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Commentaire sur le Commentaire sur « Quand on est nombreux.se.s, on fait ce qu’on veut »

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Avr 252025
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

À la suite des échecs répétés des manifestations dites « combatives » à Montréal entre 2023 et 2025, deux textes militants ont tenté de proposer, d’un côté, une analyse stratégique visant la massification via des structures autonomes, et de l’autre, une critique sceptique de cette orientation, dénonçant la fétichisation des manifestations et le volontarisme militant. Tous deux partent d’un diagnostic partagé : notre faiblesse collective face à l’État, notre isolement et le caractère routinier de nos mobilisations. Le présent texte se veut une critique au second texte rédigé par N.

Le fétichisme de la spontanéité : critique de l’anti-stratégie

Le désaccord de fond entre les deux textes me semble renvoyer à une question stratégique centrale : comment comprendre que la majorité de la classe travailleuse, y compris dans ses fractions les plus exploitées, n’adhère pas spontanément aux appels à la mobilisation radicale, et continue, dans les pays capitalistes avancés, de se montrer largement passive ou attachée à des formes de réformisme ?

N. soulève à juste titre le caractère routinier et parfois performatif de certaines pratiques militantes, mais, pour expliquer la passivité actuelle, son commentaire de réponse glisse dans un déterminisme mécanique permettant d’adopter un scepticisme cynique, qui rejette toute forme de médiation politique comme étant un projet d’avant-garde inutile : « Ce sont les contradictions sociales elles-mêmes qui sont productrices de luttes et non une bande d’évangélistes de la révolution qui convaincraient un à un des prolétaires trop abêtis par le capitalisme. »

S’il est nécessaire de rompre avec le « fétichisme de la manifestation » — cette idée selon laquelle elle constituerait le cœur de notre pratique politique —, il l’est tout autant de se méfier du fétichisme de la spontanéité, qui consiste à rejeter la nécessité de l’organisation au profit d’une attente passive, fondée sur l’illusion que les contradictions du capitalisme produiront mécaniquement l’irruption des masses. Cette posture relève d’un retrait stratégique, qui masque l’impuissance politique derrière une mystique de la spontanéité.

La passivité des classes exploitées

La passivité ou l’adhésion au réformisme de la classe travailleuse s’expliquent en grande partie par le caractère fondamentalement épisodique de la lutte des classes. Les contradictions du capitalisme ne suffisent pas, à elles seules, à rendre les travailleur·euses révolutionnaires. La conscience de classe ne naît pas mécaniquement de l’exploitation, mais se forme, comme l’explique Charles Post, avant tout à travers l’expérience vécue de l’auto-organisation et de la lutte collective, qui ouvre un espace de réceptivité aux idées radicales.

Cependant, cette condition fondamentale de la conscience de classe — l’engagement actif dans des luttes de masse — ne peut être que partielle, rare et temporaire. Structurellement, la grande majorité des travailleur·euses ne peut se maintenir en lutte de manière permanente, car leur position dans les rapports sociaux les oblige à vendre leur force de travail pour assurer leur propre reproduction. La contrainte de la survie individuelle limite donc, en temps ordinaire, la possibilité d’un engagement collectif soutenu.

En l’absence de luttes collectives, les logiques capitalistes, le réformisme et les formes institutionnelles de la politique libérale tendent à redevenir hégémoniques. Les travailleur·euses cherchent alors moins à transformer le système qu’à y obtenir une part jugée équitable, sans remettre en question les structures de pouvoir. Pire, lorsque le réformisme échoue, et qu’aucune alternative radicale crédible n’est disponible, le capitalisme parvient même à produire les conditions matérielles (individualisation, segmentation sociale, compétition entre exploité·e·s) de sa propre défense idéologique : dans ce vide, prolifèrent des mouvements réactionnaires, racistes et patriarcaux, y compris au sein même de segments de la classe travailleuse.

Il paraît ainsi tout à fait irresponsable de renoncer à l’auto-organisation d’action directe et à la construction d’alternatives — au nom du réformisme ou par fétichisme de la spontanéité —, car les contradictions du capitalisme, à elles seules, ne produisent ni conscience de classe ni émancipation humaine.

L’avant-garde

Le caractère intrinsèquement épisodique de la lutte de classe fait en sorte que seule une fraction minoritaire de la classe travailleuse demeure engagée de manière durable dans l’action militante. Ce que nous pourrions appeler une « avant-garde » — sans intention dogmatique — désigne ici celleux qui s’efforcent, dans les creux du cycle des luttes, de maintenir vivantes les pratiques de solidarité et de conflictualité, que ce soit sur les lieux de travail ou dans les milieux de vie.

Pour éviter tout malentendu, il ne s’agit pas d’une conception « léniniste » ou « trotskiste » classique de l’avant-garde comme minorité éclairée et détentrice d’une vérité politique à imposer à la masse. Il s’agit plutôt de nommer un rôle concret : celui des personnes qui, malgré l’isolement, l’usure et la défaite, persévèrent à faire vivre des institutions, des pratiques et des imaginaires de lutte, souvent invisibles, mais essentielles à la reproduction d’une mémoire collective militante. Ce rôle peut bien sûr être débattu, renommé, critiqué. Mais y renoncer totalement reviendrait à céder au désarmement stratégique.

Il est vrai que certaines de ces figures militantes deviennent, dans certains contextes, la base sociale d’une bureaucratie de la classe travailleuse, détachée des réalités concrètes du travail salarié et sujette à la logique du réformisme : éloignement des lieux de production, libération des contraintes du salariat, adoption d’un langage et de pratiques d’appareil. Mais il en existe d’autres — nombreuses — qui continuent à militer tout en vivant les contradictions du travail capitaliste : précarité, aliénation, subordination. Ce sont des militant·es inséré·es dans la vie ordinaire de la classe, qui organisent patiemment leurs collègues, leurs voisin·es, leur communauté.

Toute organisation, aussi bien intentionnée soit-elle, peut générer ses propres inerties, ses rigidités, ses rapports hiérarchiques. Mais cela ne saurait justifier un rejet total des médiations politiques. Le fétichisme de la spontanéité, qui consiste à opposer de manière absolue militantisme conscient et authenticité populaire, risque de dévaloriser l’activité militante organique — c’est-à-dire celle qui émerge de l’expérience vécue des dominé·es — en la réduisant à une forme d’avant-gardisme suspect, voire à un « racket de la révolution ».

L’article de N. illustre cette tendance lorsqu’il cite des mouvements contemporains perçus comme spontanés — les soulèvements BLM/George Floyd, les Gilets jaunes, les révoltes sociales au Chili —, en soulignant l’absence d’organisations de masse les encadrant a priori. Or, il est hautement improbable que ces mouvements aient émergé sans qu’un noyau de personnes expérimentées, formées dans des traditions militantes diverses, n’y joue un rôle actif, qu’elles se revendiquent ou non d’une conscience révolutionnaire.

En outre, ces mouvements — malgré leur puissance — n’ont pas porté de projet révolutionnaire clair, ce qui pourrait précisément constituer un argument en faveur du texte initial. Car en l’absence de structures autonomes de masse dotées de pratiques et de discours radicalement anticapitalistes, la conflictualité tend à se traduire par des formes réformistes, confuses ou contradictoires. Si un contre-pouvoir révolutionnaire structuré — reposant sur une mémoire, une culture, des formes d’organisation autonomes — avait existé dans les deux dernières décennies, il est fort probable que la conscience politique qui aurait émergé de ces mouvements populaires aurait été plus clairement orientée vers la rupture systémique.

La société post-industrielle et la conscience de classe

Les classes sociales sont des relations historiques mouvantes et leur expression politique suppose à la fois une expérience partagée de l’exploitation et un travail d’organisation qui permette de construire une force consciente de ses intérêts.

Or, plusieurs militant·e·s s’opposeront à la construction de la conscience de classe les postulats des thèses de la société post-industrielle. Pour ces analyses, le développement du secteur des services, la complexification des structures professionnelles, l’essor du savoir théorique, la hausse du niveau de vie et l’émergence des régulations étatiques ont restructuré les conflits sociaux autour du contrôle de l’information et permis l’émergence d’une classe moyenne composée de cadres et d’employé-e-s qualifié-e-s. Pour ces approches, la société n’est plus marquée par un conflit de classes, mais par des identités et des discours capables de se définir eux-mêmes. Ainsi, nos sociétés contemporaines ne seraient plus autant contraintes par des facteurs socioéconomiques comme la classe et offriraient davantage de place à l’agentivité, contrairement aux anciennes sociétés industrielles.

Néanmoins, ces analyses surévaluent les impacts de ces changements dans la division du travail sur les rapports d’exploitation. En effet, comme l’affirme Peter Meiksins, « le capitalisme n’a jamais, ni par le passé, ni aujourd’hui, généré une classe des travailleurs homogène. Au contraire, il a créé une classe variée et très stratifiée, et les capitalistes ont toujours eu un intérêt inhérent à faire en sorte qu’elle soit aussi divisée que possible ». De même, la complexification de la division du travail contemporaine ne produit pas une disparition des règles de reproduction pour la classe travailleuse, soit l’obligation de fournir du surtravail à travers la vente de la force de travail sur le marché.

Bien que des rapports d’exploitation spécifiques caractérisent les conditions sociohistoriques et orientent la formation de classe, la conscience de classe a toujours été un processus contingent, relationnel et collectif constamment en mouvement de formation et de désintégration. En ce sens, la conscience de classe n’est pas le produit mécanique de facteurs socioéconomiques, mais le résultat d’agents conscients au sein de conditions sociales, politiques et économiques. La construction d’une conscience collective de classe à d’autres époques, comme aujourd’hui, a été un processus très exigeant issu d’un effort intense et soutenu d’organisation militante.

En somme, le capitalisme produit encore des « champs d’attraction », qui polarisent la société en classe dans des situations de classe vécues. Des processus sociohistoriques peuvent mener, et ont historiquement mené, à l’émergence de groupes conscients de former une classe opposée à une autre. Le défi aujourd’hui est de produire un tel processus par des efforts organisationnels considérables, tout comme cela a été le cas par le passé.

L’auto-organisation en guise de conclusion

Le manque de personne dans nos manifs est un symptôme de la passivité actuelle des classes travailleuses, en ce sens que la rue est un prolongement, et non le centre, des conflits sociaux. La passivité s’explique par l’absence des luttes collectives alternatives à celles individuelles ou réactionnaires. Dire qu’il ne faut pas faire les efforts organisationnels sous peine d’être des « évangélistes de la révolution » est irresponsable et nous condamne à être ce que nous sommes depuis les trois dernières décennies au Québec : une frange radicale au sein de mouvements sociaux réformistes ; une médiation politique faible qui n’a aucune capacité à fonder une force sociale menaçant l’ordre des choses.

