Le complexe de 9 étages composé de commerces, de 400 espaces de stationnement et de condos suscite beaucoup de colère dans la ville de Rivière-du-loup, dans le Bas-du-Fleuve, où les locataires avaient déjà de la difficulté à trouver des logements abordables. Plusieurs ont eu la mauvaise surprise d’apprendre que leur logement allait être détruit pour faire place à la tour qui vient briser la quiétude de leur rue. D’autres s’alertent avec raison d’éventuelles hausses des loyers. La mairie s’est empressée de donner son aval au mégaprojet malgré l’opposition de plusieurs citoyens et citoyennes de la ville.
Une très jolie affiche a dans les dernières heures fleurie sur les poteaux du centre-ville de Rivière-du-loup où l’on peut apercevoir un dinosaure avec la tête de Yan Boudreau, président du Groupe Medway. Le projet y est dénoncé comme « monstrueux » et y est associé des conséquences telles que les évictions, les hausses de loyer et l’embourgeoisement. Ces affiches ont tôt fait de gêner les autorités. Elles ont été décrites comme du « vandalisme » et des « messages d’intimidation » commis par des « malfaiteurs » sur le site d’une station de radio locale. À Rivière-du-loup comme ailleurs, les autorités tentent de faire taire les opposants et opposantes aux grands projets nuisibles qui utilisent bien les seuls moyens qu’il leur reste face à l’asymétrie du pouvoir.
De Chicoutimi à Rivière-du-loup, solidarité contre les embourgeoiseurs et leur monde!
Lors de la dernière action du Collectif Emma Goldman, celle en solidarité avec les évincé-e-s du squat de l’autogare de Chicoutimi, un mal-logé du centre-ville me témoignait de la situation de rénoviction qu’il vivait dans son logement. Pour lui, la situation de crise du logement abordable au Saguenay avait des sources multiples, dont l’embourgeoisement, les Airbnb et une forme de mépris des propriétaires envers les moins nanti-e-s. Je l’écoutais attentivement même si je me disais que c’est le genre d’analyse que le Collectif diffuse depuis plusieurs années, une analyse qui témoigne de la réalité crue vécue dans le centre-ville. Bien sûr, on est loin des discours d’élu-e-s comme Mireille Jean selon lesquels, s’il faut les croire, les pouvoirs publics multiplieraient constamment les initiatives pour venir en aide aux mal-logé-e-s… Sur le terrain, le mépris de la ville pour les moins nanti-e-s se vit pourtant à tous les niveaux et au quotidien. Lorsque leurs logements gênent, on les détruit malgré leur statut patrimonial pour les remplacer par quelques places de stationnement en plus. Lorsque leurs présences dans les commerces et sur les rues commerciales gênent, on envoie systématiquement la police pour les harceler et les taxer avec de nouveaux tickets – ça a d’ailleurs été l’une des raisons du déménagement du poste de police. Lorsque leur désespoir et leur détresse gênent, on installe de nouvelles caméras et on augmente les patrouilles policières plutôt que de renforcer le filet social. Les pauvres gênent une certaine classe de privilégié-e-s à Saguenay et l’embourgeoisement devient synonyme de chasse aux pauvres. Dans ce texte, j’aimerais explorer la problématique des Airbnb dans l’embourgeoisement du centre-ville de Chicoutimi.
En dépit d’un encadrement règlementaire plutôt récent, les lieux pouvant être loués sur Airbnb autour de la ville de Saguenay se comptent par centaines selon le site Web de la plateforme. Une recherche très rapide m’a permis d’en trouver plusieurs dizaines dans le seul quartier du centre-ville de Chicoutimi. C’est dire que dans le contexte d’une crise du logement abordable, des propriétaires et des promoteurs immobiliers empirent la situation en préférant louer pour de courtes durées à des touristes qui paieront plus cher plutôt qu’aux habitants et habitantes du quartier. La ville accorde certes des permis aux propriétaires effectuant de telles transactions via la plateforme de la multinationale dont le chiffre d’affaires atteint plusieurs milliards de $, mais elle ne fait rien pour empêcher le processus de détérioration de la situation du logement dans la ville qu’engendre les Airbnb. Avec ou sans permis octroyé par la ville, les problèmes causés par les Airbnb restent les mêmes.
