la Suisse a tout de même décidé de mettre en place une commission fédérale sur le sujet45. Si l’opposition au 5G est présentée comme farfelue dans les médias, la répression contre le mouvement anti-5G ne se fait pas attendre : on associe à des adeptes de théories du complot les personnes qui sont accusées de destruction de tours ou d’antennes en Europe46 et au soi-disant Québec47.

L’Internet des objets

L’internet des objets, dont le déploiement complet ne sera possible que lorsque le réseau 5G sera pleinement en place, se base sur l’idée que tous les objets qui nous entourent et que nous utilisons au quotidien soient connectés48: nos montres, nos lunettes, notre brosse à dents, notre miroir, notre mp3, nos boîtiers de pilules, notre frigo, notre voiture, tous nos électroménagers, jusqu’aux maisons intelligentes en entier, munies de senseurs et de caméras pour nous aider à surveiller nos enfants (sic)… Bref, que tout soit connecté, pour qu’en rentrant chez nous, notre maison nous parle, mette de la musique, ouvre la porte, allume la lumière, nous rappelle qu’il est l’heure de prendre notre médicament, nous propose une recette en fonction de ce qu’il y a dans le frigo, programme le four pour réchauffer le souper et qui sait nous prépare un drink (!), pendant que nous lui demandons, la météo du lendemain, les résultats du hockey, l’histoire de l’indépendance des États-Unis ou une recette de biscuits, comme avec Ok Google actuellement sur notre Android. Cela suppose que chacun des objets soient connectés à Internet, avec leur propre adresse IP. Les programmes d’assistants intelligents comme Alexa ou Google Home, sont un premier pas dans cette direction et visent à nous habituer à cohabiter avec l’intelligence artificielle (IA)49. Car bien que l’IA nous semble encore un concept abstrait qui ne verra le jour que dans un avenir lointain, elle sera déployée massivement au cours des dix prochaines années, avec notamment le concept des villes intelligentes50, qu’on nous vend comme étant éco-responsables…51 Et bien que plusieurs d’entre nous croient que cela ne les affectera pas puisqu’ils ne sont pas intéressé.e.s à s’acheter des objets connectés, il ne faudrait pas oublier que d’une part, ces objets seront faits pour être si pratiques que plusieurs succomberont à la tentation comme nous l’avons tou.t.es fait avec les téléphones intelligents et que d’autre part, viendra un temps où l’industrie ne produira que ce type d’objets, rendant obsolètes ceux que nous utilisons présentement.

La quatrième révolution industrielle, qui consiste à « relier les systèmes physiques, biologiques et digitaux » est donc bel et bien en marche.52 Le Centre pour la quatrième révolution industrielle53, mis en place par le Forum économique mondiale et basé à San Francisco, se définit comme un « réseau pour la gouvernance technologique mondiale »,54 dont la mission est de « maximiser les bénéfices de la science et des technologies pour la société, en partenariat avec des gouvernements, des entreprises privés et des experts ». 55

Le confinement planétaire généré par la pandémie, tout comme les mesures de distanciation sociale qui demeurent suite au « déconfinement », nous ont propulsé.e.s dans cette nouvelle ère de connexion extrême à nos écrans et aux technologies. En fait, la situation issue de la pandémie a permis la mise en œuvre de deux processus simultanés ; d’une part nous sommes appelé.e.s à réduire, voire à mettre fin, à la majorité de nos contacts humains et de nos relations interpersonnelles en personne et d’autre part, nous sommes forcé.es d’augmenter notre utilisation d’internet et nos contacts avec le monde numérique. Et dans ce processus, nous augmentons notre dépendance aux technologies ; les écrans deviennent le mode quasi exclusif d’accès au monde ; le commerce en ligne explose, y compris pour l’achat de notre nourriture et nous voyons émerger toutes ces plates-formes pour les services de santé en ligne, l’éducation à distance et le télétravail, pour ne nommer que ceux-là. Déjà nous commençons à nous habituer à recevoir nos services de santé en ligne et le télétravail est louangé comme étant l’avenir du travail, notamment parce qu’il est prétendument plus écologique. En effet, bien que l’aire du numérique évite d’imprimer autant de papier, sont apport à la réduction des dommages environnementaux s’arrête là, puisque le visionnement de vidéo en ligne, les téléchargements incessants et les vidéoconférences impliquent des milliers de serveurs, qui dans leur majorité carburent au charbon aux États-Unis56. La navigation sur internet contamine autant que l’industrie aérienne et les chiffres devraient aller en augmentant ; la virtualisation de nos rapports apporte donc peu ou pas à la réduction de notre consommation d’énergie.57

Ce pas de géant du numérique sur l’économie, l’organisation de la société et la vie sociale, profite directement à des géants du web tels qu’Amazon, Facebook, Google et Microsoft. Ces derniers, aujourd’hui beaucoup plus puissants que les États, sont au cœur du développement du capitalisme numérique ; leur modèle d’affaire qui dépend du Big Data, est basé non seulement sur la surveillance des comportements en ligne des individus pour la collecte des données, mais aussi comme nous le verrons, sur la modification des comportements humains et sociaux dans cette nouvelle normalité où nous sommes et serons de plus en plus connecté.e.s. 

Le monde selon Google

Google révélait il y a quelques mois, les données de déplacement de millions d’êtres humains vivant dans 131 pays, afin de démontrer l’impact du confinement sur la mobilité et les comportements, révélant au monde le potentiel extraordinaire de surveillance, rendu possible grâce aux téléphones intelligents, aux technologies de géolocalisation et à des applications telles que Google maps. Peu de temps après, Google et Apple annonçaient qu’ils feraient front commun pour développer une application de traçage à grande échelle, pour « aider » à ralentir la propagation du virus…

Les plans de Google ne sont ni secrets, ni nouveaux, mais la pandémie lui permet d’avancer plus rapidement que prévu dans sa réorganisation du monde. Google profite de la situation pour agrandir entre autres son portfolio d’informations médicales ; une de ces dernières grandes acquisitions est le projet Ascension, conclu en novembre 2019.58 Depuis 2006, Google Santé59 tente d’obtenir volontairement nos données de santé, et fait la promotion de l’usage de l’IA dans le secteur de la santé. C’est actuellement un des principaux investissements de cet empire et son objectif est de développer des outils qui permettent de diagnostiquer, de prévenir et surtout de prévoir les maladies. La capacité de prévision est d’ailleurs au cœur du développement de l’intelligence artificielle : à partir des données extirpées de nos habitudes de vie et des émotions que nous exprimons (nos achats, nos déplacements, nos commentaires en ligne, etc.), Google veut être capable, à l’aide des algorithmes, de prévoir autant les maladies que nous développerons que nos prochains comportements. L’idée est que l’intelligence artificielle arrive à mieux nous connaître, que nous nous connaissons nous-mêmes, afin d’être en mesure de nous influencer. On parle en fait d’ingénierie et de déterminisme social, ce qui est pour le moins inquiétant.

