Soumission anonyme à MTL Contre-info
Il y a des histoires qui, à force de s’accumuler, nous permettent de comprendre les agissements des personnes qui profitent de leur impunité pour abuser de leur pouvoir et commettre des crimes sans s’inquiéter des conséquences. Le cas récent de deux agents du SPVM accusés de séquestration, voies de fait et de menaces sur un itinérant en 2010, nous révèle comment la police commet les pires atrocités et enterre des cas d’abus graves afin de protéger ses membres. Cet exemple permet de rendre visible à tous-tes cette culture de l’impunité. Nous savons cependant depuis longtemps que les policiers commettent des abus et font preuve de violences injustifiées sans être punis ou inquiétés, et en avons fait l’expérience, soit comme victimes, soit comme témoins.
Plusieurs de ces histoires sont racontées de façon informelle, au gré des événements, pour être rapidement oubliées. Lorsque plusieurs de ces récits concernent un même agent de police et ses collègues et qu’ils font état de harcèlement, de violences physiques gratuites, de fausses accusations, de parjure et d’abus graves, il est important de les relier afin d’en démontrer le caractère continu et systématique.
Paul Jr Morin s’en est bien sorti jusqu’à maintenant. Pourtant, il s’apprête à aller en déontologie 31 mai 2018 pour avoir tabassé une militante le 1er mai 2014. Le procès durera 6 jours, jusqu’au 13 juin. Beaucoup d’histoires de l’agent Paul Morin ne se sont toutefois jamais rendues jusque-là. Elles doivent néanmoins être racontées.
Paul Junior Morin est un policier comme les autres, il travaillait au centre-ville il n’y a pas trop longtemps, il est maintenant à Hochelaga au poste 23. Pour arrondir les fins de mois, il fait parti du groupe d’intervention Est (GI) et joue au robocop dans les manifestations.
Sauf que Morin (5629) dépasse souvent ses fonctions officielles de policier. Il vise les militant.e.s, souvent racisé.e.s ou socialement marginalisé.e.s (ie. Punks). Il suit les gens dans sa voiture, les interpelle par leur nom, les intimide.
Sans jamais avoir été formellement accusé, Paul Jr. Morin a souvent perdu des procès contre des personnes qu’il accusait d’infraction ou d’actes criminels. Ces accusations se sont avérées fausses et les juges ont jugé « peu crédibles » ses témoignages et ceux de ses collègues policiers, qui se contredisaient.
Si vous avez été victime de l’agent Paul Morin ou que vous avez observé l’une de ses interventions abusives et violentes, faites parvenir votre histoire au crapulespvm@riseup.net.
Une série d’histoires qui en disent long
9 mai 2008
Un jugement datant du 24 mars 2010 nous dévoile le caractère brutal et aléatoire des interventions de l’agent Morin. Celui-ci était intervenu auprès de Andy Ermilus le 9 mai 2008 à 3h du matin au coin des rues Saint-Denis et Sainte-Catherine alors qu’il patrouillait avec son collègue François Gagné (matricule 5101). Il prétextait avoir vu la photo de Andy Ermilus dans un «rassemblement de police», rassemblement où sont distribuées les photos de différents suspects. Paul Morin ralentit aux abords d’Andy Ermilus et lui demande son nom. Celui-ci n’ayant commis aucune infraction continue son chemin. L’agent Morin serait alors sorti de son autopatrouille, matraque à la main, et aurait asséné un coup au genou, un deuxième à l’épaule et un troisième à la tête de la victime. Ermilus est alors menotté et emmené à l’hôpital en raison d’étourdissement et craignant de perdre connaissance. Ermilus est par la suite emmené au poste de police, où on confirme qu’il n’a pas d’arme à feu, pas de condition de remise en liberté provisoire et qu’il n’existait pas de mandat pour son arrestation.
À la suite du témoignage de Andy Ermilus et de l’agent Morin le juge Jean-Paul Braun acquitte Ermilus des accusations de résistance à son arrestation portée par l’agent Morin. Les agissements de l’agent Morin dans ce dossier dévoilent sa propension au profilage et à une brutalité arbitraire, arrêtant un homme d’origine haïtienne « ressemblant » à la photo d’un suspect vu il y a quelques jours. Ressemblance qui ont valu à Ermilus une aggression injustifiée de l’agent Morin, un passage à l’hôpital et des accusations de résistance à son arrestation. Acquitté lors de son procès, l’expérience de brutalité vécue par Ermilus se répétera au cours des prochaines années.1
23 mai 2012 et avril 2013
L’agent Morin était présent aussi durant la grève de 2012. Durant l’arrestation de masse, il a refusé l’assistance médicale à une personne éprouvant un malaise. De plus, il aurait fermé les fenêtres de l’autobus, pour être sûr que personne n’entende les plaintes. Il aurait aussi menacé quelqu’un.e avec un taser 11 mois plus tard pour avoir émis un bruit audible.
