Le 23 août, des anarchistes se sont réuni.es afin de placarder, partout dans le Vieux-Port de Montréal, des affiches sur lesquelles on pouvait lire en français et en anglais :
Résistance à l’esclavage : de Marie-Joseph Angélique-1734 à la grève des prisons de 2018.
Du 21 août au 9 septembre.
Plus d’info : twitter.com/JailLawSpeak
Nous avons affiché sur le chemin où Angélique a été transportée, quelques moments avant d’être pendue et brûlée. Angélique, nous nous souvenons. L’esclavage, le vol des terres et les génoocides dessinent les contours des projets coloniaux inachevés de l’Île de la Tortue (Amérique du Nord). En solidarité avec les prisonniers et les prisonnières qui se battent contre l’esclavage dans toutes les prisons des États-Unis, nous tenions à (re)raconter l’histoire de Marie-Joseph Angélique. Angélique était une femme noire mise en esclavage à Montréal au 18e siècle et qui a été condamnée à la torture et à mort pour avoir supposément mis le feu à la maison de ses maîtres, causant ainsi un incendie qui a ravagé la majorité de la ville de Montréal. Nous proposons l’histoire d’Angélique comme exemple pour rappeler que le Québec et le Canada on pratiqué l’esclavage pendant plus de 200 ans. Nous avons choisi son histoire car elle permet de lier notre ville à la lutte en cours pour abolir l’esclavage sur le continent.
Les prisonniers étatsuniens et les prisonnières étatsuniennes ont organisé cette grève en l’inscrivant dans la longue histoire de résistance à l’esclavage. Le 21 août 1831 a marqué le début de la rébellion de Nat Turner, un moment significatif de la résistance des personnes mises en esclavage. Le 21 août 1971 marque aussi le jour où l’État a tué George Jackson, un révolutionnaire Noir emprisonné très impliqué dans les luttes de libération des peuples Noirs. La mort de Jackson a déclenché une période d’organisation dans les prisons. Le 9 septembre 1971 marque le début de la mutinerie de la prison d’Attica, une des moments les plus significatifs de la résistance dans les prisons aux États-Unis. Les prisonniers d’Attica ont fait paraître une liste de demandes raisonnables pour améliorer leurs conditions de vie. Ces demandes n’ont jamais été acceptées, mais elles ont une influence claire sur les grèves des prisonniers et prisonnières aujourd’hui. La résistance à l’esclavage est une lutte ininterrompue pour ceux et celles qui font face à l’incarceration aux États-Unis. Le 13e amendement de la constitution des États-Unis cite :
« Ni esclavage ni servitude involontaire, si ce n’est en punition d’un crime dont le coupable aura été dûment condamné, n’existeront aux États-Unis ni dans aucun des lieux soumis à leur juridiction. »
L’esclavage se poursuit aujourd’hui dans les prisons des États-Unis. Le 13e amendement justifie légalement la violence et les conditions brutales qui définissent le système carcéral. Ces conditions sont la raison de la grève menée par les prisonniers et prisonnières un peu partout à travers le pays et qui s’étendra sur les deux prochaines semaines. Même si le Canada n’a pas d’amendement constitutionnel similaire, nous voyons les prisons comme un symbole de la domination, mais aussi de l’extension du projet colonial canadien. Le but pemier du colonialisme de peuplement consiste dans la spoliation des terres pour l’établissement des colons et pour l’extraction des ressources naturelles. C’est à travers ces relations coloniales aux territoires que le système assure sa reproduction et l’accumulation des richesses. Les Premières Nations et les nations Inuits et Métis sont vues par les élites économiques et politiques comme un obstacle à la futurité coloniale. L’État et la société coloniale ont utilisé des tactiques et des stratégies telles que la surveillance, la disciplinarisation, la répression, et l’incarcération sur la base de la race et de la classe. Le contrôle et le confinement ne sont pas seulement centraux au projet colonial, mais les prisons et l’incarceration sont aussi des éléments stratégiques pour arracher les populations autochtones à leurs territoires, où elles contestent le pouvoir étatique.
L’esclavage, le vol des terres et les génocides continus sont les histoires fondatrices des États coloniaux qui occupent ce continent et elles sont au fondement des systèmes que nous cherchons à abolir. Nous lions les événements historiques mentionnés plus haut pour illustrer qu’ils appartiennent à un contexte global et prolongé d’expension coloniale, d’exploitation pour le profit et d’enrichissement de quelques humains au dépends de multiples formes de vie.
Solidarité avec les prisonniers en grève, en mémoire d’Angélique.
Contre les prisons, contre l’esclavage, contre le colonialisme!
Liens URL aux fichiers pdf des affiches : https://archive.org/details/PrisonStrike2018posters