Il ne faut non pas un retour dogmatique à une forme d’organisation figée, ni une morale militante, mais une stratégie matérialiste de reconstruction du pouvoir social autonome de la classe travailleuse. La proposition n’est pas ici de plaquer un modèle universel, mais d’affirmer que sans formes durables de médiation entre expériences d’exploitation et horizon politique, il ne peut y avoir de contre-pouvoir. Une politique révolutionnaire cohérente aujourd’hui devrait :

Dire qu’il ne faut pas faire les efforts organisationnels sous peine d’être des « évangélistes de la révolution » est irresponsable et nous condamne à être ce que nous sommes depuis les trois dernières décennies au Québec : une frange radicale au sein de mouvements sociaux réformistes ; une médiation politique faible qui n’a aucune capacité à fonder une force sociale menaçant l’ordre des choses.

Il ne faut non pas un retour dogmatique à une forme d’organisation figée, ni une morale militante, mais une stratégie matérialiste de reconstruction du pouvoir social autonome de la classe travailleuse. La proposition n’est pas ici de plaquer un modèle universel, mais d’affirmer que sans formes durables de médiation entre expériences d’exploitation et horizon politique, il ne peut y avoir de contre-pouvoir. Une politique révolutionnaire cohérente aujourd’hui devrait :

  • Identifier les lieux où l’exploitation est la plus forte, visible, et vécue collectivement ;
  • S’insérer dans ces espaces (santé, éducation, services sociaux, syndicats de base, luttes de locataires) pour y développer des pratiques d’auto-organisation anticapitalistes ;
  • Faire de la rue un prolongement, et non le centre, des conflits sociaux ;
  • Se concentrer sur la construction patiente de la conscience de classe comme processus historique ;
  • Construire des organisations populaires capables de revendiquer un pouvoir démocratique sur les sphères économiques, dans une logique d’unification des luttes, non de leur juxtaposition.

É.

Trois meurtres en 24h. Attaque nocturne contre les Techniques policières. Justice pour Abisay Cruz !

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Avr 182025
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Le lundi soir 14 avril, des anarchistes sont entrés dans le Collège de Maisonneuve où l’on trouve le programme de formation policière, Techniques policières. L’entrée a été peinte avec « MINI FLICS = FUTURS TUEURS » et « JUSTICE POUR ABISAY CRUZ » ainsi que d’autres slogans comme « 3 STATE MURDERS IN 24H » et « MAKE FASCISTS AFRAID ». Un extincteur rempli de peinture a beaucoup aidé et une fenêtre a été pété. Nous n’oublions pas les meurtres et les abus qui ont été commis par la police de Montréal au cours des dernières semaines et lecteurs, svp, répandez la vengeance populaire. Aux étudiants du programme Techniques policières : quitte et change ton parcours, ce n’est pas un avenir sécuritaire, ni pour nous, ni pour vous. Ce programme forme des personnes qui seront l’avenir de la violence d’État. La police est une force qui punit les pauvres, les immigrant.e.s et les personnes racisées, qui mattraque et tire sur les manifestant.e.s, arrête et tue les gens comme des mouches. Cette société est malade et la maladie est le capitalisme, l’État et la hiérarchie et les gardiens de cet ordre social terrible sont la police. Nous n’oublierons jamais les injustices commises à notre égard. Vive la mémoire d’Abisay Cruz et celle des autres personnes tuées par la police.

Le lendemain matin, dans ce vidéo, on peut voir les regards curieux des passant.e.s.

« Quand on est nombreux.se.s, on fait ce qu’on veut » Analyses et propositions à partir de la séquence de manifs actuelles

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Avr 102025
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Manif contre la brutalité policière du 15 mars, Manif contre la loi sur le flânage dans le métro du 28 mars, Manif de la Vengeance Trans le 31 mars : Pourquoi est-ce que les nombreuses manifestations combatives annoncées récemment se sont soldées par un écrasement policier brutal ?

Nous décidons d’écrire ce texte en ce moment, car nous constatons qu’un sentiment de frustration est partagé chez plusieurs personnes et nous souhaitons profiter de ces multiples expériences d’échec pour mieux comprendre la situation politique dans laquelle nous nous trouvons collectivement en tant que mouvement révolutionnaire. De cette réflexion, nous tentons d’identifier des tâches politiques à mener qui nous permettraient d’envisager une sortie de cet état d’impuissance. C’est le travail politique fondamentale de consolidation d’une force collective à travers l’intervention et la mobilisation autonome qui est notre tâche principale pour se rendre capable de mieux tenir tête aux chiens de garde de l’État et du capital en contexte de manifs. Nous ne souhaitons pas créer des conflits polémiques inutiles, la tradition gauchiste par excellence, ou viser des individus/groupes en particulier, mais plutôt mettre sur la table des réflexions concrètes sur nos lacunes en tant que militant-e-s et mouvement révolutionnaire par rapport au contexte de la politique de rue.

Situation actuelle

Force est de constater que le paradigme d’intervention du SPVM dans les manifestations plus « radicales » ou « combatives » s’est modifié significativement dans les dernières années. À travers des échanges avec d’autres camarades, nous arrivons à la conclusion que, entre le changement de leadership se voulant pacificateur au SPVM et les compensations monétaires liées aux arrestations illégales de 2012 et 2015, l’antiémeute avait fait le choix d’adopter une attitude de laissez-faire presque laxiste entre 2022 et 2024, priorisant les interventions ciblées plutôt que la dispersion de masse. Ainsi, les 15 mars 2023 et 2024 s’étaient dispersés par eux-mêmes, les quelques arrestations répertoriées visant souvent des personnes spécifiques et facilement identifiables. Ironiquement, cette tactique fonctionnait relativement bien pour la police : en l’absence d’escalade et de confrontation, la manifestation se limitait souvent à de légers dégâts matériels, au grand bonheur des vitriers, et finissait par se disperser dans un métro, sans que l’antiémeute ait besoin d’effectuer des interventions plus risquées ou d’utiliser leurs jouets qui, rappelons-le, sont tout de même dispendieux.

Cependant, nous croyons que nous assistons actuellement à un changement de paradigme. Il ne semble pas déraisonnable d’affirmer que cette escalade de répression a commencée pendant l’été des campements pro-Palestine. Face à la pression politique, l’attitude de la police s’est durcie, particulièrement lors des manifestations dans les alentours des campements à l’UQAM et à McGill. Lors des confrontations, parfois hors du contexte de manifestation, les forces policières se montrent particulièrement agressives, bousculant les militant-e-s, faisant bon usage de leur stock de poivre de cayenne et tentant d’arrêter, parfois de façon complètement aléatoire, des militant-e-s. Dans ce contexte, les camarades impliqué-e-s dans les campements ont réagi-e-s comme iels le pouvaient, avec des degrés variables de réussite.

Si la police n’a pas cessé d’employer des tactiques de plus en plus répressives, un moment en particulier marque, pour nous, un tournant dans l’approche qu’adoptera le SPVM dans les événements subséquents : la manifestation du 22 novembre contre l’OTAN. En guise de rappel, pendant le trajet, une escouade de policiers antiémeute s’était retrouvée aspergée de peinture rose, les mettant effectivement hors d’état de nuire pour le reste de la manifestation. Ce qui s’en est suivi est un échec lamentable des forces du SPVM, prises par surprise, à contrôler la foule, accordant ainsi un moment d’impunité aux camarades qui souhaitaient s’adonner à l’art urbain. Les réactions médiatiques des jours suivants ont aussi été considérables en comparaison avec le reste des manifestations que nous avons connues dans les dernières années : dénonciations publiques, appels aux arrestations et menaces de procédures judiciaires de la part de politicien-ne-s au municipal, provincial et fédéral.

Depuis, l’heure de la récréation est terminée : la police a cessé de nous faire croire que nous avions une capacité de contrôle dans la rue, et ses interventions dans les récentes manifestations témoignent de l’ampleur de la pression politique qui lui a été imposée suite aux événements du 22 novembre. Même 4 mois plus tard, lors des rassemblements précédant les manifestations, ils arpentent la foule en indiquant à leurs sous-fifres de repérer celleux dont l’équipement serait encore tâché de peinture rose, maintenant symbole de leur humiliation et marqueur des fauteurs de troubles. Nous en profitons d’ailleurs pour rappeler aux camarades que, si iels utilisent encore de l’équipement sali par leurs récentes promenades, il serait plus que temps de le remplacer.

Nous en arrivons donc à la situation actuelle : Lors des manifestations du 15 mars (Contre la brutalité policière), du 28 mars (Contre la nouvelle loi anti-flânage dans le métro) et du 31 mars (Journée de la Revanche Trans), la police a fait preuve d’une intransigeance et d’une agressivité que nous n’avions pas vu depuis un moment. Pourtant, ces manifs se voulaient combatives, circulant des images, des messages et des slogans appelant à la radicalité, l’action directe, voire la confrontation violente avec l’État. Nous considérons que nous n’avons pas été à la hauteur de cette publicité. Les effectifs policiers étaient plus nombreux que d’habitude, et incluaient souvent des polices montées ainsi que plusieurs escouades d’antiémeutes. Avant le début du trajet, ils circulent dans la foule, filment les camarades qui se changent, tentent de retirer tout objet obstruant leur vision, dont les bannières, s’adonnent à une provocation presque troll et nuisent à la composition d’un groupe compacte et anonyme de manifestant-e-s. Comme mentionné précédemment, ils en profitent aussi pour identifier les personnes qu’ils jugent susceptibles de commettre des méfaits, dont celles ayant des marques de peinture rose ou de l’équipement témoignant d’une préparation à la confrontation (cagoule, masque à gaz, casque, etc). Du moment que nous prenons la rue, c’est l’intimidation qui est de mise. La manifestation est immédiatement encerclée par des cordons d’antiémeutes. Les agents en profitent pour tenter de provoquer la confrontation en pointant des lumières dans la foule, en arrachant du matériel (bannières, parapluies, etc), en bousculant et en criant après les manifestant-e-s. Bien sûr, ces tactiques ne sont nullement nouvelles, mais force est de constater qu’elles sont appliquées avec plus d’intensité et de fréquence. Puis, à la moindre confrontation, ou, dans le cas du 31 mars, lors d’un léger débordement, all hell breaks loose : nos camarades se font asperger de poivre et de gaz, se font matraquer, bousculer et jeter par terre avec une agressivité qui, si elle n’est pas inattendue de la part de la police, contraste nettement avec l’attitude relativement calme des dernières années. Face à cette violence, il nous apparaît souvent impossible de résister, et nos manifestations se soldent par des échecs cuisants ainsi que par des situations choquantes et dangereuses pour nos camarades.

