Montréal Contre-information
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Appel international pour des journées d’action du 30/12 au 01/01 : En mémoire de Kyriakos X. et en solidarité avec les accusé-es de l’affaire Ampelokipoi

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Déc 192024
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Le 31 octobre, lors d’une explosion dans un appartement à Athènes, le camarade anarchiste Kyriakos Xymitiris est tombé dans la bataille pour la libération sociale et de classe. La camarade anarchiste Marianna a subi de graves blessures. Après avoir été soignée à l’hôpital Evangelismos sous la surveillance constante de la police, elle a été transférée le vendredi 15/11 à la prison de Korydallos. Suite aux événements du 31 octobre, les camarades Dimitra Z, Dimitris, Nikos R. et A.K ont également été incarcéré-es dans la prison de détention provisoire de Korydallos. Les cinq camarades ont été inculpé-es en vertu de la loi antiterroriste 187A : formation et appartenance à une organisation terroriste, possession et fabrication d’explosifs, ainsi que détérioration de biens privés.

Les pressions exercées par l’unité antiterroriste grecque, en collaboration avec le juge chargé de l’affaire, ont conduit à la sortie prématurée de la camarade Marianna de l’hôpital, la direction de l’hôpital Evangelismos n’assumant pas la responsabilité de sa patiente. Comme toutes les prisons du monde, Korydallos est un lieu où règnent les mauvais traitements et les conditions difficiles. La section dite « pour femmes » de la prison est encore plus négligée que la section dite « pour hommes », ce qui en fait une image représentative de la société patriarcale dans laquelle nous vivons. Cette torture infligée à la camarade s’enracine dans les pratiques les plus classiques du patriarcat occidental, esclavagiste et colonial. Le dépouillement de la subjectivité et la manipulation des corps comme des objets, par la force, est une pratique historique du patriarcat blanc. Celui-ci tente, par le biais des États européens, de créer un mythe de l’ennemi extérieur – un ennemi racisé, avec un alphabet différent. Cependant, il est clair que le patriarcat est un ennemi actuel venant du monde occidental, comme en témoignent les mauvais traitements auxquels sont soumises la camarade et de nombreuses autres personnes emprisonnées.

De même, l’exploitation des corps et des données personnelles des camarades accusé-es a commencé par diverses méthodes réalisées par l’appareil d’État, tout cela au profit du pouvoir en place. Sous la direction de l’unité anti-terroriste, les fonctionnaires corrompus de « New Democracy » et, une fois de plus, le ministre de la Protection des citoyens, M. Chrysochoidis. Leur diffamation systématique des camarades dans les médias, en particulier par le biais des habituels médias-snitches et des gros titres, est un autre exemple du rôle répugnant joué par ces canaux de communication dans la diffusion de la propagande étatique et capitaliste. La publication de photos et de vidéos de la scène de l’incident est un acte de profanation, déshonorant la mémoire du camarade Kyriakos et montrant la brutalité à laquelle la famille et les proches sont soumis-es. En outre, les médias grecs ont profité sans honte de cette situation en publiant des photos personnelles des camarades accusé-es, qu’ils ont obtenues avec l’aide de l’unité antiterroriste, qui leur a fourni les données personnelles des camarades.

Ces dernières années, nous avons assisté à des enquêtes qui visaient à recueillir autant d’informations que possible sur les mouvements internationaux, en compilant et échangeant les coordonnées et les schémas de comportement de personnes engagées dans plus d’un pays. Depuis de nombreuses années, nous voyons des policiers allemands jouer un rôle de premier plan sur le territoire grec. Ils tentent de répandre la peur et d’empêcher les camarades de se rencontrer et de créer des liens et des réseaux internationaux. Ils observent les camarades, mettent des voitures sur écoute, effectuent des perquisitions, forment les policiers grecs et, bien sûr, partagent des informations avec leurs homologues grecs. Il n’est pas surprenant, mais cela vaut la peine d’être mentionné, que l’identité de Kyriakos ait été révélée après que les flics allemands ont fourni les empreintes digitales tirées de leur base de données et l’aient étiqueté comme « terroriste d’extrême gauche ». Il est presque certain qu’ils ont fourni bien plus que cela, si ce n’est tous les détails personnels qu’ils avaient collectés au cours des dernières années. La collaboration entre l’État allemand et l’État grec est un exemple facile, mais il est loin d’être le seul. Avec des organisations comme Europol qui veulent coordonner les enquêtes en Europe, nous voyons la machine de répression étendre son réseau dans le monde entier, ainsi qu’à l’extérieur de la forteresse-Europe. En fin de compte, aucun État ne peut nous apporter la libération et, en particulier dans les affaires concernant les organisations dites terroristes, les liens et la collaboration entre les différents États sont révélés une fois de plus.

La mémoire et l’histoire du camarade, malgré toutes les tentatives de l’État et de son appareil, seront pour nous tous-tes un héritage de nos luttes, un chapitre important de notre histoire. Une histoire gravée par tous-tes celleux qui se sont battu-es pour une vie meilleure, pour un autre monde. Et c’est cette histoire que nous continuerons à défendre contre celleux qui cherchent à la diffamer. Et c’est notre solidarité active et notre détermination qui poursuivront les luttes que nous avons nouées ou partagées avec notre camarade Kyriakos. Il a peut-être fait un pas en direction de « l’Histoire », avecc toutes ces âmes qui ont choisi d’affronter ce monde terrible. Collectivement, nous trouvons indispensable de garder sa mémoire vivante et d’accompagner notre camarade dans son voyage vers l’Histoire et d’écrire un chapitre international combatif qu’il a déjà commencé bien avant. Défendons la mémoire révolutionnaire et faisons de notre chagrin un catalyseur de la libération sociale et de classe pour tous-tes.

Une fois de plus, nous voyons et ressentons l’importance de la solidarité internationale dans nos luttes. Inspiré-es par l’appel à l’action international du 16/11, en tant qu’assemblée berlinoise à la mémoire de Kyriakos X. et en solidarité avec les camarades poursuivi-es, nous appelons à des journées d’action internationales les 30/12, 31/12 et 01/01. Contre les tactiques de l’unité anti-terroriste, l’exploitation des médias et la diffamation de la mémoire de notre camarade. Notre solidarité active doit constituer une barrière protectrice pour nos camarades emprisonné-es et contre toute nouvelle persécution. La répression ne nous intimide pas et nous nous tenons à leurs côtés sans hésitation. Quand nos luttes internationales sont attaquées, nous devons nous engager encore plus à leurs côtés. Les appels internationaux tels que celui-ci peuvent servir de date-clé, concentrant la pression que nous exerçons tous sur un certain laps de temps et construisant ainsi une solidarité internationale cohérente pour les accusé-es, ainsi que des actions internationales de commémoration pour le camarade Kyriakos.

Nous avons choisi les jours autour du 31 décembre pour les dédier à Kyriakos, car ce jour-là, cela fera deux mois que notre camarade est décédé. Deux mois de chagrin et de lutte, de rage, mais aussi de liens et de solidarité. La veille du Nouvel An est une date bien connue dans le monde entier, où l’on tente chaque année de rompre l’isolement et la misère à l’intérieur des prisons, qui deviennent si évidents ce jour-là. Devant les prisons du monde entier, les gens se rassemblent à l’extérieur pour envoyer un message aux détenu-es. Nous voulons nous associer à cette journée, en nous rappelant que Kyriakos était convaincu qu’il fallait détruire le système carcéral et en pensant aux cinq camarades qui sont accusé-es dans l’affaire construite autour de cela, actuellement détenu-es dans la prison de Korydallos. En cherchant des occasions de secouer l’existant et d’attaquer le monopole de la violence par l’État, nous pouvons faire le lien avec ce jour. Dans la ville de Berlin, il existe une tradition bien ancrée depuis plusieurs années qui consiste à commencer la nouvelle année par de nouvelles confrontations dans les rues contre les flics. Le soir du 31 janvier est l’un des rares soirs où l’État a du mal à maintenir l’équilibre entre un grand nombre d’individus et les autorités qui se préparent à des confrontations. C’est donc un soir où des affrontements éclatent souvent, partagés par la classe ouvrière, les migrant-es, les anarchistes, les marginales-aux et tous-tes celleux qui choisissent de se confronter aux autorités.

Bien que nous appelions pour la durée du 30/12 au 01/01, la construction d’une solidarité cohérente ne signifie pas que nous devons limiter nos actions à des jours spécifiques. C’est pourquoi nous voulons encourager tout le monde à se joindre à cet appel, que ce soit dans les jours autour du Nouvel An, avant ou après.

Nous appelons tout le monde, au cours de ces journées, à évoquer la mémoire du camarade Kyriakos et à faire preuve de solidarité avec les cinq camarades accusé-es. Cela signifie qu’il faut non seulement s’intéresser à la situation dans laquelle iels se trouvent actuellement, mais aussi poursuivre les luttes auxquelles iels se rattachent et les luttes que nous pouvons rattacher à elleux. Chaque action contre l’oppression et l’autorité peut être dédiée à Kyriakos. Parce que le cœur de Kyriakos Xymitiris et de tous-tes les camarades disparu-es bat à jamais dans les rues, dans les confrontations, dans les moments de révolte, dans le cœur de tous-tes celleux qui luttent contre l’oppression et l’exploitation. Celleux qui ont perdu la vie dans la lutte pour la liberté vivent à jamais dans le cœur de la révolte sociale et de classe. Le feu reviendra réchauffer les cœurs de celleux qui ne sont plus là et de celleux qui ne peuvent pas lutter avec nous.

Utilisons la force que Kyriakos nous a laissée et la force que Marianna, Dimitra, Dimitris, Nikos et A.K. nous envoient de l’intérieur des geôles de la démocratie.

KYRIAKOS XYMITIRIS TOUJOURS PRÉSENT – LES CŒURS RÉVOLUTIONNAIRES BRÛLENT À JAMAIS

PAS TOUCHE AUX CAMARADES EMPRISONNÉ-ES – LIBERTÉ POUR TOUS-TES

Berlin assembly in memory of Kyriakos X. and in solidarity with the persecuted comrades in the Ampelokipoi-case

Réponse d’ana au texte Mauvaise herbe

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Déc 092024
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Le présent texte fait suite à la publication du texte Entre catéchisme révolutionnaire et masturbation idéologique et entend clarifier les positions de l’auteur drôlement représentées et comprises par la Mauvaise herbe.

Tout d’abord, contrairement à ce qu’en pense la Mauvaise herbe, mon texte ne les visait pas directement. Il est d’ailleurs faux que la Mauvaise herbe soit « le seul zine anticiv à Montréal », dans la mesure où, bien qu’elle constitue un des seuls, sinon le seul groupe à publier du contenu anticiv original à Montréal, les publications anticivs sont omniprésentes dans le large éventail de zines distribués à Montréal. En effet, il est même impensable d’imaginer une foire de zines à Montréal sans zine « critique du progrès et de la civilisation »–raccourci donné par la Mauvaise herbe pour définir les idées anticivs. Plutôt que de m’en prendre à la Mauvaise herbe, mon propos visait davantage à faire avancer ou au moins stimuler les réflexions anarchistes relatives aux enjeux liés à la technique, car ceux-ci traversent les dernières luttes menées par des anarchistes et suscitent un engouement qui ne cesse de se manifester au sein de la gauche radicale montréalaise.

Je vois dans les idées développées au sein de la famille des anarchismes verts bon nombre d’éléments pertinents pour comprendre le monde et suis surpris que la Mauvaise herbe ne l’ait pas souligné dans sa critique. À mon sens, la plus grande force des différentes branches de l’anarchisme vert est d’avoir souligné la pertinence de comprendre la technique non pas en tant qu’addition relativement aléatoire d’outils et d’innovations individuelles, mais comme un tout, un système qui amène avec lui des conséquences sociales sur l’organisation des sociétés humaines et qui porte de manière inévitable des conditions, des besoins qui orientent significativement le développement des sociétés et les innovations techniques. De ce fait, quiconque voudrait conserver le produit d’une société technicienne étatisée dans un processus révolutionnaire, voire accélérer le potentiel des forces productives, devra inévitablement se soumettre à une série de règles difficilement réconciliables avec les principes de l’anarchisme. Penser toute l’organisation et la coordination que permet l’État sans État est pour le moins épineux, mais cela constitue la mission historique de toutes les déclinaisons théoriques de l’anarchisme. Conformément à une lecture ellulienne de la technique, à mesure que s’installe le règne de la technique, soit l’intégration des outils individuels à un ensemble technique auto-référenciel et autonome, le processus révolutionnaire se complexifie d’au moins deux façons: d’une part puisqu’il rend le monde irrécupérable tel quel sans la reproduction de tous ses maux et, d’autre part, parce qu’il rend l’abandon de ce monde de plus en plus difficile sans l’émergence de catastrophes majeures. C’est sur cette dernière difficulté que j’ai tenté de travailler dans le cadre de mon premier article critiqué par la Mauvaise herbe.

