Montréal Contre-information
Montréal Contre-information
Montréal Contre-information

L’indépendantisme est-il un projet de libération?

 Commentaires fermés sur L’indépendantisme est-il un projet de libération?
Nov 272025
 

De l’Organisation révolutionnaire anarchiste

« La carte du monde n’a que faire de frontières, les paysages de la pensée non plus. »

Murray Bookchin, La révolution à venir, 2002.

Les nationalismes sont en pleine essor partout autour du globe depuis les dernières années. Le soi-disant canada et le soi-disant québec n’y font pas exception, surtout depuis la décomplexion fasciste au sud de la frontière. Trente ans après le dernier référendum et une génération de décrépitude, l’incarnation québécoise du nationalisme sous la forme du projet indépendantiste reprend de l’ampleur. Les appels à l’indépendance du québec se multiplient et l’ampleur du phénomène chez les jeunes détone avec le ton vieillot des revendications. Le PQ, ressuscité après une période de coma végétatif, agit comme s’il avait déjà gagné les élections et les comités souverainistes sur les campus des cégeps et universités refoulent tellement ils sont populeux. La gauche radicale, elle, peine à rester à flot face aux tsunamis des attaques réactionnaires incessantes et n’attire plus que quelques centaines de badauds blasés dans ses manifs. À l’exception de quelques événements sporadiques ou quand des attaques particulièrement vicieuses de la part du pouvoir mobilisent encore, les jeunes semblent plus intéressées par un québec indépendant que par la révolution sociale.

Pourtant les nouveaux indépendantistes (hormis certains jeunes-vieux d’allégeance néonazie) sont intéressées par les questions d’inégalités sociales, solidaires du peuple palestinien, concernées par la catastrophe climatique, etc. Iels se situent en grande partie à la gauche du spectre politique. Mais iels préfèrent rejoindre les rangs d’organisations d’abord indépendantistes. Qu’iels voient l’indépendance du québec comme une fin en soi ou comme un moyen d’atteindre une société plus juste, iels font de cet enjeu leur implication principale.

Le titre de ce texte est volontairement polémique, pour attirer l’attention de celleux pour qui la réponse irait de soi. Nous n’avons pas la prétention de détenir LA clé du changement ni de mieux comprendre le sens de la vie que quiconque. Nous souhaitons seulement faire réfléchir à propos de l’engagement militant et du sens des priorités. Le texte se veut le plus exhaustif possible dans son analyse et tente d’approfondir l’argumentaire critique du nationalisme en général avant de l’appliquer à l’indépendantisme québécois. Ainsi nous espérons avoir un portrait le plus détaillé possible de ces enjeux, car ils méritent qu’on s’y attarde sérieusement. D’où l’ampleur qui pourrait paraître exagérée du présent texte. Nous en appelons à la patience et espérons que vous puissiez y trouver de quoi nourrir vos réflexions et votre pratique politiques.

On ne peut douter de la sincérité et de la conviction des indépendantistes. Nous souhaitons tout de même poser des questions, remettre en perspective et élargir le débat sur la question nationale. Ce texte s’adresse d’abord aux indépendantistes qui se disent de gauche et qui souhaitent un monde plus juste et plus libre. Qu’est-ce qui motive l’implication dans le projet souverainiste? Comment définir le nationalisme et quelle est sa place dans le discours indépendantiste? Peut-on explorer d’autres alternatives, d’autres points de vue sur la question? Pourquoi choisir de s’impliquer d’abord pour l’indépendance plutôt qu’une autre cause sociale?

Nous n’avons que faire des arguments libéraux du « camp du non ». Nous ne visons pas à convaincre que l’État actuel du canada serait plus souhaitable (ou moins pire) qu’un autre. Notre propos se situe au-delà de la dichotomie souverainiste/fédéraliste. Nous voulons démontrer que cette dichotomie est un faux dilemme, qu’il convient de recadrer autrement.

Après un survol historique et politique des concepts de nation et de nationalisme, nous les mettrons en lien avec leur utilisation dans le mouvement indépendantiste québécois, puis examinerons en quoi ces notions sont pernicieuses pour toute lutte de libération. Elles constituent non seulement une pente glissante vers les idéologies d’extrême-droite, mais un danger au sein même de la gauche indépendantiste, même dans ses variantes « civiques » et « progressistes ». Nous ferons ensuite une critique du projet de création d’un nouvel État que nous souhaitons insérer dans une critique plus large de l’État moderne en tant que tel.

S’il peut être utile de parler de libération nationale dans un contexte de colonialisme ou de domination étrangère, nous ne croyons pas que le cas du québec contemporain remplit ces conditions. Nous allons donc examiner en quoi il est erroné de parler du québec comme d’une « nation opprimée », contrairement aux nations autochtones qui se trouvent sur le même territoire. C’est à la question anticoloniale et plus généralement aux oppressions que nous consacrons la seconde moitié du présent texte.

Nous donnerons finalement des idées qui pourraient selon nous être plus porteuses de sens que le projet souverainiste en matière d’émancipation populaire. Loin d’avoir réponse à tout, nous voulons simplement élargir les imaginaires et les potentialités de libération collective.

Précisons au passage que nous avons utilisé la règle du « féminin l’emporte sur le masculin » dans la plupart des cas et que les noms propres sont souvent volontairement sans majuscule, dans le but explicite d’emmerder l’académie française.

Définition historique du concept de « nation »

You’ve gotta die,
gotta die,
gotta die for your government,
Die for your country, that’s shit.

Anti-flag, Die for the Government, 1996.

La nation est davantage une construction idéologique qu’une réalité concrète. Le concept de « nation » avec le sens que nous lui accolons de nos jours n’a pas toujours existé. Il date en fait de la fin du XVIIIe / début du XIXe siècle, moment de la naissance en europe des États modernes, coïncidant aussi avec la diffusion du capitalisme comme système économique dominant. Il s’agit d’une façon de concevoir les groupements humains qui « diffère en nombre, en étendue et en nature des communautés auxquelles les êtres humains se sont identifiés au fil de la quasi-totalité des temps historiques, et impose des exigences tout à fait différentes. » (E. Hobsbawm, Nations et nationalisme depuis 1780, Gallimard, 1992, p. 91)

Une des raisons historiques avancées pour expliquer l’émergence de la nation en tant que catégorie politique est qu’à l’époque, les classes dirigeantes des États modernes naissants, devant justifier le caractère souvent aléatoire des frontières territoriales, ont eu besoin d’insuffler un sens commun aux différents regroupements de populations, souvent disparates, présents sur le territoire. Il leur faut fabriquer une unité factice pour se légitimer. C’est donc par le haut que la nation est imposée. C’est une façon pour les classes dominantes de faire accepter leurs intérêts comme l’intérêt de toustes. C’est ce qui explique que des millions de gens applaudissent leur équipe sportive nationale. C’est aussi pourquoi autant sont prêtes à sacrifier leur propre vie au nom de « l’intérêt national ».

Ainsi, la nation française est une pure abstraction qui rassemble (et homogénéise) des groupes ethnolinguistiques tout à fait distincts, qui n’avaient souvent même pas de langue ni de coutumes communes. Avec la centralisation des pouvoirs et le passage à la monarchie absolue vers la fin du XVIIe siècle, le gouvernement royal met graduellement en place tout un système de standardisation à travers le territoire, qui vise à unifier les populations présentes sous l’égide du roi. Mais ce n’est qu’après la Révolution que la nation, comme source légitime du pouvoir, prend réellement la forme qu’elle aura pour les États modernes subséquents.

La notion de nation n’a donc rien d’objectif et repose plutôt sur une construction sociale de narratifs historiques. Ernest Gellner affirme que « Le nationalisme n’est pas l’éveil à la conscience des nations; il invente les nations là où il n’en existe pas. » (E. Gellner, dans R. Keucheyan, Hémisphère gauche : une cartographie des nouvelles pensées critiques, 2010, p. 148) L’auteur Benedict Anderson parle quant à lui de la nation comme d’une communauté purement imaginaire.

Ce caractère imaginaire de la nation provient de récits historiques fantasmés ou de légendes qui sont élevées au rang de récit unitaire national. Les sciences humaines, et en particulier l’histoire, sont utilisées par les classes dominantes pour diffuser un narratif commun qui embellit les moments forts et cache souvent les parts sombres. L’héritage commun est ainsi formaté aux goûts et dans l’intérêt des classes dominantes, lorsqu’il n’est pas carrément fabriqué de toute pièce pour mieux s’insérer dans le récit national. Le nationalisme comme idéologie de la nation joue le rôle de ciment qui fait tenir ensemble des éléments qui autrement se disloqueraient.

La création de l’allemagne est un autre exemple parlant du caractère idéologiquement fabriqué de la définition d’une nation. Brièvement, au moment de formation de l’État allemand, les guerres intestines entre les différents royaumes ont vu émerger la prusse victorieuse, qui a pu imposer ses intérêts et sa vision dans la définition de ce qui constitue la nation allemande. L’empire austro-hongrois a donc été exclu de cette définition alors qu’une bonne partie de sa population partageait la langue germanique et des territoires limitrophes, alors que les bavarois et les alsaciennes en font partie. On compte donc aujourd’hui une « nation allemande » et une « nation autrichienne », mais ces deux entités sont davantage le produit d’accidents de l’histoire que de caractéristiques nationales communes. On aurait très bien pu voir un basculement dans une autre direction, ou la nation germanique être définie selon d’autres critères.

Pas de guerre entre les nations…

Le nationalisme est quant à lui généralement défini comme « un principe qui exige que l’unité politique et l’unité nationale se recouvrent. » (E. Gellner dans Hobsbawm, 1992, p. 26) C’est donc la volonté d’aligner nation et État dans un État-nation. Il nous semble donc légitime d’affirmer que le projet indépendantiste québécois est d’abord basé sur le nationalisme.

Mais revenons à l’Europe des XVIIIe / XIXe siècles. L’industrialisation de l’imprimerie et sa constitution en marché de l’imprimé favorisent l’essor du nationalisme. Elle stabilise et standardise la langue écrite; favorise la disparition des dialectes locaux au profit d’une langue nationale commune. L’essor du journalisme et de la littérature qu’a permis l’imprimerie contribue également à la diffusion du concept de nation comme tel, uniformisant les idées et la culture à travers les territoires. (B. Anderson, dans Keucheyan, 2010, p. 150-156)

Le nationalisme prend en charge à l’époque moderne une partie des fonctions autrefois dévolues à la religion. « Le nationalisme est un essentialisme qui transforme les nations en entités éternelles trouvant leur origine dans un passé immémorial et se projetant dans un avenir indéterminé. » (Keucheyan, 2010, p.152) Qu’une personne soit née dans telle région du monde ou telle nation est un pur hasard, mais le nationalisme permet à l’individu de s’inscrire dans une totalité qui le transcende. Il donne un sens à l’identité, qui peut alors devenir un outil pour légitimer la construction de l’État-nation. Nous y reviendrons plus loin.

Avec la Révolution française et le passage de la monarchie à la démocratie libérale, la classe au pouvoir ne peut plus utiliser seulement la « volonté du roi » ou « la volonté de dieu » pour justifier les actions de l’État. Le peuple devient un facteur à prendre en compte dans la prise de décision des dirigeants. (Hobsbawm, 1992, p. 154) L’intérêt national est alors invoqué pour donner une légitimité aux décisions politiques et aux guerres, comme l’étaient la religion ou le tribalisme à d’autres époques.

Le lien historique entre nationalisme, capitalisme et militarisme est sans équivoque. Les dirigeants des États modernes utilisent cette notion d’appartenance à la nation pour justifier les guerres impérialistes, « to turn the countryfolk into workers and soldiers, to turn the motherland into mines and factories… » (F. Perlman, The Continuing Appeal of Nationalism, 1984, p. 19) Pour reprendre nos exemples français et allemand, le revanchisme exercé par les deux nations l’une envers l’autre sont parmi les causes des deux grands conflits mondiaux du XXe siècles. La nation remplace donc la religion comme légitimation du pouvoir en place et moteur de la participation de la population aux guerres. C’est ainsi que napoléon envoie deux millions de personnes se faire massacrer durant ses campagnes impériales au nom de la « grandeur de la nation française ». 

Pas de paix entre les classes

Une conséquence du caractère « imaginé » de la nation est son caractère aléatoire. Le cas de la nation allemande que nous venons de décrire en est un exemple. Pourquoi ne parle-t-on pas de nation gaspésienne? La population de la péninsule a pourtant ses coutumes propres, son dialecte (probablement aussi loin du québécois parlé à drummondville que la langue écossaise l’est de l’anglais parlé à londres, et pourtant on reconnaît bien une légitimité au nationalisme écossais) et recouvre un territoire plus grand que l’arménie. Voir un prétexte de fierté dans un héritage culturel, génétique ou géographique est comparable à être fier d’avoir les cheveux blonds ou d’être né en 2004. Par ailleurs, les traits utilisés dans la création de la nation sont aussi aléatoires. Langue, religion, couleur de peau, territoire, un trait commun est utilisé pour constituer une nation seulement s’il est utile aux classes dominantes et écarté s’il ne l’est pas. (Perlman,1984, p. 13)

Est-ce qu’un pêcheur madelinot et une entrepreneure beauceronne ont plus en commun qu’une serveuse marocaine et un livreur uber de paris? Les quatre parlent le français, les quatre proviennent de cultures différentes, seulement trois d’entre elleux sont dans la classe populaire, deux sont des femmes, pourtant on voudrait reconnaître une filiation seulement entre les deux premiers, mais pas entre les autres. Le fait de partager une langue, le même territoire ou une histoire commune ne sont pas les seules choses qui puissent rassembler les individus. Pourquoi devrions-nous prioriser ces traits plutôt que l’appartenance socio-économique, l’expérience matérielle, l’identité de genre, l’opinion politique ou même l’appartenance à l’humanité tout entière? Tant qu’à choisir des traits aléatoires pour nous unifier, aussi bien en choisir qui sont réellement porteurs d’émancipation et de progrès social, plutôt que les baser sur des traditions rétrogrades ou ce que la classe dominante aura décidé pour nous.

À ce titre, toute indépendantiste s’accordera pour dire que la « nation canadienne » est un pur fantasme; les caractéristiques nationales étant si disparates qu’elles ne recoupent aucune réalité concrète. La propagande canadienne est tellement vulgaire que tout le monde voit au travers : il s’agit d’une identité construite de toute pièce pour asseoir la légitimité du projet colonial d’accaparement des ressources à travers un vaste territoire. « Si [le canada] n’existait pas, personne ne voudrait l’inventer. Rien de sa forme, de ses frontières, de ses symboles, ni de son esthétique ne s’impose comme une nécessité à l’esprit, sitôt qu’on l’imagine absent de son évolution historique. » (A. Deneault, Bande de colons : une mauvaise conscience de classe, 2020, p. 204) Nous ne faisons que pousser cette thèse à sa conclusion logique en affirmant qu’il en va de même pour la nation québécoise, comme pour toute autre nation par ailleurs. Nous reviendrons plus loin sur les cas où il peut être utile de parler de « nation » et de libération nationale pour évoquer la libération populaire, mais disons simplement ici que le référent à la nation n’est pas la meilleure façon de concevoir la communauté.

En se basant soit sur des caractéristiques essentialistes ou traditionalistes, le nationalisme peut difficilement être porteur de progrès social; il se situe plus souvent qu’autrement dans le camp du conservatisme. D’autant plus que la supposée fraternité entre concitoyennes est utilisée pour justifier les pires atrocités et exclure toute personne à l’extérieur comme à l’intérieur des frontières qui ne partage pas le critère unificateur aléatoire. Le nationalisme n’est pas qu’un attachement inoffensif à un passé folklorique partagé, il renferme des caractères exclusifs et rétrogrades, dont il faut absolument se départir si nous voulons progresser vers des sociétés plus justes et libres.

Le nationalisme comme exclusion de l’Autre

Louons le Seigneur
Cent piastres par semaine
Aimez-vous les uns su’es autres
Ma patrie ou une autre

Richard Desjardins, Charcoal, 1998.

Une autre caractéristique du concept de nation est son caractère restrictif. Peu importe le critère imaginé sur lequel la nation se base (langue, culture, religion, valeurs (whatever that means), couleur de peau, territoire), il y a des gens qui en seront exclus, car iels ne possèdent pas ce critère. « Nulle nation n’est – même potentiellement – coextensive à l’humanité entière. » (Keucheyan, 2010, p. 149) L’exclusion fait donc partie intégrante du processus de formation de la nation. La définition du « nous » implique la construction d’une altérité, qui devient le repoussoir de « notre » identité. Il n’y a qu’un pas entre l’apologie de la nation et la xénophobie, entre l’affirmation de la fierté nationale et le rejet de toute différence. S’appuyant sur les particularismes de la nation, en réalité, le nationalisme sépare plus qu’il ne rassemble.

Pour Rudolph Rocker, le nationalisme est un système de pouvoir, c’est-à-dire qu’il sépare les êtres en fonction de leur place entre les détenteurs de privilèges et celleux qui ne possèdent pas ces privilèges. (R. Rocker, Nationalisme et culture, 2008) Dans l’idéologie nationaliste, en faisant de la nation le point focal et la valeur politique suprême, on en vient à considérer les traits identitaires spécifiques qui la composent (traits qui sont rappelons-le sont historiquement contingents et non des essences immuables) comme des faits objectifs, comme les seuls modes de vie possibles ou valables. Sa propre nation devient le baromètre avec lequel on juge les autres. De ce fait les caractéristiques de sa propre nation en viennent à être considérées comme meilleures, voire supérieures à celles des autres nations. Le patriotisme, puis le chauvinisme ne sont que des formes de nationalisme poussé à l’extrême. Ils sont déjà contenus en germe dans sa logique même. (Hobsbawm, 1992, p. 168) En mettant constamment l’emphase sur l’importance de préserver « notre » nation contre « les autres », on en vient à la considérer comme supérieure à toutes les autres.

J’entends par nationalisme l’habitude de s’identifier à une seule nation, de la placer au-delà du bien et du mal et de ne reconnaître aucun autre devoir que celui de promouvoir les intérêts de celle-ci. […] Le nationalisme est une soif de pouvoir tempérée par l’aveuglement.

G. Orwell, Notes sur le nationalisme, 2005, p. 1.

Lorsque deux nations réclament le même territoire, on se retrouve dans une situation où la nation minoritaire est traitée comme une proie. (Perlman, 1984, p. 13) Si le nationalisme a bien rempli sa fonction d’exclusion et de déshumanisation de l’Autre, on se retrouve dans une situation génocidaire. Ce fut le cas en arménie, en bosnie, au rwanda… C’est actuellement le cas en palestine, au soudan et en chine, entre autres.

C’est aussi ce sentiment de supériorité qui est à l’origine du génocide autochtone en amérique. Ce sentiment n’a pas disparu avec la reconnaissance de droits et la « réconciliation ». On a qu’à constater les sursauts de racisme populaire dès qu’une nation autochtone tente d’affirmer sa souveraineté ancestrale sur son territoire pour s’en convaincre. Des émeutes blanches durant la crise d’oka aux nehirowisiw aski en 2025, le québec est raciste et n’accepte pas l’autodétermination des autres peuples que lui-même. Le nationalisme québécois ne permet pas l’affirmation de l’Autre sur son territoire. Nous y reviendrons plus loin.

Tokébakicitte!

Le nationalisme est une pente glissante vers la haine de l’autre. Comme mentionné plus haut, l’existence d’une identité culturelle dominante est essentielle à la création des États-nations et lui sert de légitimation pour son emprise territoriale. Ce fut le cas depuis le XIXe siècle et tout au long du XXe et rien ne laisse présager qu’il en serait autrement avec la création d’un État québécois. Après tout, pourquoi vouloir se séparer du canada, si ce n’est parce que les québécoises seraient « différentes » au point de mériter leur propre État. C’est le principal argument – historiquement et jusqu’à nos jours – qui est utilisé pour justifier la nécessité de la souveraineté : la culture dominante sur le territoire du québec est différente de la culture du reste du pays. Donc, pour conserver sa légitimité, le projet souverainiste doit constamment réaffirmer la supériorité numérique de l’identité nationale québécoise sur le territoire.

Toute personne qui est le moindrement différente de la culture dominante est alors suspecte. On accuse les immigrantes de tous les maux de la société où iels choisissent de s’établir. Selon l’obsession médiatique du moment iels seront soit responsables de la crise du logement, de voler des emplois, d’amener la criminalité, de tuer la langue française, de corrompre la jeunesse ou carrément d’être des violeurs. C’est cette rhétorique qui alimente les débats sur les « accommodements raisonnables », la « charte des valeurs » et la « laïcité ». C’est ce qui pousse legault à dire qu’ »au québec, c’est comme ça qu’on vit » (sous-entendu : si t’es pas content t’as juste à crisser ton camp). L’aspect contradictoire de baser une supposée laïcité de l’État sur des valeurs judéo-chrétiennes ne semble pas déranger ceux qui en chantent les louanges. En fait la laïcité, avec sa fixation sur le voile des femmes musulmanes, sert de prétexte à l’islamophobie plus qu’autre chose. L’intolérance n’est pas une exception, c’est la norme du nationalisme. Cette rhétorique, répétée en boucle par les possédants et les médias de masse, mène tout droit aux crimes haineux et au génocide.

Dans les discours d’extrême-droite inspirés du nationalisme, l’immigration étrangère est vue comme une dissolution de l’identité dominante – en d’autres termes une perte de pouvoir. La nation est vue comme une entité à somme nulle : il y a « nous » et il y a « les autres ». S’il y a plus des uns, les autres ont moins de poids. Avec l’immigration, la culture dominante est menacée de perdre sa supériorité numérique, donc sa place dominante, selon la thèse absurde du « grand remplacement ». On comprend alors pourquoi les discours anti-immigration sont si populaires auprès des nationalistes. Nous allons même plus loin en affirmant qu’ils sont la conséquence logique de l’idéologie souverainiste, qui, rappelons-le, doit constamment réaffirmer la supériorité numérique d’une identité québécoise distincte pour justifier sa pertinence.

Historiquement, la nation canadienne-française, avec les encouragements du clergé catholique local, a utilisé une stratégie nataliste pour conserver sa supériorité numérique face aux vagues d’immigrations qui ont eu lieu après la conquête britannique. C’est ce qu’on a appelé la « revanche des berceaux ». La famille traditionnelle est vue comme le pilier de la nation. On entend encore parfois dans la bouche des nationalistes qui rêvent la nuit d’une grande table entourée d’enfants, la nécessité de « faire des bébés (blancs) » pour assurer la survie de la nation. Cette stratégie nataliste fait reposer le sort de la nation sur la fécondité et sur la capacité des femmes d’avoir plusieurs enfants, les enfermant dans le rôle de mère au foyer. On conçoit le corps des femmes comme un simple outil de natalité à des fins nationalistes, ce qui est profondément misogyne et patriarcal.