Le contrecoup de ces manifestations, même en dehors des blessures physiques, nous le constatons dans nos discussions avec nos camarades : frustration, colère, démotivation et peur. Nous-mêmes nous sentons angoissé.e.s face à la situation, qui ne fait qu’alimenter le sentiment d’impuissance ambiant. En effet, dans un contexte politique particulièrement déprimant de crise du capitalisme et de montée de l’extrême droite, l’escalade de la répression policière n’est qu’un autre élément qui peut contribuer à notre déprime généralisée.

Cependant, nous ne voulons pas nous résoudre à cette impuissance, et nous savons que ces sentiments de démotivation et de panique, bien qu’ils soient compréhensibles dans la situation actuelle, ne peuvent pas être vecteurs d’action politique stratégique. D’un côté, l’impuissance nous démobilise et, de l’autre, la panique nous pousse à prendre des décisions sur un coup de tête, sans s’attarder aux conséquences ou aux perspectives stratégiques. Nous ne voulons d’aucune de ces options. C’est pourquoi nous écrivons aujourd’hui : parce que nous pensons que de cette colère doit émerger des perspectives de lutte et d’action nouvelle pour les révolutionnaires.

Ce qui suit sont des pistes de réflexions et d’orientations futures que nous proposons aux mouvements d’extrême-gauche montréalais, dans l’espoir celles-ci alimenteront les discussions et, qui sait, modifierons les pratiques pour combattre les causes profondes de notre difficulté actuelle à résister à la nouvelle stratégie d’intimidation et de répression du SPVM.

La pauvreté des effectifs

Lorsque nous parlons de sentiment de panique menant à la prise d’action immédiate, nous parlons d’une forme « d’énergie du désespoir », de ce « Il faut faire quelque chose! » que plusieurs d’entre nous ressentent en regardant les nouvelles ou en discutant du contexte politique actuel. Cette fuite vers l’avant est, selon nous, en partie responsable de la débandade des dernières manifs : des organisations ou des individus, plongé.e.s dans l’angoisse et le désespoir face à la situation désastreuse actuelle, en appellent à des rassemblements et des actions immédiates, en assumant qu’une foule se formera par elle-même le jour venu. Et si ce n’est pas le cas, ce n’est pas grave, nous prendrons tout de même la rue. Bon, nous caricaturons légèrement, mais le résultat reste le même : des manifestations diffusées comme étant combatives se retrouvent avec des effectifs de maximum 300 personnes, une foule facilement contrôlée et réprimée par les tactiques du SPVM, où les actions sont pratiquement impossibles ou hautement risquées, et où la répression est violente.

Allons droit au but. Pour nous, le premier facteur permettant de tenir tête aux chiens de garde du capital en manifestation, c’est le nombre. Nous n’arrivons pas à rallier un nombre suffisamment important de personnes dans la rue avec nos appels combatifs à manifester. Il n’y a pas de substitut technique artificiel au nombre, c’est cela qui nous donne notre force dans la rue. C’est cette évidence qu’on constate aux premiers regards portés sur toutes les grandes vagues de manifestations combatives en général, par exemple le mouvement des gilets jaunes en France en 2019, la vague de manifs au Chili en 2019-2020 contre le coût de la vie, le mouvement Black Lives Matter aux États-Unis après l’assassinat de George Floyd en 2020 et la liste pourrait continuer bien plus longtemps. En analysant le nouveau paradigme d’intervention du SPVM, il nous apparait évident que leurs tactiques d’encerclement, de bousculade et de séparation du cortège ne fonctionneraient pas aussi bien avec une plus grande foule, minimalement à partir de 1000 personnes. Dans ce contexte, les forces policières n’auraient pas d’autre choix que de revoir leur stratégie, changeant la disposition des unités, et créant ainsi des zones d’anonymité facilitant la tenue d’actions collectives.

Si nous observons que le nombre actuel de manifestant-e-s dans des événements combatifs est encore trop bas, nous devons alors aussi réfléchir à comment combattre cette situation. Cette question nous plonge directement au coeur de la question de la stratégie révolutionnaire. Selon nous, la tâche fondamentale, première et urgente des révolutionnaires dans la situation présente, est de travailler à se lier avec une plus grande part de la population à travers des luttes et de la solidarité concrète en autonomie des appareils existants et infusé d’idées révolutionnaires, constituant ainsi avec nous une masse de personnes prêtes notamment à participer à ces manifestations ouvertement combatives. La massification des manifs implique donc un travail préalable et plus fondamental d’intervention, de mobilisation et de liaison. C’est ce travail qui devrait, dans la situation présente, être la priorité absolue de la majorité des militant.e.s révolutionnaires qui constatent avec nous la nécessité vitale d’élargir nos rangs pour constituer une puissance autonome massive réellement menaçante pour l’État. Les manifs combatives, en tant que tactique utilisée lorsque pertinentes et non en tant que finalité en soi, n’ont de sens et de pertinence que si elles sont capables de rassembler des masses importantes de personnes prêtes à soutenir un rapport de force avec le dispositif policier.

Précisons rapidement comment nous concevons ce travail de massification. Il s’agit de se concentrer principalement sur un travail concret d’intervention auprès de larges franges de la population dans des secteurs sociaux capitalistes à forte concentration prolétarienne tels que le logement, le travail et certains milieux étudiants à travers des luttes et pratiques de solidarités menées à partir de structures autonomes des appareils de pacifications existants (notamment les syndicats, partis parlementaires bourgeois, comité logement, etc.) dans lesquels peut être diffusé un horizon politique révolutionnaire. Nous devons cesser d’entretenir notre isolation du reste de la population qui aurait un intérêt et un potentiel à une perspective révolutionnaire, des autres prolétaires, pauvres et opprimés comme nous qui ont tout a gagné de la construction d’une puissance politique autonome pour le renversement du capitalisme.

La forme que doivent prendre les structures autonomes de masse que nous mentionnons, par et dans lesquelles il serait possible de rallier de large nombre de personnes, importe peu : ça peut être un comité de base dans un lieu de travail (en marge du syndicat), un conseil de lutte de locataires dans un quartier populaire (en marge des groupes communautaires et comité logement), un comité de mobilisation ou de lutte sur un campus étudiant (en marge des associations étudiantes). L’essentiel est que nous devons développer notre contact avec des gens, pour constituer autour de nous le plus grand réseau possible de personnes prêtes à supporter notre discours et répondre à des appels à l’action et à la manifestation.
Ce travail n’est pas facile ou simple. Depuis plusieurs mois, des camarades révolutionnaires s’impliquant dans diverses organisations créent des liens, à travers les discussions et les actions de solidarité, avec ces personnes que nos milieux peinent souvent à rejoindre. Nous saluons ce travail, et souhaitons souligner que c’est là que nous pouvons trouver une force numérique future. Nous ne voulons pas faire de l’entrisme ou manipuler politiquement les gens : nous sommes clair-e-s sur nos positions politiques et sur notre perspective révolutionnaire. Mais nous n’avons pas besoin de faire preuve de sournoiserie pour convaincre du bien-fondé de notre colère et de notre lutte.

Si le travail de liaison est déjà entamé, il faut l’accélérer. Multiplions les actions de solidarité, pas parce que nous considérons que ces personnes sont de pauvres victimes, mais parce que ce sont des personnes de notre classe, et que de leur apporter support, c’est mener la guerre de classe. C’est de cette solidarité que peut émerger la politisation, et qui nous permettra, dans le futur, de rassembler un nombre plus conséquent de personnes lors de manifestations ouvertement radicales.

Préparation & tactiques en manifestation

Nous identifions une deuxième faiblesse de nos rassemblements dans le manque d’entraînement et de planification en ce qui a trait à la sécurité collective et les tactiques défensives et offensives en manifestation. Nous ne souhaitons pas viser ou blâmer des individus, mais simplement souligner que, souvent, nos contingents manquent de cohésion et de préparation face aux offensives policières. Si nous étions mieux préparé-e-s et entrainé-e-s, la police aurait plus de difficulté, par exemple, à séparer la manifestation afin de réprimer les éléments radicaux. Et même si elle y arrivait, une masse de gens doté.e.s de réflexes stratégiques pourrait utiliser ce moment pour répliquer en l’absence de cordons d’anti-émeutes. Se préparer à une manifestation, ce n’est pas seulement s’habiller en noir ou choisir son équipement, c’est aussi se pratiquer à former des lignes face à la police, apprendre à manier des bannières de manière stratégique, se préparer à exercer une solidarité physique avec ses camarades, connu-e-s ou non, lors de moments de répression violente, et coordonner stratégiquement des petits groupes qui seront prêts à (littéralement) se serrer les coudes le moment venu.
En somme, nous pensons que nos mouvements, et cela nous inclut, manquent de savoir-faire pratique combatif. Il nous semble inefficace de continuer à planifier des actions individuelles offensives en l’absence quasi totale de capacité défensive collective. Nos tactiques de manifestations ne peuvent pas uniquement se résumer à briser des choses et humilier momentanément la police, surtout si nous sommes incapables de nous défendre par la suite.

Cette insistance sur la formation à la pratique de rue pose notamment la question du service d’ordre. Bien que ce ne soit pas une solution magique, nous croyons qu’il faut prendre au sérieux la question du service d’ordre, comme instrument d’autodéfense dans la rue, qui permet de coordonner à travers une direction centrale un large nombre de personnes acceptant le face-à-face violent avec la police. Il faut que ces structures de service d’ordre puissent être critiquées, il faut que celles-ci soient unies avec le reste de la manif et il faut que celles-ci soit au service de la lutte et son intensification avant tout, mais ces structures peuvent être intéressantes et doivent être réfléchies pour les essayer dans notre contexte. Celles-ci peuvent êtres appliquées dans le cadre de contingents larges d’une ou des organisations s’étant concertées d’avance pour établir un service d’ordre avec des responsables qui pourront êtres critiquées a posteriori si leur agissement ont été critiquables. La police est organisée pour produire de la violence, si nous voulons résister et contre-attaquer, nous devons l’être aussi.

