Montréal Contre-information
Montréal Contre-information
Montréal Contre-information
Mai 222017
 

Soumission anonyme à MTLCounter-info

Le 4 mars, un appel a été lancé par un groupe (probablement composé d’une seule personne) connu sous le nom de la Coalition Canadienne des Citoyens Concernés pour une série de manifestations islamophobes à travers le Canada. Les rassemblements étaient organisés contre le projet de loi M-103, une motion parlementaire condamnant l’islamophobie (au lendemain du massacre de la mosquée de Québec plus tôt cette année) décrite par le CCCC comme une attaque contre la liberté d’expression[1. M-103 est une dénonciation standard et peu remarquable par un politicien. C’est une motion non-contraignante qui appelle à la reconnaissance du problème du racisme et de l’islamophobie et à leur destruction, à la réalisation d’études et à la récolte de statistiques, et à la recherche de solutions, mais qui ne suggère rien de bien concret au-delà de ça.]. Le 4 mars, les rassemblements étaient déclarés officiellement « pour la liberté d’expression, contre la charia et contre la globalisation » et les directives internes invitaient tout particulièrement les gens à ne pas amener des signes de la « supremématie blanche » ou ouvertement racistes (ce qui ne les a pas empêchés de nous crier « traîtres à la race » ou de faire des saluts nazis).

L’islamophobe derrière le CCCC basé à Montréal, George Hallak, semble avoir adopté une approche du genre « lance le sur le mur et voit si ça colle », en créant des événements Facebook à travers le Canada et en publiant ensuite une demande sur le mur l’événement pour voir si une personne de la localité pouvait s’en occuper. Non seulement ça a eu du succès dans le Canada anglais – dans plusieurs villes, des racistes de différentes localités ont fait la rencontre les uns des autres et se sont aussi présentés la dite journée (même s’ils ont été généralement beaucoup moins nombreux et submergés par les antiracistes) – mais au Québec, l’effort a été pris en charge par les groupes d’extrême-droite de la province et a, ici, ouvert la possibilité du premier « coming out » coordonné et uni de l’extrême-droite.

Depuis maintenant plus de 20 ans, les forces radicales de Montréal – généralement menées par les anarchistes et les maoïstes – ont empêché chaque rassemblement public de l’extrême droite avec consistance. Une fois de plus, les forces s’étaient préparées à faire la même chose que par le passé. Malgré des températures très froides (-20ºC), un nombre de gens comparable à celui des multiples mobilisations antifascistes de 2016 (quelques centaines) s’est présenté, et certaines personnes étaient préparées à agir. Cependant, à la différence de 2016 où il y avait tout au plus une dizaine de racistes qui se pointait, cette fois, ils étaient plus de 100 avec leur propre corps de sécurité compétent, imposant et coordonné avec la police.

À Montréal, notre côté a eu le dessus de manière superficielle – nous étions plus qu’eux, quelques-un.es des leurs se sont fait frapper, certain de leurs signes et drapeaux ont été pris de force, la police était positionnée pour les « protéger » de nous et lorsque certain.es d’entre nous ont pris le dessus sur la police, les fascistes se sont éloignés pour finalement se disperser – mais ceci n’était en réalité qu’un échec pour nous. Pour se rendre au site du rassemblement, les racistes ont marché à travers le centre-ville. Une fois le contingent raciste arrivé, ils ont été capable de tenir leur position (protégée par la police) pour plus d’une heure en s’affichant de manière impressionnante (gros drapeaux, pancartes, etc.). Lorsque la police a été finalement débordée et que certaines de nos forces ont pu rejoindre les racistes, ces derniers ne se sont pas enfui, mais ont plutôt marché de manière ordonnée sous escorte policière jusqu’à leur point de départ, et de là se sont dispersés.

Ce que nous décrivons plus haut a été l’objectif de l’extrême-droite depuis des années, mais les groupes qui s’y essayaient (pour prendre un exemple récent, PEGIDA Québec l’a tenté à de multiples reprises en 2015 et 2016) étaient incapables de réussir – chaque fois, leurs forces étaient minuscules et ils avaient l’air minables. D’après ce qu’on a vu le 4 mars et d’après de nombreux compte-rendus, ils se sentent aujourd’hui bien loin de ça. Par le passé, pour chaque personne qui se présentait de leur côté il y en avait une dizaine qui affirmait sur les médias sociaux vouloir s’y pointer mais qui ne le faisait pas (par peur d’être grandement submergés et humiliés ou blessés). Pour cette raison, le fait qu’ils aient réussi à manifester pourrait vouloir dire qu’ils feront encore mieux la prochaine fois.