L’extrême-droite nationaliste a une fascination pour le passé. Elle trouve que c’était donc bien mieux dans l’ancien temps de ton arrière-arrière-grand-père il a défriché la terre, et qu’il faudrait revenir à ce passé disparu pour nous sauver de périls moraux imaginaires. Elle veut ramener les bonne vieilles valeurs traditionnelles : l’ordre, le travail, la religion, la famille, la patrie. « Make america great again » en est l’incarnation états-unienne. Au québec, la rébellion des patriotes de 1837-1838 exerce une attraction quasi-mystique sur les nationalistes et fait partie du mythe fondateur de la nation. Le maître à penser de l’extrême-droite québécoise est lionel groulx, prêtre, historien et pourriture notoire, dont l’œuvre principale s’intitule « notre maître le passé ». Encore là, le pont entre un nationalisme qui exalte l’héritage commun et l’extrême-droite qui fantasme sur la grandeur d’un passé perdu est facile à franchir. Heureusement que dans’ vie certaines choses refusent de changer.

Avec des mots d’ordre tel « blood and soil » (littéralement « sang et sol »), qui réclame la suprématie d’une « race » supposément supérieure et sa pureté de sang sur un territoire, l’extrême-droite fasciste est une excroissance de l’idéologie nationaliste qui promeut l’unité de la nation basée sur des caractéristiques communes dans un territoire défini. Le « québécois de souche » est l’expression par excellence de cette primauté de l’origine, d’un ancêtre commun, dans l’identité queb. Loin de nous l’idée de dire que tout indépendantiste est nécessairement un suprématiste blanc, mais il est primordial que les indépendantistes progressistes soient conscientes de cette pente glissante afin de rester du bon côté de l’histoire.

La poutine identitaire

Le nationalisme, tout comme son incarnation dans l’indépendantisme québécois, se base sur l’aspect subjectif de l’identité. C’est pourquoi la charge émotive est si grande par rapport à cette question. On fait appel aux sentiments des individus, ce qui explique la prévalence d’une vision romantique de l’indépendance. Ça montre également pourquoi le populisme peut reprendre aussi facilement la thématique à son compte; ils parlent le même langage, tirent sur les mêmes cordes sensibles. En focalisant l’attention sur les différences culturelles ou ethniques, le nationalisme détourne le débat des inégalités économiques et des luttes de classe.

Le PQ, parti véhicule par excellence de l’indépendance, est aujourd’hui entré de plein fouet dans la logique de l’extrême-droite populiste : peur de l’immigration, création d’ennemis fantasmés, panique morale, peur de la perte d’identité. Ce n’est pas surprenant, compte tenu de ce que nous venons d’exposer. Mais les indépendantistes de gauche devraient se poser cette question : « Jusqu’où suis-je prêt à abandonner mes idéaux, à trahir mes principes pour faire avancer l’indépendance? » Le projet du PQ est aujourd’hui celui qui a le plus de chance de se réaliser. Est-ce que c’est le projet que nous voulons? La question se pose : si un troisième référendum se fait sous ces conditions, accepterons-nous l’inacceptable au nom de l’indépendance?

Si le projet de la souveraineté à déjà été porté par des groupes de gauche et d’extrême-gauche, force est de constater qu’il joue maintenant le jeu de la droite identitaire. L’époque du FLQ est révolue. Les sociaux-démocrates ont tellement voulu s’éloigner de son héritage, qu’ils ont, de rené lévesque à gabriel nadeau-dubois, penché de plus en plus à droite et les populistes d’extrême-droite ont achevé d’enterrer son cadavre refroidi.

Tant que l’indépendance du québec sera placée avant les autres considérations politiques, les mouvement oui québec, les front pour l’indépendance nationale, les société st-machin-chose et autres « mouvement pour la pureté français », et les nouvelle-alliance de ce monde se trouveront dans le même camp, peu importe les prises de position antifascistes ou antiracistes des premiers. Pour arriver à son but ultime, la gauche indépendantiste pragmatique devra faire des compromis avec des idéologies réactionnaires. C’est ce qui donna naissance au PQ et c’est ce qui explique, en partie, le virage populiste et centriste de QS. C’est aussi ce qui permet à des podcasts supposément de gauche d’inviter mathieu cock-bôté à vomir son discours haineux à leur micro sans y voir de contradiction. Ce faisant, les indépendantistes légitiment les discours des pires raclures d’extrême-droite sous prétexte que LA cause commune primordiale est l’indépendance et que cette cause est plus importante qu’un quelconque projet de société cohérent.

Tant que les indépendantistes de gauche ne placeront pas la lutte au capitalisme dans une perspective anti-autoritaire et pour la justice sociale et climatique DEVANT la cause nationale, ça donnera des appels à voter pour le moindre mal – ironiquement la même stratégie que tous les libéraux ont adoptée depuis 50 ans. Choisir le moindre mal c’est encore choisir le mal et c’est souvent soutenir le pire. Qui plus est, même si un parti indépendantiste prend le pouvoir, ça donnera encore, après les mesures antisyndicales de lévesque et le déficit zéro de bouchard, les politiques anti-immigration de piss-pipi ou l’à-plat-ventrisme de QS. Rien qu’un troisième référendum pourrait nous faire pardonner.

Après être passé par différents stades : un républicanisme libéral avec les rébellions des patriotes, un conservatisme ultramontain avec le chanoine groulx, un libéralisme petit-bourgeois durant la révolution tranquille, puis l’extrême-gauche felquiste, et enfin la souveraineté-association des péquistes, la nouvelle version en vogue du nationalisme québécois se dit de centre-gauche : c’est le nationalisme civique.

Il ne s’agit plus de revendiquer le pays sur des bases ethniques ou linguistiques, mais simplement juridiques et géographiques. Les raisons principales avancées pour obtenir l’indépendance sont passées d’une oppression économique et culturelle par la bourgeoisie anglaise à un manque de représentativité dans la constitution canadienne. Ce néonationalisme prône l’égalité devant la loi (les droits individuels), la tolérance (le pluralisme) et la liberté (au sens libéral du terme) comme fondements moraux. La cause de l’indépendance dépasserait maintenant les questions identitaires et serait plus inclusive de la diversité qui compose le québec. Tout le monde peut faire partie de la belle et grande nation québécoise! C’est sans doute la solution qu’ont trouvée les souverainistes progressistes pour se donner bonne conscience au lendemain de la déclaration « malheureuse » de parizeau sur « l’argent et le vote ethnique » lors de la deuxième défaite référendaire. Il représente la profonde déconnexion entre les idéaux humanistes et universalistes d’un mouvement qui se veut inclusif et l’état actuel – fermement campé à droite – du nationalisme au québec.

Cependant ce néonationalisme n’est pas moins pire que le nationalisme identitaire. Ses beaux atours ne nous font pas oublier les caractéristiques intrinsèques à tout nationalisme, qu’il soit identitaire ou civique. De la « revanche des berceaux » au primat de l’immigration blanche francophone, se trouve la même volonté de conserver une identité nationale commune. Les tentatives d’élargissement et d’inclusion dans cette identité commune restent largement problématiques. Si on ne considère plus seulement le lieu d’origine – la « souche » – dans la définition de qui est québécoise, les identités qui dévieraient trop de la norme – qu’elle soit morale, culturelle ou économique – sont toujours ostracisées.

Le pluralisme est une illusion du libéralisme qui prône l’intégration de la diversité plutôt que son exclusion sans remettre en question l’hégémonie culturelle et morale de l’identité dominante. Sous prétexte de reconnaître la diversité, on n’en garde que des aspects superficiels – ceux qui ne contreviennent pas trop à la culture dominante – et on continue à pousser le narratif national. La figure de la « néo-québécoise » ainsi créée sert à la fois de légitimation et de repoussoir. De plus, les prétendues valeurs d’égalité et de liberté cachent les dominations qui existent toujours dans nos sociétés; par exemple, il est faux de dire que les femmes et les gays ne sont plus sous l’emprise du patriarcat et de l’hétéronormativité,    on a qu’à penser à la culture du viol, aux féminicides, à la montée de l’intolérance pour s’en convaincre. Le nationalisme civique est profondément hypocrite, sinon dissonant. Il reconduit une dynamique de domination autant au niveau culturel, que politique, qu’économique. Il n’est qu’une forme libérale du souverainisme qui centre son projet social autour d’un nouvel État-supposément-providence et non d’une critique fondamentale du rapport identitaire à la nation, ni des rapports de pouvoir capitalistes et coloniaux.

Un pays : la solution à quoi exactement?

Tu veux bâtir des cités idéales,
Détruis d’abord les monstruosités.
Gouvernements, casernes, cathédrales,
Qui sont pour nous autant d’absurdités.

Charles d’Avray, Le Triomphe de l’Anarchie, 1912.

Ni dieu, ni maître chez nous

Le projet d’indépendance du québec veut la création d’un nouvel État-nation sur le territoire de l’actuelle province de québec. Cela pose plusieurs problèmes que nous tenterons d’exposer dans les prochaines lignes. Premièrement, la souveraineté du québec ne règlerait en soi aucun problème social. « Se donner un pays, c’est la meilleure façon de transformer la société », peut-on lire dans la plateforme 2022 de QS. L’indépendance n’est plus vue comme une fin en soi, elle est devenue un moyen d’arriver à une meilleure société. De tous les enjeux politiques, socio-économiques, écologiques qui affectent nos sociétés actuelles, des guerres impérialistes aux ravages du colonialisme, de la crise du logement à la montée de l’intolérance, en passant par la répression, l’aliénation et l’exploitation des travailleuses, celui de la souveraineté du québec est loin en bas de la liste des plus urgents. Aux progressistes qui font de la souveraineté du québec leur implication principale, nous demandons : pourquoi lutter pour l’indépendance si ce qui vous touche ce sont des enjeux sociaux? Le projet de la souveraineté ne fait que rajouter une étape de plus (une étape qui dure depuis 60 ans) à l’atteinte de vos objectifs. Et il est loin d’être garanti que les gouvernements de cette nouvelle république s’attaqueraient réellement aux problèmes sociaux. Nous avons même toutes les raisons de croire qu’il n’y changerait absolument rien. Il y a de meilleurs moyens (que de se donner un pays) pour arriver à vos fins.

La constitution des États modernes a pu se faire à partir d’une accumulation de pouvoir et de capital. Sous l’impulsion de la bourgeoisie, ils s’érigent en ensembles législatifs contrôlant de vastes territoires au moyen d’armées puissantes et de systèmes de lois légitimant la propriété privée, l’expropriation et l’exploitation des terres et l’accumulation de capital. Quand on parle de créer un pays, on parle de créer un État, lequel est inévitablement basé sur ces mêmes fondements politico-juridiques qui permettent depuis des siècles la domination d’un petit groupe sur l’ensemble de la société et de la nature. Nous voyons mal en quoi ce processus serait émancipateur.

Par ailleurs, l’évolution historique du capitalisme vers ce que nous connaissons aujourd’hui a rendu obsolète l’État-nation en tant que forme politique. Les compagnies multinationales sont devenues plus puissantes que les États et peuvent dicter les politiques nationales à leur guise. Sans parler des pressions exercées par les organisations internationales comme le fmi et l’omc pour s’assurer que le néolibéralisme prévale partout. Les empires néocoloniaux n’ont plus besoin d’envahir militairement les territoires pour en contrôler l’économie, les ressources et virtuellement toute la classe politique. Il est devenu cliché d’affirmer que le vrai pouvoir n’est plus au parlement, mais c’est tout à fait juste. L’indépendance politique du québec dans ce contexte ne s’attaque pas à l’enjeu de fond de la toute-puissance du capital sur nos vies. Elle ne ferait que peinturer une façade bleue à une maison possédée du sous-sol au grenier par des banquiers.

Qui plus est, la souveraineté du québec n’est pas un projet d’émancipation populaire, c’est un projet porté par les élites. Nous ne parlons pas des militantes de terrain qui portent le projet, mais de celleux à qui l’indépendance profiterait réellement. C’est cette classe de parasites capitalistes qui profitera le plus des opportunités politiques ouvertes par l’indépendance. C’est elle aussi qui veut capitaliser et obtenir une meilleure place sur les marchés mondiaux. Tout comme le colon était l’idiot utile du colonisateur en faisant siens les intérêts des dominants pour se placer au-dessus du colonisé, autant l’indépendantiste joue le jeu des classes possédantes en promouvant un projet qui ne changerait rien à sa condition d’assujettissement. (Sur les notions de colonisateur colon colonisé, voir Deneault, 2020, p. 69 et suivantes) Ce nationalisme petit-bourgeois ne fait que réaffirmer la violence du capitalisme et de la propriété privée. Il est contraire aux intérêts du plus grand nombre. Gageons que la disparition d’un palier gouvernemental sera aussitôt comblée par une hausse de l’impôt pour la population générale, mais des congés fiscaux aux entreprises et investisseurs pour « attirer les capitaux ».

En plaçant des maîtres bien de chez nous au sommet de l’État, un québec indépendant serait censé mieux représenter l’expression de la volonté nationale. Mais la composition de la classe politique ne changera pas du jour au lendemain après la victoire du oui. Ce seront les mêmes opportunistes, les mêmes populistes, les mêmes millionnaires capitalistes qu’aujourd’hui qui seront à la tête du nouvel État. Les orientations politiques seront encore décidées derrière les portes closes des grands clubs privés. Faire confiance à une élite, aussi locale soit-elle, pour gérer la destinée d’un pays revient à faire confiance au loup pour garder la bergerie. Devrait-on faire davantage confiance à un milliardaire s’il parle français que s’il parle anglais? Au contraire, nous affirmons que la nationalité de ceux qui nous dominent ne change rien au fait qu’ils nous dominent!

« Avant l’indépendance, le leader incarnait en général les aspirations du peuple : indépendance, libertés publiques, dignité nationale. Mais, au lendemain de l’indépendance, loin d’incarner concrètement les besoins du peuple, loin de se faire le promoteur de la dignité réelle du peuple, celle qui passe par le pain, la terre et la remise du pays entre les mains sacrées du peuple, le leader va révéler sa fonction intime : être le président général de la société de profiteurs impatients de jouir que constitue la bourgeoise nationale. »

F. Fanon, Les damnées de la terre, 2002, p. 161.

Ni patrie, ni État…

C’est la nature même de l’État moderne qui est en cause ici. Son fonctionnement, sa bureaucratie, la représentativité comme forme démocratique, sa nature autoritaire, ses liens intrinsèques avec le capitalisme. Les États – tous les États – sont des outils du maintien des systèmes d’oppression et d’exploitation. L’État-providence a tenté de patcher les trous laissés par le capitalisme sauvage, puis le néolibéralisme en a fait des tranchées infranchissables. Le fascisme – celui du passé comme celui que nous connaissons à l’heure actuelle – quant à lui, n’est pas une anomalie de l’histoire, mais la nature autoritaire de l’État porté à ses conclusions tragiques. Même avec les meilleures intentions du monde, un parti progressiste, de gauche ou de centre-gauche qui prendrait – très hypothétiquement – le pouvoir, ne parviendrait jamais à changer la nature profonde de l’État. Comme le dit Murray Bookchin : « Fonder un État c’est donner le pouvoir à un dispositif centralisé, professionnel et bureaucrate qui exercent un monopole social de la violence institutionnalisée, notamment sous la forme de la police et de l’armée. » (M. Bookchin, La révolution à venir, 2022, p. 172) Est-ce vraiment ce que nous voulons comme projet d’émancipation?

En respectant le cadre de la légalité bourgeoise, c’est-à-dire en vertu des lois votées par ceux dont il faudrait s’affranchir, le projet souverainiste se condamne à n’avoir aucun impact. Chercher une reconnaissance institutionnelle (ou constitutionnelle) dans l’ordre existant contribue à lui donner une légitimité. Il est illusoire de vouloir s’affranchir sans remettre en question les fondements de notre asservissement.

Autant la notion de nation déshumanise les individus en les classant selon des caractéristiques supposées communes, ce qui leur enlève toute individualité et les transforme en citoyens anonymes seulement partie d’une masse informe, autant l’État disempower les collectivités et étouffe l’entraide horizontale en centralisant les pouvoirs et la légitimité d’action. La démocratie telle que conçue par l’État moderne ne représente en rien les intérêts réels du peuple.

Pour Abdullah Ocalan, dans ses principes du confédéralisme démocratique, l’État est en fait un frein à l’émancipation nationale :

« Le droit à l’autodétermination des peuples comprend le droit à un État propre. La fondation d’un État ne permet cependant pas d’augmenter la liberté d’un peuple, et le système des Nations Unies, fondé sur les États-nations, a démontré son inefficacité. Les États-nations se sont ainsi mis à représenter de sérieux obstacles face aux évolutions sociales. »

A. Ocalan, Confédéralisme démocratique, 2011, p. 35.

Ni québec, ni canada!

Oui, mais ici on a de bonnes valeurs, on aura un État à l’écoute du peuple, progressiste et écologiste. Vraiment? D’abord, à voir de quel côté la population vote et les sondages d’opinion plus décourageants les uns que les autres, on est en droit de demander comment l’État québécois serait tout à coup plus à gauche qu’actuellement. Ensuite, l’État n’est pas le garant de la liberté, de l’égalité et de la justice sociale. Il n’y a aucune raison de croire qu’une nouvelle entité étatique, peu importe sa forme, sera plus encline à régler les problèmes sociaux que ne l’est l’État actuel. Ni les programmes politiques de tous les partis indépendantistes confondus, ni la supposée nature plus sociale-démocrate des québécoises, ni la bonne volonté de sa classe politique ne garantissent que ça se passerait ainsi. L’État sera toujours du côté des possédants et un État québécois n’y ferait pas exception.

Même la nationalisation, vue comme l’ultime reprise en main du peuple sur les ressources et l’économie du territoire, ne sert en réalité que les dominants. Les sociétés nationalisées restent des corporations capitalistes, s’inscrivent dans la concurrence internationale et doivent respecter l’impératif du profit. La nationalisation des terres lorsqu’elle est faite par un État colonial ou national signifie « user de la loi pour s’approprier des terres qu’il s’agira de rendre disponibles ensuite aux grands propriétaires privés. » (Deneault, 2020, p. 143) La nationalisation n’est pas non plus la réappropriation par le peuple, mais l’accaparement par la machine étatique. Ce serait différent si on parlait de collectivisation.

Les arguments économiques avancés en faveur de la souveraineté du québec nous paraissent les plus faibles et les moins porteurs de sens. Un palier d’imposition de moins, c’est un projet de société qui fait rêver ça? La péréquation canadienne est injuste et le québec devrait pouvoir décider de ce qu’il fait avec 100% de ses revenus? Soit, mais pour ça, il faudrait sortir du capitalisme. On nous répète que l’indépendance économique permettrait au québec d’enfin faire ce qu’il veut de « ses » richesses. À en croire les indépendantistes de gauche, il suffirait de devenir un pays pour se transformer en utopie socialiste. Comme si le désinvestissement des services publics et les politiques d’austérité néolibérale n’avaient pas été mis en place par chacun des gouvernements québécois successifs depuis celui du PQ de lucien bouchard. Comme si un gouvernement indépendant n’allait pas reproduire le modèle extractiviste qui transforme la nature en marchandise et reconduire les accords de libre marché qui détruisent les communautés locales. Comme si le fait d’être indépendant changerait quoi que ce soit dans le primat de l’économie capitaliste sur la politique.

On cite aussi souvent l’exemple de la catalogne comme un cas similaire au québec. La catalogne a une population majoritairement plus riche que le reste de l’espagne et veut se séparer pour des raisons principalement économiques, pour ne plus « subventionner » le reste du pays. Est-il émancipateur de vouloir se séparer pour ces raisons? Dans le même ordre d’idée, on peut se demander si l’autodétermination des albertains, qui souhaiteraient créer un nouvel État pétrolier pour s’affranchir économiquement du canada, est un projet de société acceptable. Les arguments économiques pour l’indépendance du québec naviguent dans les mêmes contradictions.

Quant à l’argument selon lequel « un palier de moins de gouvernement, c’est un pas de plus vers l’autogestion populaire », qu’en supprimant la donnée fédérale de l’équation on aurait un gouvernement de moins à abolir et donc que le renversement révolutionnaire serait plus facilement atteignable, il nous paraît tellement risible qu’il serait superflu d’y répondre sérieusement. Créer une nouvelle « légitimité nationale », de nouvelles frontières et la nécessité de les défendre avec une nouvelle armée, de nouveaux appareils coercitifs et de nouvelles infrastructures bureaucratiques ne nous rapproche pas de la libération sociale.

Finalement, nous devons noter que le concept même de souveraineté n’est pas exempt de problématiques. D’abord, il implique une notion de contrôle sur un territoire : est souverain celui qui contrôle le territoire, ses richesses, ses ressources et les populations qui y circulent. Cela implique aussi un contrôle des frontières, des entrées et des sorties du territoire, autant des biens que des humains. La souveraineté d’une nation‑État peut légitimer la domination d’une majorité sur les minorités internes (autochtones, anglophones, immigrantes, etc.) Enfin, on se demande qui au juste est souverain. Est-ce que c’est le peuple, le gouvernement, la république? Dans le cas des États-nations, ceux qui possèdent le pouvoir sont les vrais souverains, pas la population, qui n’a que très peu de choses à dire dans la gestion politique.

La réponse à la montée au pouvoir des nationalistes états-uniens et leur descente dans le fascisme n’est certainement pas de leur opposer un autre nationalisme. De même, remplacer un nationalisme canadien par un nationalisme québécois ne change fondamentalement rien. Nous devons dépasser les clivages nationaux, nous débarrasser de l’État, de ses frontières, de sa police et du capitalisme, ensuite on pourra parler de liberté et d’égalité.

Quel peuple opprimé?

Si c’est ça l’Québec moderne
Ben moi j’mets mon drapeau en berne
Et j’emmerde tous les bouffons qui nous gouvernent

Les Cowboys Fringuant, En berne, 2002.

Nous who?

On ne peut nier l’existence d’une nation québécoise (blanche et francophone) ni même l’héritage culturel commun de la majorité de sa population. Cependant on peut se questionner sur les critères d’admissibilité à la nation mise de l’avant par les souverainistes, même à gauche. Est-ce qu’il suffit d’être née sur le territoire (et les nouvelles arrivantes?), de parler le français (et toutes les non-francophones qui sont nées ici?), de partager « les valeurs » québécoises (l’égalité homme-femme (mais pas non-binaire, ni trans), la famille nucléaire, la propriété privée, les chars et le hockey, et what about tout le monde pour qui les valeurs de la modernité occidentale ne sont pas le pinacle de l’universalisme), ou simplement de vivre sur le territoire du québec (les acadiennes et les francophones hors québec elleux, ne méritent-elles pas l’autodétermination également?). Dans les propositions contemporaines de la souveraineté québécoise, les critères sont tellement flous qu’on en perd la pertinence même du projet. On veut faire l’indépendance, mais pourquoi et pour qui?

