Du MARDI le 7 JANVIER 2020 (date anniversaire de la descente de la GRC et de CGL) au DIMANCHE le 12 JANVIER 2020
Nous appelons toutes les communautés qui défendent la souveraineté autochtone et qui reconnaissent l’urgence de freiner les projets extractivistes menaçant la vie des générations futures à entreprendre des actions de solidarité.
Le territoire souverain et non cédé des Wet’suwet’en est sous attaque. Le 31 décembre 2019, la juge Marguerite Church de la Cour suprême de la Colombie-Britannique a accordé une injonction contre les membres de la nation Wet’suwet’en, laquelle assume l’intendance et la protection de ses territoires traditionnels contre de multiples pipelines destructeurs, dont celui de Coastal GasLink (CGL), qui transporte du gaz naturel liquéfié (GNL). Les chefs héréditaires des cinq clans Wet’suwet’en rejettent la décision de Church, qui criminalise les Anuk’nu’at’en (loi Wet’suwet’en) ; en ce sens, ils ont émis et appliqué une ordonnance d’expulsion des travailleurs de CGL du territoire. Le dernier entrepreneur de CGL a été escorté hors du territoire par les chefs Wet’suwet’en le samedi 4 janvier 2020.
En janvier 2019, lorsque la GRC a fait une violente descente sur nos territoires et nous a criminalisés pour avoir assumé nos responsabilités envers nos terres, nous avons vu des communautés du Canada et du monde entier se soulever en solidarité avec nous. Aujourd’hui, notre force d’action découle du fait que nous savons que nos alliés du Canada et du monde entier se lèveront à nouveau avec nous, comme ils l’ont fait pour Oka, Gustafsen Lake et Elsipogtog, en fermant des lignes de chemin de fer, des ports et des infrastructures industrielles et en faisant pression sur les représentants élus du gouvernement pour qu’ils respectent la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. L’État doit cesser d’imposer sa violence en soutenant les membres du 1 %, qui volent nos ressources et condamnent nos enfants à un monde rendu inhabitable par les changements climatiques.
À l’heure où la GRC se prépare à commettre de nouveaux actes de violence coloniale contre le peuple Wet’suwet’en, allumez vos feux sacrés et venez à notre aide.
Nous demandons que toutes les actions entreprises en solidarité avec nous soient menées de façon pacifique et dans le respect des lois de la ou des nations autochtones du territoire en question.
L’année 1970 marque le 300e anniversaire de la fondation de la Compagnie de la Baie d’Hudson (aujourd’hui La Baie). Alors que les actionnaires et le gouvernement canadien festoient, en compagnie de la reine d’Angleterre qui participe aux cérémonies entourant l’événement, les peuples et les personnes autochtones qui ont été trompés et volés par la Compagnie de manière séculaire, eux, ne se réjouissent pas. Pierre angulaire du colonialisme au fondement de l’état canadien, la Compagnie de la Baie d’Hudson (CBH) est toujours en 1970 un agent actif de la dépossession de plusieurs peuples autochtones du nord du Canada (au premier rang desquels les Ojibwas). C’est cette violence coloniale que dénonce le film La face cachée des transactions, produit en 1972 par Martin Defalco et Willie Dunn. Narré par le célèbre militant George Manuel, alors chef de la Fraternité des Indiens du Canada, La face cachée des transactions constitue un véritable manifeste pour le respect et la dignité, qui expose avec force l’essence coloniale du Canada ainsi que des compagnies telle que La Baie.
Le magasin général de la CBH à Aklavik (Territoires du Nord-Ouest) en 1956. Ce hameau a été fondé par la Compagnie de La Baie d’Hudson comme poste de traite en 1912.
Fondée en 1670, la Compagnie de la Baie d’Hudson constitue la plus ancienne société par actions du monde anglophone. Dès sa fondation, elle obtient un monopole commercial sur la Terre de Rupert. Ce territoire de 3,9 millions de kilomètres carrés lui est octroyé par une charte du roi d’Angleterre Charles II. Dès lors, la CBH est la seule qui puisse légalement installer ses postes de traite et contrôler le commerce des fourrures dans l’entièreté du bassin versant de la Baie d’Hudson. La Compagnie de la Baie d’Hudson constitue en ce sens une pièce maîtresse dans le processus colonial qui fonde le Canada. À la même époque, les colons et les marchands français consolident eux aussi des monopoles commerciaux le long du fleuve Saint-Laurent, des Grands Lacs et dans la vallée du fleuve Mississippi.
« Depuis 300 ans, l’histoire du Canada est écrite par l’homme blanc. Elle relate les exploits des pionniers, la générosité des marchands, les avantages apportés aux Autochtones. Nous voyons les choses autrement. »
Georges Manuel, La face cachée des transactions
La consolidation d’une économie extractive impériale dans les territoires du Nord de l’Amérique instaure, dès l’arrivée des commerçants européens sur ces territoires, un rapport d’échange inégal. Les marchandises offertes par les Blancs, comme des casseroles en fer-blanc ou des armes à feu, sont des biens manufacturés européens bon-marché. Même si ces objets sont utiles, ils ne valent rien en comparaison du prix que le commerçant peut demander pour ses fourrures sur le marché européen. La première arnaque est là : dans un rapport d’échange, on suppose que les deux parties connaissent la valeur des produits échangés. Or, les Autochtones ne connaissent pas la valeur marchande des produits européens. Un fusil est échangé contre plusieurs dizaines de peaux, parfois même un nombre de peaux empilées équivalent à la longueur de l’arme. Pour obtenir de tels produits, les peuples qui font du commerce avec les Européens doivent donc passer un temps fou à trapper et chasser, un temps de travail qui ira en augmentant à mesure que les animaux se feront plus rares (à cause de la chasse intensive) et à mesure que s’instaurera un rapport de dépendance des peuples autochtones aux produits européens.
En effet, les outils en métal ou les fusils apportés d’Europe sont des produits dont les peuples autochtones d’Amérique du Nord ignorent la méthode de fabrication. Ces outils sont utiles car ils facilitent la chasse ou l’agriculture, mais leur utilisation massive entraîne parallèlement la perte des méthodes traditionnelles de fabrication d’outils en pierre (en quelques décennies seulement). Ne connaissant plus les techniques pour produire eux-mêmes les biens nécessaires aux activités quotidiennes, les Autochtones doivent donc continuer de faire affaire avec les marchands européens, ce qui implique d’échanger de plus en plus de fourrures, bien sûr obtenues par la chasse, elle même dépendante des fusils… qui ne peuvent être obtenus que grâce aux Européens. Les personnes autochtones dépendent donc du commerce inégal avec les Européens et sont forcées de travailler (à chasser notamment) des temps démesurés pour simplement survivre. Ce rapport inégal produit à terme un appauvrissement généralisé des populations autochtones ; parallèlement, les compagnies impliquées dans le commerce des fourrures (comme la CBH) engrangent des profits faramineux.
La Terre de Rupert, octroyée par le roi Charles II d’Angleterre à la Compagnie de la Baie d’Hudson, comprend la majorité des territoires qui forment aujourd’hui les provinces des Prairies, ainsi que le Nord du Québec et de l’Ontario, l’Est des Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut.
Pour préserver leur marge de profit, alors que le lucratif commerce des fourrures gagne en popularité, les compagnies européennes cherchent à consolider (politiquement ou par le biais d’alliances) leurs monopoles commerciaux. Jusqu’en 1763, la Compagnie de la Baie d’Hudson entretient une vive concurrence avec les commerçants français pour le contrôle de la traite des fourrures dans le sud de la Terre de Rupert, ce qui donne lieu à de nombreuses altercations armées. Après que le territoire soit passé aux mains des Britanniques, une nouvelle et intense concurrence entre deux compagnies anglaises, la CBH et la Compagnie du Nord-Ouest, déborde de la Terre de Rupert et s’étend jusque dans le bassin versant du fleuve Mackenzie (actuellement Territoires du Nord-Ouest et Yukon). Comme la compétition entre les deux compagnies leur nuit réciproquement, les deux compagnies décident toutefois de fusionner en 1821 (dans un geste de concentration monopolistique éloquent). Cette fusion, confirmée par le Parlement britannique, élargit le monopole de la Compagnie à la totalité des Territoires du Nord-Ouest.
À ce moment, le colonialisme et le commerce ne font qu’un, alors que la CBH est celle qui ouvre de nouveaux territoires à la présence blanche et y fournit les services gouvernementaux contre remboursement par ce dernier des frais encourus. Ainsi, la Compagnie de la Baie d’Hudson devient le principal agent colonial du Canada tout en se substituant au gouvernement et en imposant son monopole commercial si néfaste pour les peuples autochtones. Au milieu du XIXe siècle, la CBH est le substitut du gouvernement jusqu’à la vallée de la rivière Rouge et sur l’île de Vancouver même.
Cette tendance s’accentue à partir de 1867, alors que de nouveaux actionnaires prennent le contrôle de la Compagnie. Ces nouveaux investisseurs s’intéressent de plus en plus à la spéculation immobilière et au développement économique de l’Ouest canadien ; ils cherchent à se détacher de la traite des fourrures au profit de ces nouvelles activités. En 1868, en vertu de l’Acte de la Terre de Rupert, la Grande-Bretagne acquiert ce territoire (qui était propriété de la Compagnie depuis la donation de Charles II en 1670) et en transfère la propriété au nouveau Dominion du Canada. Cette transaction constitue le plus important achat de biens fonciers jamais réalisé au Canada : le territoire acquis comprend la majorité des terres qui forment aujourd’hui les provinces des Prairies ainsi que d’importantes portions du Nord du Québec et de l’Ontario, des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut. Avec cette transaction, le Canada repousse profondément ses frontières coloniales.
