Montréal Contre-information
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Juil 032024
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Un court résumé des événements du 6 juin 2024

Aux alentours de 16h, des manifestant•es étudiant•es entrent dans le pavillon James (l’administration) de l’université McGill dans le but de perturber la réunion du Conseil des Gouverneurs (CdG), s’opposant à leur complicité dans le génocide de Gaza. Le CdG est l’instance la plus haute de l’université et c’est elle qui décide où les fonds de dotation sont investis, incluant des compagnies israëliennes, sionistes et d’armement. Des centaines de manifestant•es forment alors un rassemblement autour du bâtiment, quelqu’un•es construient des barricades improvisées avec des clôtures et du mobilier. Une heure plus tard, à la demande de l’administration, une forte présence policière se présente sur le campus, incluant une douzaine de polices antiémeute. Ces derniers prennent le contrôle de l’allée est du bâtiment et tout en prévenant les manifestant•es de protéger l’entrée nord (l’arrière), les confinant donc au côté sud (l’avant) du bâtiment.

Autour de 18h30, les flics entrent la bâtiment à partir de l’entrée arrière. Ils procèdent alors à l’arrestation des manifestant•es à l’intérieur, qui essayent, du mieux qu’illes peuvent, de barricader la salle dans laquelle illes sont. En même temps, les flics attaquent brutalement la manif de support, utilisant leur matraques, poivre de cayenne et gaz lacrymo pour disperser les manifestant•es, qui n’ont abandonnerons pas sans se battre.

Un moment particulièrement drôle capturant Deep Saini se cachant de ses étudiant•es, réfugié derrière le personnel de l’administration au moment de l’expulsion.

Le niveau de violence policière a pris au dépourvu plusieurs manifestant•es: les flics tirent des gaz lacrymos et des balles de caoutchouc au niveau de la tête, visant intentionnellement les personnes avec leur gaz lacrymogènes et utilisant de grande quantité d’irritants chimiques.

À 19h45, une manif débute au campement de l’UQAM (une autre université) pour se rendre à McGill. La marche symbolise la fin du dit campement et est annoncé quelques jours avant; elle n’est donc pas en réaction à l’occupation du pavillon James, mais l’occasion a peut-être nécessité une modification à l’itinéraire, qui sait. La contestation serpente au travers du quartier de Milton-Parc, essayant d’atteindre le bâtiment d’administration, mais leurs tentatives sont contrecarrées par la police qui les suit en bloquant les rues. Finalement, la manif essaye de briser la ligne de flic sur la rue Milton, quelques centaines de mètres à l’est du bâtiment James. Les manifestant•es sont reçu violemment avec du poivre de cayenne des flics en vélos, backé par l’antiémeute. Dans la confusion qui s’ensuit, les manifestant•es courent, et de quelconque manière, atteignent le campus inférieur (lieu où se situe le campement). 

Tranquillement, le monde de l’UQAM se regroupe là et joignent leur forces des gens de McGill. Ceux•ses qui sont encore en état recommencent à marcher, ne se laissant pas abattre par la pluie torrentielle. La manif serpente une autre fois les rues, les antiémeutes bloquant de toute évidence le chemin qui pourrait les mener au James. Une fois sur Sherbrooke, une vitre de la banque Scotia est éclatée. La manif continue, déambulant dans Milton-Parc et se dirige vers l’est, elle se disout éventuelement sur St-Laurent.

Quelques réflexions

L’auteur•e de ces réflexions applaudit tout le monde qui a participé à l’occupation ou aux manifestations, et espère que les pensées qui suivent ne seront pas prises comme des critiques défaitistes, mais plûtôt des idées à réfléchir, discuter et débattre pour aller de l’avant.

    1    Sur la communication: annoncer publiquement la réunion du CdG sur les réseaux sociaux aurait rendu l’occupation du James impossible, l’admin aurait appelé les flics en prévention et la réunion se serait déplacé en ligne. Toutefois, je pense encore qu’il aurait été utile si les gens de McGill avaient partagé cette info avec des camarades uqamien•nes de confiance. D’une part, ça leur aurait permis de devancer l’heure de leur rassemblement pour pouvoir rejoindre la manif de support à temps. Ça l’aurait aussi facilité l’échange d’informations et de matériel, à savoir des cordes permettant aux occupant•es de s’échapper aux travers des fenêtres et des objets pour bloquer la porte arrière. Sur le dernier point, je pense que plus de travail de renseignement aurait dû être fait pour s’assurer que chaque entrée soit géré.

    2    Sur les conditions métérologiques: la grosse pluie a créé des conditions uniques qui a eu son lot de réussites. Même si la température a pu en décourager plus d’un•e à assister au rassemblement, elle a atténué la portée du poivre de cayenne et des lacrymos et justifié la présence des parapluies. Bien sûr, les lunettes et les masques se sont prouvés utiles cette journée là. Le vent était aussi au rendez-vous: des vidéos montrent des flics antiémeute se poivrer eux-même à cause de cela. Les conditions météorologiques et le relief du terrain (élévation, obstacles) semblent encore être des zones relativement non explorés en terme d’organisation de manifestation.