About the incident at the mass arrest, William Girard on Facebook reported…
Several students questioned, as well as a nurse have testified that a person in his sixties had a cardiac malaise without having received adequate aid in a timely manner. This person complained of chest pains and difficulty breathing. He asked to be allowed to take his medicine which was refused by Agent Paul Junior Morin, badge number 5629, who was in the STM bus marked 27-028. He said that he had a paper on him to prove his state. Agent 5629 refused to help this person in distress. Students shouted to get an ambulance. Police closed the windows of the bus so that the sound would not be heard outside. Finally, the man fell to the ground, many precious minutes were wasted before police did anything and called an ambulance. Agent 5629 said that he did his job for “the cash” and also to intimidate students. [1]
1 mai 2014
Après la manifestation anticapitaliste du 1 mai, Paul Junior Morin plaque au sol une militante et lui donne des coups dans les côtes pendant qu’elle est inconsciente.
La CRAP, coalition contre la répression et les abus policiers, relate les faits:
Notons que l’agent Brassard fait actuellement l’objet d’une poursuite en dommages-intérêts de 85 000 $ intentée par Jennifer, une militante du COBP surnommée Bobette.
La poursuite, qui vise également les agents Paul Junior Morin et Ken Leblond, porte principalement sur une agression sauvage que Bobette a subi de la part du SPVM après la manifestation du 1er mai 2014, soit trois mois après le décès d’Alain Magloire.
La poursuite allègue que l’agent Morin a foncé sans raison sur Bobette dans un stationnement situé face au Palais de justice de Montréal, sur la rue St-Antoine, à l’angle du boulevard St-Laurent. La militante a été littéralement plaquée au sol. Le choc a été si brutal qu’elle a brièvement perdu connaissance. Ce n’est que lorsque les agents Morin et Leblond se sont mis à la frapper au ventre et aux côtes qu’elle a repris conscience.
L’agent Brassard a quant à lui tordu le pouce de Bobette alors qu’elle était écrasée contre un mur de béton par les autres policiers. Elle a demandé à ce que cesse la pression sur son pouce car elle n’éprouvait plus de sensation. Au lieu de cela, l’agent Brassard lui a dit ceci : « Tu sais Bobette ça fait tellement longtemps qu’on veut te pogner qu’astheur tu vas passer au cash ».
Bobette a été libérée après que les policiers lui ont remis un constat d’infraction en vertu du règlement anti-manifestation P-6.
Elle a cependant à nouveau perdu conscience peu après. Hospitalisée pendant une journée, les médecins ont conclu qu’elle avait subi un traumatisme crânien et une entorse cervicale lors de son agression dans le stationnement.
La poursuite allègue également que l’agent Brassard était tout sourire lorsqu’il a participé à l’arrestation de Bobette à la Cour municipale de Montréal, le 17 juin 2014, sous une accusation « d’intimidation d’une personne associée au système judiciaire », c’est-à-dire l’agent Brassard lui-même.
C’est cet événement qui mènera Morin en déontologie policière, où il comparaîtra pendant pendant 6 jours à partir du 31 mai 2018. Il sera accusé avec Ken Leblond (maticule 6162), Rock Lamarche et Mathieu Brassard (matricule 6070). À noter que Brassard est celui qui a assassiné Alain Magloire itinérant racisé en état de choc, le 3 février 2014.2
23 avril 2017
Le 23 avril 2017 se tenait une manifestation du groupe identitaire Front Patriotique du Québec à laquelle participaient plusieurs figures de l’extrême-droite québécoise. Parmi celles-ci on reconnaît notamment Shawn Beauvais McDonald (alt-right présent à la manifestation suprémaciste de Charlottesville) Robert Proulx (Ex-responsable de la sécurité pour La meute) et Philippe Gendron (membre des Soldats d’Odin et organisateur de la manifestation avortée au stade olympique pour intimider les demandeurs d’asile). Une vingtaine de participant.e.s à la manifestation d’extrême-droite portent des masques, des casques, des gilets pare-balle, des gants de combats ainsi que des bâtons. Un militant anti-fasciste (d’origine arabo-musulmane) sort d’un Starbucks avec un café et rencontre la manifestation. Il crie en bordure de la manifestation des slogans anti-racistes afin de dénoncer la procession de groupes armés d’extrême-droite dans les rues de Montréal. Contrairement aux membres d’extrême-droite armées dans la manifestation, ce militant n’est ni masqué, ni armé et demeure sur le trottoir. Sans avertissement, l’agent Morin poivre le militant, tandis que son collègue Frédéric Plante (matricule 5688) le plaque au sol en lui frottant le visage dans le gravier. Au moment de son arrestation, Frédéric Plante affirme au militant « On te connaît, tu es un baveux dans les manifestations ».
Le militant apprendra au moment de sa libération qu’il est accusé d’entrave au travail des policiers et de voie de fait sur l’agent Morin. Selon les élucubrations de l’agent Morin, il aurait tenté de le pousser pour aller se battre seul, sans arme, ni protection avec les milices d’extrême-droite. L’agent Morin n’en restera pas là et continuera à harceler et intimider le militant deux semaines plus tard alors que celui-ci avait pour condition de ne pas entrer en contact avec lui. Le 9 mai, dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, il ralentit son autopatrouille auprès du militant marchant sur le trottoir avec une amie et l’interpelle par son prénom, le menaçant de l’arrêter à nouveau.
