Soumission anonyme à MTL Contre-info
Le 2 avril (c’est-à-dire, ce dimanche) un groupe d’extrême droite proche des mouvements évangélistes et conspirationnistes a appelé à aller manifester contre « l’heure du conte en drag » de Barbada, à la bibliothèque municipale de Ville Sainte-Catherine. Ce groupe est ouvertement transphobe et homophobe et a explicitement indiqué que ce nouvel effort ciblant les performances de drags devant des enfants était le début d’une campagne contre notre communauté.
Face à cette réalité, un réseau de personnes et de groupes trans et allié-es ont décidé de lancer un appel à la contre-manifestation pour bloquer l’extrême droite et protéger l’événement et les familles venues assister à l’heure du compte. Parallèlement, d’autres personnes/groupes on fait appel à des réponses similaires.
Il s’est avéré dans les derniers jours que Barbada s’oppose à ces réactions et préconise une sorte de stratégie non-interventionniste : ignorer l’extrême droite dans la perspective qu’en les ignorant, on limite leur visibilité et leur potentiel de croissance. Certaines initiatives ont d’ailleurs été annulées pour se plier à la volonté de Barbada.
Nous avons choisi de maintenir notre appel et de maintenir notre présence sur place. Bien que nous respections les choix stratégiques et politiques des autres groupes, nous considérons que notre démarche est préférable, et voici pourquoi.
D’abord, il faut comprendre que cette campagne naissante au Québec ne s’inscrit pas dans le vide et reflète l’importation d’un mouvement présent en Amérique du Nord anglo-saxonne. Ce mouvement s’organise contre les spectacles de Drag offerts aux enfants, en particulier les « heures du conte », dans le but de créer un narratif de prédation (« grooming panic ») autour du « travestissement ». Cet effort a d’ores et déjà mené à l’adoption de lois anti-drag aux États-Unis, écrites de manière à criminaliser les personnes trans (https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1966780/interdiction-spectacle-drag-show-etats-unis-enfants). Ces développements récents s’inscrivent dans un mouvement plus large favorisant la répression – et éventuellement l’éradication – des personnes trans. En ayant ça en tête, nous ne pouvons tolérer l’apparition de ce mouvement sur le territoire où nous vivons.
Il en va, à long terme, de notre sécurité, voire de notre survie. (Ces mouvements s’étant accompagnés de vagues d’assassinats de personnes trans, surtout de femmes trans.)
Ensuite, ça nous apparaît une mauvaise analyse de croire que la situation de dimanche concerne uniquement la personne de Barbada. Effectivement, c’est sa performance qui est ciblée et il y a possibilité que l’évolution de la situation ait des répercussions sur sa carrière. Cela dit, il ne s’agit pas d’un groupe anti-Barbada préparant une manifestation anti-Barbada. Nous sommes toustes concerné-es par leurs actions et leurs discours. Ne rien faire serait peut-être optimal pour les activités de Barbada, mais ça enverrait le signal que nous laissons ces groupes manifester sans opposition. C’est malheureux que Barbada se retrouve au milieu de tout cela, et nous sympathisons avec sa situation. Toutefois, nous considérons nécessaire de nous opposer à ce groupe protofasciste et à tous les groupes qui voudraient effacer nos existences, et ce, chaque fois qu’ils sortent leurs têtes hideuses, partout, tout le temps. Nous n’avons aucune confiance que la police ou les politiques nous protégeront.
Nous exprimons tout cela dans un esprit d’honnêteté et de dialogue. Nous invitons toustes les défenseur-es des drags/trans à faire usage de leur conscience pour choisir comment iels veulent agir pour la suite des choses. Nous ne chercherons pas à dénoncer qui que ce soit pour leur choix de stratégies ou de modes d’action, et espérons la même chose de notre communauté.
Avec amour et solidarité.