Soumission anonyme à MTL Contre-info
Mise à jour : le colloque du MRQ a été déplacé au Centre équestre l’Intégrité, situé au 3987 chemin Sainte-Angélique, à Saint-Lazare.
Vous pouvez communiquer directement avec la propriétaire, Sophie Robichaud, au 450-510-5354 ou 514-992-2141
Le 17 juin prochain, de nombreux regroupements et individus d’extrême droite devaient se réunir au Collège Maisonneuve à l’occasion d’un colloque organisé par le Mouvement républicain du Québec (MRQ), en collaboration avec La Meute. Suite aux révélations dans les médias et à l’annonce que le Mouvement étudiant révolutionnaire organisait une manifestation pour « bloquer l’extrême droite », le collège a annulé son contrat avec les Éditions Dédicaces (maison d’édition du Guy Boulianne, petit chef du MRQ).
Le colloque doit maintenant avoir lieu près de Vaudreuil-Dorion, toujours avec les mêmes conférenciers et toujours en étroite collaboration avec La Meute.
Les conférenciers
Ce prétendu « Rassemblement pour le bien commun et l’intérêt supérieur du Québec » réunira une série de conférenciers (uniquement des hommes blancs, faut-il le souligner?) issus de l’aile droite du mouvement nationaliste québécois, dont Alexandre Cormier-Denis, ce candidat du Parti indépendantiste qui, après avoir attiré l’attention des médias avec une affiche électorale raciste, n’a réussi qu’à recueillir 81 misérables votes aux dernières élections dans Gouin[1. http://acd2017.quebec/biographie ; http://infoman.radio-canada.ca/article/2017/05/19/avoir-du-front/]. Bien que la plupart des articles récents écrits sur Cormier-Denis découlent de cette grossière intox médiatique, il est mieux connu pour avoir fondé Horizon Québec Actuel, un groupuscule affilié au Front national de Marine Le Pen, en France[2. http://ici.radio-canada.ca/premiere/emissions/gravel-le-matin/segments/reportage/22284/horizon-quebec-actuel-parti-front-national ; http://acd2017.quebec/biographie]. Même s’il ne dément pas ses liens avec le Front national et est soutenu par des groupes ouvertement racistes comme la Fédération des Québécois de souche[3. http://quebecoisdesouche.info/entretien-avec-alexandre-cormier-denis-dhorizon-quebec-actuel/ ; “Un patriote dans Gouin?”, Le Harfang Juin/Juillet 2017 http://quebecoisdesouche.info/wp-content/uploads/2017/05/floute_juin_juil_2017-1.pdf], Cormier-Denis reste membre en règle du Parti québécois et collabore à des plateformes nationalistes « politiquement incorrectes », comme les sites Vigile.net et Radio Infocite[4.http://acd2017.quebec/biographie].
Le panel comprend aussi le vlogueur André Pitre (Stu Pitt). Sur Gauchedroitistan et sur sa propre chaîne YouTube, Pitre se vautre depuis des années dans les théories du complot les plus vaseuses, en insistant sur l’influence nocive des Social Justice Warriors, des « mondialistes » et des féministes. En 2017, comblé de joie suite à l’élection de Donald Trump, Pitre s’est servi de sa notoriété naissante sur Internet pour mettre de l’avant des groupes antimusulmans comme La Meute et des populistes de droite comme le MRQ.