En plus de retirer des logements du parc locatif (au profit du parc touristique), les Airbnb stimulent l’augmentation du coût des logements. Plus les logements disponibles se font rares, plus la tension se fait ressentir sur le marché locatif. Les proprios reçoivent de plus en plus de demandes pour leurs logements et ont de plus en plus de marge de manœuvre pour faire monter les prix des logements, faire accepter des logements dans des conditions exécrables et effectuer une sélection discriminatoire de leurs locataires (comme cela demeure répandu au Saguenay). De plus, les Airbnb stimulent une transformation à moyen et long terme des quartiers par des changements dans l’offre commerciale pour convenir aux touristes qui ont plus d’argent à dépenser. C’est aussi cela l’embourgeoisement. Des commerces « huppés » apparaissent dans des quartiers populaires où la majorité du monde qui y habite n’a même pas le moyen de se procurer les articles les moins dispendieux. Au final, c’est la satisfaction des besoins élémentaires des gens qui est attaquée avec la formation de déserts alimentaires, ainsi que le tissu et la vie sociale de la communauté résidant dans les quartiers.
Que veulent alors, me direz-vous, les mal-logé-e-s du quartier? En toute humilité, c’est bien dur à dire, mais dans les grandes lignes… Nous voulons un quartier pour nouer des liens de solidarité et d’entraide avec les gens qui nous entourent, un quartier pour voir s’épanouir en sécurité et dans la convivialité les enfants, les adultes et les personnes âgées, un quartier pour vivre et défendre la vie. Nous ne voulons pas d’un quartier où la circulation de transit des employé-e-s pressé-e-s domine les rues, d’un quartier muséifié par la touristification où la fausse image est plus importante que l’humain, d’un quartier où l’argent est maître et où, dans l’indifférence, on laisse croupir des personnes exploitées et opprimées dans la misère et l’isolement.
Samedi dernier, 9 avril, le Colletcif anarchiste Emma Goldman a réalisé une action de solidarité avec la trentaine de personnes qui ont été évincées du squat de l’auto-gare au centre-ville de Chicoutimi. En plus de la soupe et du pain gratuits, des tracts ont été distribués aux passant.e.s afin de discuter de la situation des plus démunis dans ce secteur de Chicoutimi. Nous avons aussi installé un lit, des couvertures et un canapé dans l’ancien squat, une action symbolique qui vise à mettre de l’avant l’entraide et la solidarité plutôt que la répression et la stigmatisation. Les agents répressifs vont sûrement jeter cette installation dans les plus brefs délais puisque des gardes de » sécurité » guettent les lieux 24 heures sur 24 afin de s’assurer que personne ne revienne s’y réfugier. Des milliers de dollars d’argent public pour financer la répression des plus vulnérables. Un portait loin d’être reluisant pour la nouvelle administration municipale qui continue dans la même lignée que ses prédécesseurs.
Mireille Jean, nouvelle conseillère du district 8 dont fait partie le centre-ville, martèle le discours sécuritaire. La sécurité pour qui? Les commerçants et leur clientèle? Mais que fait-on de la sécurité des personnes itinérantes qui se font jeter dehors par temps froid? Elle veut assurer la sécurité des gens qui sont que de passage au centre-ville. Celles qui viennent consommer dans les restaurants et les boutiques ou y travailler pour ensuite retourner dans leurs quartiers périphériques. La sécurité dont les gens à la mairie parlent n’inclue pas les plus démunis qui eux vivent dans ce quartier, mais sont effacés. Entre le quartier » des affaires » devenu le quartier » numérique » et l’augmentation de la répression, il ne fait pas bon vivre au centre-ville pour les pauvres. Les politiciens et politiciennes qui siègent à la mairie veulent un quartier lissé où règnent les commerces, les restaurants et les compagnies du numérique à la sauce Ubisoft alors que les pauvres sont repoussés dans les quartiers limitrophes, comme s’ils allaient disparaître. La pauvreté va seulement changer de place mais elle sera encore bien existante.
Pour terminer, voici le texte du tract qui a été distribué lors de l’événement:
« S’il y a des miséreux dans la société, des gens sans asile, sans vêtements et sans pain, c’est que la société dans laquelle nous vivons est mal organisée. On ne peut pas admettre qu’il y ait encore des gens qui crèvent la faim quand d’autres ont des millions à dépenser en turpitudes. C’est cette pensée qui me révolte! » – L’anarchiste Louise Michel (1830-1905)
C’est bien beau les places à l’européenne et les bateaux de croisière développés à grands frais par les administrations qui se sont succédé à Ville Saguenay, mais derrière ces idées de grandeur, il se cache une triste réalité. Une réalité peut reluisante où l’administration municipale, un palier de gouvernement supposément de proximité, n’est même pas en mesure de fournir les besoins élémentaires de toutes les personnes qui vivent sur son territoire. En effet, la ville peine à assurer que tous et toutes aient un toît et des installations sanitaires disponibles peu importe les moyens ou les conditions des gens. Pire, elle détourne le regard lorsqu’elle est confrontée au problème, voire l’amplifie.