Au contraire, face à la répression, la plupart des gens, incluants celleux qui arrivent lourdement équipés (casque, cagoule, lunettes de ski, full bloc), fuient. Il est normal de quitter si on n’est pas confortable, mais, dans ce cas, pourquoi arriver équipé-e comme si on se préparait à la guerre civile ? Nous ne pouvons nous empêcher d’éprouver une certaine frustration envers ces comportements, qui relèvent souvent d’une certaine performance de la radicalité qui se dégonflent du moment que la confrontation arrive. Nous ne demandons évidemment pas à toutes les personnes en manifestation d’être prêtes à en venir au corps-à-corps avec la police ; nous demandons seulement aux personnes qui se présentent en manifestation habillées comme si elles étaient prêtes à la confrontation de l’être réellement.
Il en va de même pour certaines tactiques considérées plus confrontationnelles ou radicales, mais qui ne sont ajustées ni à notre contexte, ni à nos capacités, et qui ne semblent pas s’inscrire dans l’atteinte d’un objectif stratégique. À quoi sert une bannière renforcée d’un mètre et demi s’il n’y a rien à défendre et que nous sommes incapables de répliquer face à la police ? Malheureusement, elle ne sert qu’à créer une cible visible pour les policiers, qui se feront un plaisir de brutaliser ses porteur-se-s. Ces initiatives peuvent être utiles dans certains contextes, mais, comme toutes les tactiques, elles doivent s’inscrire dans une stratégie réfléchie, pas seulement dans une image de radicalité que nous ne pouvons pas maintenir.

En s’entraînant et en développant de réelles stratégies défensives et offensives face à la répression policière, nous renforçons notre force collective, et nous sommes plus susceptibles de pouvoir protéger les camarades les plus vulnérables d’entre nous. En sommes, nous nous montrons à la hauteur de nos principes de solidarité et de nos affiches qui promettent des chars de flics en feu.

La formation pour les manifestations devrait être comme tout le reste de notre militantisme : aussi pratique que théorique. Elle ne devrait pas se résumer à une liste d’items pour un black bloc, ni à un guide de défense légale (même si ces ressources sont parfois très utiles!). Plusieurs groupes organisent des formations pratiques avant et pendant la saison des manifestations, mais le nombre de participant-e-s y reste restreint. Personne n’est au-dessus de la formation pratique, peu importe leur expérience. Qu’attendons-nous pour nous entraîner à résister à la police ? Si leur attitude est déjà violente, elle n’est pas pour autant à son paroxysme. Ils sont en train de gagner, et ils le savent. N’attendons pas d’être complètement dépassé-e-s par la situation pour répliquer stratégiquement, et pas qu’avec de la peinture.

Des révolutionnaires en lutte dans le logement, les enjeux trans et les milieux étudiants
Avril 2025

La police continue de tuer, abolissons-la maintenant !

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Avr 102025
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Communiqué des organisatrices de la vigile en l’honneur des trois personnes tuées par la police entre le 29 et le 30 mars 2025 au soi-disant Québec

La police continue de tuer, abolition maintenant !

Lors de la fin de semaine du 29-30 mars 2025, trois personnes ont perdu la vie aux mains des forces policières au Québec, Abisay Cruz et deux autres personnes dont nous ignorons encore le nom. Cette vigile est d’abord un temps pour offrir nos condoléances et prêter nos forces à la famille et aux proches. Nous nous réunissons afin d’exiger une justice pour les personnes tuées par la police. Ces personnes ont droit à la reconnaissance de leur vie, de leur histoire et de leur humanité. Nous ne laisserons pas les médias, la classe dirigeante ou la police les dépeindre autrement que comme des personnes méritant la vie et notre soutien.

Selon les informations diffusées par la famille d’une des victimes et en lisant entre les lignes des communiqués — remplis d’euphémismes — du Bureau d’enquête indépendant (BEI), on comprend que le Service de police de Montréal (SPVM) a encore une fois usé de la force illégitime et du permis de tuer que lui accorde l’État. La police a reçu un appel concernant une personne en détresse et a réagi avec les outils dont elle dispose : elle a menotté l’homme en détresse, Abisay, et l’a plaqué au sol avec son genou alors qu’il luttait visiblement pour respirer.

Nous devons commencer par reconnaitre que la police s’ancre dans un héritage sanglant : elle repose sur des systèmes d’oppressions et d’exploitation colonialistes, capitalistes, racistes, sexistes et transphobes. Historiquement, elle a servi — et continue de servir — à contrôler autant le corps que les mouvements de résistances des populations autochtones, noires et racisées. La police ne répond pas aux besoins de la société : elle surveille nos quartiers et maintient les plus vulnérables d’entre nous dans des cycles de précarité en ciblant, judiciarisant et brutalisant des communautés historiquement opprimées. Elle préserve en même temps une forme de confort en déresponsabilisant le reste de la société de la nécessité de partager les ressources et de prendre soin collectivement.
La police dira que cette surveillance, ce contrôle et cette violence sont aberrants – ils se produisent rarement et accidentellement – ou qu’ils sont nécessaires pour protéger la société. Mais la violence est l’outil de la police – c’est sa spécialité et sa raison d’être.

Et la police ne protège pas : la police produit et entretient des discours qui légitiment son usage de la violence — une violence présenté comme nécessaire pour “gérer des situations” et pour punir les personnes construites comme criminelles. La police n’intervient pas : elle arrive sur les lieux, et nie aux personnes la reconnaissance de leurs histoires et leur refuse toute forme d’agentivité. Pour elle, ces personnes sont perçues comme criminelles, dangereuse ou sans importance. Elles peuvent réagir à une personne en détresse en l’immobilisant, en contenant le « danger » ou en ne réagissant pas du tout.

La police ne réfléchit pas : elle ne cherche pas à comprendre ou à remettre en question ce qu’elle qualifie de criminel. Elle laisse la classe dominante, les capitalistes et les systèmes colonialistes le rôle de le définir au détriment du bien-être des communautés.

La police ne prévient pas : elle aggrave les épisodes de violence. Elle mobilise la force contre les communautés racisées, les personnes en situation d’itinérance, les personnes vivant avec des enjeux
de santé mentale et les autres communautés précarisées. La police ne désescalade pas et ne pourra jamais le faire : elle détient le monopole de la violence — une violence, encore une fois, légitimisée par l’État, une violence amplifiée par un budget sans cesse croissant, par des technologies toujours plus violentes.

La police n’est jamais punie : elle se protège en blâmant les victimes, et en utilisant à leur avantage la dichotomie bonnes et des mauvaises personnes.

La police punit, contrôle, bât et déshumanise. La police tue.

La police ne pourra pas être réformée : on a bien vu que la « police communautaire », implantée dans les année 1980s, a été un échec sur toute la ligne et que tous les changements demandés dans les dernières années n’ont pas porté fruit. La police continue de se servir de contexte de précarité grandissant afin de s’accaparer nos ressources collectives pour grossir toujours plus son budget, ses effectifs et son pouvoir. Le problème, ce ne sont pas les cas isolés, c’est la police dans son semble. C’est le système qui légitimise et perpétue sa violence.

Nous refusons de voir la police comme un mal nécessaire. La police est une des formes de violences les plus profondes de notre société. Nous ne serons jamais capable de médier et de prévenir la violence si nous ne reconnaissons pas ce fait et que nous ne l’abolissons pas. Nous revendiquons des alternatives dès maintenant. Nous réclamons l’abolition de l’institution policière. Nous nous devons d’imaginer un monde sans police. Un monde où nous nous redonnerons les capacités d’offrir des soins, de prévenir la violence et d’intervenir en garantissant la sécurité de nos communautés. Un monde où les communautés sont fortes de leur solidarité, de leur partage des ressources et de leur remise en question continuelle de leurs interventions. Un monde qui redéfinira la justice comme permettant aux personnes de changer, qui s’inspirera de la justice transformatrice. Un monde qui traitera la suprématie blanche avec tout le sérieux nécessaire à sa destruction.

Nous appelons toutes personnes ayant à cœur la réelle protection des communautés de lutter activement pour ce monde. Ce ne sont pas des bodycams ou d’autres énièmes reformes qui nous y mèneront, mais la lutte, l’entraide que l’on s’offre et les liens que nous créons sans et contre les violences policières.

Repose en paix Abisay Cruz.

Reposez en paix tous ceux qui ont péri aux mains de la police.

Ce qui se passe en Turquie d’un point de vue anti-autoritaire

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Avr 052025
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Pourquoi le soulèvement actuel en Turquie mérite d’être soutenu

Contexte

La République de Turquie, fondée sur le génocide des Arméniens dans la région dans un élan nationaliste et meurtrier, n’a pas beaucoup changé au cours du siècle dernier. Pour les non-musulmans, les Kurdes, les Alevis et les femmes qui ne détenaient ni la majorité ni le pouvoir, l’État et sa société ont toujours été une source d’oppression.

Mais à partir de 2002, en raison de la dictature d’Erdoğan, l’oppression, la pauvreté, la violence et l’exploitation ont commencé à se faire sentir également par la majorité de la société. En 2013, suite à des interdictions et oppressions croissantes, des millions de personnes sont sorties dans la rue pour défendre leurs libertés lors des émeutes du parc Gezi. Ce moment insurrectionnel a eu lieu dans des villes de tout le pays. La résistance qui a duré des mois s’est terminée par des attaques policières sans précédent à l’échelle nationale, au cours desquelles huit jeunes âgés de 15 à 22 ans ont été tués et des milliers d’autres arrêté·e·s. Depuis 2014, l’État turc est devenu un État policier et, après la tentative de coup d’État fictif de 2016, il est dirigé avec un autoritarisme absolu sous l’état d’urgence. Depuis 2021, en raison de la crise économique qui s’est intensifiée de manière exponentielle, 60 % de la population vit désormais en dessous du seuil de pauvreté.

Des millions de personnes, plongées chaque année dans une misère plus grande, croyaient à chaque élection que le gouvernement et donc cette situation changeraient. Mais Erdoğan, qui contrôle les médias et le système judiciaire, a répandu la peur et la manipulation pour éviter que que cela ne se produise. Entre-temps, afin d’empêcher les groupes opprimés de se rassembler, il a créé une haine profonde au sein de la société, qualifiant chaque jour une nouvelle communauté d’ennemi-terroriste-agent étranger : Kurdes, Alevis, étudiant·e·x·s, syndicalistes, avocat·e·x·s, journalistes, intellectuel·le·x·s. Pendant que ces personnes étaient emprisonnées pour terrorisme par les tribunaux d’État, d’autres encore en liberté étaient, elles, trompées par la propagande selon laquelle les emprisonné·e·x·s étaient des terroristes. « Terrorisme » est devenu pour Erdoğan un mot magique afin de maintenir son pouvoir, tandis que les personnes qui défiaient l’autorité finissaient en prison, en exil ou partaient à la mort. Ainsi furent créé·e·x·s des individu·e·x·s zombifié·e·x·s et une société qui jour après jour perd de son pouvoir d’action et s’effondre politiquement, économiquement et moralement. C’est dans ce contexte précis que le soulèvement actuel est mené. Par des jeunes qui n’ont jamais connu d’ autre soulèvement de masse de leur vie, mais qui sont descendu·e·x·s dans la rue en disant « rien ne peut être pire que de vivre ainsi ». Des millions de jeunes qui ont été élevé·e·x·s en apprenant que les ancien·ne·x·s rebel·le·x·s étaient des terroristes et que l’État et la police étaient, du moins en théorie, des amis. Ces millions de jeunes sont maintenant confronté·e·x·s à une réalité radicalement différente. Examinons de plus près ces manifestations.