Puisque la technique et les conditions sociales qu’elle apporte sont perçues comme absolument irréconciliables avec l’anarchie, les anarchistes verts soutiennent que, si nous sommes véritablement sincères envers un projet de société anarchiste, on ne peut se permettre de faire de compromis avec l’organisation sociétale ayant émergé de l’industrialisation. Contrairement à d’autres militant.es anarchistes, les anarchistes verts sont au moins honnêtes lorsqu’iels soutiennent que, si on veut conserver la médecine moderne ou un réseau ferroviaire développé, on peut difficilement se passer de mines et de certaines formes d’usines, même si leur choix en fin de compte est d’abandonner ces produits de l’industrialisation. Le coeur de mon propos est de dire que cette réflexion se tient et est cohérente théoriquement en soi, mais qu’elle sous-estime systématiquement toute la violence qu’elle implique et la force réactionnaire de la technique face à une telle posture, tout comme elle romantise une vie qui ne me semble pas souhaitable. En ce sens, ma principale critique à l’égard des formes plus radicales de l’anarchisme vert est leur incapacité la plus totale à réfléchir aux moyens que nous nous doterons collectivement pour assurer la survie des milliards d’humain.es dont l’existence repose directement sur la civilisation et ses déclinaisons techniques.

Il ne s’agit pas strictement de blâmer le messager, comme le soutient la Mauvaise herbe, puisqu’en l’occurrence le message, c’est le projet de société. Il y a une différence significative entre des ouvriers communistes qui sabotent les machines dans une usine et des anticivs qui font le même geste, même si les conséquences sont les mêmes, puisque cela s’inscrit dans une finalité totalement différente. Alors que les communistes ne souhaitent généralement pas vivre sans développement industriel, les anticivs oui. Les anarchistes verts qui ne sont pas prêt.es à assumer les conséquences de leurs projets et horizons politiques doivent être traité.es comme des politicien.nes.

À mon sens, une des conséquences les plus engageantes du développement technique et de l’industrialisation est la hausse démographique. En ayant permis une croissance démographique sans précédent dans l’histoire humaine (passant de 1 milliard d’individus en 1800 à plus de 8 milliards aujourd’hui), la technique nous a en quelque sorte lié.es à certaines formes d’organisation sociale. L’idée n’est pas de faire renaître un malthusianisme répugnant, mais plutôt de faire voir l’importance qu’a l’ampleur des civilisations humaines dans leurs orientations politiques et l’horizon de leurs possibles. Un anarchisme qui se borne à appeler constamment à un retour à l’arbre à palabre est voué à l’échec par son incapacité à penser une société aussi complexe et développée que les nôtres. Toute l’autorité qui découle de la technique s’expose dans son incompatibilité avec les formes les plus radicales de démocratie : comment espérer que l’ensemble des individus participant à la gigantesque chaîne de production puisse, à toutes les étapes de cette dernière, se prononcer en assemblée générale pour y lancer leurs avis sans que cela n’ait d’impact sur la productivité ? L’activité technique est peu soucieuse des autres facteurs que l’efficacité et, si l’on veut conserver une part de cette efficacité, nous devrons conserver une part de l’autorité imprégnée dans l’agencement social que nous tentons de nous réapproprier. Il faut évidemment se garder de faire équivaloir efficacité et autorité. Toutefois, j’ai la conviction qu’une volonté de maximisation de l’efficacité ne peut se passer d’autorité; voilà pourquoi j’ai préféré parler d’un parti a-technicien.

Il me faut aussi réitérer que les nuances qui différencient les branches de l’anarchisme vert sont constamment surévaluées. En fait, trop insister sur les différences entre les anti-tech, les anticivs et les primitivistes revient souvent à s’enfarger dans les fleurs du tapis. Cela a surtout comme principal avantage de permettre aux anarchistes verts de s’acheter un passe-droit en renvoyant la balle à d’autres branches théoriques lorsqu’iels sont critiqué.es, alors que toutes les branches de l’anarchisme vert partagent des fondements théoriques communs, peut-être à l’exception de l’écologie sociale, qui constitue un cas à part, ce que j’avais déjà souligné. En ce qui a trait à la pratique, les similitudes entre les différentes branches de l’anarchisme vert sont encore plus saillantes. On a pu rire de mes caricatures de la pratique anarchiste anticivilisationnelle, mais il n’en demeure pas moins que les exemples donnés par la Mauvaise herbe de la pratique anarchiste verte à Montréal ne constituent en rien une pratique proprement anticiv, mais bien une pratique anarchiste! Il est assez rigolo de se faire rappeler que l’imprimerie a permis l’impression de livres racistes et antiféministes tout en me soulignant que la pratique des anticivs à Montréal est de s’impliquer dans une bibliothèque, dans un projet de librairie et dans la publication de zines…

Première ligne n’a certainement pas réglé la question de la théorie et de la pratique anarchistes et nous n’avons jamais eu cette prétention. Nous continuons à puiser dans l’histoire des mouvements révolutionnaires communistes et anarchistes pour nous inspirer et stimuler notre praxis. Or, s’il est une chose certaine, c’est que nos réponses aux faiblesses théoriques et pratiques de l’anarchisme vert illustrées ci-dessus ne se posent jamais en termes léninistes. Lorsque j’abordais l’État [rayé] et sa qualité d’a-technicien, j’appelais à réfléchir non pas un État ouvrier, mais une forme d’organisation sociale qui n’est pas l’État, qui n’est pas le gouvernement, qui n’est pas la bureaucratie, qui n’est pas la police ni les prisons, mais qui permet tout de même d’assurer une vie meilleure aux individus, de favoriser l’émergence de formes de coordination nécessaires pour lutter contre les changements climatiques, éviter la famine et vaincre les puissances capitalistes étatisées qui voudront empêcher notre processus d’émancipation. Lorsque j’abordais le parti, je l’abordais dans sa définition de « camp » davantage que dans sa déclinaison léniniste. De toute manière, un parti ou un État fidèles aux principes léninistes ainsi qu’à leurs legs historiques ne peuvent être autre chose que des organes techniciens en ce qu’ils sont fondés et sont constamment légitimés par leur capacité à tout rationaliser, tout organiser, tout imposer et tout systématiser conformément à leur planification. Un parti léniniste qui rejetterait sa vocation technicienne serait un très mauvais parti léniniste !

Lorsque je fais référence au parti et à l’État a-techniciens, j’évoque des formes d’organisation qui rejettent l’impératif d’efficacité comme principale préoccupation, non pas parce que l’efficacité est une mauvaise chose en soi, mais parce que je suis d’accord avec les anarchistes verts lorsqu’iels affirment que le parti de l’efficacité à tout prix est nécessairement irréconciliable avec le parti de l’anarchie.

Longue vie au parti anarchiste !

Ana

À Montréal, la police bloque les antifascistes… pour permettre aux adeptes de black metal de célébrer les exploits militaires des nazis

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Déc 032024
 

De Montréal Antifasciste

Montréal, le 30 novembre 2024 — Hier soir avait lieu le deuxième des trois soirées du festival black metal de la Messe des Morts, au théâtre Paradoxe, dans le quartier Ville-Émard de Montréal. À cette occasion, une manifestation antifasciste a été organisée pour dénoncer la complaisance chronique du festival et de nombreux adeptes du genre à l’égard du courant NSBM (national socialist black metal), ou néonazi, qui traverse ce milieu, et plus particulièrement la présence dans la programmation 2024 du festival d’au moins quatre groupes liés à ce courant par leurs thématiques, leurs affiliations ou leurs collaborations.

Suite à la campagne de pression exercée sur le promoteur, Sepulchral Productions, et le locateur de la salle, le groupe Paradoxe, trois des groupes problématiques au programme, Horna, Sargeist et Chamber of Unlight — soit ceux dont les liens avec le NSBM sont les plus clairs — ont été refusés de territoire au Canada en raison d’un signalement de menace à la sécurité nationale, si l’on doit en croire le communiqué du promoteur. Deux autres groupes, Conifère et Phobocosm, s’étaient désistés de la programmation dans les jours précédant le festival, pour des raisons « évidentes » et « personnelles », respectivement.

Toutefois, le groupe suédois Marduk, dont nous avons relevé les obsessions thématiques pour les exploits militaires des SS et de la Wehrmacht durant la Deuxième Guerre mondiale, a non seulement pu jouer ses concerts prévus, mais a en plus remplacé au pied levé les groupes absents, montant sur scène les trois soirs du festival.

À l’extérieur du théâtre, au point culminant d’une campagne soutenue de dénonciation et de mobilisation initiée plusieurs semaines auparavant, environ 200 personnes ont répondu à l’appel et se sont jointes à la manifestation organisée par le collectif Montréal Antifasciste. Une foule diversifiée et combative était au rendez-vous, comptant des résident·es du quartier, des organismes communautaires du Sud-Ouest et plusieurs contingents autonomes formés, notamment, derrière les bannières du SITT-IWW et de la section locale de Voix juives indépendantes.

Une masse de porcs pour la messe des morts…

Malheureusement, la manifestation a été dès le départ paralysée et encadrée par un dispositif policier absolument démesuré : plusieurs centaines d’agents à pied, à vélo, en voiture et à cheval, répartis sur deux pâtés de maisons, formant un périmètre étanche tout autour du théâtre. Malgré qu’une cinquantaine de camarades soit parvenue à déjouer temporairement ce dispositif, celui-ci s’est avéré beaucoup trop imposant pour que nous puissions le défier efficacement ou durablement. La manifestation a donc été gelée sur place sur le boulevard Monk, à moins de 100 mètres du théâtre, vers 17 h 45. Les policiers ont ensuite érigé un point de contrôle plus au sud et opéré un tri au faciès pour diriger les festivaliers sur une rue parallèle de manière à contourner le périmètre d’insécurité et rejoindre l’entrée du théâtre. On peut dire que les policiers, ce soir-là, ont littéralement fait le jeu des fascistes. Fait à noter, de nombreux membres du SPVM placés en première ligne portaient l’écusson « Thin Blue Line », un signe de reconnaissance d’extrême droite dont l’utilisation est découragée, mais pas encore interdite par le service.

Autre fait cocasse, la mascotte stéroïdée du milieu néonazi local s’est présentée vers 18 h, juste pour « voir notre petit rassemblement ». Après cinq minutes d’un face à face tendu, il est reparti la queue entre les jambes. Dans les circonstances, une altercation physique aurait inévitablement déclenché une brutale intervention policière, laquelle aurait entraîné une fin désastreuse de la manifestation. Nous félicitons nos camarades d’avoir su garder leur sang-froid devant cette flagrante provocation.

(À ce propos, un message aux politiciens [et aux médias] qui hallucinent de l’antisémitisme dans chaque manifestation de solidarité avec la Palestine : les vrais antisémites, les foutus néonazis, sont là tout juste sous vos yeux, mais ceux-là, vous préférez envoyer vos chiens enragés pour les protéger.)

Après une heure sur place à scander des slogans antifascistes (« Siamo tutti antifascisti! », « Ville-Émard en a marre, des fachos et des bâtards! »), constatant que nous ne pourrions rien accomplir de plus en restant dans cette souricière étanche, le groupe est parti en manifestation vers le sud sur le boulevard Monk. Le SPVM a alors étroitement flanqué le cortège d’un peloton d’antiémeutes de chaque côté. À une centaine de mètres de l’édicule du métro Monk, un commandant de peloton, irrité par les remontrances légitimes d’un camarade, a inexplicablement décidé de mener ses hommes dans une violente charge contre la tête du cortège, à coups de bâtons et de boucliers, en plus de décharger libéralement une bonbonne de poivre. Histoire de bien faire comprendre qui est le boss, vous voyez! La manifestation s’est ensuite dispersée dans le métro, sous l’œil belliqueux des antiémeutes.

Le collectif Montréal Antifasciste tient à remercier chaleureusement toutes les personnes et les organisations qui ont participé à la campagne de dénonciation et de mobilisation.