À la suite des témoignages des agents Morin, Plante et de la victime, la juge de la cour municipale a acquitté le militant anti-raciste des accusations de voies de fait et d’entrave. Elle a affirmé que les témoignages des agents Morin et Plante étaient contradictoires et a remis en question leur crédibilité. Les fausses déclarations de l’agent Morin n’ont jusqu’à aujourd’hui pas été sanctionnés, malgré l’acquittement et le blâme de la juge à l’égard du comportement et du témoignage du policier.
Mars à juin 2017
Paul Morin semble avoir été en très actif entre mars et mai 2017. Il est à l’origine d’une série d’actes de profilage, de harcèlement et de violence dans le quartier Hochelaga.
Paul Morin émet, le 4 mars 2017, un ticket au nom de la Déferle, un espace social anarchiste dans Hochelaga pour des rebuts laissés sur le domaine public. Les déchets devant la Déferle sont souvent dûs aux locataires d’en haut ou au dépanneur d’à côté. Ceci participe à un harcèlement constant de la part de l’agent Morin envers des personnes ou des groupes qui critiquent le travail des policiers. En effet, au cours du mois de mai, Paul Morin a abordé les membres de SOS itinérance, un organisme qui vient en aide les personnes en situation d’itinérance et remet en question les interventions violentes des policiers à leur égard. Ils distribuaient de la nourriture dans une manifestation au moment de l’intervention de l’agent. Celui-ci les aurait menacé en affirmant : « On va s’arranger pour vous pogner plus tard ». Quelques jours plus tard, l’agent Morin interpelle le véhicule de SOS Itinérance et le mène à la fourrière, sous prétexte de « contrôle technique ».
Un autre incident, beaucoup plus violent, survient le 5 juin 2017 et concerne deux personnes qui, tard le soir, quittent la Déferle, un espace social anarchiste. Alors qu’elles marchent sur la rue Adam, elles sont suivies par une voiture de police roulant lentement en sens inverse de la circulation, sur une dizaine de coins de rue. L’une des personnes demande alors aux policiers s’il y a un problème. L’agent Paul Morin lui répond « T’as un criss de problème ». Les agents sortent de leur voiture et les aspergent de poivre de cayenne. Paul Morin utilise alors sa matraque télescopique pour leur asséner plusieurs coups. À l’aide de son collègue, les policiers menottent les deux victimes. Plusieurs autres policiers arrivent en renfort. Les personnes menottées reçoivent un ticket d’infraction pour avoir été dans un parc après 11h, ce qui n’était pas le cas. Les policiers les laisseront partir, blessé.e.s. Un mois plus tard, elles recevront une deuxième contravention par la poste pour bruit audible. Un voisin, observant la scène et arrivant sur les lieux recevra lui aussi plusieurs constats d’infraction. L’agent Paul Morin doit se contenter d’infractions municipales et ne peut inventer d’accusations criminelles puisqu’une passante enregistre l’intervention à partir du moment où les agents sortent de leur voiture.
Le nombre des incidents et le caractère grave des gestes posés par l’agent Paul Morin témoigne d’une impunité policière généralisée. Paul Morin a pu, de façon continue et systématique, sur près d’une dizaine d’années, commettre des assauts violents et du harcèlement envers des personnes racisées, marginalisées ou associées à des groupes contestataires. Ses interventions sont à chaque fois suivies d’accusations inventées et de faux témoignages. Sa crédibilité a maintes fois été remise en question lors de procès, parfois même par les juges. Nombre de ses victimes ont été acquittées à la suite de processus judiciaires longs et fastidieux, souvent accompagnés de conditions et de restrictions à leur liberté.
Les histoires répertoriées dans ce texte suggèrent que d’autres événements impliquant l’agent Paul Morin ont été vécus ou observés au cours de sa carrière. Il est à notre avis important de relier ces événements afin d’aider ses victimes passées et à venir dans leur défense, mais aussi afin d’informer la population du danger que représente ce policier et tous les autres qui demeurent protégés par la culture du silence et d’impunité du SPVM. Paul Morin n’est pas un policier ayant commis des erreurs exceptionnelles dans des situations exceptionnelles, il est à l’origine d’un nombre important de crimes pour lesquels il n’a jamais été puni ou inquiété.
Si vous avez fait l’objet ou avez été témoin d’une intervention de l’agent Paul Morin (matricule 5629), n’hésitez pas à faire parvenir votre témoignage, avec le plus de détails possible, à l’adresse courriel suivante : crapulespvm@riseup.net
Références
1 R. c. Ermilus, 2010 QCCQ 2878 (CanLII), <http://canlii.ca/t/29cv2>
2 https://deontologie-policiere.gouv.qc.ca/fileadmin/comite/audience/Role_audience.pdf C-2016-4094-3/5011-3
3 https://ricardusofhell.wordpress.com/2013/11/30/agent-5629-paul-junior-morin-who-risked-causing-someones-death-remains-on-duty/
https://lacrap.org/retour-sur-lenquete-magloire