Il ne faut donc pas s’étonner lorsque les ressources sont insuffisantes ou ne répondent pas aux besoins des individus, que des personnes décident de s’organiser et de prendre ce qu’elles trouvent à proximité. C’est une chose que tous et toutes envisageraient de faire dans la même situation. L’occupation de la cage d’escalier de l’auto-gare du Havre par une trentaine de squatteurs et de squatteuses venait donc combler un besoin d’hébergement près des différents services au centre-ville (soupe populaire, groupes communautaires, la Maison des sans abri, etc). Rappelons que les femmes n’ont pas accès à la Maison des sans-abri. Elles doivent alors être hébergées dans les maisons pour femmes victimes de violence conjugale. Toutefois, ces dernières n’acceptent pas les femmes sous les effets de la consommation (drogues, alcool, etc.), donc plusieurs se retrouvent à la rue sans ressource. Cependant, la ville préfère détourner le regard et faire dévier le débat sur la question sécuritaire.
Vil Saguenay: cachez ses itinérants et ses itinérantes que je ne saurais voir
Si la ville n’a toujours pas débloqué les fonds pour repeinturer l’endroit, elle a cependant rapidement trouvé le budget pour l’embauche d’une agence privée de sécurité afin d’empêcher le retour des squatteurs et squatteuses. Un petit détail que la nouvelle administration Dufour a omis de mentionner au public lors de son opération de communication. Par le fait même, elle avoue que le problème de l’itinérance demeure entier et que la ville n’envisage pas d’y remédier en d’aucune manière à l’exception de la chasse au pauvre qu’elle effectue au centre-ville. Mission accomplie selon la mairie! Ils ont rassuré les commerçants et les consommateurs et consommatrices félicitent sans doute les bureaucrates municipaux confortablement assis derrière leur bureaux ainsi que leur bras armé, la police de Saguenay.
Ne nous méprenons pas, ce n’est pas une fatalité, encore moins une question de moyen, car rappelons qu’au plus fort de la pandémie de COVID-19, la ville avait ouvert les portes de ses installations au vieux-port de Chicoutimi pour accueillir des personnes en situation d’itinérance. La ressource a fermé, mais les besoins demeurent toujours aussi criants. Notons l’immense besoin de logements de qualité et abordables. Est-ce qu’il faudra attendre la grande guignolée des médias ou les grands froids de l’hiver pour se pencher sur la question de l’itinérance et trouver des solutions? C’est maintenant que la ville doit s’y pencher afin de trouver une solution durable pour que personne ne soit laissé en reste.
Cela pourrait commencer par l’ouverture de haltes chaleurs l’hiver et l’investissement massif dans le développement d’habitations de qualité à coût modique.
Commentaires fermés sur Berlin: Rigaer94 appelle à la solidarité internationale – la destruction de notre espace est attendue
Fév182021
Soumission anonyme à MTL Contre-info
Après l’expulsion du house project anarcha-queer-féministe Liebig34 le 9 octobre 2020, l’offensive de l’État et du capital contre les structures autogérées dans le nord de Friedrichshain et dans d’autres quartiers de la ville n’a pas cessé. La Liebig34 est depuis lors sous le contrôle du propriétaire et la présence de son gang a également eu un effet sur la vie locale. La Dorfplatz (« place du village ») située juste en face de la maison a été, ces derniers mois, moins utilisée par les résidentes et les visiteureuses comme espace commun et a connu quelques affrontements mineurs avec les envahisseurs. En prenant l’un des points stratégiques du quartier et en éliminant en même temps un adversaire politique, l’État et la capitale ont pu se concentrer sur la Rigaer94, qui se trouve à quelques mètres de la Dorfplatz et qui a été un sujet récurrent dans les médias au cours de l’année dernière.
Il y a quelques jours, des flics et des pelleteuses ont détruit un campement de sans-abri à Rummels Bay, à quelques kilomètres de chez nous. Le prétexte était le gel extrême, en réalité il est aussi là pour servir le profit des investisseurs. L’expulsion du Potse est également prévue dans les prochaines semaines – la ville est en train de supprimer tout site rebelle.