Le gouverneur général Roland Michener signe la nouvelle charte canadienne de la Compagnie de la Baie d’Hudson, qui transfère le siège social de la Compagnie de l’Angleterre au Canada.
En 1910, la Compagnie est restructurée en trois services distincts : les ventes immobilières, la traite des fourrures et la vente au détail. En 1913, la CBH investit dans la construction de nouveaux magasins de détail, puisque ce secteur offre un plus grand potentiel que la vente immobilière et la traite des fourrures. En 1970, à l’occasion du 300e anniversaire de la Compagnie de la Baie d’Hudson, la reine Elizabeth II accorde alors une nouvelle charte qui révoque la plupart des dispositions de la charte précédente et qui transfère officiellement la compagnie du Royaume-Uni au Canada. Le nouveau siège social de la CBH est établi à Winnipeg au Manitoba.
Ce sont sur ces festivités du tricentenaire de La Baie que s’ouvre le film La face cachée des transactions. Profitant de cette soi-disant fête, les réalisateurs trouvent l’occasion de nous présenter 300 ans de colonialisme canadien, mais aussi de dénoncer les connivences coloniales actuelles entre le gouvernement et les compagnies. Le film, à la fois documentaire et manifeste, montre que dans des postes de traites du Nord et chez les communautés isolées de la Saskatchewan et du Manitoba, c’est toujours La Baie qui fait sa loi. Profitant de son monopole commercial de fait dans certaines zones reculées, la CBH impose des prix élevés pour les marchandises de la vie quotidienne qu’elle rend disponibles dans ses postes. C’est aussi elle qui fait crédit. C’est envers elle que les communautés s’endettent. Grâce aux droits indus qu’elle possède sur le territoire, la CBH ouvre celui-ci à l’exploitation minière. Les célébrations du 300e anniversaire de la CBH ou du centenaire du Manitoba cachent difficilement, derrière les festivités ludiques et stéréotypées, la destruction que le colonialisme et l’industrie ont apportés.
« Nous avons été vaincus en tant qu’Autochtones. Nous avons été colonisés. Nous dépendons toujours de la même Compagnie. On ne s’en sortira qu’avec un mouvement de libération national. Je dis qu’au cours de cette 300e année, avec les fêtes et la propagande, on devrait se radicaliser et amener nos frères et sœurs à se révolter pour agir et se mobiliser pour prendre le contrôle des magasins et de la Compagnie. Cela signifie qu’on devra se les approprier. On ne s’attend pas à ce que la Compagnie nous les donne. Ils nous appartiennent. On les a payés plusieurs fois. »
Dr. Howard Adams, La Face cachée des transactions
Si le film souligne la responsabilité des monopoles commerciaux coloniaux dans le sous-développement et l’appauvrissement des communautés autochtones partout au Canada, il met aussi en valeur les résistances mises en place par les gens afin de contrecarrer ces monopoles. Les résistances économiques et sociales se traduisent, par exemple, par l’instauration de coopératives (à Pelican Narrows ou encore dans quelques villages Inuits). Le film met aussi en valeur les différentes stratégies politiques de lutte, de l’approche juridique préconisée par la Fraternité des Indiens du Canada aux analyses révolutionnaires issues du Red Power. Le film est d’ailleurs réalisé dans un moment de résurgence politique autochtone, alors que les Premiers Peuples du Canada viennent d’obtenir une importante victoire contre le gouvernement fédéral qui voulait municipaliser les réserves à l’aide de sa politique exposée dans le Livre blanc de 1969. Les luttes autochtones et les résurgences politiques et culturelles se multiplient partout au soi-disant Canada.
William « Willie » Dunn (1942-2013) est un auteur-compositeur-interprète, réalisateur et militant Mi’kmaq.
Dans ce contexte, les réalisateurs Martin Defalco et Willie Dunn participent à l’Indian Film Crew, un collectif créé en 1968 à l’issue d’une série d’ateliers organisée dans le cadre du projet Société Nouvelle (Challenge for Change en Anglais) menée par l’ONF de 1967 à 1980. De ce projet sont issus plusieurs films politiquement essentiels, dont You Are on Indian Land. Un des buts du programme Société Nouvelle était de transférer le contrôle du processus de création des films aux personnes et communautés en lutte plutôt qu’à des professionnel.les du cinéma. Le programme cherche donc à offrir des moyens d’expression financés publiquement à des personnes qui autrement n’en auraient pas. C’est notamment à travers ce programme que plusieurs militant.es et artistes autochtones ont pu produire des films et des documentaires exprimant leurs revendications, documentant leurs luttes et traitant de sujets tels que les pensionnats autochtones, qui auraient difficilement pu être portés à l’écran par des personnes non-autochtones. Ironiquement, c’est grâce à ce programme, financé par le gouvernement, que les réalisateurs de La face cachée des transactions ont pu dénoncer le colonialisme de ce même régime !
Notons pour finir que les méthodes malhonnêtes de négociation avec les peuples autochtones ne sont malheureusement pas chose du passé. Afin de s’accaparer les terres autochtones non-cédées, le gouvernement canadien négocie encore à ce jour de manière trompeuse avec les peuples autochtones (et toujours au profit des compagnies !). Dans le cadre de ses politiques de règlement final, le gouvernement prête de l’argent à une communauté pour qu’elle engage des avocats, ceux-ci devant négocier pour la communauté avec le gouvernement. La communauté se trouve donc endettée auprès du gouvernement avec qui elle négocie… Pour rembourser sa dette, la communauté doit mener les négociations à terme (pour obtenir une compensation financière en échange de ses terres). Enfin, le gouvernement refuse toute autre conclusion qu’un règlement final, à savoir la cession des droits passées, présents et futurs d’une communauté sur ces terres. Si la négociation n’aboutit pas, la communauté endettée auprès du gouvernement est mise sous tutelle. Voilà une des manières dont le colonialisme se perpétue au Canada de nos jours.
Les pièces composées par Willie Dunn, dont la chanson I Pity the Country qu’on peut entendre à la fin du film, sont disponibles sur Youtube. Pour continuer la réflexion critique sur le colonialisme canadien grâce à l’art, notons le travail de l’artiste criKent Monkman, qui utilise les couvertures à points de la CBH dans sa série de toiles intitulée « Shame and Prejudices : A Story of Resilience » (Honte et préjugés : une histoire de résilience) pour représenter « les pouvoirs impériaux ayant dominé et dépossédé les Autochtones de leurs terres et de leurs moyens de subsistance ». Pour mieux comprendre les processus coloniaux actuels, notamment les négociations trompeuses pratiquées par le gouvernement canadien, on lira avec plaisir le livre Décoloniser le Canada, écrit par Arthur Manuel (fils de George Manuel) et traduit en français aux éditions Écosociété en 2018.
Commentaires fermés sur Des zombies anticoloniaux attaquent le monument de John A. Macdonald avec de la peinture orange
Oct312019
Soumission anonyme à MTL Contre-info
Halloween, 31 octobre 2019, Montréal — Lors d’une action revendiquée par des zombies anticoloniaux, des morts-vivants se sont réveillés du cimetière Saint-Antoine (1799-1855) situé sous ce qui est aujourd’hui le square Dorchester et la Place du Canada.
Les zombies anticoloniaux ont émis un communiqué pour les médias indépendants du monde vivant :
« Aux vivants—Nous sommes les mort-e-s que vous avez oublié.
Nos squelettes, enterrés entre 1799 et 1855, sont ici par milliers.
Vous nous avez recouverts d’asphalte et de béton. Vous avez érigé des parcs à la gloire du colonialisme au-dessous de nos corps. Vous avez profané notre mémoire avec le monument d’un des architectes du génocide autochtone, John A. Macdonald.
Vous avez échoué. Vous continuez d’allouer la présence de la statue de Macdonald dans un endroit public important de Montréal, par-dessus nos corps, comme un symbole de la suprématie blanche.
Les quelques tentatives des vivants anticoloniaux d’attaquer le monument raciste pour le faire retirer ont échoués à ce jour. Alors nous, les morts, avons dû prendre acte et asperger le monument de peinture orange.
La couleur orange représente notre journée sacrée de la Samhain (Halloween), mais c’est aussi une façon appropriée de profaner John A Macdonald qui était membre de l’ordre raciste et anti-catholique « Orange Order ». Après tout, les squelettes sous la place du Canada et le square Dorchester sont à grande majorité irlandaise catholique. Beaucoup d’entre nous ont été victimes des épidémies du choléra du 19e siècle.
Nous nous soulèverons encore et encore, pour attaquer cette statue, tant qu’elle ne sera pas retirée ou que la peinture sera laissée comme signe visible de contestation de l’héritage de Macdonald.
Nous sommes morts-vivants et vos lois ne s’appliquent pas à nous.
Nous avons une longue mémoire et beaucoup de motivation.
Nous n’oublions pas, nous ne pardonnons pas.
Joyeux Halloween anticolonial !
— Signé des zombies anticoloniaux du vieux cimetière Saint-Antoine (sous le square Dorchester et la Place du Canada). »
Commentaires fermés sur Des anarchistes anti-coloniaux votent en vandalisant (encore) les statues de John A. Macdonald et Reine Victoria
Oct202019
Soumission anonyme à MTL Contre-info
Quelques anarchistes anti-coloniaux de Montréal ont décidé de « voter » par anticipation aux élections fédérales en utilisant de la peinture. Encore une fois, et ce pour environ la 10e fois en trois ans, le monument de John A. Macdonald a été attaqué, cette fois-ci en bleu. La statue de la reine Victoria située sur rue Sherbrooke Ouest a également été prise pour cible.
