Déconnexion
Ceux et celles qui ont pris conscience de la destruction de l’environnement par les livres ou internet ne peuvent espérer sauver quoi que ce soit. L’annihilation de la nature se déroule autour de nous depuis maintenant des siècles; ça prend un aveuglement particulièrement bourgeois pour passer devant des forêts dévastées, des cheminées industrielles crachant leur boucane et des kilomètres de béton et d’asphalte sans rien remarquer avant qu’on en parle dans les journaux. Les gens pour qui la réalité est constituée d’articles de journaux plutôt que du monde qu’ils peuvent voir, entendre et sentir, sont condamnés à détruire tout ce qu’ils touchent. L’aliénation est la source du problème, la dévastation environnementale en découle naturellement. Quand les marges de profit sont plus réelles que les êtres vivants et les plantes, lorsque les protocoles d’émissions de gaz à effet de serre sont plus réels que la disparition des milieux humides qui se produit en ce moment même dans les banlieues comme Laval, le monde a déjà été condamné à la destruction. La crise écologique n’est pas un événement qui pourrait arriver, apparaissant indistinctement à l’horizon; c’est le décor de nos vies quotidiennes. Les bisons piétinaient le sol sous nos pieds, ici même, il y a quelques décennies. Les minces bordures d’arbres longeant l’autoroute 20 et cachant les forêts rasées sont aussi réelles que les coupes à blanc des forêts humides d’Amazonie. Notre détachement d’avec la terre est catastrophique peu importe si le niveau de la mer augmente, ou si la désertification et la famine qui accablent les pays voisins se sont rendues jusqu’ici.
Acheter, c’est voter : Le droit de vote retiré aux pauvres
Comme d’habitude, les responsables de cette crise sont aussi ceux qui s’empressent de nous expliquer qu’ils sont les plus qualifiés pour y remédier. Mais il n’y a aucune raison de croire que leurs motifs ou leurs méthodes ont changé. Là où d’autres voient épreuves et tragédie, les entrepreneurs y voient une occasion d’encaisser et saluent l’apocalypse avec leurs portefeuilles tendus. Les catastrophes naturelles deviennent des opportunités commerciales inespérées et des occasions de poursuivre le développement immobilier et la gentrification. Les réserves alimentaires contaminées par les toxines permettent de créer un marché élitiste “biologique” accessible aux mieux nanti-e-s. Ce qui auparavant était pris pour acquis en agriculture (produire des aliments sains et nutritifs) est maintenant un privilège commercial. Aussi longtemps qu’être écologiquement “responsable” demeurera une alternative réservée aux riches, la crise ne pourra que s’intensifier au profit des compagnies qui nous vendent leurs lignes de produits “respectueux de l’environnement” pour soulager notre culpabilité de civilisés.
On se réjouit de voir un mouvement de masse de réduction des sacs de plastique, au profit de l’alternative durable des sacs tissus. Certain-e-s vont même jusqu’à féliciter les commerçants de charger aux consommateurs le prix du sac en plastique. C’était la dernière chose qui nous était donnée. Si les entreprises se souciaient sincèrement de l’environnement, elles auraient donné des sacs en tissus ou simplement arrêté de produire des sacs de plastique. Où le public voit de l’écologie, il n’y a pourtant que de l’économie. Maintenant, les deux types de sacs nous sont chargés, blanchissant les supermarchés et évacuant encore une fois la culpabilité et la responsabilité sur les individus.
Il en est de même pour les bixis qui envahissent nos routes. On se félicite de voir un moyen de transport “durable” se développer au profit des alumineries canadiennes (qui polluent des milliards de litres d’eau, détruisent des territoires et des communautés d’Afrique pour extraire la bauxite, nécessitent une quantité astronomique d’énergie provenant de l’inondation et de la destruction environnementale nécessaires à la construction de barrages hydroélectriques) qui nous font oublier que la bicyclette est avant tout un moyen de transport qui nous rapproche de notre autonomie. Pourquoi avoir son propre vélo et apprendre à le réparer, l’ajuster, acquérir des connaissances en mécanique, etc., lorsqu’on peut appuyer sur un bouton lorsque le nôtre est brisé, être coupé du fonctionnement même de nos déplacements, servir de publicité sur roues pour les “partenaires” de cette belle initiative “verte”, consolider le principe d’utilisateur-payeur et contribuer à rendre accessible la bonne conscience aux automobilistes bourgeois pendant que des centaines de camions transportent ces vélos aux quatre coins de la ville pour les répartir aux bornes.
Les solutions symboliques, commerciales et dérisoires pullulent pendant que rien de tangible n’est fait pour arrêter le massacre. Des milliers de personnes participent à l’Heure de la Terre (éteindre ses lumières tous en même temps pour une heure dans l’année), la journée En ville sans ma voiture ou les Lundis sans viande, des designers inventent des polices d’écriture micro-perforées afin d’économiser de l’encre à l’impression, des familles mangent leur pique-nique avec des ustensiles compostables (mais jetables aussi), et on se félicite entre nous de remplir à ras bord son bac de recyclage. Toute solution qu’on nous vend en nous annonçant qu’on pourra maintenir notre vie quotidienne telle qu’elle est en ce moment est un leurre.
“Ne voyez-vous pas que le véritable but du Novlangue est de restreindre les limites de la pensée ? À la fin, nous rendrons littéralement impossible le crime par la pensée car il n’y aura plus de mots pour l’exprimer.” écrivais George Orwell dans 1984. En effet, le plus aliénant est de nous voir dépossédé-e-s de notre propre langage. Des expressions comme “sauver le planète” qui signifient quelque chose d’aussi colossal (La planète est le lieu où tous les êtres humains, animaux, plantes qu’il nous est possible de connaître sont nés et mourront, le lieu sur lequel existent tous les endroits qu’il nous est possible de visiter. Sauver, c’est tirer quelque chose de tous dangers, voire d’une destruction certaine.) sont récupérées et mises dans des contextes triviaux et banals comme “Sauvez la planète en recyclant une canette.” Les termes comme “développement durable” utilisés par les écologistes dans le passé sont maintenant produits à la chaîne, vidés de leur sens initial. Les politiciens nous parlent d’industrie minière comme du “développement durable” alors qu’il s’agit de ressources non-renouvelables. C’est simplement devenu la nouvelle étampe accolée à tout projet de développement industriel. On va parfois jusqu’à réduire un enjeu tragique à une couleur. Une fois que la conscientisation populaire est récupérée en stratégie marketing, en nouveau profil de consommateur, il est si facile de faire passer de mode le vert, parce qu’on réduit l’enjeu à ça : une mode.