Gilles Noël, du Parti d’unité nationale, sera également présent au colloque du 17 juin. Sa participation réfute carrément la prétention des islamophobes à une société laïque, puisque Noël milite depuis longtemps pour l’extrême droite catholique québécoise. En 2002, il était parmi les fondateurs du Parti démocratie chrétienne du Québec, une suite du Centre d’Information National Robert Rumilly (connu dans les années 1980 et 1990 pour ses liens avec des groupes ouvertement fascistes et anti-immigration, comme Cercle Jeune Nation)[5. http://www.wikiactu.com/?page_id=17271; http://quebecoisdesouche.info/achille-larouche-fils-spirituel-de-labbe-groulx/;]. En 2012, le PDCQ a changé son nom pour le Parti d’unité nationale, signalant du coup la transition d’un programme théocratique vers un nationalisme conservateur. Le nouveau PUN reste fermement opposé à l’avortement et à l’érosion du modèle familial traditionnel, mais s’est positionné plus agressivement contre les « accommodements déraisonnables » pour les minorités non chrétiennes, en insistant sur l’identité française et chrétienne de la nation québécoise[6. Adhère à la Charte des droits de la famille adoptée par le Vatican en 1983. Celle-ci prône que « la famille est fondée sur le mariage, cette union intime et complémentaire d’un homme et d’une femme », que « la situation des couples non mariés ne doit pas être placée sur le même plan que le mariage dûment contracté »; et que « Dans les relations internationales, l’aide économique accordée pour le développement des peuples ne doit pas être conditionnée par l’acceptation de programmes de contraception, de stérilisation ou d’avortement », car « L’avortement est une violation directe du droit fondamental à la vie de tout être humain. »« Le divorce porte atteinte à l’institution même du mariage et de la famille. »
En ses propres termes : « La société distincte du Québec est née de notre héritage culturel, de notre patrimoine historique, de nos traditions, de nos fêtes chrétiennes et des institutions fondées par nos ancêtres jusqu’aux années 60 (écoles catholiques et collèges classiques, hôpitaux, universités, hospices, séminaires, etc.). Au Parti unité nationale, c’est tolérance zéro à l’égard du racisme pratiqué par certaines personnes qui viennent dans notre pays avec l’intention de bousculer et de piétiner les droits de la majorité. »
(http://www.partiun.ca/accueil/qui-sommes-nous.html)
Et : « Cette nation parle français avec son accent canayen (sic) dans ce grand territoire de l’Amérique du Nord anglophone. Cette nation tient à protéger sa langue et sa culture canayenne (sic). Ici, ce n’est pas l’espagnol, le libanais, l’arabe, le chinois, le japonais, le russe ou autre langage. Cette Constitution a été construite pour défendre les droits de la majorité et lancer un message clair à ceux et celles qui veulent faire partie de notre société, APPRENEZ NOTRE LANGUE !! … Nous acceptons vos croyances sans vous poser de questions. Tout ce que nous vous demandons, c’est de respecter les nôtres, de vivre pacifiquement et enharmonie avec nous. Ceci est NOTRE PAYS, NOTRE TERRE, et NOTRE STYLE DE VIE et nous vous donnons l’occasion d’en profiter. Mais à partir du moment où vous vous mettez à vous plaindre, à gémir et à ronchonner à propos de notre drapeau, notre engagement, nos croyances chrétiennes ou notre style de vie, nous vous encourageons fortement à profiter d’une autre grande liberté québécoise : « LE DROIT DE PARTIR « . »].
Richard Le Hir, Daniel St-Hilaire et Jean-Jacques Nantel, qui sont tous impliqués depuis longtemps dans le mouvement nationaliste plus traditionnel (PQ, Bloc, Cap sur l’Indépendance, Vigile.net) seront aussi du lot des conférenciers. Ces intervenants « respectables » seront flanqués d’énergumènes un peu moins connus, comme Hans Mercier (dont le Parti 51 propose de séparer le Québec du Canada pour se joindre aux États-Unis comme 51e état!), Jean-Louis Pérez-Martel (un autre complotiste antimondialiste et antimusulmans associé à Vigile.net), et Jérôme Blanchet-Gravel (un doctorant de l’Université d’Ottawa, auteur d’un essai réactionnaire dénonçant les rapports fabulés entre « l’Islam, la gauche et le multiculturalisme »).