Tel que mentionné dans les communiqués précédents, le groupe #MacdonaldMustFall à Montréal rappelle aux médias et au public que John A. Macdonald était un suprémaciste blanc. Il a directement contribué au génocide des peuples autochtones avec la création du système brutal des pensionnats ainsi que d’autres mesures destinées à détruire les cultures et les traditions autochtones. Il était raciste et hostile envers les groupes minoritaires non blancs au Canada, promouvant ouvertement la préservation d’un Canada dit «aryen». Il a adopté des lois pour exclure les personnes d’origine chinoise et il a également été responsable de la pendaison du martyr Métis Louis Riel.
Et dans les mots de la Brigade de Solidarité Anticoloniale Delhi-Dublin: « La présence de statues de la Reine Victoria à Montréal est une insulte aux luttes d’autodétermination et de résistance des peuples opprimés dans le monde entier, y compris les nations autochtones en Amérique du Nord (l’Île de Tortue) et en Océanie, ainsi que les peuples d’Afrique, du Moyen-Orient, des Caraïbes, du sous-continent indien, et partout où l’Empire britannique a commis ses atrocités. Le règne de la reine Victoria a représenté une expansion massive de l’Empire britannique barbare. Collectivement, son règne a représenté un héritage criminel de génocide, de meurtres de masse, de torture, de massacres, de terrorisme, de famines forcées, de camps de concentration, de vols, de dénigrement culturel, de racisme et de suprématie blanche. Cet héritage devrait être dénoncé et attaqué. »
Les statues de Macdonald et Victoria devraient être retirées de l’espace public. En tant qu’artefacts historiques, elles devraient être entreposées, soit dans les archives ou les musées. L’espace public devrait plutôt célébrer les luttes collectives pour la justice et la libération et non pas la suprématie blanche et le génocide.
Ce texte a été produit par la CLAC, l’IWW et Montréal Antifasciste et a été distribué lors du manifestation pour le climat qui a eu lieu le 27 septembre 2019 à Montréal. On peut aussi télécharger la brochure pour imprimer ici.
1. LES GOUVERNEMENTS NE NOUS SAUVERONT PAS
Ceux qui profitent de la destruction des écosystèmes et de l’exploitation des gens qui nous tiennent à cœur ne seront pas « réformés ». Ils prétendront entendre nos voix et, par moments, mettront en place de grandes entreprises spectaculaires pour apaiser temporairement notre colère. Ils nous encourageront à canaliser notre anxiété dans des gestes inutiles qui ne font que renforcer l’individualisme. Pendant que certain.es d’entre nous s’efforcent de prendre des douches plus courtes ou de réduire les déchets qu’iels produisent, les représentants des gouvernements, des universités et des entreprises investissent sans aucune gêne dans de nouveaux pipelines, organisent des conférences académiques dépourvues de toute critique systémique ou s’envolent vers de luxueuses rencontres pour faire des promesses creuses.
L’impact humain des émissions de gaz à effet de serre sur le climat est connu depuis la fin du 19e siècle. L’impact du dioxyde de carbone sur le réchauffement climatique est largement reconnu depuis les années 70. Depuis les années 80 et 90, les études et les modèles informatiques démontrent de façon accablante l’impact de l’activité humaine sur les changements climatiques. Cela fait plus de 30 ans que l’Intergovernmental Panel on Climate Change (IPCC) a été fondé dans le but de compiler de l’information et de conseiller les gouvernements sur la façon de minimiser les changements climatiques anthropiques (produits par l’humain) qui ont déjà causé la perte d’innombrables vies humaines et l’extinction de plusieurs autres espèces animales. Ce panel affirme maintenant qu’il ne nous reste que 10 ans avant d’atteindre un point de non-retour vers la mort de la planète. Ce sont les pays du Nord global qui consomment la majeure partie des ressources de la planète. Et pourtant, nous voici encore à demander aux gouvernements coloniaux et à la classe politique qui ont causé cette catastrophe de bannir les pailles de plastiques et d’augmenter la taxe sur le carbone. Cela fait des décennies que nous les supplions. Il est grand temps que nous reprenions le pouvoir sur la situation.
2. LE CAPITALISME ET LA CRISE CLIMATIQUE
Le capitalisme est un système socioéconomique et politique qui implique qu’une poignée de privilégiés possèdent ce dont le reste d’entre nous a besoin pour survivre. Cela signifie que la valeur des êtres sensibles est déterminée selon leur capacité à générer du profit. Les terres, les lieux de travail, les arbres, les animaux, les habitations et l’eau sont la propriété privée d’individus et d’entreprises, leur donnant ainsi le pouvoir de les exploiter comme bon leur semble, sans égard de nos préoccupations, de nos besoins et de notre bien- être. C’est ce système économique qui permet aux entreprises d’exploiter les hydrocarbures sur des territoires autochtones non cédés alors que les gouvernements étouffent toute forme de résistance en employant des forces policières militarisées.
Pour assurer son existence, le capitalisme doit maintenir en place la hiérarchie, le pouvoir et l’obéissance. C’est ce qui explique que nos actes de rébellion soient traités différemment de leurs actes de violence systémiques (ex. voler de la nourriture au Wal-Mart ou voler les terres des communautés autochtones). Les actions que l’on pose en vue d’un meilleur futur n’ont aucun sens sans une rupture radicale avec le système qui a érigé la violence et la destruction comme l’état normal (et légal) des choses.
3. COLONIALISME, RACISME ET DESTRUCTION
Être vert, c’est aussi s’opposer au colonialisme et au racisme. Ces systèmes d’oppression sont intégralement imbriqués dans la crise climatique.
La pollution atmosphérique ne peut être comprise sans prendre en compte le passé et le présent des réalités coloniales. Notre compréhension des contributions respectives de divers pays aux changements climatiques doivent rendre compte de l’émission historique des gaz à effet de serre et, encore davantage, de qui profite de la destruction. Des entreprises et des empires ont été bâtis sur l’exploitation des Noirs, des communautés autochtones et d’autres personnes de couleur. Des entreprises canadiennes et américaines assassinent des militant.es pour la protection de la terre en Amérique latine et en Afrique, empoisonnent l’air et les courants d’eau en Asie et expédient nos ordures par bateau pour les déverser loin de nos regards.
À plusieurs moments dans l’histoire canadienne, la dévastation écologique a été utilisée comme une arme à l’encontre des communautés autochtones. Au 19e siècle, la surchasse des bisons par les colons dans les Prairies a mené à des famines, alors que la pratique était encouragée en toute connaissance de cause par le gouvernement canadien de John A. McDonald comme outil génocidaire visant à « clear the West ». De telles pratiques continuent toujours aujourd’hui. Dans la communauté autochtone de Grassy Narrows, située près de la frontière de l’Ontario et du Manitoba, l’eau a été contaminée par du mercure déversé dans leur source d’approvisionnement en eau par une usine de papier en amont. Une étude estime que 90 % de la population souffre d’un empoisonnement au mercure, qui peut causer entre autres des changements émotionnels, des troubles cognitifs ou des pertes de auditives. Le métal lourd peut être transmis d’une mère à son enfant durant la grossesse, ce qui en fait une problématique qui s’étale sur plusieurs générations. C’est l’héritage du colonialisme et du génocide canadien: pour plusieurs personnes la catastrophe écologique a déjà eu lieu il y a plusieurs centaines d’années.
Les personnes les plus opprimées sont toujours celles qui payent le prix des modes de vie occidentaux et de la croissance effrénée qui les accompagne. Les sécheresses, les inondations et les famines sont de plus en plus communes et créent des réfugiés climatiques de plus en plus nombreux. Pendant qu’on se bat contre les changements climatiques, on doit aussi se battre contre le système de frontières qui accorde plus d’importance à certaines vies qu’à d’autres. On doit se battre contre la police qui entre chez des migrant.es au beau milieu de la nuit pour enlever les parents. On doit se battre contre la construction de la prison de migrant.es à Laval où des enfants grandissent derrière des barreaux. On doit se battre contre les guerres du pétrole, qui laissent dans leurs sillages des pays entiers détruits. On doit se battre contre la suprématie blanche, qu’elle prenne la forme de milices néofascistes, de chroniqueurs conservateurs ou de l’État colonial réclamant la souveraineté sur des territoires autochtones. Au bout du compte, on doit aussi confronter quiconque accepte cette situation sans en ressentir une profonde colère. On ne peut pas accepter que les privilégiés de cette planète utilisent des termes comme « surpopulation » ou « crise migratoire » parce qu’ils sont trop apeurés ou égoïstes pour s’opposer aux réels coupables de la destruction de notre monde.
4. REFUSER LES BOUCS ÉMISSAIRES ET L’EXTRÊME-DROITE
Suite à l’ouragan Katrina qui a dévasté la Nouvelle-Orléan en 2005, des suprémacistes blancs ont profité du désastre pour assassiner, au hasard, des personnes noires qui tentaient de survivre aux inondations. Plus récemment, en 2019, que ce soit à Christchurch, en Nouvelle-Zélande ou à El Paso, des néonazis ont commis des massacres tuant des dizaines de personnes de couleur en affirmant explicitement vouloir « sauver l’environnement ». Partout sur la planète, des pressions sont faites pour que les pays riches, ceux qui sont à l’origine de la crise écologique, resserrent leurs frontières et limitent l’immigration au nom de la protection des ressources naturelles. Parallèlement, des racistes s’en prennent aux minorités visibles ou aux populations du Sud global à coût de mesures coercitives de « contrôle de population » dans le but de limiter la croissance de la population mondiale. Au Québec, les membres des groupes d’extrême-droite anti-immigration se sont parfois retrouvés les bienvenus dans les espaces de mobilisation pour l’environnement, alors que les problématiques liées aux personnes de couleurs et à l’antiracisme ont été mises de côté.