Rudolph Rocker voit le nationalisme et la culture comme deux pôles incompatibles : le premier cherche à figer, uniformiser et instrumentaliser la culture au service du pouvoir, tandis que la seconde est en constante évolution et le produit d’une liberté collective et spontanée. (Rocker, 2008) En d’autres termes, la culture populaire émerge naturellement du bas vers le haut, alors que le nationalisme tente d’imposer des traits culturels du haut vers le bas. Pour protéger l’héritage culturel d’un peuple, il convient donc d’en finir avec la stagnation et la standardisation nationaliste et de laisser libre cours aux mélanges d’influences, à la diversité, aux expérimentations et à la créativité. En rassemblant tout le monde selon des critères communs, qu’importe leur contenu, le nationalisme nivelle et efface également les différences dans d’autres aspects de l’identité. Et ce sont toujours les dominants qui décident quels sont les critères communs; l’universalisme c’est pour les hommes blancs. (G. S. Coulthard, Peau rouge, masques blancs, 2018)

Pourtant, de par sa nature limitée et exclusive, la nation a des intérêts spécifiques qui entrent forcément en contradiction avec ceux d’autres groupes, qu’ils soient ou non inclus sur papier dans la définition de la nation. Comme nous l’avons vu plus haut, le nationalisme nécessite l’exclusion d’un autre; aucune nation ne représente l’humanité tout entière. C’est ainsi qu’en définissant la nation par les traits de la majorité, on exclue nécessairement des communautés minoritaires. (B. Anderson, L’imaginaire national : Réflexions sur l’origine et l’essor du nationalisme, 2002, p. 18)

La société québécoise, comme la plupart des sociétés contemporaines, surtout en occident, est très hétérogène. Même en régime soi-disant démocratique, toutes les voix discordantes peinent à se faire entendre. Dans les conditions actuelles, ce sont les voix dominantes qui dictent le ton de toutes les autres; l’intérêt des dominants se fait passer pour l’intérêt national. La culture québécoise est hégémonique sur le territoire, contrairement à la culture acadienne sur son territoire, par exemple. Mais même si – comme semblent le prophétiser bien des indépendantistes de gauche – la nation québécoise était coextensive à l’ensemble de la population dans toute sa diversité, des groupes s’en trouveraient quand même exclus dans les faits, leurs intérêts n’étant pas recoupés par l’intérêt national dominant ou entrant en contradiction avec celui-ci. C’est entre autres le cas des nations autochtones sur le territoire du soi-disant québec. (Coulthard, 2018) Laissons de côté ces questions pour l’instant et revenons à l’identité québécoise.

Bonjour, Hi : le complexe de la perte d’identité queb

Les articles de nouvelles sensationnalistes et les éditoriaux toujours plus alarmants autour de la perte de vitesse du français à tiohtià:ke nous rappellent périodiquement la fragilité de l’égo québécois. Ça fait 60 ans qu’on nous ramène les mêmes histoires et les mêmes statistiques pour réaffirmer que la langue française serait sur le point de disparaître à tout jamais. Mommy mommy, please tell me once again qu’on est sur le point de périr, ça nous donnera une bonne raison de se rassembler autour d’une cause commune. Rien de mieux qu’un péril annoncé pour fouetter les troupes. Quand ce ne sont pas les anglais au pouvoir à Ottawa, ce sont les immigrantes sans le sou en quête d’une vie meilleure.

Si 250 ans de règne anglophone et de tentatives d’assimilation n’ont pas effacé le fait français en amérique, se pourrait-il que la panique des puristes de la langue soit légèrement exagérée? L’hybridation, l’échange, la créolisation sont le destin normal des langues vivantes. Toute langue se transforme et s’adapte en empruntant à d’autres. Il ne devrait pas y avoir de concurrence entre les langues – et donc entre les groupes sociaux qui les parlent – mais bien une collaboration! C’est bin chill d’emprunter à d’autres langues pour coconstruire une langue parlée et se faire comprendre; c’est le propre d’une langue vivante et en mouvement, c’est le propre de toute culture humaine. Bécosse, boucane et crissement sont une couple de mots qui font la particularité de la parlure queb. Wesh, flex et slay le sont tout autant. (À ce sujet, voir le tract des Linguistes atterrées :Le français va très bien, merci, Gallimard, 2023)

Il y a depuis longtemps au québec un sentiment permanent de persécution et d’insécurité par rapport au reste du canada, aux anglophones dans la province et au reste du monde. Tout ce qui n’est pas de souche est vu comme une menace. Le multiculturalisme canadien : une conspiration pour noyer le français! Les vagues d’immigration symptomatiques du capitalisme globalisé : des invasions barbares, de véritables périls civilisationnels! Une personnalité publique qui ne parle pas français : une tentative d’assimilation, Speak White! Les québécois seraient victimes de racisme, un peuple asservi et colonisé, le punching bag du canada, dont le sport national serait le quebec-bashing.

S’il pouvait y avoir une réelle distance raciale et de classe socio-économique entre canadiennes-françaises et anglophones de descendance britannique avant les années 1960, cette distance s’est depuis estompée. Nous avons assisté au développement de ce qu’on a appelé le « québec.inc« , le transfert des capitaux vers des poches francophones, l’élargissement d’une bourgeoisie locale et son enrichissement démesuré. Cependant, l’émergence d’une classe capitaliste québécoise n’a pas réglé les problèmes du capitalisme, elle les a envenimés. Bien que le niveau de vie de la majorité ait augmenté avec l’État-providence et malgré l’élargissement de la soi-disant classe moyenne, les inégalités économiques n’ont jamais été aussi flagrantes depuis la disparition du féodalisme. Pour nous, il s’agit de problèmes bien plus pressants à régler que la question de la souveraineté du québec – et qui ne se règleront pas avec celle-ci.

Il n’est certainement pas anodin que le chef de fil du quebec.inc, pierre karl péladeau, le PDG de la plus grosse entreprise médiatique au pays, ait ouvertement des allégeances souverainistes et ait même été – pour une misérable période de moins d’un an – le chef suprême du PQ. Le poids de la machine québécor à sans l’ombre d’un doute aidé au retour en force du nationalisme québécois dans la sphère publique ces dernières années. On oppose souvent PKP à son alter ego fédéraliste libéral paul desmarais, propriétaire de power corporation, qui possède entre autre le quotidien la presse. Mais nous avons de la difficultéà voir en quoi le premier serait mieux que l’autre; pourquoi en somme, ce serait moins pire de se faire donner un coup de matraque en français qu’un coup de bâton en anglais. PKP ne représente pas les intérêts des québécoises, il représente les intérêts des milliardaires.

Peu importe la définition qu’on lui donne aujourd’hui, le québec n’est plus un peuple opprimé, ni au plan économique, ni au plan racial, ni au plan culturel. Économiquement, il fait partie des pays dits « développés » et sa population est parmi les plus riches au monde. En tant qu’occidentale, même la classe prolétaire québécoise profite à certains égards des ravages engendrés par le système capitaliste mondial. (Voir J. Sakai, Settlers: The Mythology of the White Proletariat, 2014) Le québec, même en tant que province d’un plus vaste État, occupe une bonne place près du sommet sur l’échiquier économique mondial. La population du québec est aussi une population privilégiée au niveau social et culturel, si on la compare à d’autres dans le monde. Elle est majoritairement blanche, elle parle majoritairement le français, une langue coloniale. Est-ce que c’est ça qu’on veut mettre de l’avant dans l’affirmation identitaire de la nation?

De la sauce brune aux chemises brunes

Si l’on considère que le racisme anti-blanc n’existe pas dans nos sociétés basées sur la suprématie blanche, parce que structurellement, les blancs profitent toujours du système en place (C. W. Mills, The racial contract, 1997) alors peut-on parler de racisme anti-québécois? Bien sûr le racisme envers des populations aujourd’hui considérées comme blanches a déjà existé, par exemple avec les irlandaises et les immigrantes italiennes. Le processus de racialisation est une construction sociale qui catégorise des groupes sociaux en leur assignant une « race » et rend ainsi possibles l’exclusion et la domination sur la base de cette appartenance. Les populations issues de l’immigration irlandaise et italienne qui étaient racialisées à leur arrivée sont progressivement « devenues blanches » en amérique du nord, mais dans une certaine mesure, il existe encore des parties du monde où des personnes blanches sont marginalisées et discriminées. Ce n’est certainement plus le cas des québécoises dans l’état actuel de la fédération canadienne.

Nous laissons à d’autres le soin de décortiquer le caractère hautement problématique des revendications indépendantistes comme quoi les québécoises seraient des « N* blancs d’amérique », selon l’expression de pierre vallières et nous nous contenterons de dire que si l’appartenance à la nation canadienne-française, à la religion catholique, ou le fait de parler français en amérique du nord étaient jadis des facteurs de pauvreté, d’exclusion et de discrimination, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Le racisme systémique présent dans les institutions québécoises témoigne du renversement du fardeau; de peuple opprimé, les québécoises sont passées au statut d’oppresseur.

Nous l’avons mentionné plus haut, la nation est une communauté imaginée qui tente de regrouper une masse d’individus selon des caractéristiques communes. Dans le cas où ces caractéristiques placent celleux qui les possèdent dans une position avantageuse dans les systèmes de domination, peut-on vraiment voir la lutte de libération nationale comme émancipatrice? Selon nous elle se rapproche davantage d’une lutte pour conserver le pouvoir et pour perpétuer les privilèges. Donc dans le camp conservateur, voire réactionnaire.

Grâce au développement économique de la société québécoise et au québec.inc, on est passé d’un complexe d’infériorité – ce syndrome du porteur d’eau né pour un petit pain – à la peur de l’immigration et au racisme systémique. On peut ainsi parler du nationalisme québécois actuel comme d’une forme de suprématisme blanc : être fier de sa nation, quand on est blanc et en position de domination, c’est du white pride et rien d’autre. Loin de nous l’idée de tomber dans le white guilt, mais tout comme il ne devrait y avoir de straight pride légitime, faire partie d’une identité nationale dominante ne devrait pas être une source de fierté outre la revendication d’appartenance. Il est normal d’être attaché à sa propre culture et là d’où l’on vient, mais quand le nationalisme s’en empare, ça devient obsessionnel et dogmatique; on mythifie son passé glorieux, on considère sa patrie comme meilleure que celle des autres, et ça, c’est hautement problématique. (Rocker, 2008)

La question anticoloniale

Di yaayam di baayam di léép
Loo xamné maanaam warnakaa
Mana doon adunabi yaye nii la taaroo

Les Colocs, Paysages, 2001.

Je me souviens, moi non plus

Les définitions générales du concept de nation et de l’idéologie nationaliste dont nous avons tracé en début de texte les grandes lignes s’appliquent évidemment à leurs équivalents canadiens et québécois. La fondation de la nation québécoise a passé par les mêmes étapes et nécessité la même vigueur dans la création d’un imaginaire commun. L’État fédéral canadien a élaboré une véritable réécriture de l’histoire pour arriver à la construction du récit national. (J. Green, Autodétermination, citoyenneté et fédéralisme : pour une relecture autochtone du palimpseste canadien, 2004, p. 9‑32) Mais l’État québécois, au moins depuis duplessis, a lui aussi grandement contribué à un sentiment national spécifiquement québécois. Cet imaginaire implique l’innocence des québécois face au génocide autochtone et le sentiment d’oppression historique face aux conquérants anglais. (J. Grandmont, L’innocence québécoise, 2023)

L’histoire qui est racontée aux enfants québécoises sur les origines de la nation est quelque peu romancée pour la faire coïncider avec le narratif national. L’arrivée des colons français en nouvelle-france a déstabilisé l’équilibre des pouvoirs dans la région. (Deneault, 2020, p. 39) Le mythe selon lequel les français étaient « plus gentils » avec les autochtones que les britanniques ne se fonde que sur le nombre de guerres et d’alliances politiques et non sur les relations qui avaient réellement lieu entre les deux peuples. Les colons français n’étaient pas moins racistes, n’ont pas moins contribué à l’extermination des autochtones, iels n’ont pas été moins complices des violences coloniales.

Également constituantes du narratif national québécois se trouvent les deux grandes défaites historiques : celle de l’armée coloniale française aux mains de l’armée anglaise sur les plaines d’abraham en 1759 et celle des rébellions patriotes de 1837-1838. Ces deux événements historiques sont racontés encore aujourd’hui comme des défaites du « nous » envers une puissance conquérante. Il s’agit encore là de mythes fondateurs pratiques pour illustrer la persécution et l’oppression de la nation québécoise face à l’envahisseur britannique. Non seulement le peuple canadien-français de l’époque n’a plus grand-chose à voir avec le peuple québécois d’aujourd’hui, mais le formuler en ces termes contribue à faire oublier que la france était aussi une puissance impériale envahissante sur ce territoire. Comme le dit Alain Deneault, le colon canadien-français « ne s’est pas, lui, fait voler un monde, il a plutôt été frustré de ne pas pouvoir créer le sien à la place du colonisateur. » (Deneault, 2020, p. 66)

Le mythe du vaillant pionnier qui défriche la terre, du bûcheron acharné à l’ouvrage ou celui du courageux coureur des bois qui explore le territoire, en sont d’autres exemples. Ils se fondent cependant sur une réalité historique : les colonisateurs se sont approprié et ont transformé le territoire aux fins de son exploitation, avec une idéologie basée sur la domination de la nature.

La constitution de la nation québécoise, comme celle de toutes les nations issues du colonialisme d’occupation, a nécessité une réorganisation et un peuplement intensif du territoire. Plusieurs vagues de colonisation « interne », blanche et francophone, ont lieu au courant du XIXe et début du XXe siècle, amenant les colons à s’établir dans l’arrière-pays et les régions plus éloignées du québec. Cette migration interne est vue comme une façon pour les canadiens-français de conserver leur langue et leur culture en s’éloignant de l’immigration anglophone qui s’installe dans les villes. C’est la continuité de la stratégie de la survivance basée sur l’enfantement massif, dont nous avons parlé plus haut. Les élites cléricales y jouent tout autant un rôle, en encourageant le développement de la nation par l’exploitation et la transformation des ressources naturelles présentes sur le territoire. (Grandmont, 2023, p. 21-24)

La dernière vague remonte d’ailleurs aux années 1920 en abitibi. Le gouvernement, avec l’aide du clergé, incite les québécoises à se rendre en masse dans ce territoire alors considéré comme « vierge » afin de le peupler de bons catholiques travaillant et le faire entrer dans la « civilisation ». Le boom minier et l’extractivisme débridé qui l’accompagne y sont bien sûr pour beaucoup dans cette colonisation. Les villes sont construites autour des mines et appartiennent aux minières, tout comme le sous-sol d’ailleurs. (Deneault, 2020, p. 136-137) Mais comme on le sait, les territoires n’étaient pas « vacants », la colonisation et l’extraction des ressources a impliqué l’assimilation et le déplacement des communautés autochtones présentes.

Charles W. Mills dans Le contrat racial, développe le concept de « l’ignorance blanche » : une façon de se dédouaner des atrocités qui ont permis à l’ordre actuel d’exister et d’invalider les oppressions qui en découlent. En s’appropriant le statut de « colonisé », en se mettant debout au devant de la scène, clamant son innocence et criant à sa propre persécution, l’indépendantiste québécois cache le vrai colonisé : l’autochtone. Passant sous silence l’appropriation, l’exploitation du territoire, l’assimilation et l’exclusion des communautés qui y vivent. 

L’histoire officielle passe aussi sous silence le racisme dont les communautés noires ont été victimes, (voir M. Aurélien & T. Rutland, Il fallait se défendre: l’histoire du premier gang de rue haïtien à Montréal, Mémoire d’encrier, 2023) l’antisémite et le racisme envers les communautés immigrantes qui ont pourtant contribué à bâtir le québec d’aujourd’hui, sans parler de l’islamophobie rampante dans la société québécoise depuis les dernières décennies. Le mythe de la nation québécoise accueillante et bienveillante doit être revu à la lumière de ces faits d’armes peu glorieux.

L’histoire coloniale n’est pas terminée, nous avons les deux pieds en plein dedans. Et si les québécoises ne jouent plus le rôle des colonisées depuis longtemps, iels jouent encore le rôle de colons. Iels jouissent des privilèges que leur accorde ce statut, peu importe leur bonne volonté. (A. Memmi, Portrait du Colonisé, 1957) L’ignorance blanche en construisant un narratif alternatif du passé permet de déculpabiliser le colon face à ses privilèges, de lui enlever la responsabilité et l’innocenter des crimes du colonialisme et du racisme, qui ont toujours court de nos jours.

Autre exemple du caractère colonial de la construction de la nation québécoise : la nationalisation de l’hydro-électricité est aujourd’hui considérée comme une étape déterminante dans l’acquisition du québec de sa conscience nationale, de son émancipation économique et de son affirmation politique – enfin maître chez nous! Comment ne pas y voir une invisibilisation des peuples autochtones quand on associe l’émancipation nationale à l’appropriation et l’exploitation du territoire qui était le leur? (Grandmont, 2023, p. 35-36) Les discours progressistes dépeignant hydro-québec comme une entreprise d’État écoresponsable, démocratique, économiquement profitable, appartenant à tout le monde, etc., occultent le caractère colonialiste de la nationalisation. On voit ici directement à l’oeuvre l’ignorance blanche dont nous parlions plus haut.

La nation québécoise contemporaine (jadis canadienne-française) est l’héritière du processus de colonisation dont nous venons de dresser le portrait. Au nom d’une stratégie de résistance et de survivance face à la conquête britannique, elle s’est accaparé les terres des peuples autochtones et les revendique comme sienne. Elle a naturalisé son occupation du territoire et invisibilisé les usages et les vies qui y avaient déjà cours. Mais contrairement à d’autres endroits dans le monde, comme l’algérie ou l’indochine, les peuples autochtones sur place avant l’arrivée des colons n’ont pas réussi à les expulser pour obtenir leur indépendance. Et c’est ironiquement à ces mouvements de décolonisation que se réfèrent les indépendantistes québécoises lorsqu’iels se cherchent des modèles de luttes de libérations nationales.

Les colons irrités

Les mouvements de libération nationaux ont connu deux grandes phases distinctes au cours de l’histoire. Un premier moment de lutte pour l’indépendance a lieu au début du XIXe siècle, surtout sur les continents américains, avec les précurseurs de la guerre d’indépendance états-unienne (1775-1783) et de la révolution haïtienne (1791-1804). Cette première phase est marquée par le retrait graduel des puissances européennes, mais ne signifie pas la fin du colonialisme. Les métropoles se tournent vers l’asie et l’afrique et enclenchent une deuxième vague de colonisation internationale. (R. Lughari, Histoire du colonialisme, 1964)

Le second moment est celui des luttes de libération nationale de ces plus jeunes colonies. Ces luttes mènent à des déclarations d’indépendance dès le lendemain de la seconde guerre mondiale, mais connaissent une forte hausse durant les années 1950-1960 et jusqu’au tournant des années 1970. Elles sont souvent caractérisées par un soutien populaire massif et une résistance armée contre les puissances coloniales envahissantes. Ce sont les luttes de libération des pays dits du tiers-monde (on dirait aujourd’hui du sud global) et le mouvement anticolonial à proprement parler, dont un des moments forts est la conférence de bandung en 1955.

L’indépendantisme québécois des années 1960 est fortement influencé par ces mouvements et encore aujourd’hui on entend souvent la comparaison entre le québec et d’anciens États coloniaux. Mais le québec n’est ni l’algérie ni le vietnam. Le québec n’est pas non plus l’irlande et certainement pas la palestine. Le projet de la souveraineté du québec est différent des mouvements de libération anticoloniaux pour les raisons que nous avons exposées plus haut. Le nationalisme québécois est blanc et colonial – oui, même avec son branding woke – et la nation québécoise n’est pas une classe subalterne au sens où l’entendent les penseures des théories postcoloniales.

D’autre part, même lorsque la lutte pour l’indépendance nationale est légitime d’un point de vue anticolonial et anti-impérialiste, elle n’est pas garante en soi de changements sociaux positifs. La gauche et l’extrême-gauche occidentale de l’époque appuient presque inconditionnellement ces luttes, car l’importance stratégique qui leur est accordée – au nom de la lutte à l’impérialisme – dépasse les considérations sur leur contenu politique concret. Au-delà de la libération nationale, quels projets de société portent-elles, par quel type de régimes souhaitent telles remplacer les États coloniaux, quelles formes les structures des organisations qui mènent la lutte prennent-elles? Si des soulèvements populaires influencés par le socialisme participent à chasser les anciens régimes coloniaux, les nouveaux États nationaux qui les remplacent portent plus souvent qu’autrement le sceau de l’autoritarisme. (pas surprenant venant de partis communistes autoritaires direz-vous, certes.) La gauche radicale québécoise ne faisant pas exception, elle donne à l’époque son soutien indéfectible à des régimes autoritaires, comme ceux de mao, de castro, ou de kadhafi, au nom de l’anti-impérialisme. Pour les anarchistes cependant, cet appui est problématique. Fredy Perlman considère que le nationalisme n’est pas l’antidote à l’impérialisme, mais qu’il en est au contraire la cause. Remettant sur leurs pieds les mots du camarade lénine, le nationalisme est pour lui le stade suprême du capitalisme. (Perlman, 1984, p. 2-3)

Après l’indépendance, si ce n’est pas la gauche autoritaire qui prend le pouvoir, c’est la nouvelle élite nationale qui installe un régime néolibéral. La bourgeoisie locale s’approprie les postes de décisions et les leviers économiques, mais n’hésite pas à collaborer avec les multinationales étrangères et les gouvernements des anciens pouvoirs coloniaux pour s’en mettre plein les poches. L’anticolonialisme devient alors néocolonialisme; les peuples sont encore opprimés et exploités, l’indépendance n’ayant fait que rajouter l’intermédiaire d’une classe dirigeante locale. (Fanon, 2002, p. 151)

Citons encore Murray Bookchin, car il pose la problématique mieux que nous ne pourrions le faire :

« Présenté comme une libération nationale, le nationalisme engageait rarement de changements sociaux majeurs, ignorants même la nécessité de le faire. […] Pour nombre de luttes de libération nationale, la victoire n’a signifié que l’établissement d’un régime étatique indépendant, mais paradoxalement, tout aussi soumis aux forces du capitalisme international que l’étaient les vieux empires. »

Bookchin, 2022, p. 189 et 192.

