Montréal Contre-information
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Nov 272023
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Samedi le 21 octobre à Montréal, un face-à-face entre une coalition de conservateurs religieux transphobes et une contre-manifestation en défense des jeunes trans prenait place. TL;DR: la défense trans a gagné. 

Cet événement présenté comme une journée d’action pan-canadienne par « 1 Million March for Children », avec le groupe « Ensemble pour protéger nos enfants » (qu’on appellera EPPNE dans la suite du texte) en tête d’affiche du rassemblement à Montréal, se voulait la suite des affrontements du 20 septembre devant l’Université McGill. Cette journée là, une foule surprenamment impressionnante surtout composée de familles musulmanes avec des enfants tenant des pancartes disant « J’appartient à mes parents » en criant des slogans transphobes et des insultes homophobes, avait confronté une contre-manifestation mal préparée et avait réussi à marcher dans le centre-ville de Montréal. Ceci laissant les defenders trans et leur camarades queers et anti-fascistes secoué-es.

EPPNE avait cette fois appelé à une manifestation devant le 600 Fullum, l’adresse du Ministère de l’éducation du Québec, à qui ils adressaient une liste de demandes concernant les curriculums scolaires – ce qui était en fait un prétexte d’exposer leur transphobie sans bornes. On recommande de voir Montréal Antifasciste et P!nk bloc pour des perspectives plus détaillées sur le contexte politique émergeant, incluant l’impact de la guerre au Moyen-Orient (apparemment ceux qui appellent à un génocide peuvent être divisées en ce qui en concerne un autre). Ce compte-rendu met l’accent sur la dimension tactique de ce qu’on a observé le 21.

La manifestation de EPPNE était appelée pour 11h, et la contre-manifestation pour 10h, avec l’intention d’occuper l’endroit en premier. Comme on aurait pu le prédire, un petit groupe dédié a dû arriver vers à peine 8h pour nous permettre d’occuper la rue devant le 600 Fullum et de laisser aux organisateurs d’EPPNE, arrivés à 8h15, seulement un petit bout de gazon entre le côté sud du building et la piste cyclable qui longe l’autoroute. Une douzaine de policiers étaient déjà sur place et avaient délimité un périmètre dans le cul-de-sac à la fin de Fullum avec du ruban, pour créer une zone tampon entre les deux groupes. Ils ont informé les contre-manifestant-es que de traverser le ruban serait considéré un acte criminel. 

Si on s’était réuni-es devant les bureaux du Ministère de l’éducation, ce n’était par pour défende ce système d’éducation qui, en règle générale, veut faire des enfants, de tous les genres et orientations sexuelles, des sujets dociles pour le projet colonialiste capitaliste, et des citoyen-nes obéissant-es face à l’autorité, des travailleurs et des consommateurs ayant le droit de poser quelques questions mais pas trop. Au contraire, on visait à occuper l’espace où les transphobes voulaient s’installer pour leur refuser la visibilité qu’ils veulent et démontrer que nous serons sur leur chemin peu importe où ils tentent s’organiser publiquement. 

Les deux côtés sont arrivés à une scène qui avait été couverte de graffitis antifascistes, pro-trans et pro-Palestine la nuit précédente, avec l’édifice du Ministère, la machinerie lourde et les murs à côté couverts de tags tels que « YOUTH LIBER(A)TION [&] TRANS LIBER(A)TION NOW! », « Dykes for Palestine » et « Fuck transphobes ». Avec l’installation rapide de cinq tentes à auvent directement devant le 600 Fullum, servant de point de réunion logistique et d’abris de la pluie pour les contre-manifestant-es, il ne pouvait être plus clair qui était en contrôle de l’espace que les transphobes voulaient occuper, et que notre lutte dépasse la défense libérale d’un ordre social tolérant.

Nos nombres ont augmenté graduellement, puis rapidement à l’approche de 10h. L’arrivée d’un camion de son (quelques speakers puissants attachés à un pickup) ont aidé à créer une atmosphère festive. Les camarades arrivant étaient assigné-es à une ou l’autre des unités mobiles, chacune ayant un code de couleur ; rose et noir (les personnes à mobilité réduite ou qui le souhaitaient pouvaient aussi rester au point de réunion). 

En ce qui concerne les caméras des médias de masse: un cameraman de CTV News a été aperçu se promenant à travers la foule devant le 600 Fullum, filmant des contre-manifestant-es de très près. Les guidelines publiées avant le 21 encourageaient les participant-es à porter des masques et à surveiller les médias de masse et les livestreamers, mais nous n’avions pas planifié de nous assurer que les journalistes ne puissent pas explorer nos infrastructures, dans des lieux où certain-es pourraient avoir des conversations privées ou enlever leur masque pour manger ou boire. Des camarades ont pris l’initiative de confronter l’équipe de CTV et de physiquement les escorter hors de notre foule après qu’ils aient refusé nos demandes verbales de quitter. Bien que des bannières et des parapluies peuvent fonctionner contre des médias approchant une ligne solide, nous devons aussi pouvoir repousser ceux qui font leur chemin à travers notre foule, notamment dans les lieux où nous accueillons les nouvelles personnes arrivant. Nous pensons qu’une équipe dédiée à ce travail serait la meilleur approche dans le futur.