Depuis 2013, Google investit massivement dans un projet de recherche en santé, qui utilise les informations de ses usagé.ere.s afin de trouver une solution au problème du vieillissement et de la mortalité, rien de moins ! Un des directeurs de Google, Ray Kurzweil, promet qu’en 2029, on parlera d’immortalité60. En attendant, on nous dit qu’on pourra faire exister nos proches décédé.es physiquement via l’intelligence artificielle61. Ce sont des milliards qui ne sont pas investis dans la santé de tou.te.s, mais plutôt dans le design du futur. Google utilise les données des utilisateur.trices pour ces recherches qui pourraient paraître farfelues, mais qui font partie d’un plan consciemment élaboré pour le monde de demain.

Il y a tellement de données qui se vendent et s’achètent sur le marché du Big Data que l’extractivisme des données62 (qui consiste à extraire les données des utilisateur.trices afin de consolider des bases de données cotées en bourses) est le secteur qui connaît actuellement la plus forte croissance dans les bourses du monde63.

Selon les prévisions du cabinet Gartner « 90% des données existantes aujourd’hui ont été créées au cours des deux dernières années et la production de ces données devrait exploser de 800% d’ici 5 ans ».64 Les données proviennent de partout : des messages que nous envoyons, des vidéos que nous publions, des informations climatiques, des signaux GPS, des achats avec carte de crédit ou encore des transactions en ligne. Les sites de rencontre, symbole des relations de notre temps, sont les meilleurs fournisseurs de données personnelles. Nous avons donc des ombres virtuelles qui en savent plus sur nos goûts, nos envies, nos sentiments et nos pensées que nous-mêmes, et pire encore des machines qui les analysent pour nous donner accès à la réalité digitale qui nous convient, selon Facebook ou Google. Chaque service « gratuit » que nous utilisons en ligne en acceptant d’interminables politiques d’utilisation sont donc des contrats par lesquels nous donnons des informations sur nous, en plus de celles recueillies à notre insu par les caméras, les cartes de débit qui remplacent l’argent comptant et autres gadgets. Ces informations sont ensuite compilées et analysées à l’aide de l’intelligence artificielle, puis vendues :

« En collectant massivement des informations sur leurs utilisateurs, elles formulent, à l’aide de l’intelligence artificielle, des prédictions hautement monnayables sur leurs comportements. Le « capitalisme de surveillance » est en somme une forme d’extractivisme, la matière première étant les données personnelles des citoyens »65, résume Aurelie Lanctot au Devoir.

L’affaire Cambridge Analytica66 et le scandale de l’utilisation des données pour la manipulation des résultats électoraux, incluant la création de tendances sociales et de mouvements sociaux de toutes pièces67 aurait pu ralentir le processus, mais il a seulement rendu les dirigeant.e.s plus prudent.e.s68.

Comme le souligne Naomi Klein dans son article le Screen New deal69, les plans de développement des villes intelligentes, basés sur la surveillance et l’interconnectivité des données, affrontaient avant la pandémie de nombreuses réticences à cause de l’ampleur des changements proposés. La pandémie semble avoir fait disparaître ces réticences, agissant comme un choc qui permet de rendre acceptable que nos maisons deviennent notre bureau, notre gym, notre école et même notre prison si l’État le décide. Mais l’économie numérique condamne les plus pauvres de la planète à travailler dans des conditions abjectes, afin de rendre possible ce développement technologique, que l’on parle des travailleurs.euses des mines de lithium pour la fabrication des téléphones intelligents et des voitures électriques, ou de ceux et celles des entrepôts d’Amazon et autres sweatshop.70

Que l’on parle de Google, maintenant appelé Alphabet depuis sa restructuration en 2015, de Facebook, du nouveau venu Zoom71 ou des autres géants du Big Data, le problème central demeure le rôle de la technologie dans nos vies et les décisions systématiquement prises en fonction du dictat de l’économie, comme par exemple l’obsolescence programmée de nos ordinateurs, de nos téléphones et des produits de consommation en général, qu’il est plus simple de jeter et d’envoyer dans des méga-décharges informatiques du Sud-Est asiatique72 que de réparer.

Pour en revenir à la pandémie qui accélère et actualise les changements en cours, c’est le genre de crise dont avait grandement besoin le capitalisme. Les crises du capitalisme opèrent toutes selon la même dynamique ; elles liquident des pans entiers de l’économie et permettent de la restructurer avant d’entrer dans une nouvelle phase de croissance et d’accumulation de capitaux, qui concentre chaque fois plus la richesse. Le capitalisme a besoin de croissance perpétuelle pour fonctionner ; périodiquement celle-ci stagne et il faut donc faire disparaître des capitaux pour mieux redémarrer. Les crises financières, les guerres et les catastrophes, dont les pandémies, sont idéales pour remettre les compteurs à zéro, éliminer les petits, faire grandir les gros, puis repartir. La crise actuelle permet également de mettre à jour les cadres légaux et les comportements sociaux et de réécrire les règles du jeu de la « nouvelle normalité » qui s’installe. Les nouvelles règles que laissent entrevoir cette crise n’ont rien d’enviables ; elles nous font graduellement glisser vers un monde dans lequel notre réalité concrète, celle qui ne passe pas par un écran, entre de plus en plus en contradiction directe avec cette réalité qui de clic en clic alimente l’indifférence, l’éphémère et la distance sociale. Le concept qui est développé par les géants des technologies est de créer un « hive mind » ou « esprit de ruche », c’est à dire une sorte de savoir universel issu de la mise en commun de l’ensemble de nos données personnelles, qui en fait selon eux, ne devraient pas être considérées comme étant du domaine privé mais bien comme appartenant à l’humanité et aux futures générations (sic)…Cette idée est assez explicite dans la vidéo interne de Google, The Selfish ledger, qui a été rendue publique suite à une fuite. Réalisée en 2016, il y est discuté comment les données de masse peuvent être utilisées pour diriger le comportement humain, tant à l’échelle individuelle que globale. 73 Ultimement, nous aurions l’impression de poursuivre des buts communs (déterminés par Google!), avec l’IA nous dictant la voie à suivre… En étant en permanence connecté.e.s à autrui et à une sorte de savoir universel par le biais d’Internet, cela ferait en sorte que nous ne ressentions plus le besoin d’être en contact dans le monde réel.

Qui s’enrichit et profite de la crise ?