Cet héritage de l’écofascisme doit être adressé et confronté. Autrement, les mouvements écologistes sont à risque de se faire manipuler et transformer en instrument d’oppression envers les populations qui subissent déjà le plus directement les catastrophes engendrées par le capitalisme
5. CE QU’ON PEUT FAIRE !
Rejeter la légalité, particulièrement quand les lois ont été faites par des États coloniaux (comme le Québec et le Canada) et ne sont pas reconnues par les communautés autochtones.
Écouter et faire place aux voix des communautés autochtones au sein des luttes contre la destruction coloniale et capitaliste des écosystèmes.
Être à l’affût de la récupération de nos luttes par les partis politiques ou les entreprises dans le but de gagner de la sympathie ou du capital.
Éviter les partis politiques, les organismes ou quiconque prétend se battre contre la domination tout en reproduisant des systèmes hiérarchiques de pouvoir.
Apprendre des façons alternatives (anarchistes, communistes, féministes, anticoloniales) d’organiser la vie sociale.
S’attaquer aux symboles du pouvoir capitaliste : les banques, les compagnies minières, les corporations multinationales.
Prioriser la lutte contre toutes les formes d’oppression, et s’assurer que le poids lié aux problèmes causés par les changements climatiques ne retombe pas sur les épaules de celleux qui sont attribué.es par le patriarcat à des rôles de soin.
Mettre en pratique des méthodes de prise de décision par consensus et établir des relations consensuelles.
S’informer, se sortir de l’isolement en trouvant des allié.es dans nos communautés et construire des réseaux de résistance avec celleux qui veulent lutter contre le pouvoir en place.
Ne prendre que des risques calculés et adopter des pratiques sécuritaires.
Et bien sûr, si on est pour se faire arrêter, que ça en vaille la peine!
Ce pamphlet a été écrit et distribué sur des terres autochtones non cédées et sur un lieu de rassemblement appelé Tiohtiá:ke (Montréal) par la nation Kanien’kehá:ka (Mohawk).
Le 4 septembre 1995, un groupe d’une trentaine d’hommes, de femmes et d’adolescent.es autochtones Chippewas de la réserve de Stoney Point, en Ontario, pénètre dans le parc provincial d’Ipperwash. L’occupation pacifique, qui dure quelque jours, fait suite aux nombreuses tentatives par les habitant.es de Stoney Point de faire entendre leurs revendications territoriales auprès des gouvernements canadien et ontarien. Mais, sous la pression du gouvernement provincial conservateur de Mike Harris, les occupant.es d’Ipperwash sont bientôt la cible d’une intervention policière musclée visant à les déloger. Au cours de l’opération, la police blessera de nombreux occupants et assassinera Dudley George, un militant de 38 ans.
Les réserves de Kettle Point (Wiiwkwedong) et de Stoney Point (Aazhoodena) sont situées dans le sud de l’Ontario, le long des rives du lac Huron. Les revendications territoriales en jeu dans la crise d’Ipperwash sont le fruit d’une longue série de dépossessions territoriales subies par les Chippewas de la région. Si la Proclamation Royale de 1763 attribue une grande partie de l’intérieur de l’Amérique du Nord aux Autochtones uniquement, elle décrète aussi que ces territoires doivent être volontairement cédés aux colons avant que ceux-ci puissent s’y établir. Lorsque les colons respectaient cette clause, ils achetaient des parcelles du territoire, au terme de négociations parfois frauduleuses et moyennant des compensations souvent infimes en regard des territoires perdus. Mais ce n’était pas toujours le cas, les colons s’appropriant parfois sans plus de manières des zones qui ne leur appartenaient pas, même en vertu de la loi coloniale…
C’est ainsi qu’en 1827, pour la modique somme de 10$ par personne par année (supposément à perpétuité), les Chippewas cèdent plus de deux millions d’acres de leur territoire au Haut-Canada, ce qui ne leur laisse que quelques zones sur lesquelles vivre : Sarnia, le canton de Moore, Kettle Point et Stoney Point. Au cours du XIXe siècle, Kettle Point et Stoney Point obtiennent le statut de réserve. Déjà à cette époque, celles-ci sont convoitées par des colons blancs, notamment des promoteurs immobiliers, qui envient la richesse et la beauté du territoire. La zone est aussi la cible de pillages de bois d’œuvre par des entrepreneurs qui estiment ne pas avoir de comptes à rendre aux personnes autochtones pour le bois volé.
En 1928, en raison de fortes pressions exercées par le ministère des Affaires indiennes, la réserve de Stoney Point cède 377 acres à des promoteurs immobiliers, y compris tout le rivage du lac Huron. Cette cession (dont la légitimité sera remise en cause en 1992, puis en 1993 à l’initiative des membres des premières nations de Kettle et Stoney Point) ampute une importante partie du territoire de Stoney Point. Puis, en 1932, le gouvernement de l’Ontario achète une partie des terres (140 acres) cédées en 1928 pour y fonder le parc provincial d’Ipperwash. La région devient alors un lieu touristique prisé et de nombreux bourgeois blancs y installent leur maison d’été. Le parc, quant à lui, est fréquenté par une masse de vacancier.ères et de campeur.euses qui profitent de ses plages magnifiques et de ses riches forêts.
En 1936, le conseil de bande de Stoney Point demande à ce qu’un cimetière, qui se trouve alors à l’intérieur des limites du parc, fasse l’objet d’une protection spéciale pour éviter sa dégradation. Le gouvernement canadien s’engage alors à clôturer le site… mais ne prendra jamais de mesures concrètes en ce sens. Malgré ce qu’en diront plus tard les politiciens, la présence d’un cimetière est indiscutable : par deux fois, en 1937 et en 1950, des ossements humains sont découverts dans le parc, dont certains sont transférés à la University of Western Ontario pour y être étudiés par les archéologues Wilfrid et Elsie Jury. La présence d’un cimetière dans le parc provincial d’Ipperwash est un fait à noter, puisque la rétrocession de ce territoire sacré à ces détenteur.trices originel.les est une des revendications principales portées par la communauté de Stoney Point et les occupant.es du parc d’Ipperwash en 1995.
Une affiche près de l’entrée de l’ancien camp militaire d’Ipperwash. Malgré sa fermeture, le site reste un endroit très dangereux, pouvant encore contenir de l’équipement militaire abandonné, notamment des explosifs.
En 1942, en plein cœur de la Deuxième guerre mondiale, le ministère de la Défense nationale confisque ce qui reste de la réserve de Stoney Point afin d’y construire un camp d’entraînement militaire (le camp militaire d’Ipperwash). En invoquant la loi martiale, le gouvernement outrepasse le refus de la communauté de Stoney Point, arguant que les terres seraient de toute façon restituées une fois la guerre terminée. Les habitant.es de Stoney Point sont alors exproprié.es, leurs maisons sont détruites ou déplacées dans la réserve de Kettle Point et les deux bandes sont fusionnées de force. À l’étroit au sein d’une autre communauté qui n’a pas les ressources pour les accueillir, les réfugié.es de Stoney Point s’apprêtent à subir de longues années de pauvreté et de discrimination : en effet, le gouvernement ne tiendra jamais sa promesse de rétrocession des terres confisquées. En 1995, la base militaire est toujours en activité. Depuis près de 50 ans, des demandes ont été faites pour que les terres de Stoney Point soient restituées, sans aucun résultat.
En 1993, les familles originaires de Stoney Point commencent à revenir s’installer sur le territoire de la base militaire, ou ils érigent un camp, après des années d’appels vains et de promesses non-tenues de la part des gouvernements provincial et fédéral. En mai 1993, des membres de la Première Nation de Stoney Point occupent pacifiquement une partie du camp d’Ipperwash pour faire valoir leurs revendications territoriales et forcer le gouvernement fédéral à négocier. Puis un groupe décide de charger un prix d’entrée pour les touristes voulant se rendre à la plage du parc d’Ipperwash, ce qui leur vaut une arrestation et quelques jours en garde a vue. En 1994, lueur d’espoir : le gouvernement fédéral annonce qu’il compte fermer le camp militaire et restituer les terres… mais il se révèle que c’est un mensonge une fois de plus. Excédés, des membres de la communauté de Stoney Point occupent les bâtiments administratifs du camp à la fin du mois de juillet 1995, forçant cette fois-ci les militaires à se retirer complètement.
Un blocage à l’entrée de la plage d’Ipperwash en 1995 (source : redpowermedia).
L’occupation du parc provincial d’Ipperwash, le 4 septembre 1995, constitue une énième tentative par la communauté de Stoney Point de faire valoir des revendications territoriales vieilles d’un demi-siècle. Cette action, prévue et annoncée depuis quelques mois, s’inscrit dans la vague de réoccupation du territoire originel de Stoney Point et vise aussi à protester contre la destruction du cimetière qui se trouve dans le parc provincial d’Ipperwash. Il.les sont une trentaine, cette soirée là, à entrer dans le parc alors que celui-ci ferme pour la saison. Les occupant.es ont apporté de la nourriture et de quoi faire des feux. Malgré son caractère pacifique et la légitimité de la revendication territoriale qu’elle souhaite mettre de l’avant, l’occupation est considérée comme illégale par la police provinciale de l’Ontario (OPP), qui déploie rapidement ses agents (en uniforme comme en civil) pour patrouiller la zone.