Ces arguments rejoignent ceux mentionnés plus haut à propos de la forme que prendrait le nouveau régime national et nous rappellent la nécessité de ne pas placer la volonté de souveraineté devant la volonté de combattre les (autres) systèmes d’oppression.

« To value collective livingness, to touch and know life fully, to know life that is not in some way predicated on and subsidized by the suffering of another: I suspect that this is what liberation is. »

R. Maynard & L. B. Simpson, Rehearsals for Living, 2022, p. 250.

Land back tabarnak

Selon les critères que nous venons d’énoncer, le nationalisme autochtone est une lutte décoloniale légitime. L’affirmation de la souveraineté territoriale autochtone n’est évidemment pas une revendication coloniale. Le nationalisme afro-américain (Black nationalism) peut aussi l’être en ce qu’il revendique l’émancipation des noires en tant que peuple opprimé par le suprématisme blanc. On ne peut pas en dire autant du souverainisme québécois. Notons aussi que ces luttes ne sont pas orientées vers la création d’un État-nation et portent des conceptions différentes de la nation. C’est pourquoi on ne peut pas tracer de parallèle entre toutes les luttes de libération nationale. Un souverainisme québécois anticolonial est une contradiction dans les termes.

Pendant longtemps la politique canadienne (et québécoise) a été ouvertement assimilationniste. Aujourd’hui elle est officiellement dans la « réconciliation » et la « reconnaissance », mais dans les faits, sur le terrain, dans leurs expériences et leurs conditions matérielles d’existence, les peuples autochtones sont encore victimes du colonialisme. (Coulthard, 2018) Qu’une compagnie pétrolière bien de chez nous fasse une reconnaissance territoriale symbolique avant d’entreprendre ses activités de saccage du territoire ne change rien au fait qu’elle participe au néocolonialisme. Aucune bonne intention ni vœu pieux ne changera ce fait : nous sommes sur des terres volés

Les indépendantistes veulent un québec libre, mais libre de quoi? Pour qui? Le désir de posséder le territoire est profondément problématique et ancré dans une vision capitaliste, coloniale, patriarcale et dominatrice de la nature. On ne possède pas un territoire, on y vit. Les ressources qui s’y trouvent ne sont pas des possessions qu’on pourrait contrôler. Elles n’appartiennent à personne. Un québec réellement libre serait débarrassé des rapports de pouvoirs constitutifs de nos sociétés actuelles et sans une remise en question complète de ces rapports de pouvoir, on ne peut pas prétendre à la libération.

Il est essentiel de déboulonner un autre mythe tenace de l’identité québécoise : celui du métissage. Si le sang des premières nations et celui des colons se sont bel et bien mêlés durant la longue histoire des colonies en amérique du nord, spécialement au nord du canada dans ce qu’on appelle aujourd’hui le manitoba, il est faux de dire que toutes les québécoises ont un ancêtre autochtone, comme on l’entend parfois. Cette vision romancée du passé colonial sert aujourd’hui à justifier un racisme à peine déguisé et à affirmer qu’en fait les nations autochtones et la nation québécoise auraient plus en commun et donc des intérêts qui seraient compatibles. Nous voyons un lien de filiation direct entre ce mythe du métissage et la vision de la nation comme diverse et multiculturelle qu’ont de nos jours les nationalistes civiques. Sous prétexte de « parler au nom de tout le monde » la culture dominante impose ses intérêts, qui en réalité sont incompatibles avec ceux des groupes marginalisés. Le melting pot qu’on essaie de nous vendre recouvre mal l’héritage colonial, raciste et génocidaire encore présent au québec. Sans parler des « métis de l’est », cette nation créée de toute pièce par des blanches pour profiter des failles du système colonial en s’appropriant littéralement la culture et l’identité autochtone.

Le racisme systémique et le racisme ordinaire au québec ne disparaitront pas au lendemain d’une victoire du oui. Il faut d’abord lutter contre ces fléaux avant de pouvoir prétendre avoir un mouvement réellement porteur de liberté et d’égalité. La souveraineté ne peut être un projet d’émancipation populaire que si elle redonne la pleine souveraineté aux peuples d’origine de ce territoire, ce qui contredit sa raison d’être même. Soit on est souverainiste, soit on est anticolonialiste.

Interdépendance mutuelle et solidarité entre les peuples

Je n’aime pas le lys, je n’aime pas la croix
Une est pour les curés, et l’autre est pour les rois
Si j’aime ce pays, la terre qui m’a vu naître
Je ne veux pas de dieu, je ne veux pas de maître

Corrigan Fest, Je suis fils, 2007.

Précisons en terminant que nous ne sommes pas contre l’autodétermination des peuples, ni la libération nationale, ni la diversité culturelle, peu importe la nation en question. Au contraire, nous croyons qu’il est fondamental pour toute population de décider elle-même de son destin. Nous réaffirmons fermement le mot d’ordre « tout le pouvoir au peuple »! C’est pourquoi nous réitérons que ce n’est pas en passant par l’État qu’on atteindra la libération, c’est en abolissant les structures oppressives – dont l’État et le capital sont les plus prégnantes. De même, si nous n’avons pas la solution à la crise du sujet révolutionnaire que traverse la gauche depuis 50 ans – ce serait soit la classe, soit le peuple, soit l’individu lui-même, soit la multitude, ou d’autres variantes encore – nous pouvons sans hésitation affirmer que ce n’est certainement pas la nation, et surtout pas dans une nation occidentale privilégiée. Ce n’est pas dans la nationalité qu’il faut chercher la fierté et l’espoir nécessaire à notre affranchissement commun.

Précisons également que nous n’avons pas trouvé la recette magique pour régler tous les problèmes sociaux. Nous formulons humblement des critiques informées par une lecture historique et conjoncturelle, notre sens éthique et nos convictions politiques. Nous voulons ici donner quelques pistes de réflexion qui peuvent mener à l’action, mais nous n’avons pas la prétention d’indiquer la seule bonne voie à suivre. Si nous nous trouvons résolument dans le camp de celleux qui souhaitent voir un renversement total des systèmes de domination, nous pensons que toute action qui vise la libération collective, tout acte de résistance contre l’oppression, est justifiée.

***

Alors, l’indépendantisme peut-il être un projet de libération? Il est révélateur de constater que, sauf en de rares exceptions, les gauches, autant socialistes que sociales-démocrates ou anarchistes, considéraient le nationalisme et la question nationale comme des enjeux réactionnaires et ne s’y intéressait que très peu avant la deuxième moitié du XXe siècle. En effet, tout au long du XIXe siècle, le nationalisme reste majoritairement l’apanage des classes dirigeantes européennes et n’est mobilisé dans la population que dans une visée conservatrice ou réactionnaire. Ce n’est qu’après la deuxième guerre mondiale – apogée du nationalisme de droite s’il en est – avec les mouvements anticolonialistes et tiers-mondistes, que le nationalisme commence à être porté par la population dans un but émancipateur.

Pour qu’une lutte sociale soit progressiste et libératrice, il importe d’avoir un projet qui s’attaque aux sources des inégalités et améliore les conditions d’une population opprimée tout en ne reproduisant pas ces oppressions sur d’autres groupes. Le projet devrait aussi viser sinon l’abolition, du moins un affaiblissement des hiérarchies et viser la construction de relations plus horizontales, solidaires et dépourvues de rapport de pouvoir.

Il peut aussi être utile pour juger la légitimité d’une lutte, de regarder aux côtés de qui on s’engage et contre qui on combat. Est-ce que nos alliés sont des groupes autoritaires et intolérants? Est-ce qu’iels sont en position de force ou de vulnérabilité, opprimées ou dominantes dans les rapports sociaux? Sur quelles bases nous rassemblons-nous? Quelles sont les sources de conflictualités et d’antagonismes à l’origine de nos luttes? Qu’est-ce qui sépare le « nous » des « autres »?

La pertinence du projet d’indépendance du québec doit être jugée dans le contenu de ses propositions non seulement au plan politique, mais également au plan social, économique et éthique. Or, il ne contient pas de critique du mode de vie capitaliste, des rapports de pouvoirs ou des rapports de production et ne cherche pas à transformer radicalement la société. Viser l’émancipation d’un peuple sans contester les conditions et les structures qui ont créé son oppression ne peut que reproduire d’autres oppressions. La nation québécoise s’est construite sur l’appropriation et la destruction des habitats naturels, le génocide autochtone, l’exploitation capitaliste des travailleurs et sur une structure patriarcale de domination. Ces traits ne sont pas qu’historiques, ils sont toujours présents et constitutifs de la nation québécoise encore aujourd’hui. La libération sociale doit être au cœur du projet de libération nationale, sinon il n’est qu’un mouvement soit réactionnaire, soit inutile. Le mouvement indépendantiste doit non seulement en être conscient, mais se positionner explicitement et fermement pour l’abolition de ces structures de pouvoirs et renouveler constamment cette prise de position, s’il veut prétendre être encore dans le camp de la libération. Il doit être critique du nationalisme majoritaire qui puise dans les discours traditionalistes, xénophobes et anti-immigration, rejeter ces discours et replacer l’antagonisme de classe et l’opposition à toute forme d’oppression au cœur de sa lutte. Il doit être sans concession dans son positionnement éthique contre le racisme, le capitalisme, le patriarcat et la domination. 

Cela implique aussi non pas de nier le conflit, mais de définir différemment et consciencieusement nos ennemis. Un millionnaire de westmount n’est pas notre ennemi parce qu’il refuse de parler français ou de voter « oui » au référendum, il est notre ennemi parce qu’il participe activement à la reproduction de l’ordre établi et à la domination du capital sur tout ce qui existe. Plus encore, notre ennemi est le système lui-même et non quelques individus qui le représenteraient. Tant que ce système sera en place, nous ne pourrons être réellement libres.

Précisons aussi qu’en tant que blanches, colons, personnes privilégiées, il ne nous revient pas de décider la direction que prendrons les luttes de libération antiracistes et anticoloniales – tout comme il ne revient pas aux hommes cisgenres de décider la direction des luttes féministes ou queers. Il est cependant nécessaire d’abandonner la posture d’innocence qui nous déresponsabilise, de se positionner aux côté de nos adelphes en lutte et d’agir au mieux de nos capacités pour les soutenir face à l’oppression et la répression. La meilleure posture que nous pouvons adopter en tant que québécoises (qui plus est jeunes, blanches, de classe moyenne, etc.) est une posture d’humilité et d’écoute, mais également d’attaque et de mise en jeu directe de nos corps dans les luttes de libération. (Indigenous Action, Accomplices Not Allies: Abolishing the Ally Industrial Complex, 2014)

Les soulèvements zapatiste au chiapas et kurde au rojava sont des exemples contemporains de luttes de libération qui revendiquent à la fois la protection d’identités culturelles et l’autonomie collective en plus de la solidarité internationale, tout en adoptant des principes et des pratiques décentralisées, anti-autoritaires et horizontales ainsi qu’une remise en question radicale de l’État, du capitalisme, du colonialisme et des structures de domination. Ils offrent des modèles concrets de résistance qui vont bien au‑delà de la simple revendication d’un État‑nation. Une lutte de libération au québec pourrait s’en inspirer au niveau politique et tactique en établissant dès maintenant des structures de décisions alternatives, des assemblées populaires coordonnées entre elles au sein de fédérations autonomes ou des réseaux de coopération et d’entraide. Loin d’être des utopies irréalisables, ces objectifs sont atteignables si on s’organise collectivement. On ne devrait pas se limiter à l’indépendance politique comme horizon des possibles sous prétexte qu’elle serait plus pragmatique.

Le militantisme peut passer par tellement de chemins qu’il nous paraît dérisoire de ne s’intéresser qu’à l’indépendance nationale dans ses engagements politiques. Des groupes existent déjà à Montréal, qui luttent sur divers enjeux concrets, s’organisent de façon horizontale, portent en eux les germes d’une société meilleure et obtiennent des gains réels ici et maintenant. Pour n’en nommer que quelques-uns, le SLAM, le FLIP et Grève Tiohtià’ke, sur les enjeux du logement; le Pink Bloc, Front Rose et la FAGS, sur les enjeux queers; Rage Climatique, les Soulèvements du Fleuve et Justice Climatique Montréal autour de l’écologie; Désinvestir pour la Palestine, le PASC, Solidarité sans Frontières pour les enjeux de solidarité internationale, nommons aussi la CLAC, Montréal Anifasciste, l’IWW et bien sûr l’ORA. Cette liste est loin d’être exhaustive, mais démontre la pléthore de lieu d’organisation qui existe si l’envie de vous impliquer dans une cause sociale vous venait.

***

Le nationalisme a émergé au moment où le sentiment de communauté s’effritait, voir disparaissait complètement sous l’effet du capitalisme. C’est une réponse erronée à des problèmes de perte de sens bien réels. Nous devons nous efforcer de rebâtir ce sentiment de communauté, non pas en le basant sur la nation, mais sur des sentiments d’appartenance directement vécus par les êtres humains; au niveau de leur expérience quotidienne, de leur quartier, de leur travail, de leurs conditions matérielles partagées et à l’échelle humaine. L’implication politique dans un des groupes nommés précédemment peut remplir à la fois le besoin de faire sens dans le monde dégueulasse où nous vivons et le besoin de communauté. Nous devons également faire appel aux expériences universellement partagées par l’humanité : l’appartenance à une totalité, à l’espèce humaine toute entière, au règne du vivant, et le fait d’habiter sur une planète en pleine crise climatique.

L’identité nationale, qu’elle soit raciale, linguistique ou religieuse, est une conception politique qui a fait son temps. Si les revendications basées sur l’identité territoriale peuvent encore être porteuses d’émancipation, les identités nationales sont presque toujours mobilisées dans un but réactionnaire et appartiennent résolument à la droite, voire l’extrême-droite du spectre politique. Pour des gens qui veulent un changement social émancipateur, qu’ils soient révolutionnaires ou réformistes, l’identité nationale n’est peut-être pas la façon la plus pertinente de s’inscrire dans le champ politique au XXIe siècle. Voir le monde sous la lentille du nationalisme c’est évoquer des traditions comme vision de l’avenir. Nous nous devons de faire évoluer nos conceptions pour rendre le concept de nation, tout comme celui d’État, obsolète. Nous devons penser en termes d’humanité, en termes de vivant, en termes universels.

Nous appelons donc à penser et mettre en forme un mouvement qui dépasse le nationalisme. Cela pourrait passer par l’internationalisme, mais il importe de faire en sorte que celui-ci ne soit pas la standardisation de toutes les cultures ni l’hégémonie de l’une sur toutes les autres. Pour éviter l’homogénéisation culturelle, notre internationalisme doit être différent de celui du capitalisme globalisé. Nous devons célébrer les cultures et les traditions locales sans ostraciser les autres, célébrer les différences et la diversité tout autant que ce qui nous rassemble.

Une des tâches historiques de la gauche est de remettre de l’avant un imaginaire révolutionnaire alternatif, de remettre au goût du jour l’espoir d’un changement radical et d’un monde meilleur. L’indépendance répond à un besoin d’avoir un projet de société, mais reste cantonnée dans des conceptions politiques du passé. Nous pouvons faire tellement mieux qu’un « pays comme les autres ». Il nous faut proposer plus, avoir de meilleurs projets, des projets porteurs de sens qui imaginent plus large, voient plus grand. Il faut nous inscrire dans l’histoire et devenir réellement cocréatrices de notre avenir.

***

On pourrait développer un sens de la communauté qui part de plus près des groupements humains que l’échelle nationale et qui dépasse les caractéristiques exclusives de la nation pour atteindre un niveau global d’intégration. Chaque ville, chaque quartier, chaque rue, mérite d’être autonome dans ses prises de décisions en ce qui concerne l’organisation du travail, l’aménagement du territoire, la production et la distribution des biens, en somme tout ce qui implique du commun. Et en même temps interdépendantes et solidaires les unes des autres pour affronter les défis colossaux auxquels nous faisons face. Abandonnons la logique de souveraineté nationale au profit de structures horizontales et autogérées. Construisons des réseaux de solidarité qui transcendent les frontières ethniques et géographiques. Développons à la fois l’autonomie locale et la solidarité mondiale, en mettant de l’avant une éthique de la complémentarité.

Faisons en sorte que le « nous » ne soit plus exclusif, mais inclusif. L’épanouissement de l’humanité passe non pas par le repli sur soi, mais par le dépassement de la crise de l’identité. En dépassant la notion libérale d’inclusivité qui implique une récupération de tout ce qui pourrait être émancipateur dans les revendications pour les intégrer dans la logique d’État (et du pouvoir). Dépasser donc la représentativité pour en venir à une réelle démocratie qui serait participative et menée directement par les personnes concernées. Affronter le capitalisme directement, plutôt que de masquer ses contradictions derrière un nouveau drapeau. Des communautés fortes peuvent faire bloc pour empêcher les résurgences du pouvoir de reprendre racines. Elles sont le rempart qui nous sépare du fascisme.

La constitution de ce « nous » radicalement inclusif, subversif pour l’ordre établi et porteur de potentialités réellement émancipatrices, ne passe pas par la création d’un nouvel État. Nous devons abolir l’État, pas en créer de nouveaux; nous devons abattre les frontières, pas en rajouter de nouvelles. Nous devons dépasser la citoyenneté et la représentation électorale pour s’approcher d’un rapport d’appartenance au monde non médié par des institutions. Un rapport direct avec la nature et la production des biens essentiels à notre survie et notre épanouissement individuel et collectif. Il nous faut des formes politiques qui répondent réellement aux besoins, aux désirs et aux aspirations de toustes. Interdépendance est peut-être le mot d’ordre qui doit remplacer indépendance, dans un monde où nous devons collaborer et nous entraider pour sortir du trou béant dans lequel nous nous enfonçons.

Faque c’est pas mal ça qui est ça.

Bibliographie sélective

ANDERSON, Benedict, L’imaginaire national : Réflexions sur l’origine et l’essor du nationalisme, La Découverte, 2002 (1983), 224 p.

AURÉLIEN, Maxime & RUTLAND, Ted, Il fallait se défendre : l’histoire du premier gang de rue haïtien à Montréal, Mémoire d’encrier, 2023, 224p.

BOOKCHIN, Murray, La révolution à venir, Agone, 2022 (2015), 295 p.

COULTHARD, Glen Sean, Peau rouge, masques blancs : Contre la politique coloniale de reconnaissance, Lux éditeur, 2018, 368 p.

DENEAULT, Alain, Bande de colons : Une mauvaise conscience de classe, Lux éditeur, 2020, 210 p.

FANON, Frantz, Les damnées de la terre, La Découverte, 2002 (1961), 311 p.

GRANDMONT, Justine, L’innocence québécoise : La pièce J’aime Hydro et l’invisibilisation de la dimension coloniale du développement hydroélectrique au québec, mémoire de maîtrise, 2023, 134 p.

GREEN, Joyce, Autodétermination, citoyenneté et fédéralisme : pour une relecture autochtone du palimpseste canadien, Politique et Sociétés, 2004, p. 9‑32.

HOBSBAWM, Eric, Nations et nationalisme depuis 1780, Gallimard, 1992 (1990), 371 p.

Indigenous Action, Accomplices Not Allies: Abolishing the Ally Industrial Complex, zine autopublié, 2014, 10 p. Disponible en ligne.

JEAN, Coralie, Blancs d’Amérique. La rhétorique de Pierre Vallières : retour sur une problématique Québécoise, thèse de doctorat, 2023, 545 p.

KEUCHEYAN, Razmig, Hémisphère gauche : Une cartographie des nouvelles pensées critiques, Lux éditeur, 2010, 331 p.

Les Linguistes atterrées, Le français va très bien, merci, Gallimard, 2023, 64 p. Disponible en ligne au tract-linguistes.org/

LUGHARI, Raimondo, Histoire du colonialisme : Des grandes découvertes aux mouvements d’indépendance, Marabou Université, 1964, 312 p.

MAYNARD, Robin & SIMPSON, Leanne Betasamosake, Rehearsals for Living, Knopf Canada, 2022, 336 p.

MEMMI, Albert, Portrait du Colonisé, Payot, 1973 (1957), 179 p.

MILLS, Charles W, Le contrat racial, Mémoire d’encrier, 2023 ( 1997), 218 p.

MILNER, Henry, The Decolonization of Quebec: An analysis of Left-wing nationalism, The Canadian Publishers, 1973, 257 p.

OCALAN, Abdullah, Confédéralisme démocratique, Transmedia Publishing, 2011, 49 p.

ORWELL, Georges, Notes sur le nationalisme, l’Encyclopédie des Nuisances, 2005 (1945), 29 p.

PERLMAN, Fredy, The Continuing Appeal of Nationalism, Black & Red, 2009 (1984), 39 p.

ROCKER, Rudolf, Nationalisme et culture, Éditions libertaires, 2008 (1937), 668 p.

SAKAI, J., Settlers: The Mythology of the White Proletariat, PM Press, 2014, 439 p.

RADIO 2049, série de podcast francophone pour la rupture révolutionnaire

 Commentaires fermés sur RADIO 2049, série de podcast francophone pour la rupture révolutionnaire
Mai 022025
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Radio 2049. Des podcasts pour la révolution, sans transition, dans un esprit de rupture. Des émissions pour comprendre la période a travers ses crises, ses guerres, ses luttes et indéniablement sa perspective révolutionnaire.

Enregistré au Loukanikos, un local politique ouvert à tous les prols révoltés qui veulent s’organiser au sein des luttes, contre ce qui fait ce monde et ceux qui le défendent, les gestionnaires de la misère et les publicitaire de cette vaste escroquerie qu’est le capitalisme.

Construire le communisme ne sera possible que par une révolution sans frontières qui abolira toutes les classes !

radio2049@riseup.net

https://www.youtube.com/@radio2k49
https://open.spotify.com/show/7x6u9iZJ20ORGIfMqdENg2

La série d’émissions la guerre et son refus :

L’invasion de l’Ukraine en février 2022 ouvre une nouvelle ère, la guerre de haute intensité revient sur les devants de la scène. Les relations inter-capitalistes de plus en plus tendues ont accouché d’un conflit impliquant les grandes puissances de la planète. Depuis, les tensions ne font que s’accroître, pour l’accès aux ressources, aux marchés et à la main d’œuvre. Les massacres et les destructions s’étendent dans des proportions apocalyptiques à la Palestine mais aussi au Congo, au Soudan… Partout on prépare les cœurs et les esprits au carnage. La guerre qui s’étend est hybride : sociale, commerciale, technologique et militaire.