Alors que la pandémie semble générer une reconfiguration des forces au sein du capitalisme global, les hommes les plus riches de la planète en profitent. Entre le 18 mars et le 19 mai 2020, la fortune globale des 600 milliardaires américains a augmenté de 434 milliards en dollars US et les patrons des multinationales de la Silicon Valley sont ceux qui en ont le plus profité. Les mesures de confinement de la population et la fermeture des commerces ont fait bondir les achats en ligne et le besoin de rester connecté.e.s via les réseaux sociaux, ce qui a fait grimper en flèche la valeur des titres des GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft) et des entreprises de haute technologie en général74. Entre mars et mai, la fortune de Jeff Bezos – fondateur et patron d’Amazon – a augmenté de plus de 30 %, un bond équivalent à 24 milliards de dollars depuis le début de l’année 2020, soit quatre fois plus que l’augmentation habituelle de sa fortune, si on compare les chiffres des gains depuis 2017.75 Durant la même période, la fortune de Mark Zuckerberg, patron de Facebook, a bondi de plus de 46 % pour s’élever à $54,7 milliards. En toile de fond, les titres d’Amazon et de Facebook ont atteint dans la semaine du 22 mai leur plus haut niveau historique. Pendant ce temps, 39 millions d’américain.e.s et plus de 3 millions de canadien.ne.s ont perdu leur emploi à cause de la pandémie, alors que des millions de personnes dans les pays du Sud global ont été encore davantage acculées à la misère, ne pouvant même plus sortir de chez elles pour gagner leur pain quotidien ou perdant carrément leur logis à cause de la crise.

Les GAFAM sont contrôlées par des hommes dont les ambitions ont de quoi donner des frissons dans le dos. Attardons-nous un instant à Amazon et à son patron Jeff Bezos, l’homme le plus riche de la planète, dont la fortune s’élève à 113 milliards en dollars américains, suivi de près par Bill Gates avec un fortune de 98 milliards76 La plupart des gens voient Amazon comme une simple entreprise de commerce en ligne, mais il s’agit d’une perception erronée car ce n’est que la pointe de l’iceberg de l’empire dont l’objectif est d’arriver à contrôler une partie importante de l’infrastructure économique mondiale. En plus du e-commerce, Amazon est l’acteur numéro un sur la planète dans le secteur de l’infonuagique et des centres de données, alors que l’entreprise contrôle plus de 120 centres de données un peu partout sur la planète. Alors que de nombreux gouvernements et un nombre infini de compagnies stockent déjà ou prévoient stocker leurs données dans les serveurs d’Amazon, cela donne à l’entreprise un contrôle énorme sur l’industrie des données. Mais la prétention d’Amazon s’étend encore bien au-delà : ce que Jeff Bezos cherche à accomplir, c’est que son entreprise devienne un maillon clé dans la chaîne de production et de distribution du commerce international en devenant l’interface entre tous les grands acheteurs et vendeurs, par l’élargissement de son contrôle sur le secteur de la logistique et de l’envoi de colis. Il veut en quelque sorte posséder l’infrastructure et le réseau de distribution le plus grand de la planète.77 De plus, Amazon a déjà commencé à mettre en place des projets pilotes de magasins sans employés. Comme si cela n’était pas assez, Amazon vient de recevoir la bénédiction des autorités américaines pour son projet Kuiper78, visant à déployer une constellation de 3236 satellites en orbite basse afin de fournir de l’internet haut débit au plus grand nombre de personnes possible. Le lancement commercial du service est prévu pour juillet 2029. Ce projet semble être une réponse directe au projet Starlink de SpaceX qui compte déjà 480 satellites en orbite et qui prévoit en mettre au total 42 000.79

Ainsi, Amazon est sans conteste le grand gagnant parmi les entreprises s’étant le plus enrichies au cours de la pandémie, ses ventes ayant augmentées de 26%,80 alors que les dénonciations des syndicats sur le non-respect des consignes sanitaires pour protéger les travailleurs.euses dans ses entrepôts fusaient de toutes parts81. Mais les autres géants de la Silicon Valley ne sont pas en reste : à la fin du premier trimestre de 2020, tous ont affiché un chiffre d’affaires en hausse : Google +13%, Facebook +18%, Microsoft +15%, et Apple +1%82. D’ailleurs, la société d’investissement MKM Partners a créé un nouvel indice appelé le « Stay home index » pour répertorier les entreprises qui s’en sortent le mieux en ces temps de pandémie. Environ 30 grandes compagnies y sont cotées, dont Amazon, eBay, Alibaba, Netflix, Facebook, Zoom et Slack83. Mais en plus des entreprises de l’économie numérique qui sont en tête du palmarès, d’autres secteurs économiques ont aussi profité de la crise de la COVID-19 et continueront de le faire, notamment dans les secteurs de l’agro-alimentaire, du pharmaceutique, des équipements médicaux, des produits d’hygiène, ainsi que de la grande distribution. On peut penser entre autres à Walmart et Costco, à Ontex, l’un des leaders mondiaux de produits d’hygiène, ou à Jonhson&Johnson et Novartis qui travaillent sur le développement d’un vaccin, pour ne nommer que ceux-là84. Alors que les plus grandes chaînes sont restées ouvertes durant toute la période du confinement, les petits commerces de détail ont dû fermer leurs portes pour des raisons sanitaires. Pourtant, l’achalandage dans les commerces de proximité est moindre en comparaison aux grandes surfaces où convergent des centaines de personnes par jour et qui possèdent des systèmes de ventilation pouvant potentiellement distribuer le virus dans l’air.

Dans le secteur pharmaceutique, une panoplie de laboratoires ont flairé la bonne affaire. À la mi-mars, alors que les Bourses s’effondraient, l’action de Gilead grimpait de 20% après l’annonce des essais cliniques du Remdesivir contre la COVID-19, celle d’Inovio Pharmaceuticals gonflait de 200 %, à la suite de l’annonce d’un vaccin expérimental, celle d’Alpha Pro Tech, fabricant de masques de protection, bondissait de 232 % et l’action de Co-Diagnostics montait de plus de 1 370 % grâce à son kit de diagnostic moléculaire du SRAS- CoV-2.85

Ainsi, alors que les systèmes publics de santé de nombreux pays étaient sur le bord de l’hécatombe, faisant face à une pénurie de masques de protection, de respirateurs artificiels et de tests de dépistage, les grandes pharmaceutiques avaient déjà commencé à s’enrichir. La pandémie a révélé les conséquences d’années de coupes budgétaires des gouvernements et de politiques favorisant la privatisation graduelle de nos systèmes publics de santé, au profit d’une vision mettant de l’avant la rentabilité économique de la santé.