Les gains de la lutte écologiste ont toujours été minimes, truffés de compromis et temporaires. Nos pertes ont toujours été immenses, catastrophiques et permanentes.
Individualisme
Il existe des alternatives pertinentes au mode de vie d’assassin quotidien. Permaculture, toilette à compost, dumpster diving, récupération des eaux grises, etc. Un individu ou une communauté peut avoir un mode de vie entièrement durable sans jamais faire obstacle aux corporations et gouvernements responsables de la vaste majorité de la dévastation environnementale. D’autres pensent qu’être végétalien et attendre patiemment que l’ensemble de la population les imite suffira à faire tomber une industrie aussi profitable que l’exploitation massive des animaux non-humains. Se garder les mains propres – “montrer le bon exemple” qu’aucun homme d’État, magnat ou PDG ne suivra – est insensé à l’heure ou d’autres transforment la Terre en dépotoir. Pour montrer un meilleur exemple, arrêtons-les.
La Fausse Nature
Le pays volé sur lequel nous habitons appartenait à un peuple génocidé qui connaissait l’importance de laisser libre la nature sauvage. Une pépinière d’arbres identiques n’est pas une forêt. Un barrage hydroélectrique où meurent les saumons en quête de chutes n’est pas une rivière. Mais on continue à vouloir nous faire avaler des âneries telles que le Plan Nord contribuerait à la “protection de l’environnement et à la sauvegarde de la biodiversité” (tout en détournant toutes les grandes rivières nordiques et en mettant en péril la fragilité des écosystèmes sur 72 % du territoire québécois, en créant de la main d’œuvre jetable, des infrastructures routes, mines, écoles, usines de transformation, hôpitaux, garderies qui seront laissées à l’abandon quand l’exploitation ne sera plus rentable et en détruisant des communautés autochtones déjà assez massacrées par des décennies de colonisation forcée). Le Plan Nord n’est que la continuité du plan de colonisation et de civilisation qui existe depuis l’arrivée des premiers conquérants européens et qui s’est accéléré depuis les 60 dernières années. La domestication des “sauvages” n’est pas la seule à s’être opérée avec brutalité, celle de notre environnement visuel aussi. Sur nos routes de campagnes des champs à perte de vue, symboles de l’exploitation continuelle du sol, de la déforestation massive opérée par les colons, de l’utilisation intensive de pesticides, de la pollution des cours d’eaux, de la réduction de la biodiversité et de l’érosion des sols. Dans nos cours et devant nos maisons, des étendues de gazon, tradition datant du temps des aristocrates français qui avaient tellement de terres cultivables qu’ils pouvaient se permettre d’en gaspiller avec de l’herbe pour baver leurs voisins moins nantis. Et nous nous convainquons que nos pelouses vertes nous rapprochent de la nature quand elles ne font que nous conforter dans nos illusions.
Attaquer
Oubliez l’hydroélectricité, l’énergie solaire et les éoliennes. (Les énergies “propres” servent à soutenir la productivité qui est pourtant la cause du problème. C’est au nom de la productivité que l’on a tout dévasté.) Oubliez les biocarburants, le marché du carbone, les programmes de recyclage et les monocultures biologiques. Cessez de parler de nouvelles législations ou toute autre solution insuffisante ou inefficace telle que les urnes, les pétitions ou autres farces. Mendier des compromis aux dirigeants ne peut être une vraie solution, puisque le fait qu’une minorité ait le pouvoir est la cause du problème. Se proclamer écocitoyen, c’est valider son appartenance à l’État. Les sociaux-démocrates se sont réjouis de voir Bush être remplacé par un Barack Obama qui a pourtant inauguré un missile fonctionnant au biodiésel pour célébrer le jour de la Terre. Peu importe si le pied de l’État qui écrase la nature est un pied gauche ou un pied droit. Même les bienfaiteurs réformistes n’essayent pas tant de sauver l’environnement que de protéger les causes de sa destruction pour éviter que l’écroulement écologique ne déstabilise le capitalisme. Guère étonnant que les initiatives d’entreprises et leurs motivations jouent un rôle si important dans les solutions qu’ils proposent.
Alors que toutes les tactiques essayées ont échoué, notre seul espoir est de nous battre de nos propres mains, nous appuyer contre le sol qui est sous nos pieds en redécouvrant au passage ce que signifie faire partie de ce monde sans en être détaché. Chaque fois qu’ils coupent un arbre, nous pouvons les en empêcher. Chaque fois qu’ils relâchent un poison dans l’atmosphère, nous pouvons les bloquer. Chaque fois qu’ils nous présentent une nouvelle technologie “durable”, nous pouvons les démasquer. Ils n’arrêteront pas d’eux-mêmes de détruire la planète, sauf si nous rendons sa destruction trop coûteuse. Le plus tôt sera le mieux.
Cette idée n’est pas nouvelle. Alors que les dirigeants corporatistes de Greenpeace négociaient à la baisse avec des pollueurs (souvent en échange de postes importants dans le milieu des finances), des groupes comme Sea Shepherd attaquaient les baleiniers illégaux à coup d’éperonnages et d’abordages en pleine mer. Aux États-unis et en Europe, des individus et cellules autonomes sans autorité formelle, hiérarchie, adhérents ou porte-parole officiel, réunis sous le nom d’Earth Liberation Front, ont choisi le sabotage et l’incendie pour nuire économiquement aux entreprises responsables de l’écocide. En fait, toute action directe qui vise à faire cesser la destruction de l’environnement et qui adhère pleinement aux principes de ne mettre en danger aucune vie humaine ou non-humaine, peut être considérée comme une action d’ELF. L’objectif est d’infliger le maximum de dommages financiers à ceux qui profitent de la destruction et de l’exploitation de l’environnement.
