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Entre catéchisme révolutionnaire et masturbation idéologique

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Nov 232024
 

De La Mauvaise Herbe

Quelques pistes pour réfléchir à notre rapport aux idées ridicules de Première Ligne d’un point de vue anarchique

Je sais que plusieurs vont simplement décider d’ignorer d’un roulement des yeux le texte publié récemment par la revue « communiste anarchiste révolutionnaire » Première Ligne Entre obscurantisme et naïveté libérale, quelques pistes pour réfléchir notre rapport à la technique au XXIe siècle d’un point de vue révolutionnaire (signé Ana*) et ce ne sera pas par manque de quoi répondre. Déjà qu’après la tentative quand même pathétique du groupe éditorial de se distancer et se déresponsabiliser du matériel qu’il a lui-même commandé, supervisé, édité et publié, on ne nous blâmera pas de ne pas vraiment avoir envie de discuter avec un groupe qui a pratiquement affirmé qu’il ne fait que troller le milieu (voir Réponse à la « Réponse à Première Ligne », mtlcontreinfo.org/reponse-a-la-reponse-a-premiere-ligne/). Mais c’est aussi qu’à la longue on se tanne d’affronter les mêmes calomnies recyclées, venant souvent de personnes avec les mêmes patterns d’ultrasocialistes qui délirent, qui confondent le fanatisme et l’intransigeance dogmatique pour une sorte de rigueur révolutionnaire ou de radicalité militante qu’elles projettent sur tout.

Après avoir promu des idées doctrinaires de rééducation sexuelle dans son dernier numéro sur le genre, ce récent texte de Première Ligne (PL) nous annonce cette fois des réflexions sur la technique… Tenons-nous bien!

L’exercice rhétorique y est assez cheap. On y oppose une caricature d’utopisme technologique naïf, représenté par « l’accélérationnisme de gauche », à une caricature de « l’anarchisme vert » et surtout de « l’anarchisme anticivilisationnel », présentés comme des technophobies obscurantistes – tout en dénigrant les anars de Montréal – pour finalement nous mettre d’avant la plateforme de PL comme seule alternative raisonnable, évidemment. Cependant, bien que PL essaie de faire passer les autres pour des fous afin d’avoir l’air smart, la pertinence des idées qu’elle nous propose démontre assez vite pourquoi cette stratégie lui semblait nécessaire.

Si j’avoue que j’ai un certain plaisir à écouter PL se plaindre des tendances du milieu anarchiste de Montréal auquel elle se heurte, vue l’état de dispersion actuel de celui-ci je ne m’y fierais pas pour étouffer des discours aussi dérisoires qu’ils puissent paraître. Devant la présence anarchiste flétrissante et le populisme démagogique qui prospère si facilement, les communistes fanatiques y voient une opportunité. La naïveté et l’insouciance des anarchistes envers les communistes à répétitivement prouvé être mal avisée et je n’ai aucune envie de voir leurs idées toxiques proliférer de nouveau.

Face à l’inertie, PL sera contente d’entendre que mes « tendances grégaires » font défaut. La fausse camaraderie et ma tolérance envers les charlatans qui se disent anti-autoritaires en prônant des idées de domination aussi me font terriblement défaut. En fait, c’est d’une joie ravageuse que je viens ridiculiser et m’opposer fermement à des idéologues qui veulent nous faire croire qu’un proto-État ouvrier écocidaire imposé par une avant-garde de moines révolutionnaires chaste, ça a quelque chose à voir avec l’anarchie plutôt qu’un trip de cosplay trotskiste gone bad!

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*Notons que c’est la même signature que pour le texte Notre anarchisme dans le manifeste publié par Première Ligne en guise de premier numéro. Je vais donc me permettre de présumer qu’il s’agit bien ici des opinions de PL, surtout en ce qui concerne l’anarchisme. Je le mentionne parce que PL n’a pas hésité à se dissocier de Pour une éthique militante masculine et larguer son auteure après s’être fait critiquer pour avoir décidé de publier ce texte dans son 3e numéro. (voir mtlcontreinfo.org/reponse-a-la-reponse-a-premiere-ligne/)


Ça serait insultant si c’était pas si ridicule

Ça fait plus de 125 ans, depuis les premières publications des Naturiens au tournant du 20e siècle que la civilisation et le progrès sont critiqués et confrontés d’un point de vue anarchique : les réflexions nihilistes sur la société de masse, les anarchistes pacifistes critiques de la science, les analyses ellulienne de la technique, le primitivisme inspiré par l’anthropologie des années 60-70, l’anarchisme vert, l’écologie radicale, les « Fronts de libération » (ELF/ALF) et une partie de l’anarchisme insurrectionnel des dernières décennies, etc. S’il y a bien sûr des points en communs entre ces tendances, il y a aussi des divergeances et toute une diversité d’inspirations, de perspectives, d’approches et de pratiques. Les anarchistes « anticiv » en sont un amalgame. Soyons clairs, ce terme n’a jamais été autre chose qu’un raccourci pour dire au sens large « critique du progrès et de la civilisation ». Cependant, PL s’en sert tout au long du texte en l’interchangeant avec les termes « anarchiste vert » et « primitiviste », comme s’ils s’équivalaient, afin de tresser un homme de paille auquel s’attaquer. Évidemment, le but est d’en faire une idéologie avec une approche spécifique qui convient à la propagande de PL. C’est bien plus facile de s’en prendre à une parodie basée sur ses propres préjugés et idées préconçues que de chercher réellement à connaître et comprendre un vaste sujet afin d’acquérir une analyse sérieuse par un processus de remise en question.

C’est dans ce sens que PL se livre à des attaques sur la crédibilité des personnes qui critiquent la civilisation d’un point de vue anarchique. On nous affirme que « la radicalité des propositions théoriques des anticivs les isole à un point où toute action politique véritablement transformatrice devient impensable » et que « leur activité politique atteint rapidement un cul-de-sac où quasiment toute action rompt avec leurs principes de base ». Mais puisque ces affirmations, que les anticivs sont intrinsèquement des incapables, ne s’appuient sur rien d’autre qu’un pet de cerveau, PL laisse libre cours à son imagination flatulente dans toute sa verve en s’essayant à la fiction :

« Certaines décident de partir des mois par années dans le grand nord, souvent armées de fusils, pratiquer leur survivalisme en attendant de manquer de munitions ou un effondrement civilisationnel qui ne vient pas – ce qui n’ébranle pas grand-chose. D’autres décident de poursuivre leur vie en ville, vouées à malheureusement la vivre dans des espaces bétonnés, parfois publier des zines en petite quantité en espérant semer du désespoir le plus total un peu chez le voisin. D’autres, plus braves, décideront de mener des attaques violentes sur des cibles comprises comme jouant un rôle dans la reproduction de la civilisation, à savoir souvent des héoliennes, des barrages ou centrales électriques, des tours de télécommunication, etc. Ces actions restent fortement marginales et n’ont en toute vraisemblance aucune chance d’avoir un quelconque impact réel sur la société. Si c’était vraiment le cas, les États ne tarderaient pas à sortir les griffes et punir conséquemment ses adversaires – et lorsqu’iels pensent être plus fortes que l’état ou assez discrètes pour y échapper. Iels se fourvoient. Voilà comment se concrétise la vie militante des anticivs » conclut-on fatalement.

Un intérêt de longue date envers l’anarchie et les tendances critiques de la civilisation m’ont amené à croiser plusieurs « anticivs » au fil du temps, et pourtant jamais de survivaliste qui passe du temps dans le nord avec leurs fusils en attendant la fin de la civilisation. Certes, je ne connais pas tout le monde, mais c’est certainement pas typique. En fait, comme plusieurs le supposeront déjà, on y trouve toute sorte de personnes et il n’y a rien de typique aux « lifestyle » des anarchistes critiques de la civilisation. Bien qu’au début du texte PL admet s’affronter à un groupe hétérogène, on remarque vite que la convenance idéologique d’assimiler tout le monde à une caricature est plus importante que le souci de connaître le sujet. La fiction dénigrante qu’on nous propose est un montage plus convenable aussi pour la rhétorique du lifestylism récurrente dans le texte. Nous y reviendrons.

Vous avez déjà entendu parler d’attaques anticiv sur des barrages ou centrales électriques? Moi non plus. Par contre, on a déjà vu comment des individus et des petits groupes informels ont flambé des concessionnaires d’autos et des projets de développement, saboté machineries et moyens de transport, bloqué les routes et les voies ferrées, ou encore se sont attaqués aux cages où des êtres sont torturés pour notre convenance… Les initiatives individuelles n’en ont rien à faire d’attendre des grèves et des révolutions, ni de l’accord de l’avant-garde, de la logistique révolutionnaire ou des assemblées de quelconque rêverie de conseils ouvriers. Elles agissent selon leurs propres objectifs et capacités, limitées seulement par leur créativité.

Eh oui, bien sûr que les autorités lancent leurs campagnes de répression. L’écologie radicale est depuis longtemps au haut de la liste des préoccupations des agences de renseignement nord-américaines. L’infiltration, les rafles, les procès, les emprisonnements, les condamnations exemplaires… comme ils l’ont fait aussi avec les organisations révolutionnaires maoïstes quand elles ont été trop dérangeantes. Par contre, on remarque que si les actions individuelles ou de groupes informels n’ont jamais cessé de se propager, que reste-t-il aujourd’hui des organisations révolutionnaires?

Toutes ces expériences avec des conséquences réelles ont inspiré des débats, des positions, des stratégies, des actions… Et malgré la menace de la répression pendant les années du Green Scare, on a vu des anarchistes anticiv impulser des projets et des événements de toute sorte pour essayer d’apporter des perspectives écologistes plus radicales, parfois sous les calomnies et les menaces d’autres soi-disant anarchistes. On se souviendra des petits inquisiteurs de Hors d’Œuvre (une autre gang qui fantasmait d’une révolution ouvrière) qui passaient des tracts pour la « liquidation des primitivistes » avant d’envoyer des menaces de mort et un appel à la bombe contre un événement de la Mauvaise Herbe au Salon du livre anarchiste de 2007.