Dans cette série nous nous intéressons aux mécaniques de la guerre moderne et surtout aux formes de refus et de résistance qui apparaissent dans les populations.

Episode 1 : La désertion envahie l’Ukraine

Première diffusion le 20 octobre 2024

Pour ce tout premier Podcast nous vous proposons une lecture du texte :
« Catastrophe pour certains, salut pour d’autres : la désertion inonde l’Ukraine », publié le 22 septembre 2024 par le collectif anarchiste « Assembly » de Kharkiv (Ukraine).

Ces derniers effectuent un travail d’enquête et d’analyse de la situation sur place et des perspectives de lutte. Ils disposent de contacts en Ukraine comme en Russie.

Leurs publications sont disponible sur les sites suivants :
En Russe sur : https://assembly.org.ua/
En Anglais sur : https://libcom.org/tags/assemblyorgua

Episode 2 : La société Israélienne et la guerre

Première diffusion le 9 novembre 2024

Pour ce deuxième épisode de l’émission la guerre et son refus, on reçoit Martin BARZILAI auteur du livre « Refuzniks » récemment réédité en version augmentée aux éditions Libertalia, pour parler de la la société Israelienne, de son état de guerre permanant et des formes d’oppositions à celle-ci. Ainsi que de l’évolution de la situation depuis le 07 octobre. Dans un second temps on poursuit sur les perspectives d’évolution du conflit Israelo-palestinien d’un point de vue de classe.

https://editionslibertalia.com/catalogue/orient-xxi/martin-barzilai-nous-refusons

Episode 3 : Defaitisme en Ukraine.

Partie 1 : Des nouvelles du front ; Partie 2 : et après ?

Première diffusion le 22 novembre 2024

Depuis des mois des soldats de plus en plus nombreux refusent de combattre ou désertent le front et les casernes. Le pouvoir aux abois rafle les hommes en âge de combattre dans les rues au point d’empêcher le fonctionnement d’une économie déjà agonisante. La population s’en prend aux recruteurs et aux institutions militaires. Tout ces faits sont en constante augmentation. Que se passe t’il en Ukraine ? Il y a t’il d’autres perspectives que la guerre et l’écrasement ? C’est ce que nous allons essayer de décortiquer au court de ce nouvel épisode, séparé en deux parties. Pour son élaboration en plus de diverses recherches, nous nous sommes appuyés sur les matériaux suivant :

Les derniers textes du groupe anarchiste de Kharkov (Ukraine) Assembly, écrits sous les bombes à partir de nombreux témoignages et analyses.
Disponible dans leurs versions originales ici : https://assembly.org.ua
Sous forme de compilation en anglais ici : https://libcom.org/tags/assemblyorgua
Le texte «Précisions sur le défaitisme révolutionnaire» du groupe espagnol Proletarios Internationnalistas, qui malgré une prose assez lourde nous offre une grille de lecture pertinente pour comprendre l’action du prolétariat en temps de guerre.
Disponible ici : https://www.autistici.org/tridnivalka/pi-precisions-sur-le-defaitisme-revolutionnaire/

Episode 4 : HARASS THE BRASS

Première diffusion le 28 janvier 2025

Retour vers le mouvement des GI contre la guerre (1969-1972) avec la mise en son de deux textes :

1. « Harass the brass: some notes toward the subversion of the US armed forces » (extrait traduit) https://libcom.org/article/harass-brass-some-notes-toward-subversion-us-armed-forces
2. « On ne marche plus : la révolte des GIs au Vietnam », un récit de Dave Blalock. » https://files.libcom.org/files/1967-1973GIresistanceinVietnam-apersonalaccount.pdf

La série de mémoire des luttes, Irak 1991 une insurrection oubliée :
(émission en cours de montage sortie tout les dimanche à partir de 27 avril 2025, dernier épisode disponible le 08 juin 2025)

Lors de la première guerre du golfe, les soldats Irakiens épuisés par la guerre refusent de combattre face à la coalition internationale et désertent en masse. A l’arrière les civils excédés par les pénuries et les destructions commencent à manifester contre le régime de Saddam Hussein. En quelques jours la rencontre des soldats déserteurs et des manifestants donnera lieu à une immense insurrection populaire à travers tout le pays.

Émission chapitrée en 7 épisodes d’une quinzaine de minutes

Chapitre 1 : La guerre

L’invasion du Koweït par Saddam Hussein déclenche une méga opération internationale contre l’Irak conduite par la toute-puissance américaine, en pleine dislocation du bloc de l’Est cet évènement ouvre une nouvelle ère du capitalisme, dont nous vivons actuellement le délitement.
L’Irak va subir le déluge de feu de la coalition qui fera l’étalage outrancier de sa puissance militaire. Les soldats comme les civils irakiens se retrouvent en première ligne d’un conflit asymétrique et démesuré où ils n’ont plus rien à gagner.

Chapitre 2 : La désertion envahie le sud

Après 1 mois de bombardement intensif la coalition lance l’assaut terrestre. Des milliers de soldats irakiens désertent, ils abandonnent en masse leurs positions, pour rejoigne la ville portuaire de Bassora ou une révolte viens d’éclater…

Chapitre 3 : Souleimaniyé : les prémices du soulèvement

Zoom sur la ville de Souleymaniyé, dans la région kurde de l’Irak où la révolte gronde : de tous les cotés on se prépare aux combats…
Les témoignages sont issus des brochures « Notes additionnelles à propos de l’insurrection de mars 1991 », GCI 1996, et « Kurdish Upperising 1991 » parue à Londres en septembre 1991, ils ne reflètent pas nécessairement le point de vue des publications ou des auteurs du présent épisode.Mais apportent des éléments essentiels pour comprendre le déroulée des événements.

Chapitre 4 : L’insurrection et la chute des baasistes

Le 07 avril 1991 aux alentours de 8h de matin, les premiers affrontements éclatent, la ville de Souleymanié se soulève…

Les témoignages sont issus de la brochures « Kurdish Upperising 1991 » parue à Londres en septembre 1991, ils ne reflètent pas nécessairement le point de vue de cette publications ou des auteurs du présent épisode.Mais apportent des éléments essentiels pour comprendre le déroulée des événements.

Chapitre 5 : Les Shoras, l’organisation de la lutte

Dans tout moment de lutte intense, le prolétariat crée de nouvelles formes d’organisation pour répondre aux problèmes immédiats auxquels il fait face, de la lutte armée au ravitaillement en passant par les soins. Mais c’est aussi au sein de ces organisations que se confrontes les différentes tendances du mouvement. En 1991, dans le Kurdistan irakien insurgé, on appelle ces organisations les Shoras, c’est-à-dire les « conseils ».

Les témoignages sont issus de la brochure « Kurdish Upperising 1991 » parue à Londres en septembre 1991, ils ne reflètent pas nécessairement le point de vue de cette publications ou des auteurs du présent épisode.Mais apportent des éléments essentiels pour comprendre le déroulée des événements.

Chapite 6 : Les bourgeoisies collaborent contre le prolétariat

La répression s’abat de toutes parts sur le mouvement insurrectionnel. Les classes dirigeantes kurdes, baasistes et occidentales, ennemies d’hier, s’unissent dans leur effort pour écraser l’insurrection. Dès lors que le prolétariat se soulève les capitalistes mettent leurs différends de côté pour faire front commun contre leur ennemi principal : le prolétariat insurgé.

Les témoignages sont issus de la brochure « Kurdish Upperising 1991 » parue à Londres en septembre 1991, ils ne reflètent pas nécessairement le point de vue de cette publications ou des auteurs du présent épisode.Mais apportent des éléments essentiels pour comprendre le déroulée des événements.

Chapitre 7 : Le fil rouge de l’histoire

La répression a eu raison de l’insurrection irakienne de 1991, mais elle n’a pas mis fin à la lutte des classes et à la résistance du prolétariat contre l’exploitation en Irak. Comme partout ailleurs dans le monde, celles-ci se poursuivent jusqu’à aujourd’hui.

Lettre ouverte du Collectif Estamos Aquí

 Commentaires fermés sur Lettre ouverte du Collectif Estamos Aquí
Nov 292024
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

En réponse à l’attitude des médias face à la manifestation du vendredi 22 novembre 2024 à Montréal

Si nous écrivons ces lignes aujourd’hui, c’est parce que depuis plusieurs jours, les médias s’attardent sans fin sur des vitres brisées et de la peinture renversée à la suite de la manifestation contre l’OTAN de vendredi dernier. Cette obsession pour la destruction de biens matériels occulte pourtant une question beaucoup plus fondamentale : pourquoi la colère explose-t-elle de cette manière ?

Là où les médias se concentrent sur des objets inanimés, ils négligent une réponse émotionnelle bien plus complexe: cette violence n’est pas gratuite. Elle symbolise un cri d’impuissance face à des vies humaines anéanties, des mémoires effacées et des douleurs persistantes qui, loin d’être entendues, sont réduites à des statistiques ou à des faits isolés. Le débat ne devrait pas se limiter aux vitres brisées, mais s’interroger sur ce qui motive ce geste désespéré :  une détresse, un cri de révolte face à une violence insidieuse et omniprésente.

Nous, membres du Colectivo Estamos Aquí, sommes allés à cette manifestation pour exprimer une colère légitime : celle des survivant.e.s d’une dictature militaire au Guatemala, ayant causé plus de 250 000 morts, 45 000 disparu.e.s et détruit des centaines de communautés autochtones. C’est cette mémoire-là que nous venions défendre. Une mémoire que les autorités des Amériques et de l’Europe semblent vouloir reléguer au second plan, sous prétexte d’enjeux politiques et internationaux trop complexes pour la populace. Mais qu’en est-il de l’intégrité des personnes colonisées, déplacées, tuées ? De leurs émotions et de leurs traumatismes, de leurs enjeux à euxles ? Cette violence-là, celle des opprimés, semble avoir été normalisée, voire oubliée.

Les luttes anticoloniales, qu’elles se situent en Amérique Latine ou ailleurs, sont toutes liées par des racines communes : exploitation, domination et déshumanisation. Ces luttes, malgré la diversité de leurs formes et de leurs contextes, s’attaquent toutes à un système global d’injustice et de répression. 

Pourtant, les médias préfèrent détourner l’attention des causes profondes et se focaliser sur les dégâts matériels. Ce faisant, ils minimisent la violence d’un système qui détruit les vies humaines au profit decommodités. C’est comme si, quelque part, les rôles s’étaient inversés et que ce sont désormais les objets — et non les êtres humains — qui incarnaient l’âme du monde.

Dans cette hiérarchie des valeurs, où les possessions sont élevées au rang suprême, les êtres humains sont peu à peu réduits à de simples fonctions : celles de producteurs, de consommateurs, d’outils du capitalisme. La véritable violence, ici, ce n’est pas la casse de vitrines, mais le mépris systématique des vies humaines.

Partout, les peuples autochtones sont réduits à des symboles exotiques ou des ressources exploitables. Leurs terres sont pillées, leurs cultures marginalisées, et leurs voix étouffées. Ce traitement déshumanisant reflète une vision coloniale persistante, où la dignité des êtres humains est niée pour justifier l’exploitation des ressources.

On nous dit que la violence n’a pas sa place. Pourtant, face à une violence institutionnelle d’une force et d’une ampleur monstrueuse, la question mérite d’être posée : la violence n’est-elle pas parfois la seule réponse possible ?

Au mouvement anarchiste international : trois propositions de sécurité

 Commentaires fermés sur Au mouvement anarchiste international : trois propositions de sécurité
Nov 172024
 

Du No Trace Project

Ce texte est adressé au mouvement anarchiste international, qu’on définira comme l’ensemble des personnes qui se battent pour des idées anarchistes à travers le monde. Ce mouvement est en conflit avec ses ennemis naturels — l’État, les groupes fascistes, etc. — et doit se protéger s’il veut survivre dans ce conflit. Dans ce texte, on fait trois propositions que le mouvement anarchiste international pourrait prendre en compte dans les prochaines années pour permettre aux anarchistes de continuer à attaquer tout en limitant leurs chances de se faire prendre.

1. Partager les connaissances à l’international

Nos ennemis s’organisent à une échelle internationale grâce à la coopération entre les services de police et de renseignement et aux avancées scientifiques et technologiques — par exemple l’augmentation de la précision des analyses ADN et la prolifération des drones. Cela signifie qu’une technique répressive utilisée dans un pays pourrait bientôt apparaître dans un autre où elle n’est pas encore employée. Cela signifie aussi qu’une contre-mesure efficace utilisée par des anarchistes dans un pays peut fonctionner dans un autre. Nous devrions donc partager les connaissances relatives aux techniques répressives et aux contre-mesures à un niveau international.

Idéalement, toute expérience de répression ou expérimentation de contre-mesures qui pourrait intéresser d’autres anarchistes devrait être mise par écrit, traduite dans plusieurs langues, et rendue publique. Lorsque des anarchistes sont arrêté·e·s ou passent en procès, on peut souvent obtenir des documents juridiques qui révèlent comment ils se sont fait prendre : on peut profiter de ça et publier des analyses de ces documents, en gardant à l’esprit que les informations obtenues de cette manière peuvent être partielles ou déformées. On peut expérimenter de nouvelles contre-mesures et écrire et publier des rapports sur ces expériences (sauf dans les cas où l’État pourrait s’adapter et affaiblir la contre-mesure en lisant le rapport). On peut essayer d’obtenir des informations à la source : lire des manuels de formation de la police, voler des fichiers de police, analyser des fuites de données de serveurs de la police.

Une caractéristique particulère du mouvement anarchiste international est sa décentralisation. On ne voit pas cela comme une faiblesse mais plutôt comme une force : en plus d’éviter les hiérarchies inhérentes aux organisations centralisées, cela nous rend plus difficiles à cibler par nos ennemis qui ne peuvent pas renverser l’ensemble du mouvement en s’attaquant à une partie de celui-ci. Cela dit, cette décentralisation rend aussi plus difficile le partage de connaissances au-delà des frontières. Pour surmonter cela, on voit deux options : développer des liens informels avec d’autres anarchistes en se rencontrant lors de salons du livre et autres évènements internationaux, et utiliser Internet. On propose d’utiliser le No Trace Project comme plateforme internationale pour partager les connaissances qui peuvent être partagées sur Internet, non pas en remplacement des liens informels, mais comme un complément utile pour diffuser des informations au-delà des réseaux informels existants.

2. Définir un niveau minimum de sécurité

Les anarchistes qui mènent des actions directes devraient analyser les risques associés à leurs actions et prendre des précautions appropriées : s’habiller de manière anonyme, faire attention à la vidéosurveillance et aux traces ADN, etc. Mais ce n’est pas suffisant. Si seul·e·s celleux qui mènent des actions prennent des précautions, il est plus facile pour nos ennemis de les cibler. C’est, d’abord, parce qu’iels sortent du lot : si seul·e·s quelques camarades laissent leurs téléphones chez elleux, par exemple, cela pourrait être un point de départ évident pour une enquête en manque de pistes. Et, ensuite, parce que nos ennemis peuvent obtenir des informations à leur propos via leurs ami·e·s qui ne mènent pas d’actions : si une personne n’utilise pas de réseaux sociaux mais est mentionnée sur les réseaux sociaux de ses ami·e·s, par exemple, une enquête pourrait récupérer les données des réseaux sociaux de ses ami·e·s pour obtenir des informations à son propos. Nous devrions donc définir un niveau minimum de sécurité que toute personne évoluant dans des réseaux anarchistes accepte de respecter, y compris celleux qui n’ont jamais mené d’actions directes et n’ont pas l’intention d’en mener.

On ne peut pas dire ce que devrait être ce niveau minimum, car il va dépendre de chaque contexte local, mais on peut donner quelques idées. Au strict minimum, chacun devrait aider à cacher des informations à nos ennemis en ne faisant pas de spéculations sur qui est impliqué dans une action, en ne parlant pas aux flics, et en chiffrant tout ordinateur ou téléphone utilisé pour des conversations avec d’autres anarchistes avec un mot de passe robuste. Discuter de sujets sensibles exclusivement en extérieur et sans appareils électroniques, et éviter de montrer clairement à son entourage social avec qui on a des conversations sensibles (par exemple ne pas proposer à quelqu’un d’aller « faire une balade » devant des personnes qui ne sont pas impliquées dans le projet qui va être discuté). De plus, on pense que chacun devrait arrêter d’utiliser les réseaux sociaux (et en tout cas arrêter de poster des photos d’autres anarchistes, même avec leur consentement, parce que cela aide l’État à cartographier les réseaux anarchistes) et laisser son téléphone à la maison en permanence (pas juste pendant des actions). Transporter son téléphone avec soi a des conséquences en matière de sécurité pour toutes les personnes avec qui on interagit.

Il peut être difficile de convaincre des gens d’adopter un tel niveau minimum de sécurité, surtout s’iels pensent qu’iels n’ont pas d’intérêt personnel à le respecter. Si une personne est réticente, on devrait lui rappeler que ce n’est pas seulement sa sécurité qui est en jeu, mais aussi celle d’autres anarchistes autour d’elle qui mènent peut-être, ou prévoient peut-être de mener, des actions directes. Toute personne qui souhaiterait que des actions se produisent a un intérêt à rendre les réseaux anarchistes aussi difficiles que possible à réprimer par les autorités.

3. Explorer de nouveaux horizons

Nos ennemis évoluent au fil du temps et de l’affinement de leurs stratégies et techniques. Nous devrions nous préparer non pour les batailles qui ont déjà eu lieu, mais pour celles à venir. Nous devrions donc aller au-delà de nos pratiques de sécurité actuelles, anticiper l’évolution de nos ennemis, et développer de nouvelles contre-mesures.

Voici trois sujets que le mouvement anarchiste international devrait selon nous explorer dans les années à venir.

Drones

La surveillance aérienne devient rapidement moins chère et plus efficace. Comment devrait-on réagir à la présence de drones policiers lors d’émeutes, d’évènements anarchistes, etc. ? Comment peut-on détecter ou abattre des drones ? Devrait-on se préparer au risque que des drones soient utilisés pour des patrouilles aériennes de routine, et si oui, comment ?

Technologies de reconnaissance faciale

En 2023, un journaliste a localisé la militante de gauche allemande Daniela Klette, qui était en clandestinité depuis des années, en utilisant une technologie de reconnaissance faciale pour établir un lien entre une photo d’elle datant de plusieurs décennies et une photo récente trouvée sur Facebook, prise pendant un cours de danse. Que peut-on faire contre cette menace ? Comment se préparer à l’intégration croissante des technologies de reconnaissance faciale dans les systèmes de vidéosurveillance publics ?

Manque de visibilité de l’activité policière

Il y a quelques années encore, des anarchistes utilisaient des scanners de fréquences radio pour surveiller les fréquences de la police, par exemple pendant une action directe pour se renseigner sur l’activité policière autour du lieu de l’action. Dans la plupart des contextes, cela est maintenant impossible en raison du chiffrement des communications policières. Peut-on développer de nouvelles techniques pour remplacer fonctionnellement les scanners de fréquences radio, ou, plus généralement, pour avoir une meilleure visibilité de l’activité policière dans une zone donnée ?

À propos des auteurs

On est le No Trace Project. Ces trois dernières années, on a construit des outils pour aider les anarchistes à comprendre les capacités de leurs ennemis, saper les efforts de surveillance, et au final agir sans se faire attraper. On prévoir de continuer dans les années à venir. Les retours sont les bienvenus. Vous pouvez visiter notre site web notrace.how/fr, et nous contacter à l’adresse notrace@autistici.org.

Ce texte est disponible sous forme de brochure.

Préparons-nous, et que la chance soit avec nous.

Alors, qu’est-ce qu’on fait maintenant?

 Commentaires fermés sur Alors, qu’est-ce qu’on fait maintenant?
Nov 082024
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Alors, les fascistes ont gagné aux états-unis, en france, en italie … et ils s’en viennent ici. Qu’est-ce qu’on fait maintenant? On fait ce qu’on a toujours fait: on s’organise!

Construire un réseau de support pour personnes immigrantes

Beaucoup de personnes vont être forcées de fuir les états-unis. La menace de la « dénaturalisation » (un gros mot pour dire la déportation des personnes non-blanches) implique que beaucoup de personnes racisées seront forcées de quitter les états-unis dans l’urgence. Beaucoup de personnes LGBTQ+, en particulier des personnes trans, vont devoir trouver des refuges rapidement, à cause des lois transphobes et queerphobes.

Il y a des américains qui travaillent présentement à construire un réseau souterrain pour amener les gens à des endroits sûrs. Nous devrions donc nous assurer d’avoir des endroits sûrs ici pour les accueillir. Tant que le canada marque les états-unis comme un tiers pays sûr, beaucoup de ces gens se retrouveront sans statut. Le problème d’un état plus social comme le nôtre est qu’on dépend beaucoup de lui pour nos services. Il n’y a donc pas beaucoup de ressources pour les personnes sans statut à Tio’tia:ke.

Le Centre des travailleurs et travailleuses immigrantes (iwc-cti.ca) travaille avec des personnes au statut précaire et aura besoin d’aide. Solidarité sans frontières (solidarityacrossborders.org) supporte aussi des personnes au statut précaire et aura besoin de notre aide.

Aider vos antifascistes locaux

Nous ne sommes pas dans un lieu sûr nous-mêmes. Le fascisme est en hausse ici aussi. Le gouvernement legault se faufile lentement vers le fascisme, et les conservateurs fédéraux seront probablement élus avec un mandat d’extrême-droite. Et c’est sans compter les nazis locaux et leurs supporteurs. Contactez votre collectif antifasciste local (à Tio’tia:ke voir montreal-antifasciste.info) pour voir comment vous pourriez aider, ou bien créez votre propre collectif! Au minimum, enlevez tous les signes de la présences des fascistes. Ne les laissez pas prendre racine dans votre quartier!

On remarque aussi une hausse du nombre de shows de punk et de metal, malgré la fermeture de plusieurs scènes camarades. Ces shows sont beaucoup apolitiques, et si nous ne sommes pas prudent-e-s, les scènes pourraient être investies par des fachos. Tenir des tables de merchs camarades pourrait aider à rappeler aux gens ce qui est en jeu, et l’importance de jeter dehors les fascistes et nazis de nos shows.

Construire des alternatives à nos services perdus

Un des gros enjeux aux états-unis, et possiblement au canada bientôt, c’est l’accès à l’avortement et aux hormones d’affirmation de genre. Mais il y avait un moment où on pouvait assurer ces services nous-mêmes. La génération plus ancienne de personnes trans se souvient peut-être de l’époque où les personnes trans se rencontraient afin d’apprendre comment faire leur propre estrogène et testostérone. Le collectif américain Four Thieves Vinegar Collective (fourthievesvinegar.org) offre ce service en enseignant aux gens des habiletés pharmaceutiques de base.