À Québec les choses étaient pires encore – ce qui est obscène, puisque c’est la ville où, il y a cinq semaines, une personne d’extrême-droite a tué six personnes et sérieusement blessé de nombreuses autres en ouvrant le feu dans une mosquée. L’extrême droite a mobilisé plus de 100 personnes, dont la majorité était d’âge mûr ou plus vieux encore, et qui n’était probablement pas du genre à vouloir aller jusqu’à la confrontation physique. Cependant, un plus petit contingent associé avec le groupe fasciste Atalante était aussi présent, et, à un certain moment, a donné l’impression qu’il cherchait la bataille. Étant donné le petit nombre d’antifascistes présent.es le 4, il n’est pas clair qui aurait été chassé de là si la police n’avait pas été présente.

(Afin de mettre en contexte la situation de la ville de Québec, il est à noter que la semaine précédent le 4, une grande manifestation anti-raciste a eu lieu ainsi qu’un festival anti-raciste ayant attiré de nombreuses personnes. La situation n’est donc pas due à l’absence de développement positifs sur le terrain, mais simplement que ces derniers ne se sont pas traduit en un équilibre de forces qui nous était favorable le 4, et ce pour une variété de raisons.)

Au Saguenay, au nord-est de la ville de Québec, il y a eu près de 100 racistes qui ont marché, avec à peu près à moitié moins d’antiracistes. Bien qu’en plus petit nombre, des forces similaires se sont unies dans les villes de Trois-Rivières et Sherbrooke.

Les événements du 4 mars ont été rendus possible à cause du travail organisationnel de l’extrême-droite autant qu’à un environnement social islamophobe malsain.

Les acteurs

La Meute a repris l’appel du CCCC à travers le Québec. Elle est une organisation d’extrême-droite ayant une présence massive sur internet (plus de 43 000 membres sur son groupe Facebook non-sécurisé) et qui attendait le moment où elle pourrait organiser un événement public majeur en dehors de la cyber-réalité.

Fondé en 2015 par deux ex-militaires, Éric Venne (alias Éric Corvus) et Patrick Beaudry, les premiers événements organisés par le groupe se sont tenus dans la région de la ville de Québec et de Saguenay. En août 2016 leurs flyers ont commencé à faire leur apparition sur les places publiques, et quelques semaines plus tard, Venne et d’autres membres ont perturbé un événement d’information organisé par un groupe de volontaires qui planifiait héberger une famille de réfugié.es syrien.nes.

Comme c’est souvent le cas pour de tels groupes, La Meute soutient n’être ni d’extrême-droite ni raciste, seulement contre la « charia » et « l’islam radical ». Plus encore, et procédant toujours dans même logique que plusieurs autres groupes semblables – mais pas tous, ils justifient partiellement leur opposition à l’islam suivant les termes qu’il serait sexiste et homophobe. Venne a même pris la peine de se présenter à la vigile du Village Gai de Montréal ayant suivi le massacre de juin 2016 au club Pulse à Orlando.

L’objectif déclaré de La Meute est de devenir une force politique d’importance au sein du grand public. Il demeure tout de même un groupe d’extrême-droite, même s’il n’aime pas être décrit ainsi. Pour reprendre les propos de Sylvain Brouillette (aka Sylvain Maikan) qui assure leurs relations avec les médias, « Marine Le Pen est beaucoup plus proche de nous que Donald Trump ». Comme ils l’ont montré le 4 mars, La Meute vise à attirer des gens allant de racistes conscients d’extrême-droite à des gens qui ne se considèrent sincèrement pas comme tel, mais qui sont motivés par une combinaison de désinformation et de peur des musulmans.