Mais il ne faut pas croire que notre pouvoir tangible d’agir directement contre le saccage de l’environnement est protégé par la loi. Il ne faut pas non plus penser que la loi a une quelconque valeur morale. Ne confondons pas légalité et légitimité. De moins en moins de gens sont croyants. Nous succédons à la Révolution Tranquille et à la laïcisation de nos institutions. Mais si Dieu n’est plus présent dans nos vies, ses dogmes lui ont survécu. L’idée dichotomique du bien et du mal qui seraient des valeurs absolues continue de nous dicter notre morale. Construisons notre propre morale. Observez la nature qui se meurt autour de vous, demandez-lui ce qu’elle veut vraiment pour décider vous-mêmes ce qui est bien et ce qui est mal.
Un autre relent de notre héritage judéo-chrétien est la culture du péché. On se confesse d’avoir laissé couler l’eau trop longtemps pendant qu’on se brosse les dents et on se flagelle pour se punir d’utiliser un sac en plastique. On fait peser la culpabilité sur les individus pendant que les corporations rendent notre eau imbuvable et notre air irrespirable. Le pacifisme n’est souvent pas le résultat d’un questionnement profond, mais souvent de la pacification opérée par l’État. Dans notre rôle social, nous n’avons pas besoin de haïr. Les soldats haïssent pour nous, car ils ont besoin de tuer. Ils tuent ceux qui font obstacle à l’expansion de la civilisation. Ils tuent pour le pétrole de nos voitures et de notre plastique.
La police a le monopole de la violence. Quand la police tue, c’est juste un accident, une erreur professionnelle. Lorsqu’un manifestant casse une vitre, c’est du vandalisme, de la violence ? Franchement ! Lorsqu’on entend que “être violent, c’est tomber dans leur piège, c’est devenir comme eux”, cette attitude profite à ceux qui nous dominent. Réapproprions-nous notre haine et notre violence. Ce mot est d’ailleurs largement galvaudé. Comment peut-on utiliser le même mot pour désigner un bris de matériel que pour désigner des blessures infligées à des humains ou l’annihilation du vivant. De la machinerie qui rase les forêts et détruit les milieux naturels de plusieurs espèces pour l’étalement urbain, on appelle ça du développement économique, gérer des ressources, de la productivité durable. Un gars de Chambly qui, en 2010, incendie pour 1,5M$ de machinerie lourde pour la mettre hors d’état de nuire, on appelle ça du terrorisme. L’objectif n’est pas d’imposer la violence au même titre qu’on nous impose la paix. Ce serait perpétuer la domination, mais à l’inverse. Il faut respecter la diversité des individus et des tactiques. L’objectif est plutôt de penser en termes d’efficacité, plutôt qu’en termes de symbolisme et de bonne conscience.
Ressources:
La Mauvaise Herbe
http://anarchieverte.ch40s.net/partenaires/la-mauvaise-herbe/
How Nonviolence protect the State (Peter Gelderloos)
http://zinelibrary.info/how-nonviolence-protects-state-peter-gelderloos
End: Civ (Un film de Franklin Lopez)
http://submedia.tv/endciv/
De la Servitude Moderne (Un film de Jean-François Brient)
http://www.delaservitudemoderne.org/
Endgame (Derrick Jensen)
Sommaire:
- La formation de bandes : Une tactique dans le but d’accroître nos forces et notre autonomie
- Occupation: un guide Do-It-Yourself
- Les universités comme espaces de subversion
- Culture de la sécurité
- Conseils pour les manifestations
- Pourquoi porter un masque?
- Les bombes de peinture
- Lectures supplémentaires
Si vous désirez des copies papier :
- L’Insoumise, 2033 St-Laurent
- La Belle Epoque, 1984 rue Wellington
- QPIRG Concordia, 1500 de Maisonneuve O., suite 204
- QPIRG McGill, 3647 University
Quelques réflexions sur l’escouade GAMMA
Nous avons eu la puce à l’oreille récemment qu’au sein du Service de Police de la Ville de Montréal (SPVM), il s’est constitué une nouvelle unité : l’escouade GAMMA (le Guet des activités et des mouvements marginaux et anarchistes).
Il nous a semblé important de diffuser publiquement nos réflexions et de faire une critique en partant de notre position, soit en tant qu’anarchistes. Nous ne voulons pas nous faire porte-parole DES anarchistes, nous nous exprimons en tant qu’individus. Nous espérons stimuler des discussions à ce sujet.
Selon nous, l’escouade GAMMA doit être comprise telle une autre adaptation de l’État dans un contexte d’austérité qui s’accentue. Son mandat est certainement de faire en sorte que l’État maintienne son pouvoir de contrôle social en réprimant la révolte.
Pourquoi GAMMA ?
La nouvelle escouade se situe sous la direction de la Section des Enquêtes spécialisées, dont font partie, entre autres, la division du crime organisé. Comme pour les gang de rues, la mafia ou les motards, GAMMA a pour mission de profiler et d’accumuler des informations sur les actions, les intérêts et les manières de vivre des personnes « marginales et anarchistes », donc quiconque qui questionne l’ordre établi. En tentant d’établir de nouveaux réseaux d’accointance, de liens, d’affinités entre individus, l’État montre son intention d’aiguiser la répression, une répression qui n’est évidemment pas nouvelle.