La question du port du masque est emblématique pour mettre en lumière comment les intérêts économiques pèsent plus lourd que les questions sanitaires quand vient le temps de déterminer les politiques publiques. Un peu partout, on assiste depuis mars à une valse allant d’interdire l’achat de masques afin de s’assurer de leur accessibilité dans les services de santé,86 à rendre son port obligatoire sous peine d’amende ou même de prison ; or, il apparaît que ces politiques varient selon la disponibilité des stocks à écouler sur les marchés.87 Même l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), a tardé jusqu’en juin avant de faire une recommandation claire en faveur du port du masque généralisé.88 Et bien qu’un prétendu consensus scientifique semble maintenant se dégager pour recommander de le rendre obligatoire, de nombreux scientifiques continuent à mettre en doute son utilité.89

Force est de constater la place très stratégique que joue l’industrie pharmaceutique dans nos systèmes de santé, puisqu’elle produit à la fois les équipements de protection, les tests de dépistage, les médicaments et les vaccins. La production des tests de dépistage est non seulement contrôlée par le privé – qui les vend aux État à des prix exorbitants alors qu’ils sont très peu coûteux à produire – mais en plus, elle est entourée par le secret industriel et commercial, ce qui empêche le public d’y voir clair. Les « réactifs », ces composants chimiques des kits de dépistage qui attestent de la présence du virus, sont des molécules dont on ne connaît ni d’où elles viennent, ni à quoi elles servent, ni combien elles coûtent vraiment.90 De plus, il semble que différentes qualités de tests circulent : en Colombie par exemple, les résultats des tests prennent plus de 10 jours et donnent fréquemment des résultats erronés à cause de leur mauvaise qualité. Étant donné que nous sommes dans une situation exceptionnelle, pourquoi ne pas lever tout brevet sur ces découvertes scientifiques alors qu’on nous martèle qu’elles sont si précieuses pour la santé et la vie de milliards d’êtres humains ?

Cela ne fait pas exception dans la recherche de solutions et la course aux médicaments et aux vaccins pour lutter contre la COVID-19. Les États s’en remettent à « Big Pharma » et à la prétendue générosité de fondations telles que la Fondation Bill & Melinda Gates. Fondée par l’un des hommes les plus riches du monde, elle est impliquée depuis de nombreuses années dans l’industrie du vaccin sous couvert d’aide humanitaire en matière de santé aux populations des pays les plus pauvres. Bill Gates a annoncé récemment que sa fondation allait dépenser des milliards pour travailler avec sept fabricants potentiels d’un vaccin afin de financer leur production.91 La puissante Fondation Bill & Melinda Gates est l’acteur non étatique le plus puissant de la planète, d’une valeur de 45 milliards de dollars92 un montant supérieur au produit intérieur brut (PIB) de la Côte d’Ivoire, de la Jordanie ou encore de l’Islande. Si la Fondation Gates était un État, selon les données de la Banque mondiale93, elle serait le 91e plus riche du monde. Une grande partie de son capital est généré grâce à des investissements discutables, notamment dans l’industrie pétrolière.94 Elle est le deuxième contributeur en valeur absolue de l’OMS, derrière les États-Unis, et son plus important bailleur de fonds privé95. Pourtant, cette apparence de conflit d’intérêt n’a pas été questionnée dans les grands médias. Déjà en 2016, un documentaire intitulé, « l’OMS dans les griffes des lobbyistes ? »96 s’interrogeait sur l’indépendance de l’institution par rapport à ses bailleurs de fonds privés.

L’ampleur des investissements et des mesures déployés par les gouvernements pour lutter contre la COVID-19 est spectaculaire, si on met en perspective le nombre de morts liés à celle-ci, relativement au nombre de morts causés annuellement par d’autres maladies du notamment à la contamination environnementale, comme par exemple le cancer. En date du 24 août 2020, la COVID-19 avait provoqué près de 807 000 morts à l’échelle planétaire.97 Selon les dernières données du Centre international de recherche sur le cancer de l’OMS, il y a eu 9,6 millions de décès en raison de cancers en 2018 à l’échelle planétaire.98 Il est évident qu’un des enjeux lié à la COVID-19 est son potentiel de propagation rapide, son taux de mortalité plus élevé que la grippe saisonnière et le risque de débordement des unités de soins intensifs des hôpitaux qui en découle et que cela justifie de prendre des mesures temporaires pour « aplanir la courbe ». Mais il n’en reste pas moins qu’il est légitime de se demander pourquoi nos gouvernements ne sont pas si empressés de mettre en place des politiques sérieuses visant à prévenir les cancers, notamment en interdisant la vente et l’épandage de pesticides sur nos aliments par l’industrie agro-alimentaire, alors que certains d’entre eux comme le glyphosate ont finalement été reconnus comme probablement cancérigènes par l’OMS.99 Dans tous les cas, si les grands médias nous faisaient un décompte quotidien du nombre de morts liés au cancer, il y a fort à parier que la peur engendrée par un tel décompte générerait une pression sociale suffisante pour forcer les gouvernements à faire face au lobby des entreprises. La mainmise du privé sur le secteur de l’agriculture, de l’alimentation et de la santé, fait en sorte que les populations sont à la merci de multinationales telles que Monsanto, ironiquement rachetée par la pharmaceutique Bayer.100

Les États continuent cependant d’offrir toutes les garanties et incitatifs possibles au secteur privé. Un exemple flagrant de cela est l’annonce du ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, le 21 août dernier, affirmant que le gouvernement souhaite attirer les pharmaceutiques au soi-disant Québec en leur donnant accès aux données de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ). « On a l’intelligence artificielle, on a la médecine spécialisée […] on a les données de la RAMQ, et les données de la RAMQ, c’est une mine d’or », a-t-il déclaré. […] Le jour où on peut se rendre confortables de donner accès à nos données de santé aux compagnies pharma[ceutiques] qui vont venir dans les hôpitaux universitaires qui sont très performants, et on a Mila à côté qui fait l’algorithme ou Imagia, c’est winner ! », a-t-il poursuivi. 101

D’ailleurs, en mars 2019, l’IRIS publiait une recherche102 sur l’IA, annonçant que Le gouvernement du Québec veut faire de l’intelligence artificielle (IA) une composante importante de l’économie québécoise, dont Montréal serait le pôle central. « Cette industrie est vue comme un pilier de la croissance économique mondiale par l’OCDE notamment. En mai 2020, l’IRIS émettait l’hypothèse « qu’en se posant comme un modèle à suivre, [l’État] renforce la confiance des investisseurs pour les produits d’IA développés en territoire canadien et québécois. L’État assure le lien entre les universitaires et les entrepreneurs et absorbe une part du risque financier, en stimulant les investissements privés ».