Le 4 mars a été un test important pour La Meute. S’ils avaient été battus, ça aurait été un revers majeur. Le groupe a obtenu beaucoup d’attention médiatique à cause de son grand nombre de membres Facebook, mais comme on le sait bien, c’est vide de sens en soi – en d’autres termes, pour eux, cette situation était de l’ordre du « présente-toi ou tais-toi ». Ils ont aussi été rejoints par de plus petits groupes (PEGIDA Québec, Les Soldats d’Odin), des boneheads, et d’autres qui n’arrivent pas à faire quoi que ce soit de public avec nombres réels à Montréal ou choisissent de ne pas le faire. Alors soudainement, tous ces petits milieux, avec une personne ici et là se sont unis en quelque chose que nous n’avons pas pu empêcher, sous la protection de La Meute. Certain.es supposent que beaucoup de gens ont dû se présenter de l’extérieur de Montréal, ce qui peut être vrai, mais ce qui n’est pas vraiment pertinent. En plus, puisqu’il y avait d’autres rassemblement dans d’autres villes, les forces de l’extérieur de Montréal auraient dû avoir moins d’importance que lors des mobilisations précédentes.

Et rappelons-nous : hors de Montréal, en fait, les manifestant.es antifascistes ont été submergé.es par les racistes.

La ville de Québec est la capitale de la province. Elle est plus petite, beaucoup plus blanche, et beaucoup plus conservatrice que Montréal. Plus encore, ça fait des années qu’elle baigne dans la propagande raciste des « radios poubelles », qui pointent les musulmans non-seulement comme une menace contre l’ « Occident », mais contre Québec en particulier, en des termes qui sont souvent impossibles à distinguer de ceux de groupes comme La Meute. Dans un contexte aussi favorable, plusieurs groupes d’extrême-droite ont été capables de se développer.

Outre La Meute, Les Soldats d’Odin est un autre groupe actif à Québec. C’est une organisation internationale née en Finlande et basée en grande partie autour de l’organisation de patrouilles de rue anti-musulmans. En 2016, le groupe a mis en place plusieurs chapitres à travers le Canada, incluant le Québec. En janvier 2017, leur organisation de Québec a été bouleversée par le remplacement de leur leader Dave Tregget par Katy Latulippe, une partisane de la ligne dure (depuis lors, Tregget a débuté un nouveau groupe Storm Alliance). Selon un article de journal récent, Latulippe « a promis de ramener la branche de Québec des Soldats d’Odin à ses racines finlandaises et à démarrer des patrouilles des zones les plus musulmanes de la ville de Québec. L’objectif, dit-elle, n’est pas d’intimider les immigrants musulmans mais plutôt de leur faire prendre conscience des valeurs du Québec. »

Un autre groupe notable – qui était aussi actif à Québec le 4 mars, aux côtés de La Meute, Les Soldats d’Odin et Storm Alliance – ebt Atalante, un groupe de la Troisième Voie comptant plusieurs boneheads et d’anciens boneheads (la promotion du groupe a été faire à des shows du groupe de musique Légitime Violence). Atalante fait partie de la tendance la plus clairement fasciste et consciemment raciste de l’extrême-droite du Québec, aux côtés d’autres groupes comme la Fédération des Québécois de Souche (plus présente dans la région du Saguenay) et La Bannière Noire (basée à Montréal).

Bien que petit, le groupe Atalante a été actif depuis sa fondation ; il a tenu deux manifestations publiques dans la ville de Québec, a organisé une conférence avec l’intellectuel d’extrême-droite italien Gabriele Adinolfi (lui-même un des fondateurs des politiques de Troisième Voie) et une messe catholique publique avec la Société de Saint Pie X (une secte romane catholique dissidente aux liens étroits avec l’extrême-droite internationale). Dans le cadre de son approche de troisième voie, Atalante a organisé des événements pour offrir de la nourriture et de jouets gratuits à des quartiers ouvriers – mais à des « néo-français » seulement.

À Québec, le 4 mars, bien que la masse de la manifestation était composée de La Meute, c’était Atalante qui semblait se positionner pour se battre contre notre côté à un certain moment. Ceci dit, leur relation à la montée anti-musulmans n’est pas sans nuance : dans une déclaration publiée sur leur groupe Facebook après la manif, ils critiquent l’étroitesse du focus sur l’islam, en disant que les ennemis réels sont le multiculturalisme, l’immigration massive et les systèmes « banksters », et condamnant comme inutile toute mobilisation qui s’en éloigne. Dans la même optique, ce jour-là, on pouvait voir écrit sur leur bannière une citation modifiée de Marx « Immigration – Armée de Réserve du Capital ». (Ce n’est pas la première fois qu’Atalante s’est fait un devoir de critiquer des racistes moins idéologiques – récemment, ils ont distribué des tracts à un lancement de livre du journaliste islamophobe populaire Mathieu Bock-Côté, appelant à une approche plus radicale.)