L’objectif officiel des forces de police est d’obtenir une injonction de la cour pour faire cesser l’occupation (sans une injonction, il est difficile de prouver que l’action est illégale au niveau juridique, même si elle est de facto traitée comme telle). Parce que l’occupation concerne une revendication territoriale, l’OPP a aussi prévu 13 négociateurs dans le cadre du Projet Maple, un plan sensé assurer la résolution pacifique du conflit via la négociation et des procédures juridiques. Malgré ces prétentions pacifiques, de nombreux équipements militaires et de surveillance sont amenés sur place : hélicoptères, bateaux, fourgons, fusils de longue portée… La police a aussi mobilisé son escouade anti-émeute, qui encercle rapidement les militant.es non-armé.es. La trentaine de personnes qui se trouve dans le parc, à laquelle même les médias ne portent pas attention, se retrouve bientôt au centre d’une surveillance digne d’un scénario de prise d’otage. La soirée même, des policiers tentent de pénétrer dans le parc, mais sont repoussés.
Si l’occupation génère du support dans la communauté, elle rencontre aussi l’opposition du chef de Kettle Point et Stoney Point, Tom Bressette, qui prend initialement position contre les occupant.es, qu’il qualifie de fauteur.euses de trouble. Mais il n’est pas le seul que cette occupation dérange. Le gouvernement provincial conservateur, qui vient tout juste de remporter ses élections, convoque une réunion d’urgence : il réclame une intervention immédiate. Moins de deux jours après le début de l’occupation, le 6 septembre 1995, alors que le premier ministre ontarien Mike Harris célèbre sa victoire électorale au York Club de Toronto lors d’un souper gargantuesque réunissant la crème du patronat des journaux canadiens, l’escouade anti-émeute de l’Ontario Provincial Police s’apprête à marcher sur le parc d’Ipperwash.
Cette soirée là, c’est le racisme des policiers, leur violence et l’intransigeance du gouvernement colonial qui auront raison de Dudley George. Alors que plusieurs occupant.es quittent le parc et que ceux qui restent allument des feux pour la nuit, des rumeurs de présence d’armes à feux sur les lieux commencent à courir parmi les policiers. Celles-ci sont absolument infondées. La surveillance para-militaire opérée depuis des jours par la police l’a bien montré. Malgré tout, des bâtons sont confondus avec des carabines et des cigarettes sont vues dans le noir comme des pointeurs de fusils ; des feux d’artifices, comme des coups de feu d’armes automatiques. Et malgré ces rumeurs, qui devraient logiquement pousser les « forces de l’ordre » à faire preuve de prudence, la charge est lancée. Les policiers en anti-émeute entrent dans la zone occupée en tapant sur leur bouclier, une tactique sensée effrayer les occupant.es pour les disperser.
Dans le but d’éviter une escalade de la situation, Cecil Bernard ‘Slippery’ George, membre du conseil de bande, tente alors de s’interposer entre les policiers et les occupant.es en répétant que personne n’est armé. Il est sévèrement battu par une dizaine d’agents. Plusieurs personnes tentent de lui porter secours, mais sans succès. Pour sauver Slippery George, maintenant inconscient, Nicolas Cottrelle, 16 ans, décide de foncer vers les policiers à l’aide d’un autobus scolaire qui se trouvait là. Si la stratégie fonctionne et que les policiers se dispersent, elle ne les empêche pourtant pas de tirer sur l’autobus et son conducteur, de blesser Nicolas Cottrelle et de tuer un chien qui se trouvait dans l’autobus avec lui. Alors qu’il se trouve au milieu de la mêlée, désarmé et à découvert, Dudley George est quant à lui blessé gravement. Il succombera aux balles de l’agent assassin Kenneth Deane, un des tireurs d’élites déployés sur place par la police provinciale de l’Ontario.
– Vous savez, si vous aviez coopéré, vous auriez pu être libérés plus tôt. – Coopéré en quoi ? Je n’ai rien fait. Tout ce que j’ai fait c’est amener mon frère à l’hôpital parce que vous l’avez tué.
Réponse de Pierre George à un détective au lendemain de sa libération et de l’assassinat de son frère Dudley George par la police provinciale de l’Ontario.
À deux doigts de la mort, Cecil Bernard ‘Slippery’ George est amené en ambulance à l’hôpital. Deux blessés graves le suivent : Nicolas Cottrelle et Dudley George (qui est alors inconscient en raison de la gravité de ses blessures) sont conduits à l’urgence par leurs proches. Les policiers, quant à eux, reviennent de cette intervention en dénombrant un seul blessé, un agent qui s’est foulé la cheville.
À leur arrivée à l’hôpital, Pierre et Carolyn, le frère et la sœur de Dudley Geroge, sont immédiatement interpellé.es et arrêté.es par la police. Accusé.es de tentative de meurtre, il.les n’auront même pas l’occasion de faire leurs adieux à leur frère : cette nuit là, celle où les médecins constatent la mort de Dudley Geroge, Pierre et Carolyn la passent injustement en prison. Il.les sont libéré.es le lendemain. Pour avoir tenté de sauver Slippery George, Nicolas Cottrelle sera aussi accusé de tentative de meurtre. Le lendemain du meurtre de Dudley George, dans un geste de solidarité, des habitant.es de Kettle Point érigent un barrage sur l’autoroute 21 près de l’occupation. Il.les sont les premier.es à faire face aux médias, qui se mettent soudainement à porter attention aux événements d’Ipperwash.
La barricade érigée au milieu de l’autoroute 21, près du parc provincial d’Ipperwash, après le meurtre de Dudley George par la police provinciale de l’Ontario.
L’extrême violence de la police dans la nuit du 6 septembre 1995 n’est pas sans lien avec le contexte de graves tensions nationales qui émerge d’une autre confrontation qui a lieu presque au même moment en Colombie-Britannique à Gustafsen Lake. Pendant 31 jours, du 18 août au 17 septembre 1995, les Secwepemc, qui affirment seulement leur droit d’usage d’un site sacré leur appartenant traditionnellement et non-cédé, doivent affronter un siège de la GRC qui ne recule devant rien pour les déloger. La réponse du gouvernement de l’Ontario n’est pas non plus sans lien avec la panique qu’avait déclenché, cinq ans auparavant, la crise d’Oka. L’intransigeance de la police et du gouvernement à Ipperwash est directement liée à ce contexte de répression nationale des demandes légitimes des nations autochtones par les gouvernements coloniaux qui voient les limites de leur capacité à tromper ceux et celles qu’ils dépossèdent depuis des centaines d’années. Confrontés sur plusieurs fronts aux exigences légitimes des peuples autochtones, les gouvernements fédéral et provinciaux réagissent partout de la même manière : par la répression militaire d’état.
L’occupation du camp d’Ipperwash visait à obtenir justice. Elle visait à retrouver une souveraineté sur des territoires qui avaient été dépecés, confisqués et vendus en fonction des intérêts des colons, sans égard pour ceux et celles qui y habitaient. Elle visait aussi à faire cesser la destruction d’un lieu sacré, le cimetière, piétiné pendant des années par des vacancier.ères blanch.es parce qu’il se trouvait dans les limites d’un parc national érigé sur un territoire colonisé. La crise d’Ipperwash aura fait un mort, meurtre que la police aura l’audace de présenter comme un acte d’auto-défense. Afin d’obtenir justice pour le meurtre de leur proche, la famille de Dudley George entame, dans les mois qui suivent l’occupation, des poursuites contre le premier ministre Mike Harris et la police provinciale de l’Ontario. C’est la première fois qu’un premier ministre en fonction est cité à comparaître. Une longue bataille juridique s’amorce.
« The prisons are full of Indian people who stole a carton of cigarettes, but if you kill a Native, you’re free. »
Sheila Hippern, Stoney Point (One Dead Indian, page 216)
Si le gouvernement ontarien est traîné en justice, c’est aussi le cas pour plusieurs personnes ayant participé à l’occupation du parc provincial. Ces accusations portées contre les occupant.es du parc d’Ipperwash sont en majorité sans fondement et la plupart des accusé.es sont aquitté.es. Sous enquête, les policiers entretiennent un silence coupable quant à leur rôle dans le tabassage subi par Cecil Bernard George. Aucun enregistrement de la soirée, audio, vidéo ou en photo n’a pu être retrouvé ; un bris d’équipement aurait empêché la police d’enregistrer, selon la procédure, ses agissements. Sur les 250 témoins interrogés, aucun ne fournit d’information probante, ce qui force finalement la fermeture du dossier. Pour avoir consciemment tiré sur un homme désarmé et pour avoir menti à plusieurs reprises devant la justice sur ses agissements ce soir là, Kenneth Deane, l’assassin de Dudley George, est finalement condamné pour négligence criminelle causant la mort. Il purgera sa peine en faisant des travaux communautaires.