La tenue de cette conférence signale une tentative de consolider un courant politique d’extrême droite au Québec en groupant sous un même pavillon de jeunes militants ambitieux, des figures politiques plus établies et des représentants de groupes marginaux minoritaires. C’est d’ailleurs l’objectif déclaré du MRQ, un groupe fondé tout récemment par Guy Boulianne dans l’espoir d’organiser l’aile droite du projet nationaliste. Sous le couvert de la « liberté d’expression », Boulianne n’est en fait qu’un nationaliste xénophobe qui s’occupe à répandre des théories complotistes d’extrême droite. (Pourtant, ce grand défenseur de la liberté d’expression a récemment réclamé l’emprisonnement de la comique américaine Kathy Griffin -sur le show d’André Pitre, qui plus est- après que celle-ci eut simulé la décapitation de Donald Trump[7. https://www.youtube.com/watch?v=SHKwY-QMnEo].
La Meute
Derrière les discours d’illuminés prononcés dans un champ vide, le colloque du 17 comporte une autre dimension plus sinistre, qui révèle peut-être le véritable objectif de cette initiative.
Fondée en 2015 par deux vétérans de l’armée, Éric Venne (alias Éric Corvus, qui a quitté le groupe en janvier 2017) et Patrick Beaudry, La Meute est la plus grande organisation d’extrême droite au Québec. Les premiers événements du groupe ont eu lieu à Québec et dans la région du Saguenay. En août 2016, leurs dépliants ont commencé à circuler dans des lieux publics et, quelques semaines plus tard, Venne et d’autres membres ont perturbé un événement d’information organisé par un groupe de volontaires qui prévoyaient accueillir une famille de réfugié-e-s syrien-ne-s[8. https://mtlcontreinfo.org/en/frontlines-in-the-fight-against-islamophobia/].
Bien que La Meute ait condamné l’attentat terroriste contre le Centre culturel islamique de Québec commis par l’extrémiste de droite Alexandre Bissonnette, le 29 janvier 2017, elle a aussi profité de cet événement pour « sortir de l’ombre » et s’affirmer plus agressivement dans l’espace public. Elle a ainsi participé, avec d’autres groupes d’extrême droite, à plusieurs manifestations islamophobes à travers le Québec le 4 mars dernier et à d’autres occasions (les manifestations du 4 mars étaient organisées par le one-man show de Georges Hallak, la « Canadian Coalition of Concerned Citizens », et appuyées par le MRQ de Guy Boulianne)[9. https://mouvement-quebec.com/agenda/manifestation-2017-03-04/].
Bien qu’elle insiste sur le fait qu’elle n’est ni raciste (car « l’islam n’est pas une race ») ni d’extrême droite (car on ne peut parler « d’extrémisme » tant qu’il n’y a pas de « sang dans les rues »), La Meute fait la promotion d’une vision complotiste d’élites globales qui seraient en train de conspirer avec des « islamistes extrémistes » pour imposer la charia aux populations occidentales. En plus du MRQ, elle collaborait jusqu’à récemment avec les Soldats d’Odin, un groupe antimusulmans originellement créé par des néonazis en Finlande[10. http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1006108/extreme-droite-une-patrouille-avec-le-groupe-des-soldats-dodin]. Ainsi, selon le cofondateur de La Meute, Patrick Beaudry : « Nous sommes ici au Québec le foyer, le nombril, de la civilisation européenne dans toutes les Amériques »[11. http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1004095/43-000-membres-pour-le-groupe-dextreme-droite-la-meute]. Et selon son responsable médias, Sylvain Brouillette (aka Sylvain Maikan) : « Marine Le Pen est beaucoup plus proche de nous que Donald Trump ».[12. http://www.cbc.ca/news/canada/montreal/quebec-far-right-la-meute-1.3876225]
Le 15 mai 2017, à l’émission YouTube d’André Pitre, La Meute a annoncé qu’elle était désormais disponible partout au Québec pour s’opposer aux menaces qui pèseraient sur la liberté d’expression. Pitre et La Meute ont clairement laissé entendre qu’ils faisaient par-là référence à toute intervention d’antifascistes, d’antiracistes ou de féministes visant à perturber des événements racistes, sexistes, homophobes ou transphobes. L’émission de Pitre a également montré que cette annonce découlait de l’invitation de Pitre lui-même à ce que La Meute joue un tel rôle (la déclaration a été filmée dans son salon)[13. https://www.youtube.com/watch?v=2Zpv3F5UlMQ].
