«L’antifascisme ne triomphera que s’il cesse de trainer à la remorque de la démocratie bourgeoise. Défions nous des formules «Anti». Elles sont toujours insuffisantes, parce que purement négatives. On ne peut vaincre un principe qu’en lui opposant un autre principe, un principe supérieur (GUÉRIN, Daniel. 1945) ».
Dans un rapport écrit pour l’association londonienne Chatham House, Mathew Goodwin identifie six façons possibles de réagir aux partis et aux groupes populistes de droite ou fascisant : les exclure, désamorcer leur message, adopter dans une certaine mesure leur rhétorique et leur politique, les confronter avec des principes, se tourner davantage vers les gens de la base et faire un travail de proximité, et encourager le dialogue parmi les différents groupes à un niveau interculturel [1. GOODWIN, Mathew « Right Response: Understanding and Countering Populist Extremism in Europe » A Chatham House Report, London, 2011].
Le rôle des médias
Les journalistes sont toujours à la recherche de ce qui sort de l’ordinaire. L’émergence de groupes comme la Meute, les soldats d’Odin , Storm Alliance ou Atalante Québec, pour ne nommer que ceux-ci, représente une aubaine pour eux et elles. Dans un contexte où les médias traditionnels se mènent une lutte féroce pour obtenir des exclusivités et pour s’accaparer la plus grande part des revenus publicitaires, il ne faut pas s’attendre à ce que la couverture médiatique soit autre que sensationnaliste. Pour ces groupes, cette dernière est de la publicité gratuite qui leur permet de se développer et de gagner de la crédibilité. Il est donc essentiel d’opposer à l’extrême-droite un discours inclusif et de ne pas leur céder la rue. Ainsi, les journalistes devront minimalement couvrir les deux points de vue. C’est déjà un début vers la débanalisation de l’extrême-droite.
Populaire , mais non populiste
Bien des raisons amènent une frange toujours plus grande de la population à décrocher de la politique, que se soit la valse des corrompus ou l’indifférenciation des partis politiques au gouvernement. Il est impératif de ranimer l’espoir en un avenir meilleur en proposant autre chose que l’ordre de privilèges et d’exploitation que nous impose l’État et le capitalisme. Nous devons recréer une «volonté collective», pour reprendre une expression de Gramsci, en renforçant le pouvoir d’agir des individus, des groupes et des communautés et ce, au détriment du capital et des classes dirigeantes. Pour que les classes laborieuses et populaires recommencent à gagner, nous devons tout d’abord croire en nos propres moyens et croire que la lutte est non seulement possible, mais nécessaire.
Pour contrer la montée du populisme et de l’intolérance, la gauche sociale doit s’en prendre aux talons d’Achille de l’extrême-droite. Le discours de l’extrême-droite est basé sur les émotions et le ressentiment. Elle n’a aucune alternative positive à proposer par rapport au chômage, au sous-emploi, à la précarité engendrée par l’économie capitaliste. Alors que l’extrême-droite peut chuchoter à l’oreille du travailleur (blanc et de sexe masculin) qui a perdu son emploi qu’il s’est fait «volé » celui-ci par un ou une immigrant-e, elle n’a en revanche rien à proposer sur la façon dont il pourrait obtenir un autre emploi, encore moins comment il pourrait payer ses dépenses et mettre du pain sur la table. Dans une autre occasion, elle décrira les personnes issues de l’immigration comme des «profiteurs et des profiteuses», ou encore des «parasites lâches et paresseux». Alors, des voleurs et des voleuses de job ou des paresseux? Il faudrait se brancher. Comme nous pouvons le constater le discours de l’extrême droite ne fait pas toujours dans la cohérence. Par conséquent, pour contrer la division du peuple entre « eux »et « nous »que tente d’imposer l’extrême droite, la gauche doit reconstruire une classe unie autour de valeurs progressistes et résolument contre l’oligarchie et les démagogues racistes. À la xénophobie, nous devons opposer la solidarité internationale, au sexisme le féminisme, à l’irresponsabilité écologique la conscience de l’urgence climatique, à l’autoritarisme et le culte du chef les formes d’organisaton libertaires. À la logique autoritaire des populistes et à la délégation de pouvoir de la démocratie libérale nous devons privilégier l’auto-organisation et l’autogestion.
