Soumission anonyme à MTL Counter-info
Aujourd’hui, 1er juillet, est le jour où la fondation de l’État du soi-disant Canada est célébrée. Nous avons choisi cette journée afin d’annoncer que dans les dernières semaines, nous avons redistribué gratuitement des objets et de la nourriture que nous avons volée dans des boutiques de bourgeois, auprès de personnes marginalisées et de familles provenant de diverses communautés oppressées à “Montréal”, territoire Kanien’kehà:ka non cédé. Ce texte vise à expliquer pourquoi nous avons commis ces actions, à créer des liens de solidarité avec ceux et celles qui ont récemment commis des actions similaires, et à encourager qui que ce soit à continuer de développer de telles initiatives.
Nous publions ce texte le jour du 1er juillet car nous sommes contre tous les États, et en particulier contre la violence coloniale de ceux-ci, comme le Canada, qui sont fondés sur le génocide des nations autochtones et sur l’exploitation et l’exclusion raciste des personnes qui n’ont pas la peau blanche. Nous croyons que le bien-être de la majorité des individus dans le monde dépend de la lutte constante que nous devons mener au jour le jour contre des États industriels et impérialistes comme le Canada, promoteurs et bénéficiaires principaux du capitalisme globalisé. Ce sont ces raisons qui nous poussent à enfreindre les lois de tels États, dans ce cas-ci à voler des entreprises capitalistes afin de redistribuer des biens auprès de communautés qui sont directement affectés par ce système. Le vol à l’étalage est une forme d’action directe qu’un nombre incroyable d’individus emploient afin de se procurer ce qui leur est nécessaire et ce qui leur plaît, et que le système refuse de partager. Cette fois, nous avons décidé de le faire de manière intentionnelle et collective, comme action faisant partie d’une lutte anti-oppressive bien plus large, et dans un esprit de liberté et d’autodétermination globale.
Nous avons été inspirés par des luttes récentes qui sont géographiquement et politiquement proches de nous, et nous tenons à exprimer notre solidarité avec l’ensemble des actions qui ont été réalisées. D’abord, les nations et communautés autochtones qui continuent, depuis des centenaires, à lutter pour leur survie et pour la défense de la terre, de l’eau et de la vie : les Algonquins qui se sont mobilisés contre le développement de condos le long de la rivière Ottawa, les Innus contre le barrage électrique de Muskrat Falls, les Odjibway pour le nettoyage des sols et des eaux contaminés au mercure à Grassy Narrows, et les Mohawks de Kanehsatà:ke qui continuent à lutter contre l’exploitation minière dans leur communauté. Dans les derniers mois, il y a eu plusieurs occupations de bureaux et d’offices gouvernementaux par des gens qui dénoncent la complicité des États et du Canada dans la mort et la violence portée auprès de communautés marginalisées : l’occupation du mouvement Black Lives Matter devant le quartier général de la police à Toronto, les diverses occupations de communautés autochtones des bureaux de l’AANC (Affaires autochtones et du Nord Canada) en solidarité avec la nation Attawapiskat, et l’occupation de solidarité sans frontières des bureaux de l’agence frontalière canadienne à Montréal afin de dénoncer la violence de la déportation et des détentions des migrant-e-s et des personnes sans-statut. Nous sommes également inspirés par la résistance continuelle et moins visible de ceux et celles qui se battent pour leur survie et afin de vivre dans la dignité, forcée de vivre sans un statut légal, comme les personnes sans-papier, les personnes criminalisées et les personnes sans-abris.
Finalement, nous applaudissons l’impressionnante action anti-gentrification qui s’est déroulée à Saint-Henri, où des dizaines d’individus ont pillé un magasin gentrifié de et espace pour des milliers de dollars. Ces personnes sont proches de nous non seulement géographiquement et politiquement, mais également quant aux choix des tactiques qu’ils et elles ont décidé d’employer. Le déplacement forcé et la marginalisation des résidant-e-s vivant dans un quartier en raison de la gentrification relève directement du capitalisme et de la spéculation immobilière (entre autres) qui se déroule sur les territoires urbains. Le pillage et les attaques sur des magasins bourgeois représentent des moyens d’action importants afin de lutter contre la gentrification, que ceux-ci soient petits ou grands.
L’action qui a été menée à Saint-Henri a certainement réussi à faire mousser l’attention publique et les médias de masse autour de la question de la gentrification. À travers ces discussions, certains arguments sont ressortis auxquels nous aimerions maintenant répondre. Certain-e-s disent que la gentrification est causé principalement par de grandes compagnies immobilières ou encore par des magasins à grande superficie, et que nous ciblons donc les mauvaises personnes (dans ce cas-ci les petites boutiques). Cet argument ignore complètement le fait que le développement de la gentrification, qui se fait en grande partie par le développement de grands immeubles à condos, est grandement facilité par l’implantation de nouvelles petites boutiques chics ou de cafés hipsters, qui proposent des produits fins qui sont complètement hors de prix et que la plupart des résident-e-s du quartier ne peuvent pas se procurer (ce qui crée, éventuellement, le remplacement de la population actuelle par les propriétaires de ces nouveaux condos, et ainsi de suite). Pendant ce temps, la sécurité policière devient accrue puisqu’elle protège ces transformations, et la ville dénonce de toute évidence ces attaques puisqu’elle tire profit des changements qui se produisent dans le quartier.
D’autres personnes vont approuver la lutte contre la gentrification, mais vont dénoncer publiquement l’utilisation de tactiques de pillage et d’autres moyens considérés comme étant illégaux aux yeux de la loi. Nous répondons à cela que l’ensemble des systèmes dont nous luttons contre et qui sont interreliés, comme la gentrification, l’État canadien, et le capitalisme globalisé, sont porteurs d’une violence et d’un misère incroyable qui se déroule à tous les jours, et cela depuis des centaines d’années. Pour survivre, nous nous devons de lutter contre ces systèmes qui nous sont imposés. Vous dites que nous sommes allés trop loin avec nos actions considérées comme étant illégales? Nous disons que nous ne sommes pas encore allés assez loin, et même bien loin de là. Briser quelques lois qui nous sont imposées est le moindre que l’on puisse faire. Nous espérons de tout notre cœur, pour le bien de tous et toutes, que nous serons en mesure d’aller bien plus loin, ensemble et collectivement, par tous les moyens nécessaires et qui sont actuellement en notre disposition.
Par amour et en solidarité avec tous ceux et celles qui luttent!