La mort de Dudley George aura aussi comme conséquence de lancer une enquête gouvernementale qui mènera à des recommandations pour qu’un tel événement ne se reproduise plus. Malgré le caractère intrinsèquement colonialiste du Canada, les terres de Stoney Point seront graduellement rétrocédées à la communauté Chippewa. La lutte exemplaire des Chippewas à l’automne 1995 et leur détermination devant les tribunaux aura réussi, pour une fois, à faire plier le gouvernement. En 2007, le parc provincial d’Ipperwash est remis aux membres de la communauté de Stoney Point. En 2015, les terres confisquées par le ministère de la Défense en 1942 sont rétrocédées par le gouvernement ontarien à la communauté. Cela aura pris presque un siècle, un mort et des années de procédures judiciaires épuisantes pour que les gens de Stoney Point retrouvent un territoire qui n’aurait jamais dû leur être soustrait. Cette victoire a été acquise au prix du sang.
La crise d’Ipperwash nous rappelle que l’état canadien est fondé sur le vol et le génocide des peuples autochtones. Sa condition d’existence, le colonialisme de peuplement, implique parallèlement l’annihilation de sociétés pré-coloniales. Pour cela, tous les moyens sont bons, de l’élimination physique à l’acculturation, en passant par la répression politique et juridique. Les agissements de la police ou de l’armée dans le cadre des différentes crises autour des revendications territoriales autochtones sont à comprendre dans ce contexte. En effet, même si la police ne subit pas toujours directement de pressions politiques (comme ce fut par ailleurs le cas lors de la crise d’Ipperwash), elle soutient néanmoins les valeurs fondamentales de l’état qu’elle défend et ses lois. Si ces lois et juridictions sont injustes pour une partie de la population, la police reproduira ces injustices, sous le couvert de la loi et l’ordre. Ici, la loi et l’ordre, c’est le colonialisme. Les boucliers se lèvent chaque fois que cela est remis en question. Et l’assentiment presque généralisé que reçoit cette répression de la part des descendant.es de colons contribue à perpétuer cette situation inique.
Enfin, la nouvelle stratégie de pacification des relations entre Autochtones et gouvernements ne doit pas faire illusion. À ce jour, on exige toujours des peuples autochtones qu’ils renoncent à leurs droits ancestraux pour pouvoir obtenir une compensation financière et territoriale. Le gouvernement continue de retirer les enfants des communautés sous prétexte de les protéger. On voit toujours le rouleau compresseur de l’acculturation à l’oeuvre, et ce n’est pas la présence de quelques personnes autochtones en public qui change ce paradigme. Enfin, les personnes autochtones continuent d’être incarcérées et de subir les violences policières de plein fouet. La pacification semble fonctionner à sens unique. Et comme nous l’a démontré l’exemple d’Ipperwash, seule la lutte des peuples autochtones pourra leur donner gain de cause quant à leurs revendications légitimes.
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Sur la crise d’Ipperwash, on consultera avec profit le livre One Dead Indian de Peter Edwards (2001), qui offre un récit honnête de la violence d’état durant cette crise. Les documents de l’enquête sur Ipperwash sont disponibles en ligne, dont celui élaboré par la première nation de Stoney Point sur l’histoire d’Aazhoodena. On pourra aussi regarder le documentaire de SubMedia : Ipperwash Crisis in 5 minutes, qui rend compte de la crise de manière frappante. Pour avoir une vue d’ensemble des luttes autochtones au Canada des années 1970 à aujourd’hui, on consultera le livre du grand militant secwepemc Arthur Manuel, Décoloniser le Canada (2018). Enfin, sur les procédures actuelles mais toujours trompeuses du gouvernement du Canada, on consultera le livre de Glen Sean Coulthard, Peau rouge, masques blancs (2018). L’auteur y explique comment l’actuelle stratégie de pacification des rapports entre gouvernements et Autochtones reste au désavantage de ces derniers.
« Le nom scientifique de la Wawa est le Capybar et il est le plus grand rongeur au monde. Les communautés afro-colombiennes du Choco en Colombie appellent ‘Wawa’ un animal de la forêt tropicale qu’elles chassent à l’aide de chiens pour se nourrir. Au Chili, on appelle les bébés des ‘Wawa’. À Cuba, la ‘Wawa’ est un autobus populaire où les gens s’entassent tous les jours pour se déplacer. On dit à Cuba que le meilleur journal populaire est la ‘Wawa’ parce que c’est là qu’on apprend les nouvelles du peuple… ‘Le cri de la Wawa’ c’est le mélange de toutes ces voix qui s’expriment… le bébé qui essaie de se faire comprendre, l’animal qui crie dans la forêt, le peuple qui veut se faire entendre et qui crie justice… »
C’est ainsi que les auteur.es du journal militant Alerta ! Le cri de la Wawa présentent l’origine du nom de leur publication. Le journal, dont la parution s’échelonne de 2003 à 2006, est publié à l’initiative du « Komiteal » (Comité CLAC – Amérique Latine). Son objectif : tisser un réseau de solidarité transnational en articulant les luttes d’ici et d’ailleurs, servir de journal alternatif aux grands médias et faire entendre les voix de ceux et celles qui luttent, notamment contre le capitalisme, le colonialisme et l’impérialisme. C’est entre autres dans ce but que le journal est publié en trois langues (français, anglais et espagnol) qui s’enchevêtrent au gré des numéros..
Basé sur des principes pluriels, donnant la parole à ceux et celles qui luttent dans les Amériques, le Komiteal s’inscrit dans la continuité des anarchistes inspirés par l’Armée Zapatiste de Libération Nationale (EZLN) et la révolte menée par celle-ci au Chiapas. Le journal, lancé à la suite des mobilisations de 2001 contre le Sommet des Amériques à Québec, reprend les thèmes, les objectifs et les idées popularisées par les contre-sommets de Vancouver (1997), Genève (1998) ou Seattle (1999). Le manifeste du Cri de la Wawa, paru dans le premier numéro, pose immédiatement les bases politiques sur lesquelles se fondent le comité : contre l’impérialisme et le paternalisme Nord-Sud, il se place d’entrée de jeu contre les multinationales qui exploitent les territoires et les vies ; et pour la démocratie directe et l’organisation horizontale. Le comité soutient toute « initiative locale de réappropriation et d’autogestion collective des usines, des terres et des richesses naturelles », s’oppose au colonialisme, à l’interventionnisme du FMI et soutient l’abolition des plans et accords néocolonialistes comme le Plan Puebla Panama, le Plan Colombie, l’Initiative Régionale Andine, la ZLÉA ou encore l’ALÉNA. Les militant.es réclament aussi le retrait immédiat des bases américaines et étrangères en Amérique Latine et aux Caraïbes. À la jonction entre les luttes décoloniales, la mouvance altermondialiste et le mouvement anarchiste, le comité se place en opposition à toute forme d’autoritarisme de la part des États ou des institutions. À travers les sept numéros du journal se révèlent les problématiques politiques et les initiatives qui marquent la grande période de lutte contre le capitalisme et la mondialisation du début du XXIe siècle. Mais, pour comprendre la teneur de ce manifeste, il est nécessaire de faire un peu de généalogie…
Alerta ! Le Cri de la Wawa, no. 5, été 2005
Le 1er janvier 1994, un mouvement insurrectionnel indigène et paysan qui réclame le droit à la terre et le respect des communautés autochtones au Mexique déclare la guerre à l’État mexicain. Il s’agit de la première grande apparition publique, largement médiatisée, de l’Armée Zapatiste de Libération Nationale (EZLN). Les zapatistes, dont l’appellation provient du nom du leader paysan et héro de la Révolution mexicaine Emiliano Zapata (1879-1919), est issue de l’organisation clandestine, dans la forêt Lacandone, des paysan.es et des indigènes du Chiapas, une des zones les plus défavorisées du Mexique. Se posant comme les héritèr.es de 500 ans de luttes contre l’impérialisme et le colonialisme, les militant.es de l’EZLN réclament l’autonomie du territoire, la redistribution des terres et le respect des droits, de la culture et de l’autonomie des populations indigènes de la région. En effet, de la colonisation aux agressives politiques néolibérales du gouvernement de Salinas de Gortari dans les années 1990, les populations autochtones et les communautés paysannes du Mexique n’ont cessé de subir les contrecoups du développement capitaliste. Dans la région du Chiapas, pourtant riche en ressources naturelles, une grande partie de la population n’a alors ni accès à la propriété de la terre, ni aux soins médicaux, ni au travail, ni à l’éducation. La région, perçue par le gouvernement mexicain comme une poudrière, est la cible de la répression féroce d’un gouvernement qui entend bien en contrôler les ressources et la population. C’est contre cette guerre génocidaire larvée que mène l’État mexicain contre les Chiapanèques que se pose l’EZLN qui réclame travail, terre, toit, alimentation, santé, éducation, indépendance, liberté, démocratie, justice et paix. Depuis plusieurs années déjà, les zapatistes opposent au néolibéralisme et à la colonisation un autre mode de vie, autonome et communautaire. Dans les zones contrôlées par l’EZLN, on met sur pied des « caracoles », des municipalités autogérées, avec leurs propres systèmes de santé, d’éducation et de vie collective.