Un bilan de campagne positif

Comme nous l’avions expliqué dans notre article publié le 27 octobre dernier, la communauté antifasciste de Montréal n’avait pas cru bon de monter une campagne de dénonciation contre la Messe des Morts dans les dernières années, comme elle l’avait fait en 2016, car la programmation ne présentait aucun groupe particulièrement problématique. Celle de 2024, au contraire, se présentait comme une provocation.

Au début d’octobre, nous avions communiqué avec l’administration du Théâtre Paradoxe (qui relève d’une entreprise d’économie sociale) pour l’encourager à prendre les mesures nécessaires afin d’empêcher les groupes en question de se produire dans son enceinte. Malheureusement, tous nos efforts diplomatiques n’ont pas abouti, l’administration du théâtre se disant captive d’un contrat avec le promoteur de la Messe des Morts, qui, dans tous les cas, est le véritable responsable de ce fiasco grotesque. Nous n’avons donc eu d’autre choix que de tenir notre promesse d’enchaîner avec une manifestation en marge du festival.

Pivot : « Le collectif Montréal antifasciste dénonce un festival de musique black métal »
La Presse : « Tirs groupés contre un festival de black métal  »

Quoi qu’on puisse dire des événements de vendredi soir, absolument dominés par le SPVM, nous estimons avoir atteint les objectifs de la campagne plus largement :

  • deux des quatre groupes visés, les plus proches du réseau NSBM, n’ont pas pu jouer au festival ;
  • nous avons efficacement alerté la communauté à une situation problématique ; tout particulièrement l’administration du Théâtre Paradoxe qui, manifestement, connaissait mal le vampire qu’elle avait invité chez elle ;
  • nous avons révélé les contradictions flagrantes qui traversent le milieu du black metal et causé des frictions salutaires entre les adeptes complaisant·es et les fans antiracistes du genre ;
  • nous avons entraîné des conséquences économiques majeures pour le promoteur du festival, dont les activités au fil des ans dénotent une sympathie certaine pour le NSBM ;

En fin de compte, nous dressons un bilan positif de cette campagne de dénonciation et de mobilisation. Dans les prochains mois, nous allons maintenir la communication avec l’administration du Théâtre Paradoxe pour faire en sorte que l’édition 2024 du festival soit la dernière qui ait lieu dans cette salle. Nous allons également maintenir la pression sur le promoteur du Festival, qui a encore une fois donné la preuve de sa complaisance à l’égard d’une idéologie haineuse et de ses manifestations dans le genre black metal, malgré ses prétentions à la neutralité politique.

Et bien entendu, nous allons continuer à exercer une veille constante pour que Montréal reste, résolument, antifasciste.

— Le collectif Montréal Antifasciste

Lettre ouverte du Collectif Estamos Aquí

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Nov 292024
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

En réponse à l’attitude des médias face à la manifestation du vendredi 22 novembre 2024 à Montréal

Si nous écrivons ces lignes aujourd’hui, c’est parce que depuis plusieurs jours, les médias s’attardent sans fin sur des vitres brisées et de la peinture renversée à la suite de la manifestation contre l’OTAN de vendredi dernier. Cette obsession pour la destruction de biens matériels occulte pourtant une question beaucoup plus fondamentale : pourquoi la colère explose-t-elle de cette manière ?

Là où les médias se concentrent sur des objets inanimés, ils négligent une réponse émotionnelle bien plus complexe: cette violence n’est pas gratuite. Elle symbolise un cri d’impuissance face à des vies humaines anéanties, des mémoires effacées et des douleurs persistantes qui, loin d’être entendues, sont réduites à des statistiques ou à des faits isolés. Le débat ne devrait pas se limiter aux vitres brisées, mais s’interroger sur ce qui motive ce geste désespéré :  une détresse, un cri de révolte face à une violence insidieuse et omniprésente.

Nous, membres du Colectivo Estamos Aquí, sommes allés à cette manifestation pour exprimer une colère légitime : celle des survivant.e.s d’une dictature militaire au Guatemala, ayant causé plus de 250 000 morts, 45 000 disparu.e.s et détruit des centaines de communautés autochtones. C’est cette mémoire-là que nous venions défendre. Une mémoire que les autorités des Amériques et de l’Europe semblent vouloir reléguer au second plan, sous prétexte d’enjeux politiques et internationaux trop complexes pour la populace. Mais qu’en est-il de l’intégrité des personnes colonisées, déplacées, tuées ? De leurs émotions et de leurs traumatismes, de leurs enjeux à euxles ? Cette violence-là, celle des opprimés, semble avoir été normalisée, voire oubliée.

Les luttes anticoloniales, qu’elles se situent en Amérique Latine ou ailleurs, sont toutes liées par des racines communes : exploitation, domination et déshumanisation. Ces luttes, malgré la diversité de leurs formes et de leurs contextes, s’attaquent toutes à un système global d’injustice et de répression. 

Pourtant, les médias préfèrent détourner l’attention des causes profondes et se focaliser sur les dégâts matériels. Ce faisant, ils minimisent la violence d’un système qui détruit les vies humaines au profit decommodités. C’est comme si, quelque part, les rôles s’étaient inversés et que ce sont désormais les objets — et non les êtres humains — qui incarnaient l’âme du monde.

Dans cette hiérarchie des valeurs, où les possessions sont élevées au rang suprême, les êtres humains sont peu à peu réduits à de simples fonctions : celles de producteurs, de consommateurs, d’outils du capitalisme. La véritable violence, ici, ce n’est pas la casse de vitrines, mais le mépris systématique des vies humaines.

Partout, les peuples autochtones sont réduits à des symboles exotiques ou des ressources exploitables. Leurs terres sont pillées, leurs cultures marginalisées, et leurs voix étouffées. Ce traitement déshumanisant reflète une vision coloniale persistante, où la dignité des êtres humains est niée pour justifier l’exploitation des ressources.

On nous dit que la violence n’a pas sa place. Pourtant, face à une violence institutionnelle d’une force et d’une ampleur monstrueuse, la question mérite d’être posée : la violence n’est-elle pas parfois la seule réponse possible ?

L’Insoumise, DIRA et Les Révoltes demandent de l’aide à la communauté anarchiste

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Nov 292024
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Une campagne de financement a été lancée durant les 20 ans de la librairie L’Insoumise. Les groupes qui occupent les trois étages du 2033-2035 boul. Saint-Laurent, que les libertaires ont acheté en 1983, veulent assurer la pérennité du plus vieil espace anarchiste de Montréal. Un appel, publié sur le site diffusionlibertaire.org, explique les rénovations que nécessitent la bâtisse. L’AEELI, qui gère le bâtiment, ne peut pas se permettre le coûts des travaux, évalués à plus de 200 000 $.

« Pour que le 2033-2035 boulevard Saint-Laurent demeure un centre permanent, accueillant et central pour le milieu anarchiste montréalais, il faut aujourd’hui effectuer les travaux nécessaires à sa conservation et à son rayonnement. Le bâtiment actuel a besoin de beaucoup d’amour et de travaux majeurs. La façade, la vitrine et le mur arrière du bâtiment, les fenêtres du deuxième et du troisième étage ainsi que la salle de bain de la librairie nécessitent d’importantes rénovations », écrit-on sur le site Web de la campagne.

Que celleux qui peuvent aider ce lieu accueillant des militant·e·s anarchistes depuis des générations le fassent.

Pour donner : diffusionlibertaire.org

De la violence? : Un communiqué sur la casse lors de la manifestation BLOQUONS L’OTAN*

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Nov 252024
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

*Ce communiqué est basé sur le journal du même nom, organisé par la CLAC et D4P, mais il en est indépendant. Nous expliquerons ici le raisonnement derrière nos actions du vendredi soir 22 novembre 2024, parce qu’on sait pourquoi on fait ces choses et parce qu’on croit fort en ce que l’on fait.

Remettons nous d’abords en contexte : le vendredi 22 novembre marque le début de l’assemblée parlementaire du bras armé du Nord global, soit de l’organisation du traité de l’Antlantique Nord (OTAN), qui se tiendra à soi-disant Montréal jusqu’au 25 novembre. Alors que les gouvernements s’adonnent déjà à faire de la vie des exploité.e.s et des exclu.e.s un cirque mortifère, l’OTAN vient mettre pression pour que le soi-disant Canada consacre 50% de plus de son PIB aux forces armées. Évidemment, nos « démocraties » sont tout-à-fait à l’aise avec cet investissement. Ça représenterait 55 miliards de dollard. L’OTAN est une instance décisionnelle qui concrétise des intérêts militaristes et impérialistes. Elle est d’ailleurs complice du génocide en Palestine.

L’OTAN c’est une aliance militaire entre les pays les plus riches du monde, dont le Canada, l’Allemagne, les Étas-Unis, la France, l’Italie et l’Angleterre. Et elle conspire aussi avec des alliés non-membres comme le Japon et l’entité sioniste (Israël). Sa fonction est de protéger les hégémonies capitalistes du Nord global, ayant pour secrétaire semi-formel les Étas-Unis. L’OTAN concrétise la menace et la capacité d’agir de façon dévastatrice face à toute tentative de libération du Sud global. Ses intérêts sont parfaitement impérialistes : les États produits et guidés par le grand capital aspirent à étendre leur emprise en exploitant des territoires externes où voler des ressources, saccager la nature et asservir les gens par une domination politique, économique et/ou miltaire.

L’OTAN veut normaliser l’horreur des crimes de guerre comis par les forces militaires occidentales en les camoufflants en missions humanitaires et en en séparant les différentes tâches entre plusieurs pays, diminuant le coût politique de leurs actions et maintenant leurs bases démocratiques dans la duperie. Les interventions militaires soutenues par l’OTAN viennent protéger des gouvernements alignés sur les intérêts américains, et cherchent à écraser toute tentative de renversement. Ces décisions ont pour but de maintenir les pays les plus pauvres dans leurs situations d’exploitation par le Nord global, de les maintenir sous la contrainte capitaliste. L’alliance de l’OTAN avec l’entité sioniste est cohérente idéologiquement, comme entreprise colonisatrice, mais Israël développe et fournit aussi nombreuses armes et techniques et technologies de contrôles que les États de l’OTAN utilisent pour leur domination capitaliste à travers le monde, autant dans leurs missions impérialistes que pour contrôler leurs propres populations.

Le « problème » que nous combattons ici n’est pas spécifiquement la venue de l’assemblée de l’OTAN, ni les agissements de la Caisse de dépot et placements du Québec (CDPQ, qui force tous les salariés du Québec à financer le génocide palestinien), elles n’en sont que des symptômes. Ce « problème », c’est le système dominant auquel nous nous opposons, celui qui cause toutes ces horreurs : le capitalisme.

Oh et d’ailleurs, non nous ne défendons pas la Russie et ne l’apprécions pas plus que l’OTAN, les gens associent souvent l’OTAN à se défendre de l’empire Russe et pensent que s’opposer à ce sommet voudrait dire avoir une sympathie pour des plus petits États, mais ce n’est pas notre cas, chaque fucken colonisateur de cette planète doit tomber. N’oubliez jamais que nous détestons ce système capitaliste et ses ramifications du plus profond de notre coeur.

On a plus le temps de rester calme et de demander gentiment. La résistance est légitime, l’État et la police ne peuvent plus avoir le monopole de la violence – surtout si c’est la seule langue qu’ils entendront. Nous souhaitons faire cesser la duperie et exposer au grand jour, dans la rue et les médias, les dérives gouvernementales et leurs obsessions militaires, ces infâmités que nous tolérons sous nos nez. Nous blessons le grand capital, matérialisé le plus densément au centre-ville pour nous opposer symboliquement et matériellement à l’horreur capitaliste sous-jacente aux crimes les plus odieux :

les vitres du palais des congrès, où se tenait l’assemblée de l’OTAN, une auto en feu, des anti-émeute couverts de peinture, des vitrines de commerces

Nos gestes sont chargés d’une rage qui nait face aux horreurs dont on est témoins et qu’on dénonce dans ce communiqué, mais aussi de notre misère : entre crises climatiques et crise du logement, inflation et jobs de marde, systèmes de santé et d’éducation en ruines, xénophobie, transphobie, covid et dépression, profilage et répression, montée du fascisme, etc. Tout cela répond du même système. C’est parce qu’on est à bout et horrifié-es qu’on se rassemble et qu’on affiche notre refus. Nos actions auront eu une portée symbolique et matérielle. Elles auront couté monétairement, auront dérangé, propoagé nos idéaux et visibilisé cette lutte légitime et nécessaire.

