Montréal Contre-information
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Sep 142018
 

Du Collectif Emma Goldman

Lors de la première élection où j’étais en âge de voter, le Parti québécois (PQ) formait le gouvernement et avait instauré le déficit zéro comme religion d’État. Dans les mois qui ont précédé la campagne électorale, l’Action démocratique du Québec (ADQ), formée par d’anciens libéraux nationalistes, trônait dans les sondages et incarnait le changement.  Mais cela n’a duré que le temps d’une saison ou de quelques élections partielles. Lors de l’élection générale de 2003, les électeurs et électrices ont opté pour l’alternance libérale et on a eu le droit par la suite à 15 ans de tarification, de privatisations, de corruption, de collusion et de mesures antisociales. Durant cette quinzaine d’années, avec une parenthèse péquiste marquée par la charte sur la catho-laïcité, les libéraux ont essayé de nous enfoncer la réingénierie de l’État. Ils se sont attaqués au programme des prêts et bourses, ont dégelé les frais de scolarité et ont lancé le Plan nord pour aider leurs petits amis de l’industrie minière. Le dernier mandat fut marqué par l’austérité et la réforme Barrette (un transfuge de la Coalition avenir Québec (CAQ)) en santé.

Aujourd’hui, nous revoilà en élection. Comme il y a 15 ans, un « nouveau » parti, la CAQ, trône dans les sondages et incarne « maintenant » le changement. Rappelons que ce parti est composé d’anciens adéquistes, de libéraux et de péquistes opportunistes. Comme quoi, plus ça change…

Campagne électorale: on n’attrape pas les mouches avec du vinaigre

Pendant un peu moins de 40 jours, les formations politiques profitent de l’attention médiatique pour essayer de séduire l’électorat. Cette campagne, outre que d’être d’un ennui mortel, ne devrait pas faire changer de direction la vague de cynisme et de désengagement de la population. Ce n’est pas non plus la campagne du directeur général des élections sur la participation électorale qui fera fléchir la tendance. Pour le simple fait que cette élection n’est qu’une Xème campagne de relation publique pour nous donner l’illusion d’un choix démocratique.  Comme l’écrivait Octave Mirabeau en 1888 dans la Grève des électeurs :

« …souviens-toi que l’homme qui sollicite tes suffrages est, de ce fait, un malhonnête homme, parce qu’en échange de la situation et de la fortune où tu le pousses, il te promet un tas de choses merveilleuses qu’il ne te donnera pas et qu’il n’est pas d’ailleurs, en son pouvoir de te donner. L’homme que tu élèves ne représente ni ta misère, ni tes aspirations, ni rien de toi ; il ne représente que ses propres passions et ses propres intérêts, lesquels sont contraires aux tiens. »

Au-delà du piège à cons

« L’État est toujours un pouvoir conservateur qui authentifie, régularise, organise les conquêtes du progrès mais ne les inaugure jamais. Elles ont toujours leur origine dans la base populaire… » – Sismondi

Les libéraux, dans leur tentative de s’accrocher au pouvoir, nous promettent des lendemains qui chantent après avoir eu 15 ans pour réaliser leurs promesses. Les péquistes jouent quant à eux leur survie et dépoussièrent leur vieux fond plus progressiste après avoir transformé le rêve d’une génération en un projet bureautico-comptable, pour ensuite le repousser aux calendes grecques. Mais la campagne du PQ, tout comme celle de Legault, est torpillé par les déboires de ses candidatEs et les médias en raffolent.

L’urgence…

Récemment, François Legault, le meneur dans les sondages, nous faisait part de sa plus grande peur, soit que ses petits-enfants ne parlent plus le français. Après avoir vécu un été caniculaire, le chef de la CAQ aurait de bonnes raisons de s’inquiéter pour l’avenir de ses petits-enfants. Car ce n’est qu’un début, les changements climatiques entraîneront dans les prochaines années la hausse du niveau des mers, la désoxygénation et acidification des océans, des modifications dans l’aire de distribution de certains animaux et espèces végétales, la destruction d’écosystèmes rares, des inondations, des records de chaleur, l’augmentation des typhons, des inondations, des cyclones, etc.

Mais non, le problème c’est que l’immigration est une menace pour la langue française. Du moins, c’est pour l’heure ce qui est le plus payant de dire en période électorale. Peut-être qu’on parlera des dérèglements climatiques lorsque qu’ils entraîneront des vagues de réfugiés climatiques et que ça fera capoter la droite identitaire, populiste et fascisante.

Et Québec Solidaire et les Verts dans tout ça? 

Québec Solidaire (QS) essaie de jouer dans la cour des grands avec un bel autobus orange et en nous présentant un argumentaire tout aussi comptable que les autres.  Comme sur le salaire minimum à 15$ de l’heure: « Quand on augmente le pouvoir d’achat des gens, ils dépensent cet argent-là autour d’eux. Rapidement, la hausse du salaire minimum va stimuler l’économie locale », a déclaré par l’entremise d’un communiqué le co-porte-parole de QS Gabriel Nadeau-Dubois. Vive la société de consommation! Et ça c’est sans compter que le parti a émis le souhait d’aider les entreprises à s’adapter à la hausse du salaire minimum . Et pourtant, les chroniqueurs de Québécor continuent d’affirmer que QS appartient à la gauche radicale. On dirait bien que ces chroniqueurs confondent les économistes John Maynard Keynes et Karl Marx.

De leur côté, les Verts proposent la semaine de travail à 32 heures. En conférence de presse, Alex Tyrell a expliqué vouloir réduire la semaine de travail: « pour que les gens puissent avoir plus de temps en famille, plus de temps pour s’impliquer dans la communauté… ». Déjà, c’est plus intéressant que le statu quo, mais le chef vient gâcher le tout en affirmant: « pour qu’on puisse profiter de la nouvelle technologie qui fait en sorte que les gens sont plus productifs avec moins d’heure travaillées. »

On est encore loin de la nécessaire décroissance libertaire .

Alors le 1er octobre, « je rentre chez moi et je fais la grève ». Évidemment, le changement souhaité n’adviendra ni par les urnes, ni par l’abstention. Pour mettre fin à l’ordre de privilèges et d’exploitation vécu sous le joug du capitalisme, du patriarcat et du colonialisme, nous devons renforcer l’autonomie de nos collectivités en reprenant individuellement et collectivement le contrôle de nos vies, de nos villes et de nos moyens d’existence.

Ngalla, membre du collectif anarchiste Emma Goldman

N.B. Nos propositions feront l’objet d’un prochain texte à paraître sous peu.