De Décivilize!
À l’occasion de leur Journée de la Terre (comme si toutes les autres jours ne devraient pas l’être!), une traduction du texte de Black Oak Clique
Une lettre ouverte et contre-manifeste envers Offensive Climatique, Extinction Rebellion, Earth Strike, et d’autres mouvements non-violents
Quand la fin du monde viendra, les gens sortiront de leurs appartements et rencontreront leurs voisins pour la première fois; il-elles partagent bouffe, histoires, camaradeie. Personne n’a plus à aller au travail ou au lavoir; personne ne se souviendra de regarder dans un miroir ou se mesurer, ni regarder ses email avant de quitter la maison. Les artistes de graffiti vont s’emparer des rues; les étranger-ères s’embrasseront, riant aux larmes. Chaque moment prend une forme immédiate pour ce qui jadis prenait des mois à réaliser; les fardeaux s’écroulent, les gens se confessent leurs secrets et s’accordent le pardon, les étoiles percent le ciel de New York City… et neuf mois plus tard, une nouvelle génération est née. (Crimethinc)
“La Terre ne se meurt pas, elle se fait tuer, et ceux qui la tuent ont des noms et des adresses. » Mais nous -moi, toi, et mêmes ceux qui tuent la terre? Nous allons tous mourir.
Dans le pire des scénarios, tu te noies, tu meurs de faim, ou bien tu souccombe à un arrêt cardiaque. Pas figurativement. Tu vas te noyer, crever de faim ou bien succomber d’un arrêt cardiaque. Peut-être y a la mince chance que vous survivrez la migration de masse vers les derniers confins de terres habitables près ou sur les pôles.
Peut-être!
Mais soyons réalistes ici : vous avez toutes les chances de mourir! Une mort lente, horrible, pénible, ça en sera une. On souhaiterait pouvoir affirmer que c’est un futur vers lequel on se rue à un rythme accéléré. Mais ce ne l’est pas : il s’agit du présent, matériel et palpable. Des îles coulent dans l’océan. Les pauvres se gèlent à mort dans les rues (dans les deux sens de l’expression). Des gens brûlent à vif dans des feux de forêt. La chute de la civilisation ne peut être qu’un simple événement. C’est un processus, présentement en cours.
Dans le meilleur des scénarios, la mort est la libération. Peut-être que le vrai “moi” – votre corps, votre conscience, votre âme, quoi d’autre – ne va pas mourir; à la place de cela, c’est votre “moi” abstrait – votre façon de vivre, vos relations sociales sous le capitalisme, votre système de signification qui martelé dans votre tête depuis le départ – qui va mourir.
“Pouvons-nous pas réformer le système?”
Non, nous pouvons pas. Le système est le problème, et ses racines sont profondes. Le problème n,est pas que le capitalisme. C’est aussi l’État, tout comme ce n’est pas seulement que l’État. C’est l’idéologie de la consommation elle-même; voulant que les êtres -plantes, animaux (incluant les humains désignés comme sous-humains), champignons et même les « ressources » naturelles inanimées- sont des objets à acheter, vendre, éventuellement consommés. Cette idéologie est peut-être la plus profonde idéologie que nous ayons. Elle pénètre tout forme de connaissance; de la science, aux arts, à la politique. Elle pénètre dans nos relations. Elle est aux fondements même de nos sociétés, si on ne peut la confondre pour la société elle-même – ce groupe d’humains au “h” majuscule, qualifés d’avoir suffisamment de valeur pour être circonscrits par l’abstraite communauté, laquelle se construit en opposition avec, littéralement, tout le reste.
Votre politicien-ne favori-e n’est pas immunisé-e à cela. Ni Trudeau ni GND, ni les Verts ni Mélenchon. Ni QS, ni le PS, ou l’Internationale Socialiste, pas même le Parti Communiste (révolutionnaire ou non). Peut-être (on en doute) que leurs coeurs sont à la bonne plance – mais hélas, ce n’est pas assez. Pour citer le splendide ouvrage de Peter Gelderloos, Anarchy Works :
Il y a des gens qui opposent le capitalisme par cause environementale, mais croient qu’une forme ou une autre d’État est nécessaire pour prévenir l’écocide. Mais l’État lui-même est un outil d’exploitation de la nature. Les États socialistes tels l’Union soviétique et la République Populaire de Chine se sont révélé parmi les régimes les plus écocidaires imaginables. Que ces deux sociétés n’aient jamais échappé aux dynamiques du capitalisme est en soi un caractère typique à la structure de l’État – nécessitant des relations économiques hiérarchiques et exploitatives, de commandement et de contrôle, et dès qu’on se met à jouer ce jeu, rien ne bat le capitalisme.
“Et puis la non-violence?”
Au sujet de la non-violence : il est criminel d’enseigner à une personne de se défendre elle-même lorsqu’elle est constamment victime d’attaques brutales. (Malcolm X)
La lutte contre l’écocide n’a jamais été non-violente, et ne le sera jamais, car elle ne peut simplement pas l’être. C’est parce que l’écocide est violence; violence contre moi et toi, contre les animaux sauvages et domestiques, contre les arbres, les herbes, les eaux et les montagnes. L’insurrection climatique de l’autodéfense.