Une autre solution pourrait être de construire une coopérative de clinique de santé. La Clinique Communautaire Pointe-Saint-Charles (ccpsc.qc.ca) en est un exemple, et fournit des services à la Pointe depuis des décennies. Bien que ces coopératives doivent respecter la loi, il pourrait être plus facile d’offrir des services additionnels sur le côté qu’à un hôpital ou une clinique d’état. Cela pourrait être crucial pour des personnes sans statut, par exemple.

Se préparer pour des catastrophes climatiques

À ce stade, il faut s’attendre à des catastrophes climatiques. Les « leaders » actuels du monde ont fait leur politique d’ignorer la crise climatique. Nous ne devons pas nous attendre à ce que des actions concrètes soient prises dans un avenir proche. Des mesures de mitigation seront prises, mais probablement uniquement pour protéger les quartiers les plus riches, au dépens des autres. Nous voyons déjà des murs marins être construits pour protecter les maisons des personnes blanches, poussant l’eau vers les quartiers racisés.

Nous avons été frappé-e-s fort cet été à Laval, mais ce n’est rien comparé avec ce qu’on a vu à Asheville (caroline du nord) et Valence (espagne). Le collectif Firestorm Books à Asheville donne de l’information sur ce qu’ielles ont fait après la catastrophe. Il existe aussi des brigades anarchistes mobiles dédiées à intervenir rapidement après une tempête de tornades ou un ouragan. Ces brigades sont souvent plus rapides à intervenir que les ressources étatiques, en particulier dans les zones les plus pauvres.

Bien que nous ne sommes pas présentement dans une zone de tornades ni d’ouragans, cela pourrait changer bientôt. Nous aurions besoin de ressources de ce genre.

Apprendre à désobéir

Cela peut être tentant de se lancer dans une action très visible, mais ce n’est pas quelque chose que la majorité des gens peuvent faire. Cela ne veut pas dire que vous ne pouvez rien faire! Toutes les petites actions peuvent aider: Oublier de demander une preuve de résidence avant de donner un service. Marquer un médicament comme perdu, et le donner à une personne sans statut. Perdre la requête d’information de la police, ou bien leur envoyer la mauvaise information à la mauvaise adresse. Conspirez avec vos collègues pour refuser une politique raciste et/ou sexiste.

Le gouvernement legault a passé récemment la raciste loi 96, qui force les employé-e-s du gouvernement à parler en français aux personnes qui viennent demander des services. Ce qu’on voit en pratique, c’est que presques tou-te-s les travailleu-se-s désobéissent à la loi, malgré la réception d’une directive stricte en ce sens. La plupart des employé-e-s du gouvernement vont vous parler dans la langue que vous préférez, même si la loi le leur interdit.

Ce refus d’obéir est important. C’est ce que nous avons besoin dans un état fasciste. Enfin, on ne pleurera pas si certains (ou toutes!) les ambassades se mettent à brûler durant la nuit, mais ce n’est pas quelque chose que tout le monde voudrait faire. Apprendre à désobéir, c’est quelque chose que nous pouvons tou-te-s faire, et que nous devons apprendre à faire. 

Conclusion

Le but de ce petit article est juste pour vous donner quelques indices sur ce que vous pouvez faire. Il y a cependant beaucoup d’autres choses dont on aura besoin! La clé est d’être curieu-se, observateur-rice, et imaginatif-ve. Regardez autour de vous, parlez à des camarades, regardez ce qui manque aux gens, déterminez ce qu’il faut faire. Les vieilles approches nous ont menées dans ce pétrin: peut-être qu’il est temps d’en trouver de nouvelles.

Une chose est certaine: ils veulent nous entraîner dans leur grande noirceur. Le moindre que l’on peut faire, c’est de les faire chier un max!

Bloquons l’OTAN

 Commentaires fermés sur Bloquons l’OTAN
Oct 302024
 

De la Convergence des luttes anticapitalistes

Du 22 au 25 novembre, l’assemblée parlementaire de l’OTAN débarque à Montréal pour son cirque mortifère. D’une alliance militaire durant la guerre froide, l’OTAN est devenue aujourd’hui le bras armé des pays occidentaux, imposant ses politiques belliqueuses à travers le monde. Face à ces profiteurs de guerre, il est impératif de faire entendre notre voix et de combattre leur logique destructrice. L’OTAN a déjà des conséquences néfastes sur nos vies:

  • Augmentation des budgets militaires : Ce sommet survient alors que l’OTAN fait pression sur le gouvernement canadien pour qu’il augmente à 2% la part de son PIB consacré aux forces armées, une augmentation de 50%, alors que le gouvernement canadien a déjà augmenté ses investissements militaires de 41% de 2014 à 2021. Cet argent devrait servir à l’éducation, la santé et le communautaire, pas à alimenter la machine de guerre impérialiste.
  • Destructions au nom de l’impérialisme américain : Ne nous laissons pas berner par le langage stérile des forces occidentales; les interventions de l’OTAN, loin d’être stratégiques et précises sont plutôt excessivement puissantes, disproportionnées et imprécises. L’OTAN détruit tout sur son passage, répend la misère et favorise la multiplication de groupes armés, tout ça pour préserver les intérêts de ses États membres, principalement des États-Unis, pilier de l’alliance et géant du complexe militaro-industriel. Cette logique impérialiste maintient les peuples du Sud Global dans la pauvreté et la dépendance envers le Nord Global.
  • Complice du génocide palestinien : Le soi-disant Canada est  complice du génocide en Palestine en contribuant à l’approvisionnement en armement, en facilitant des partenariats économiques et académiques et, surtout, par son soutien  indéfectible à Israël qui est l’allié central de l’OTAN. C’est en soutenant militairement les forces sionistes que l’OTAN peut maintenir une main mise stratégique au Moyen-Orient afin d’y faire reigner les intérêts politiques et économiques de ses membres.

La paix ne se gagne pas à la pointe du fusil, mais en redistribuant les richesses. C’est en l’honneur de tous les peuples colonisés d’hier, d’aujourd’hui et de demain, d’ici et d’ailleurs, que nous appelons à votre courage et votre détermination pour prendre la rue avec nous !

Le 22 novembre, sortons massivement dans la rue pour faire entendre notre colère ! Unisson-nous pour rappeler aux États du monde entier que leurs mains resteront toujours salies du sang des exploité·e·s, peu importe qu’iels tentent de les dissimuler dans des gants de velours ou des sommets risibles !

Ensemble, bloquons l’OTAN et affirmons notre refus du militarisme, de l’impérialisme et du colonialisme !

Date et heure: 
vendredi, 22 novembre 2024 – 17:30

Un journal écrit en 3 semaines en vu de la venue de l’assemblée parlementaire de l’OTAN du 22 au 25 novembre 2024. Le document intégral en pdf. Ou juste la version francaise ou anglaise.

Les articles:

L’OTAN, quatre lettres à abattre

Qu’est-ce que l’OTAN

Bloquer l’impérialisme, c’est possible!

Pourquoi bloquer l’OTAN

Guerre en ukraine: les empires sont toujours là

La Palestine face à l’occident impérialiste

Strasbourg: OTAN de cendre, tout devient possible

Vers un autre soulèvement

 Commentaires fermés sur Vers un autre soulèvement
Oct 292024
 

De Trognon.info

Ces lignes répondent à un article paru dans Tinderbox, un journal hors-ligne d’anarchie combative.

Fin 2010 un acte individuel de désespoir dans la ville de Sidi Bouzid a déclenché un bouleversement audacieux, enragé et joyeux qui a voyagé à travers l’Afrique du Nord jusqu’au Moyen-Orient et au-delà. Les populations ont défié les systèmes oppressifs dans lesquels elles étaient immergées depuis des générations et se sont rassemblées dans les rues pour renverser les élites politiques à leur tête. Les autorités, d’abord stupéfaites par cet esprit courageux qu’elles ne pouvaient pas comprendre, ont alors délivré une réponse cynique et brutale.

Cette défaite est toujours en train d’être infligée aux populations de la région, et elle est aussi ressentie dans le monde entier par celles et ceux qui se sont tenus en solidarité avec les soulèvements mais qui ont été pour la plupart incapables de surmonter leur impuissance tandis que les soulèvements étaient massacrés.

Les horreurs dans la région durant la dernière décennie sont nombreuses. Pour en nommer quelques unes qui me restent le plus en tête : Sissi a ramené l’Égypte au temps d’une dictature militaire avec le soutien matériel des États-Unis. Les régimes dans les autres pays nord-africains sont en train de paver tout signe de liberté pendant que les pays européens les persuadent de fermer les routes migratoires sur la Méditerranée. Sans les campagne militaires meurtrières du Hezbollah et du CGRI en Syrie, Assad n’aurait pas survécu au soulèvement. Le régime iranien lui-même a brutalement réprimé trois différents soulèvements dans le pays au cours de la dernière décennie. La plupart des gens au Liban sont dans une lutte quotidienne pour la survie à cause de la cupidité de ses dirigeants politiques pendant que des foules aux ordres du Hezbollah répriment des manifestations de rue. Au début des soulèvements, le Hamas, qui a abattu des opposants politiques en plein jour dans les rues de Gaza, a éliminé les tentatives d’un soulèvement en rassemblant les organisateurs des manifestations et les menaçant de meurtre. Les dirigeants dans la région ont compris une fois de plus qu’ils peuvent utilisé tous les moyens contre les populations sous leur contrôle sans réel empêchement de l’extérieur. Indifférence, cynisme et opportunisme l’emportent sur les appels moraux, et les alliances stratégiques sont toujours en jeu. Le monde continue de tourner. Pour celles et ceux d’entre nous qui n’ont pas regardé ailleurs, comment ne pouvons-nous pas voir un lien entre Assad bombardant des villes syriennes jusqu’à la saturation et Netanyahou en train de raser Gaza ?

Les auteurs et autrices de « Vers la dernière intifada » (Tinderbox n°6) ne reconnaissent pas ces expériences de la dernière décennie. Au lieu de cela, ils et elles proposent de rejoindre le camp opposé d’une alliance géopolitique américaine (en maintenant le centralisme américain à leur propre façon). Selon elles et eux, l’Axe de la Résistance montre la voie à suivre aux anarchistes pour lutter contre l’empire. Cet article semble confondre résistance avec « la Résistance ». C’est-à-dire, qu’ils et elles font tomber toute forme de résistance de gens en Palestine, et plus largement dans la région, dans une représentation particulière, adoptant un terme parapluie utilisé par les États, les militaires, les organisations para-étatiques/para-militaires pour décrire leurs propres activités. Les auteurs et autrices de l’article mettent en garde les anarchistes contre une trop grande sensibilité à la hiérarchie – comme si c’est le seul aspect de « la Résistance » que les anarchistes pourraient trouver difficile à accepter.

Cela fait maintenant un an après l’incursion sanglante du Hamas en Israël. À part les discours, les accomplissements de la Résistance jusqu’ici sont : le Hezbollah a lancé des roquettes inefficaces qui ont seulement infligé des dommages significatifs à un village druze, les dirigeants iraniens s’occupent en faisant des appels vers l’Occident pour régner en Israël, des milices en Irak ont attaqué quelques bases militaires US dans le pays au début et puis sont tombées dans le silence, tandis que seuls les Houthis semblent avoir pris « l’Unité des Fronts » de Nasrallah au sérieux. Ils ont réussi à perturber des routes maritimes mondiales et porté des attaques aériennes inattendues sur Israël. Entre-temps, Israël a anéanti la direction du Hezbollah, lance des bombes sur le Liban quotidiennement, bombarde régulièrement des sites en Syrie sans représailles, et commet des exécutions à Téhéran. L’Axe de la Résistance et l’Unité des Fronts sont de simples slogans qui masquent les affaires stratégiques entre les organisations politiques, autoritaires et les États avec leurs propres intérêts (souvent différents). C’est illusoire de le voir comme quelque chose d’autre. Et Israël qualifie de bluff « la Résistance » avec une escalade militaire exponentielle.

Les massacres d’Israël à Gaza, avec le soutien matériel des pays occidentaux, sont incessants. Le régime d’apartheid en Cisjordanie et Israël a été bâti pendant des décennies, laissant presque aucun oxygène à respirer pour celles et ceux vivant sous son contrôle. Face à cette triste réalité et une accablante impuissance d’y mettre fin, les anarchistes sont peut-être à la recherche d’une résistance efficace (ou plutôt, semble-t-il, d’une image de celle-ci). Mais si nous voulons combattre l’oppression, nous ne pouvons pas nous contenter avec une quelconque opposition. Choisir de rejoindre un système autoritaire, militariste contre un autre ne mettra pas fin aux horreurs de ce monde – ni dans ce conflit ni dans aucun autre. Ce n’est ni intrinsèquement défaitiste ni un signe d’indifférence privilégiée de refuser de prendre parti entre groupes et États belliqueux. Nous arrivons à cette conclusion seulement si nous réduisons la réalité à des représentations simplistes. Au lieu de cela, en s’ouvrant à la complexité et la spécificité, l’agir anarchiste peut être un effort libérateur. C’est là que nous pouvons trouver des affinités, construire des relations sur une base différente, et rassembler la force et le courage – ou peut-être, l’humilité et la passion – pour l’attaque. Les anarchistes trouvent leur efficience lorsque ils et elles peuvent ébranler et détruire des systèmes oppressifs. Nous ne la trouverons pas dans une prouesse militaire qui, en fin de compte, produit plus d’oppression et de misère. Et donc celles et ceux qui ont un esprit qui leur est propre et la mémoire des révoltes passées combattront pour un autre soulèvement.

Depuis la côte nord de la Méditerranée, avec un cœur lourd et une âme en feu
Début octobre 2024

Kevin a été expulsé

 Commentaires fermés sur Kevin a été expulsé
Oct 112024
 

De Solidarité sans frontières

Kevin, nous sommes profondément désolés qu’après une vie marquée par la violence d’État, tu aies été expulsé. Nous avions le potentiel d’arrêter cette déportation violente, mais nous n’avons pas été suffisamment présents. Comme mouvement, nous devons faire mieux.

Dimanche matin, Kevin a été expulsé vers Haïti. En raison d’une certaine attention du public, le ministre de l’Immigration, Marc Miller, a examiné son dossier, mais a refusé d’intervenir.

Kevin est arrivé au Canada à l’âge de trois ans et a été rapidement placé dans le système de “protection” de l’enfance. Il a été maltraité et traumatisé par ce système et en souffrira les conséquences pour le reste de sa vie. Une de ces conséquences a été sa criminalisation et son expérience du système pénal raciste, anti-Noir et colonial. Non satisfait de l’incarcération de cet homme noir, l’État canadien a ensuite entamé des procédures pour l’expulser vers Haïti, un pays auquel il a peu de liens, étant parti à l’âge de trois ans. De plus, après des siècles d’interférence impériale du Nord, Haïti est aujourd’hui tellement instable que même le Canada a suspendu les déportations vers ce pays – sauf, bien sûr, pour les personnes qu’il a criminalisées. Ainsi, Kevin a été contraint de quitter son foyer et a été expulsé vers Haïti dimanche matin.

En vertu des lois et politiques d’immigration actuelles, il est pratiquement impossible pour lui de revenir légalement au Canada. Même si, par miracle, il y parvient, cela prendra un minimum de cinq ans.

Nous devons continuer à lutter contre ce système raciste et suprémaciste blanc qui gagne des points électoraux aux dépens des plus vulnérables et marginalisés dans le système. Et nous devons devenir plus forts – car c’est ce qui est en jeu.

Nouvelle Alliance, vieilles rengaines: que cache le confusionnisme gauchedroitisant de cette jeunesse réactionnaire?

 Commentaires fermés sur Nouvelle Alliance, vieilles rengaines: que cache le confusionnisme gauchedroitisant de cette jeunesse réactionnaire?
Mai 212024
 

De Montréal Antifasciste

Au courant de l’année 2022 est apparue au Québec une nouvelle « organisation politique » séparatiste à caractère ultranationaliste baptisée Nouvelle Alliance (NA), en référence assumée à l’Alliance Laurentienne, une association d’extrême droite animée entre 1957 et 1963 par l’auteur et militant réactionnaire Raymond Barbeau (1930-1992)[i].

Depuis sa création, NA a mené à Montréal et ailleurs au Québec une série d’actions (commémorations solennelles, campagnes d’affichage, accrochages de bannières, veille au flambeau, etc. Voir l’annexe pour une liste non exhaustive des actions.) rappelant directement le modus operandi privilégié au cours des dernières années par d’autres formations d’extrême droite, comme le groupe néofasciste Atalante Québec et l’éphémère Front canadien-français (FCF). Les membres fondateurs et principaux militants de Nouvelle Alliance sont d’ailleurs d’anciens membres de ce dernier groupuscule, proche émule des cercles ultracatholiques fascisants du Québec, ce qui n’a bien sûr rien d’une coïncidence, quoi qu’en disent les principaux intéressés.

En octobre dernier, le média indépendant Pivot.media faisait paraître un excellent article sur Nouvelle Alliance (que nous vous encourageons fortement à consulter) exposant certaines des contradictions qui caractérisent le groupe.

Une prétention en particulier relevée dans cet article nous semble à la fois hautement saugrenue et digne d’une étude plus attentive : celle voulant que Nouvelle Alliance ne soit « ni de droite ni de gauche ». Cette affirmation, comme nous le verrons, n’a jamais vraiment résisté à l’épreuve des faits, mais un développement récent est venu la disqualifier sans appel. Le 16 février dernier, les militants de NA ont mené une action devant le bureau du ministre fédéral de l’Immigration en y déployant une bannière déplorant une prétendue « subversion migratoire », reprenant une obsession centrale de l’extrême droite, ainsi que la revendication nationaliste classique des « pleins pouvoirs » en matière d’immigration. Quatre jours plus tard, ils doublaient la mise en mettant en ligne une vidéo dénonçant « l’immigrationnisme », en soi un terme forgé par l’extrême droite en France et repris depuis par la droite libérale, la « submersion » migratoire ainsi que le « remplacement » de population, en référence voilée à la thèse du « grand remplacement », une autre affabulation développée au sein de l’extrême droite française.

On le voit bien, malgré sa prétention d’être « ni de droite ni de gauche », NA met de l’avant dans cette séquence d’actions un message qui reprend le vocabulaire de l’extrême droite française, lequel est également en vogue dans les cercles d’extrême droite européen et nord-américain. Ce cadre référentiel « nationaliste » (au sens euphémistique cher aux mouvements identitaires, fascistes et néonazis) explique aussi sans doute la popularité du groupuscule sur les médias sociaux auprès de très nombreux groupes et individus clairement affichés à l’extrême droite.

Le présent article a pour objet de démystifier une fois pour toutes la notion voulant que cette organisation soit politiquement neutre ou inoffensive, de démontrer qu’elle s’inscrit de plain-pied dans l’extrême droite contemporaine, de mettre en garde les jeunes militant·es indépendantistes qui, peut-être par naïveté, seraient tenté·es de succomber à leurs discours, et surtout, d’alerter la communauté au danger qu’elle pose afin de faire efficacement barrage à toute tentative d’infiltration des milieux progressistes.

—> Qui sont les principaux militants de Nouvelle Alliance?

***

Nouvelle Alliance jusqu’à présent…

Dans le but avoué « d’apporter la lutte pour l’indépendance dans la rue », Nouvelle Alliance se présente comme une sorte d’avant-garde séparatiste militante et adopte une mise en scène qui n’est pas sans rappeler les rituels de l’extrême droite historique, voire du néofascisme contemporain. Ses militants, presque exclusivement des jeunes hommes – et ce n’est pas fortuit –, semblent soucieux de projeter une apparence conservatrice classique, combinant des codes hypermasculins traditionnels (costumes coupés, apparence soignée, etc.) et une esthétique reprise en partie des mouvements de droite radicale (manteaux d’aviateurs ornés de l’emblème de l’organisation, veillée au flambeau, éléments pyrotechniques, etc.). Ils empruntent aux mêmes précurseurs leur allure bizarrement austère, leur posture quasi militaire et leur ton exagérément grave, souvent catastrophiste.

10 septembre 2023 – Hommage à Montcalm, avec flambeaux et drapeaux du Québec.

23 avril 2023 – Accrochage d’une bannière « Gouverner ou disparaître » avec drapeaux du Québec et fumigènes sur le Pollack Concert Hall de l’Université McGill.

26 novembre 2022 – Rassemblement à Saint-Denis-sur-Richelieu en l’honneur des patriotes.

22 mai 2023 – Manifestation pour la Journée nationale des patriotes.

15 Octobre 2022 – Accrochage d’une bannière « Je suis séparatiste » sur l’autoroute Décarie, dans une circonscription à majorité anglophone.

En plus de ces manifestations ostentatoires, il est avéré que les principaux militants de NA descendent directement de l’éphémère Front canadien-français, dont nous avons démontré les liens étroits avec l’extrême droite québécoise par sa proximité avec des individus comme Alexandre Cormier Denis et Philippe Plamondon (Nomos.tv, Horizon Québec actuel), Étienne Dumas (Mouvement tradition Québec) et la Fédération des Québécois de souche. En plus de l’Alliance Laurentienne de Raymond Barbeau, NA s’inspire aussi, de manière moins transparente, du journal La Nation de Paul Bouchard et des Jeunesses patriotes des frères Walter et Dostaler O’Leary, deux autres précurseurs « séparatistes » d’inspiration fasciste (ou « corporatistes ») et du Centre d’information nationale (CIN) de Robert Rumilly, en plus de faire régulièrement appel à la mémoire du chanoine Lionel Groulx, connu pour ses prises de position réactionnaires et son antisémitisme explicite. On devine aussi parmi leurs inspirations militantes des projets moins marqués à droite, comme le FLQ, les Chevaliers de l’Indépendance, le Mouvement de libération nationale du Québec (MLNQ) de Raymond Villeneuve et le Réseau de Résistance du Québécois (RRQ).

Action du Front canadien-français au printemps 2019, au monument à Dollard des Ormeaux, à Montréal. À l’avant-plan, François Gervais et Suleyman Ennakhili, aujourd’hui militants de Nouvelle Alliance.

Le « cœur laurentien » est une référence à l’Alliance Laurentienne et au journal Laurentie, une inspiration directe de Nouvelle Alliance.

Jean-Philippe Desjardins Warren, étudiant en histoire, est à l’évidence un leader organique de Nouvelle Alliance. Il est aussi le militant du groupe le plus marqué à l’extrême droite. Il relaie ici des copies du journal Laurentie et un livre de l’abbé Wilfrid Laurin, dont les fondateurs de l’Alliance Laurentienne se voulaient les continuateurs.