Justement, c’est drôle que PL tire une flèche contre la Mauvaise Herbe dans sa tentative de faire passer les anticivs pour des vaux rien. Pas besoin de le nommer, on le sait bien que c’est le seul zine « anticiv » à Montréal. Pourtant, trouvez-moi un zine anarchiste par ici, ou ailleurs, qui dure depuis plus de 20 ans avec presque 50 numéros publiés. Peut-être que PL devrait prendre la mesure des choses avant d’essayer de cracher sur les autres du haut de ses quatre zines. Et honnêtement, je préfère une revue qui prend pas son lectorat pour des caves et qui « sème du désespoir », au lieu d’une revue pleine de faux-espoirs et de bêtises qui servent seulement à étaler du branlage idéologique pseudo-intello sans humour, à la PL. De plus, à part tous les événements et projets auxquels elle à participé, collaboré, ou facilité, cette bande d’anticivs insignifiants fait aussi partie des groupes anars qui ont été actifs dans la reprise du bâtiment qui abrite le DIRA et se sont impliqués dans la librairie l’Insoumise.

En fin de compte, on dirait pas vraiment du monde isolé, paralysé par leurs principes et incapable d’actions concrètes, ces anticivs. Ce qui paralyse c’est de croire qu’on ne peut rien faire par soi-même, que l’action individuelle n’a pas d’impact, que nos actions n’ont de valeur que si elles s’inscrivent dans un but supérieur : sauver le monde, l’utopie, la révolution, la rédemption, l’organisation, le parti, Dieu, l’anarchie, etc.

Mais si la caricature que propose PL ne vous a pas encore convaincu que les anars anticiv c’est des pas bons, attendez de voir. Après nous avoir expliqué que les anticivs sont trop inutiles pour avoir « un quelconque impact réel », dans une pirouette rhétorique des plus tordues PL nous offre sa propre projection révolutionnaire d’une « hypothétique victoire de l’anarchie anticivilisationnelle » pour aussitôt accuser les anticivs du scénario génocidaire qu’elle vient elle-même d’imaginer :

« Si on veut dépasser la fatalité militante qui les attend et analyser les conséquences d’une hypothétique victoire, même partielle, de l’anarchie anticivilisationnelle, les jours ne sont pas plus heureux. Comment est-il possible d’imaginer fermer les mines, les pipelines et les barrages hydroélectriques alors que le rôle social qu’il joue dans la reproduction sociétale est autant majeur? Il va sans dire que la survie de milliards d’humaines dépend de ces institutions techniques et que les mettre à bas immédiatement équivaudrait à un acte meurtrier qui s’attaquerait d’abord et avant tout aux plus vulnérables. Dans l’histoire, l’exemple le plus abouti d’une révolution de cet ordre serait surement le mouvement de désertion des villes au profit des “communes agraires” qu’ont réalisé les khmers rouge au Cambodge. »

C’est le coup classique de s’en prendre au messager. Les anticivs essaient de faire allumer le monde sur le fait que tout ce truc ressemble à une mega-machine à tuer, et se font accuser d’être les génocidaires. Faut-il vraiment rappeler que les khmers rouge furent une organisation communiste révolutionnaire, beaucoup plus près politiquement et idéologiquement de PL que de n’importe quelle anticiv? Le plus absurde, c’est que quelques lignes plus loin on argumente que l’anarchisme anticiv « n’a rien à voir avec l’anarchisme auquel on fait généralement référence en parlant de “mouvement anarchiste” » puisqu’il ne s’intéresse pas à l’anarchisme « en tant que mouvement social révolutionnaire » et que « l’anarchisme à généralement des objectifs antagoniques aux siens, soit la mise en place d’un agencement de la civilisation différent et non son abolition ». Donc, faut-il en comprendre que PL rejette l’anarchisme anticiv parce qu’il ne partage pas les ambitions mégalomanes des khmers rouge? Mais on comprend que toute cette gymnastique idéologique est propre à un esprit doctrinaire qui ne voit le monde qu’à travers le prisme de ses propres fantasmes de prise de pouvoir et de contrôle, au point de faire de l’anarchisme une idéologie de conquête et de domination.


L’affinité des anticivs est avec les sorcières, pas les curés!

Si on ne vous a pas encore convaincus que les anticivs ce sont des pourritures, immédiatement après les avoir comparés au khmer rouge on les accuse, sans aucune explication, de vouloir remplacer la science par l’instinct pour nous plonger dans l’obscurantisme et le dogmatisme religieux. Le saviez-vous? L’anarchisme anticiv n’est pas seulement insignifiant et génocidaire… c’est aussi une sorte de fanatisme intégriste!

Malheureusement, l’accusation d’obscurantisme n’est pas nouvelle. Les socialistes qui détestent la critique du progrès et de la civilisation y on recourt ad hominem, gratuitement et sans références. J’ai toujours trouvé ça extrêmement ignorant et ethnocentrique, à part d’être colonialiste. PL nous en donne un parfait exemple :

« D’un point de vue épistémologique, s’attaquer à la science en tant que mode de développement des connaissances est aussi douteux. S’il est à la mode de condamner la rationalité occidentale, il est vraiment ridicule de prétendre vouloir baser notre système de développement des connaissances strictement sur nos instincts ou tout autre pseudo science. […] D’autre part, il faut rappeler que toute société fondée sur des critères non scientifiques n’est en rien garante d’émancipation. […] Fermer catégoriquement la porte au mode de développement scientifique des connaissances ouvre la porte à un obscurantisme favorisant l’émergence de nouveaux dogmes oppressifs ou le recyclage d’anciens sous de nouvelles formes. Comme les institutions techniciennes, la science a une importance majeure dans la reproduction de la société, dont la survie de milliards d’humaines dépend. »

Premièrement, on remarque déjà le manque d’argument quand en partant on a recours à de la tautologie rhétorique. Il ne s’agit que de savoir ce qu’est l’épistémologie pour comprendre que l’énoncé est d’une banalité évidente. Tout de même, cela nous révèle le « point de vue » académicien ethnocentrique que partage PL à propos du développement des connaissances. Ce qui est « vraiment ridicule » – pour ne pas dire colonialiste et carrément raciste – c’est de prétendre qu’en deçà de notre suprême rationalité occidentale et sa science, il n’y a que « l’instinct ou quelconque pseudo science ». Est-ce qu’il faut vraiment se replonger dans le débat de la controverse de Villadolid de 1550 quand les curés discutaient à savoir si les autochtones d’Amérique étaient des personnes capables de raison, ou des bêtes tiraillées par leurs vils instincts?

L’acquisition et le partage des connaissances basé sur l’expérience et l’observation du monde n’a pas été inventé par l’institution scientifique. Cela a existé bien avant la science et continue d’exister entre autres au sein des populations marginales qui n’ont pas encore été absorbées totalement par le progrès. Plutôt, les connaissances sur lesquelles les sciences sont basées ont été usurpées, contrôlées, standardisées et normalisées selon les besoins du progrès et du développement. Les civilisés ont enfermé la connaissance dans leurs institutions pour la baliser et y contrôler l’accès et la diffusion.

Les curés de la science argumenteront que ce réarrangement fut bénéfique pour l’humanité, mais dans leur dévotion sont incapables d’admettre que la science et le progrès technique ont toujours créé plus de problèmes qu’ils n’ont réglés. Regardons seulement l’exemple de l’évolution de l’agriculture qui nous a menés tout droit vers l’épuisement des sols et une famine mondiale où tu manges du pétrole sinon tu crèves de faim, et avec une population qui continue de croître. Tout cela bien sûr par la bénédiction des travaux scientifiques de grands héros de la civilisation tels que le prix Nobel de chimie Fritz Haber – aussi connu comme le « père de l’arme chimique », puisque dans ses recherches pour synthétiser l’ammoniac et permettre l’industrialisation des engrais chimiques, il a développé le chlore gazeux et dirigé sont déploiement sur le front lors de la Première Guerre mondiale. Ses recherches sur les pesticides furent aussi cruciales pour la production industrielle du Zyklon B. Ironie du sort et tragique exemple de l’impossibilité de prévision des conséquences de la technique, Haber était juif.

Faut-il encore rappeler que toute société fondée sur des critères scientifiques n’est en rien garante d’émancipation, elle non plus? Tous ces régimes communistes et fascistes technocrates, tous ces régimes qui ont massacré des populations avec leurs sciences d’ingénierie sociale et leur mégalomanie scientifique? Faut-il aussi encore rappeler que c’est à l’époque de la raison, en pleine exaltation de la science et du progrès qu’il y a eu de loin le plus de persécution pour sorcellerie?

Quand l’innovation technique des presses de Gutenberg permit une propagation beaucoup plus rapide et massive des idées et de l’information, c’est le Malleus Maleficarum, un manuel de chasse aux sorcières plein de fake news, de sexe morbide et d’hystérie misogyne, qui fut un des premiers bestsellers. Ce n’est donc pas si surprenant ce qui se passe sur les médias sociaux de nos jours. Le monde n’est pas nécessairement attiré par les idées bien pensantes. Il n’y a alors que le contrôle de l’information et l’hégémonie idéologique qui permettent au pouvoir de gérer une telle situation de communication de masse. Et c’est pour maximiser le contrôle et l’hégémonie institutionnelle qu’on a massacré les marginaux, les hérétiques et les sorcières qui osaient maintenir les traditions ancestrales, les pratiques subversives et transgressives, la connaissance de la contraception, des remèdes et des poisons.

C’est parce que les critiques anticiv de la science osent parler de ces choses qu’elles se font traiter d’obscurantiste par l’Inquisition scientifique. L’affinité des anticivs, c’est avec les sorcières, pas les curés!

Pendant qu’on y est, si l’on est d’accord pour dire que l’obscurantisme est une attitude qui refuse de reconnaître les choses démontrées, ne devrait-on pas alors considérer le communisme anti-autoritaire comme une forme d’obscurantisme?

Enfin, la conception doctrinaire de PL sera ébranlée d’apprendre que nombre d’anticivs, dont les plus primitivistes, se sont intéressés à des sciences telles que l’anthropologie, l’histoire, l’écologie et les sciences naturelles. Ces sciences nous démontrent entre autres que ce n’est qu’à l’aide de preuves flagrantes que la « rationalité occidentale » arrive aujourd’hui à reconnaître ce dont l’approche holistique des sagesses ancestrales primitives nous informait déjà depuis des millénaires à propos de notre environnement.