Contexte social

Au-delà de l’implication et du travail organisationnel des groupes d’extrême-droite, il y a des facteurs sociaux plus larges derrière la différence marquée de la manière dont le 4 mars s’est passé au Québec et au Canada anglais. L’islamophobie et la xénophobie sont généralement moins contestées dans la sphère publique au Québec qu’ailleurs au Canada, et la réponse de la gauche au racisme (depuis des générations maintenant) a été bien plus faible et moins cohérente que partout ailleurs en Amérique du Nord. Cela est dû au fait que le problème de l’identité nationale et du nationalisme québécois n’a jamais été neutralisé ni résolu de manière libératrice ici. Alors qu’en de nombreux autres endroits il y a une vaste part de la population n’étant pas de gauche qui est hostile à l’extrême droite parce qu’elle la voit comme étant en quelque sorte extrémiste, non-démocratique ou autrement peu ragoûtante (pour des raisons que nous ne considérerions pas de gauche, mais dont nous bénéficions toutefois passivement), au Québec cette partie de la population est bien plus ambivalente et peut balancer d’un côté ou de l’autre dépendamment de comment les choses sont présentées. Cela offre un plus grand bassin aux racistes organisés dans lequel aller faire du repêchage, et plus d’espace pour opérer au niveau des idées. Par exemple, ils ne sont pas toujours considérés comme « à côté de la plaque ».

Toujours est-il que ça vaut la peine de rappeler aux lecteurs.trices que lors de la période de la Nouvelle Gauche, les soi-disant « long sixties », le Québec était un pôle progressif du Canada, et le mouvement nationaliste du Québec était dominé par des forces progressistes. Bien que ce texte ne soit pas le lieu où se plonger dans une histoire étendue de ce qui s’est mal passé, certaines des racines du problème peuvent être retracées jusqu’à ce « point culminant », où une identification avec les forces anti-coloniales à travers le monde a mené bien des Québécois nationalistes à rejeter la possibilité que leur nation soit un oppresseur, ou que leur propre mouvement soit un véhicule de racisme. Il n’est pas rare aujourd’hui de voir d’anciens radicaux, des activistes de gauche et même des leaders de cette génération tenir des positions ouvertement racistes et d’extrême-droite. Ce qui diffère peut-être de d’autres contextes en Amérique du Nord c’est que ces individus ne reconnaissent pas toujours le fait qu’ils ont changé de côté.

En plus de ce qui précède, le massacre du 29 janvier, lorsqu’Alexandre Bissonnette (une personne d’extrême droite) a fait une fusillade dans une mosquée de la banlieue Ste-Foy de la ville de Québec, a véritablement encouragé l’extrême-droite. (La mosquée avait été la cible de vandalisme islamophobe à de nombreuses reprises par le passé, dont en juin 2016 lorsqu’une tête de porc avait été laissée sur son porche accompagnée de la note « bon appétit ».)

Alors que des milliers de personnes se sont réuni lors de vigiles après le massacre, et qu’il y a eu beaucoup de couverture médiatique à propos de l’islamophobie pour plusieurs jours, au Québec l’enjeu de l’identité nationale mentionné précédemment a fait en sorte qu’en une semaine, non seulement les néonazis et les fascistes, mais aussi de larges pans de la droite populiste nationaliste ont réinterprété l’événement comme quoi le Québec serait maintenant sous attaque par les « multiculturalistes » et les « islamistes » qui veulent « exploiter » la tuerie pour mettre un frein à la liberté d’expression, pour humilier et calomnier la ville de Québec en tant que raciste, etc. – tout cela parfaitement symbolisé par l’insignifiant projet de loi M-103. Ces personnes ont sincèrement senti qu’il y a beaucoup de racisme du Canada contre le Québec, et que tout discours sur l’ « islamophobie » n’est qu’un écran de fumée – et nous devons souligner que ceci est une position que la gauche n’a jamais neutralisée ici, même au sein de ses propres rangs.