Avant même qu’il n’y ait de la casse, la police chargeait, frappait et gazait. Dans notre combat, nous avons bien vu la posture complice de nos gouvernements : la brutalité policière en est une matérialisation des plus limpides. La police, chien de garde de l’État, a utilisé ces armes et tactiques développées par l’entité sioniste et autres investissements de l’OTAN pour réprimer notre révolte. La police a encore, comme toujours, défendu les intérêts des riches et de l’État, poivrant, mattraquant, cassant des côtes et gazant, empoisonnant.

Elle tente, fort, d’étouffer les espoirs de libération des vies humaines et de la nature présentement massacrées, mais nous ne nous essouflons pas. Nous dénonçons les arrestations survenues hier et toutes les blessures encourrues (crâne fendu, bras cassé, projectiles dans les yeux, etc.), mais nous ne nous essouflons pas. L’automne a été chaud et l’hiver brûlera plus fort encore, parce que la lutte est tout ce qui nous reste d’espoir, parce qu’il faut faire tout ce que l’on peut, parce qu’on est profondément amoureux-ses de nos révolutions, amoureux-ses de nos camarades.

Les médias metterons l’accent sur notre violence, à nous, manifestant-es. Ils dénatureront nos messages qui confrontent les atrocités perpétrées par soi-disant Israël et l’OTAN, responsable de millions de morts. Alors il est crucial de rappeler que nous dénonçons la brutalité des structures d’oppression qui nous gouvernent, que la pire violence est celle des États et que cette violence est une conséquence du système capitaliste.

AMOUR ET RAGE.

– LE BLACK BLOC

Petit manuel d’autodéfense en interrogatoire

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Nov 252024
 

De Projet Evasions

PDF

C’est avec plaisir et fierté qu’on peut annoncer que notre livre sur les interrogatoire de police vient d’être ré-édité par les Éditions du Commun.

Pour rappel, on avait auto-publié ce livre en 2022 à 2000 exemplaires, écoulé après une année. A présent, grâce aux Éditions du Commun, il retrouve un deuxième vie et la possibilité de toucher un publique plus vaste grâce à sa présence en librairie.

La version PDF reste librement disponible ainsi qu’une version HTML sur le site des éditions où il est bien sûr aussi possible de commander le livre.

D’ailleurs, si vous avez une carte de membre dans votre bibliothèque locale, pourquoi ne pas y commander le livre et lui permettre ainsi une entrée dans votre bibliothèque?


En guise de réponse et d’appel aux fans de black metal

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Nov 232024
 

De Montréal Antifasciste

« Si à table se trouvent un nazi et dix autres personnes plaisantant avec lui, alors vous avez en fait une tablée de nazis. »

Ce dicton populaire se présente comme une boutade, mais l’idée qu’il exprime n’en est pas moins forte, juste et pertinente. Nous avons l’intime conviction que la complaisance à l’égard des courants les plus réactionnaires, les plus racistes et les plus haineux de l’extrême droite ne peut que vicier, par effet de contagion, les milieux où ils sont tolérés.

C’est la raison pour laquelle nous avons lancé dans les dernières semaines une campagne visant à dénoncer et à faire annuler la présence de plusieurs groupes adjacents au courant NSBM (néonazi) dans la programmation 2024 du festival black metal de la Messe des Morts, organisé par le label Sepulchral Productions et son principal responsable, Martin Marcotte[i]. Cette campagne culminera par une manifestation le 29 novembre à 18 h, devant le Théâtre Paradoxe, 5959 boulevard Monk, à Montréal.

Depuis la publication de notre dossier sur ces groupes, le 27 octobre, nous avons reçu une déferlante de commentaires ulcérés provenant d’adeptes du genre black metal qui nous accusent, suivant un script bien connu, de diaboliser ou de chercher à « canceller » le milieu tout entier. Pour l’essentiel, ces réactions ont en commun d’ignorer complètement la critique et de recourir à toute sorte d’arguments fallacieux pour défendre bec et ongles le milieu contre-culturel dont il est question.

Pour être tout à fait clairs, nous ne reprochons pas à ce milieu d’être foncièrement néonazi – nous n’opérons pas et n’avons jamais opéré cet amalgame, quoi qu’en disent nos critiques. Ce que nous lui reprochons, c’est sa trop grande tolérance aux éléments néonazis qui y persistent, comme en témoigne la présence d’au moins quatre groupes liés de proche ou de loin au NSBM dans la programmation 2024, dont la tête d’affiche, le groupe suédois Marduk, qui cultive une profonde ambiguïté à cet égard.

Le présent billet a pour but de répondre à nos critiques, en réitérant une fois de plus l’invitation lancée aux adeptes de black metal à faire le ménage une fois pour toutes dans ce milieu.

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Le 20 novembre 2024, Radio-Canada titrait « Saluts nazis et croix gammées au Bas-Saint-Laurent, des actes “inquiétants” »; la veille s’entamait à Ottawa le procès de Patrick Gordon Macdonald, alias « Dark Foreigner », un propagandiste lié au réseau néonazi Atomwaffen Division; la semaine précédente, des militants néonazis avaient déployé une bannière à Hamilton, en Ontario, appelant à « l’expulsion massive » des immigrants; la même semaine, dans la foulée de l’élection de Donald Trump aux États-Unis, un groupuscule néonazi paradait dans les rues de Columbus, en Ohio, avec des drapeaux ornés de la croix gammée.

Tous ces événements ne sont pas produits dans les années 1930, ou dans les années 1980, mais en novembre 2024, au Québec, au Canada et aux États-Unis. Il serait absolument malhonnête de prétendre que les mouvements fascistes ne présentent pas une réelle menace aujourd’hui. Depuis une décennie au moins, la droite populiste monte en force un peu partout dans le monde, et dans son sillon l’extrême droite redresse la tête, avec son cortège de fascistes et de suprémacistes de tous acabits.

C’est dans ce contexte alarmant que s’inscrit notre campagne de dénonciation de la Messe des Morts.

Il est établi que le black metal est parasité depuis toujours par un courant néonazi, le sous-genre NSBM. Celui-ci ne s’affiche pas toujours ouvertement dans ce milieu, mais il le traverse de manière persistante et surtout, il y est largement toléré. Les éléments du milieu black metal qui condamnent et rejettent explicitement le courant néonazi (comme le courant Red and Anarchist Black Metal) y font figure d’exception.

L’attitude la plus répandue lorsqu’on dénonce cette réalité est celle que nous avons observée au cours des dernières semaines : une réaction épidermique caractérisée par un déni catégorique et une défense exorbitée du milieu black metal. Comme le type de musique qu’ils affectionnent constitue une partie centrale de leur identité, les fans le « prennent personnel » : iels sont fans de black metal; iels ne sont pas personnellement nazis, ERGO, le black metal ne peut pas être nazis. Or ce dont il s’agit au fond, ce n’est pas de l’adhésion de tel ou tel fan du genre aux principes du national-socialisme, mais d’un phénomène de complaisance au sous-genre NSBM qui traverse le milieu.

On retrouve essentiellement les mêmes quatre ou cinq arguments, qui ensemble forment une sorte de raisonnement circulaire :

  • « Même pas vrai! »;

Le NSBM en tant que tel ou son influence présumée au sein du milieu black metal seraient une sorte de mythe perpétué par « les communistes » et autres « mauvaises personnes ». C’est la position la plus facile à réfuter. Le NSBM est incontestablement un des courants constitutifs du black metal, et ce, depuis les débuts mêmes du genre.

  • Le NSBM existe bien (quelque part, ailleurs…), mais ici c’est une entité négligeable, du moins c’est inexistant à la Messe des Morts, qui est au-dessus de tout soupçon;

Le NSBM serait un phénomène hyper marginal, et mieux vaudrait l’ignorer complètement, selon cette ligne argumentaire. Comme toujours dans de pareils cas, nous contestons avec force cette position de l’autruche. Le courant NSBM est certes minoritaire dans son expression explicite, mais sa présence « culturelle » implicite dans le milieu est chronique et son influence y est diffuse. La présence au festival de ces trois ou quatre groupes aux associations notoirement louches et/ou aux obsessions douteuses pour le nazisme – tout comme la programmation de Graveland en 2016 – témoigne du fait que les liens avec le NSBM, et le cryptofascisme dans le cas de Marduk, ne sont jamais bien loin de la Messe des Morts. Nous savons par ailleurs que Martin Marcotte, le principal responsable de Sepulchral Productions et promoteur de la Messe des Morts, a lui-même distribué du matériel NSBM dans les années 2000, en plus d’organiser des spectacles avec des groupes néonazis à la même époque, et jusque dans les dernières éditions de la Messe des Morts! À notre connaissance, Marcotte et Sepulchral n’ont jamais publié de rétractation ou de déclaration dénonçant publiquement le courant néonazi du black metal ou adoptant une position antiraciste officielle, laquelle aurait à tout le moins pour effet de lever l’ambiguïté à cet égard. Les vagues prétentions au caractère « apolitique » de l’événement ne suffisent pas.

  • C’est vrai qu’il existe des éléments plus ou moins nazis dans le milieu, mais « vous ne pouvez pas comprendre », ça fait partie des codes du genre, c’est une culture de la transgression, et dans la plupart des cas, ça n’est « pas politique ».

Les éléments NSBM dans la scène n’auraient ainsi qu’un caractère folklorique, strictement pour le « shock value ». Cette position est absurde. Un événement et un milieu où des éléments nazis sont tolérés sont par définition politiques. Pour paraphraser la militante afro-américaine Angela Davis, dans un milieu où fourmillent notoirement des néonazis, il ne suffit pas de ne pas être nazi; il faut être activement antinazi. Faute de quoi le milieu sera chroniquement soupçonné de complaisance et de complicité. La défense de la manifestation culturelle ne tient pas la route : la culture et la politique sont en fait indissociables et souvent consubstantielles[ii]. Toute prétention à l’apolitisme au sein de mouvements culturels ou contre-culturels doit donc être prise avec scepticisme.

  • C’est vrai qu’il y a des nazis, mais c’est « pas grave », ils ont « bien le droit »;

Est-il vraiment nécessaire d’expliquer pourquoi cet argument est absolument merdique? Le fascisme, et a fortiori, le nazisme, ne sont pas des idées comme les autres. Ce sont des idéologies haineuses qui ont des effets concrets dans la vie des personnes et des groupes qu’elles prennent pour cible et qui, lorsqu’elles arrivent à leurs fins, ont des conséquences absolument catastrophiques. Là-dessus, l’histoire est sans appel. Il n’est peut-être pas étonnant qu’un genre musical cultivant une fascination pour la morbidité se laisse tenter par les aspects occultes ou « maléfiques » du nazisme, mais la ligne est fine entre la fascination morbide et la complaisance. Et c’est précisément cette complaisance que nous reprochons au milieu black metal.

  • C’est « juste de la musique »; j’en écoute, moi, du NSBM, et ça n’est qu’une question de préférences et de liberté individuelle; ça ne veut pas dire que je suis nazi;

Permettez-nous d’en douter fortement. Vous avez de sérieuses questions à vous poser si vous affectionnez de la musique prônant des idées génocidaires ou glorifiant les actions des nazis. En tous cas, il ne faut pas vous étonner que les antifascistes considèrent que vous faites partie du problème… La liberté d’expression n’est pas et ne doit jamais devenir un paravent pour la promotion et la banalisation d’idées haineuses. C’est bien sûr ce que cherchent à faire actuellement les nouveaux populistes d’extrême droite[iii], qui se servent de cette défense, combinée à la désinformation et au confusionnisme, pour faire valoir dans le courant dominant les pires réflexes réactionnaires, ce qui favorise bien sûr leurs avancées sur le plan politique. Ne nous laissons pas berner.

  • De toute façon les antifas sont bien pires (et bien plus violents); vous dites que vous êtes antifascistes, mais c’est vous les vrais fascistes!

Certains commentateurs ont monté en épingle des anecdotes personnelles d’altercations pour chercher à démontrer que les antifascistes sont globalement des êtres éminemment violents qui ne cherchent qu’à intimider et réprimer quiconque ne pense pas comme elleux. C’est un stratagème bien connu. Il est facile et bien pratique de décontextualiser des incidents isolés pour faire dévier la conversation et éviter de regarder le problème en face. Il n’est un secret pour personne que les antifascistes cherchent à « canceller » les nazis. C’est même dans la définition de tâches. Or en l’occurrence, ce que nous avons demandé à la direction du Théâtre Paradoxe, et indirectement au promoteur de la Messe des Morts, c’est de rayer de l’affiche les trois groupes examinés dans notre article (plus celui identifié par Pivot dans son article consacré à cette polémique). Nous ne cherchons pas forcément à faire annuler le festival au complet (quoiqu’à ce stade-ci, le problème semble chronique…), mais principalement à encourager un examen de conscience au sein du milieu black metal. Nous persistons et signons en ce sens.