Une dernière chose qu’on peut apprendre des populations primitives – ainsi que des anarchistes – grâce aux sciences de l’anthropologie et de l’histoire, c’est que les moyens facilement reproductibles sont désirables si on veut plus facilement arriver à nos buts immédiats. On a besoin d’une certaine connaissance pour être efficace, mais pas besoin d’être scientifique pour propager le feu!


L’anarchisme montréalais entre « malaise » anticolonial et phobie technologique?

Avant de nous faire la démonstration de la supériorité de son point de vue révolutionnaire sur notre rapport à la technique, PL nous en dévoile d’abord une prémisse par un autre portrait dénigrant – de « l’anarchisme montréalais » cette fois.

Dans la dernière partie du texte, on nous affirme qu’à Montréal « l’extrême gauche – excluant les communistes étatistes – demeure largement hostile au développement technique » et que « leur opposition à l’étalement technique ne vient pas d’une analyse théorique approfondie et cohérente ou d’un projet politique primitiviste ». Bien sûr que non! Projets politiques et analyses cohérentes sont apparemment au-delà des capacités des anarchistes de Montréal. Selon PL c’est plutôt « un réflexe de confrontation avec tout ce qui émerge dans l’immédiat du Capital ou du colonialisme » qui d’une part viendrait d’un attachement « aux legs pratiques et théoriques de l’altermondialisme » (que PL associe à l’organisation locale, démocratique et à petite échelle, le DIY et le rejet des grosses compagnies) et d’autre part, du fait que « le contexte canadien est particulier puisque les militantes anarchistes settlers se trouvent prises avec le malaise d’occuper des terres qui ont été volées aux différents peuples autochtones et dont l’exploitation demeure capitale dans l’économie canadienne. Il est ainsi facile de condamner les tentatives de développement extractiviste ainsi que leurs maintiens en tant que ceux-ci passent nécessairement par la destruction environnementale ou encore l’expulsion brutale des communautés habitant un lieu considéré par l’État ou les capitalistes comme stratégique à exploiter ». Un contexte qui n’a pourtant rien de particulier dans un monde assiégé depuis des siècles par le colonialisme. Qu’il vienne de la part d’États capitalistes, de révolutionnaires communistes, de royaumes ou d’anciennes cités-États, c’est une dynamique incontournable de la civilisation. « Néanmoins, conclut-on, puisque le milieu anarchiste néglige souvent de se questionner sur les vocations du mouvement révolutionnaire sur le long terme et leurs implications/nécessités, il se retrouve souvent au final à exiger des demandes immédiates relativement similaires à celles que pourraient formuler des anarchistes verts. »

En d’autres mots, pour PL le milieu anarchiste montréalais est aussi insignifiant qu’une bande d’anticiv! Ou pire, puisque les anticivs ont le mérite d’avoir une analyse, si hérétique soit-elle. C’est presque à se demander si ces anarchistes sont capables de « rationalité occidentale »… Le milieu anarchiste montréalais serait-il en proie à l’obscurantisme génocidaire, ou encore pire, à la phobie technologique paralysante?!

« Comment sortir d’une phobie technologique paralysante, possiblement menaçante pour l’intégrité de larges franges de la population humaine, tout en ne tombant pas dans les pièges que nous avons associés à l’accélerationnisme de gauche? Nous croyons que cet enjeu est décisif à la fois pour nos mouvements que pour toute perspective révolutionnaire sérieuse, et doit passer par la formulation anarchisante d’une réponse à celui-ci. »

Et voilà, tout ce salissage des anticivs,ce mépris du milieu montréalais, aboutissent à cette accusation sans fondement, que PL ne fait qu’affirmer sans jamais le démontrer dans les faits. Cette fiction ridicule d’une « phobie technologique paralysante menaçante pour la population », c’est un enjeu décisif nous dit-on. Quelle bande de clowns! À travers ce cirque on voit bien que la perspective eurocentrique etles fixations marxistes de PL se sont confrontées à une certaine conscience anticoloniale et écologiste dans le milieu anar de Montréal. Que cette conscience soit qualifiée de « malaise » et de « phobie » par PL en dit beaucoup sur ses prétentions anti-autoritaires, et d’insinuer que la destruction écologique et le colonialisme sont des problèmes qui en reviennent surtout au modèle de gestion et d’exploitation capitaliste, c’est du délire idéologique. En fait, PL remarque qu’il n’y a que « les communistes étatistes » qui partagent sa vision du développement. Peut-être que c’est là le moment de se rendre comptequ’il n’y a absolument rien « d’anarchisant » dans vos idées?


Le parti

« Il nous semble impératif de reconsidérer notre rapport à la technique [puisque] la pérennité des conditions climatiques permettant la vie humaine [sont menacés et que] la complexité technicienne est difficilement compatible avec des projets anarchistes ou de conseils ouvriers qui refusent d’avoir recours à l’État tout au long du processus révolutionnaire. En ce sens, nous devons trouver des avenues politiques qui ne passent pas par un rejet total de la médiation technique ni de l’extractivisme, mais qui permettent tout de même de maintenir la technologie à un seuil contrôlable et réversible. Déterminer quels sont ces seuils et quelle forme d’État peut nous permettre de les faire fonctionner est la tâche collective à laquelle nous devons urgemment nous attarder. »

Tant d’efforts déployés dans les textes de PL, tant de contorsions pour conceptualiser l’absence d’État en tant qu’une nouvelle entité dominatrice avec le même rôle que l’État. Au lieu d’écrire des textes à propos d’un « État » comme des clowns, pourquoi pas simplement s’assumer et parler d’État révolutionnaire ou proto-État? Par contre, si PL s’intéresse à l’anarchie pour autre chose que son branding (j’en doute), peut-être qu’une idée à explorer serait de remplacer l’État avec… RIEN!

Mais voyons voir… De quelle avenue politique menant vers un État communiste extractiviste… pardon, un État gestionnaire des ressources et de la technique pourrait-il bien s’agir?

« La réponse à tous nos problèmes est entre nos mains. Plutôt qu’anti-technicienne ou pro-technicienne, nous devons faire valoir une pratique politique a-technicienne, c’est-à-dire une pratique où les variables d’efficacité et d’optimisation doivent être descendues de leur piédestal et être mises sur un pied d’égalité avec les autres critères d’évaluation du politique et de la politique contestataire. Il n’y a pas d’autres moyens d’éviter l’État technocrate totalitaire et ses camps de travail que de prendre et fonder un parti a-technicien. »

Évidemment, la seule solution, le bon vieux parti!

Malgré toutes leurs agences, organisations, centre d’études et commissions, les spécialistes peinent à acquérir une certaine capacité de prévision et d’endiguement de phénomènes techniques précis, et ce même en se concentrant seulement sur quelques aspects. Il semble donc bien évident qu’avant même de penser à contrôler tout l’ensemble du progrès technique, la capacité de percevoir toutes les conséquences de son application est déjà loin de notre portée. Mais la mission idéologique de PL ne s’enfarge pas de tels détails. Devant cette entreprise surhumaine que de maîtriser tout le phénomène technique, il suffirait apparemment d’une plateforme politique basé sur quelques considérations éthiques et « un rapport qui prend à la fois en considération que la survie de populations dépend de l’organisation actuelle des choses, tout en restant fortement critique de cet ordre social. [Une approche qui] a au moins le mérite de nous placer dans un état constant de tension, où notre rapport à la technique implique un certain degré de culpabilité, mais qui reste aujourd’hui nécessaire ».

Donc, il ne faut rien changer à la façon actuelle de fonctionner, mais soyons-en repentants… et le parti c’est notre salut? C’est une formule typiquement autoritaire d’utiliser la honte et la repentance pour le contrôle social. On l’a vu à grande échelle avec le christianisme, par exemple. On l’a vu avec le maoïsme et sa Révolution culturelle, dont la toxicité contamine la gauche jusqu’à nos jours. C’est aussi typique avec les sectes et les gourous qui cherchent à exploiter les sentiments d’infériorité, d’incapacité, de doute en soi et de culpabilité – dans ces conditions, l’individu accepte plus facilement une autorité morale extérieure. Alors, permettez-moi de douter que ces belles intentions et encore plus de technique par le politique et l’ingénierie sociale n’aboutiraient pas simplement qu’à une autre tentative de manœuvrer la puissance de la technique à des fins idéologiques.

Bien que PL allègue dans le texte une « perspective ellulienne » et une conscience de la notion de l’autonomie technicienne, j’entends déjà Ellul nous rappeler :

« L’homme dans son orgueil, l’intellectuel surtout, croit encore que sa pensée maîtrise la technique, qu’il peut lui imposer telle valeur, tel sens, et les philosophes sont à la pointe de cette vanité. Il est même bien remarquable de constater que les philosophies les plus fines de l’importance de la technique, et même matérialistes, finalement se replient sur une prééminence de l’homme. Mais cette grande prétention est purement idéologique. […]
La Science et la Technique restent identiques dans un monde socialiste (y compris en Chine!) avec leurs effets et leurs structures, et c’est un simple tour de passe-passe idéaliste qui nous convainc de leur changement de signe, comparable à la croyance des chrétiens en un Paradis. Pour moi la non-neutralité de la Technique signifie qu’elle n’est pas un objet inerte et sans poids qui pourrait être utilisé n’importe comment, dans n’importe quel sens par un homme souverain. La technique a en soi un certain nombre de conséquences, représente une certaine structure, certaines exigences, entraîne certaines modifications de l’homme et de la société, qui s’imposent qu’on le veuille ou non. Elle va d’elle-même dans un certain sens. »

-Jacques Ellul, Le système technicien

Avec tout ce qu’implique un tel projet politique, les questions et les défis qu’il soulève, la seule et unique préoccupation dont on nous fait part c’est que « le danger évident d’une telle position est de conforter les militant-es dans des pratiques totalement inefficaces ou encore de survaloriser un lifestyle anarchiste ». PL nous affirme que « ce genre de repli et d’isolement ne constitue en rien une attaque à l’organisation sociale technicienne, mais plutôt une des formes les plus compatibles avec la reproduction de cette organisation sociale, en ce sens qu’elle n’incarne en rien une menace face à celle-ci, voire isole la résistance dans des foyers autodestructeurs. [Et que] les petites communautés « libérées » ne sont pas réellement indépendantes [puisque] leur existence repose sur l’exploitation du reste du prolétariat ».