Plusieurs motifs justifient le fait que le SPVM doit aujourd’hui disposer d’une escouade visible spécialisée en la matière. Pourquoi la police doit-elle explicitement viser les anarchistes? En les pointant du doigt avec l’aide des médias de masse, l’État personnifie l’anarchiste sous un visage de dangereux terroriste et appelle la population à jouer les délateurs afin de se protéger de sa soit-disant menace. Nous avons vu ces citoyens-flics agir en Angleterre avant et après les émeutes, s’organiser en milice d’autodéfense citoyenne et téléphoner au numéro sans-frais pour dénoncer les émeutiers. Cela nous donne un exemple cauchemardesque de ce futur possible. En projetant l’anarchiste comme »Le dangereux », l’escouade GAMMA veut tracer une ligne claire entre les anarchistes criminels et tout les autres (que l’on présume ne pas vouloir être criminalisés)- un classique; diviser pour conquérir, metre les gens dans des boîtes isoler les uns des autres. Ils croient pouvoir décourager toute autre personne à utiliser ces moyens d’action quand leur viennent des inspirations potentielles de révolte ou à s’identifier avec les rebelles. En réalité, cette ligne n’est absolument pas clair et le désire de combattre l’ordre social est loin d’être unique aux anarchistes.
Notre société, en fait, pour fonctionner, a besoin de dominer les manifestations du vivant. Nous savons aussi qu’il est physiquement impossible pour la police d’être présente à chaque centimètre de notre environnement, partout et en même temps. Ils peuvent essayer de nous contraindre à l’aide d’une multitude de dispositifs tels un nombre infini de caméras de surveillance à tout les coins de rues, leur capacité de mettre les téléphones cellulaires sous écoute et l’accès aux conversations texto, en traçant nos réseaux avec facebook et twitter, les anti-vols aux portes des magasins, les outils biométriques, les rayons-X aux douanes, les détecteurs de chaleur bordant les chemins de fer aux frontières, la collecte des ADNs, les drones survolant les forêts, les prisons où l’on est menacé d’être enfermé si on ne respecte pas la loi ou la discipline qu’on nous inculque dès la maternelle, mais l’élément clé du contrôle social est notre propre introjection de celui-ci ; le flic dans ta tête. C’est le résidu de la peur qu’ils créent. Au final, les flics doivent aussi leur pouvoir de contrôle à leurs fantômes transcendants plutôt qu’à leurs présences réelle.
Enfin, d’un point de vue matériel, GAMMA est probablement un réarrangement organisationel et bureaucratique qui permettra aux policiers d’être plus efficace dans leur cueuillette d’informations. Focussant sur les anarchistes, ils consolident leur base de données pour mieux comprendre les patterns et faire des liens entre des événements distincts.
Nous l’avons souligné plus tôt, la répression est partie intégrale du fonctionnement de l’État; tout État dans son fondement détient le monopole menaçant de la violence organisée avec ses lois, sa police et ses prisons. Il n’est pas surprenant de voir les flics tenter de réprimer une lutte qui a pour honnête intention la négation de l’État et de la domination industrielle. Quant au profilage politique, il a lui aussi toujours été. Le libéralisme ne cesse de vouloir nous convaincre d’à quel point nous avons la liberté de penser et d’exprimer nos idées. Aussi longtemps que ces idées restent des idées, nous avons ces »libertés ». À partir du moment où les gens commencent à mettre leurs idées en pratique et que celles-ci ne correspondent pas à l’ordre sécuritaire du statu-quo, la répression se fait ressentir et ces libertés s’estompe en une courte mémoire. Cela fait écho aux murs du centre de détention dans l’est de Toronto (G-20), aux chambres de torture de Pinochet, aux ruines de Varsovie et aux cimetières sablonneux d’Afghanistan.
Les droits composants notre État démocratique sont des compromis qui nous sont offerts en échange de la paix sociale (l’absence de rébellion) et de notre obéissance face à ce système de misère. On veut à tout prix nous faire comprendre que c’est la police, les lois et l’État qui protègent nos droits. Pas de chance ; dès le moment où le pouvoir d’État est menacé, les droits sont rapidement supprimés. Pour calmer les émeutes britanniques, le gouvernement imposa des mesures d’exceptions. Le premier ministre Cameron ordonna aux policiers d’utiliser tout les moyens à leurs dispositions pour rétablir l’ordre. La loi était de leur coté. Lorsque l’ordre est transgressée, la démocratie devient tyrannique. On se croirait dans un film de science-fiction. Les flics symbolisent les limites du possible. Ils encadrent l’existant.
Le droit joue un rôle moral, une mythologie de vérités auxquelles tous se réfèrent. Nous venons de démontrer que le droit est un concept qui peut, comme toutes formes de langage, changer de signification, d’application, de mandat, d’intérêt, de fin ou de justification selon les circonstances. Puisque nous voulons construire une lutte sérieuse contre l’État, la dépendance du droit devient une folie. Nous avons besoin d’autre chose.
La démocratie et le fascisme sont les deux cotés d’une même médaille, et celle-ci tourne selon le contexte social, politique, géographique et économique.
La répression dans l’ère des mesures d’austérité
Désormais, ce contexte change. Nous sommes dans l’ère des politiques d’austérité. Partout dans le monde, les gouvernements coupent dans les budgets alloués aux mesures sociales, aux emplois du secteur publique, à l’éducation et à la santé. Afin de gérer la crise financière globale, l’État-Providence, établit suite à la Deuxième Guerre mondiale, se rétracte progressivement pour laisser place à une gestion du privé. On fait primer l’intérêt économique avant tout, même dans des domaines qui jusqu’à présent, concernait les affaires publiques. En coupant dans les mesures sociales, l’État s’attend à devoir faire face à la révolte de toujours plus d’exclus et planifie ainsi son appareil répressif. L’austérité est un moteur qui influence les changements quant à la forme que prendra la répression. Une rage bien réelle se mijote chez un nombre croissant de personnes exploitées et de parias; chez ceux qui ont choisi de se battre pour la liberté et pour la destruction de se système-prison qui nous engloutit.
En tant qu’anarchistes, non seulement nous ne sommes pas surpris de ces développements, mais nous refusons de nous cacher derrière le voile de la justice pour clamer notre innocence. Quel rôle a l’innocence dans la guerre contre le capital de toute façon? Pour nous, la cours n’est pas un terrain de lutte où il est possible de gagner cette guerre. Si, parfois, quelques défenses ont du succès ici et là, nous refusons d’utiliser le discours de la loi. Dans un monde basé sur l’exploitation et la misère, nos désirs pour une libération totale seront toujours criminalisés. La loi a avant tout pour fonction le maintien de ce système. Notre lutte se pose contre le capital et contre l’État dans son entièreté, contre toutes ses manifestations dans nos quotidiens ; contre les flics et toutes autres formes sociales leur servant à maintenir leur pouvoir et contrôle. Alors que notre lutte prend forme et s’intensifie, cela ne fait que trop de sens de voir la police répondre de la sorte.