Manifestement, au regard de la réaction qu’a suscitée notre campagne de dénonciation de la Messe des Morts, la mauvaise foi fait partie de cette sous-culture au même titre que la confusion et la complaisance. Bien trop souvent, ses adeptes déploient des efforts de contorsion considérables pour ignorer les éléments problématiques signalés, ou du moins pour en nier le caractère problématique.

Pour reprendre le dicton cité en exergue : si vous êtes dans un party ou un néonazi s’affiche librement, et que tout le monde tolère sa présence, s’accommode de ses frasques ou ne cherche pas activement à l’exclure, vous êtes en fait dans un party nazi. C’est d’autant plus vrai si les groupes engagés pour animer la soirée ont déjà eu des membres nazis, ont déjà joué avec des nazis, ou ont déjà acheté des articles de propagande nazie sur des sites nazis, ou se spécialisent dans les chansons glorifiant les exploits nazis. Et si le promoteur du party a lui-même déjà distribué la musique d’artistes nazis et organisé des spectacles de nazis… Vous commencez à saisir le pattern?

Il existe pourtant une voie de sortie. Il serait tout à fait possible pour ces groupes, ces événements, ces promoteurs, et même les adeptes du genre regroupé·es conséquemment, de prendre position de manière claire et univoque contre toute idéologie à caractère haineux, dont le racisme et l’antisémitisme, le sexisme et l’homophobie, et en particulier contre le fascisme et le nazisme. Une telle prise de position publique aurait pour effet de dissiper toute ambiguïté. Il y aurait bien sûr des conséquences rattachées à un pareil énoncé de principes – celleux des adeptes du genre qui adhèrent au NSBM se sentant sans doute trahis –, mais c’est le prix à payer pour nettoyer un milieu contre-culturel qui mérite mieux que de traîner en permanence ce boulet.

C’est possible, et ça s’est déjà fait. Dans les années 1980 et 1990, les milieux contre-culturels punks et skins étaient parasités par des éléments néonazis, et la communauté s’est mobilisée pour les en exclure définitivement. Ça n’a pas toujours été lisse et sans accrocs, mais aujourd’hui encore, ces éléments sont systématiquement ostracisés et les boneheads doivent encore se cacher pour jouer en circle jerk.

Ceci est donc une invitation à prendre position et à faire le ménage de cette scène une fois pour toutes. Pour cela, il faut d’abord cesser de se voiler les yeux et regarder le problème en face.

Saurez-vous relever le défi?


[i]               Lire également cet article du média indépendant Pivot : https://pivot.quebec/2024/11/15/le-collectif-montreal-antifasciste-denonce-un-festival-de-musique-black-metal/

[ii]               Il s’avère de plus en plus clairement aujourd’hui que les transformations politiques procèdent des transformations culturelles, et que les développements politiques que nous observons de nos jours, la montée en force de la droite et de l’extrême droite, sont le résultat d’une patiente manipulation des codes culturels de masse par d’habiles acteurs idéologiques au fil des dernières décennies.

[iii]              Parmi les armes fourbies par ces idéologues (pensons au trumpisme et à Elon Musk) figurent au premier chef la désinformation et le confusionnisme, soit la méthode consistant à brouiller délibérément le sens des mots et des concepts politiques pour semer la confusion et ébranler le sens de la réalité chez les sujets, ce qui favorise leur adhésion à divers fantasmes de complot et aux fausses solutions promises par les démagogues. Une autre de leurs armes favorites est le « gaslighting », soit une forme de manipulation mentale consistant à manipuler ou déformer de l’information de manière à faire douter une personne de sa perception de la réalité. Un des principaux défis qui se présentent à nous à l’ère de la post-vérité est précisément de combattre les effets pervers de ces stratagèmes sur la sphère politique et sur la société de manière générale.

Entre catéchisme révolutionnaire et masturbation idéologique

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Nov 232024
 

De La Mauvaise Herbe

Quelques pistes pour réfléchir à notre rapport aux idées ridicules de Première Ligne d’un point de vue anarchique

Je sais que plusieurs vont simplement décider d’ignorer d’un roulement des yeux le texte publié récemment par la revue « communiste anarchiste révolutionnaire » Première Ligne Entre obscurantisme et naïveté libérale, quelques pistes pour réfléchir notre rapport à la technique au XXIe siècle d’un point de vue révolutionnaire (signé Ana*) et ce ne sera pas par manque de quoi répondre. Déjà qu’après la tentative quand même pathétique du groupe éditorial de se distancer et se déresponsabiliser du matériel qu’il a lui-même commandé, supervisé, édité et publié, on ne nous blâmera pas de ne pas vraiment avoir envie de discuter avec un groupe qui a pratiquement affirmé qu’il ne fait que troller le milieu (voir Réponse à la « Réponse à Première Ligne », mtlcontreinfo.org/reponse-a-la-reponse-a-premiere-ligne/). Mais c’est aussi qu’à la longue on se tanne d’affronter les mêmes calomnies recyclées, venant souvent de personnes avec les mêmes patterns d’ultrasocialistes qui délirent, qui confondent le fanatisme et l’intransigeance dogmatique pour une sorte de rigueur révolutionnaire ou de radicalité militante qu’elles projettent sur tout.

Après avoir promu des idées doctrinaires de rééducation sexuelle dans son dernier numéro sur le genre, ce récent texte de Première Ligne (PL) nous annonce cette fois des réflexions sur la technique… Tenons-nous bien!

L’exercice rhétorique y est assez cheap. On y oppose une caricature d’utopisme technologique naïf, représenté par « l’accélérationnisme de gauche », à une caricature de « l’anarchisme vert » et surtout de « l’anarchisme anticivilisationnel », présentés comme des technophobies obscurantistes – tout en dénigrant les anars de Montréal – pour finalement nous mettre d’avant la plateforme de PL comme seule alternative raisonnable, évidemment. Cependant, bien que PL essaie de faire passer les autres pour des fous afin d’avoir l’air smart, la pertinence des idées qu’elle nous propose démontre assez vite pourquoi cette stratégie lui semblait nécessaire.

Si j’avoue que j’ai un certain plaisir à écouter PL se plaindre des tendances du milieu anarchiste de Montréal auquel elle se heurte, vue l’état de dispersion actuel de celui-ci je ne m’y fierais pas pour étouffer des discours aussi dérisoires qu’ils puissent paraître. Devant la présence anarchiste flétrissante et le populisme démagogique qui prospère si facilement, les communistes fanatiques y voient une opportunité. La naïveté et l’insouciance des anarchistes envers les communistes à répétitivement prouvé être mal avisée et je n’ai aucune envie de voir leurs idées toxiques proliférer de nouveau.

Face à l’inertie, PL sera contente d’entendre que mes « tendances grégaires » font défaut. La fausse camaraderie et ma tolérance envers les charlatans qui se disent anti-autoritaires en prônant des idées de domination aussi me font terriblement défaut. En fait, c’est d’une joie ravageuse que je viens ridiculiser et m’opposer fermement à des idéologues qui veulent nous faire croire qu’un proto-État ouvrier écocidaire imposé par une avant-garde de moines révolutionnaires chaste, ça a quelque chose à voir avec l’anarchie plutôt qu’un trip de cosplay trotskiste gone bad!

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*Notons que c’est la même signature que pour le texte Notre anarchisme dans le manifeste publié par Première Ligne en guise de premier numéro. Je vais donc me permettre de présumer qu’il s’agit bien ici des opinions de PL, surtout en ce qui concerne l’anarchisme. Je le mentionne parce que PL n’a pas hésité à se dissocier de Pour une éthique militante masculine et larguer son auteure après s’être fait critiquer pour avoir décidé de publier ce texte dans son 3e numéro. (voir mtlcontreinfo.org/reponse-a-la-reponse-a-premiere-ligne/)


Ça serait insultant si c’était pas si ridicule

Ça fait plus de 125 ans, depuis les premières publications des Naturiens au tournant du 20e siècle que la civilisation et le progrès sont critiqués et confrontés d’un point de vue anarchique : les réflexions nihilistes sur la société de masse, les anarchistes pacifistes critiques de la science, les analyses ellulienne de la technique, le primitivisme inspiré par l’anthropologie des années 60-70, l’anarchisme vert, l’écologie radicale, les « Fronts de libération » (ELF/ALF) et une partie de l’anarchisme insurrectionnel des dernières décennies, etc. S’il y a bien sûr des points en communs entre ces tendances, il y a aussi des divergeances et toute une diversité d’inspirations, de perspectives, d’approches et de pratiques. Les anarchistes « anticiv » en sont un amalgame. Soyons clairs, ce terme n’a jamais été autre chose qu’un raccourci pour dire au sens large « critique du progrès et de la civilisation ». Cependant, PL s’en sert tout au long du texte en l’interchangeant avec les termes « anarchiste vert » et « primitiviste », comme s’ils s’équivalaient, afin de tresser un homme de paille auquel s’attaquer. Évidemment, le but est d’en faire une idéologie avec une approche spécifique qui convient à la propagande de PL. C’est bien plus facile de s’en prendre à une parodie basée sur ses propres préjugés et idées préconçues que de chercher réellement à connaître et comprendre un vaste sujet afin d’acquérir une analyse sérieuse par un processus de remise en question.

C’est dans ce sens que PL se livre à des attaques sur la crédibilité des personnes qui critiquent la civilisation d’un point de vue anarchique. On nous affirme que « la radicalité des propositions théoriques des anticivs les isole à un point où toute action politique véritablement transformatrice devient impensable » et que « leur activité politique atteint rapidement un cul-de-sac où quasiment toute action rompt avec leurs principes de base ». Mais puisque ces affirmations, que les anticivs sont intrinsèquement des incapables, ne s’appuient sur rien d’autre qu’un pet de cerveau, PL laisse libre cours à son imagination flatulente dans toute sa verve en s’essayant à la fiction :

« Certaines décident de partir des mois par années dans le grand nord, souvent armées de fusils, pratiquer leur survivalisme en attendant de manquer de munitions ou un effondrement civilisationnel qui ne vient pas – ce qui n’ébranle pas grand-chose. D’autres décident de poursuivre leur vie en ville, vouées à malheureusement la vivre dans des espaces bétonnés, parfois publier des zines en petite quantité en espérant semer du désespoir le plus total un peu chez le voisin. D’autres, plus braves, décideront de mener des attaques violentes sur des cibles comprises comme jouant un rôle dans la reproduction de la civilisation, à savoir souvent des héoliennes, des barrages ou centrales électriques, des tours de télécommunication, etc. Ces actions restent fortement marginales et n’ont en toute vraisemblance aucune chance d’avoir un quelconque impact réel sur la société. Si c’était vraiment le cas, les États ne tarderaient pas à sortir les griffes et punir conséquemment ses adversaires – et lorsqu’iels pensent être plus fortes que l’état ou assez discrètes pour y échapper. Iels se fourvoient. Voilà comment se concrétise la vie militante des anticivs » conclut-on fatalement.

Un intérêt de longue date envers l’anarchie et les tendances critiques de la civilisation m’ont amené à croiser plusieurs « anticivs » au fil du temps, et pourtant jamais de survivaliste qui passe du temps dans le nord avec leurs fusils en attendant la fin de la civilisation. Certes, je ne connais pas tout le monde, mais c’est certainement pas typique. En fait, comme plusieurs le supposeront déjà, on y trouve toute sorte de personnes et il n’y a rien de typique aux « lifestyle » des anarchistes critiques de la civilisation. Bien qu’au début du texte PL admet s’affronter à un groupe hétérogène, on remarque vite que la convenance idéologique d’assimiler tout le monde à une caricature est plus importante que le souci de connaître le sujet. La fiction dénigrante qu’on nous propose est un montage plus convenable aussi pour la rhétorique du lifestylism récurrente dans le texte. Nous y reviendrons.

Vous avez déjà entendu parler d’attaques anticiv sur des barrages ou centrales électriques? Moi non plus. Par contre, on a déjà vu comment des individus et des petits groupes informels ont flambé des concessionnaires d’autos et des projets de développement, saboté machineries et moyens de transport, bloqué les routes et les voies ferrées, ou encore se sont attaqués aux cages où des êtres sont torturés pour notre convenance… Les initiatives individuelles n’en ont rien à faire d’attendre des grèves et des révolutions, ni de l’accord de l’avant-garde, de la logistique révolutionnaire ou des assemblées de quelconque rêverie de conseils ouvriers. Elles agissent selon leurs propres objectifs et capacités, limitées seulement par leur créativité.