Ce thème d’un supposé « lifestyle » anarchiste parasitaire qui ne s’intéresserait qu’à une esthétique de vie est récurrent tout au long du texte. On reconnaît facilement le vieux Bookchin qui chialait contre tout le monde qu’il comprenait pas ou qui pensaient pas comme lui, les accusant de « lifestyle anarchism ». S’il a bien fait rire de lui avec ses histoires ridicules de vieux déconnecté, d’autres communistes désespérés s’y sont évidemment retrouvés, partageant le même profond désir autoritaire de décider de la vie des autres qu’on retrouve de gauche à droite. Ça les perturbe tellement qu’on retrouve des individualités diverses et dynamiques qui s’intéressent à expérimenter, explorer et subvertir les liens, les interactions, les formes et les manières à partir de leur propre vie. En gros, leur discours de marde en revient à ce que tu dois te conformer en t’autoflagellant, aller travailler et payer tes comptes comme tout le monde, militer dans un syndicat ou un parti… Voilà à quoi ressemble l’action politique véritablement transformatrice par de vrais révolutionnaires! Tu les retrouves 10 ans plus tard, toutes des fonctionnaires pis des yuppies loser qui vivent dans des condos à regarder les « prolos » faire du vol à l’étalage. Mais sérieusement, quelqu’un qui pense encore aujourd’hui que le prolétariat est un sujet révolutionnaire, ça paraît que son seul contact avec des prolos c’est dans des livres d’histoire.

Si quelque doute subsiste encore sur le fake anti-autoritarisme de PL, attendez de voir la stratégie de son parti :

« L’époque où l’on pouvait écraser les forces militaires d’un tel tsar ou d’un tel État est révolue, malheureusement. […] La stratégie du parti a-technicien est donc d’un autre ordre : rendre l’État inutile par l’instauration progressive d’un État soutenu par la population, dont l’efficacité doit être mesurée non pas en termes de maximisation de la production, mais bien en fonction de seuils viables écologiquement et qui nous permettent de garder un contrôle sur l’organisation sociale. »

Au moins on s’assume. On a même laissé de côté la rature sur le mot État cette fois. L’instauration d’un État qui contrôle la technique et l’organisation sociale, et devient la mesure de l’écologie… voilà pour l’anti-autoritarisme de PL! Les principes prennent vite le bord quand il s’agit de faire la révolution. Si des anars anticiv étalait un tel plan, je suis sûr que les accusations d’écofascisme ne se feraient pas attendre.

Le texte continu en nous expliquant que le parti doit s’engager à « prendre possession des moyens de production [pour] les transformer et les adapter à nos désirs […] dans un seul geste révolutionnaire qui ne remet pas à plus tard le pouvoir populaire au nom de quelconque nécessité, mais prône l’autonomie ouvrière par la mise en place de conseils ouvriers – qui n’ont de raison de disparaître après la révolution qu’en fonction de leurs propres considérations pratiques dues à l’évolution du mouvement révolutionnaire ».

Des fantaisies trotskistes d’une Révolution permanente? Un écocide géré par des soviets? C’est ça la « formulation anarchisante » de PL? En fait, les prétentions anarchiste et anti-autoritaire de PL ne tiennent semble-t-il qu’à une sorte de communisme de conseil, mais sans aucune préoccupation envers le fait historique que cette forme d’organisation, avec un parti d’avant-garde pour mener la révolution et la société, comme le prône PL, a rapidement sombré dans l’autoritarisme après son renversement du pouvoir. La prétendue réflexion de PL sur la technique n’apporte d’ailleurs aucune considération à propos de problèmes évidents qu’amènent de telles mesures – par exemple, la complexité logistique et la bureaucratisation, ou encore la transmission et la standardisation de l’information viennent facilement à l’esprit – réduisant la technique de manière simpliste comme s’il ne s’agissait bêtement que d’une question de la volonté politique derrière la gestion de la production. Il est difficile de voir en quoi la position de PL diverge de celle des accélérationniste qu’elle dénonce, à part sa fixation sur les soviets. On retrouve aussi le même discours simpliste dans les textes qu’elle a adressé à Rage Climatique dans son 2e numéro : la révolution marxiste et les soviets sont la réponse aux problèmes écologiques par la magie de l’émancipation du prolétariat.

Si ce n’était pas encore assez clair, ce qui motive vraiment PL ce n’est pas quelconque préoccupation à propos de l’anarchie, de l’écologie ou de la technique. L’objectif de PL est un monde de contrôle social, de gestion de ressources et de développement industriel :

« La désindustrialisation du nord global […] et la construction de banlieues au détriment de la production agraire nuisent à notre faculté de contrôle sur la technique ainsi qu’à notre possibilité d’autonomie matérielle et ouvrière. Nous devons être hostiles face aux usines sur notre territoire uniquement dans la mesure où elles sont des lieux d’exploitation, d’aliénation et de destruction écologiques […] La construction d’usines ou leur réouverture sont nécessaires, ne serait-ce que dans une perspective d’équité avec les populations du sud […] La division scientifique du travail à l’échelle mondiale complexifie radicalement les scénarios d’émancipation libertaires et notre réindustrialisation pourrait y pallier au moins de manière partielle. »

Je sais pas pour vous, mais travailler dans des usines c’est pas vraiment mon idée de l’anarchie. Leur parti, que ferait-il du lumpen anticiv qui voudrait pas travailler dans ce Plan Nord communiste? Les populations locales qui ne voudront pas que les soviets viennent détruire ce qui reste des forêts, des montagnes, des cours d’eau et leurs écosystèmes? Laissez-moi deviner, « on pourra leur offrir un emploi dans le Nord autant que possible », comme disait l’autre? Ce qui est sûr en tout cas c’est que les communistes ne manquent pas d’expérience à envoyer la dissidence dans des camps de labeur dans le nord. La putride vision idéologique de PL est tellement déconnectée qu’on insinue que les usines, par la magie des conseils ouvriers, ne seraient plus « des lieux d’exploitation, d’aliénation et de destruction écologiques ». Apparemment que les usines vont cracher des fleurs pis le monde vont adorer leurs jobs de marde après avoir passé le reste du temps dans des AG!

Ils ne changent jamais ces marxistes! Toujours là pour amener à tout prix le développement industriel partout où les capitalistes l’ont négligé. Ce n’est pas assez de proposer le maintient du mode de vie extractiviste industriel, PL est carrément en train de militer pour l’ouverture d’usines à travers le monde et accélérer le saccage et la destruction des écosystèmes. Voilà pourquoi PL voit les anticivs, les « réflexes anarchistes verts », les initiatives individuelles, le « malaise » d’occuper des terres autochtones et l’hostilité envers le développement comme des entraves à ses fantasmes révolutionnaires. La seule révolution pour laquelle PL milite vraiment, c’est la révolution industrielle.

*****

Tout ce discours répugnant de prise de pouvoir, de contrôle social, d’expansion industrielle, cette ambition de devenir gestionnaire de la destruction et de l’asservissement de la nature est absolument antagonique à l’anarchie qui m’inspire; celle qui conspire, pas pour prendre le pouvoir, mais pour que le pouvoir ne puisse s’exercer; celle qui apporte le sabotage et la destruction au monde techno-industriel et tout son développement technique; qui laisse libre cours aux affluents de l’expérience individuelle et pointe sa mire contre toute autorité qui s’impose; celle qui est synonyme de chaos et de désordre, qui vient perturber la transmission, l’organisation et le fonctionnement de l’ordre social, sans appâts utopistes!

Le monde n’a pas besoin d’une de nos idéologies libératrices autant qu’il a besoin de se débarrasser de ce qui rend possible la transmission et l’application d’une idéologie à grande échelle. Regardez où nous en sommes. Nous ne sommes pas les sauveurs du monde. C’est assez évident, vous ne croyez pas?

Que nos approches sont totalement irréconciliables, c’est peu dire…
À couteaux tirés, Premières Lignes!

-Lyokha

Quelques réflexions liminaires à propos de Unity of Fields

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Nov 232024
 

De la grappe

Des luttes locales contre le sionisme, l’impérialisme, et le colonialisme prennent visiblement des approches plus destructives, décentralisées, anonymes, et autonomes, un rêve de longue date des anarchistes insurrectionnel·le·s, pourtant de nouvelles questions se posent à nous.

Vu sur Anarchist News : https://anarchistnews.org/content/some-initial-thoughts-unity-fields

Comment voulons-nous faire face avec d’autres rebel·le·s avec lesquel·le·s nous avons des différences idéologiques et des similarités tactiques ? Comment évitons-nous de nous perdre dans les tandences avant-gardistes, unitaires, nationalistes qui accompagnent souvent les approches gauchistes révolutionnaires de la lutte combative ? Sommes-nous intéressé·e·s à conspirer avec ces autres en dehors de la spontanéité de manifestations, occupations (et potentiellement d’émeutes) sauvages, et si oui comment ?

Publié anonymement –
[J’écris en tant qu’anarchiste insurrectionnel·le aux u$a et je parle dans ce contexte]

Unity of Fields est un projet de contre-info qui a émergé en août 2024. Iels décrivent leur projet comme un « front de propagande militante contre l’axe US-OTAN-sioniste de l’impérialisme. » C’était Palestine Action US et a depuis changé d’orientation. Il y a un site web et quelques comptes sur des réseaux sociaux, dont certains ont été bannis au moment d’écrire ces lignes, iels semblent être plus populaires sur Telegram. Bien que lié à des sources principalement anarchistes pour des connaissances techniques, Unity of Fields ne semble pas être un projet anarchiste et leur lecture politique et suggestions de média sont très variées. Iels suggèrent des textes décoloniaux classiques de Fanon et Césaire, des écrits de la Black Liberation Army et du Black Panther Party, des textes de diverses factions de la résistance palestinienne, ainsi que des communistes autoritaires comme Lénine ou Mao entre autres.