Comment peut-on répondre?
La question pour nous est de réfléchir à comment répondre à cette répression. Combien de gens détestent ce monde quadrillé? Combien de gens refoulent cette rage, croyant être seuls et impuissants? Un monde qui a besoin de prisons n’est pas le nôtre. Chaque flic symbolise la domination rationnelle des corps. Parce que nous imaginons mille autres choses et que nous avons des rêves, nous refusons de baisser la tête devant l’ordre et la loi. Notre puissance se trouve dans le fait que nous ne sommes pas seuls à étouffer et à vouloir combattre la source de cet étouffement. Le contrôle de nos vies augmente avec l’expansion de l’aliénation; des plans d’urbanisme lissés en bloc et où les recoins et les cachettes n’existent pas, nous sont imposés. Le capital nous fait la guerre pour s’approprier chaque centimètre de nos espaces, chaque muscle de nos corps et les idées dans nos têtes. Si nous refusons la colonisation par le capital, nous devons nous battre. Nous avons fait ce choix d’être en conflit, ensemble, face à ce système plutôt que d’attendre devant la télévision en croyant que le système s’effondrera de lui-même. Si les émeutiers de Londres ou de Paris ont choisi de prendre leur propre vie en mains, nous bouillonnons d’envie de faire de même.
C’est le moment de nous retrouver comme camarades de lutte et de nous organiser nous-même, en groupes affinnitaires, et MAINTENANT. Il nous faut créer se que nous voulons voir exister par nous-même car personne ne le fera pour nous. Nous devons développer nos pratiques en therme de communication, de créativité et de conflit. Le saut de l’idée à l’action n’est pas si grand.
Il est aussi temps de travailler sur nos différences et construire une solidarité critique entre nous, ne pas laisser l’État nous diviser pour des conflits ridicules. Cela ne veut pas dire que nous devons éfacer nos différences, ou que nous devons tous faire les chose ensembles, mais pouvons-nous au moin nous supporter?
Nous devons faire gaffe à ne pas nous faire prendre dans une guerre d’usure contre la police. Si nous ne restons que quelques-uns, nous ne pouvons éventuellement que perdre. La stratégie répressive de l’État canadien, tout comme celle de la France, des États-Unis, de l’Angleterre et de tout les pays dominants, est basée sur la théorie de la contre-insurrection permanente. Cette dernière évoque le besoin de réprimer chaque lutte sociale avant même qu’elle n’ait la chance de se répandre et de rejoindre une certaine masse critique. Notre plus grande force n’est donc décidément pas notre passion, notre colère ou ni même notre revanche, mais la possibilité que nos idées et pratiques se répandent dans ce baril de poudre à canon qu’est notre société.
Vendredi le 18 mai 2012, deux nouvelles lois ont été adoptées à Montréal. Leur but est d’étouffer la révolte anti-capitaliste qui s’est créée à travers la grève étudiante, qui perdure depuis plus de 100 jours. La première est une loi municipale – elle interdit le port de masque lors de manifestations, sous peine d’une amende de 1000$ à 5000$ (de plus, si la loi entre en vigueur au fédéral, porter un masque dans une émeute pourrait mener jusqu’à 10 ans de prison). La deuxième est une loi spéciale du gouvernement provincial (Loi 78) qui oblige toute manifestation publique à se soumettre à un contrôle méticuleux par la police pour ne pas être déclarée «illégale». Tout leader, porte-parole ou exécutant.e membre d’une association étudiante qui bloque l’accès aux cours ou y encourage d’autres personnes, recevra une amende entre 7000$ et 35 000$.
Même si ces lois sont étonnamment rigides, leur existence n’est pas étonnante. Avant leur création, l’État et les forces policières ont volé des yeux, brisé des bras, fracassé des mâchoires et envoyé des personnes dans le coma. Nous sommes des milliers dans la rue qui, jour après jour, risquons beaucoup pour maintenir une lutte féroce. Ces lois sont le résultat de la situation qui surpasse le contrôle des assemblées générales, des fédérations étudiantes et de l’autorité gouvernementale. La loi 78 a été déclarée anti-démocratique par les groupes de défense légale, par la Commission québécoise des droits humains et par le Conseil du Barreau du Québec. Malgré tout, les lois seront effectives encore longtemps et la situation ne changera pas pour autant. Elles démontrent comment les libertés associées à la démocratie, qui nous sont données en période de stabilité sociale, peuvent nous être enlevées dès qu’on entre en situation d’instabilité, à l’aide de toutes sortes de dispositifs autoritaires. En démocratie, l’État d’urgence nous attend toujours au détour pour nous imposer plus de contrôle, spécialement dans les moments où nous commençons à vivre.
Les lois, la bureaucratie et la police existaient avant la démocratie ; elles fonctionnent pareil dans une dictature. La seule différence est le droit de vote, grâce auquel on nous fait croire que les lois nous appartiennent, même lorsqu’elles sont appliquées contre nous. La démocratie agit en installant tout le pouvoir et la légitimité entre les mains d’une structure qui prend les décisions, elle requiert des corps armées (la police) pour faire respecter ces décisions. Nous voulons nous battre pour une réelle libération, pas juste pour des politicien.ne.s moins répugnant.e.s dans la même structure oppressive de pouvoir.
La résistance doit se déployer, évoluer et se poursuivre indéfiniment! Nous avons vu la situation se transformer d’une grève aux objectifs réformistes en une révolte généralisée aux aspirations révolutionnaires. Cette lutte n’est pas seulement à propos des frais de scolarité. Le système qui augmente le coût de l’éducation est le même qui coupe les pensions et l’aide sociale au nom de l’austérité, le même qui transforme les forêts en béton au nom du progrès et de l’industrie, le même qui décime des communautés entières au nom de la sécurité et du patriotisme… et pense que nos vies sont jetables au nom du profit. Nous devons combattre l’État et le capitalisme !