Eh oui, bien sûr que les autorités lancent leurs campagnes de répression. L’écologie radicale est depuis longtemps au haut de la liste des préoccupations des agences de renseignement nord-américaines. L’infiltration, les rafles, les procès, les emprisonnements, les condamnations exemplaires… comme ils l’ont fait aussi avec les organisations révolutionnaires maoïstes quand elles ont été trop dérangeantes. Par contre, on remarque que si les actions individuelles ou de groupes informels n’ont jamais cessé de se propager, que reste-t-il aujourd’hui des organisations révolutionnaires?

Toutes ces expériences avec des conséquences réelles ont inspiré des débats, des positions, des stratégies, des actions… Et malgré la menace de la répression pendant les années du Green Scare, on a vu des anarchistes anticiv impulser des projets et des événements de toute sorte pour essayer d’apporter des perspectives écologistes plus radicales, parfois sous les calomnies et les menaces d’autres soi-disant anarchistes. On se souviendra des petits inquisiteurs de Hors d’Œuvre (une autre gang qui fantasmait d’une révolution ouvrière) qui passaient des tracts pour la « liquidation des primitivistes » avant d’envoyer des menaces de mort et un appel à la bombe contre un événement de la Mauvaise Herbe au Salon du livre anarchiste de 2007.

Justement, c’est drôle que PL tire une flèche contre la Mauvaise Herbe dans sa tentative de faire passer les anticivs pour des vaux rien. Pas besoin de le nommer, on le sait bien que c’est le seul zine « anticiv » à Montréal. Pourtant, trouvez-moi un zine anarchiste par ici, ou ailleurs, qui dure depuis plus de 20 ans avec presque 50 numéros publiés. Peut-être que PL devrait prendre la mesure des choses avant d’essayer de cracher sur les autres du haut de ses quatre zines. Et honnêtement, je préfère une revue qui prend pas son lectorat pour des caves et qui « sème du désespoir », au lieu d’une revue pleine de faux-espoirs et de bêtises qui servent seulement à étaler du branlage idéologique pseudo-intello sans humour, à la PL. De plus, à part tous les événements et projets auxquels elle à participé, collaboré, ou facilité, cette bande d’anticivs insignifiants fait aussi partie des groupes anars qui ont été actifs dans la reprise du bâtiment qui abrite le DIRA et se sont impliqués dans la librairie l’Insoumise.

En fin de compte, on dirait pas vraiment du monde isolé, paralysé par leurs principes et incapable d’actions concrètes, ces anticivs. Ce qui paralyse c’est de croire qu’on ne peut rien faire par soi-même, que l’action individuelle n’a pas d’impact, que nos actions n’ont de valeur que si elles s’inscrivent dans un but supérieur : sauver le monde, l’utopie, la révolution, la rédemption, l’organisation, le parti, Dieu, l’anarchie, etc.

Mais si la caricature que propose PL ne vous a pas encore convaincu que les anars anticiv c’est des pas bons, attendez de voir. Après nous avoir expliqué que les anticivs sont trop inutiles pour avoir « un quelconque impact réel », dans une pirouette rhétorique des plus tordues PL nous offre sa propre projection révolutionnaire d’une « hypothétique victoire de l’anarchie anticivilisationnelle » pour aussitôt accuser les anticivs du scénario génocidaire qu’elle vient elle-même d’imaginer :

« Si on veut dépasser la fatalité militante qui les attend et analyser les conséquences d’une hypothétique victoire, même partielle, de l’anarchie anticivilisationnelle, les jours ne sont pas plus heureux. Comment est-il possible d’imaginer fermer les mines, les pipelines et les barrages hydroélectriques alors que le rôle social qu’il joue dans la reproduction sociétale est autant majeur? Il va sans dire que la survie de milliards d’humaines dépend de ces institutions techniques et que les mettre à bas immédiatement équivaudrait à un acte meurtrier qui s’attaquerait d’abord et avant tout aux plus vulnérables. Dans l’histoire, l’exemple le plus abouti d’une révolution de cet ordre serait surement le mouvement de désertion des villes au profit des “communes agraires” qu’ont réalisé les khmers rouge au Cambodge. »

C’est le coup classique de s’en prendre au messager. Les anticivs essaient de faire allumer le monde sur le fait que tout ce truc ressemble à une mega-machine à tuer, et se font accuser d’être les génocidaires. Faut-il vraiment rappeler que les khmers rouge furent une organisation communiste révolutionnaire, beaucoup plus près politiquement et idéologiquement de PL que de n’importe quelle anticiv? Le plus absurde, c’est que quelques lignes plus loin on argumente que l’anarchisme anticiv « n’a rien à voir avec l’anarchisme auquel on fait généralement référence en parlant de “mouvement anarchiste” » puisqu’il ne s’intéresse pas à l’anarchisme « en tant que mouvement social révolutionnaire » et que « l’anarchisme à généralement des objectifs antagoniques aux siens, soit la mise en place d’un agencement de la civilisation différent et non son abolition ». Donc, faut-il en comprendre que PL rejette l’anarchisme anticiv parce qu’il ne partage pas les ambitions mégalomanes des khmers rouge? Mais on comprend que toute cette gymnastique idéologique est propre à un esprit doctrinaire qui ne voit le monde qu’à travers le prisme de ses propres fantasmes de prise de pouvoir et de contrôle, au point de faire de l’anarchisme une idéologie de conquête et de domination.


L’affinité des anticivs est avec les sorcières, pas les curés!

Si on ne vous a pas encore convaincus que les anticivs ce sont des pourritures, immédiatement après les avoir comparés au khmer rouge on les accuse, sans aucune explication, de vouloir remplacer la science par l’instinct pour nous plonger dans l’obscurantisme et le dogmatisme religieux. Le saviez-vous? L’anarchisme anticiv n’est pas seulement insignifiant et génocidaire… c’est aussi une sorte de fanatisme intégriste!

Malheureusement, l’accusation d’obscurantisme n’est pas nouvelle. Les socialistes qui détestent la critique du progrès et de la civilisation y on recourt ad hominem, gratuitement et sans références. J’ai toujours trouvé ça extrêmement ignorant et ethnocentrique, à part d’être colonialiste. PL nous en donne un parfait exemple :

« D’un point de vue épistémologique, s’attaquer à la science en tant que mode de développement des connaissances est aussi douteux. S’il est à la mode de condamner la rationalité occidentale, il est vraiment ridicule de prétendre vouloir baser notre système de développement des connaissances strictement sur nos instincts ou tout autre pseudo science. […] D’autre part, il faut rappeler que toute société fondée sur des critères non scientifiques n’est en rien garante d’émancipation. […] Fermer catégoriquement la porte au mode de développement scientifique des connaissances ouvre la porte à un obscurantisme favorisant l’émergence de nouveaux dogmes oppressifs ou le recyclage d’anciens sous de nouvelles formes. Comme les institutions techniciennes, la science a une importance majeure dans la reproduction de la société, dont la survie de milliards d’humaines dépend. »

Premièrement, on remarque déjà le manque d’argument quand en partant on a recours à de la tautologie rhétorique. Il ne s’agit que de savoir ce qu’est l’épistémologie pour comprendre que l’énoncé est d’une banalité évidente. Tout de même, cela nous révèle le « point de vue » académicien ethnocentrique que partage PL à propos du développement des connaissances. Ce qui est « vraiment ridicule » – pour ne pas dire colonialiste et carrément raciste – c’est de prétendre qu’en deçà de notre suprême rationalité occidentale et sa science, il n’y a que « l’instinct ou quelconque pseudo science ». Est-ce qu’il faut vraiment se replonger dans le débat de la controverse de Villadolid de 1550 quand les curés discutaient à savoir si les autochtones d’Amérique étaient des personnes capables de raison, ou des bêtes tiraillées par leurs vils instincts?

L’acquisition et le partage des connaissances basé sur l’expérience et l’observation du monde n’a pas été inventé par l’institution scientifique. Cela a existé bien avant la science et continue d’exister entre autres au sein des populations marginales qui n’ont pas encore été absorbées totalement par le progrès. Plutôt, les connaissances sur lesquelles les sciences sont basées ont été usurpées, contrôlées, standardisées et normalisées selon les besoins du progrès et du développement. Les civilisés ont enfermé la connaissance dans leurs institutions pour la baliser et y contrôler l’accès et la diffusion.

Les curés de la science argumenteront que ce réarrangement fut bénéfique pour l’humanité, mais dans leur dévotion sont incapables d’admettre que la science et le progrès technique ont toujours créé plus de problèmes qu’ils n’ont réglés. Regardons seulement l’exemple de l’évolution de l’agriculture qui nous a menés tout droit vers l’épuisement des sols et une famine mondiale où tu manges du pétrole sinon tu crèves de faim, et avec une population qui continue de croître. Tout cela bien sûr par la bénédiction des travaux scientifiques de grands héros de la civilisation tels que le prix Nobel de chimie Fritz Haber – aussi connu comme le « père de l’arme chimique », puisque dans ses recherches pour synthétiser l’ammoniac et permettre l’industrialisation des engrais chimiques, il a développé le chlore gazeux et dirigé sont déploiement sur le front lors de la Première Guerre mondiale. Ses recherches sur les pesticides furent aussi cruciales pour la production industrielle du Zyklon B. Ironie du sort et tragique exemple de l’impossibilité de prévision des conséquences de la technique, Haber était juif.

Faut-il encore rappeler que toute société fondée sur des critères scientifiques n’est en rien garante d’émancipation, elle non plus? Tous ces régimes communistes et fascistes technocrates, tous ces régimes qui ont massacré des populations avec leurs sciences d’ingénierie sociale et leur mégalomanie scientifique? Faut-il aussi encore rappeler que c’est à l’époque de la raison, en pleine exaltation de la science et du progrès qu’il y a eu de loin le plus de persécution pour sorcellerie?

Quand l’innovation technique des presses de Gutenberg permit une propagation beaucoup plus rapide et massive des idées et de l’information, c’est le Malleus Maleficarum, un manuel de chasse aux sorcières plein de fake news, de sexe morbide et d’hystérie misogyne, qui fut un des premiers bestsellers. Ce n’est donc pas si surprenant ce qui se passe sur les médias sociaux de nos jours. Le monde n’est pas nécessairement attiré par les idées bien pensantes. Il n’y a alors que le contrôle de l’information et l’hégémonie idéologique qui permettent au pouvoir de gérer une telle situation de communication de masse. Et c’est pour maximiser le contrôle et l’hégémonie institutionnelle qu’on a massacré les marginaux, les hérétiques et les sorcières qui osaient maintenir les traditions ancestrales, les pratiques subversives et transgressives, la connaissance de la contraception, des remèdes et des poisons.

C’est parce que les critiques anticiv de la science osent parler de ces choses qu’elles se font traiter d’obscurantiste par l’Inquisition scientifique. L’affinité des anticivs, c’est avec les sorcières, pas les curés!

Pendant qu’on y est, si l’on est d’accord pour dire que l’obscurantisme est une attitude qui refuse de reconnaître les choses démontrées, ne devrait-on pas alors considérer le communisme anti-autoritaire comme une forme d’obscurantisme?

Enfin, la conception doctrinaire de PL sera ébranlée d’apprendre que nombre d’anticivs, dont les plus primitivistes, se sont intéressés à des sciences telles que l’anthropologie, l’histoire, l’écologie et les sciences naturelles. Ces sciences nous démontrent entre autres que ce n’est qu’à l’aide de preuves flagrantes que la « rationalité occidentale » arrive aujourd’hui à reconnaître ce dont l’approche holistique des sagesses ancestrales primitives nous informait déjà depuis des millénaires à propos de notre environnement.

Une dernière chose qu’on peut apprendre des populations primitives – ainsi que des anarchistes – grâce aux sciences de l’anthropologie et de l’histoire, c’est que les moyens facilement reproductibles sont désirables si on veut plus facilement arriver à nos buts immédiats. On a besoin d’une certaine connaissance pour être efficace, mais pas besoin d’être scientifique pour propager le feu!


L’anarchisme montréalais entre « malaise » anticolonial et phobie technologique?

Avant de nous faire la démonstration de la supériorité de son point de vue révolutionnaire sur notre rapport à la technique, PL nous en dévoile d’abord une prémisse par un autre portrait dénigrant – de « l’anarchisme montréalais » cette fois.