Ce qui a commencé par des plaintes ridicules de l’opposition parlementaire sur les risques d’incendie de la maison est devenu l’un des problèmes centraux des forces de l’ordre. Tous ceux qui ont dépensé leur énergie pendant des années pour créer une image dépolitisée de Rigaer94 comme une maison pleine de gangsters brutaux ont commencé à parler de leur inquiétude que les habitant-es puissent mourir tragiquement dans un incendie. Leur rhétorique est très transparente car elle était principalement basée sur le fait que la maison dispose de plusieurs mécanismes pour barricader rapidement les entrées principales. Ces barricades sont en fait une pièce centrale de la sécurité des habitantes. Non seulement les réseaux «sociaux» regorgent de menaces fascistes visant la maison, mais les flics ont également prouvé ces dernières années qu’ils étaient non seulement capables de lancer des actions très violentes soutenues par la loi, mais aussi de coordonner ouvertement leurs actions avec les forces para-étatiques, à savoir les fascistes organisés et la structure mafieuse de l’industrie immobilière. Par exemple, le propriétaire de Liebig34, mais aussi d’autres sociétés, sont bien connus à Berlin pour avoir expulsé des maisons en les incendiant. Le message derrière cette fausse discussion sur notre sécurité n’était rien d’autre qu’une menace directe et un appel aux forces para-étatiques pour qu’elles mettent le feu à notre bâtiment. En même temps, il visait à créer une opinion publique et une base juridique pour détruire la structure de la maison sans avoir à obtenir un titre d’expulsion.
L’obstacle juridique sur la voie d’un titre d’expulsion est apparu en 2016, lorsque la Rigaer94 a repoussé une action policière majeure de trois semaines. Sous la pression de l’opinion publique, un tribunal avait déclaré l’invasion de la maison illégale et n’avait pas reconnu les avocats du propriétaire qui est, soit dit en passant, une société de boîtes aux lettres au Royaume-Uni. Des événements récents ont fait repartir cette situation à zéro. Début février, un tribunal a décidé que la police devait soutenir cette société de boîtes aux lettres pour garantir la soi-disant sécurité incendie à la Rigaer94. Par cette décision, le propriétaire est officiellement reconnu et va bientôt essayer d’entrer dans la maison en compagnie d’un expert national en matière de sécurité incendie et, bien sûr, d’énormes forces de police. Lors de raids similaires contre Rigaer94, les forces de police spéciales et les ouvriers du bâtiment ont causé de lourds dommages au bâtiment. Leur objectif a toujours été de rendre la maison inhabitable avant qu’elle ne puisse être expulsée et qu’elle ne soit rénovée.
Nous pensons que le prétexte de la sécurité incendie sera utilisé non seulement pour enlever nos barricades, mais aussi pour faire une descente légale dans tout le bâtiment et pour expulser les appartements afin de créer des bases permanentes pour la bande de propriétaires qui commencera à détruire la maison de l’intérieur. Comme prévu, la sécurité incendie est maintenant utilisée comme un outil pour terroriser les structures rebelles qui se sont emparées de la maison il y a plus de 30 ans et qui ont été impliquées dans de nombreuses luttes sociales différentes ainsi que dans la défense de la région contre l’État et le capital. En général, nous pensons que l’importance d’une communauté combative en combinaison avec un territoire occupé ne peut pas être sous-estimée. La Rigaer94 , avec ses jeunes autonomes et l’espace non commercial autogéré Kadterschmiede, est un lieu de convergence pour l’organisation politique et de quartier, qui abrite non seulement des personnes en lutte mais aussi l’héritage de l’ancien mouvement de squat et du mouvement en cours contre l’embourgeoisement et toute forme d’idées anarchistes. De nombreuses manifestations, événements politiques et cultuels ont eu lieu à partir de la maison et, pour ne pas l’oublier, de nombreux affrontements avec les forces de l’État dans le quartier ont été soutenus par l’existence de ce haut lieu. C’est pour cette idendité politique que la Rigaer94 et les structures et réseaux rebelles qui l’entourent traumatisent des générations de flics et d’hommes politiques et sont ainsi devenus un point central de leur agression contre celleux qui résistent. Au moment même où les derniers lieux non commerciaux et autogérés de Berlin sont expulsés, où la pandémie est utilisée pour répandre le virus du contrôle, de l’exploitation et de l’oppression, nous devons prendre au sérieux la menace d’une tentative très possible de nous expulser dans les jours ou les semaines à venir et, par conséquent, nous choisissons de continuer à nous organiser avec des démarches collectives pour défendre nos idéologies et nos espaces politiques. Cependant, il est politiquement important de continuer à lutter pour toutes nos luttes sociales du mouvement révolutionnaire, même en dehors de cette maison, et de ne pas laisser ceux qui sont au pouvoir intervenir dans nos agendas politiques et notre résistance.
Ils pourraient expulser notre maison, mais ils n’expulseront pas nos idées. Pour maintenir ces idées en vie et les alimenter, nous invitons tout le monde à venir à Berlin pour plonger la ville des riches dans le chaos. Nous appelons à tout type de soutien qui pourrait nous aider à empêcher la destruction de la Rigaer94. Mais si nous perdons cet endroit au profit des ennemis, nous sommes prêts à créer un scénario sans vainqueur.