Vers le « coup d’État » du 19 mars

Le matin du 19 mars 2025, des centaines de policiers ont arrêté chez lui Ekrem İmamoğlu – le maire d’Istanbul, pressenti candidat à la présidence lors des prochaines élections et qui pourrait vaincre Erdoğan – pour terrorisme et corruption.

Si l’incident a suscité une indignation générale en Turquie et dans le monde entier, Imamoğlu n’était pas le premier maire métropolitain en Turquie à être révoqué et détenu par les tribunaux turcs. Depuis 2016, de nombreux maires élus de villes kurdes ont été révoqués, arrêtés et remplacés par un fonctionnaire dans le cadre d’opérations similaires.

Le fait que ces maires kurdes aient été accusés de cette infraction magique de terrorisme a convaincu la majorité de l’opinion publique turque de légitimer cette situation et de ne pas s’y opposer. Le silence face à cette injustice dans les villes kurdes a permis à Erdoğan de faire de même avec d’autres maires dirigés par le CHP (Cumhuriyet Halk Partisi, Parti Républicain du Peuple – deuxième plus grand parti politique, centre-gauche nationaliste turc) et a ainsi préparé le terrain pour ce « coup d’État » du 19 mars. La détention sous l’accusation magique de terrorisme de cet homme privilégié, sunnite, turc, riche, très populaire et politiquement assez puissant pour s’opposer à Erdogan, a provoqué un choc et un scandale immenses. Le message est clair : désormais, l’honneur d’être un terroriste pourrait être attribué non seulement aux personnes marginalisées, mais également à quiconque ne se serait pas rangé du côté d’Erdoğan.

Alors que la contestation publique s’est faite détruire un peu plus chaque année, les personnes ayant gardé le silence par respect pour les institution que représentent l’État, les médias et les tribunaux se retrouvent soudain parmi les cibles du Régime. Ainsi, des milliers de jeunes aux rêves étouffés sous le poids de la pauvreté, des restrictions et de l’oppression, non encore étiqueté·e·x·s comme terroristes, se sont soudainement réveillé·e·x·s pour laisser éclater leurcolère. Le 19 mars, iiels sont descendu·x·e·s dans les rues de nombreuses villes de Turquie pour amorcer des manifestations. Bien qu’il est difficile de dire que les manifestant·x·e·s soient homogènes, il est possible d’affirmer que la majorité d’entre elleux sont des membres de la génération Z sans aucune expérience préalable de contestation pour les raisons décrites ci-dessus. Ce sont des jeunes qui jusqu’à présent n’ont pas pu sortir de la bulle de peur créée par le gouvernement et qui ont été exposé·e·x·s à l’ingénierie sociale très intense de l’État turc par le biais d’institutions telles que l’école, les médias, la famille, etc. À présent privé·e·x·s de respirer par désespoir, iiels veulent le changement. Bien que la détention d’Ekrem İmamoğlu ait été l’étincelle qui a poussé ces jeunes à descendre dans la rue, iels ont commencé à exprimer leur colère et leurs revendications sur de nombreux autres sujets en clamant « la question ne concerne pas seulement İmamoğlu, vous n’avez pas encore compris cela ? ».

« Rien n’est plus horrible que de vivre de cette façon. »

Faire face à l’État et surmonter le mur de la peur

Comme presque tous les rassemblements en Turquie, ces manifestations ont été réprimées avec une violence massive par la police. Pour la première fois, les manifestant·e·x·s ont été confronté·e·x·s à la police, qui non seulement voulait disperser la foule, mais aussi faire payer cher à quiconque le prix de sa présence. Une police qui considère avoir le pouvoir de punir les gens sans besoin de jugement; une police arrogante et brutale vouant une haine personnelle envers les manifestant·e·x·s et un plaisir personnel à les torturer, une police sûre de ne pas être tenue responsable de ses actes de violence. Les manifestant·x·e·s, qui jusqu’alors considéraient la police comme un métier parmi d’autres, similaire à l’enseignement, aux soins infirmiers ou à l’ingénierie, n’avaient pas conscience qu’en traquant lesterroriste d’hier, la police s’était transformée en une sorte de mafia monstrueuse. En une nuit, des milliers de jeunes ont vu la loi punitive de l’ennemi s’appliquer à leur encontre et ont été brutalement attaqué·e·x·s par la police à l’aide d’une quantité incroyable de gaz lacrymogènes, de balles en caoutchouc et de canons à eau. Face à cette attaque massive, la majorité de ces jeunes ne savait pas comment se protéger, comment prendre soin les un·x·e·s des autres, comment s’organiser. Pour beaucoup d’entre elleux, répondre à la police revenait à être un·x·e traître ou un·x·e terroriste. Une partie de la jeunesse s’est alors figée, tandis qu’un plus grand nombre, pensant n’avoir rien à perdre, a brisé la légitimité de la police et a riposté à la violence policière. Saisissant l’occasion d’exprimer leur colère pour la première fois, iels se sont couvert le visage et ont jeté tout ce qu’il leur était possible sur la police, ont dansé devant les canons à eau découvrant que le pouvoir et la légitimité de la police étaient des choses qui pouvaient être surmontées. Il ne semblaient pas y avoir de plan stratégique pour la suite de cette manifestation, ni de conscience politique bien réfléchie. La nuit a été dominée par la colère et le sentiment d’avoir été pour une fois entendu·e·x·s, ce qui en soi était hautement politique. Mais la nuit c’est également terminée par de nombreuses blessures et arrestations.

C’était la première fois, depuis 2013, qu’émergeait une manifestation si massive, avec des heures de résistance contre la police. Bien que les manifestations n’aient été diffusées sur aucune chaîne de télévision, elles ont été suivies par de nombreuses personnes via les réseaux sociaux. Le mur de la peur a été franchi par de nombreuses personnes qui ont réalisé qu’il était possible de défier l’État et de se rebeller. Le lendemain, de plus en plus de personnes descendaient dans les rues d’autres villes de Turquie pour manifester. Au même moment, l’État turc a restreint les bandes passantes web dans tout le pays et il fallut soudain plusieurs minutes pour télécharger ne serait-ce qu’une vidéo de dix secondes. Les manifestant·x·e·s expérimenté·e·x·s, qui ont soutenu les manifestations à la fois dans la rue et en ligne, ont informé les gens que ce problème pouvait être surmonté avec de VPNs. Et cette fois, par le biais d’Elon Musk, l’État turc a bloqué l’accès à environ 200 comptes X de journalistes, d’associations juridiques, de collectifs de médias et de partis politiques. Le même jour, le Haut Conseil de la radio et de la télévision (RTÜK) a interdit toute diffusion en direct sur les chaînes de télévision. Toujours le même jour, bien que cela n’ait pas de lien direct avec les manifestations, le conseil d’administration du barreau d’Istanbul, connu pour s’opposer à Erdoğan, a été dissous par décision de justice.

Au même moment, de nombreux·ses avocat·e·x·s de différentes villes qui souhaitaient défendre les manifestant·x·e·s détenu·e·x·s ont également été arrêté·e·x·s dans les commissariats et les palais de justice. Le nombre de personnes détenues ne cessait d’augmenter. Certaines ont directement été condamnées à des peines de prison ou à des assignations à résidence. Le maire, Ekrem Imamoğlu, et une centaine d’hommes politiques, qui avaient été arrêtés la veille, étaient toujours interrogés au poste de police. Toute cette oppression et la peur en découlant n’ont pas découragé les gens de manifester dans les rues, mais ont au contraire renforcé leur détermination. Pendant les manifestations, les députés qui prenaient le micro et prononçaient des discours en espérant l’aide des élections et de la loi étaient hués. Les jeunes faisaient pression sur les députés pour qu’ils appellent à descendre dans la rue, et non aux urnes, et cela a été accepté. Ce moment en lui-même a marqué un nouveau seuil, car « appeler à descendre dans la rue » avait été reconnu comme illégitime pendant des années dans la loi et la société fabriquées par Erdoğan. Le fait que des députés engagé·e·x·s dans une politique « légale » aient osé le faire a été en soi assez surprenant pour tout le monde. C’était comme si des milliers de personnes franchissaient une par une un mur invisible dont jusqu’à présent la société entière ne savait pas s’il existait réellement ou non et que personne n’osait le dépasser. Une fois de l’autre côté, déconcertées, dans ce pays où elles n’avaient jamais mis les pieds, toutes ces personnes se demandaient ce qui allait leur arriver.

Stratégies de l’État turc

De nombreux·ses acteur·ice··x·s de l’opposition sociale établi·e·x·s de longue date en Turquie ont appelé à ces manifestations, condamné l’arrestation d’Imamoğlu, soutenu les revendications des jeunes pour la justice, la démocratie et la liberté, et se sont élevé·e·x·s contre les violences policières et les interdictions. Parallèlement, le mouvement politique kurde (Parti DEM, Partiya Demokratîk a Gelan – en kurde, Halklarin Demokratik Partisi – en turc), l’un des acteurs les plus puissants de la contestation, a choisi de limiter son soutien à ses dirigeants les mieux placés. Seul·e·x·s les représentant·x·e·s du parti ont effectué une visite symbolique sur les lieux des protestations et ont publié une déclaration qualifiant la détention d’Imamoğlu de coup d’État. Le soutien du parti DEM à un soulèvement aussi vaste et généralisé, où des citoyens et citoyennes ordinaires ont manifesté pour la première fois depuis des années, aurait pu changer la donne pour le destin du pays et mettre Erdoğan dans une position plus difficile que jamais. Avec le recul, il n’est pas difficile de deviner ce qui a motivé Erdoğan à entamer un processus de paix avec le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan, Partiya Karkerên Kurdistan – en kurde) ces dernières semaines. La raison pour laquelle le Parti DEM a adopté une telle position reste toutefois plus complexe, et l’histoire nous dira pourquoi. Néanmoins, à ce stade, je pense qu’il est plus important de parler des résultats que des raisons, car la distance prise par le Parti DEM a eu deux conséquences importantes. Tout d’abord, La police dans la rue, tout comme Erdoğan dans l’arène politique, ont réussi à échapper à une menace très importante. La participation du Parti DEM et de la jeunesse kurde aux manifestations aurait pu rendre la tâche d’Erdoğan beaucoup plus difficile. Comparativement aux émeutes du parc Gezi, une évidente défaillance d’expérience, de résilience et de compétences organisationnelles, dû à l’absence du parti DEM et de la jeunesse kurde, se fait clairement sentir dans les soulèvements actuels. Je pense que si un génie offrait un souhait magique à Erdoğan et sa police, ils l’utiliseraient pour éloigner les Kurdes de ces manifestations.