Leur site web est surtout un centre d’échange de nouvelles, d’analyse d’action, et de communiqués. Beaucoup de communiqués sont des publications originales bien qu’iels republient aussi depuis d’autres projets de contre-info et des réseaux sociaux. Iels publient également leurs propres écrits originaux sur leur site web. Le fait qu’iels publient du contenu vaguement criminel et renvoient à des conseils techniques sur comment mieux porter des formes insurrectionnelles de lutte est probablement une grande partie de la raison pour laquelle iels sont discuté·e·s dans les cercles anarchistes.

Qu’est-ce que l’émergence d’un projet comme Unity of Fields signifie pour nous anarchistes ? D’une part Unity of Fields étend certains espaces que nous occupons en tant qu’anarchistes — l’espace de lutte combative et l’espace numérique de contre-info. Nous ne sommes certainement pas les seul·e·s à recolorer les murs, ouvrir des fenêtres, et porter nos petits sabotages et puis écrire pour en parler, bien que, au moins pour l’instant, d’autres semblent regarder vers nos connaissances et notre expérience collectives pour des conseils techniques. Nous partageons un espace de lutte, qui n’est pas limité aux moments émeutiers et manifestations combatives, avec d’autres rebel·le·s qui se sont rendu·e·s visibles à nous. Nous sommes inclu·e·s (au moins une partie du temps) dans un dialogue avec d’autres rebel·le·s à travers le partage de nos termes et nouvelles de nos actions, et des anarchistes ont partagé des écrits de Unity of Fields sur nos propres sites web.

Des luttes locales contre le sionisme, l’impérialisme, et le colonialisme prennent visiblement des approches plus destructives, décentralisées, anonymes, et autonomes, un rêve de longue date des anarchistes insurrectionnel·le·s, pourtant de nouvelles questions se posent à nous. Comment voulons-nous faire face avec d’autres rebel·le·s avec lesquel·le·s nous avons des différences idéologiques et des similarités tactiques ? Comment évitons-nous de nous perdre dans les tandences avant-gardistes, unitaires, nationalistes qui accompagnent souvent les approches gauchistes révolutionnaires de la lutte combative ? Sommes-nous intéressé·e·s à conspirer avec ces autres en dehors de la spontanéité de manifestations, occupations (et potentiellement d’émeutes) sauvages, et si oui comment ?

En tant qu’anarchistes nous cherchons à la fois à étendre et connecter des formes anarchiques de lutte mais aussi à tenir un scepticisme sain vis-à-vis de l’unité avec les personnes qui ne tiennent pas des vues anti-autoritaires de liberté. Notre histoire inclue de nombreuses trahisons par la gauche et les progressif·ve·s, du service d’ordre des manifestations aux exécutions et emprisonnement des gouvernements révolutionnaires nouvellement établis. La question d’avec qui s’allier et pourquoi n’est pas facile, et celle-ci est mieux abordée au cas par cas. L’apparition de Unity of Fields facilite potentiellement les dialogues et la compréhension qui peuvent nous aider à mieux décider si et comment nous souhaitons faire équipe. Comme nous anarchistes pouvons souvent nous trouver isolé·e·s des autres avec qui nous pourrions avoir des parallèles politiques, l’ouverture d’un « front de propagande militante » peut être un pont pour le dialogue et l’apprentissage. Ceci n’est pas un appel à joindre les forces avec quiconque sur la base d’être anti-sioniste ou anti-amerikkkain, c’est un simple rappel pour toujours analyser les changements de terrain autour de nous et de penser en critique tandis que nous portons nos luttes.

« Vers la dernière intifada » et « Vers un autre soulèvement » semblent être les débuts d’un dialogue parmi les anarchistes qui abordent certaines de ces questions. J’ai hâte qu’il y en ait plus.

Lectures pertinentes :

Unity of Fields : Opening Up a New Front

Towards the Last Intifada

Vers un autre soulèvement

Archipel – Affinité, organisation informelle et projets insurrectionnels

Entretien avec des Anarchistes de Palestine – Perspectives depuis la lutte contre l’occupation

PS : Quelques réflexions à propos de Spectacle

Beaucoup si ce n’est la plupart des actions publiées sur Unity of Fields sont accompagnées de média visuel, habituellement des photos, parfois des vidéos. Je veux que les rebel·le·s prennent en considération quelques pièges de la spectacularisation de nos luttes. Chaque photo ou vidéo est une miette de plus avec laquelle l’état peut se régaler dans le cadre de ses enquêtes. Les médias numériques peuvent fournir des métadonnées sur où et quand et sur quel type d’appareil ça a été enregistré si elles n’ont pas été supprimées correctement. Les images montrant des rebel·le·s donnent à l’état des informations précieuses, telles que le nombre de participant·e·s, l’heure approximative de la journée, la présence éventuelle de passant·e·s, ainsi que des données biométriques même lorsqu’une personne est masquée. La taille, le teint de peau, la démarche, le poids approximatif, et d’autres informations peuvent être déterminées même à partir d’images granuleuses.

En plus il y a les mauvais côtés d’envisager nos luttes d’une manière quantitative. Cette approche peut atténuer les changements qualitatifs que la participation à la lutte peut nous apporter individuellement et collectivement. Bien sûr la propagande est utile, l’attrait séduisant de la révolte est facilité avec l’imagerie, et ces choses doivent être mises en balance, aucune lutte ne sera pure. Je veux nous rappeler que si c’est un sentier battu, ce n’est pas le seul, et si nous le choisissons laissons-nous le choisir intentionnellement.

Au mouvement anarchiste international : trois propositions de sécurité

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Nov 172024
 

Du No Trace Project

Ce texte est adressé au mouvement anarchiste international, qu’on définira comme l’ensemble des personnes qui se battent pour des idées anarchistes à travers le monde. Ce mouvement est en conflit avec ses ennemis naturels — l’État, les groupes fascistes, etc. — et doit se protéger s’il veut survivre dans ce conflit. Dans ce texte, on fait trois propositions que le mouvement anarchiste international pourrait prendre en compte dans les prochaines années pour permettre aux anarchistes de continuer à attaquer tout en limitant leurs chances de se faire prendre.

1. Partager les connaissances à l’international

Nos ennemis s’organisent à une échelle internationale grâce à la coopération entre les services de police et de renseignement et aux avancées scientifiques et technologiques — par exemple l’augmentation de la précision des analyses ADN et la prolifération des drones. Cela signifie qu’une technique répressive utilisée dans un pays pourrait bientôt apparaître dans un autre où elle n’est pas encore employée. Cela signifie aussi qu’une contre-mesure efficace utilisée par des anarchistes dans un pays peut fonctionner dans un autre. Nous devrions donc partager les connaissances relatives aux techniques répressives et aux contre-mesures à un niveau international.

Idéalement, toute expérience de répression ou expérimentation de contre-mesures qui pourrait intéresser d’autres anarchistes devrait être mise par écrit, traduite dans plusieurs langues, et rendue publique. Lorsque des anarchistes sont arrêté·e·s ou passent en procès, on peut souvent obtenir des documents juridiques qui révèlent comment ils se sont fait prendre : on peut profiter de ça et publier des analyses de ces documents, en gardant à l’esprit que les informations obtenues de cette manière peuvent être partielles ou déformées. On peut expérimenter de nouvelles contre-mesures et écrire et publier des rapports sur ces expériences (sauf dans les cas où l’État pourrait s’adapter et affaiblir la contre-mesure en lisant le rapport). On peut essayer d’obtenir des informations à la source : lire des manuels de formation de la police, voler des fichiers de police, analyser des fuites de données de serveurs de la police.

Une caractéristique particulère du mouvement anarchiste international est sa décentralisation. On ne voit pas cela comme une faiblesse mais plutôt comme une force : en plus d’éviter les hiérarchies inhérentes aux organisations centralisées, cela nous rend plus difficiles à cibler par nos ennemis qui ne peuvent pas renverser l’ensemble du mouvement en s’attaquant à une partie de celui-ci. Cela dit, cette décentralisation rend aussi plus difficile le partage de connaissances au-delà des frontières. Pour surmonter cela, on voit deux options : développer des liens informels avec d’autres anarchistes en se rencontrant lors de salons du livre et autres évènements internationaux, et utiliser Internet. On propose d’utiliser le No Trace Project comme plateforme internationale pour partager les connaissances qui peuvent être partagées sur Internet, non pas en remplacement des liens informels, mais comme un complément utile pour diffuser des informations au-delà des réseaux informels existants.

2. Définir un niveau minimum de sécurité

Les anarchistes qui mènent des actions directes devraient analyser les risques associés à leurs actions et prendre des précautions appropriées : s’habiller de manière anonyme, faire attention à la vidéosurveillance et aux traces ADN, etc. Mais ce n’est pas suffisant. Si seul·e·s celleux qui mènent des actions prennent des précautions, il est plus facile pour nos ennemis de les cibler. C’est, d’abord, parce qu’iels sortent du lot : si seul·e·s quelques camarades laissent leurs téléphones chez elleux, par exemple, cela pourrait être un point de départ évident pour une enquête en manque de pistes. Et, ensuite, parce que nos ennemis peuvent obtenir des informations à leur propos via leurs ami·e·s qui ne mènent pas d’actions : si une personne n’utilise pas de réseaux sociaux mais est mentionnée sur les réseaux sociaux de ses ami·e·s, par exemple, une enquête pourrait récupérer les données des réseaux sociaux de ses ami·e·s pour obtenir des informations à son propos. Nous devrions donc définir un niveau minimum de sécurité que toute personne évoluant dans des réseaux anarchistes accepte de respecter, y compris celleux qui n’ont jamais mené d’actions directes et n’ont pas l’intention d’en mener.

