Soumission anonyme à MTL Contre-info
Avant toute chose, je tiens à préciser que je n’ai en aucun cas participé à l’organisation de la manifestation du 15 mars contre la brutalité policière de cette année. Je connaissais certaines des personnes impliquées dans son organisation auparavant, et certaines des personnes impliquées dans l’organisation cette année, mais je n’ai vu l’organisation évoluer que de loin.
Donc oui, il y avait un nouveau collectif qui organisait la manifestation du 15 mars cette année. Pendant et après la manifestation, j’ai entendu un certain nombre de critiques, certaines chuchotées entre camarades, d’autres plus publiques. Pour ma part, je souhaite répondre à ces critiques. Je remercie sincèrement et entièrement le collectif du 15 mars, qui a pris les choses en main et a rempli de très grosses chaussures, avec très peu de temps pour le faire. C’est un travail ingrat, difficile et dangereux, et ces personnes ont toutes mon soutien pour s’y être attelées.
Était-ce parfait ? Non. Mais d’après ce que j’ai entendu, elles et ils ont eu à peine un mois pour le faire. Le fait que le collectif ait réussi à produire des tracts, des autocollants, des affiches et à créer une coalition dans un délai aussi court est tout simplement incroyable. Et même si elles et ils avaient eu plus de temps, nous savons tou-te-s que ces événements ne sont jamais parfaits : en tant que personne organisatrice d’événements radicaaux moi-même, je sais que nous faisons de notre mieux avec les maigres ressources dont nous disposons. Nous tirons toujours un millier de fils en même temps, et nous continuons toujours à marcher sur la frontière vers le burnout. Sans parler de la nature chaotique d’un événement radical, où tout peut arriver (et arrive souvent) et où il est impossible de prévoir toutes les éventualités. Et à mon avis, c’est là que réside la beauté de ce que nous faisons. Lors de nos événements, n’importe qui peut prendre l’initiative de brandir un drapeau, une bannière ou un mégaphone, et permettre à tou-te-s d’aller un peu plus loin que ce que l’on pensait.
L’organisation de cette année était-elle différente des manifs du 15 mars auxquelles nous sommes habitué-e-s ? Oui, mais rien ne devrait être inscrit dans la pierre, surtout pas les événements anarchistes. Oui, le format était différent, et bien que je ne connaisse pas les objectifs du collectif, j’ai eu l’impression que cela suivait un format que nous avions l’habitude de voir plus souvent dans les années 90s/00s. Au début, une manifestation semi-radicale, accessible au plus grand nombre. Et puis, par la suite, la vraie chose, pour celles et ceux qui veulent pousser les choses plus loin. D’après ce que j’ai pu voir, il y avait encore de la place pour une diversité de tactiques, c’est juste une manière différente d’organiser les choses. Et ce format est un bon moyen d’introduire des personnes qui ne se joindraient jamais à une manifestation radicale, pour voir ce qui se passe quand les gens sont plus combatifs.
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Le changement de tactique, le nouveau collectif du 15 mars… tout cela nous amène à l’état général de notre mouvement, de nos luttes.
Nous arrivons à un tournant dans nos collectifs, où certains vieux groupes semblent avoir des difficultés : par exemple, nous savons que le Salon du livre, un autre travail ingrat et difficile, a aussi des problèmes. Le COBP continue à faire des miracles avec, d’après ce que j’ai entendu, seulement une poignée de personnes. Et peut-être que l’organisation du 1er mai ne rassemble plus autant de monde qu’avant ? En même temps, de nouveaux collectifs radicaux émergent, comme l’ORA/RAO, le P!nk Bloc et maintenant le collectif du 15 mars. Il est peut-être temps pour nous, l’ancienne génération, de passer le flambeau à la plus jeune.
La nouvelle génération fera-t-elle tout comme nous, les ancien-ne-s, avions l’habitude de faire ? Va-t-elle façonner le mouvement comme nous, les vieilles et vieux punks, le voulons ? Non. Et c’est bien là le but. Les gens changent, les idées changent, et nos mouvements doivent changer avec eux. Les priorités, les tactiques et les objectifs de la prochaine génération ne seront pas les mêmes que ceux des anciens, et c’est tant mieux. Ce n’est pas comme si les priorités, les tactiques et les objectifs que nous utilisons en ce moment donnent beaucoup de bons résultats ces temps-ci, n’est-ce pas ?
Donnons à la prochaine génération une chance et un espace pour grandir, apprendre et, oui, faire des erreurs si nécessaire. C’est le seul moyen d’améliorer ce que nous avons construit au fil des ans et de le faire passer au prochain niveau. Et de faire en sorte que nos mouvements perdurent au-delà de nos propres vies, trop courtes et trop vaines.
Vive la prochaine génération de la Révolution,
Vive le nouveau 15 mars,
Et, comme toujours, ACAB partout.
une vieille personne camarade
Photo : André Querry