« De quoi compte-t-on nous pardonner ? De ne pas mourir de faim ? De ne pas nous taire dans notre misère ? De ne pas avoir humblement supporté le poids historique écrasant du mépris et de l’abandon ? D’avoir pris les armes après avoir constaté que toutes les autres voies étaient closes ? […] D’avoir montré au reste du pays et au monde entier que la dignité humaine existe encore et qu’on la trouve chez les habitants les plus démunis ? […] D’être en majorité indigènes ? D’appeler le peuple mexicain tout entier à lutter de toutes les façons possibles pour ce qui lui appartient ? De lutter pour la liberté, la démocratie et la justice ? De ne pas suivre la voie des chefs des guérillas précédentes ? De ne pas nous rendre ? De ne pas nous trahir ? »
Sous-commandant Marcos, porte-parole de l’EZLN
Ce n’est pas un hasard si la la date du soulèvement zapatiste coïncide avec l’entrée en vigueur de l’ALÉNA (Accord de libre-échange nord-américain). Cet accord, conclu entre le Canada, les États-Unis et le Mexique est alors le plus grand accord commercial de libre-échange au monde. Il élimine de très nombreuses barrières aux échanges commerciaux et aux investissements entre les trois pays, augmente les possibilités d’investissements transnationaux, favorise la circulation des capitaux et des biens et encourage la sous-traitance. De plus, une clause permet aux entreprises de poursuivre les gouvernements dont les réglementations (environnementales, sociales, syndicales…) menacent de nuire aux investisseurs. Mais le plus grave impact de l’accord de libre-échange pour les zapatistes est le fait qu’il annule l’article de la constitution mexicaine qui donne droit aux Autochtones à leurs terres communales, un droit pourtant acquis depuis 1917. En effet, l’abrogation de l’article 27 constituait un prélude à la signature du traité par le Mexique. En modifiant le statut de l’ejido – propriété collective de la terre par les communautés paysannes et indigènes – le gouvernement mexicain ouvre alors la voie à la commercialisation de la propriété collective et à l’arrêt de la distribution de la terre aux paysans.
Autrement dit, l’ALÉNA, en imposant la libre circulation de la propriété privée, vient abolir une pierre d’assise du mode de vie agraire des communautés du Chiapas, bafoue leurs droits et contribue à l’appauvrissement d’une population déjà durement touchée par la destruction capitaliste. C’est contre cet hydre du libéralisme que se lèveront les combattant.es de l’EZLN : le 1er janvier 1994, ill.es descendent des montagnes et prennent par les armes plusieurs localités, dont la ville de San Cristóbal de Las Casas et émettent un manifeste, la Déclaration de la Forêt Lacandone. Après un affrontement de douze jours, l’État mexicain entame des négociations qui aboutiront, en 1996, aux accords de San Andrès, accords accordant une large autonomie aux provinces zapatistes du Sud du Mexique. L’impact de cette apparente victoire, largement médiatisée, ouvre alors la voie à un large mouvement de contestation du capitalisme mondialisé. Dès lors, partout où la bourgeoisie tente d’imposer ses mesures néolibérales, elle rencontre de la résistance. Cette révolte mondiale s’incarnera de manière flamboyante dans les nombreux contre-sommets et manifestations contre les accords de libre-échange qui sont alors en voie de transformer durablement le paysage industriel et social de plusieurs pays.
Émergeant de la solidarité avec les communautés en lutte au Chiapas, l’Action Mondiale des Peuples (AMP) est fondée en 1998. Il s’agit d’une coordination mondiale de mouvements sociaux radicaux en lutte contre la restructuration néolibérale et le capitalisme. L’AMP se veut un espace de communication pour tous les groupes qui combattent le capitalisme global dans une perspective anti-autoritaire. La coordination, qui appelle ouvertement à la désobéissance civile et à l’action directe, organise plusieurs Journées d’Actions Globales, qui participeront des formidables mobilisations contre le sommet de l’Organisation Mondiale du Commerce à Genève (1998) ainsi qu’à celles de Seattle (1999), Prague (2000), Gênes (2000) et Québec (2001).
Un article d’Alerta ! Le cri de la Wawa sur l’Action Mondiale des Peuples (no. 5, été 2005)
L’AMP, en Amérique Latine, appuie les mobilisations pour le droit à la terre et la défense de l’identité propre des populations autochtones en luttant logiquement contre l’extractivisme et la destruction des espaces et des formes de vies ancestrales. En milieu urbain, des collectifs voient le jour avec comme but d’appuyer le processus d’autodétermination des communautés zapatistes. Partout on s’organise : qu’il s’agisse des expropriations populaires menées par les sans-terres au Brésil, de la lutte contre la guerre à la feuille de coca des Autochtones boliviens, de la résistance civile des communautés noires et métisses de Colombie ou encore de l’organisation des sans-emplois en Argentine, la résistance s’amplifie. La diffusion de ces luttes par le biais de caravanes militantes (dont l’une fait escale à Montréal le 25 octobre 2003) et des médias engagés pousse un grand nombre de militant.es des pays impérialistes du Nord à agir en solidarité avec ceux et celles qui luttent plus au Sud. Mais la vague néolibérale n’est pas terminée et ce sera contre un énième projet d’accord de libre-échange, la ZLÉA, que devront se mobiliser les miliant.es contre la mondialisation.
Quatrième de couverture du journal Résiste ! publié à l’initiative de la Convergence des Luttes Anticapitalistes (CLAC) en mars 2001, qui se voulait un outil de mobilisation contre le Sommet des Amériques.
C’est dans ce contexte que sera formée, en 2001 au Québec, la Convergence des Luttes Anticapitalistes (CLAC) pour s’opposer au Sommet des Amériques. Ce sommet compte rassembler 34 chefs d’État dans la ville de Québec pour discuter de la future ZLÉA (Zone de Libre-Échange des Amériques). Successeur de l’ALÉNA, la ZLÉA prévoit créer une zone de libre-échange à l’échelle du continent américain, qui regrouperait tous les pays des Amériques à l’exception de Cuba. À l’image de l’ALÉNA, la ZLÉA compte imposer un sévère programme de déréglementation et de privatisation englobant l’agriculture, l’industrie, les services privés et publics, les investissements et les ressources primaires. Tout comme l’ALÉNA, la ZLÉA permet aux investisseurs de poursuivre les États dont les réglementations sociales et environnementales peuvent nuire à leurs profits. Ces politiques ont non seulement comme objectif de favoriser l’exploitation des territoires, mais aussi de faciliter la circulation des marchandises, de la main-d’oeuvre et des capitaux. Parallèlement (et sans surprise) elles participent aussi de la destruction des territoires et modes de vies de plusieurs peuples autochtones et communautés paysannes sur les territoires de l’Amérique.
C’est d’ailleurs sur le contenu et les impacts de cette nouvelle Zone de Libre-Échange des Amériques que porte un des premiers articles du numéro d’automne 2003 d’Alerta !, intitulé « Les Amériques à vendre ». Deux ans auparavant, au printemps 2001, plus de 2000 personnes venues de 35 pays des Amériques s’étaient rassemblées dans le cadre du Sommet des Peuples pour répliquer aux négociations tenues dans le cadre du Sommet des Amériques, bientôt rejointes par des dizaines de milliers de contestataires. L’énorme mobilisation, qui réussit à rassembler plus de 60 000 personnes, avait donné lieu à des combats intenses et à une réponse féroce des forces gouvernementales qui firent plus de 400 arrêté.es. Si la question de la ZLÉA est encore à l’ordre du jour en 2003, malgré les importantes manifestations de 2001, c’est que ces accords ne sont pas encore tombés. Ils ne feront pourtant pas long feu : avant même d’être mis en application, ils tombent en 2005, sous l’effet combiné des mobilisations contre le projet et des hésitations des gouvernements d’Amérique du Sud.
Malgré tout, le combat n’est pas terminé. En effet, la nouvelle offensive néolibérale des années 2000 s’inscrit dans le renouveau d’un impérialisme et d’un néocolonialisme en Amérique du Sud dont les États-Unis sont le fer de lance. Les accords de libre-échange n’en sont qu’une des pièces les plus visibles : ces arrangements économiques largement défavorables aux pays dominés qui voient leurs ressources pillées s’accompagnent souvent de projets de modernisation et de mesures de contrôle des territoires et des populations. Ainsi, les luttes contre la mondialisation néolibérale rejoignent-elles les luttes contre l’impérialisme et le néocolonialisme.
Le Plan Colombie est signé en 2000 par les États-Unis et la Colombie. Sous couvert de la lutte contre le narcotrafic, les fonds servent plutôt à endiguer l’avancée des FARC (Forces Armées Révolutionnaires de Colombie), un groupe de guérilla communiste dont l’armée colombienne peine à freiner l’expansion.
C’est ce que souligne le Komiteal dans son journal en abordant, dans un article intitulé « Le requin et les sardines » (no. 2, été 2004), l’impérialisme des États-Unis en Amérique Latine. En effet, mettant en œuvre la doctrine Monroe, puis invoquant l’endiguement communiste et justifiant subséquemment leurs actions par la guerre aux narcotrafiquants, les États-Unis se sont toujours immiscés dans les affaires internes des pays d’Amérique Latine dans le but de préserver leur influence et les conditions favorables à la fructification de leurs investissements. Ces interventions passent non seulement par un financement massif (de l’armée ou de groupes favorables à certaines politiques) et par une présence militaire dans certaines régions, mais aussi par le développement d’un vaste réseau d’infrastructures, comme celui proposé dans le Plan Puebla Panama en 2001. Prélude à la ZLÉA, ce plan de développement prévoit la construction d’autoroutes, de voies ferrées, d’oléoducs, de gazoducs et de ports dans neuf états mexicains et sept pays de l’Amérique Latine (Belize, Guatemala, El Salvador, Honduras, Nicaragua, Costa Rica et Panamá). De plus, il prévoit la construction de 25 barrages hydroélectriques et l’implantation de maquiladoras, immenses usines de fabrication de produits destinés à l’exportation. Ces plans, supposés « combattre la pauvreté », s’inscrivent en fait dans le cadre des traités de libre-échange et répondent surtout aux besoins des investisseurs d’Amérique du Nord, minières, pétrolières et industries agroalimentaires, qui souhaitent rendre plus facile l’exploitation des ressources naturelles et des travailleur.euses de l’Amérique Latine.