Le deuxième point explique cela plus précisément : l’absence des Kurdes en tant que partie prenante de ce mouvement a laissé plus de place à la tendance nationaliste et étatiste, déjà très présente parmi les manifestant·e·x·s. La conséquence fut que les manifestant·x·e·s ayant une approche intersectionnelle, tel·le·x·s que les Kurdes, les féministes, les LGBTI+, les socialistes, les anarchistes, les défenseurs des droits des animaux, etc., sont devenu·e·x·s encore plus marginalisés. La crainte de mettre leur sécurité encore plus en jeu a amené une réticence naturelle parmi ces personnes à afficher leurs identités, par exemple en brandissant un drapeau arc-en-ciel. Dans la plupart des villes, les personnes queers ne se sentaient pas assez en sécurité pour participer aux manifestations ni individuellement ni de manière collective. Si Erdoğan et sa police pouvaient faire un deuxième vœu, ils choisiraient certainement l’absence de dynamique intersectionnelle au sein de ces manifestations. Parce que l’intersectionnalité, tant en termes de nombre que de qualité, représente le pire cauchemar d’Erdoğan. Parce que l’avenir et la durabilité de la colère émergée lors de ces jours ainsi que la question de savoir si elle menacerait un jour l’État ou non dépendent de son caractère intersectionnel. Comme expliqué plus haut, c’est grâce à sa politique de destruction des fondements de l’intersectionnalité qu’Erdoğan a réussi à atteindre son autorité absolue. Il ne fait aucun doute que dans cette lutte, l’union des personnes opprimées profiterait à tous les opprimé·x·e·s et désavantagerait leur ennemi commun. Malheureusement, je dois dire qu’Erdoğan et sa police semblent avoir de la chance et que leurs deux souhaits les plus chers se réalisent pleinement dans le soulèvement qui a lieu depuis le 19 mars.

Ce qui se passe actuellement : une résistance généralisée face à une répression très violente

À ce jour, le 27 mars, les manifestations se poursuivent avec le caractère exponentiel que j’ai mentionné plus haut. La semaine dernière, les queers, féministes, anarchistes, socialistes… ont fait des progrès significatifs pour devenir plus visibles et donner aux manifestations un caractère révolutionnaire. Simultanément, le lancement d’une campagne de boycott massif contre de nombreuses entreprises liées au gouvernement a provoqué une grande panique. Le même jour, le fait de voir des hauts fonctionnaires du gouvernement prendre la pose avec des entreprises boycottées et faire la publicité de leurs produits pour les soutenir a prouvé une fois de plus que nous étions officiellement en guerre : l’organisation criminelle étatique turque et son capital ont déclaré la guerre à toustes celleux qu’ils percevaient comme une menace pour leurs intérêts.

Dans cette guerre, la priorité n’est pas toujours d’arrêter des gens mais aussi de collecter des données sur qui se trouve sur le front adverse. Ce n’est pas sans raison que la police, après avoir, hier, encerclé des manifestations universitaires, a déclaré qu’elle libérerait les manifestant·x·e·s en échange du retrait de leurs masques. Dans un même temps, plusieurs guides sur la sécurité digitale publiés sur les réseaux sociaux par celleuxqui sont dans la rue depuis des années ont permis de sauver des vies. Dans certaines universités, les professeurs fidèles à Erdogan ont partagé les feuilles de présence avec la police pour signaler les étudiant·x·e·s qui ne suivent pas les cours ces jours-ci. Mais de nombreux·se·s autres professeurs ont soutenu l’appel au boycott universitaire suite à quoi iels ont déjà été démis·e·x·s de leurs fonctions. Même si j’ai dit que les arrestations ne sont pas la première priorité, il est bon de rappeler que les prisons autour d’Istanbul ont atteint leur capacité maximale et de nouvelleaux détenu·x·e·s devront être envoyé·e·x·s dans les prisons des villes voisines. Quelque chose qui n’aura surpris que les personnes qui ne connaissent pas la véritable fonction de la loi : Le délit mineur de « violation de la loi sur les réunions et les manifestations », – lequel n’était pas pris au sérieux dans les cycles de contestations précédentes car la plupart du temps, les gens ne recevaient même pas d’amende à l’issue du procès – sert à présent à envoyer des dizaines de personnes en prison.

La nécessité de prendre le parti de la pierre jetée sur la police plutôt que celui de la personne qui la jette.

Il devient clair une fois de plus que l’approche que nous ont enseigné le système judiciaire et les politiciens, selon laquelle nous devrions prendre inconditionnellement le parti de l’un des protagonistes d’un conflit, ou que le statut de victime et d’agresseur devrait être attribué à deux personnes/identités différentes et strictement séparées l’une de l’autre, nous conduit dans un piège. Il est frappant de voir comment tant de manifestant·e·x·s âgé·e·x·s de 16 à 24 ans, qui sur la base de l’éducation obligatoire qu’iels ont reçue de l’école, des médias et de la famille sont prêt·e·x·s à menacer et à expulser les Kurdes ou les LGBTI+ qui voudraient se joindre aux manifestations, deviennent à la fois des agresseur·se·s et des victimes. Depuis le début du soulèvement le 19 mars, en tant que victimes de l’État plus de 2 000 personnes ont été arrêtées. Des milliers d’autres ont été blessées, certaines mortellement,des dizaines ont été emprisonnées, un nombre inconnu ont été chassées du domicile de leur famille, expulsées de chez elles, virées de leur emploi, exclues de l’université ,qualifiées de terroristes par les services de renseignement. Cela est en partie dû au pouvoir qu’elles ont perdu en raison de leur rôle d’agresseur·euse·s Je constate que ce piège a fonctionné pour certains terroristes d’hier et qu’une partie importante d’entre elleux, en particulier au sein des partis politique kurde, qui ont pourtant passé leur vie à lutter contre l’État, sont à présent indifférent·e·x·s à la violence de l’État et aux revendications des manifestant·x·e·s. C’est également à travers ce filtre que j’analyse le manque de réactivité et le silence du mouvement antifasciste en Suisse et en Europe. C’est pourquoi je trouve important d’expliquer ce qui se passe dans ce soulèvement aux autres rebelles du monde entier. Je souhaite expliquer que le soulèvement actuel, malgré sa complexité, mérite d’être soutenu et la solidarité internationale ne peut se faire que dans une perspective anti-autoritaire qui ne tombe pas dans le piège d’une prise de parti rigide. Il est possible de soutenir ce mouvement sans blâmer la victime d’avoir été torturée par la police et sans excuser l’agresseur qui a tenté d’y supprimer le drapeau kurde.

« Queer – Resist »

Où se situer face à un soulèvement aussi controversé ?

Le soulèvement actuel en Turquie mérite d’être soutenu, car les manifestant·x·e·s ne sont pas seulement des nationalistes/apolitiques de la génération Z. De nombreuses personnes queer, kurdes, anarchistes, socialistes, antispécistes, féministes, qui s’impliquent dans des luttes intersectionnelles élèvent aujourd’hui leurs voix contre l’injustice et résistent à l’État turc dans les rues, comme elles le font depuis des années. Malgré leur peur à l’égard de la majorité des manifestant·e·x·s, iels préfèrent être dans la rue et iels subissent une part plus importante de la violence de l’État. La complexité de ce soulèvement signifie qu’iels ont plus que jamais besoin de soutien. Il est essentiel de soutenir ce soulèvement pour qu’iels en ressortent avec un peu de terrain conquis ou du moins sans être davantage repoussé·e·x·s. Le soulèvement actuel en Turquie mérite d’être soutenu car les manifestant·x·e·s, même si certain·ne·x·s nourrissent des idées contre-révolutionnaires, sont légitimes dans ce contre quoi iels se révoltent : les organes et les politiques de l’État turc, symbolisées par Erdoğan. C’est ce qui détermine la légitimité d’un soulèvement. Peu importe que la majorité des manifestant·x·e·s veuille que le dictateur Erdoğan tombe et soit remplacé par le nationaliste İmamoğlu. Aujourd’hui, nous pouvons nous serrer les coudes dans la lutte pour faire tomber Erdoğan et demain, nous pourrons nous séparer lorsque la demande sera de le remplacer par İmamoğlu. Une fois que nous aurons détruit la plus grande puissance existante, nous nous battrons pour détruire la deuxième plus grande puissance, puis la troisième, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de pouvoir au-dessus de nous. Ce point de vue anarchiste appelle à soutenir toute menace contre Erdoğan, son État, sa police, son système judiciaire. La critique de ces manifestations ne doit pas servir à isoler le soulèvement, mais plutôt à éclairer les débats qui suivront en cas de victoire.

Le soulèvement actuel en Turquie mérite d’être soutenu car un dictateur utilise tout le pouvoir et toutes les ressources de l’État turc, devenu une « organisation criminelle », pour massacrer des personnes qui n’ont pas ce même pouvoir et ces même ressources, peu importe qui elles sont. Non seulement les manifestant·e·x·s, mais aussi leurs avocat·e·x·s, les journalistes qui documentent les actes de torture, les médecins qui soignent les blessé·e·x·s lors des manifestations, celleux qui en parlent, celleux qui ouvrent leurs portes aux personnes touchées par les gaz lacrymogènes, toustes celleux qui ne sont pas en obéissance absolue sont désormais puni·e·x·s. Dans la Turquie de 2025, où l’État contrôle tous les aspects privés et publics de la vie et où tout notre soutien potentiel est démantelé, la survie d’Erdoğan à ce soulèvement reviendrait à laisser toutes les personnes qui ont remis en question son autorité enfermées dans un bâtiment en flamme. C’est peut-être la première, la seule et la dernière chance que nous avons depuis des années d’agir contre le pouvoir d’Erdoğan. C’est pourquoi tout soutien à ce soulèvement ou tout coup porté contre sa cible, l’État turc, revêt une importance vitale. Le soulèvement actuel en Turquie mérite d’être soutenu car pour ceux qui ne détiennent ni le pouvoir et ni la majorité, les femmes, les Kurdes, les Alevis, les homosexuel·le·x·s, les pauvres, les jeunes, les immigré·e·x·s, les terroristes d’hier, le premier pas vers la respiration, l’écoute et la liberté est l’effondrement de l’ordre actuel. Le soulèvement actuel en Turquie mérite d’être soutenu car c’est peut-être la dernière chance pour nous, terroristes d’hier, qui avons déjà été emprisonné·e·x·s et contraint·e·x·s à l’exil pour nous être rebellé·e·x·s pendant des années, de revoir la lumière du jour dans le pays où nous sommes né·e·x·s.

