Saguenay, 5 juillet // Quarante repas ont été distribués aujourd’hui au centre-ville de Chicoutimi à l’occasion de la Marmite autogérée organisée par le Collectif anarchiste Emma Goldman. Le thème de l’événement était « la solidarité ne sera jamais confinée » pour souligner le rôle essentiel des réseaux d’entraide dans ce contexte difficile. Des sous-marins froids emballés étaient offerts en respectant la distanciation physique et les gens sur place ont pu prendre ou donner « au tas » [1] dans le marché gratuit. Bien sûr, les discussions et échanges de points de vue ont été plus que toute autre chose au cœur de l’événement.
Les grands oubliés et grandes oubliées de la pandémie ont été les personnes moins nanties et marginalisées. Ces personnes vivaient déjà des situations difficiles avec l’embourgeoisement du centre-ville. La hausse du coût des loyers, le harcèlement et la répression par les policiers et le désert alimentaire, de pair avec l’effritement du filet social et les politiques d’austérité, causaient déjà leur lot de misère dans le quartier. Aujourd’hui, dans l’ombre des commerces de la rue Racine qui chantent le déconfinement en pleine rue se trouvent bien du monde qui en arrachent et qui n’ont pas reçu d’aides supplémentaires pour faire face à tous ces tracas.
Des locataires nous ont encore une fois fait part du prix exorbitant qu’exigeait leur propriétaire (exemple 530$/mois pour un 1 et demi tout petit) et des réparations qui se faisaient attendre durant des semaines. Pour une très grande partie des moins nanti-e-s, le loyer prend la plus grande part de leur revenu. Nous avons bien vu avec la maison de chambre du 734 rue Racine l’an dernier que la ville tolère que les propriétaires de taudis continuent leur exploitation sans scrupule, même après un incendie avec des dégâts considérables (et un mort dans ce cas). La pandémie a accru la difficulté de payer des gens et a donné de nouvelles excuses aux propriétaires qui négligent le logis de leurs locataires. Par contre, seules les entreprises ont eu de l’aide.
La Marmite autogérée se veut une réponse autonome et libertaire aux besoins du quartier. Nous ne recevons aucun financement. Nous sommes des travailleurs et des travailleuses et des sans-emplois du quartier qui veulent favoriser l’entraide en offrant à tous et toutes, sans distinction, un repas nourrissant gratuit pour tous les appétits. Nous sommes critiques de la direction du mouvement communautaire et de ses bailleurs de fonds (étatique ou privé) à travers l’institutionnalisation et des pratiques s’apparentant à la charité chrétienne. Les mobilisations collectives par la base et l’éducation populaire sont essentielles pour retrouver la dignité, ainsi qu’une voix dans ce système. À travers la Marmite autogérée, nous voulons encourager le développement de réseaux d’entraide et la multiplication des initiatives autonomes de solidarité.
Collectif anarchiste Emma Goldman
[1] En référence à l’expression économique de Pierre Kropotkine dans « La conquête du pain ».