C’est dans un tel contexte que le MRQ a publiquement annoncé qu’il s’était arrangé pour que La Meute assure la sécurité lors de l’événement du 17 juin 2017[14. Par exemple : ]. Le MRQ fait la promotion de La Meute sur son site web, où il reprend d’ailleurs sa déclaration[15. https://mouvement-quebec.com/meute/]. Le 5 juin, près de la moitié des billets vendus sur la page EventBrite de l’événement du 17 avaient été achetés par des individus se revendiquant publiquement de La Meute. Parallèlement, Pitre et Bouliane récoltaient des fonds afin de couvrir les frais de La meute lors de l’événement.
Pendant ce temps, sur Facebook, en réaction à l’appel du Mouvement étudiant révolutionnaire (MER) à perturber la conférence du 17 juin, des membres de La Meute menaçaient d’avoir recours à la violence[16. Par exemple, en menaçant de battre des antifas « faggits » (sic) : ] [17. Et ensuite, ces crétins expliquent qu’ils sont membres de La Meute : ], tandis que leur organisation déclarait publiquement qu’elle collaborerait avec la police afin de contenir et neutraliser la mobilisation antifasciste. Quant à Pitre, il a cru bon aller baver que « c’est game over pour les antifas », lesquels ont selon lui tous été « élevés en milieu monoparental/drogue/alcool »[18. Cette déclaration a fait des vagues dans leurs réseaux sociaux, et pas seulement en raison des fautes de français… De nombreuses femmes qui avaient l’intention de participer à l’événement du 17 n’ont pas du tout apprécié le fait que Pitre stigmatise de cette manière les mères monoparentales. Pitre a ensuite formulé des excuses bidons, où il ne parvient pas à cacher son antiféminisme grossier : « Hier j’ai blessé des gens en utilisant le mot « monoparental » de façon trop péjorative. Je suis conscient qu’il y a beaucoup de nouveaux sur mon Facebook et ils ne sont pas habitués à la façon dont je m’exprime. Alors à eux, je tiens à m’excuser et je promets de faire très attention à l’avenir aux mots que j’utilise pour être sûr de ne pas blesser personne. C’était absolument pas mon intention de vous comparer aux crisses de folles qui ont des relations sexuelles avant le mariage. (sssshht, c’est un test de QI déguisé) »].
Enfin, l’événement du 17 juin représente aussi une tentative d’établir un nouveau rapport de force entre l’extrême droite et la gauche antifasciste. La décision initiale, de tenir la conférence au Collège Maisonneuve, à Hochelaga, l’une des bases de la gauche montréalaise, apparaît ainsi comme une véritable provocation. Avec l’aide du MRQ, La Meute cherchait une occasion pour fixer les règles du jeu et s’assurer que le travail d’organisation et de propagande islamophobe, raciste, sexiste ou transphobe pourrait se faire à l’avenir sans rencontrer de résistance.
Présentement déplacé dans la banlieue de Vaudreuil, ce colloque reste un moment de consolidation d’une extrême droite dans le mouvement nationaliste, qui se projette dans un rôle offensif contre les musulmans, la gauche, les féministes ainsi que les « mondialistes » et le « cosmopolitisme ».
L’événement du 17 juin n’a rien à voir avec le « bien commun et l’intérêt supérieur du Québec », de même que la participation de La Meute a cet événement n’a rien à voir avec la défense de la « liberté d’expression ». Un colloque auquel tous les participants sont des hommes blancs, dont les opinions vont du nationalisme ethnique à l’ultra-conservatisme catholique, et qui s’organise en collaboration avec La Meute et d’autres groupes d’extrême droite cherchant à en découdre, représente une menace réelle.
Nous appelons tous et toutes à dénoncer ce cirque raciste et sexiste, et à se préparer sérieusement à la lutte contre la montée de courants antimusulmans, complotistes et xénophobes!