Justice pour Abisay

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Avr 042025
 

Du Front Rose

Deuil, rage, lacrymogène et résistance : retour sur la manifestation de mardi soir dans Saint-Léonard.

Plusieurs centaines de personnes se sont réunies mardi soir dans le nord-est de Montréal, en réponse à l’appel de la famille et des proches d’Abisay “Bicha” Cruz.

Abisay est mort dimanche sous les coups de la police, lors d’une fin de semaine sanglante où le SPVM et le SPVQ ont fait trois morts. Dans une vidéo de l’intervention policière qui a énormément circulé sur les réseaux, on voit le jeune père de famille immobilisé au sol. La famille témoigne qu’il venait d’être roué de coups. Son décès aurait été constaté plus tard en matinée.

C’est en hommage à Abisay et pour dénoncer l’injustice, que plus de 300 personnes se sont réunies hier soir aux abords du boulevard Pie-IX, aux limites des quartiers Saint-Léonard, Saint-Michel et Montréal-Nord.

La manifestation, qui alternait entre des périodes de deuil et de rage, s’est déroulée sous la surveillance d’un lourd dispositif policier. Très rapidement, le SPVM a essayé, sans succès — il faut le souligner — d’interdire à la manifestation de prendre le boulevard Pie-IX. Or, en peu de temps, les manifestant·es ont réussi à bloquer l’artère et à rejoindre le poste de quartier 30 du SPVM, au croisement de la 40e avenue.
Policiers anti-émeute reculant devant les manifestants lors d’une manifestation en honneur à Abisay assassiné par le SPVM.Policier·ères anti-émeute devant le poste de quartier 30 dans le quartier Saint-Michel.

Policier·ères anti-émeute devant le poste de quartier 30 dans le quartier Saint-Michel

La colère des manifestant·es, combinée aux tentatives d’intimidation du service de police, a rapidement fait monter le ton. Alors que la foule retournait vers le point de départ, la police s’est vue tenue en respect par des tirs de projectiles, ainsi que par le courage et l’impressionnante détermination des manifestant·es.

À plusieurs reprises, les policier·ères ont dû abandonner leurs positions.

Alors qu’une vigile commençait, des feux d’artifice ont été allumés en l’honneur d’Abisay. Un petit feu a également été allumé dans la rue par des manifestant·es. Le service anti-émeute a alors essayé d’intervenir violemment, notamment en tirant des bombes lacrymogènes sur la vigile. Les lignes d’anti-émeute ont tout de même dû battre rapidement en retraite sous les projectiles et la ligne de manifestant·es qui avançait vers elles.

La soirée s’est terminée calmement, la résistance des manifestants face au SPVM ayant libéré la place pour le moment de recueillement souhaité par la famille.

Manifestant·es lors de la vigile en mémoire d’Abisay “Bicha” Cruz

Le décès d’Abisay rappelle la force de la mémoire politique des quartiers Saint-Léonard, Saint-Michel et Montréal-Nord. Tout au long de l’événement, les noms de Freddy Villanueva et de Bony Jean-Pierre — assassinés en 2008 et 2016 par la police — pouvaient être entendus, tandis que le souvenir des émeutes de 2008 et 2016 restait vif dans les mémoires. Il est clair que les communautés de ces quartiers, proches du lieu où Abisay a été assassiné, portent une histoire de résistance longue et fertile. À plusieurs moments, des appels à organiser de futures manifestations ont été lancés, nous rappelant que les démonstrations de rage et de solidarité observées hier soir ne sont sûrement qu’un début.

On reste à l’affût des mobilisations à venir alors que la violence du service de police s’est révélée une fois de plus dans son entièreté.

La censure est répandue partout

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Avr 042025
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

On se fait bloquer sur facebook, kolektiva.social, etc… Ils enterrent la vérité de toutes les facons possibles. Pour le moment les 5G et plus sont nécéssaires pour les radars qu’y guident les robots policiers, les drones, le peuple doit comprendre que c’est du controle militaire, l’oppression policière robotisée est deja à nos portes et le peuple continuent de payer des taxes et impôts pour financer leur propre oppresseur, les politiciens sont les marionnettes des industrielles et le peuple croit qu’il peut encore se permettre de dormir, des somnenbules.

Contre-attaque contre SIRCO

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Mar 162025
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Tôt ce matin, des anarchistes ont attaqué SIRCO en fracassant des fenêtres et en lançant de la peinture à l’intérieur et à l’extérieur du bâtiment. Si ce nom vous dit quelque chose, SIRCO était la compagnie responsable du démantèlement du campement de solidarité avec Gaza en juillet 2024. Depuis octobre, ils et elles ont été employés par la Ville de Montréal pour espionner et intimider les personnes sans logis et marginalisées de l’arrondissement Ville-Marie. Alors que l’administration de Valérie Plante déclare la guerre ouverte contre les personnes les plus vulnérables de la société, il n’y a aucune doute que la stratégie d’externaliser le sale travail du SPVM à des compagnies privées sera généralisée à toute l’île comme EMMIS si rien n’est fait pour l’arrêter.

Appel international pour des journées d’action du 30/12 au 01/01 : En mémoire de Kyriakos X. et en solidarité avec les accusé-es de l’affaire Ampelokipoi

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Déc 192024
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Le 31 octobre, lors d’une explosion dans un appartement à Athènes, le camarade anarchiste Kyriakos Xymitiris est tombé dans la bataille pour la libération sociale et de classe. La camarade anarchiste Marianna a subi de graves blessures. Après avoir été soignée à l’hôpital Evangelismos sous la surveillance constante de la police, elle a été transférée le vendredi 15/11 à la prison de Korydallos. Suite aux événements du 31 octobre, les camarades Dimitra Z, Dimitris, Nikos R. et A.K ont également été incarcéré-es dans la prison de détention provisoire de Korydallos. Les cinq camarades ont été inculpé-es en vertu de la loi antiterroriste 187A : formation et appartenance à une organisation terroriste, possession et fabrication d’explosifs, ainsi que détérioration de biens privés.

Les pressions exercées par l’unité antiterroriste grecque, en collaboration avec le juge chargé de l’affaire, ont conduit à la sortie prématurée de la camarade Marianna de l’hôpital, la direction de l’hôpital Evangelismos n’assumant pas la responsabilité de sa patiente. Comme toutes les prisons du monde, Korydallos est un lieu où règnent les mauvais traitements et les conditions difficiles. La section dite « pour femmes » de la prison est encore plus négligée que la section dite « pour hommes », ce qui en fait une image représentative de la société patriarcale dans laquelle nous vivons. Cette torture infligée à la camarade s’enracine dans les pratiques les plus classiques du patriarcat occidental, esclavagiste et colonial. Le dépouillement de la subjectivité et la manipulation des corps comme des objets, par la force, est une pratique historique du patriarcat blanc. Celui-ci tente, par le biais des États européens, de créer un mythe de l’ennemi extérieur – un ennemi racisé, avec un alphabet différent. Cependant, il est clair que le patriarcat est un ennemi actuel venant du monde occidental, comme en témoignent les mauvais traitements auxquels sont soumises la camarade et de nombreuses autres personnes emprisonnées.

De même, l’exploitation des corps et des données personnelles des camarades accusé-es a commencé par diverses méthodes réalisées par l’appareil d’État, tout cela au profit du pouvoir en place. Sous la direction de l’unité anti-terroriste, les fonctionnaires corrompus de « New Democracy » et, une fois de plus, le ministre de la Protection des citoyens, M. Chrysochoidis. Leur diffamation systématique des camarades dans les médias, en particulier par le biais des habituels médias-snitches et des gros titres, est un autre exemple du rôle répugnant joué par ces canaux de communication dans la diffusion de la propagande étatique et capitaliste. La publication de photos et de vidéos de la scène de l’incident est un acte de profanation, déshonorant la mémoire du camarade Kyriakos et montrant la brutalité à laquelle la famille et les proches sont soumis-es. En outre, les médias grecs ont profité sans honte de cette situation en publiant des photos personnelles des camarades accusé-es, qu’ils ont obtenues avec l’aide de l’unité antiterroriste, qui leur a fourni les données personnelles des camarades.

Ces dernières années, nous avons assisté à des enquêtes qui visaient à recueillir autant d’informations que possible sur les mouvements internationaux, en compilant et échangeant les coordonnées et les schémas de comportement de personnes engagées dans plus d’un pays. Depuis de nombreuses années, nous voyons des policiers allemands jouer un rôle de premier plan sur le territoire grec. Ils tentent de répandre la peur et d’empêcher les camarades de se rencontrer et de créer des liens et des réseaux internationaux. Ils observent les camarades, mettent des voitures sur écoute, effectuent des perquisitions, forment les policiers grecs et, bien sûr, partagent des informations avec leurs homologues grecs. Il n’est pas surprenant, mais cela vaut la peine d’être mentionné, que l’identité de Kyriakos ait été révélée après que les flics allemands ont fourni les empreintes digitales tirées de leur base de données et l’aient étiqueté comme « terroriste d’extrême gauche ». Il est presque certain qu’ils ont fourni bien plus que cela, si ce n’est tous les détails personnels qu’ils avaient collectés au cours des dernières années. La collaboration entre l’État allemand et l’État grec est un exemple facile, mais il est loin d’être le seul. Avec des organisations comme Europol qui veulent coordonner les enquêtes en Europe, nous voyons la machine de répression étendre son réseau dans le monde entier, ainsi qu’à l’extérieur de la forteresse-Europe. En fin de compte, aucun État ne peut nous apporter la libération et, en particulier dans les affaires concernant les organisations dites terroristes, les liens et la collaboration entre les différents États sont révélés une fois de plus.

La mémoire et l’histoire du camarade, malgré toutes les tentatives de l’État et de son appareil, seront pour nous tous-tes un héritage de nos luttes, un chapitre important de notre histoire. Une histoire gravée par tous-tes celleux qui se sont battu-es pour une vie meilleure, pour un autre monde. Et c’est cette histoire que nous continuerons à défendre contre celleux qui cherchent à la diffamer. Et c’est notre solidarité active et notre détermination qui poursuivront les luttes que nous avons nouées ou partagées avec notre camarade Kyriakos. Il a peut-être fait un pas en direction de « l’Histoire », avecc toutes ces âmes qui ont choisi d’affronter ce monde terrible. Collectivement, nous trouvons indispensable de garder sa mémoire vivante et d’accompagner notre camarade dans son voyage vers l’Histoire et d’écrire un chapitre international combatif qu’il a déjà commencé bien avant. Défendons la mémoire révolutionnaire et faisons de notre chagrin un catalyseur de la libération sociale et de classe pour tous-tes.