Dans la dernière partie du texte, on nous affirme qu’à Montréal « l’extrême gauche – excluant les communistes étatistes – demeure largement hostile au développement technique » et que « leur opposition à l’étalement technique ne vient pas d’une analyse théorique approfondie et cohérente ou d’un projet politique primitiviste ». Bien sûr que non! Projets politiques et analyses cohérentes sont apparemment au-delà des capacités des anarchistes de Montréal. Selon PL c’est plutôt « un réflexe de confrontation avec tout ce qui émerge dans l’immédiat du Capital ou du colonialisme » qui d’une part viendrait d’un attachement « aux legs pratiques et théoriques de l’altermondialisme » (que PL associe à l’organisation locale, démocratique et à petite échelle, le DIY et le rejet des grosses compagnies) et d’autre part, du fait que « le contexte canadien est particulier puisque les militantes anarchistes settlers se trouvent prises avec le malaise d’occuper des terres qui ont été volées aux différents peuples autochtones et dont l’exploitation demeure capitale dans l’économie canadienne. Il est ainsi facile de condamner les tentatives de développement extractiviste ainsi que leurs maintiens en tant que ceux-ci passent nécessairement par la destruction environnementale ou encore l’expulsion brutale des communautés habitant un lieu considéré par l’État ou les capitalistes comme stratégique à exploiter ». Un contexte qui n’a pourtant rien de particulier dans un monde assiégé depuis des siècles par le colonialisme. Qu’il vienne de la part d’États capitalistes, de révolutionnaires communistes, de royaumes ou d’anciennes cités-États, c’est une dynamique incontournable de la civilisation. « Néanmoins, conclut-on, puisque le milieu anarchiste néglige souvent de se questionner sur les vocations du mouvement révolutionnaire sur le long terme et leurs implications/nécessités, il se retrouve souvent au final à exiger des demandes immédiates relativement similaires à celles que pourraient formuler des anarchistes verts. »

En d’autres mots, pour PL le milieu anarchiste montréalais est aussi insignifiant qu’une bande d’anticiv! Ou pire, puisque les anticivs ont le mérite d’avoir une analyse, si hérétique soit-elle. C’est presque à se demander si ces anarchistes sont capables de « rationalité occidentale »… Le milieu anarchiste montréalais serait-il en proie à l’obscurantisme génocidaire, ou encore pire, à la phobie technologique paralysante?!

« Comment sortir d’une phobie technologique paralysante, possiblement menaçante pour l’intégrité de larges franges de la population humaine, tout en ne tombant pas dans les pièges que nous avons associés à l’accélerationnisme de gauche? Nous croyons que cet enjeu est décisif à la fois pour nos mouvements que pour toute perspective révolutionnaire sérieuse, et doit passer par la formulation anarchisante d’une réponse à celui-ci. »

Et voilà, tout ce salissage des anticivs,ce mépris du milieu montréalais, aboutissent à cette accusation sans fondement, que PL ne fait qu’affirmer sans jamais le démontrer dans les faits. Cette fiction ridicule d’une « phobie technologique paralysante menaçante pour la population », c’est un enjeu décisif nous dit-on. Quelle bande de clowns! À travers ce cirque on voit bien que la perspective eurocentrique etles fixations marxistes de PL se sont confrontées à une certaine conscience anticoloniale et écologiste dans le milieu anar de Montréal. Que cette conscience soit qualifiée de « malaise » et de « phobie » par PL en dit beaucoup sur ses prétentions anti-autoritaires, et d’insinuer que la destruction écologique et le colonialisme sont des problèmes qui en reviennent surtout au modèle de gestion et d’exploitation capitaliste, c’est du délire idéologique. En fait, PL remarque qu’il n’y a que « les communistes étatistes » qui partagent sa vision du développement. Peut-être que c’est là le moment de se rendre comptequ’il n’y a absolument rien « d’anarchisant » dans vos idées?


Le parti

« Il nous semble impératif de reconsidérer notre rapport à la technique [puisque] la pérennité des conditions climatiques permettant la vie humaine [sont menacés et que] la complexité technicienne est difficilement compatible avec des projets anarchistes ou de conseils ouvriers qui refusent d’avoir recours à l’État tout au long du processus révolutionnaire. En ce sens, nous devons trouver des avenues politiques qui ne passent pas par un rejet total de la médiation technique ni de l’extractivisme, mais qui permettent tout de même de maintenir la technologie à un seuil contrôlable et réversible. Déterminer quels sont ces seuils et quelle forme d’État peut nous permettre de les faire fonctionner est la tâche collective à laquelle nous devons urgemment nous attarder. »

Tant d’efforts déployés dans les textes de PL, tant de contorsions pour conceptualiser l’absence d’État en tant qu’une nouvelle entité dominatrice avec le même rôle que l’État. Au lieu d’écrire des textes à propos d’un « État » comme des clowns, pourquoi pas simplement s’assumer et parler d’État révolutionnaire ou proto-État? Par contre, si PL s’intéresse à l’anarchie pour autre chose que son branding (j’en doute), peut-être qu’une idée à explorer serait de remplacer l’État avec… RIEN!

Mais voyons voir… De quelle avenue politique menant vers un État communiste extractiviste… pardon, un État gestionnaire des ressources et de la technique pourrait-il bien s’agir?

« La réponse à tous nos problèmes est entre nos mains. Plutôt qu’anti-technicienne ou pro-technicienne, nous devons faire valoir une pratique politique a-technicienne, c’est-à-dire une pratique où les variables d’efficacité et d’optimisation doivent être descendues de leur piédestal et être mises sur un pied d’égalité avec les autres critères d’évaluation du politique et de la politique contestataire. Il n’y a pas d’autres moyens d’éviter l’État technocrate totalitaire et ses camps de travail que de prendre et fonder un parti a-technicien. »

Évidemment, la seule solution, le bon vieux parti!

Malgré toutes leurs agences, organisations, centre d’études et commissions, les spécialistes peinent à acquérir une certaine capacité de prévision et d’endiguement de phénomènes techniques précis, et ce même en se concentrant seulement sur quelques aspects. Il semble donc bien évident qu’avant même de penser à contrôler tout l’ensemble du progrès technique, la capacité de percevoir toutes les conséquences de son application est déjà loin de notre portée. Mais la mission idéologique de PL ne s’enfarge pas de tels détails. Devant cette entreprise surhumaine que de maîtriser tout le phénomène technique, il suffirait apparemment d’une plateforme politique basé sur quelques considérations éthiques et « un rapport qui prend à la fois en considération que la survie de populations dépend de l’organisation actuelle des choses, tout en restant fortement critique de cet ordre social. [Une approche qui] a au moins le mérite de nous placer dans un état constant de tension, où notre rapport à la technique implique un certain degré de culpabilité, mais qui reste aujourd’hui nécessaire ».

Donc, il ne faut rien changer à la façon actuelle de fonctionner, mais soyons-en repentants… et le parti c’est notre salut? C’est une formule typiquement autoritaire d’utiliser la honte et la repentance pour le contrôle social. On l’a vu à grande échelle avec le christianisme, par exemple. On l’a vu avec le maoïsme et sa Révolution culturelle, dont la toxicité contamine la gauche jusqu’à nos jours. C’est aussi typique avec les sectes et les gourous qui cherchent à exploiter les sentiments d’infériorité, d’incapacité, de doute en soi et de culpabilité – dans ces conditions, l’individu accepte plus facilement une autorité morale extérieure. Alors, permettez-moi de douter que ces belles intentions et encore plus de technique par le politique et l’ingénierie sociale n’aboutiraient pas simplement qu’à une autre tentative de manœuvrer la puissance de la technique à des fins idéologiques.

Bien que PL allègue dans le texte une « perspective ellulienne » et une conscience de la notion de l’autonomie technicienne, j’entends déjà Ellul nous rappeler :

« L’homme dans son orgueil, l’intellectuel surtout, croit encore que sa pensée maîtrise la technique, qu’il peut lui imposer telle valeur, tel sens, et les philosophes sont à la pointe de cette vanité. Il est même bien remarquable de constater que les philosophies les plus fines de l’importance de la technique, et même matérialistes, finalement se replient sur une prééminence de l’homme. Mais cette grande prétention est purement idéologique. […]
La Science et la Technique restent identiques dans un monde socialiste (y compris en Chine!) avec leurs effets et leurs structures, et c’est un simple tour de passe-passe idéaliste qui nous convainc de leur changement de signe, comparable à la croyance des chrétiens en un Paradis. Pour moi la non-neutralité de la Technique signifie qu’elle n’est pas un objet inerte et sans poids qui pourrait être utilisé n’importe comment, dans n’importe quel sens par un homme souverain. La technique a en soi un certain nombre de conséquences, représente une certaine structure, certaines exigences, entraîne certaines modifications de l’homme et de la société, qui s’imposent qu’on le veuille ou non. Elle va d’elle-même dans un certain sens. »

-Jacques Ellul, Le système technicien

Avec tout ce qu’implique un tel projet politique, les questions et les défis qu’il soulève, la seule et unique préoccupation dont on nous fait part c’est que « le danger évident d’une telle position est de conforter les militant-es dans des pratiques totalement inefficaces ou encore de survaloriser un lifestyle anarchiste ». PL nous affirme que « ce genre de repli et d’isolement ne constitue en rien une attaque à l’organisation sociale technicienne, mais plutôt une des formes les plus compatibles avec la reproduction de cette organisation sociale, en ce sens qu’elle n’incarne en rien une menace face à celle-ci, voire isole la résistance dans des foyers autodestructeurs. [Et que] les petites communautés « libérées » ne sont pas réellement indépendantes [puisque] leur existence repose sur l’exploitation du reste du prolétariat ».

Ce thème d’un supposé « lifestyle » anarchiste parasitaire qui ne s’intéresserait qu’à une esthétique de vie est récurrent tout au long du texte. On reconnaît facilement le vieux Bookchin qui chialait contre tout le monde qu’il comprenait pas ou qui pensaient pas comme lui, les accusant de « lifestyle anarchism ». S’il a bien fait rire de lui avec ses histoires ridicules de vieux déconnecté, d’autres communistes désespérés s’y sont évidemment retrouvés, partageant le même profond désir autoritaire de décider de la vie des autres qu’on retrouve de gauche à droite. Ça les perturbe tellement qu’on retrouve des individualités diverses et dynamiques qui s’intéressent à expérimenter, explorer et subvertir les liens, les interactions, les formes et les manières à partir de leur propre vie. En gros, leur discours de marde en revient à ce que tu dois te conformer en t’autoflagellant, aller travailler et payer tes comptes comme tout le monde, militer dans un syndicat ou un parti… Voilà à quoi ressemble l’action politique véritablement transformatrice par de vrais révolutionnaires! Tu les retrouves 10 ans plus tard, toutes des fonctionnaires pis des yuppies loser qui vivent dans des condos à regarder les « prolos » faire du vol à l’étalage. Mais sérieusement, quelqu’un qui pense encore aujourd’hui que le prolétariat est un sujet révolutionnaire, ça paraît que son seul contact avec des prolos c’est dans des livres d’histoire.

Si quelque doute subsiste encore sur le fake anti-autoritarisme de PL, attendez de voir la stratégie de son parti :

« L’époque où l’on pouvait écraser les forces militaires d’un tel tsar ou d’un tel État est révolue, malheureusement. […] La stratégie du parti a-technicien est donc d’un autre ordre : rendre l’État inutile par l’instauration progressive d’un État soutenu par la population, dont l’efficacité doit être mesurée non pas en termes de maximisation de la production, mais bien en fonction de seuils viables écologiquement et qui nous permettent de garder un contrôle sur l’organisation sociale. »

Au moins on s’assume. On a même laissé de côté la rature sur le mot État cette fois. L’instauration d’un État qui contrôle la technique et l’organisation sociale, et devient la mesure de l’écologie… voilà pour l’anti-autoritarisme de PL! Les principes prennent vite le bord quand il s’agit de faire la révolution. Si des anars anticiv étalait un tel plan, je suis sûr que les accusations d’écofascisme ne se feraient pas attendre.

Le texte continu en nous expliquant que le parti doit s’engager à « prendre possession des moyens de production [pour] les transformer et les adapter à nos désirs […] dans un seul geste révolutionnaire qui ne remet pas à plus tard le pouvoir populaire au nom de quelconque nécessité, mais prône l’autonomie ouvrière par la mise en place de conseils ouvriers – qui n’ont de raison de disparaître après la révolution qu’en fonction de leurs propres considérations pratiques dues à l’évolution du mouvement révolutionnaire ».