Soi-disant Montréal est en effet devenue un des plus importants pôles du développement de l’IA dans le monde :

« En 1993, Yoshia Bengio a fondé l’Institut québécois d’intelligence artificielle, aujourd’hui l’Institut des algorithmes d’apprentissage de Montréal, qui rassemble des chercheurs de l’Université de Montréal et de l’Université McGill. Aujourd’hui, cet organisme compte 300 chercheurs représentant 15 facultés. Ces chercheurs universitaires collaborent activement avec les grandes entreprises numériques de ce monde. Bengio est aussi membre d’IVADO, l’Institut de valorisation des données. Ivado est un concentré d’experts à Montréal faisant “le pont entre l’expertise académique et les besoins de l’industrie”. MILA, IVADO, Thales, Element IA et d’autres se sont récemment installés dans le Mile-Ex, déclaré comme lieu central de l’IA à Montréal. Les chercheurs s’installent à Montréal car il existe un « écosystème favorable » : des fonds publics, de la formation de la main d’œuvre financée par l’État, des espaces industriels pas chers, des universités, des acteurs de l’industrie numérique, le bilinguisme, etc. ».103

Ne pas s’habituer à la nouvelle “normalité”

Nous l’avons sentie et vécue comme un choc dans nos corps et nos esprits ; les changements provoqués par la crise se sont faits rapidement et on nous parle déjà d’une nouvelle façon de vivre en société à laquelle nous devrons nous habituer… Nous avons voulu en écrivant ces lignes, alimenter notre esprit critique, confirmer certaines intuitions, en abandonner d’autres… avec l’espoir de contribuer à nous donner des pistes de réflexion et de résistance pour lutter contre ce nouveau monde sans contact qu’on tente de nous imposer.

On assiste à une véritable réingénierie des comportements sociaux : imposition du télétravail dans plusieurs domaines, délation des voisins, peur de la contagion, peur des quartiers pauvres, peur d’une accolade, isolement social et acceptation de la surveillance de masse. Ces modifications accélérées des comportements concordent avec des tendances déjà fortes provoquées entre autres par l’usage des téléphones intelligents et des réseaux sociaux et le développement exponentiel des technologies qui marquera la prochaine décennie avec l’entrée en scène massive de l’IA dans nos vies.

Nous finissions ce début d’analyse encore plus préoccupées que nous l’étions au départ, qu’il s’agisse de confirmer l’énorme pouvoir d’influence politique et économique des futurs maîtres du monde, ces géants du Big Data, ou de découvrir que l’OMS obtient une part énorme de son financement d’une fondation qui investit aussi activement dans l’industrie pharmaceutique. Tout en confirmant que le capitalisme de surveillance a bel et bien pris son envol et que son éventail de nouvelles technologies nous est présenté comme autant de solutions miracles à la crise que nous vivons; nous percevons avec inquiétude la rapide acceptation des mesures qui créent de la distance dans nos relations humaines et nous empêchent d’être ensemble…

Il est fort probable que nous soyons appelé.e.s à nous adapter à cette nouvelle « normalité » et nous devons nous demander jusqu’où sommes-nous prêt.e.s à accepter ces nouvelles formes de contrôle et de surveillance de nos vies et l’imposition d’une nouvelle façon de vivre, de travailler et d’entretenir nos relations les un.e.s avec les autres, mais aussi de marginaliser et d’exclure. Qu’en sera-t-il lorsque les mesures proposées viseront à contrôler l’immunité ? Accepterons-nous de nous faire injecter un vaccin développé en toute hâte par des entreprises avides de profit ? Serons-nous indigné.e.s et prêt.e.s à défendre celles et ceux qui le refuseront, si la société décide de les exclure ? Il n’est pas impossible que dans l’éventualité où un vaccin soit trouvé, cette marginalisation et exclusion d’une partie de la population considérée à risque, s’applique aux personnes ayant refusé de se faire vacciner ou qui ne peuvent prouver leur immunité ; elles pourraient se voir refuser l’accès aux édifices gouvernementaux, aux endroits publics, aux commerces de grande surface et qui sait aux supermarchés…

En Bolivie, le gouvernement transitoire d’extrême droite mis en place suite à un coup d’État, a promulgué dans le contexte de la pandémie une loi rendant illégale la diffusion d’information, sur n’importe quel sujet, considérée comme trompeuse ou pouvant semer la confusion104. En parallèle nous observons que les contenus donnant de l’information critique sur la vaccination se font de plus en plus censurer sur les réseaux sociaux. Par exemple, Youtube informait fin 2019 que « Les vidéos qui font la promotion d’un contenu anti-vaccination constituaient – et c’est encore le cas aujourd’hui – une violation de notre politique concernant les actes dangereux ou pernicieux. Nous appliquons ces politiques de manière drastique et si nous trouvons des vidéos qui enfreignent ce règlement, nous prenons immédiatement les mesures nécessaires ».105 Que l’on soit en faveur ou non des vaccins, cela n’est pas la question ici : ce qui est en jeu est notre droit de penser, de critiquer et de partager publiquement une information alternative ou notre dissension. On observe actuellement une dynamique similaire avec les informations sur l’avortement, qui est censurée par exemple au Brésil106 et en Espagne.107 Un autre exemple dans lequel les géants du numérique sont à la fois juge et partie du contenu pouvant circuler en ligne, est celui de Facebook qui, fin août 2020, a décidé d’éliminer des dizaines de Fan Page de groupes associés à Crimethink et à itsgoingdown, ainsi que d’autres pages anarchistes ou antifascistes.108

Par ailleurs, étant donné que la possibilité de développer une immunité à long terme à la COVID-19 est incertaine, les gouvernements et les entreprises pourraient en venir à choisir toutes sortes de critères discriminatoires pour identifier le niveau de risque que représentent les individus : si nous gagnons moins de 35 000$ par année, si nous avons plus de 4 enfants, si nous vivons dans certains quartiers, etc. Ces critères, pourraient être transférés dans des algorithmes, comme ceux utilisés l’an dernier par des compagnies d’assurance en santé aux États-Unis, qui ont révélé favoriser davantage les personnes blanches.109

À court terme, la majorité des règles et mesures dictées par la santé publique seront volontaires, bien qu’associées à une forte pression sociale. Par contre, il n’est absolument pas farfelu d’imaginer que ces mesures iront en s’intensifiant et en augmentant l’étendue de leur spectre de contrôle sur nos vies, au fur et à mesures des vagues successives d’éclosion-confinement-déconfinement… Car comme le mentionne M. Lichfield du MIT en conclusion de son article, « non seulement nous nous adapterons à ces mesures, mais nous serons prompts à les accepter, car la surveillance de nos vies sera un maigre prix à payer pour retrouver notre droit fondamental d’être avec d’autres »110.