    3    Sur les objectifs: la manif de l’UQAM et subséquemment celle de Lower Field avaient apparemment pour but de se rendre au James. À mon avis, autre que sa signification symbolique, cet objectif fait peu de sens, considérant que les flics avaient déjà envahi le bâtiment avant même que la manif ne soit commencée. De plus, les longs chemins sinueux n’aidaient pas à se rendre à la destination, les flics sachant constamment où nous allions. Néanmoins, la tenacité et la témérité des manifestant•es est un élément à prendre en considération et à saluer. Des camarades plus âgés ont dit que la manif leur rappelait les manifs de soir combatives de 2012.

    4    Sur la composition de la manifestation: le contingent UQAM a eu quelques confrontations avec la police, intransigeante à nous prévenir de nous rendre au James. Comme expliqué au dernier point, j’ai encore de la difficulté à comprendre l’objectif. Cependant, il y aura peut être un moment dans le futur où des confrontations similaires se prouveront cruciales pour parvenir à nos buts. Je partagerai donc mes takes sur les deux confrontations notables:

    •    La première est survenue avec les flics à vélo qui empêchaient d’avancer davantage sur la rue Prince-Arthur. Après s’être arrêté pendant un petit bout, les manifestant•es se sont avancé•es vers les flics en criant « Bouge! », pour leur donner un goût de leur propre médecine. Quelques roches furent lancés, de manière désinvolte. Malgré l’aspect comique à la situation, les flics n’ont pas cédé, quelques-uns déployant du poivre de cayenne et d’autres menaçant la foule avec leurs vélos. La manif a donc rebroussé chemin. Selon moi, la manif n’a pas foncé assez rapidement pour instiller une peur psychologique chez les flics. C’est comprenable, les manifestant•es n’avaient pas beaucoup d’équipements à leur disposition pour neutraliser les bicyclettes.

    •    La seconde confrontation s’est déroulé sur la rue Milton, où des vans de police étaient déployées tout le long de la rue, réduisant la mobilité pour les deux côtés. Encore une fois, les manifestant•es ont confronté les flics à vélo, mais cette fois-ci avec contact, leur détermination s’étant durçi. Les trois premières rangées tenaient respectivement les items suivants: bannières, parapluies et mâts de drapeau. Les manifestant•es ont tenu la ligne pendant un bout, mais elle tomba en désarroi après l’usage intensif du poivre de cayenne de la part des flics et l’arrivée de la police antiémeute. Je crois qu’avec plus d’entraînement, discipline et expérience, les manifs pourraient rester groupées en attendant l’arrivée des médics ayant la tâche de s’occuper des personnes qui se sont fait poivrés. Cela préviendrait le retrait désorganisé et individualisé qui s’ensuit habituellement. Je crois aussi que faire déborder la manif sur les trottoirs et attaquer leurs flancs (tout en laissant une route de sortie pour les flics) serait plus stratégique. 

Il vaudrait la peine de réfléchir à une autre tactique lorsque les flics bloquent l’entrée d’une zone, celle de séparer la foule en deux groupes ou plus, à condition que les groupes restent assez gros. Chacun prendrait une route différente pour essayer d’étendre et affaiblir le dispositif policier. Cela permettrait aux manifestant•es d’augmenter la zone occupée, par exemple le nombre de personnes qui font face à la police au lieu d’attendre au milieu de la foule. Il va sans dire que le succès de tels manoeuvres nécesitterait préalablement un entraînement et une communication constante entre les groupes.

5 Être comme l’eau: notre force réside dans notre habileté à être partout et n’importe où, que ce soit à une manif ou dans d’autres actions. Selon plusieurs camarades, la priorité des flics antiémeute semblait être de protéger le bâtiment James. Cela limitait leur portée de mouvement, et d’autres type de polices semblaient plus intéressés à suivre la manif que de protéger d’autres cibles potentielles, comme la Banque Scotia. Plus largement, ces événements illustrent une assymétrie entre les gens et les forces de l’État: la première, tel une cavalrie des steppes, a plus de difficulté à défendre un endroit, mais est plus agile; la dernière, tel une infanterie lourde, est plus forte dans les confrontations directes (à moins d’avoir un désavantage numérique significatif), mais est moins mobile. Alors que la police a plusieurs types de véhicules à sa disposition, ils peuvent être ralentis en mettant des objets dans la rue. Je suis conscient•e que cette pratique a une mauvaise réputation parce qu’elle ne ralentit pas vraiment les flics antiémeute et peut être un risque de trébuchement pour nous. Ceci étant dit, dans des rues plus étroites, elle s’est montrée efficace pour créer une distance entre les flics à vélos et les vans, donnant aux manifestant•es du temps pour se regrouper après une déroute.