Autour de 9h30, l’unité rose s’était déplacée vers le nord sur Fullum pour bloquer la rue en haut du bloc, juste au sud de Sainte-Catherine. Iels allaient maintenir cette position en laissant les nouvelles personnes se joindre à la contre-manifestation et en bloquant l’accès aux transphobes, et ce pour le restant de l’action. Puisque cette intersection était le principal point d’accès pour toute personne arrivant du métro Papineau ou des stationnements sur rue un peu plus haut, le blocage de l’unité rose a permis avec succès de détourner un bon nombre de manifestants anti-trans, qui ont quitté en pensant que la manifestation de EPPNE avait été annulée ou complètement submergée par la contre-manifestation.

Un peu après 11h, l’unité noire a tenté de contourner les lignes policières qui protégeaient les anti-trans au bas de Fullum. Après avoir tourné à gauche sur Sainte-Catherine, il y a eu une altercation avec un fasciste solitaire portant un t-shirt « Kill All Pedophiles », qui a fini par terre. L’unité noire, d’une centaine de personnes protégées par plusieurs bannières de côté, s’est déplacée à l’ouest sur deux blocs, puis a tourné vers le sud sur De Lorimier, avant d’être empêchée de tourner à l’est sur René-Lévesque en direction des EPPNE par une ligne de policiers anti-émeute. Durant 45 minutes, iels ont occupé l’intersection de De Lorimier et René-Lévesque, sans pouvoir s’approcher davantage des transphobes, mais du moins en bloquant un autre accès à partir du métro vers leur point de rencontre, et en bloquant leur possibilité de marcher vers le Village gai et le centre-ville (les organisateurs d’1MM4C avaient appelé à marcher à 13h).

En infériorité numérique d’environ 10 pour 1, sous une pluie constante, étant graduellement encerclés de contre-manifestant-es et voyant leur route de marche vers le centre-ville bloquée, la foule de EPPNE était visiblement démoralisée. Certains ont exprimé leur frustrations sur leur Facebook Lives, disant (et montrant) à leurs spectateurs que notre côté était bien mieux organisé et en leur reprochant de n’être pas venus. Un d’eux a remarqué sur Whatsapp que leur adversaires sont « seulement 0,33% de la population, mais très intelligents et malveillants ». Et on ne peut que le prendre comme un compliment.

À l’approche de midi, l’unité noire a rencontré un groupe de renforts au coin de Sainte-Catherine et De Lorimier, et a commencé à se déplacer encore une fois vers le sud, avec un plan en tête. Rendu à René-Lévesque, un contingent s’est arrêté et a fait face à la ligne de policiers anti-émeute comme plus tôt, les forçant à rester en place, pendant que le reste du groupe, environ 100 personnes, continuait vers le sud avant de couper à l’est entre deux bâtiments. Malgré que ces mouvements soient ralentis par une certaine confusion générale, le SPVM a semblé désemparé pour la première fois de la journée, puisque leur plan de protection des manifestants anti-trans risquait de tomber à l’eau. Des camionnettes de police ont accéléré au coin de rue et une demi-douzaine de policiers anti-émeute se sont approchés, criant au contingent de rebrousser chemin. L’un deux a fait un spectacle de charger son fusil de balles de caoutchouc alors que d’autres brandissaient du poivre de cayenne. Cette intimidation leur a permis de bloquer la foule juste assez longtemps pour que d’autres policiers arrivent et les aident à former une meilleure ligne. Espérons que ces expériences de coordination en rue vont nourrir notre imaginaire tactique et nous aider à être encore mieux préparé-es la prochaine fois.

La carte suivante montre la position finale des transphobes, des contre-manifestant-es et de la police:

Peu après, quand l’unité noire s’est regroupée sur De Lorimier, la nouvelle s’est repandue que le EPPNE avait appelé à la dispersion de leur manifestation, confirmant ainsi leur défaite en ne tentant même pas de marcher et en ayant à expliquer à leur supporteurs comment quitter la zone en sécurité.

Il y avait tellement d’activité des contre-manifestant-es en différents points couvrant plusieurs blocs du quartier, le 21, qu’il serait impossible d’en faire un résumé complet, mais nous voulons remercier spécifiquement celleux qui ont assuré la livraison de nourriture et qui l’ont servie, et tou-tes celleux qui ont tenu des bannières pendant des heures.

Bien que la logique des contre-manifestations nous positionne sur la défensive, notre intuition nous laisse croire que nous pouvons dépasser une position purement réactive – qu’on a quelque chose à gagner – quand on s’organise sur une base de solidarité et qu’on compte sur nous-mêmes, plutôt que sur les médias, la loi ou la police.

À une prochaine fois,
– des anarchistes