On ne peut pas dire ce que devrait être ce niveau minimum, car il va dépendre de chaque contexte local, mais on peut donner quelques idées. Au strict minimum, chacun devrait aider à cacher des informations à nos ennemis en ne faisant pas de spéculations sur qui est impliqué dans une action, en ne parlant pas aux flics, et en chiffrant tout ordinateur ou téléphone utilisé pour des conversations avec d’autres anarchistes avec un mot de passe robuste. Discuter de sujets sensibles exclusivement en extérieur et sans appareils électroniques, et éviter de montrer clairement à son entourage social avec qui on a des conversations sensibles (par exemple ne pas proposer à quelqu’un d’aller « faire une balade » devant des personnes qui ne sont pas impliquées dans le projet qui va être discuté). De plus, on pense que chacun devrait arrêter d’utiliser les réseaux sociaux (et en tout cas arrêter de poster des photos d’autres anarchistes, même avec leur consentement, parce que cela aide l’État à cartographier les réseaux anarchistes) et laisser son téléphone à la maison en permanence (pas juste pendant des actions). Transporter son téléphone avec soi a des conséquences en matière de sécurité pour toutes les personnes avec qui on interagit.

Il peut être difficile de convaincre des gens d’adopter un tel niveau minimum de sécurité, surtout s’iels pensent qu’iels n’ont pas d’intérêt personnel à le respecter. Si une personne est réticente, on devrait lui rappeler que ce n’est pas seulement sa sécurité qui est en jeu, mais aussi celle d’autres anarchistes autour d’elle qui mènent peut-être, ou prévoient peut-être de mener, des actions directes. Toute personne qui souhaiterait que des actions se produisent a un intérêt à rendre les réseaux anarchistes aussi difficiles que possible à réprimer par les autorités.

3. Explorer de nouveaux horizons

Nos ennemis évoluent au fil du temps et de l’affinement de leurs stratégies et techniques. Nous devrions nous préparer non pour les batailles qui ont déjà eu lieu, mais pour celles à venir. Nous devrions donc aller au-delà de nos pratiques de sécurité actuelles, anticiper l’évolution de nos ennemis, et développer de nouvelles contre-mesures.

Voici trois sujets que le mouvement anarchiste international devrait selon nous explorer dans les années à venir.

Drones

La surveillance aérienne devient rapidement moins chère et plus efficace. Comment devrait-on réagir à la présence de drones policiers lors d’émeutes, d’évènements anarchistes, etc. ? Comment peut-on détecter ou abattre des drones ? Devrait-on se préparer au risque que des drones soient utilisés pour des patrouilles aériennes de routine, et si oui, comment ?

Technologies de reconnaissance faciale

En 2023, un journaliste a localisé la militante de gauche allemande Daniela Klette, qui était en clandestinité depuis des années, en utilisant une technologie de reconnaissance faciale pour établir un lien entre une photo d’elle datant de plusieurs décennies et une photo récente trouvée sur Facebook, prise pendant un cours de danse. Que peut-on faire contre cette menace ? Comment se préparer à l’intégration croissante des technologies de reconnaissance faciale dans les systèmes de vidéosurveillance publics ?

Manque de visibilité de l’activité policière

Il y a quelques années encore, des anarchistes utilisaient des scanners de fréquences radio pour surveiller les fréquences de la police, par exemple pendant une action directe pour se renseigner sur l’activité policière autour du lieu de l’action. Dans la plupart des contextes, cela est maintenant impossible en raison du chiffrement des communications policières. Peut-on développer de nouvelles techniques pour remplacer fonctionnellement les scanners de fréquences radio, ou, plus généralement, pour avoir une meilleure visibilité de l’activité policière dans une zone donnée ?

À propos des auteurs

On est le No Trace Project. Ces trois dernières années, on a construit des outils pour aider les anarchistes à comprendre les capacités de leurs ennemis, saper les efforts de surveillance, et au final agir sans se faire attraper. On prévoir de continuer dans les années à venir. Les retours sont les bienvenus. Vous pouvez visiter notre site web notrace.how/fr, et nous contacter à l’adresse notrace@autistici.org.

Ce texte est disponible sous forme de brochure.

Préparons-nous, et que la chance soit avec nous.

La librairie anarchiste l’Insoumise fête ses 20 ans

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Nov 172024
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Depuis longtemps, le 2033-2035 boulevard Saint-Laurent est un espace vital pour l’anarchisme à Montréal (Tiohtià:ke/Mooniyang). En 1982, des militant·e·s libertaires fondent l’Association des espèces d’espaces libres et imaginaires (AEELI) afin de mettre la main sur le bâtiment qui abrite, aujourd’hui, trois projets anarchistes : l’espace social autogéré féministe et queer Les Révoltes, la bibliothèque DIRA et la librairie l’Insoumise. L’AEELI veut alors permettre la diffusion des idées libertaires, notamment grâce au développement d’une librairie anarchiste. Lors de sa fondation, l’association porte la librairie l’Alternative, ouverte en 1977. Depuis les vingts dernières années, c’est la librairie l’Insoumise qui a pris le relais. Fondée en 2004, l’Insoumise est accessible au public six jours par semaine.

Ce projet de diffusion des idées libertaires, toutes tendances confondues, fête donc ses 20 ans cette année. Pour l’occasion, l’Insoumise ouvre les portes des trois étages de la bâtisse les 23 et 24 novembre prochains. La librairie espère que les communautés qui fréquentent ce bâtiment anarchiste seront présentes pour les célébrations de son 20e anniversaire. Chaque année, un tas de curieux·euses visitent effectivement tant la librairie que la bibliothèque du 2033-2035 boulevard Saint-Laurent. Et les groupes militants profitent énormément de ces lieux.

Célébrons cet espace de vie, de joie, de colère, de manigances, d’organisation, de débats et de partage de connaissance.

À la pérennité du plus vieil espace anarchiste de Montréal ! (🏴 depuis 1977)

Alors, qu’est-ce qu’on fait maintenant?

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Nov 082024
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Alors, les fascistes ont gagné aux états-unis, en france, en italie … et ils s’en viennent ici. Qu’est-ce qu’on fait maintenant? On fait ce qu’on a toujours fait: on s’organise!

Construire un réseau de support pour personnes immigrantes

Beaucoup de personnes vont être forcées de fuir les états-unis. La menace de la « dénaturalisation » (un gros mot pour dire la déportation des personnes non-blanches) implique que beaucoup de personnes racisées seront forcées de quitter les états-unis dans l’urgence. Beaucoup de personnes LGBTQ+, en particulier des personnes trans, vont devoir trouver des refuges rapidement, à cause des lois transphobes et queerphobes.

Il y a des américains qui travaillent présentement à construire un réseau souterrain pour amener les gens à des endroits sûrs. Nous devrions donc nous assurer d’avoir des endroits sûrs ici pour les accueillir. Tant que le canada marque les états-unis comme un tiers pays sûr, beaucoup de ces gens se retrouveront sans statut. Le problème d’un état plus social comme le nôtre est qu’on dépend beaucoup de lui pour nos services. Il n’y a donc pas beaucoup de ressources pour les personnes sans statut à Tio’tia:ke.

Le Centre des travailleurs et travailleuses immigrantes (iwc-cti.ca) travaille avec des personnes au statut précaire et aura besoin d’aide. Solidarité sans frontières (solidarityacrossborders.org) supporte aussi des personnes au statut précaire et aura besoin de notre aide.

Aider vos antifascistes locaux

Nous ne sommes pas dans un lieu sûr nous-mêmes. Le fascisme est en hausse ici aussi. Le gouvernement legault se faufile lentement vers le fascisme, et les conservateurs fédéraux seront probablement élus avec un mandat d’extrême-droite. Et c’est sans compter les nazis locaux et leurs supporteurs. Contactez votre collectif antifasciste local (à Tio’tia:ke voir montreal-antifasciste.info) pour voir comment vous pourriez aider, ou bien créez votre propre collectif! Au minimum, enlevez tous les signes de la présences des fascistes. Ne les laissez pas prendre racine dans votre quartier!

On remarque aussi une hausse du nombre de shows de punk et de metal, malgré la fermeture de plusieurs scènes camarades. Ces shows sont beaucoup apolitiques, et si nous ne sommes pas prudent-e-s, les scènes pourraient être investies par des fachos. Tenir des tables de merchs camarades pourrait aider à rappeler aux gens ce qui est en jeu, et l’importance de jeter dehors les fascistes et nazis de nos shows.

Construire des alternatives à nos services perdus

Un des gros enjeux aux états-unis, et possiblement au canada bientôt, c’est l’accès à l’avortement et aux hormones d’affirmation de genre. Mais il y avait un moment où on pouvait assurer ces services nous-mêmes. La génération plus ancienne de personnes trans se souvient peut-être de l’époque où les personnes trans se rencontraient afin d’apprendre comment faire leur propre estrogène et testostérone. Le collectif américain Four Thieves Vinegar Collective (fourthievesvinegar.org) offre ce service en enseignant aux gens des habiletés pharmaceutiques de base.

Une autre solution pourrait être de construire une coopérative de clinique de santé. La Clinique Communautaire Pointe-Saint-Charles (ccpsc.qc.ca) en est un exemple, et fournit des services à la Pointe depuis des décennies. Bien que ces coopératives doivent respecter la loi, il pourrait être plus facile d’offrir des services additionnels sur le côté qu’à un hôpital ou une clinique d’état. Cela pourrait être crucial pour des personnes sans statut, par exemple.

Se préparer pour des catastrophes climatiques

À ce stade, il faut s’attendre à des catastrophes climatiques. Les « leaders » actuels du monde ont fait leur politique d’ignorer la crise climatique. Nous ne devons pas nous attendre à ce que des actions concrètes soient prises dans un avenir proche. Des mesures de mitigation seront prises, mais probablement uniquement pour protéger les quartiers les plus riches, au dépens des autres. Nous voyons déjà des murs marins être construits pour protecter les maisons des personnes blanches, poussant l’eau vers les quartiers racisés.

Nous avons été frappé-e-s fort cet été à Laval, mais ce n’est rien comparé avec ce qu’on a vu à Asheville (caroline du nord) et Valence (espagne). Le collectif Firestorm Books à Asheville donne de l’information sur ce qu’ielles ont fait après la catastrophe. Il existe aussi des brigades anarchistes mobiles dédiées à intervenir rapidement après une tempête de tornades ou un ouragan. Ces brigades sont souvent plus rapides à intervenir que les ressources étatiques, en particulier dans les zones les plus pauvres.