Le chanoine Lionel Groulx est une référence constante de Nouvelle Alliance, comme il l’était pour le Front candadien-français. Il est ici juxtaposé à des militants indépendantistes des années 1960.

Le slogan « Je suis séparatiste », évoque notamment (mais pas que) le projet politique (fasciste) du journal La Nation, de Paul Bouchard.

Nouvelle Alliance force ici un rapprochement entre Lionel Groulx (réactionnaire) et le syndicaliste Michel Chartrand (progressiste), que presque tout opposait sur le plan social. Cette image à elle seule reflète parfaitement l’impossibilité catégorique de la synthèse que NA dit vouloir opérer.

En outre, un examen rapide de leurs plateformes de médias sociaux (ici sur Instagram, là sur Twitter/X) révèle un très grand nombre de sympathisants (groupes et individus) identifiés à l’extrême droite, affichant par exemple des symboles du fascisme, des courants identitaires européens, de l’ultranationalisme ou du nationalisme blanc, de l’Alt-Right, etc. Il faudrait être bien naïf pour croire que la convergence de tous ces éléments relève du hasard et de la coïncidence.

Les animateurs du journal Le Harfang (l’organe de la Fédération des Québécois de souche) ne s’y trompent pas : Nouvelle Alliance n’est rien de plus qu’un inoffensif regroupement de patriotes! C’est pourquoi ces fascistes notoires leur témoignent toute leur solidarité!

Les frasques de Nouvelle Alliance leur ont attiré une certaine attention sur les médias sociaux, au-delà de leur cercle de sympathie.

Bien dit…

L’un des membres les plus flamboyants de NA, Aurélien Nambride, affiche quant à lui sa fierté de représenter au Québec le Rassemblement National (RN, anciennement Front National), une formation dont il est peut-être inutile de rappeler qu’elle a été fondée par d’anciens nazis et qui, malgré tous les efforts de « dédiabolisation » déployés au fil des ans, est à tout jamais ancrée dans l’univers culturel et politique néofasciste. Nambride ne cache pas non plus son admiration pour le parti Alternative für Deutschland (AfD), une autre formation résolument campée à l’extrême droite (vois le clip vidéo ci-dessous).

Le militant de Nouvelle Alliance, Aurélien Nambride, dit représenter l’aile jeunesse du Rassemblement National au Québec.

Aurélien Nambride est un habitué des congrès de l’aile jeunesse du Parti Québécois. À notre connaissance, le PQ n’a jamais pris acte des invitations qui lui ont été lancées à prendre ses distances d’avec ce petit facho.

—> Qui sont les principaux militants de Nouvelle Alliance?

Faux-culs et faux-semblants… le gaslighting comme stratégie politique

Les militants de NA insistent donc pour répéter à qui veut l’entendre qu’ils ne sont « ni de droite ni de gauche[iii] ». Pourquoi ce faux-fuyant? Ça ne devrait pourtant pas être bien compliqué pour ces jeunes réactionnaires de s’affirmer franchement pour ce qu’ils sont effectivement, plutôt que de louvoyer et de s’incruster dans un pitoyable déni. C’est on ne peut plus hypocrite pour une organisation de porter aussi clairement sur sa manche un projet politique, de le nier en même temps, puis de prétendre vouloir rapprocher les nationalismes par-delà la « gauche » et la droite afin de réaliser l’indépendance autour d’un projet à définir ultérieurement. Il est important de le reconnaître, puisque le procédé lui-même cherche à faire croire qu’ils n’ont pas d’intention ultérieure, qu’ils ne mettent pas eux-mêmes de l’avant une vision politique à laquelle ils voudraient faire éventuellement conformer « le pays » réalisé.

À notre avis, cette défilade repose sur une confusion délibérée, stratégique, des genres politiques : une redéfinition confusionniste des catégories « gauche » et « droite », assortie d’un gaslighting systématique (c.-à-d. que ce que l’on voit et perçoit par nos sens et notre raisonnement serait en réalité tout autre chose; il  nous faudrait les croire sur parole!), visant à ouvrir sur la droite le faisceau des idées politiques acceptables (la fenêtre d’ Overton) dans le champ indépendantiste.

C’est essentiellement le même procédé qu’emploie systématiquement l’idéologue Mathieu Bock Côté à une échelle beaucoup plus grande. C’est en fait toute la thèse de son dernier livre[iv], qui semble précisément mis au point pour outiller conceptuellement la nouvelle génération de nationalistes réactionnaires que représente Nouvelle Alliance. MBC y répète par exemple – comme il le fait sur toutes ses tribunes – que l’extrême droite est une catégorie « fantomatique » que fabuleraient aujourd’hui le « régime diversitaire » dominant, qu’il assimile carrément à l’antifascisme[v]! Ce dernier, explique MBC, aurait en quelque sorte inventé la catégorie « extrême droite » dès les années 1920, non pas en premier lieu pour s’opposer à la montée du fascisme en tant que tel, mais pour diaboliser tous les ennemis du communisme en les regroupant sous une même étiquette!

« On en arrive ici au cœur de la thèse du présent ouvrage : ce n’est pas “l’extrême droite”, entité politique fantomatique et catégorie indéfinissable, qui menace notre démocratie, mais bien plutôt l’usage que le régime diversitaire fait du concept d’extrême droite pour frapper d’interdit, censurer ou fasciser toute forme de dissidence[vi]. (…) Au fond des choses, on retrouve ici la logique de l’antifascisme, qui conditionne profondément l’imaginaire politique démocratique, et structure encore son rapport au conservatisme. L’histoire de l’antifascisme n’est pas d’abord l’histoire de la lutte contre le fascisme mais celle de l’assimilation au fascisme des adversaires du communisme, et même du socialisme. (…) L’antifascisme dès son apparition, a d’abord eu pour fonction de désigner ceux qui s’opposaient résolument au communisme non pas en affirmant qu’il allait trop loin, tout en reconnaissant la noblesse de ses idéaux, mais bien parce qu’ils le rejetaient fondamentalement[vii]. »

Voilà un révisionnisme qui ne manque pas d’audace, quand on sait que le fascisme s’est d’abord et avant tout défini par son opposition au communisme, qui le précédait de plusieurs décennies et menaçait alors tangiblement l’ordre capitaliste un peu partout en Occident! De là à prétendre que le fascisme n’a jamais vraiment existé que dans l’œil de ses ennemis, il n’y a qu’un pas, que MBC franchit allègrement. Comme si ces mouvements politiques ne faisaient pas depuis maintenant un siècle l’objet de vastes champs d’études historiques et sociologiques, et comme si les résurgences contemporaines de l’extrême droite – de la Nouvelle Droite européenne à l’Alt-Right étatsunienne, en passant par les mouvances néonazies et les partis de droite radicale – n’avaient aucune substance réelle et n’étaient que le fruit d’une imagination communiste délirante!

Si l’étiquette peut effectivement être employée pour circonscrire un ennemi politique, de 1) c’est un procédé dont MBC fait lui-même abondamment usage (il qualifie par exemple ses ennemis de « wokes » ou Québec Solidaire de parti de « gauche radicale » pour mieux les disqualifier), et qu’il ne peut donc reprocher à personne, et de 2) il est absolument malhonnête de réduire l’emploi du terme à ce seul usage. L’extrême droite n’est d’ailleurs pas plus « indéfinissable » qu’elle est fantomatique. Au contraire, même sans être sociologue patenté ou sans se limiter aux sources de la gauche radicale, on peut sans difficulté en trouver des définitions raisonnablement consensuelles. Contentons-nous pour l’exercice de consulter la rubrique Wikipedia pour « extrême droite », qui est une source aussi légitime qu’une autre et regorge de références pour quiconque souhaite creuser la question davantage. MBC, qui est lui-même un des principaux passeurs des idées d’extrême droite dans des médias privés les plus consultés, écoutés et regardés au Québec, en plus de jouer un rôle considérable en France comme faire-valoir des formations d’extrême droite (le Rassemblent national et le parti Reconquête d’Éric Zemmour) sur les plateformes que contrôle le multimilliardaire ultracatholique Vincent Bolloré, ferait peut-être mieux de potasser ses définitions plutôt que de dire de la marde. À moins bien sûr que « the marde is the medium » et qu’il ne s’agisse en fait que d’un moyen pour lui d’empoisonner le puits et de favoriser systématiquement la résurgence de l’extrême droite dans les sociétés où il exerce son influence toxique. Toujours en le niant farouchement, évidemment.

L’une des innombrables chroniques de Mathieu Bock Côté où il donne la preuve qu’il vit dans un monde imaginaire.

Quoi qu’en disent les principaux intéressés, le rejet plus ou moins radical de l’immigration[viii] est un point commun à tous les mouvements d’extrême droite, et c’est un élément de discours central de presque tous les groupes et individus mentionnés dans cet article jusqu’ici[ix]. C’est en tous cas une obsession maladive de Mathieu Bock Côté et, manifestement, une préoccupation majeure de Nouvelle Alliance, comme nous le verrons plus loin.

Nous avançons ici l’hypothèse que les militants de Nouvelle Alliance forment en fait une espèce de « jeunesse bockcôtéienne » qui ne dit pas son nom; on retrouve chez eux comme chez l’autre le même déni confusionniste, le même gaslighting corolaire, le même nationalisme faussement libéral et le même jupon fascisant dépassant des mêmes atours bourgeois tenant de la même coquetterie rétrograde. La principale différence entre eux est la volonté exprimée par le jeune groupuscule de faire sortir le nationalisme (ou la « lutte pour l’indépendance »)  dans la rue, ce qu’on ne peut certes pas reprocher à MBC[x]. Nouvelle Alliance est pour ainsi dire l’inévitable incarnation des idées que propage Mathieu Bock-Côté (et d’autres comme lui) depuis une quinzaine d’années, mais sur un mode militant reprenant les recettes déjà employées par des formations plus ou moins fascisantes, comme Atalante Québec, elles mêmes inspirées d’initiatives similaires en Europe (voir CasaPound, Groupe Union Défense, etc.).

L’essentiel à retenir ici est que sous une rhétorique faussement neutre, et en dépit du gaslighting qui sous-tend toute la démarche, NA est sans conteste une initiative rangée loin sur la droite du spectre politique et dont le projet immédiat est précisément de tirer le milieu nationaliste québécois vers la droite, notamment par une stratégie entriste dans les formations politiques traditionnelles comme le Parti Québécois et le Bloc Québécois. En se disant « ni de droite ni de gauche », elle cherche sans doute en partie à attirer vers elle des militant·es indépendantistes aux penchants progressistes, mais plus qu’un appel du pied aux « nationalistes de gauche »,  l’intention réelle de cette confusion cultivée est de consolider le bloc de droite en favorisant une tolérance accrue des éléments de discours de l’extrême droite nationaliste (notamment sur la question de l’immigration et de l’évolution démographique) parmi les segments conservateurs plus classiques ou libéraux. Le but visé est en réalité une tolérance mutuelle entre la droite traditionnelle et l’extrême droite et une normalisation culturelle de cette dernière de manière plus générale, qui doit à terme se traduire par des transformations politiques sur le plan institutionnel.

Le militant de Nouvelle Alliance, Émile Coderre, est visiblement très impliqué au Bloc Québécois. Il annonce ici son intégration à l’équipe du député bloquiste Martin Champoux.

Les militants de Nouvelle Alliance participent régulièrement aux congrès de l’aile jeunesse du Parti Québécois.

Plusieurs militants de Nouvelle Alliance au congrès du Comité national des jeunes du du Parti Québécois, en août 2023.

Ça n’est pas d’hier que les militants de Nouvelle Alliance visent à se rapprocher du Parti Québécois… Les voici avec Pascal Bérubé en 2019.

Le sympathique compte Twitter/X Le troupeau de petits Elon cherche depuis longtemps à attirer l’attention sur les tentatives par les militants de Nouvelle Alliance d’infilter les instances du Parti Québécois.

À certains égards, le pseudo-centrisme droitisant du régime politique actuel représente déjà une synthèse du libéralisme économique dominant et du repli identitaire que prônent des formations comme NA. La rivalité dans l’outrage observée ces derniers temps entre la Coalition Avenir Québec et le Parti Québécois sur diverses questions liées à l’immigration (généralement rabattues sur les seuils et la « capacité d’accueil ») donne à penser que le contexte actuel est particulièrement favorable à cette dérive[xi].

Et que propose concrètement cette soi-disant nouvelle alliance?

NA dit vouloir réaliser l’indépendance dans les plus brefs délais avant de définir un projet démocratique pour un Québec indépendant, au lieu de d’abord définir un projet pour le réaliser de manière démocratique par la suite. Autrement dit : faisons l’indépendance aujourd’hui, et le processus lui-même s’occupera de définir ce que cela implique concrètement. On ne peut donc inférer le genre de pays que ces messieurs aspirent à créer que sur la base de leurs influences, de leurs filiations, du milieu dans lequel ils opèrent et enfin, des positions qu’affiche plus ou moins ouvertement l’organisation.

Sur le plan de l’immigration et de la future composition de la société québécoise, l’affaire est entendue. Le nationalisme de repli identitaire que met de l’avant Nouvelle Alliance revendique explicitement un droit de priorité et de supériorité nationale de la majorité historique québécoise de souche canadienne française. De sa récente vidéo, qui recycle sur un mode paranoïaque la sempiternelle revendication nationaliste du rapatriement des « pleins pouvoirs » en matière d’immigration, on comprend qu’implicitement, le groupe milite en fait pour une réduction drastique de l’immigration dans le but de préserver la prédominance démographique de cette majorité historique. Dans l’éventualité où une telle « organisation politique » ou une autre formation inspirée par celle-ci venait à imposer son programme, il va sans dire qu’elle prendrait des mesures draconiennes pour restreindre l’immigration de manière générale, voire la freiner tout à fait, avec ce que cela implique de conséquences.

Capture d’écran tirée de la vidéo anti-immigration mise en ligne par Nouvelle Alliance le 20 février 2024.

Transcription de la vidéo

« Le 25 janvier dernier, le Québec a franchi la barre des 9 millions d’habitants. Qu’on se le dise, cette montée de la population est loin d’être un second baby-boom. Depuis trop longtemps, le Canada cherche à accomplir son utopie postnationale par une immigration toujours plus intensive.

Bien qu’on nous assure le contraire à Ottawa, c’est bel et bien la mise en œuvre des plans du « Century Initiative », qui se joue devant nous : faire du Canada un pays de 100 millions d’habitants en 2100.

Les élites politiques, économiques et médiatiques canadiennes ambitionnent d’aller au-delà de l’État-Nation pour devenir le premier pays sans attachement identitaire.

S’il s’agit du but premier de cette immigration de masse, elle en cache pourtant un autre : faire diminuer notre poids démographique et notre influence politique pour en finir avec nos revendications nationales. Cette tactique n’est pas nouvelle. Elle est directement héritée du Rapport Durham : diluer une population insoumise en la remplaçant par une autre qui sera fidèle au régime. Un truc vieux comme le monde. Un calcul froid et machiavélique. On n’est pas dupe : la démographie fait l’histoire. Notre nombre est notre force.

Quand sera-t-il de l’avenir culturel du Québec? Qu’en sera-t-il de la majorité canadienne française ? Si rien n’est fait pour renverser la tendance, ça sera un point de non-retour. Nous deviendrons une minorité sur la terre de nos pères, car c’est une véritable submersion qui se produit sous nos yeux.

Notre génération doit avoir le courage de nommer le réel tel qu’il se présente à nous, sans haine, dans une démarche constructive, et chiffres à l’appui.

On le fait par devoir citoyen, mais aussi pour laisser à nos enfants un endroit où ils demeureront maîtres chez-eux.

Il ne s’agit pas de condamner personnellement les gens qui sont nouvellement arrivés au Québec. Ce qu’on dénonce, c’est l’immigrationisme comme modèle de développement socioéconomique et ceux qui s’en servent comme outil politique.

Si on veut être pleinement maître de nos frontières et de nos politiques d’immigration, une seule solution s’impose : l’indépendance du Québec, maintenant, pendant qu’il en est encore temps. »

NA s’inscrit ici dans la longue histoire des récriminations au fédéral en matière d’immigration et reprend volontiers à son compte la théorie du complot voulant que le méchant Canada « inonde » le Québec d’immigrants « fidèles au régime » pour étouffer les aspirations du peuple québécois à sa souveraineté politique. Quand une organisation commence ainsi à parler publiquement de « submersion » et de « subversion migratoire », on conviendra qu’il est tout naturel d’évoquer, au minimum, sa parenté avec les mouvements d’extrême droite…

Sur le plan socioéconomique, quoi qu’en pensent les militants de NA, il existe des différences absolument irréconciliables entre visions « de gauche » et « de droite », et une infinité de nuances possibles entre les deux. Il va sans dire qu’avant d’accorder sa confiance à un regroupement marginal de petits messieurs nationalistes peignés sur le côté, on voudra savoir à quelle enseigne ceux-ci logent vraiment en matière de production et de distribution de la richesse, de rapports économiques, de solidarité et de protections sociales, de relations de travail, etc. Au-delà des poncifs sur les méchants banquiers anglais, rien ne porte à croire que NA envisage un avenir post-capitaliste pour le Québec indépendant, et si son approche socioéconomique repose d’entrée de jeu sur une collaboration de classe pour réaliser l’indépendance, il y a fort à parier que sa version d’un Québec souverain en est une où les rapports de classe resteront intacts.

Sur le plan de la décolonisation, NA ne dit rien de la souveraineté des peuples autochtones, et encore moins de sa préséance sur la souveraineté du Québec. Aucun projet de société en Amérique du Nord ne peut faire l’économie d’une réflexion approfondie sur la décolonisation, la restitution du territoire, la réconciliation des peuples et la guérison authentique des traumatismes générationnels. Les mouvements nationalistes québécois – généralement prompts à dépeindre le Québec en victime plutôt qu’en agent du colonialisme – ont plus souvent qu’autrement fait preuve de mépris à l’égard des revendications autochtones, ou dans les meilleurs cas, de considérations symboliques rarement assorties de démarches concrètes. Il s’agit à notre avis, d’une priorité absolue, et non d’un enjeu secondaire.

Sur la question écologique, rien de concret non plus. Leur vision d’un avenir écologique pour le Québec, pour peu qu’ils en aient une, pourrait facilement servir de prétexte à recentrer les préoccupations anti-immigration propre à l’extrême droite et aux courants écofascistes.

Sur le plan de l’équité de genre, Nouvelle Alliance ne laisse rien présager de bon non plus. Les femmes sont essentiellement absentes de leurs actions (à part sous forme de token, pour les photos), et celles dont on sait qu’elles sont liées à l’organisation affichent des positions d’extrême droite (voir ci-dessous). Ce déséquilibre dans le genre a sans doute à voir avec la présentation rébarbative du groupuscule, mais aussi peut-être avec la pression supplémentaire à la reproduction placée sur les femmes de la population majoritaire, la contrainte au « réarmement démographique », qui constitue un corolaire évident du repli identitaire et du discours anti-immigration…

Ce ne sont là que quelques unes des considérations essentielles qu’il faut examiner en profondeur AVANT de commencer à parler d’un projet d’indépendance, et non après. À plus forte raison si les individus qui se présentent aujourd’hui comme l’avant-garde séparatiste affichent déjà des tendances réactionnaires confinant au repli ethnique et au rejet de la diversité.

Qui sont les principaux militants de Nouvelle Alliance?

Section de Montréal

La section de Montréal est la première à avoir été créée, et la plus nombreuse si l’on se fie aux photos des différentes actions et évènements.

François Gervais
https://www.facebook.com/033w552222
https://instagram.com/f.e.gervais

François Gervais est d’abord apparu sur notre radar lorsqu’il s’est pointé avec son ami Suleyman Ennakhili dans la grande manifestation pour le climat du 27 septembre 2019 en brandissant un drapeau Carillon Sacré-Cœur (emblème sacré du nationalisme réactionnaire). Tous deux faisaient alors partie du maintenant défunt Front canadien-français (FCF). Le jeune Gervais avait aussi signé le « Manifeste contre le dogmatisme universitaire » à titre d’étudiant en Histoire et civilisation au Cégep Lionel-Groulx.  Nous soupçonnions qu’il était celui qui posait des collants FCF à Sainte-Thérése à cette époque-là.

Si l’on en croit sa signature de cette lettre ouverte d’avril 2021, il était à ce moment-là « représentant jeune » pour Mirabel du Comité national des jeunes du Parti Québécois (CNJPQ).

De simple membre du FCF, on l’a vu prendre du gallon et gagner en influence. Depuis le FCF, on peut dire que beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. En effet, on peut considérer François Gervais comme le principal artisan de Nouvelle Alliance. Il en est en tous cas le « président », le porte-parole et le principal visage public. Présent dans la plupart des activités, il semble s’imaginer en grand timonier menant ses hommes vers la gloire immortelle. Le noyau dur de l’organisation tourne autour de sa bande d’amis de la Rive-Nord, certains rencontrés dans le secteur de Pointe-Calumet, dont il est originaire, d’autres dans l’entourage du cégep Lionel-Groulx à Sainte-Thérèse, puis dans la frange brune du mouvement souverainiste. Il étudierait aujourd’hui à l’Université de Montréal et habiterait toujours chez papa et maman dans son secteur natal.

François Gervais a notamment joué une victime d’intimidation dans le merdique téléroman Destinées, à TVA.

Fait anecdotique, mais intéressant pour cerner le caractère théâtral du personnage et de son projet, Gervais a un passé d’enfant-acteur. Il est parfois difficile, en effet, de se concentrer sur le message politique de NA sans être complètement distrait par leur cosplay de masculinité grand-homme-important rétrograde… La principale question qui nous tenaille au sujet de Gervais reste pourtant la suivante : qu’a bien pu faire le « petit Loïc » à ses cordes vocales pour faire fitter cette voix de stentor dans ce frame de freluquet? Qu’en pensez-vous?

Suleyman Ennakhili
https://www.facebook.com/lagaffe.gean
https://www.instagram.com/patriote.actuel/

Un autre ancien du Front canadien-français, il est originaire de Pointe-Calumet et accompagne souvent François Gervais. Il a étudié au cégep Lionel-Groulx jusqu’à avril 2023, au minimum.

En 2020 nous écrivions à son sujet : « Présent aux actions du FCF, nous l’avions déjà aperçu à deux reprises arborant le Carillon Sacré-Cœur : à la manifestation islamophobe “La Vague bleue” le 4 mai 2019 à Montréal (ironiquement, sous la bannière prolaïcité des nationaux-populistes) et à la grande manif pour le climat du 27 septembre 2019. Originaire de Pointe-Calumet, on lui doit peut-être les autocollants du FCF apparus à Saint-Joseph-du-Lac. »

Suleyman Ennakhili parmi les boomers et les ti-counes assortis de la Vague bleue, le 4 mai 2019, brandissant un carillon Sacré-Cœur sous une bannière prônant la laïcité…

François Gervais et Suleyman Ennakhili dans la grande manifestation pour le climat du 27 septembre 2019, à Montréal. La première fois qu’ils voyaient des antifascistes de proche…

Suleyman Ennakhili exerce sa fougue oratoire à Saint-Denis, le 26 novembre 2022.