Des fantaisies trotskistes d’une Révolution permanente? Un écocide géré par des soviets? C’est ça la « formulation anarchisante » de PL? En fait, les prétentions anarchiste et anti-autoritaire de PL ne tiennent semble-t-il qu’à une sorte de communisme de conseil, mais sans aucune préoccupation envers le fait historique que cette forme d’organisation, avec un parti d’avant-garde pour mener la révolution et la société, comme le prône PL, a rapidement sombré dans l’autoritarisme après son renversement du pouvoir. La prétendue réflexion de PL sur la technique n’apporte d’ailleurs aucune considération à propos de problèmes évidents qu’amènent de telles mesures – par exemple, la complexité logistique et la bureaucratisation, ou encore la transmission et la standardisation de l’information viennent facilement à l’esprit – réduisant la technique de manière simpliste comme s’il ne s’agissait bêtement que d’une question de la volonté politique derrière la gestion de la production. Il est difficile de voir en quoi la position de PL diverge de celle des accélérationniste qu’elle dénonce, à part sa fixation sur les soviets. On retrouve aussi le même discours simpliste dans les textes qu’elle a adressé à Rage Climatique dans son 2e numéro : la révolution marxiste et les soviets sont la réponse aux problèmes écologiques par la magie de l’émancipation du prolétariat.

Si ce n’était pas encore assez clair, ce qui motive vraiment PL ce n’est pas quelconque préoccupation à propos de l’anarchie, de l’écologie ou de la technique. L’objectif de PL est un monde de contrôle social, de gestion de ressources et de développement industriel :

« La désindustrialisation du nord global […] et la construction de banlieues au détriment de la production agraire nuisent à notre faculté de contrôle sur la technique ainsi qu’à notre possibilité d’autonomie matérielle et ouvrière. Nous devons être hostiles face aux usines sur notre territoire uniquement dans la mesure où elles sont des lieux d’exploitation, d’aliénation et de destruction écologiques […] La construction d’usines ou leur réouverture sont nécessaires, ne serait-ce que dans une perspective d’équité avec les populations du sud […] La division scientifique du travail à l’échelle mondiale complexifie radicalement les scénarios d’émancipation libertaires et notre réindustrialisation pourrait y pallier au moins de manière partielle. »

Je sais pas pour vous, mais travailler dans des usines c’est pas vraiment mon idée de l’anarchie. Leur parti, que ferait-il du lumpen anticiv qui voudrait pas travailler dans ce Plan Nord communiste? Les populations locales qui ne voudront pas que les soviets viennent détruire ce qui reste des forêts, des montagnes, des cours d’eau et leurs écosystèmes? Laissez-moi deviner, « on pourra leur offrir un emploi dans le Nord autant que possible », comme disait l’autre? Ce qui est sûr en tout cas c’est que les communistes ne manquent pas d’expérience à envoyer la dissidence dans des camps de labeur dans le nord. La putride vision idéologique de PL est tellement déconnectée qu’on insinue que les usines, par la magie des conseils ouvriers, ne seraient plus « des lieux d’exploitation, d’aliénation et de destruction écologiques ». Apparemment que les usines vont cracher des fleurs pis le monde vont adorer leurs jobs de marde après avoir passé le reste du temps dans des AG!

Ils ne changent jamais ces marxistes! Toujours là pour amener à tout prix le développement industriel partout où les capitalistes l’ont négligé. Ce n’est pas assez de proposer le maintient du mode de vie extractiviste industriel, PL est carrément en train de militer pour l’ouverture d’usines à travers le monde et accélérer le saccage et la destruction des écosystèmes. Voilà pourquoi PL voit les anticivs, les « réflexes anarchistes verts », les initiatives individuelles, le « malaise » d’occuper des terres autochtones et l’hostilité envers le développement comme des entraves à ses fantasmes révolutionnaires. La seule révolution pour laquelle PL milite vraiment, c’est la révolution industrielle.

*****

Tout ce discours répugnant de prise de pouvoir, de contrôle social, d’expansion industrielle, cette ambition de devenir gestionnaire de la destruction et de l’asservissement de la nature est absolument antagonique à l’anarchie qui m’inspire; celle qui conspire, pas pour prendre le pouvoir, mais pour que le pouvoir ne puisse s’exercer; celle qui apporte le sabotage et la destruction au monde techno-industriel et tout son développement technique; qui laisse libre cours aux affluents de l’expérience individuelle et pointe sa mire contre toute autorité qui s’impose; celle qui est synonyme de chaos et de désordre, qui vient perturber la transmission, l’organisation et le fonctionnement de l’ordre social, sans appâts utopistes!

Le monde n’a pas besoin d’une de nos idéologies libératrices autant qu’il a besoin de se débarrasser de ce qui rend possible la transmission et l’application d’une idéologie à grande échelle. Regardez où nous en sommes. Nous ne sommes pas les sauveurs du monde. C’est assez évident, vous ne croyez pas?

Que nos approches sont totalement irréconciliables, c’est peu dire…
À couteaux tirés, Premières Lignes!

-Lyokha

Quelques réflexions liminaires à propos de Unity of Fields

 Commentaires fermés sur Quelques réflexions liminaires à propos de Unity of Fields
Nov 232024
 

De la grappe

Des luttes locales contre le sionisme, l’impérialisme, et le colonialisme prennent visiblement des approches plus destructives, décentralisées, anonymes, et autonomes, un rêve de longue date des anarchistes insurrectionnel·le·s, pourtant de nouvelles questions se posent à nous.

Vu sur Anarchist News : https://anarchistnews.org/content/some-initial-thoughts-unity-fields

Comment voulons-nous faire face avec d’autres rebel·le·s avec lesquel·le·s nous avons des différences idéologiques et des similarités tactiques ? Comment évitons-nous de nous perdre dans les tandences avant-gardistes, unitaires, nationalistes qui accompagnent souvent les approches gauchistes révolutionnaires de la lutte combative ? Sommes-nous intéressé·e·s à conspirer avec ces autres en dehors de la spontanéité de manifestations, occupations (et potentiellement d’émeutes) sauvages, et si oui comment ?

Publié anonymement –
[J’écris en tant qu’anarchiste insurrectionnel·le aux u$a et je parle dans ce contexte]

Unity of Fields est un projet de contre-info qui a émergé en août 2024. Iels décrivent leur projet comme un « front de propagande militante contre l’axe US-OTAN-sioniste de l’impérialisme. » C’était Palestine Action US et a depuis changé d’orientation. Il y a un site web et quelques comptes sur des réseaux sociaux, dont certains ont été bannis au moment d’écrire ces lignes, iels semblent être plus populaires sur Telegram. Bien que lié à des sources principalement anarchistes pour des connaissances techniques, Unity of Fields ne semble pas être un projet anarchiste et leur lecture politique et suggestions de média sont très variées. Iels suggèrent des textes décoloniaux classiques de Fanon et Césaire, des écrits de la Black Liberation Army et du Black Panther Party, des textes de diverses factions de la résistance palestinienne, ainsi que des communistes autoritaires comme Lénine ou Mao entre autres.

Leur site web est surtout un centre d’échange de nouvelles, d’analyse d’action, et de communiqués. Beaucoup de communiqués sont des publications originales bien qu’iels republient aussi depuis d’autres projets de contre-info et des réseaux sociaux. Iels publient également leurs propres écrits originaux sur leur site web. Le fait qu’iels publient du contenu vaguement criminel et renvoient à des conseils techniques sur comment mieux porter des formes insurrectionnelles de lutte est probablement une grande partie de la raison pour laquelle iels sont discuté·e·s dans les cercles anarchistes.

Qu’est-ce que l’émergence d’un projet comme Unity of Fields signifie pour nous anarchistes ? D’une part Unity of Fields étend certains espaces que nous occupons en tant qu’anarchistes — l’espace de lutte combative et l’espace numérique de contre-info. Nous ne sommes certainement pas les seul·e·s à recolorer les murs, ouvrir des fenêtres, et porter nos petits sabotages et puis écrire pour en parler, bien que, au moins pour l’instant, d’autres semblent regarder vers nos connaissances et notre expérience collectives pour des conseils techniques. Nous partageons un espace de lutte, qui n’est pas limité aux moments émeutiers et manifestations combatives, avec d’autres rebel·le·s qui se sont rendu·e·s visibles à nous. Nous sommes inclu·e·s (au moins une partie du temps) dans un dialogue avec d’autres rebel·le·s à travers le partage de nos termes et nouvelles de nos actions, et des anarchistes ont partagé des écrits de Unity of Fields sur nos propres sites web.

Des luttes locales contre le sionisme, l’impérialisme, et le colonialisme prennent visiblement des approches plus destructives, décentralisées, anonymes, et autonomes, un rêve de longue date des anarchistes insurrectionnel·le·s, pourtant de nouvelles questions se posent à nous. Comment voulons-nous faire face avec d’autres rebel·le·s avec lesquel·le·s nous avons des différences idéologiques et des similarités tactiques ? Comment évitons-nous de nous perdre dans les tandences avant-gardistes, unitaires, nationalistes qui accompagnent souvent les approches gauchistes révolutionnaires de la lutte combative ? Sommes-nous intéressé·e·s à conspirer avec ces autres en dehors de la spontanéité de manifestations, occupations (et potentiellement d’émeutes) sauvages, et si oui comment ?

En tant qu’anarchistes nous cherchons à la fois à étendre et connecter des formes anarchiques de lutte mais aussi à tenir un scepticisme sain vis-à-vis de l’unité avec les personnes qui ne tiennent pas des vues anti-autoritaires de liberté. Notre histoire inclue de nombreuses trahisons par la gauche et les progressif·ve·s, du service d’ordre des manifestations aux exécutions et emprisonnement des gouvernements révolutionnaires nouvellement établis. La question d’avec qui s’allier et pourquoi n’est pas facile, et celle-ci est mieux abordée au cas par cas. L’apparition de Unity of Fields facilite potentiellement les dialogues et la compréhension qui peuvent nous aider à mieux décider si et comment nous souhaitons faire équipe. Comme nous anarchistes pouvons souvent nous trouver isolé·e·s des autres avec qui nous pourrions avoir des parallèles politiques, l’ouverture d’un « front de propagande militante » peut être un pont pour le dialogue et l’apprentissage. Ceci n’est pas un appel à joindre les forces avec quiconque sur la base d’être anti-sioniste ou anti-amerikkkain, c’est un simple rappel pour toujours analyser les changements de terrain autour de nous et de penser en critique tandis que nous portons nos luttes.

« Vers la dernière intifada » et « Vers un autre soulèvement » semblent être les débuts d’un dialogue parmi les anarchistes qui abordent certaines de ces questions. J’ai hâte qu’il y en ait plus.

Lectures pertinentes :

Unity of Fields : Opening Up a New Front

Towards the Last Intifada

Vers un autre soulèvement

Archipel – Affinité, organisation informelle et projets insurrectionnels

Entretien avec des Anarchistes de Palestine – Perspectives depuis la lutte contre l’occupation

PS : Quelques réflexions à propos de Spectacle

Beaucoup si ce n’est la plupart des actions publiées sur Unity of Fields sont accompagnées de média visuel, habituellement des photos, parfois des vidéos. Je veux que les rebel·le·s prennent en considération quelques pièges de la spectacularisation de nos luttes. Chaque photo ou vidéo est une miette de plus avec laquelle l’état peut se régaler dans le cadre de ses enquêtes. Les médias numériques peuvent fournir des métadonnées sur où et quand et sur quel type d’appareil ça a été enregistré si elles n’ont pas été supprimées correctement. Les images montrant des rebel·le·s donnent à l’état des informations précieuses, telles que le nombre de participant·e·s, l’heure approximative de la journée, la présence éventuelle de passant·e·s, ainsi que des données biométriques même lorsqu’une personne est masquée. La taille, le teint de peau, la démarche, le poids approximatif, et d’autres informations peuvent être déterminées même à partir d’images granuleuses.

En plus il y a les mauvais côtés d’envisager nos luttes d’une manière quantitative. Cette approche peut atténuer les changements qualitatifs que la participation à la lutte peut nous apporter individuellement et collectivement. Bien sûr la propagande est utile, l’attrait séduisant de la révolte est facilité avec l’imagerie, et ces choses doivent être mises en balance, aucune lutte ne sera pure. Je veux nous rappeler que si c’est un sentier battu, ce n’est pas le seul, et si nous le choisissons laissons-nous le choisir intentionnellement.