Bien que nous ne sommes pas présentement dans une zone de tornades ni d’ouragans, cela pourrait changer bientôt. Nous aurions besoin de ressources de ce genre.

Apprendre à désobéir

Cela peut être tentant de se lancer dans une action très visible, mais ce n’est pas quelque chose que la majorité des gens peuvent faire. Cela ne veut pas dire que vous ne pouvez rien faire! Toutes les petites actions peuvent aider: Oublier de demander une preuve de résidence avant de donner un service. Marquer un médicament comme perdu, et le donner à une personne sans statut. Perdre la requête d’information de la police, ou bien leur envoyer la mauvaise information à la mauvaise adresse. Conspirez avec vos collègues pour refuser une politique raciste et/ou sexiste.

Le gouvernement legault a passé récemment la raciste loi 96, qui force les employé-e-s du gouvernement à parler en français aux personnes qui viennent demander des services. Ce qu’on voit en pratique, c’est que presques tou-te-s les travailleu-se-s désobéissent à la loi, malgré la réception d’une directive stricte en ce sens. La plupart des employé-e-s du gouvernement vont vous parler dans la langue que vous préférez, même si la loi le leur interdit.

Ce refus d’obéir est important. C’est ce que nous avons besoin dans un état fasciste. Enfin, on ne pleurera pas si certains (ou toutes!) les ambassades se mettent à brûler durant la nuit, mais ce n’est pas quelque chose que tout le monde voudrait faire. Apprendre à désobéir, c’est quelque chose que nous pouvons tou-te-s faire, et que nous devons apprendre à faire. 

Conclusion

Le but de ce petit article est juste pour vous donner quelques indices sur ce que vous pouvez faire. Il y a cependant beaucoup d’autres choses dont on aura besoin! La clé est d’être curieu-se, observateur-rice, et imaginatif-ve. Regardez autour de vous, parlez à des camarades, regardez ce qui manque aux gens, déterminez ce qu’il faut faire. Les vieilles approches nous ont menées dans ce pétrin: peut-être qu’il est temps d’en trouver de nouvelles.

Une chose est certaine: ils veulent nous entraîner dans leur grande noirceur. Le moindre que l’on peut faire, c’est de les faire chier un max!

Une compilation de musique montréalaise pour célébrer les 25 ans de Riseup

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Nov 082024
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Riseup célèbre ses 25 ans cette année. Pour l’occasion, le collectif appelle à contribuer à la célébration d’un quart de siècle de communications autonomes. Nous, utilisateurices de Riseup du soi-disant Québec, y répondons.

La compilation #montreal4riseup sera lancée le 30 novembre @ music.riseup.net.

Pourquoi le 30 novembre ?!
En 1999, des militant·e·s débarquent à Seattle pour s’organiser contre le sommet du World Trade Organization (WTO). Illes utilisent Hotmail pour communiquer. C’est là que les fondateur·ice·s de Riseup mettent en place un serveur mail. On utilise depuis, à Montréal comme ailleurs, Riseup.

Le 30 novembre marque la 1ère journée des émeutes contre le WTO. Le lancement de #montreal4riseup tombe 25 ans, jour pour jour, après le célèbre Battle of Seattle.

Il existe ici une scène anarchiste vibrante. Les anarchistes étant généralement en contact, beaucoup de militant·e·s ont rapidement utilisé les services de Riseup. Il est donc normal qu’émerge, à Montréal, une compilation qui célèbre un projet supportant autant d’initiatives autonomes d’ici depuis tant d’années.

Pourquoi soutenir Riseup ?
Avec le temps, l’explosion de Signal et l’arrivée de grandes entreprises soi-disant sécures (et plus faciles d’accès) dont Proton (qui a transmis plusieurs informations de militant·e·s à l’État), nous délaissons les services de communications de confiance (Riseup est en un, mais il existe aussi Disroot, Systemli ou Autistici/Inventati). Nous voulons remettre la lumière sur ces alternatives. Afin de se protéger de la surveillance informatique, il vaut mieux limiter l’utilisation du numérique. Or, il faut rappeler que certains services ont fait leurs preuves.

25 ans de communications autonomes /// 25 years of autonomous communications /// 25 años de comunicaciones autónomas /// عامًا من الاتصالات المستقلة

Communiqué brigade anti-éviction

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Nov 082024
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

RAPPEL DES FAITS

La brigade s’est rassemblée le 7 octobre 2024 dernier pour mener une action contre l’expulsion prévue à 8h30. L’habitante de l’appartement a eu des problèmes de loyers impayés qu’elle a réussi à résoudre en s’endettant. Cependant, le paiement de ces loyers a été fait en argent liquide à la concierge de l’immeuble. La concierge confirme le règlement de ces sommes, mais le propriétaire nie avoir reçu cet argent. Ce dernier a donc traîné la locataire au tribu- nal administratif du logement (TAL) et a exigé en outre des frais de retards et des intérêts. Contre tout bon sens, le TAL a refusé de repousser l’audience qui aurait permis d’entendre le témoignage de la concierge comme preuve de paiement.

La locataire a malgré tout réglé les frais supplémentaires en s’endettant toujours plus et a cette fois payé par chèque pour s’assurer de laisser une trace indéniable. Mais le propriétaire ne reconnaissant pas le paiement des loyers précédents, une nouvelle audience au TAL a eu lieu. Le tribunal a décidé de considérer que la locataire avait un historique de mauvais paiements étant donné que le témoignage de la concierge n’a pas été jugé recevable. Une procédure d’éviction a donc été lancée. La tentative de faire appel de la décision a également été rejetée.

On assiste ici à une situation proprement kafkaïenne. La locataire s’est endettée pour payer son loyer et même pour rem- bourser les frais de retard, mais le TAL se place du côté du propriétaire et la personne va se retrouver sans argent et sans logement. De son côté, le propriétaire gagne sur tous les fronts : il empoche l’argent et va pouvoir expulser la personne. Plusieurs autres locataires de l’immeuble ont déjà été expulsés et le prix de leurs appartements ont explosé après une légère rénovation. On voit bien l’objectif de la manœuvre.

Comme si ce n’était pas suffisant, la locataire est dans une situation de santé fragile qui limite sa capacité à travailler et à se reloger. Ajoutons pour la forme que le logement est plein de moisissures qui sont probablement à l’origine de son état de santé, que rien n’avait été fait pour résoudre le problème et qu’un trop perçu de plus de 200$ est encore entre les mains du propriétaire. Nous ne pouvons accepter que les tribunaux bourgeois condamnent une personne pour n’avoir pas su manœuvrer leur propre système devant un propriétaire malhonnête. L’ultraformalisme du tribunal met systématiquement les locataires à la merci de propriétaires plus riches, capables de payer des avocats et autres professionnels pour faire le sale travail.

ACTION DE SOUTIEN

Nous étions une trentaine de militant.e.s réuni.e.s à 8h pour nous opposer à l’expulsion programmée par l’huissier. Nous sommes resté.e.s jusqu’à midi. L’huissier et le propriétaire seraient passés mais notre présence les aurait dissuadés de mener à bien l’expulsion. La police était sur place, mais s’est contentée de nous surveiller de loin sans chercher à entrer en contact avec nous.

Malheureusement, l’expulsion a bien eu lieu le lendemain matin. Nous connaissons les limites de nos capacités face aux décisions du TAL, mais nous savons aussi faire la distinction entre ce qui est juste et ce qui est légal. Notre action ne s’arrête pas là et nous allons continuer à soutenir les locataires et dénoncer les propriétaires. Notre présence aura au moins permis à la locataire de conserver ses meubles, l’huissier n’ayant pu réserver un autre camion pour le lendemain. Plus largement nous avons montré que la brigade est capable de mobiliser suffisamment de personnes, même un lundi matin à 8h, pour des actions solidarité.

Au cours de cette action, nous avons pu constater l’état déplorable des appartements loués par cette entreprise. Nous avons également eu plusieurs retours de locataires qui affirment que les loyers sont payés en liquide sur demande du pro- priétaire. C’est d’ailleurs ce qui lui a permis d’obtenir cette expulsion. Nous nous attendons à ce que d’autres personnes soient victimes de ces vendeurs de sommeil. C’est pourquoi nous avons décidé de publiciser les responsables de cette situation afin que les locataires puissent se préparer à se défendre si ils et elles devaient avoir à faire à ces personnes. Ces informations sont des données publiques.

L’entité légale louant les appartements est l’entreprise 9117-0977, aussi connu sous le nom de Domaine Dutrisac. L’adresse de son siège social est au 335 avenue Wiseman à Montréal, H2V 3J5. Les responsables de cette entreprise sont :
• Aaron Sander, actionnaire
• Susan Sander, actionnaire
• Joel Teller, secrétaire du conseil d’administration
• Raphael Nehmias, directeur général du conseil d’administration

Nous invitons toutes personnes ayant affaire à eux à se rapprocher d’associations de défense des locataires, de conser- ver des traces de leurs paiements et de faire constater l’état de leurs logements de façon préventive. La justice protège les riches, mais ne leur facilitons pas la tâche.

Nos proprios savent où nous habitons, ce n’est que justice que nous le sachions aussi.

À BIENTÔT DANS LA RUE

30 octobre – nuit du diable

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Nov 012024
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

30 octobre – Une petite équipe a fait irruption dans la nuit trop chaude pour rappeler la longue tradition du méfait, de la rébellion, de la peur, des réjouissances et du rituel souvent associés à cette période transitoire de l’année. Les bars de pry étaient coincés dans les fissures de ce paysage d’enfer pourri que nous appelons « ville » , les trous dans les murs métalliques soudés sont devenus de nouvelles opportunités d’exploration bien au-delà des yeux des caméras de sécurité, des toits brûlés ont été faits pour regarder les nuages ​​si rien d’autre, et un bâtiment magnifiquement abandonné actuellement converti en condos (coin de Sainte-Catherine et Leclaire) a reçu une nouvelle couche de peinture. Nous le faisons pour le sentiment de joie dans la criminalité, pour aider notre corps à se souvenir de ce que signifie se sentir autonome. Si nous pratiquons suffisamment, peut-être que ces nuits extatiques imprimeront nos actions sur notre corps, afin qu’elles puissent faire partie de notre vie quotidienne.