Prenons les casseroles dans nos quartiers, chaque soir, à 20h. Cette action peut être une façon de construire une culture de résistance dans nos quartiers, et ainsi démarrer de nouvelles formes de relations sociales hors des murs érigés par la société pour nous isoler. Mais souvenons-nous que le pouvoir ne se prend pas en le demandant. Le ministre des finances, Raymond Bachand, approuve ces manifestations de casseroles, il trouve qu’elles sont festives et envoient le bon message. Dans un effort pour nous diviser entre bon.ne.s manifestant.e.s et mauvais.e.s, il souhaite du même souffle une pacification du conflit, afin de laisser la ville reprendre son train-train quotidien. Mais nous savons que la diversité et les tactiques de confrontation ne nous permettrons pas seulement de créer un monde selon nos propres termes, mais aussi de se muer en une force qui impose le respect…
Une force que l’État ne peut pas continuer à ignorer!
Ceci est un pamphlet. Ce n’est pas un livre, ni un petit livre, ni un cahier, ni un petit cahier, c’est un pamphlet. Il ne prétend pas, loin de là, d’ être objectif, ni de créer le consensus. Ses prétentions sont beaucoup plus grandes, ainsi nous ne comprenons pas pourquoi nous devons faire les modestes quand nous pouvons aspirer à ce qu’il y a de mieux. Qu’est-ce que c’est le mieux ? Nous ne voulons pas avoir de limites. Nous ne savons pas si nous en avons ou pas, mais précisément ceci n’est pas la question, car nous ne DÉSIRONS pas avoir de limites, nous voulons nous déchaîner. Ce qui nous importe c’est nous. Nous nous inquiétons des obstacles et des ennemis dans la mesure où ils nous empêchent de faire ce que nous voulons ou d’obtenir ce dont nous avons besoin. S’ils ne gênent pas ils n’existent pas. Et si ils gênent, ils doivent arrêter d’exister. Nous avons passé suffisamment de temps à réfléchir sur l’ennemi, le Système, le Capital etc .. Nous croyons que c’est l’heure qu’enfin nous nous occupions de nous même. Qu’est-ce qui nous plaît ? Ne nous plaît pas ? Que voulons nous ? Ne voulons pas ? Quels sont nos vrais désirs ?
C’est vers ça que nous tendons. C’est notre objectif, et nous sommes prêts à aller vers ça, et partout ailleurs.
Les conditions sont là pour que ce qui existe déjà dans le principe voit le jour et existe vraiment.
Comme le disaient certains étudiants de la préhistoire du mouvement étudiant dans les années 60, les étudiants sont une classe en eux-même. Nous ne sommes pas salariés, bien que pour la majorité d’entre nous nous sommes destinés à l’être; nous ne sommes pas non plus dirigeants, comme peu d’entre nous sont destinés à l’être. Nous sommes nulle part, nous sommes encore en transition, en construction. Nous ne voulons pas dire que nous sommes à l’abri de la merde du Système, mais nous disons que nous sommes dans les conditions matérielles, concrètes, pour se révolter, se retourner contre tout ce qui ne nous plaît pas et pour tout ce qui nous plaît.
Nous ne possédons rien, rien n’est à nous. Nous n’avons ni notre propre maison, ni voiture, ni famille, ni enfants à charge, ainsi on ne peut pas nous tromper avec le fait que nous sommes de la classe privilégiée, parce que nous n’avons rien à garder. Il nous manque encore tout à avoir.
Tout est devant nous. C’est le premier point dont nous devons prendre conscience : nous n’avons rien à perdre. Si nous faisons une grève, on ne vas pas nous virer de notre travail, et on ne va pas arrêter de percevoir un salaire, et nous n’avons pas non plus à perdre de stupides « conquêtes sociales » avec lesquelles ils ont réussi à tromper nos parents. Si nous faisons grève, non seulement nous n’allons rien perdre, mais nous allons gagner beaucoup de choses, nous allons nous réapproprier un jour d’ennui, et nous allons en faire un jour de vie réelle, de vie intense dans laquelle nous allons faire à chaque instant ce qui nous plaît et non pas ce qui correspond à notre rôle d’étudiant. Profitant du plaisir de l’instant subversif.
Qu’on ne se foute pas de nous, la seule chose qui peut vraiment se perdre c’est la peur. Ce n’est pas tant la peur de potentielles représailles des diverses autorités – professeurs, parents, …- ni la peur de la punition sociale parce que tu n’agis pas selon les attentes imputées à ton rôle. C’est la peur de soi même, la peur de ne pas savoir quoi faire lorsque personne ne nous dirige et nous dicte notre conduite. La peur de ne pas savoir jusqu’où aller lorsque personne ne nous montre la voie, la peur de ne pas savoir quoi faire à chaque instant. La peur de vivre sans maîtres. La peur de l’incertitude.
Nous allons vous confier un secret : nous aussi nous avons peur ! Et même, nous croyons qu’une bonne part de notre force se base sur cette peur. Nous ne voulons pas que ça soit clair, nous ne voulons pas avoir le chemin balisé ni une lumière au bout du tunnel vers laquelle nous diriger en somnambules. Nous voulons construire notre vie au jour le jour, et par conséquent, affronter la peur de vivre sans maîtres. Nous avons peur, c’est vrai, et l’incertitude nous ronge, mais cette incertitude fait aussi que ça nous donne envie et nous met en ébullition.
Vous n’êtes pas attirés par l’idée de faire l’expérience d’une vie nouvelle et d’abandonner cette expérience médiocre ? Alors expérimentez, faites ce que vous voulez, faisons ce que nous voulons, nous ne saurons pas ce que c’est jusqu’à ce que nous l’expérimentions, et même ainsi nous ne pourrons pas prétendre le savoir car à chaque moment nous découvrirons de nouvelles choses. Nous ne nécessitons rien de plus. Nous voulons avancer. Vers où ? Nous ne le savons pas. LÀ-BAS, par exemple, nous savons en tout cas que nous ne voulons pas être ici. N’importe quoi à part ça, nous sommes fatigués, ce monde nous ennuie, il ne satisfait pas nos besoins et nos désirs, il ne nous plaît pas et nous ne nous amuse pas. Mais nous voulons plus, nous voulons une vie meilleure.