Comment résister et continuer de lutter ?

Un des premiers défis qui nous attend est de rester critiques face à la couverture médiatique en lien avec la pandémie et à la manière dont elle contribue à la fabrication de notre consentement. Même si la pandémie est une question de santé, un domaine dominé par les scientifiques où nous sentons que nous avons peut-être peu d’expertise, les enjeux qui se dégagent de cette crise sont beaucoup plus larges et touchent à différentes facettes du système économique et politique global dans lequel nous vivons.

Un des premiers moyens à notre portée est le refus de nous adapter sur une base individuelle à cette nouvelle réalité ; nous pouvons par exemple nous opposer aux mesures qui nous semblent farfelues, telles que le refus de l’argent comptant par les commerces. D’une part, parce que cela exclue et rend encore plus vulnérables les personnes en situation de pauvreté, ainsi que les personnes analphabètes, qui souvent n’ont ni carte de crédit, ni carte de débit et d’autre part, parce l’usage exclusif des cartes pour payer est un moyen additionnel pour extraire toujours plus de données de nos comportements de consommation.

Nous pouvons aussi questionner notre propre relation aux technologies, par exemple en commençant par se demander franchement qu’elle a été l’évolution de notre utilisation du téléphone intelligent et de l’internet, quelle place prennent les écrans et les réseaux sociaux dans nos vies, ainsi que dans notre façon de militer, de s’organiser, de mobiliser… Des résistances sur ce plan sont déjà en cours : depuis l’apparition des PC, les communautés de logiciels libres s’efforcent quotidiennement d’offrir des alternatives aux outils qui nous surveillent et des projets pilotes visant à mettre en place des infrastructures de connexion internet qui soient réellement décentralisées sont en construction au Chiapas et à soi-disant Montréal, par exemple.

En tant que mouvement de résistance, nous sommes bien loin des mobilisations de masse contre la mondialisation capitaliste et les événements internationaux organisés par l’élite mondiale sous l’égide d’institution telles que l’OMC, le G-20, le G-8 devenu G-7, ou le Forum économique mondial, et on voit encore très peu de manifestations devant les bureaux de Facebook, de Google ou d’Amazon. Mais nous sommes de plus en plus à nous pencher sur le rôle des GAFAM et le développement de l’intelligence artificielle. L’IA est l’enjeu économique du siècle, elle transformera la manière d’opérer du système capitaliste ainsi que les outils à la disposition des États pour contrôler la population par la surveillance et l’ingénierie des comportements sociaux. Le capitalisme de surveillance est à notre porte, mais il a besoin du développement du réseau 5G et de l’IA pour se déployer pleinement. Et l’intelligence artificielle n’est pas intangible, elle se développe dans nos villes : partout dans le monde, les grands centres urbains rivalisent pour attirer les acteurs de l’IA et ces derniers siphonnent allègrement les fonds publics.

À soi-disant Montréal, il y a un potentiel concret pour réfléchir collectivement à ce que nous pouvons faire pour freiner ce pôle de développement de l’IA, que ce soit par l’éducation populaire, la dénonciation, la mobilisation ou l’action directe.

« Les entrepreneurs en IA ont dans leur mire l’ancien pôle industriel entre Parc-extension et la Petite-Patrie, qu’ils appellent le Mile-Ex. Ils profitent aussi de l’expansion du campus de l’UdM dans la partie Sud de Parc-Extension. (…) Plusieurs start-up sont aussi situées près du Canal Lachine. (…) Ces entreprises s’approprient des ateliers locatifs, faisant grimper le prix des loyers et des ateliers, mais aussi des logements tout autour par l’afflux de travailleurs spécialisés. Ce mouvement d’appropriation du territoire par les entrepreneurs en IA contribue à achever la gentrification des quartiers visés. »111

Nos luttes contre la gentrification peuvent les décourager de s’installer dans nos quartiers ; à nous de faire les liens entre l’embourgeoisement de ces derniers et le développement des pôles de l’IA. Les luttes menées à Berlin contre Google-Campus ou encore celles menées à Grenoble contre le pôle technologique font partie des sources d’inspiration possibles. Tout comme les luttes qui, malgré la pandémie, préservent un autre rapport au monde depuis l’Amérique latine, qu’il s’agisse de la grève des livreurs de Uber eats au Brésil en juin, faisant écho à la grève d’Amazon au nord du continent, à la reprise des mobilisations au Chili, aux marches pour la dignité en Colombie, ayant parcouru plusieurs milliers de kilomètres depuis les territoires autochtones jusqu’à la capitale, ou aux luttes contre les évictions et les occupations de terrains par des familles délogées à Bogota, sans oublier les prisons, qui brûlent depuis des mois aux quatre coins du globe. Ces mobilisations viennent s’ajouter aux réseaux d’entraide comme ceux des paysan.ne.s brésilien.ne.s qui envoient chaque semaine des tonnes de nourriture bio dans les grandes villes, démontrant que vingt années d’efforts pour construire l’autonomie territoriale permettent aujourd’hui d’affronter la crise. Au quotidien, ce type de réseaux d’entraide construisent pas à pas un autre rapport au monde, préservant le tissu social envers et contre tout.

Ce tissu social, cette humanité qui s’exprime, sont les principales cibles et potentielles victimes de cette « nouvelle normalité » qu’on tente de nous faire accepter. Bien que nous acceptions la distanciation sociale comme un mauvais moment à passer, tant qu’il s’agit d’une mesure temporaire pour se protéger et protéger nos proches, nous pouvons refuser de nous y habituer et affirmer d’ores et déjà que nous n’accepterons pas la distanciation sociale perpétuelle. Nous avons besoin du contact humain physique, de pouvoir serrer nos ami.e.s dans nos bras, se donner une accolade entre camarades ou une tape dans le dos entre collègues. Nous priver de contacts physiques revient à nous déshumaniser et en ce sens, nous refusons que s’installe un monde sans contact.

Nous aspirons à des résistances qui se construisent loin des écrans, qui alimentent des vies avides de liberté où nous sommes en relation directe les uns avec les autres et avec le territoire qui nous entoure et où nous refusons de devenir des androïdes biologiques connectés à la réalité virtuelle qu’on aura construite pour nous.