Bloquons l’OTAN

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Oct 302024
 

De la Convergence des luttes anticapitalistes

Du 22 au 25 novembre, l’assemblée parlementaire de l’OTAN débarque à Montréal pour son cirque mortifère. D’une alliance militaire durant la guerre froide, l’OTAN est devenue aujourd’hui le bras armé des pays occidentaux, imposant ses politiques belliqueuses à travers le monde. Face à ces profiteurs de guerre, il est impératif de faire entendre notre voix et de combattre leur logique destructrice. L’OTAN a déjà des conséquences néfastes sur nos vies:

  • Augmentation des budgets militaires : Ce sommet survient alors que l’OTAN fait pression sur le gouvernement canadien pour qu’il augmente à 2% la part de son PIB consacré aux forces armées, une augmentation de 50%, alors que le gouvernement canadien a déjà augmenté ses investissements militaires de 41% de 2014 à 2021. Cet argent devrait servir à l’éducation, la santé et le communautaire, pas à alimenter la machine de guerre impérialiste.
  • Destructions au nom de l’impérialisme américain : Ne nous laissons pas berner par le langage stérile des forces occidentales; les interventions de l’OTAN, loin d’être stratégiques et précises sont plutôt excessivement puissantes, disproportionnées et imprécises. L’OTAN détruit tout sur son passage, répend la misère et favorise la multiplication de groupes armés, tout ça pour préserver les intérêts de ses États membres, principalement des États-Unis, pilier de l’alliance et géant du complexe militaro-industriel. Cette logique impérialiste maintient les peuples du Sud Global dans la pauvreté et la dépendance envers le Nord Global.
  • Complice du génocide palestinien : Le soi-disant Canada est  complice du génocide en Palestine en contribuant à l’approvisionnement en armement, en facilitant des partenariats économiques et académiques et, surtout, par son soutien  indéfectible à Israël qui est l’allié central de l’OTAN. C’est en soutenant militairement les forces sionistes que l’OTAN peut maintenir une main mise stratégique au Moyen-Orient afin d’y faire reigner les intérêts politiques et économiques de ses membres.

La paix ne se gagne pas à la pointe du fusil, mais en redistribuant les richesses. C’est en l’honneur de tous les peuples colonisés d’hier, d’aujourd’hui et de demain, d’ici et d’ailleurs, que nous appelons à votre courage et votre détermination pour prendre la rue avec nous !

Le 22 novembre, sortons massivement dans la rue pour faire entendre notre colère ! Unisson-nous pour rappeler aux États du monde entier que leurs mains resteront toujours salies du sang des exploité·e·s, peu importe qu’iels tentent de les dissimuler dans des gants de velours ou des sommets risibles !

Ensemble, bloquons l’OTAN et affirmons notre refus du militarisme, de l’impérialisme et du colonialisme !

Date et heure: 
vendredi, 22 novembre 2024 – 17:30

Un journal écrit en 3 semaines en vu de la venue de l’assemblée parlementaire de l’OTAN du 22 au 25 novembre 2024. Le document intégral en pdf. Ou juste la version francaise ou anglaise.

Les articles:

L’OTAN, quatre lettres à abattre

Qu’est-ce que l’OTAN

Bloquer l’impérialisme, c’est possible!

Pourquoi bloquer l’OTAN

Guerre en ukraine: les empires sont toujours là

La Palestine face à l’occident impérialiste

Strasbourg: OTAN de cendre, tout devient possible

Vers un autre soulèvement

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Oct 292024
 

De Trognon.info

Ces lignes répondent à un article paru dans Tinderbox, un journal hors-ligne d’anarchie combative.

Fin 2010 un acte individuel de désespoir dans la ville de Sidi Bouzid a déclenché un bouleversement audacieux, enragé et joyeux qui a voyagé à travers l’Afrique du Nord jusqu’au Moyen-Orient et au-delà. Les populations ont défié les systèmes oppressifs dans lesquels elles étaient immergées depuis des générations et se sont rassemblées dans les rues pour renverser les élites politiques à leur tête. Les autorités, d’abord stupéfaites par cet esprit courageux qu’elles ne pouvaient pas comprendre, ont alors délivré une réponse cynique et brutale.

Cette défaite est toujours en train d’être infligée aux populations de la région, et elle est aussi ressentie dans le monde entier par celles et ceux qui se sont tenus en solidarité avec les soulèvements mais qui ont été pour la plupart incapables de surmonter leur impuissance tandis que les soulèvements étaient massacrés.

Les horreurs dans la région durant la dernière décennie sont nombreuses. Pour en nommer quelques unes qui me restent le plus en tête : Sissi a ramené l’Égypte au temps d’une dictature militaire avec le soutien matériel des États-Unis. Les régimes dans les autres pays nord-africains sont en train de paver tout signe de liberté pendant que les pays européens les persuadent de fermer les routes migratoires sur la Méditerranée. Sans les campagne militaires meurtrières du Hezbollah et du CGRI en Syrie, Assad n’aurait pas survécu au soulèvement. Le régime iranien lui-même a brutalement réprimé trois différents soulèvements dans le pays au cours de la dernière décennie. La plupart des gens au Liban sont dans une lutte quotidienne pour la survie à cause de la cupidité de ses dirigeants politiques pendant que des foules aux ordres du Hezbollah répriment des manifestations de rue. Au début des soulèvements, le Hamas, qui a abattu des opposants politiques en plein jour dans les rues de Gaza, a éliminé les tentatives d’un soulèvement en rassemblant les organisateurs des manifestations et les menaçant de meurtre. Les dirigeants dans la région ont compris une fois de plus qu’ils peuvent utilisé tous les moyens contre les populations sous leur contrôle sans réel empêchement de l’extérieur. Indifférence, cynisme et opportunisme l’emportent sur les appels moraux, et les alliances stratégiques sont toujours en jeu. Le monde continue de tourner. Pour celles et ceux d’entre nous qui n’ont pas regardé ailleurs, comment ne pouvons-nous pas voir un lien entre Assad bombardant des villes syriennes jusqu’à la saturation et Netanyahou en train de raser Gaza ?

Les auteurs et autrices de « Vers la dernière intifada » (Tinderbox n°6) ne reconnaissent pas ces expériences de la dernière décennie. Au lieu de cela, ils et elles proposent de rejoindre le camp opposé d’une alliance géopolitique américaine (en maintenant le centralisme américain à leur propre façon). Selon elles et eux, l’Axe de la Résistance montre la voie à suivre aux anarchistes pour lutter contre l’empire. Cet article semble confondre résistance avec « la Résistance ». C’est-à-dire, qu’ils et elles font tomber toute forme de résistance de gens en Palestine, et plus largement dans la région, dans une représentation particulière, adoptant un terme parapluie utilisé par les États, les militaires, les organisations para-étatiques/para-militaires pour décrire leurs propres activités. Les auteurs et autrices de l’article mettent en garde les anarchistes contre une trop grande sensibilité à la hiérarchie – comme si c’est le seul aspect de « la Résistance » que les anarchistes pourraient trouver difficile à accepter.

Cela fait maintenant un an après l’incursion sanglante du Hamas en Israël. À part les discours, les accomplissements de la Résistance jusqu’ici sont : le Hezbollah a lancé des roquettes inefficaces qui ont seulement infligé des dommages significatifs à un village druze, les dirigeants iraniens s’occupent en faisant des appels vers l’Occident pour régner en Israël, des milices en Irak ont attaqué quelques bases militaires US dans le pays au début et puis sont tombées dans le silence, tandis que seuls les Houthis semblent avoir pris « l’Unité des Fronts » de Nasrallah au sérieux. Ils ont réussi à perturber des routes maritimes mondiales et porté des attaques aériennes inattendues sur Israël. Entre-temps, Israël a anéanti la direction du Hezbollah, lance des bombes sur le Liban quotidiennement, bombarde régulièrement des sites en Syrie sans représailles, et commet des exécutions à Téhéran. L’Axe de la Résistance et l’Unité des Fronts sont de simples slogans qui masquent les affaires stratégiques entre les organisations politiques, autoritaires et les États avec leurs propres intérêts (souvent différents). C’est illusoire de le voir comme quelque chose d’autre. Et Israël qualifie de bluff « la Résistance » avec une escalade militaire exponentielle.

Les massacres d’Israël à Gaza, avec le soutien matériel des pays occidentaux, sont incessants. Le régime d’apartheid en Cisjordanie et Israël a été bâti pendant des décennies, laissant presque aucun oxygène à respirer pour celles et ceux vivant sous son contrôle. Face à cette triste réalité et une accablante impuissance d’y mettre fin, les anarchistes sont peut-être à la recherche d’une résistance efficace (ou plutôt, semble-t-il, d’une image de celle-ci). Mais si nous voulons combattre l’oppression, nous ne pouvons pas nous contenter avec une quelconque opposition. Choisir de rejoindre un système autoritaire, militariste contre un autre ne mettra pas fin aux horreurs de ce monde – ni dans ce conflit ni dans aucun autre. Ce n’est ni intrinsèquement défaitiste ni un signe d’indifférence privilégiée de refuser de prendre parti entre groupes et États belliqueux. Nous arrivons à cette conclusion seulement si nous réduisons la réalité à des représentations simplistes. Au lieu de cela, en s’ouvrant à la complexité et la spécificité, l’agir anarchiste peut être un effort libérateur. C’est là que nous pouvons trouver des affinités, construire des relations sur une base différente, et rassembler la force et le courage – ou peut-être, l’humilité et la passion – pour l’attaque. Les anarchistes trouvent leur efficience lorsque ils et elles peuvent ébranler et détruire des systèmes oppressifs. Nous ne la trouverons pas dans une prouesse militaire qui, en fin de compte, produit plus d’oppression et de misère. Et donc celles et ceux qui ont un esprit qui leur est propre et la mémoire des révoltes passées combattront pour un autre soulèvement.

Depuis la côte nord de la Méditerranée, avec un cœur lourd et une âme en feu
Début octobre 2024