Pour vaincre la droite populiste et les groupes néo-fascistes,il faut plus que leur opposer des leaders populistes de gauche ou adopter une partie de leur rhétorique. Car si la gauche construit l’alternative politique autour d’un Bernie Sender (USA), d’un Jean-Luc Melanchon (France) ou d’un Gabriel Nadeau-Dubois (Québec), elle relèguera forcément l’éducation populaire et l’auto-organisation au second plan. En voulant encarter les individus dans un parti politique et canaliser leur colère légitime vers les urnes on ne pourra qu’emprunter des chemins déjà connus , voués à l’échec du fait notamment de l’emprise de la finance, ainsi que la crise écologique. Malheureusement , cette impasse contribuera qu’ à paver la voie au despotisme et aux oligargues, ainsi qu’au sentiment d’impuissance des groupes sociaux opprimés.
S’intéresser et trouver des solutions aux problèmes quotidiens
Nous voyons au sein du collectif anarchiste Emma Goldman les actions sociales libertaires comme des actes de propagande par le fait, destinées à susciter une prise de conscience chez les «Have-not» de ce monde (jeunes sans avenir, femmes, personnes LGBTQ, personnes racisé-e-s, chômeurs et chômeuses de longue durée, employé-e-s exploité-e-s, retraité-e-s, mouvements étudiants). Il s’agit d’animer le désir de passer à l’action ; qu’ils et elles puissent s’auto-organiser et former ensemble un front commun face à la discrimination des gouvernements et l’arrogance des capitalistes. Au Saguenay, l’organisation d’événements de cette nature, voir les marmites autogérées (distribution de nourriture gratuite), les marchés gratuits, l’Espace social libre et bien d’autres,- en plus de répondre à des besoins visibles et concrets – ont visé la construction de liens de solidarité et d’entraide, la ré-appropriation de l’espace dans la ville et l’éducation populaire sur l’austérité et ses impacts.
Selon nous, ce qui est primordial c’est de bâtir, sans attendre la permission des «autorités», un monde de coopération et d’entraide. De s’organiser là où nous sommes, soit :nos lieux de vie, de travail et d’étude et de tisser des liens entre les différents groupe de la société. De plus, il est pour nous impératif que ce travail soit réalisé parallèlement au développement de liens avec les groupes touchés par les inégalités.
l’Autodéfense populaire
Malheureusement face à la haine ,l’intolérance et les menaces réelles à l’intégrité physique d’individus issus de groupes minoritaires, il n’est pas toujours possible de discuter avec les personnes qui se sont rapprochés des groupuscules d’extrême-droite. Comme nombre d’organismes vivants, dont les roses et leurs épines, nous devons développer notre propre système d’autodéfense – non pas pour attaquer mais pour défendre la vie… Comme nous visons un changement sociétal et la libération, nous nous opposons bien sûr radicalement aux institutions sur lesquelles reposent plus de 400 ans de domination colonialiste, capitaliste et patriarcale. Puisque la police se positionne très clairement du côté de nos exploiteurs et de nos oppresseurs, nous ne pouvons compter que sur nos propres moyens pour assurer notre sécurité. Nous ne pouvons rester les bras croisés devant les menaces des nouvelles chemises noires et les agressions racistes, homophobes, sexistes et de toutes autres natures.
En somme, nous considérons qu’il est pressant de valoriser un projet de société alternatif et égalitaire à travers des actions sociales libertaires ayant un impact réel sur la vie des gens pour combattre efficacement le fascisme à sa racine. N’oublions pas que les groupuscules fascistes représentent un pic d’intensité dans le continuum raciste de la trame canado-québécoise. Pour lutter, nous devons construire nos réseaux de solidarité avec les principaux groupes touchés. Nous n’attendons ni l’approbation des élites du monde politique, ni l’adoption de nouveaux projets de lois. Ce nouveau monde que nous espérons, nous voulons le construire par nos propres moyens, de manière antiautoritaire et par la démocratie directe. Nous voulons l’égalité et la liberté, mais nous ne sous-estimons pas la menace violente et haineuse posée par les groupuscules de l’extrême-droite. Nous préconisons à cet effet l’auto-défense populaire.
« Ce n’est pas une miette de pain, c’est la moisson du monde entier qu’il faut à la race humaine, sans exploiteur et sans exploité ». – Louise Michel
Collectif Anarchiste Emma Goldman