Commentaires fermés sur Une autre fin est entièrement spéculative : Réflexions sur l’expulsion du campement Notre-Dame
Déc122020
Soumission anonyme à MTL Contre-info
Le lundi 7 décembre à 7 heures, plus de 50 personnes ont tenté de se rassembler près du campement de Notre-Dame pour soutenir les résident.e.s menacé.e.s d’expulsion par les flics ce matin-là. Ce campement a été établi l’été dernier par des personnes vivant sans abri sécuritaire. Le SPVM avait déjà établi un périmètre autour du campement et l’a défendu pour empêcher les manifestant.e.s de s’en approcher. Ainsi, la police a pu facilement évacuer les résident.e.s du campement comme prévu.
Même s’il était certainement inspirant de voir tant de gens sortir pour une telle cause, la manifestation de solidarité du matin s’est terminée de la même manière que bien des actions antifascistes à la frontière de Lacolle : les flics immobilisent la foule, puis l’empêchent d’atteindre ses objectifs. À ce stade, la seule chose qui reste à faire est de crier des injures. Ce qui était décevant et inefficace, étant donné que l’objectif de l’action de ce matin-là était d’arrêter les expulsions.
En quoi cela aurait-il pu être différent ? Comment les personnes qui se sont présentées auraient-elles pu se comporter de manière à empêcher les flics d’expulser de force les gens de leurs abris et de la communauté qu’ils avaient créée ? Cette réflexion rappelle une autre fin possible, qui est entièrement spéculative.
Je voudrais commencer par reconnaître quelques points importants pour expliquer comment je me situe vis-à-vis de l’appel à la solidarité de lundi matin : a) alors que certain.e.s résident.e.s du camp ont exprimé leur volonté d’être relogé.e.s par le SPVM et les services sociaux, plusieurs autres ont manifesté un ardent engagement à rester sur place malgré la menace d’expulsion. Cette réflexion est une tentative d’imaginer comment des sympathisant.e.s auraient pu faciliter les conditions pour que ces résident.e.s puissent rester ; b) dans toute (ré)imagination stratégique, il n’y a jamais de certitudes, c’est pourquoi cette réflexion est une façon d’envisager des réponses futures ; c) plusieurs personnes présentes ce matin-là avaient déjà collaboré avec les résident.e.s du campement de Notre-Dame et elles ont partagé des informations critiques qui ont permis à l’action de solidarité de se concrétiser. Ces relations existantes sont cruciales pour toute réponse de solidarité ; d) je n’ai moi-même aucune relation avec les résident.e.s ou les organisateur.trice.s de ce campement.
Compte tenu de ce qui précède, j’aimerais réimaginer l’action de lundi matin sous l’angle de la dissuasion. Alors, permettez-moi de spéculer…
Début novembre, alors que le temps change, que les nuits deviennent plus froides et les jours plus courts, de nombreuses personnes de la constellation de la gauche radicale, anarchiste et autonome de Montréal se réunissent pour discuter de ce qu’il faudrait faire lorsque les résident.e.s du campement de Notre-Dame feront face à une expulsion. Ce scénario est prévisible non seulement en raison des expériences passées, mais aussi parce que ces personnes ont déjà des relations avec les gens du camp, et que la police a déjà procédé à des expulsions similaires dans d’autres parties de la ville ainsi que dans d’autres grandes villes comme Toronto. On sait qu’il y aura un périmètre de police limitant l’accès au camp dès l’aube de l’expulsion.
À force de conversations et de collaboration, les organisateur.trice.s de cette coalition de réaction rapide parviennent à une proposition à présenter aux habitant.e.s du campement : lorsque la police viendra avec sa menace d’expulsion, les partisan.e.s entreront discrètement dans le camp la veille, planteront leurs tentes et seront prêt.e.s à réagir dès l’arrivée matinale des flics, des pompiers et des services sociaux.
La réaction des résident.e.s à cette proposition est mitigée. Certain.e.s sont prêt.e.s à déménager avec le soutien des services sociaux et craignent qu’une telle action ne les empêche d’être relogé.e.s avec le peu de soutien que la Ville pourra leur offrir. D’autres résident.e.s expriment une certaine hésitation, tout en étant plutôt d’accord avec l’idée générale de rester sur place et de conserver leur communauté autonome. C’est super important pour beaucoup d’entre elles et eux, étant donné que depuis 4-5 mois, ils et elles sont nombreux.ses à avoir établi des relations de soutien au sein de ce campement. Après bien des discussions, il est décidé que cette proposition sera mise en œuvre, étant entendu qu’on n’empêchera aucun.e résident.e de recevoir le soutien offert par la Ville, tout en sachant que ce soutien sera limité, et au mieux superficiel. Tout le monde repart de cette réunion avec une idée précise de ce qui se passera si la menace d’expulsion se concrétise.