Qu’on ne nous trompe pas non plus avec notre avenir. Nous ne sommes pas le futur et nous n’avons pas non plus un bel avenir devant nous. Nous n’avons pas envie d’accepter le futur, avoir un futur c’est s’écrire une mort, écrire le roman de ta vie avant de la vivre : tu fais juste ce qui est DÉJÀ écrit et tu ne construis pas ta vie au jour le jour. Et aussi nous n’acceptons pas le futur parce que nous n’acceptons DÉJÀ pas le présent misérable qui est là et nous n’acceptons pas non plus le futur de merde qu’on nous prépare. Cette vie est misérable !
Nous sommes conscients malgré tout de notre situation dans le monde. Nous sommes conscients que nous sommes ici pour être de futurs travailleurs, nous savons que nous avons un rôle à jouer dans ce monde, celui d’étudiants, celui de gens qui apprennent à avaler la merde, la merde de la Réalité, celui de gens qui s’appliquent à apprendre l’idéologie qu’insufflent les intellectuels du Système à travers la culture, de gens qui apprennent à réduire leur corps et leur tête à des espaces et des horaires rigides pour arriver dans le monde du travail avec le corps et la tête déjà réduits. Nous sommes conscients que nous sommes des Étudiants.
Mais nous sommes conscients que nous ne voulons plus l’être. Nous ne voulons pas nous habituer à des horaires et des espaces, nous ne voulons pas avaler de la merde, nous ne voulons pas apprendre leur idéologie, ni aucune idéologie. Plus d’intellectuels, plus de culture, plus d’art. Nous aussi nous voulons arrêter d’être étudiants. Mais nous ne voulons pas arrêter d’être des étudiants pour devenir des travailleurs ou autre chose. Nous ne voulons pas quitter un rôle pour en embrasser un autre. Nous ne voulons aucun rôle, nous ne voulons pas être rien, nous voulons être ce dont nous avons envie à chaque moment. À chaque moment. Nous, étudiants, devons commencer à arrêter de nous cramponner à des idéologies et pensées créées, des choses DÉJÀ faites auxquelles nous nous accrochons à cause de cette peur de vivre sans maîtres, à construire chacun sa vie à chaque moment.
C’est le moment de se jeter à l’eau, d’abandonner toutes les croyances et illusions qui nous garantissent la sécurité de vivre dans ce monde. La sécurité dans cette société n’est pas plus qu’une barrière qui nous protège de .. de quoi ? Vous êtes vous déjà demandé de quoi nous protège la Sécurité qu’on nous offre ? De quoi devons-nous avoir peur ? Les sécurités nous protègent de nous-même, c’est nous que les barrières ne laissent pas sortir, et non les autres qui peuvent aller et venir. Ils ne nous permettent pas de dépasser ce qui est permis. C’est notre propre police qui nous surveille lors de nos arrestations à domicile. Tu te décomposes de l’intérieur, tu t’endors et tu t’ennuies, avec l’assurance que tu vas continuer à vivre, c’est à dire, que ton cœur va continuer de battre. Et le reste ? Les rêves ? Les désirs ? Les émotions ? La passion ?
Tout cela est là, de l’autre côté de la barrière. Abandonnez les sécurités, la seule chose qu’elles font c’est enchaîner, et lancez-vous dans l’expérience palpitante de vivre sans normes, sans maître, sans rôle. Expérimentez.
Nous voulons vivre et expérimenter MAINTENANT, pas à court ou long terme.
L’idée de la révolution comme processus est très bien, mais nous ne pouvons plus attendre. Nous avons besoin d’améliorer notre vie, nous voulons qu’elle ait une forme plus intense, et pour ça nous voulons lui créer des moments où elle s’épanouira. Nous voulons des insurrections, des soulèvements, des révoltes, la tension du conflit ouvert. Ça ne nous convient pas d’avoir simplement le rêve d’une révolution, nous préférons le rêve et l’utopie d’un moment d’insurrection. Le soulèvement est une réappropriation, une vraie rupture avec la monotonie de la vie quotidienne, avec les normes sociales, et avec les rôles qu’à chaque moment de la vie nous devons adopter. Le moment de soulèvement rompt avec les horaires, le temps, qui arrête d’être une tyrannie linéaire, pour devenir un désordre de moments vécus intensément. Nous savons qu’une insurrection ne va pas changer le monde, mais nous croyons qu’elle peut transformer notre vie.
Parce qu’il s’agit de changer le monde, mais aussi de transformer la vie. Nous ne sommes intéressés par aucune révolution qui n’élève notre qualité de vie. Nous ne sommes pas intéressés par un monde, aussi libre et juste qu’il soit, si la vie est tout autant ennuyeuse, monotone, rationnelle et médiocre que celle que nous vivons maintenant. Plaidons pour créer la révolution qui ne triomphe jamais. Nous ne voulons pas triompher. Nous ne voulons pas perdre le rêve et l’utopie. Les choses qui ont une fin ne nous intéressent pas, ni les choses dont le destin annoncé est de mourir. Nous ne voulons pas avoir de futur, nous fabriquerons notre vie au fur et à mesure. Nous ne voulons pas nous définir maintenant, nos actes nous définirons en temps voulu. Nous ne voulons pas que tout soi clair, nous nous éclaircirons au fil de la pratique.