Alors que le massacre du 29 janvier a été condamné par presque toutes les sections de l’extrême-droite, ce n’est pas une exagération d’affirmer que plusieurs voient la nation du Québec comme ayant été la réelle victime. Plus encore, l’attaque a été clairement encouragée et enhardie par d’autres forces de l’extrême-droite et par les racistes ordinaires, pas seulement au Québec mais à travers le Canada anglais aussi. Elle a été suivie par une série d’actes de vandalisme contre des mosquées, une alerte à la bombe contre les musulmans à l’université Concordia à Montréal, et des attaques renouvelées contre les musulmans dans les médias, particulièrement sur les radios poubelles.

C’est dans ce contexte que la manif du 4 mars a eu lieu.

Pas seulement Trump

Le Québec est une nation différente du Canada anglais ou des États-Unis ; alors que l’ « effet Trump » joue un rôle dans les événements ici, le Québec est aussi indépendamment travaillé par des processus internes qui ont mené en ce sens. Effectivement, pointer Trump du doigt, ou les crimes impérialistes du Canada au Moyen-Orient comme principaux facteurs derrière l’islamophobie ici est devenu un argument mobilisé par certaines figures qui cherchent à minimiser ou simplement nier les racines profondes du racisme au Québec. En faisant porter le blâme à des politiques décidées à Ottawa ou à Washington, DC, de tels arguments laissent une fois de plus le Québec comme innocente victime, libre de tout blâme.

Il y a plusieurs exemples de cela, mais le plus outrageux est probablement l’article « The New World Order Hist Quebec City » par Robin Philpot, un anglophone depuis longtemps déjà apologiste du racisme au Québec (déjà en 1991 Philpot écrivait que, dans son conflit avec l’État du Québec, la Mohawk Warrior Society était utilisée par la CIA ou la GRC). Dans son article « New World Order », d’abord publié sur le site web Global Research basé à Montréal et ayant ensuite été republié sur Counterpunch, Philpot soutient essentiellement que le massacre du 29 janvier était le résultat de l’impérialisme global, et pas d’un quelconque problème particulier avec l’islamophobie ici. Effectivement, dans sa couverture de nombreuses mobilisations de masse islamophobes au Québec, Philpot soutient que la province ne peut pas être islamophobe à cause… des grandes manifestations contre la guerre en 2003 ici.

Que de tels arguments ne mènent nulle part peut être démontré par le simple fait qu’ils échouent à prévoir ou à expliquer des événements comme celui du 4 mars.

Afin de comprendre les choses, le Québec a besoin d’être vu comme une nation distincte, mais aussi comme une nation faisant intrinsèquement partie de et qui se voit comme appartenant à l’identité plus large supra-nationale du 21e siècle de « blancheur » et de l’ « Occident » – non seulement en ce qui concerne les crimes blancs de l’Occident à l’étranger, mais aussi en termes de relations sociales « à la maison ». Ceci fait du Québec une nation en un certain sens pareille et en un autre différente des autres sociétés prétendument « blanches » et « Occidentales ». Par exemple, en ce qui a trait aux groupes mentionnés dans ce texte, plusieurs des points de référence intellectuels sont différents (par exemple, plus européens, plus fermement catholique), et même lorsqu’ils sont partagés (par exemple, la Nouvelle Droite européenne a aussi influencé l’alt-right américaine) ils jouent un rôle différent parce qu’ils nous parviennent sans avoir été traduits et à travers des canaux différents.

La « qualité stratégique » d’une percée de l’extrême-droite ici, pour ceuzes d’entre vous qui êtes aux États-Unis, serait difficile à mesurer, et peut s’avérer minime. D’un autre côté, comme les événements récents l’ont montré, tout endroit où ces gens peuvent faire des avancées significatives peut constituer une inspiration ou un point de levier pour les gens de leur espèce ailleurs.

D’une manière ou d’une autre, ce qui est maintenant à l’ordre du jour pour les nôtres au Québec est de déterminer la signification des événements récents. Pour les antifascistes et autres forces progressistes, la priorité est claire : construire à partir de nos positions de force, établir des liens avec de nouveaux.elles allié.es, et s’assurer qu’un moment comme le 4 mars ne se reproduise pas.