Un mois plus tard…
Vers 6 heures du matin, le 7 décembre, la première voiture de police s’arrête. Les flics pensent avoir le dessus étant donné que les actions de solidarité ont été postées sur Facebook et Twitter pour plus tard dans la matinée. Cependant, les organisateur.trice.s de l’action de nuit ont veillé à faire passer le message par des outils de communication sécurisés et par le bouche à oreille uniquement. Quarante personnes se sont présentées la veille avec des tentes, et elles sont toutes prêtes à réagir. Alors que les flics s’approchent du camp, les partisan.ne.s surgissent de leurs tentes et forment un périmètre autour de la zone centrale du camp. Ce faisant, ils et elles ont pu avertir les personnes qui se trouvent en attente à l’extérieur du campement. Une fois ces personnes informées, elles appellent plus de monde afin de renforcer les lignes autour des extrémités est et ouest du camp.
Les flics sont surpris par l’afflux de soutien ainsi que par la volonté des gens de maintenir la ligne. À 7h30, les flics sont entourés par une ligne de manifestant.e.s extérieure et intérieure et, à 8h du matin, les gens continuent d’affluer. La police évalue la situation et conclut qu’aucune action immédiate ne peut être entreprise. Bien que l’expulsion ait été évitée ce jour-là, la menace est toujours présente. L’action matinale a encouragé de nombreux.ses résident.e.s qui commencent à discuter des moyens de renforcer leur position. L’issue est encore inconnue, mais tant les résident.e.s du camp que leurs soutiens se sentent renforcé.e.s par ce premier succès.
Et bien que ce résultat ne soit que spéculatif, j’espère qu’il permettra une réflexion plus approfondie sur les moyens de passer d’une position réactionnaire de solidarité à une position qui porte en elle la possibilité de réellement dissuader les flics de faire chier le voisinage.
Les pauvres, les sans-emploi, les précaires, les sans-papiers, les travailleur.ses à contrats et autres travailleur.ses — nous tous et toutes qui joignons les deux bouts un mois à la fois — nous ne serons pas en mesure de payer notre loyer ce 1er avril. Beaucoup d’entre nous avions déjà de la difficulté à payer le loyer avant que cette crise ne frappe, et accumulons probablement déjà du retard. Dans une perspective d’action directe et de solidarité sociale, TOUTES ET TOUS les locataires peuvent refuser de payer leur loyer ce 1er avril.
Même si vous avez les moyens de payer votre loyer, vous joindre à la grève est essentiel pour soutenir ceux et celles qui ne le peuvent pas. Nous devons être une masse critique de gens à participer afin de rendre la situation intenable et d’empêcher les autorités de nous réprimer.
Ensemble :
Arrêtons de payer nos loyers ;
Bloquons les expulsions et les rénovictions ;
Rendons disponibles les logements vacants — incluant Airbnb, condos vides et hôtels — pour héberger les itinérant.es ou les gens sans logement sécuritaire.
L’urgence du moment en appelle à une action collective décisive. Protégeons-nous et prenons soin de nous et de nos communautés. Maintenant plus que jamais, nous devons refuser l’endettement et l’exploitation. Les locataires ne doivent pas être forcé.es de payer le prix d’une crise sanitaire collective.
La Régie du logement a suspendu les audiences d’expulsions. Dans le futur immédiat, votre propriétaire ne peut pas vous faire comparaître à la Régie pour vous expulser si vous ne payez pas votre loyer.*
Si vous vivez tout de même du harcèlement ou de l’intimidation de la part de votre propriétaire, discutez avec vos voisin.es d’une réponse collective.
*En dernier recours, si les activités régulières de la Régie recommencent et que vous êtes convoqué.es à une audience d’expulsion, vous pouvez éviter l’expulsion en payant, sur le coup et en argent comptant, tous les loyers non-payés ainsi que les frais supplémentaires, tant que vous n’avez pas souvent payé votre loyer en retard. Mais si nous sommmes assez nombreux.ses à faire grève, nous pourrons nous supporter mutuellement et rendre impossible le déroulement normal des expulsions. De l’information juridique supplémentaire suivra. [VoirEnjeux légaux ; NdMTLCi] greve_loyers_mtl@riseup.net
? POUR UN MONDE SANS LA PIRE DES ÉPIDÉMIES : PATRONS, PROPRIOS, FLICS ?