1 https://contrepoints.media/posts/de-la-valeur-des-corps-et-des-marchandises

2 We’re not going back to normal, Massachusets Institue of Technology (MIT), 17 mars 2020.

https://www.technologyreview.com/2020/03/17/905264/coronavirus-pandemic-social-distancing-18-months/

3 Idem.

4 Idem.

5 https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1698833/applications-de-tracage-suivi-contacts-coronavirus-geolocalisation-bluetooth-canada-quebec-dans-le-monde

6 https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1726259/coronavirus-application-tracage-covid-assemblee-commission-ethique

7 https://www.journaldemontreal.com/2020/05/04/tour-du-monde-des-applications-mobiles-de-tracage-des-contacts

8 La technologie Bluetooth utilise des ondes courtes, pour connecter des appareils entre eux.

9 Le taux maximum de reproduction identifié est de 5.7 mais oscille généralement entre 1 et 1.5

https://www.the-scientist.com/features/why-r0-is-problematic-for-predicting-covid-19-spread-67690

https://www.bbc.com/news/health-52473523

10 https://www.nature.com/articles/d41586-020-01264-1

11 https://www.ledevoir.com/opinion/libre-opinion/580371/il-ne-faut-pas-prendre-a-la-legere-la-securite-des-outils-de-recherche-de-contacts

12 https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1706911/application-tracage-coronavirus-covid-19-decrypteurs-acces-contacts-cell-facebook

13 https://www.cadtm.org/Ne-laissons-pas-s-installer-le-monde-sans-contact

14 Nous utilisons dans le texte les noms Montréal, Québec, Canada, précédé de l’expression « soi-disant » afin d’informer qui nous lit que ce sont les noms qui ont été imposés par la colonisation sur les territoires volés de ce que nous connaissons aujourd’hui comme l’Amérique du nord, mais qu’ils existent d’autres noms afin de désigner ces territoires qui reflètent la diversité des cultures autochtones qui continuent d’y vivre et d’y résister.

15 http://trpocb.org/ce-quil-faut-savoir-sur-le-dossier-sante-quebec-dsq/

16 https://ici.radio-canada.ca/info/videos/media-7902183/carnet-sante-quebec-en-ligne-22-mai

17 https://www.journaldemontreal.com/2020/05/04/tour-du-monde-des-applications-mobiles-de-tracage-des-contacts

18 https://www.nytimes.com/2020/03/01/business/china-coronavirus-surveillance.html

19 https://www.lesoleil.com/chroniques/gilles-vandal/la-chine–lart-de-transformer-une-crise-en-avantage-365fbd3f431c26a81e54769ac81a7a01

20https://www.thetricontinental.org/studies-2-coronavirus/

21 https://plus.lapresse.ca/screens/089d4bde-cebc-415c-a34c-ff4e69016272__7C___0.html

https://www.tvanouvelles.ca/2020/05/02/des-cameras-thermiques-qui-soulevent-des-doutes-1

22 https://www.eltiempo.com/bogota/coronavirus-ultimas-noticias-aeropuerto-el-dorado-estrena-camaras-termicas-para-detectar-casos-495254

https://www.eltiempo.com/colombia/cali/en-menos-de-3-dias-ya-intentan-robar-camaras-termicas-de-covid-en-mio-517136

23 https://www.foxbusiness.com/lifestyle/coronavirus-immunity-cards

24 https://www.rt.com/usa/485510-fauci-immunity-cards-coronavirus/

25https://www.tvanouvelles.ca/2019/12/18/un-carnet-de-vaccination-invisible-sous-la-peau

26 http://mi.lapresse.ca/screens/513ed3bc-814f-4f67-92a5-09736b04975b__7C___0.html

27 https://id.presidencia.gov.co/Paginas/prensa/2020/Gobierno-Nacional-expide-Decreto-457-mediante-el-cual-imparten-instrucciones-para-cumplimiento-Aislamiento-Preventiv-200323.aspx

28 https://www.journaldemontreal.com/2020/05/04/tour-du-monde-des-applications-mobiles-de-tracage-des-contacts

29 https://www.solidarityacrossborders.org/fr/cbsa-pushes-tracking-bracelets

30 https://www.cbsa-asfc.gc.ca/security-securite/arr-det-eng.html#atdp

31 https://www.bbc.com/news/technology-40341511

32 https://www.bbc.com/news/technology-40341511

33 https://id2020.org/

34 http://truthstreammedia.com/2020/03/24/were-living-in-12-monkeys/

35 https://www.lapresse.ca/debats/editoriaux/2020-07-06/il-faut-qu-on-parle-de-votre-identite-numerique.php

36 https://www.theguardian.com/world/2020/jun/18/coronavirus-mass-surveillance-could-be-here-to-stay-tracking?mc_cid=8089663049&mc_eid=9cd81ffcd4

37 http://truthstreammedia.com/2017/10/30/the-fourth-industrial-revolution-most-people-dont-even-realize-whats-coming/

38 https://fr.weforum.org/agenda/archive/fourth-industrial-revolution

39https://www.weforum.org/agenda/2020/04/covid-19-emerging-technologies-are-now-critical-infrastructure-what-that-means-for-governance/

40 36 zéro derrière 340…

41 Idem

42 https://radio-waves.orange.com/fr/reseaux-et-antennes/5g/

43 https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1722563/5g-rogers-bell-telus-utilisation-potentiel-inexploite

44 https://www.who.int/news-room/q-a-detail/5g-mobile-networks-and-health

45 https://www.reuters.com/article/us-swiss-5g/switzerland-to-monitor-potential-health-risks-posed-by-5g-networks-idUSKCN1RT159

46 https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/04/06/au-royaume-uni-des-antennes-5g-incendiees-a-cause-d-une-theorie-du-complot-sur-le-coronavirus_6035718_4408996.html

47 https://www.lesoleil.com/actualite/justice-et-faits-divers/tours-cellulaires-incendiees-theories-conspirationnistes-la-police-enquete-c169314a3f68145a64316a0a14119647

48 https://www.youtube.com/watch?v=xRhISwY42nQ&list=PLSn1F05iE4gY6GsDYCnV7Qfh7caT74CfY&index=8

49 http://truthstreammedia.com/2017/10/30/the-fourth-industrial-revolution-most-people-dont-even-realize-whats-coming/

50 https://www.youtube.com/watch?v=T9DK0JThOio&list=PLZLDYXYNjiTTpiWf1m14WIcEEBAKS2lTR&index=22&t=0s

51 https://www.weforum.org/platforms/shaping-the-future-of-technology-governance-iot-robotics-and-smart-cities

52 https://www.weforum.org/centre-for-the-fourth-industrial-revolution/

53 https://www.weforum.org/agenda/2018/11/the-fourth-industrial-revolution-is-driving-a-new-phase-of-globalization/

https://www.weforum.org/platforms

54 En anglaisThe Network for Global Technology Governance”.

55https://www.weforum.org/centre-for-the-fourth-industrial-revolution/

56 https://www.lemonde.fr/culture/article/2014/06/17/internet-la-pollution-cachee_4437854_3246.html

57 https://www.bbc.com/future/article/20200305-why-your-internet-habits-are-not-as-clean-as-you-think

58 https://www.nytimes.com/2019/11/11/business/google-ascension-health-data.html

59 https://health.google/

60 https://www.express.co.uk/news/science/781136/IMMORTALITY-google-ray-kurzweil-live-forever

https://www.theguardian.com/technology/2019/feb/22/silicon-valley-immortality-blood-infusion-gene-therapy

61 https://www.express.co.uk/news/science/720030/Virtual-immortality-developer-chatbot

62 On appelle en anglais «to mine »« les données des utilisateurs afin de consolider des bases de données cotées en bourses.