Jean-Philippe Desjardins Warren
https://www.facebook.com/harfanglaurentien
https://www.instagram.com/penseeslaurentiennes/
https://www.instagram.com/harfang_bleu/
https://www.facebook.com/penseeslaurentiennes/

Ancien du FCF, il fait partie de la petite bande de François Gervais à l’origine du projet Nouvelle Alliance.

En 2020 nous écrivions : « Résidant de Longueuil et étudiant en Histoire à l’UQAM, ce proche de Jason Mc Nicoll Leblanc ne nous est pas inconnu. Passé par la scène punk, il a gravité quelque temps dans le milieu underground montréalais, à l’époque où il étudiait au Cégep du Vieux-Montréal. Il a ensuite transité vers le métal noir québécois, où il a dû faire de mauvaises rencontres… Plus tôt cette année, il a signé le “Manifeste contre le dogmatisme universitaire” avant de participer aux actions du FCF. Il s’impliquerait par ailleurs au Conseil Jeunesse de la Société Saint-Jean-Baptiste. ». Il a depuis rédigé une brochure sur les patriotes pour le compte du député Xavier Barsalou-Duval du Bloc Québécois.

Depuis, le portrait s’est encore noirci, puisque Jean-Philippe est maintenant le membre le plus ouvertement d’extrême droite de Nouvelle Alliance. Prenons pour preuve cette photo de lui accoutré d’un t-shirt de l’organisation ultraconservatrice (et en voie de dissolution par le gouvernement français) Académia Christiana.

Jean-Philippe Desjardins Warren porte un t-shirt de l’Academia Chistiana, une association d’extrême droite instituée par un des fondateurs de Génération Identitaire.

Jean-Philippe Desjardins Warren lors d’une opération d’affichage à Montréal, à l’hiver 2023.

Jean-Philippe Desjardins Warren à Saint-Denis-sur-Richelieu, le 25 novembre 2023.

Il habite sur la Rive-Sud de Montréal. À l’heure d’écrire ses lignes, il est toujours étudiant à la maîtrise en Histoire à l’UQAM. Il administre vraisemblablement les comptes FB et Instagram « Pensées Laurentiennes ».

Zachary Ouimet
https://www.facebook.com/zachary.ouimet.75
https://www.instagram.com/zach_ouimet/

Un suiveux et fidèle de François Gervais, on l’aperçoit souvent dans les actions et évènements de Nouvelle Alliance.

Elliot Labrie Laplante
https://www.facebook.com/elliot.labrielaplante
https://www.instagram.com/elliot_l.l/

Un autre ancien du FCF et suiveux de François Gervais. Il vient de Sainte-Thérèse et aurait étudié à Lionel-Groulx. Il ne brille pas par son courage lors des rencontres avec des militants antiracistes.

Jeremy Racicot
https://www.instagram.com/j.racicot07/
https://www.facebook.com/jeremy.racicot.5

Ancien du FCF également. Il étudie à l’UdeM.

Le groupe de hangers-on du Front canadien-français qui allait bientôt former le noyau dur de Nouvelle Alliance. Au centre, Elliot Labrie Laplante, et à côté, avec la moustache molle, Jeremy Racicot.

Les recrues de « gauche »

JF Carrier
https://www.facebook.com/naila.chidiac
https://www.instagram.com/carrier.jf/

L’une des recrues « de gauche », c’est aussi le seul membre qui dépasse (largement) les 30 ans. JF est membre du groupe folk Makinaw. Nous avouons avoir du mal à comprendre ce qu’il fait là. Probablement attiré par la fougue nationaliste de ces jeunes militants, il semble en pleine dissonance cognitive, puisqu’il est capable le samedi d’aller voir un show punk antifasciste du groupe Les Sheriffs, et le lendemain de manifester contre « la submersion migratoire » avec les petits racistes de Nouvelle Alliance. Il habite à Beloeil.

J.-F. Carrier, militant de Nouvelle Alliance.

J.-F. Carrier, militant de Nouvelle Alliance.

Ça se discute sans doute, mais pour l’extrême droite, ça ne sera pas possible…

Émile Coderre
https://www.facebook.com/emile.coderre
https://instagram.com/fourchette_de_bishou

Émile Coderre est originaire de Saint-Germain-de-Grantham, près de Drummondville (et y réside probablement toujours). En 2014, il entre au cégep de Drummondville en Comptabilité et gestion avant de commencer à s’impliquer au sein de son association étudiante (AGECD) en 2015, après s’être présenté pour le Parti Vert du Canada dans la circonscription de Drummond lors des élections fédérales de la même année. Il s’impliquera également au sein de l’ASSÉ, au Comité Régional Anti-Montréalocentrisme pour quelques mois, tout en assistant à différentes instances nationales de l’association. En 2016, il devient membre du SITT-IWW et est présent lors de la création de la branche Drummondvilloise de l’IWW, en 2017. Tout au long de cette période, de 2016 à 2019, Émile participe à des manifestations et événements antifascistes, syndicaux et de gauche au sens large.

Dès les débuts de son implication à l’AGECD, certains de ses comportements sont problématiques (fraude pour des remboursements, comportements antisyndicaux envers l’employé de l’association, manque de respect, de considération, et attitude contrôlante envers ses partenaires amoureuses et les femmes en général), ce qui l’éloigne de la majorité de ses camarades de l’époque. En 2019, il se fait dénoncer pour agression sexuelle, harcèlement et viol par au moins deux personnes. Cette nouvelle marque un tournant. Puis on apprend en 2022 qu’il gravite autour de Nouvelle Alliance, avec qui il fera plusieurs sorties publiques par la suite. Il s’implique présentement au sein du Parti Québécois dans la région du Centre-du-Québec. En mars 2024, il participe au Karaoké souverainiste du PQ dans la circonscription de Johnson en compagnie du très vocal François Gervais au bar la Sainte-Paix de Drummondville (https://www.facebook.com/reel/418171334059616).

Aux dernières nouvelles, il vit encore à Drummondville.

Audrey Gariepy

Ancienne membre du collectif anarchiste Libertad au Cégep du Vieux-Montréal, elle rejette maintenant le féminisme et « la modernité ». À partir de 2021, elle a commencé à faire du street art à saveur royaliste et duplessiste. Son autocollant avec des drapeaux antifascistes marqués du texte « Maîtres chez nous » est un bon exemple de son discours déjà pour le moins décousu à l’époque.

De plus en plus, on l’a vue s’opposer au féminisme, qui priverait les femmes de leur libre choix (celui d’élever des enfants, par exemple), alors que ce sont les politiques rétrogrades de type duplessistes qui cherchent concrètement à priver les femmes de leurs droits et de leur libre choix (celui d’élever ou non des enfants, ou d’avoir accès à l’avortement, par exemple). Son virage vers l’extrême droite se poursuit, avec une affinité affichée envers les groupes racistes et transphobes comme le Collectif Némésis en France.

Elle est souvent la seule femme présente dans l’entourage de Nouvelle Alliance lors de leurs événements.

Audrey Gariepy a souvent été mise de l’avant dans les actions de Nouvelle Alliance.

Audrey Gariepy, ancienne gauchiste, wannabe street artist, wannabe trad wife.

Audrey Gariepy ne cache pas son affection pour des groupes et des thèmes visuels néonazis.

Quelques-unes des références d’Audrey Gariepy sur Instagram. On reconnaît de nombreux projets d’extrême droite, tendances royaliste ou fasciste.

Audrey Gariepy rejette le féminisme et le libre choix des femmes. Elle suit le Collectif Némésis, une autre organisation française d’extrême droite.

Un échantillon des brillantes créations artistiques d’Audrey Gariepy.

Section de Sherbrooke

Une partie des membres de la section sherbrookoise de Nouvelle Alliance.

Étienne Amyot
https://www.facebook.com/joseph.barrast.9https://www.instagram.com/ebamtvt/

Leader et figure publique de la section de Sherbrooke, fondée en février 2023.

Aymerik Laroche
https://www.facebook.com/aymerik.laroche
https://www.instagram.com/aymer_vlql1967/
https://twitter.com/aymeriklaroche?lang=fr

Semble vivre à Sherbrooke présentement. Travaille au Centre d’aspirateur M&R.

Aurélien Nambride
https://www.facebook.com/profile.php?id=100004930606082 https://www.instagram.com/aurelien.nambride/

Nambride est responsable du Rassemblement National (FN) Jeunesse-Canada. Il est originaire de Saint-Germain-en-Laye, en France. Il étudie présentement à l’Université de Sherbrooke. Il appuie ouvertement les partis politiques d’extrême droite en Europe, comme l’AfD (Alternative pour l’Allemagne), un parti notoire pour son racisme, sa xénophobie et ses liens chroniques avec le néonazisme.

Nambride a créé une controverse en participant au congrès de la jeunesse du Parti Québécois, où il s’est présenté comme représentant du Rassemblement National Canada. Il s’est tout de même dit « agréablement surpris par la sympathie et l’accueil des membres du parti. Certains sont des amis personnels ». Son image figurait même sur l’Instagram du Comité national des jeunes du Parti Québécois. Le PQ ne semble pas avoir pris acte des nombreux appels à se dissocier de Nambride.

Aurélien Nambride au congrès de l’aile jeunesse du Parti Québécois.

On peut voir Nambride à son plus transparent dans les captures d’écran ci-dessous, où il déborde de joie en raison du score de l’AfD aux dernières élections régionales. Un parti de gens « prêts à défendre cette Europe des nations face à l’immigration ».

Aurélien Nambride ne cache pas sa joie devant les succès électoraux de la formation d’extrême droite Alternative für Deutschland.

Section de Québec

Alexis Gauthier
https://www.instagram.com/goath13r/
https://www.facebook.com/alexis.gauthier.988

Étudiant à l’Université Laval, originaire de Gaspé récemment arrivé à Québec, il n’est pas issu des milieux d’extrême droite à la base et, à sa décharge, s’emble s’être distancé du groupe dans les derniers temps. Il avait lui-même publié des photos de l’événement de fondation de la section de Québec sur son IG. (Cet événement a eu lieu au Café au temps perdu, sur Myrand.)

Émile Boudreau
https://www.facebook.com/profile.php?id=100004657415506

Membre de Nouvelle Alliance, ce résidant de Québec est aussi membre du PQ. Il milite au CNJPQ et fait partie de l’Équipe Mener la charge, qui se présente au conseil jeunesse du PQ.

Il a 23 ans et est bachelier en Sciences politiques appliquées. Il a été représentant jeune de l’exécutif du Parti Québécois de la circonscription de Montarville, puis a été président de l’association étudiante du PQ de l’Université de Sherbrooke durant deux ans. Il a également travaillé pour le député du Bloc Québécois Xavier Barsalou-Duval à son bureau de circonscription, et il travaille actuellement pour le Bloc Québécois. Il se présente au poste de conseiller au CNJPQ parce qu’il pense qu’il est grand temps que l’aile jeunesse mène la charge dans la reconstruction de la grande coalition souverainiste qui va de gauche à droite. Peut-être en raison de la remontée du PQ dans les sondages, Émile semble lui aussi  s’éloigner un peu de Nouvelle Alliance, peut-être dans l’espoir d’une carrière au PQ…

Morgane Gauvin
https://www.facebook.com/ida.marie.de.lantagnac

Son alias « Ida marie de Lantagnac » nous est familier depuis… la fondation de Montréal Antifasciste en 2017. En 2018, elle s’est notamment fait remarquer dans l’orbite du duo antisémite DMS. Elle entame une maîtrise, après un baccalauréat en Sciences historiques et études patrimoniales. Elle est auxiliaire d’enseignement en études patrimoniales à l’Université Laval.

C’est avant tout une militante du clavier, qui fricote avec Nouvelle Alliance, dont elle prétend être l’une des fondatrices. Elle a participé à une action de graffitis stencils à Québec avec NA (photo sur son IG). Fait à noter, elle fréquente un certain Pierre Courcol, militant identitaire français qui s’est impliqué au Rassemblement National et au sein de la Cocarde étudiante.

Tout va bien mesdames et messieurs, l’honneur est sauf, il y a au moins une (1) femme dans ce party de saucisses…

Conclusion

Quoi qu’en disent ses militants, cette prétendue Nouvelle Alliance constitue une attaque frontale contre les populations immigrantes, les personnes issues de l’immigration, les personnes réfugiées, les demandeur·es d’asile et leurs familles ainsi qu’envers toutes les personnes au Québec qui portent une vision inclusive et égalitaire du vivre ensemble.

Nous ne pouvons pas en bonne conscience les laisser s’infiltrer dans nos espaces avec leur discours toxiques, et nous devons être particulièrement vigilant·es quant à leurs tentatives de recruter dans les établissements d’éducation supérieure. Ils ont déjà commencé à organiser des séances de tractage à l’Université de Montréal et à accroître leur visibilité en apposant des affiches et autocollants dans le secteur de l’université et ailleurs à Montréal, à Québec et dans d’autres localités.

Il est grand temps que le milieu antifasciste se dresse sur le chemin de cette nouvelle alliance réactionnaire.


Annexe

Voici une liste non exhaustive des actions du groupe jusqu’à présent, en ordre chronologique :

  • Fondation du groupe à Montréal le 26 mars 2022.
  • 21 mai 2022 – Dépôt d’une gerbe de fleurs au Monument aux patriotes, photo de groupe et participation à la marche pour la Loi 101.
  • 20 août 2022 – Altération des panneaux « STOP » de Ville Mont-Royal avec des autocollants « ARRÊT ». Cette action les a fait connaître d’une partie du public, car elle a généré beaucoup d’interactions sous la publication Instagram et plusieurs articles de journaux ainsi qu’une entrevue à QUB radio.
  • 15 Octobre 2022 – Accrochage d’une bannière « Je suis séparatiste » sur l’autoroute Décarie.
  • 26 novembre 2022 – Rassemblement/Marche à Saint-Denis-sur-Richelieu en honneur aux patriotes.
  • 21 janvier 2023 – Rassemblement à la colonne Nelson pour fêter les 75 ans du drapeau québécois.
  • 24 janvier 2023 – Campagne d’affichage à Montréal en l’honneur de Samuel de Champlain.
  • 15 février 2023 – « Pendaison » symbolique de cinq pantins près du pont Jacques-Cartier pour commémorer l’exécution des patriotes le 15 février 1839.
  • 25 février 2023 – Fondation de la section Sherbrooke.
  • 30 mars 2023 – Opération de tractage à l’Université de Sherbrooke.
  • 23 avril 2023 – Accrochage d’une bannière « Gouverner ou disparaître » avec drapeaux du Québec et fumigènes sur le Pollack Concert Hall de l’Université McGill en milieu de journée.
  • 27 avril 2023 – Opération de tractage à l’Université de Sherbrooke.
  • 2-3 mai 2023 – Tags à Québec et à Montréal. (Celui de Québec entraîne une « guerre de tags » à 3 joueurs, avec NA, Québec Antifasciste et Patriotes antifascistes!)
  • 22 mai 2023 – Manifestation pour la journée nationale des patriotes.
  • 1er juillet 2023 – Accrochage d’une bannière « Frontière internationale — Québec libre » sur le pont reliant Gatineau et Ottawa. Accrochage de bannières à Montréal, Québec et Sherbrooke.
  • 12 juillet 2023 – Autocollants « Arrêt » apposés sur des panneaux « STOP » et autocollants « Loi 101 » à Lennoxville. Cette action génère un topo dans le magazine d’extrême droite Causeur.
  • 24 juillet 2023 – Accrochage d’une bannière « 5 siècles de haut » sur la croix de Jacques-Cartier à Gaspé, pour célébrer le 489e anniversaire de la colonisation. (Prestement décôlissée par nos camarades du réseau Brume noire.)
  • 30 juillet 2023 – Fondation de la section Québec.
  • Août 2023 – Participation de plusieurs membres, dont Aurélien Nambride, au congrès bisannuel du comité national des jeunes du Parti Québécois. La présence de NA irrite de nombreux membres du PQ, mais leur présence est tolérée.
  • 22 août 2023 – Campagne d’affichage à la mémoire de Louis Hébert, premier colon québécois, avec slogan « Maîtres chez nous ».
  • 10 septembre 2023 – Hommage à Montcalm, avec flambeaux et drapeaux du Québec. Leur action la plus codée « facho » à ce jour.
  • 23 septembre 2023 – Nouvelle Alliance fait une apparition à la grande manifestation syndicale du Front Commun. (Ils se font un peu brasser et sortir de la manif par des camarades antifascistes.)
  • 30 septembre 2023 – Accrochage d’une bannière « Le français ma culture, l’anglais la rupture » au Cégep Garneau de Québec.
  • 25 novembre 2023 – Parade pour célébrer la victoire des patriotes à Saint-Denis-sur-Richelieu.
  • 30 novembre 2023 – Opération de tractage à l’Université de Montréal.
  • 10 décembre 2023 – Participation à une marche organisée par la SSJB en hommage aux patriotes à Saint-Eustache.
  • 21 janvier 2024 – Drapeau québécois attaché à la Colonne Nelson pour célébrer les 76 ans du drapeau québécois
  • 16 février 2024 – Manifestation et déploiement d’une bannière « Subversion migratoire » devant le bureau du ministre canadien de l’Immigration, Marc Miller.
  • 20 février 2024 – Mise en ligne d’une vidéo déplorant le « danger de l’immigration » au Québec. (Voir la transcription ci-dessous.)
  • 18 mars 2024 – « Projection politique » à Québec; projection lumineuse de différents messages pro-indépendance.
  • 24 avril 2024 – Conférence intitulée « S’armer d’impatience » à la Librairie Le Livre Voyageur, à Montréal, portant sur les Chevaliers de l’indépendance et du Réseau de Résistance du Québécois (RRQ).
  • 20 mai 2024 (prévue) – Marche pour la Journée nationale des patriotes à partir de la statue de Dollard des Ormeaux au parc Lafontaine, avant de se rendre au square Saint-Louis rejoindre la manifestation annuelle de la SSJB.

[i]               Barbeau et l’Alliance Laurentienne cultivait une sympathie pour les mouvements fascistes, entretenait une correspondance avec le néonazi Adrien Arcand et comptait dans ses rangs des membres du PUNC, la formation politique de ce dernier. Barbeau avait notamment ouvert des « Clubs Laurentie » un peu partout dans la province, publiait la revue Laurentie et aspirait à faire du Québec la République de Laurentie.
https://www.erudit.org/fr/revues/mensaf/2003-v3-n2-mensaf01359/1024646ar.pdf

[ii]               Voir l’annexe A, ci-dessus.

[iii]              Il s’agit d’ailleurs d’une posture très répandue parmi les fascistes contemporains, notamment chez le principal maître à penser de la Nouvelle Droite française, Alain De Benoist, qui voudrait carrément nous faire croire que la dualité gauche-droite est révolue!

[iv]              BOCK CÔTÉ, Mathieu, Le Totalitarisme sans le goulag, Les Presses de la Cité, 2023.

[v]               MBC opère ici un amalgame entre les positions libérales socialement progressistes et les valeurs révolutionnaires et internationalistes de la gauche radicale, comme si cette dernière avait une quelconque emprise aujourd’hui sur les institutions politiques, économiques et culturelles dominantes… C’est un autre procédé sophistique très répandu chez les passeurs d’idées de l’extrême droite.

[vi]              Ibid. p 35.

[vii]             Ibid. p 71.

[viii]             En campagne électorale présidentielle, le chef du parti Reconquête, Eric Zemmour, promettait « zéro immigration » et MBC se lamentait alors qu’on ose associer ce politicien à l’« extrême droite »!

[ix]              À l’exception peut-être du RRQ, qui n’en faisait aucune mention explicite dans son manifeste (2008), ce que lui reprochait d’ailleurs la Fédération des Québécois de souche à l’époque.

[x]               MBC dénonce régulièrement les goons identitaires, et en retour, les boneheads d’Atalante lui ont reproché d’être un identitaire de salon!  À un évènement de MBC à Québec, Atalante avait distribué un tract sur lequel on pouvait lire « La renaissance identitaire se fait par l’action et NON dans des dîners de galas! ». Sur Facebook, le groupe publiait ce commentaire à l’occasion de l’événement : « Mathieu Bock-Côté, sociologue et essayiste, qui pleurniche régulièrement sur la déchéance identitaire au Québec, mais qui est aussi le premier à cracher sur les initiatives qui répondent à l’appel, a eu droit à de cordiales salutations de la part de nos militants, que monsieur qualifiait dernièrement de : “bizarroïdes”, “folkloriques”, “caricaturaux” et “pelés”. […] Nous n’avons qu’un message à lancer! La renaissance identitaire se fait par l’action et NON dans des dîners de gala! Pourtant, c’est dommage, nous qui vous apprécions bien, M. Bock-Côté. » SOURCE : Isabelle Porter, « L’extrême droite de Québec sort de l’ombre », Le Devoir, 2 février 2017; et https://montreal-antifasciste.info/fr/2018/12/19/demasquer-atalante/.

[xi]              En février dernier, par exemple, François Legault annonçait avoir l’intention de contester en Cour suprême l’accès aux CPE des enfants demandeurs d’asile, s’appuyant sur un « gros bon sens » qui n’est au fond qu’une manifestation de la préférence nationale théorisée par l’extrême droite française. La même semaine, le gouvernement de la CAQ affirmait que l’identité québécoise est menacée par les demandeurs d’asile, et François Legault continue de demander (sans succès) le rapatriement de tous les pouvoirs en matière d’immigration. Le PQ exige quant à lui un moratoire sur l’immigration temporaire, agite publiquement les spectres de la disparition du Québec orchestrée par les fédéralistes, et reprend un discours étrangement similaire à ceux que tient Nouvelle Alliance sur la nécessité pour la gauche et la droite de s’entendre sur l’essentiel pour réaliser l’indépendance aussitôt que possible. Les deux formations se montrent maintenant favorables à un référendum sur l’immigration, une initiative hasardeuse qui aurait inévitablement pour conséquence de cliver encore plus la société québécoise et de marginaliser davantage les populations migrantes projetées au cœur de ce conflit.

Bonus track, juste parce que lol :

Affichage d’urgence dans les métros

 Commentaires fermés sur Affichage d’urgence dans les métros
Nov 152023
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Ce matin, une vingtaine de stations de métros ont été tapissées à travers la Ville.