Hé oui ! Encore un autre lieu culturel associé à la scène alternative qui s’éteint, l’un des seuls d’Hochelaga-Maisonneuve. Nous avions un rêve, celui d’avoir un local reflétant les valeurs de la contre-culture et du syndicalisme avec pignon sur rue, dans notre quartier. Nous étions un groupe de bénévoles avec l’envie d’organiser un lieu ouvert sur l’ensemble de la communauté. Nous n’avons pas récolté le moindre dollar dans cette aventure, au contraire.
Nous voulions qu’il y ait un lieu dans lequel il serait possible pour les musicien.ne.s engagé.e.s d’offrir des performances, pour les artistes visuel.le.s d’exposer le fruit de leur travail, pour les syndicalistes de tout acabit de se réseauter et pour les habitant.e.s du quartier de s’organiser. Les quelques mois où nous avons été en activité nous ont bel et bien prouvé que c’était un besoin dans le quartier. Les autorités municipales en ont décidé autrement.
C’est donc avec une grande tristesse, et suite aux pressions répétées du Service de Police de la Ville de Montréal (SPVM) et de l’arrondissement Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, que nous nous devons de mettre la clé dans la porte de L’Industrielle, espace culturel et syndical.
Nettoyer le quartier pour l’arrivée d’Osha Condos ?
Le rappeur Will E. Skandalz en prestation à L’Industrielle le 4 août 2019. (Crédits : Cédric Martin)
Depuis notre arrivée dans le quartier au courant de l’été, nous avons été frappé par la présence policière complètement démesurée, principalement aux alentours de la rue Sainte-Catherine. Il était simplement impossible de passer plus de quelques minutes dans le coin sans croiser une voiture de patrouille du SPVM. Dès notre ouverture, les policiers et policières ont commencé à venir intimider les gens qui fréquentaient l’espace, souvent en convoi allant jusqu’à une dizaine de véhicules. L’intimidation policière s’est poursuivie tout au long de l’aventure. C’est ça la liberté d’expression ?
Comme si ce n’était pas assez, l’arrondissement Mercier-Hochelaga-Maisonneuve a décidé également de se joindre à l’effort de répression nous visant. C’est ainsi que les autorités municipales se sont mises à faire pression sur notre propriétaire et nous-mêmes puisqu’il semble que nous ne respections pas le permis d’occupation du bâtiment. Pourtant, les anciens locataires du local, qui l’ont occupé pendant de nombreuses années, n’ont jamais eu de problème à ce niveau, malgré que les activités y étaient très semblables. Coïncidence ?
Comment ne pas faire le parallèle avec l’arrivée d’Osha Condos, situé à deux coins de rue du local que nous occupions, en plein coeur de la partie la plus pauvre du quartier ? Il nous semble clair que le SPVM et l’arrondissement veulent nettoyer le quartier pour le rendre présentable aux yeux des spéculateurs, promoteurs de condos et autres entrepreneurs bon chic bon genre. C’est ça le projet de Projet Montréal ? On sort les pauvres du quartier à grand coup de règlements municipaux et de répression policière ? C’est comme ça qu’on revitalise un quartier, c’est ça ?
Montréal, ville culturelle et engagée ?
Prestation du groupe Feed à L’Industrielle, le 12 août 2019. (Crédits : Cédric Martin)
L’arrondissement Mercier-Hochelaga-Maisonneuve fait vraiment des pieds et des mains pour s’assurer de tuer toute initiative culturelle indépendante. Les espaces où il est possible pour la contre-culture de s’exprimer se font de plus en plus rare à cause des pressions du SPVM et de l’arrondissement. Nous étions l’un des seuls espaces restants où il était possible d’organiser un concert underground. Il semble que les autorités préfèrent les spectacles d’artistes mainstream, sponsorisés par des multinationales de l’entertainment et vidés de tout contenu revendicateur.
Montréal surfe présentement sur sa réputation de ville culturelle et ouverte. C’est bon pour le tourisme, c’est bon pour AirBnB et Uber aussi. Mais est-ce que Projet Montréal prend seulement le temps de voir ce qui est bon pour la population de la ville et du quartier ? Est-ce vraiment de plus de condos dont nous avons besoin ? Est-ce vraiment de commerces où la marchandise se vend trois fois plus cher qu’ailleurs dont nous avons besoin ? Nous ne croyons pas.
Aujourd’hui, nous fermons nos portes, mais nous faisons la promesse de ne pas quitter le quartier. Nous restons et nous continuerons à nous organiser, à nous exprimer, à revendiquer et à lutter, quoiqu’en pensent les autorités municipales.
Pour des espaces culturels où la scène indépendante peut s’exprimer sans se ruiner !
Pour des espaces communautaires qui répondent aux besoins de la population locale !
Pour des espaces où il est possible de s’organiser et de revendiquer !