Ces projets de développement, sans grande surprise, ne tiennent compte ni des impacts écologiques, ni des impacts sur les économies rurales que leur réalisation pourrait amener, un fait largement souligné par les nombreux groupes s’opposant au projet, dont le premier forum se tient à Tapachula, au Chiapas. C’est dans la lutte et la solidarité transnationale contre ces projets de mort que s’inscrit Alerta !. Devant des combats semblables naît la nécessité de tisser des liens : l’équipe du journal, en collaboration avec l’Indigenous People Solidarity Movement (IPSM), le groupe Mexico-Montréal et le STAC (Students Taking Action in Chiapas) réunit en 2004 les ressources nécessaires pour envoyer une délégation de jeunes Autochtones du soi-disant Canada rencontrer les militant.es auto-organisé.es zapatistes.
Si Alerta ! met beaucoup d’efforts à faire circuler les informations sur les luttes en Amérique Latine, il tente aussi de mettre ces luttes en lien avec différentes problématiques d’ici. Le troisième numéro (hiver 2004) porte principalement sur les politiques du gouvernement libéral de l’époque et leur influence sur la condition des travailleur.euses d’ici, notamment leur tentative forte d’ouvrir la porte à la sous-traitance. À travers le numéro, on plonge dans le cœur du processus de restructuration néolibérale au Québec : réorganisation de la production pour faire baisser les salaires et augmenter les profits, sous-traitance et division des entreprises en plus petites unités où le travail est repris à un coût inférieur localement ou à l’international. Ici, ailleurs : ces processus du magma néolibéral se répercutent mondialement. Dans les états impérialistes du Nord, ils se traduisent par des délocalisations ; au Sud, par une exploitation renouvelée de la main-d’œuvre à bon marché. Ici, par la fragilisation des acquis sociaux. Là-bas, par des restructurations économiques pour satisfaire à la soif néocoloniale et par la destruction des formes de vies non-capitalistes. Alerta ! démontre aussi avec brio, dans son dernier numéro (été 2006), comment la crise écologique actuelle est intimement liée à ces processus mondiaux de spoliation et d’exploitation. La destruction des milieux de vie, loin de ne concerner qu’une nature extérieure et abstraite, est la conséquence directe des rapports sociaux d’exploitation induits par l’appétit vorace d’une classe capitaliste qui perpétue, à son profit, des structures colonialistes ; elle est donc une crise totale, autant sociale que naturelle.
Pour des raisons qui ne sont pas rendues publiques, mais entre autre par manque de fonds et de bénévoles régulier.es, Alerta ! Le cri de la Wawa cesse d’être publié à partir de 2006. Notons que l’arrêt de la publication du journal coïncide avec un certain essoufflement des luttes altermondialistes (réformistes comme révolutionnaires), un ressac dont nous ne sommes pas encore revenus, mais que la résurgence autochtone est en train de changer. Malgré sa courte existence, Alerta !Le cri de la Wawa constitue probablement un des projets les plus intéressants à avoir été menés par des militant.es anarchistes en territoires non-cédés.
D’une part, le projet se distingue par un anarchisme renouvelé, riche des perspectives non-européennes et des luttes autonomes, en particulier celles des Autochtones d’Amérique du Sud. Ces dérogations aux canons révolutionnaires blancs désenclave la lutte d’un classicisme qui mine depuis trop longtemps l’imagination des révolutionnaires. Ces perspectives prennent toute leur importance dans le contexte canadien, où la situation coloniale et la position de puissance impérialiste extractiviste du pays nous force à imaginer une position révolutionnaire décoloniale et destituante ; destituante de l’État-nation, de ses intérêts impérialistes, de son économie extractiviste et des dominant.es qui profitent de ces structures. D’autre part, le journal remplit bien son mandat de média alternatif. L’intérêt qu’il porte aux problématiques sociales et politiques qui se déploient ici et ailleurs ainsi que le soin qu’il prend à nous fournir les outils pour comprendre ces situations contribue à un enrichissement de nos connaissances sur les différentes formes de vies-en-luttes. Il permet aussi un désenclavement des débats idéologiques stériles : l’existence d’un tel journal montre bien que les théories révolutionnaires doivent toujours se réfléchir et s’appliquer à partir des réalités politiques concrètes pour répondre adéquatement aux problématiques qui se déploient sur un territoire donné.
Le travail d’Alerta ! peut par ailleurs nous servir de référent pour nos pratiques actuelles. En effet, les deux fondements de l’exploitation mondiale capitaliste reposent encore sur le (néo)colonialisme et le (néo)libéralisme. Alors que nous sommes dans une séquence de renouvellement de ces deux paradigmes (fausse réconciliation avec les peuples autochtones et nouveaux traités coloniaux, nouveaux traités de libre-échange comme l’Accord Économique et Commercial Global, attaques contre les personnes autochtones et noires aux États-Unis comme au Brésil), il faut plus que jamais s’armer intellectuellement et pratiquement pour détruire le monde colonial. En ce sens nous devons revisiter Alerta ! Le cri de la Wawa et repartir du plateau que ses militant.es ont établi pour porter notre lutte plus loin, et pour porter la décolonisation de ce monde à son aboutissement.
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Pour plus d’informations sur les luttes actuelles en Amérique Latine on consultera avec profit la revue militante Caminando, dont le dernier numéro porte sur les résistances des femmes à l’extractivisme, disponible à la librairie féministe L’Euguélionne. On écoutera aussi avec plaisir les baladodiffusions produites par le Comité pour les Droits Humains en Amérique Latine (CDHAL) dans le cadre de la série « Luttes pour le territoire : Voix de femmes en résistance ». Sur l’extractivisme canadien, on lira avec attention l’ouvrage Noir Canada d’Alain Deneault (ouvrage pilonné suite à un jugement inique, mais disponible sur Internet…) qui aborde les crimes de l’industrie minière canadienne. Sur les perspectives anarcho-indigénistes inspirées par les actions de l’EZLN, on consultera L’anarcho-indigénisme, un recueil d’interviews sur les perspectives décoloniales et indigénistes. Enfin, tous les numéros d’Alerta ! Le cri de la Wawa sont disponibles à la bibliothèque DIRA, dans leur section d’archives.
La dernière forêt vierge au sud du 49e parallèle se situe à la tête des rivières Batiscan, Saint-Maurice et Métabetchouane. Dans les dernières années, les coupes se sont intensifiées dans la forêt ainsi qu’autour de celle-ci, menaçant ce dernier joyau de biodiversité. Malgré plusieurs oppositions et démarches de protection de la part des Premiers Peuples et d’experts, des coupes sont prévues en 2019. En effet, des dizaines de kilomètres carrés de la forêt du lac à Moïse ont été rendus disponibles à l’industrie forestière dans le plan opérationnel 2018-2023 du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs. C’est donc un autre lieu de rencontre des Premières nations et un territoire de chasse ancestral qui est dévasté par l’industrie « forestière ». Depuis des millénaires, la Nation huronne-wendat occupe ce territoire. Dernièrement, le chef du conseil de bande de Wendake, Konrad Siouï, a déclaré qu’il est prêt à tout pour protéger cette forêt, envisageant même l’occupation du territoire. La résistance s’organise. Le 12 juillet, des personnes ont organisé une rencontre à Wendake pour discuter de l’avenir de cette forêt. D’autres actions sont à prévoir.
Commentaires fermés sur Après Amherst, au tour de Macdonald! La statue de Macdonald est à nouveau vandalisée
Juin282019
Soumission anonyme à MTL Contre-info
Pour la huitième fois au moins, et ce, en moins de deux ans, le monument à connotation raciste et colonial de John A. Macdonald à Montréal (1895) a été vandalisé par des artistes anticoloniaux.
C’est entre les deux fêtes nationalistes au Québec, soit la Saint-Jean-Baptiste le 24 juin et la fête du Canada le 1er juillet, que le groupe #MacdonaldMustFall de Montréal a de nouveau ciblé la statue controversée, cette fois-ci peinturée en bleu, dans le but de laisser un message anticolonial clair.
Depuis la dernière cible du monument Macdonald en mai 2019, la rue Amherst à Montréal a été officiellement renommée la rue Atateken. Atateken signifie « frères et sœurs » et l’égalité entre les peuples en Kanien‘kehá:ka (Mohawk).
James Amherst, un général britannique, a fait la promotion et a été actif dans le contexte du génocide des peuples autochtones. Si son nom de rue peut être remplacé, le monument John A. Macdonald peut également être retiré de l’espace public et être placé dans des archives ou des musées. L’espace public devrait plutôt célébrer les luttes collectives pour la justice et la libération et non pas la suprématie blanche et le génocide.
Tel que mentioné dans les communiqués précédents, le groupe #MacdonaldMustFall à Montréal rappelle aux médias et au public que John A. Macdonald était un suprémaciste blanc. Il a directement contribué au génocide des peuples autochtones avec la création du système brutal des pensionnats ainsi que d’autres mesures destinées à détruire les cultures et les traditions autochtones. Il était raciste et hostile envers les groupes minoritaires non blancs au Canada, promouvant ouvertement la préservation d’un Canada dit «aryen». Il a adopté des lois pour exclure les personnes d’origine chinoise et il a également été responsable de la pendaison du martyr Métis Louis Riel.