Un événement important pour le monde du militantisme alternatif s’est déroulé mercredi le 17 janvier. Le gouvernement français a renoncé à construire un nouvel aéroport à Notre-Dame des Landes près de Nantes.
Quelques 300 occupantEs, dont les 5 derniers agriculteurs résistants, des 1800 hectares expropriés sont parvenuEs après 10 ans d’une lutte exemplaire à faire reculer l’État français ainsi que la multinationale Vinci à qui les terres avaient été cédées (l’État a exproprié 50 agriculteurs) pour réaliser un nouvel aéroport.
En ces temps ou les États et les multinationales s’activent dans la voie de la concurrence/fuite-en-avant du néolibéralisme, la victoire des zadistes (ZAD – Zone à défendre) de Notre-Dame des Landes est significative même si elle est fragile en regard des rapports de force existants.(pour en savoir davantage sur NDDL)
D’ailleurs, le président Macron a promis d’évacuer les indésirables au printemps, et il a derrière lui la puissance des forces du « désordre ».
À l’échelle mondiale, la victoire des zadistes reste « insignifiante ». Il en faudrait une par mois pour que de tels exploits de reprise des territoires puissent véritablement ébranler le système. Mais tout de même, elle est importance cette victoire. Nous dirions même IMMENSE. Surtout d’un point de vue symbolique car les zadistes ont atteint un véritable point de rupture entre la vision du monde actuel des dirigeantEs économique et politique et celle d’une construction alternative d’une nouvelle société non-productiviste et écologique. Cette victoire nous indique une ligne rouge, ligne où les pouvoirs du capitalisme deviennent vulnérables en régime de démocratie parlementaire à l’européenne. La lutte et le rapport de force ont largement débordé les limites de la seule joute parlementaire.
Ici nous sommes dans une « guerre de légitimité » avec son lot de répression étatique face à une nouvelle légitimité zadiste encore minoritaire qui se construit contre celle de l’État, des multinationales et des forces réactionnaires (syndicat agricole, éluEs du PS, préfets, etc.) cherchant à protéger leurs chasses-gardées. Car, et c’est presqu’une évidence, si le mouvement de protestation avait dû se fier à la « prise du pouvoir » d’éluEs sympathiques à la cause zadiste, le nouvel aéroport serait déjà en construction sinon terminé.
L’État a reculé. Mais c’est un recul stratégique. Il est conscient que ce mouvement des ZAD percole le territoire français ici et là alors que parallèlement s’effrite la légitimité des appareils politiques de représentation dans la société. Précisément, à Notre-Dame des landes des dizaines de milliers de supporters (et oui plusieurs manifestations de soutien durant ces 10 ans de lutte ont regroupé 30 000, 50,000 et même 80 000 personnes) sont venus en soutien aux zadistes lors de moments névralgiques ou en d’autres appels à la solidarité. Manifestement, la plupart ne croyait plus que l’on pouvait « influencer » l’État via les élections. C’est ce que craignent le pouvoir politique et leurs appuis. Éviter qu’une nouvelle légitimité « populaire » autour d’une stratégie d’action politique directement enracinée à la base vienne renforcer les autres ZAD sur le sol français.
Inspirations libertaires
La victoire, largement inspirée par une perspective de résistance contre un élément destructeur (l’aéroport) et complété par un projet de réappropriation du territoire et de reconstitution d’une communauté de vie sur des bases écologiques et collectives, s’inscrit dans une vision politique à long terme. Il est pertinent de mentionner que cette lutte, la construction du rapport de force et le projet de vie qui s’en dégage aujourd’hui se sont largement appuyés sur une vision et des stratégies libertaires bien que les militantEs libertaires sur la ZAD restent minoritaires. Bref, le projet de réappropriation à NDDL s’inspire d’idées et d’actions et d’un projet de société anarchiste et libertaire.
Un des enjeux de ce mouvement des ZAD, basé sur l’autogestion et la démocratie directe, vise l’appropriation collective du territoire. Un enjeu qu’on sent émerger, qui s’exprime de diverses façons un peu partout à travers le monde : au Chiapas (Mexique), Les Sans terre du Brésil, les Premières Nations de Standing Rock au Dakota du nord (USA) etc. Et même si c’est à une plus petite échelle, l’expropriation populaire du Bâtiment 7 à Pointe-Saint-Charles relève de cette volonté de reprendre nos vies en main en nous réappropriant nos territoires.
L’autonomie, l’autogestion et la démocratie directe sous plusieurs formes reviennent constamment et nous indique la pertinence de délaisser, comme stratégie prioritaire, l’action politique partisane à travers les institutions étatiques. Bien sûr il faut continuer à mettre la pression sur les instances gouvernementales, les zadistes l’ont bien saisi, mais l’œuvre de construction d’une autre société devrait interpeller l’ensemble des militantes et des militants de gauche si nous voulons collectivement arrêter la destruction des territoires et de la planète?
Les zadistes, eux et elles, ont compris qu’il fallait créer de la synergie avec la population environnante et même beaucoup plus loin. Si ça avait pas été le cas, il y a longtemps que les forces réactionnaires du profit à court terme auraient emportées le morceau et qu’on ne parlerait plus d’un projet de société paysanne alternative près de de Nantes.
Pour la suite des choses
Comme nous le croyons, l’État français a exercé un repli stratégique dans le but de casser les liens qui se sont développés entre une partie significative de la population environnante de NDDL et les zadistes, surtout la frange radicale où se retrouve les libertaires et autres anti-autoritaires. La bataille est loin d’être terminée. Les éléments de droite voudront éviter que l’État ne perde la face en « légalisant » l’occupation du territoire sous forme collective. Mais des précédents existent, notamment le CUN du Larzac dans les années 1970.
Si L’objectif du gouvernement est d’éviter la contamination de la réussite de NDDL à d’autres ZAD, il devrait être exactement le contraire pour la révolution sociale : DES ZAD PARTOUT.