L’adhérence stricte à la non-violence – étant le rejet total de la violence – est la complicité face à la destruction environnementale. Ce n’est pas une « offensive », ni une « rébellion », et ce n’est pas une « coup » porté au changements climatiques. Plusieurs d’entre nous n’ont pas le privilège d’être non-violent-es; notamment les gens parmi nous étant déjà marginalisé-es. Nous serons les premiers-ères à y passer. Nous sommes les travailleur-euses des fermes rurales et leurs familles qui se font gicler dessus des pesticides. Nous sommes les sans-abris se gelant à mort dans les vortex polaires. Nous sommes les indigènes dont les maisons se font engloutir par la mer. Nous sommes les pauvres qui n’auront pas le capital nécessaire pour le long périple vers des terres habitables dans le Nord. Si nous ne sommes pas violent-es – si on ne se rebelle pas contre le système qui nous opprime – nous serons écrasé-es. Ne soyons pas complices de notre propre mort, à travers la vôtre.
“C’est quoi l’insurrection climatique”
Peut-être le seul espoir que vous et moi avons. C’est de détruire ce qui nous détruit, par tous les moyens possibles
“Ça ne va pas heurter le mouvement?”
Non. Une meilleure question serait : qu’est-ce que les manifestations « non-violentes » nous ont fait gagner sur le long terme? La réponse étant : absolument rien. Plusieurs mouvements soi-disant « non-violents » tels le mouvement des Droits civiques, furent d’une violence inouïe. Il y eut des centaines à travers les États-Unis, et bien-sûr, l’existence de groupes paramilitaires armés tels les Black Panters et les Brown Berets. On pourrait affirmer la position que ce discours sur la non-violence est mis de l’avant par les même personnes dont le pouvoir serait susceptible d’être menacé par la violence, car la violence équivaut à un changement (possiblement immédiat) de situation. Voilà pourquoi ces gens célèbrent la Journée Martin Luther King au États-Unis, une journée reconnue au niveau fédéral; mais par la Journée Malcolm X. Même l’exemple le plus cité de résistance non-violente, le mouvement d’indépendance Indien, ne l’était pas tant. Bhagat Singh, qui après son exécution est devenu un héros populaire de la cause, fut inspiré par l’anarchiste français Auguste Vaillant pour son attaque à la bombe de l’Assemblée législative du Raj Britannique. Moins d’un an auparavant, il avait assassiné un officier de police Britannique en riposte pour la mort du chef nationaliste Lala Lajpat Rai.
“Ça ne serait pas contre-productif?”
Contre-productif à quoi? À faire passer des réformes insigifiantes? D’avoir des victoires à la Pyrrhus à travers le circuit légal? De performer des marches impotentes à travers des villes d’importance qui ne font rien d’autre que d’avoir une couverture tiède dans des journaux de second degré?
Demandez aux poules d’abattoir, libérée de leurs cages étroite, ou aux forêts natives protégées indéfiniment par des saboteurs contre les coupes d’arbres ou les développements (ainsi que tous les animaux pour lesquels ces forêts sont leur maison) : est-ce que l’action directe est productive?
L’action anarchiste – patiente, cachée, tenace, impliquant des individus, rongeant les institutions comme des vers mangent un fruit, comme les termites bouffent des arbres majestueux de l’intérieur – de telles actions ne se prêtent pas aux effets théâtraux de ceuxelles qui ne cherchent qu’à attirer l’attention.
Pour citer le grand maître de l’illusion George Méliès, « je dois avouer, à mon plus grand regret, que les trucs les plus faciles sont ceux qui ont le plus grand impact ».
“Si l’insurrection c’est si grandiose, pourquoi les gens ne sont pas en train de la faire?”
Des gens le font. Vous n’en avez seulement pas entendu parler car les médias sont assez rusés pour le cacher (le plus souvent). D’entendre les histoires héroïques de ceuxelles qui rispostent pourrait s’avérer trop dangereux d’être entendu par la majorité des gens – on coure le risque de les voir se radicaliser. Mais des mouvements tel la ALF et ELF msont en guerre contre l’écocide depuis les années ‘70.
“Je veux pas aller en prison.”
Nous sommes des gens qui rêvent d’un monde sans prisons.
“J’ai peur.”
Nous avons peur aussi. On aura peur, même si, aussi, on se doit d’être fort-es.
“Qu’est-ce qu’on peut faire?”
Laissons le grand activiste Keith Mann répondre:
Laboratoires envahis, serrures engluées, arbres cloutés, dépôts pillés, vitres cassées, constructions suspendues, visons libérés, clôtures déchirées, taxis en feu, bureaux en flammes, pneus taillés, cages vidées, lignes téléphoniques coupées, slogans barbouillés, boue tartinée, dommages commis, électricité en panne, sites inondés, chiens de chasse volés, manteaux de fourrure découpés, édifices détruits, renards libérés, chenils attaqués, compagnies dévalisées, colère, révolte, outrage, truands masqués…
“Et si je n’ai pas l’habileté de combattre?”
Vous l’avez, même si peut-être pas physiquement. Malgré le ton de cette lettre, nous ne sommes pas complètement opposé-es à l’action à découvert. En fait, dans certains cas, nous le jugeons nécessaire. Des groupes comme Earth Liberation Prisoners Support Group et Animal Liberation Front Supporters Group sont actifs pour représenter et défendre des militant-es. Comme le Sinn Féin,
Le Sinn Féin tout comme l’IRA jouent des rôles différents mais différents dans la guerre pour la libération nationale**. L’Armée Républicaine Irlandaise mène une campagne armée… le Sinn Féin maintient une guerre de propagande et est le « public » et la voix politique du mouvement.
“Qu’est-ce qui se passera par la suite?”
On sait pas. Mais avec un peu de chance, nos options ont été dévoilées…
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* re-contextualisation Franco-Québécoise, pour les lecteurices
** on sait que l’exemple de la IRA/Sinn Féin est problématique, pour leurs politiques autoritaires nationalistes crasses. La traduction de cet exemple n’est pas un endossement de ces visions.