63 https://www.capital.fr/entreprises-marches/big-data-et-intelligence-artificielle-profitez-de-cette-revolution-en-bourse-1225427

64 Idem.

65 https://www.ledevoir.com/opinion/chroniques/579393/deconfines-surveilles

66 Cambridge Analytica (CA), une société de communication stratégique, s’est retrouvée en 2018 au centre d’un scandale mondial pour avoir utilisée le données personnelles de plusieurs dizaines de millions d’utilisateurs de Facebook, afin de diffuser des messages favorables au Brexit au Royaume-Uni et à l’élection de Donald Trump aux États-Unis en 2016, provoquant sa faillite en 2018.

67 https://en.wikipedia.org/wiki/The_Great_Hack

68 https://www.theguardian.com/technology/2019/mar/17/the-cambridge-analytica-scandal-changed-the-world-but-it-didnt-change-facebook

69 https://naomiklein.org/the-screen-new-deal/

70 https://www.theguardian.com/news/2020/may/13/naomi-klein-how-big-tech-plans-to-profit-from-coronavirus-pandemic

71 https://www.theguardian.com/commentisfree/2020/apr/01/do-you-know-how-zoom-is-using-your-data-heres-why-you-should

72 https://www.lejdd.fr/Societe/on-vous-explique-pourquoi-la-france-exporte-ses-dechets-en-asie-3912663

73 http://truthstreammedia.com/2018/07/24//

74 https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1705314/coronavirus-riches-economie-fortune-pandemie-etats-unis

75 https://www.forbes.com/profile/jeff-bezos/?list=forbes-400#4f5267a31b23

76 https://www.forbes.fr/classements/classement-forbes-2020-des-milliardaires-bernard-arnault-sur-le-podium/?cn-reloaded=1

77 Tiré du documentaire Le Monde selon Amazon: https://www.youtube.com/watch?v=v9F6oJxr-EU

78 www.amazon.jobs

79 www.starlink.com

80 https://www.rtbf.be/info/dossier/epidemie-de-coronavirus/detail_coronavirus-quelles-entreprises-s-enrichissent-grace-a-la-crise?id=10499655

81 https://www.journaldemontreal.com/2020/03/30/greves-chez-amazon-et-instacart-pour-plus-de-protections-face-au-coronavirus

82 https://www.rtbf.be/info/dossier/epidemie-de-coronavirus/detail_coronavirus-quelles-entreprises-s-enrichissent-grace-a-la-crise?id=10499655

83 Idem.

84 https://www.entreprendre.fr/numerique-sante-grande-distribution-ces-entreprises-qui-resistent-a-la-crise-sanitaire-covid19/

85 https://www.monde-diplomatique.fr/2020/04/RAVELLI/61624

86 https://www.lesoleil.com/opinions/point-de-vue/covid-19–le-masque-revelateur-de-notre-impreparation-ea3fe5e7e5f3e872f456670c8428f40c

87 https://silure-ge.net/fr/home/positions/la-sante-publique-en-regime-neoliberal

88 https://www.un.org/fr/coronavirus/articles/recommandations-port-du-masque

89 https://www.futura-sciences.com/sante/actualites/coronavirus-coronavirus-si-masques-faisaient-plus-mal-bien-80893/

https://www.lesoleil.com/opinions/point-de-vue/covid-19–le-masque-revelateur-de-notre-impreparation-ea3fe5e7e5f3e872f456670c8428f40c

90 https://www.monde-diplomatique.fr/2020/04/RAVELLI/61624

91 https://www.marketwatch.com/story/bill-gates-says-hell-spend-billions-on-coronavirus-vaccine-development-2020-04-06

92 https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1698428/bill-gates-puce-conspiration-complot-covid-verification-dementi-decrypteurs

93 https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/NY.GDP.MKTP.CD?most_recent_value_desc=true

94 https://www.courrierinternational.com/article/2007/02/01/les-etranges-placements-de-la-fondation-gates

95 https://www.lapresse.ca/actualites/sciences/2020-04-15/covid-19-la-fondation-gates-appelle-a-un-effort-mondial-pour-fabriquer-un-vaccin

96 https://info.arte.tv/fr/film-loms-dans-les-griffes-des-lobbyistes

97 https://www.google.com/search?client=firefox-b-d&q=Nombre+de+morts+Covid-19+dans+le+monde

98 https://www.iarc.fr/wp-content/uploads/2018/09/pr263_F.pdf

99 https://foodsecurecanada.org/fr/ressources-et-nouvelles/nouvelles-et-medias/loms-qualifie-le-glyphosate-dagent-probablement

100 https://www.ledevoir.com/economie/479950/bayer-rachete-le-geant-monsanto

101 https://www.ledevoir.com/politique/quebec/584542/quebec-veut-attirer-les-pharmaceutiques-avec-les-donnees-de-la-ramq

102 https://iris-recherche.qc.ca/publications/IA

103 Idem.

104 https://www.france24.com/es/20200511-bolivia-aprueba-sanciones-penales-por-desinformar-sobre-el-coronavirus

105 https://www.20minutes.fr/sante/2489311-20190418-antivax-comment-offensive-contre-antivaccins-organise-ligne

106 https://ooni.org/post/2019-blocking-abortion-rights-websites-women-on-waves-web/

107 https://blog.magma.lavafeld.org/post/women-on-web-blocking/

108 https://itsgoingdown.org/on-facebook-banning-anarchist-and-antifascist-pages-the-digital-censorship-to-come/

109 https://www.technologyreview.com/2020/03/17/905264/coronavirus-pandemic-social-distancing-18-months/

110 https://www.technologyreview.com/2020/03/17/905264/coronavirus-pandemic-social-distancing-18-months/

111 https://mauvaiseherbe.noblogs.org/post/2020/04/11/lintelligence-artificielle/