Les choses ne sont pas claires pour nous. Mais ATTENTION, ça ne veut pas dire que nous allons permettre à des intellos de nous éclairer et de nous dire qui nous sommes et ce que nous voulons et ce que nous ne voulons pas. Nous n’admettrons pas d’avant-garde révolutionnaire qui viennent chapeauter notre révolte avec leurs idéologies ? Et nous n’allons pas plus permettre les leaders syndicaux ni les syndicats eux-même. Nous n’allons pas vous laisser faire, nous vous prévenons, nous n’allons permettre aucune tentative de manipulation, et nous allons pas vous laisser récupérer nos luttes pour le système, nous menant vers le cours inoffensif de la démocratie. À bas la démocratie ! Plus de dialogue ! Il faut faire face. Nous vous prévenons, si vous essayez d’étendre vos griffes parmi-nous nous nous jetterons sur vous avec toute notre colère. Mieux encore, nous nous jetterons sur vous, même si vous n’essayez pas d’y mettre vos sales pattes, juste pour ce que vous êtes et ce que vous faites, pour votre fonction de pompier des feux de la révolte. Récupérateurs de merde, vous êtes dans notre point de mire.
Tout est dans notre point de mire. Rien de ce monde ne vaut la peine d’être sauvé. Les étudiants, nous nous foutons de tout. Nous avons commencé par revenir de la crédulité de la vie moderne, nous ne croyons pas dans la sécurité du foyer rempli de sentiments électrodomestiques, ni dans les machines qui donnent un bonheur pathétique, comme le sourire de l’âne lorsqu’il meurt.
Les voitures ne sont pas plus que le modèle de l’idéal bourgeois du bonheur. Brûlons-les, brisons les vitrines de l’aliénation et de la fausse vie.
Brûler des voitures, briser des vitrines. Ce n’est pas une consigne que nous vous donnons.
Brûler, casser, ce sont nos sentiments que nous vous lançons. Nous vous lançons notre rage, notre colère. Nos désirs et nos rêves. C’est ce que nous pensons. Voilà ce que nous sommes.
Nous nous répandons dans notre environnement telle la lave du volcan. Nous voulons faire irruption, et pas attendre que les fleurs éclosent. Nous voulons briller deux fois plus sans devoir nous résigner à ne durer que la moitié du temps. Nous sommes des utopistes, des rêveurs. Des rêveurs ! Vous avez arrêté de rêver ! Vous êtes devenus grands, vous êtes autant adultes que ces universitaires envahis par l’ennui à vingt ans et quelques. Nous autres nous n’avons jamais arrêté d’être des enfants. Nous sommes toujours sauvages et nous résistons pour ne pas être domestiqués.
Nous mordons.
Nous sommes utopistes et sauvages.
C’est sûr que vous pensez qu’on est fous, pas vrai ?
Ce pamphlet est un virus. Il s’étend et se propage de par le monde sans limites, en tissant des réseaux de désirs subversifs. Tu peux en faire parti. Et même, tu peux l’incarner.
Répand-le, photocopie-le, offre-le aux gens que tu aimes. Crée du rêve.
Madrid, décembre 1998
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«La loi, dans un grand souci d’égalité, interdit aux riches comme aux pauvres de coucher sous les ponts, de mendier dans les rues et de voler du pain.» Anatole France
«La violence était la loi, et avec les canons dans les mains des blancs, la loi était blanche.»
Sunera Thobani
La lutte sociale au Québec, issu d’un mouvement étudiant contre les frais de scolarité, en a inspiré plusieurs. Mais peut-être que la question centrale qui amène les gens à prendre les rues avec des casseroles à travers le pays est la Loi 78, connue sous le nom «loi spéciale». Elle criminalise les manifestations non-approuvées par la police et impose de lourdes amendes pour des activités politiques sur les campus scolaires. Elle a été accompagnée par une vague de répression qui a vu plus d’arrestations massives que la crise du FLQ en 1970, plus de 2500 arrestations au dernier décompte.
Mais la loi spéciale n’est pas spéciale. Il s’agit d’une réaction prévisible à une mobilisation particulière, une mobilisation qui est sans précédent par son ampleur, son soutien populaire et sa férocité dans l’histoire récente du Québec. En Ontario, nous avons eu un avant-goût de «loi spéciale» en 2010 au Sommet du G20, où le gouvernement et la police ont collaboré pour créer une «zone no-go» autour de la barrière de sécurité protégeant les dirigeants du G20. Les droits ont été jetés par la fenêtre pendant que la ville de Toronto était transformée en État policier. La classe moyenne blanche était particulièrement outrée et aura son jour au tribunal maintenant que la menace a disparu temporairement. Mais pour les personnes déjà criminalisées en vertu du système, cela représente seulement une intensification de l’expérience quotidienne du harcèlement ciblé. Nous voyons ce même processus qui se passe au long terme au niveau fédéral, avec des lois sur la criminalité et des lois spécifiques visant à préempter la dissidence, comme la loi anti-masque avec des peines allant jusqu’à 10 ans de prison.
C’est à propos des intérêts du gouvernement et du capital, et non les complots diaboliques de Charest ou Harper.
Si nous percevons comme exceptionnelle la loi 78, nous ignorons le fait que la loi est un ensemble d’outils et d’armes que les gouvernements utilisent pour consolider les intérêts des puissants, contrôler et réglementer la population en général, et mener la guerre contre les ingouvernables. L’État canadien est fondé sur la conquête génocidaire des nations autochtones et de leurs terres, et des concessions telles que la Charte sont des tentatives désespérées pour créer de la légitimité, où il y a seulement une violence impitoyable qui sous-tend le «Canada». Donc, nous ne devrions pas être choqué quand nous voyons ces mêmes droits instantanément s’évaporer dans une «crise». Et en ces temps de bouleversements sociaux et d’austérité économique, nous nous approchons de la crise perpétuelle.
Se concentrer sur une loi particulière ou recourir aux droits risque de nous amener sur une position défensive et nous entraîner dans une conversation avec nos ennemis. Cela peint le mouvement en tant que victime impuissante. Nous devrions être inspirés à l’action non seulement par des images de brutalité policière, mais aussi par des images de rebelles masqué-e-s chassant la police anti-émeute. Il est maintenant temps de construire notre pouvoir de la base, se préparer à la répression, soutenir les personnes ciblées par l’État, mais surtout passer à l’offensive.
LA LOI SPÉCIALE – ON S’EN CÂLISSE!
PAS DE PRISONS – PAS DE FRONTIÈRES – FUCK LA LOI ET L’ORDRE!