Le collectif de L’Industrielle, espace culturel et syndical
Tôt le matin du lundi 10 juin, la police de Montréal a tiré sur un homme. Un voisin avait une crise. Plutôt que de faire quelque chose d’utile, les flics l’ont harcelé pendant des heures. Leurs armes étaient pointés vers sa tête. Ils lui ont finalement tiré dans la jambe à travers la porte de son propre appartement tôt lundi matin. Dimanche le 17 juin, des anarchistes du quartier St-Henri à Montréal ont collé des affiches rappelant au quartier d’y penser à deux fois avant d’appeler la police.
St-Henri est actuellement dans un processus d’embourgeoisement rapide et brutal. L’embourgeoisement va de paire avec le nettoyage sociale. Cela signifie les arrestations et les relocalisations de personnes ayant des troubles de santé mentale, de pauvres, d’utilisateur.trice.s de drogue, de travailleur.euse.s du sexe et de tous.tes celleux d’entre-nous qui essaient de s’en sortir dans un monde cruel. Un façon de résister au poliçage et à l’embourgeoisement de notre quartier est d’arrêter d’appeler les osti de flics. On a fait des affiches qui nomment toutes les personnes non-armées ayant été tuées par le SPVM depuis les dernières années, parce que c’est sérieux. Les flics escaladeront toujours la situation. Nous ne pouvons pas leur faire confiance. Bâtissons plutôt des relations de confiance entre voisins : rendons la police inutile! SVP téléchargez et partager ces affiches — faites savoir à vos voisins que LES FLICS TUENT et partagez des alternatives à appeler la police pour que plus personne n’ait le sang de leur voisin sur les mains.
Nous reproduisons ci-dessous le message du Collectif 7 À NOUS (que vous apercevez sur la photo prise au Bâtiment 7) qui tient à se dissocier d’un événement (22 au 24 mai 2019) que certains auraient tendance à mêler volontairement, pourtant deux projets aux antipodes quant aux buts et à la philosophie.
DUR LENDEMAIN
Cette semaine s’est ouvert à Pointe-Saint-Charles, sous le thème de « demain », la version 2019 de C2 Montréal (C2, pour commerce et créativité). C2 Montréal, c’est la foire commerciale « la plus avant-gardiste au monde » (intelligence artificielle, biotechnologie, « écoresponsabilité », yoga avec chèvres, menu végétalien et ainsi de suite), à 1 600$ la journée. Alors que notre quartier est décimé depuis des années par l’embourgeoisement, la grande classe d’affaires vient se pavaner chez nous pour se donner une image d’avant-garde. C2 Montréal est en effet un habitué des lieux excentrés au fort potentiel de « développement » et de « créativité ». Il est donc tout naturel que la Pointe leur soit tombée dans l’œil.
De fait, l’embourgeoisement utilise comme l’un de ses moteurs une fausse image de marque créée de toute pièce par les promoteurs immobiliers, la classe d’affaire en général et les instances étatiques et municipales. Alors qu’il y a 20 ans, la Pointe était parsemée d’édifices en ruine ou abandonnés et que la misère y était partout visible, le quartier est maintenant présenté comme le nec plus ultra de la vie urbaine, en effaçant son histoire et sa vie ouvrière, sa misère qu’on a déportée à coups de hausses de loyers. C’est beau la démocratie; pas besoin d’armée ou camps pour déplacer des gens, on n’a qu’à laisser « le marché » faire le travail « naturellement » en montant le coût de la vie, logement en premier.
Dans ces conditions, pas surprenant que Stephen Bronfman soit l’un des promoteurs de C2 Montréal, lui qui veut nous achever par la construction d’un stade de baseball à nos portes. Pas surprenant non plus que Guy Laliberté se retrouve parmi les conférenciers invités, lui qui avait voulu nous faire le même coup il y a 15 ans en déménageant le Casino de Montréal à l’endroit où on se trouve actuellement. Pas surprenant enfin qu’en plus du 1 600$ par jour (alors que l’événement fait appel à des bénévoles), on offre aux participant-e-s de payer un 25$ supplémentaire pour la réduction de l’empreinte écologique, comme si l’argent suffisait à faire un monde meilleur, comme si on pouvait acheter sa bonne conscience et sa vertu.
Voilà tout C2 Montréal : du tape-à-l’œil et de l’argent; du vent et rien d’autre. « Demain » ne se trouve pas dans le flot déraciné, impersonnel et éphémère du gros argent; il est dans l’enracinement dans une communauté forte, dans un tissu humain vivant, dans la (re)construction d’une collectivité capable de prendre son avenir en main. “Demain” n’est pas à C2 Montréal; il est dans le présent qu’on construit ensemble, et nous voyons comme une agression et une menace sa présence dans notre quartier.