Une fois de plus, nous voyons et ressentons l’importance de la solidarité internationale dans nos luttes. Inspiré-es par l’appel à l’action international du 16/11, en tant qu’assemblée berlinoise à la mémoire de Kyriakos X. et en solidarité avec les camarades poursuivi-es, nous appelons à des journées d’action internationales les 30/12, 31/12 et 01/01. Contre les tactiques de l’unité anti-terroriste, l’exploitation des médias et la diffamation de la mémoire de notre camarade. Notre solidarité active doit constituer une barrière protectrice pour nos camarades emprisonné-es et contre toute nouvelle persécution. La répression ne nous intimide pas et nous nous tenons à leurs côtés sans hésitation. Quand nos luttes internationales sont attaquées, nous devons nous engager encore plus à leurs côtés. Les appels internationaux tels que celui-ci peuvent servir de date-clé, concentrant la pression que nous exerçons tous sur un certain laps de temps et construisant ainsi une solidarité internationale cohérente pour les accusé-es, ainsi que des actions internationales de commémoration pour le camarade Kyriakos.

Nous avons choisi les jours autour du 31 décembre pour les dédier à Kyriakos, car ce jour-là, cela fera deux mois que notre camarade est décédé. Deux mois de chagrin et de lutte, de rage, mais aussi de liens et de solidarité. La veille du Nouvel An est une date bien connue dans le monde entier, où l’on tente chaque année de rompre l’isolement et la misère à l’intérieur des prisons, qui deviennent si évidents ce jour-là. Devant les prisons du monde entier, les gens se rassemblent à l’extérieur pour envoyer un message aux détenu-es. Nous voulons nous associer à cette journée, en nous rappelant que Kyriakos était convaincu qu’il fallait détruire le système carcéral et en pensant aux cinq camarades qui sont accusé-es dans l’affaire construite autour de cela, actuellement détenu-es dans la prison de Korydallos. En cherchant des occasions de secouer l’existant et d’attaquer le monopole de la violence par l’État, nous pouvons faire le lien avec ce jour. Dans la ville de Berlin, il existe une tradition bien ancrée depuis plusieurs années qui consiste à commencer la nouvelle année par de nouvelles confrontations dans les rues contre les flics. Le soir du 31 janvier est l’un des rares soirs où l’État a du mal à maintenir l’équilibre entre un grand nombre d’individus et les autorités qui se préparent à des confrontations. C’est donc un soir où des affrontements éclatent souvent, partagés par la classe ouvrière, les migrant-es, les anarchistes, les marginales-aux et tous-tes celleux qui choisissent de se confronter aux autorités.

Bien que nous appelions pour la durée du 30/12 au 01/01, la construction d’une solidarité cohérente ne signifie pas que nous devons limiter nos actions à des jours spécifiques. C’est pourquoi nous voulons encourager tout le monde à se joindre à cet appel, que ce soit dans les jours autour du Nouvel An, avant ou après.

Nous appelons tout le monde, au cours de ces journées, à évoquer la mémoire du camarade Kyriakos et à faire preuve de solidarité avec les cinq camarades accusé-es. Cela signifie qu’il faut non seulement s’intéresser à la situation dans laquelle iels se trouvent actuellement, mais aussi poursuivre les luttes auxquelles iels se rattachent et les luttes que nous pouvons rattacher à elleux. Chaque action contre l’oppression et l’autorité peut être dédiée à Kyriakos. Parce que le cœur de Kyriakos Xymitiris et de tous-tes les camarades disparu-es bat à jamais dans les rues, dans les confrontations, dans les moments de révolte, dans le cœur de tous-tes celleux qui luttent contre l’oppression et l’exploitation. Celleux qui ont perdu la vie dans la lutte pour la liberté vivent à jamais dans le cœur de la révolte sociale et de classe. Le feu reviendra réchauffer les cœurs de celleux qui ne sont plus là et de celleux qui ne peuvent pas lutter avec nous.

Utilisons la force que Kyriakos nous a laissée et la force que Marianna, Dimitra, Dimitris, Nikos et A.K. nous envoient de l’intérieur des geôles de la démocratie.

KYRIAKOS XYMITIRIS TOUJOURS PRÉSENT – LES CŒURS RÉVOLUTIONNAIRES BRÛLENT À JAMAIS

PAS TOUCHE AUX CAMARADES EMPRISONNÉ-ES – LIBERTÉ POUR TOUS-TES

Berlin assembly in memory of Kyriakos X. and in solidarity with the persecuted comrades in the Ampelokipoi-case

À Montréal, la police bloque les antifascistes… pour permettre aux adeptes de black metal de célébrer les exploits militaires des nazis

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Déc 032024
 

De Montréal Antifasciste

Montréal, le 30 novembre 2024 — Hier soir avait lieu le deuxième des trois soirées du festival black metal de la Messe des Morts, au théâtre Paradoxe, dans le quartier Ville-Émard de Montréal. À cette occasion, une manifestation antifasciste a été organisée pour dénoncer la complaisance chronique du festival et de nombreux adeptes du genre à l’égard du courant NSBM (national socialist black metal), ou néonazi, qui traverse ce milieu, et plus particulièrement la présence dans la programmation 2024 du festival d’au moins quatre groupes liés à ce courant par leurs thématiques, leurs affiliations ou leurs collaborations.

Suite à la campagne de pression exercée sur le promoteur, Sepulchral Productions, et le locateur de la salle, le groupe Paradoxe, trois des groupes problématiques au programme, Horna, Sargeist et Chamber of Unlight — soit ceux dont les liens avec le NSBM sont les plus clairs — ont été refusés de territoire au Canada en raison d’un signalement de menace à la sécurité nationale, si l’on doit en croire le communiqué du promoteur. Deux autres groupes, Conifère et Phobocosm, s’étaient désistés de la programmation dans les jours précédant le festival, pour des raisons « évidentes » et « personnelles », respectivement.

Toutefois, le groupe suédois Marduk, dont nous avons relevé les obsessions thématiques pour les exploits militaires des SS et de la Wehrmacht durant la Deuxième Guerre mondiale, a non seulement pu jouer ses concerts prévus, mais a en plus remplacé au pied levé les groupes absents, montant sur scène les trois soirs du festival.

À l’extérieur du théâtre, au point culminant d’une campagne soutenue de dénonciation et de mobilisation initiée plusieurs semaines auparavant, environ 200 personnes ont répondu à l’appel et se sont jointes à la manifestation organisée par le collectif Montréal Antifasciste. Une foule diversifiée et combative était au rendez-vous, comptant des résident·es du quartier, des organismes communautaires du Sud-Ouest et plusieurs contingents autonomes formés, notamment, derrière les bannières du SITT-IWW et de la section locale de Voix juives indépendantes.

Une masse de porcs pour la messe des morts…

Malheureusement, la manifestation a été dès le départ paralysée et encadrée par un dispositif policier absolument démesuré : plusieurs centaines d’agents à pied, à vélo, en voiture et à cheval, répartis sur deux pâtés de maisons, formant un périmètre étanche tout autour du théâtre. Malgré qu’une cinquantaine de camarades soit parvenue à déjouer temporairement ce dispositif, celui-ci s’est avéré beaucoup trop imposant pour que nous puissions le défier efficacement ou durablement. La manifestation a donc été gelée sur place sur le boulevard Monk, à moins de 100 mètres du théâtre, vers 17 h 45. Les policiers ont ensuite érigé un point de contrôle plus au sud et opéré un tri au faciès pour diriger les festivaliers sur une rue parallèle de manière à contourner le périmètre d’insécurité et rejoindre l’entrée du théâtre. On peut dire que les policiers, ce soir-là, ont littéralement fait le jeu des fascistes. Fait à noter, de nombreux membres du SPVM placés en première ligne portaient l’écusson « Thin Blue Line », un signe de reconnaissance d’extrême droite dont l’utilisation est découragée, mais pas encore interdite par le service.

Autre fait cocasse, la mascotte stéroïdée du milieu néonazi local s’est présentée vers 18 h, juste pour « voir notre petit rassemblement ». Après cinq minutes d’un face à face tendu, il est reparti la queue entre les jambes. Dans les circonstances, une altercation physique aurait inévitablement déclenché une brutale intervention policière, laquelle aurait entraîné une fin désastreuse de la manifestation. Nous félicitons nos camarades d’avoir su garder leur sang-froid devant cette flagrante provocation.

(À ce propos, un message aux politiciens [et aux médias] qui hallucinent de l’antisémitisme dans chaque manifestation de solidarité avec la Palestine : les vrais antisémites, les foutus néonazis, sont là tout juste sous vos yeux, mais ceux-là, vous préférez envoyer vos chiens enragés pour les protéger.)

Après une heure sur place à scander des slogans antifascistes (« Siamo tutti antifascisti! », « Ville-Émard en a marre, des fachos et des bâtards! »), constatant que nous ne pourrions rien accomplir de plus en restant dans cette souricière étanche, le groupe est parti en manifestation vers le sud sur le boulevard Monk. Le SPVM a alors étroitement flanqué le cortège d’un peloton d’antiémeutes de chaque côté. À une centaine de mètres de l’édicule du métro Monk, un commandant de peloton, irrité par les remontrances légitimes d’un camarade, a inexplicablement décidé de mener ses hommes dans une violente charge contre la tête du cortège, à coups de bâtons et de boucliers, en plus de décharger libéralement une bonbonne de poivre. Histoire de bien faire comprendre qui est le boss, vous voyez! La manifestation s’est ensuite dispersée dans le métro, sous l’œil belliqueux des antiémeutes.

Le collectif Montréal Antifasciste tient à remercier chaleureusement toutes les personnes et les organisations qui ont participé à la campagne de dénonciation et de mobilisation.

Un bilan de campagne positif

Comme nous l’avions expliqué dans notre article publié le 27 octobre dernier, la communauté antifasciste de Montréal n’avait pas cru bon de monter une campagne de dénonciation contre la Messe des Morts dans les dernières années, comme elle l’avait fait en 2016, car la programmation ne présentait aucun groupe particulièrement problématique. Celle de 2024, au contraire, se présentait comme une provocation.

Au début d’octobre, nous avions communiqué avec l’administration du Théâtre Paradoxe (qui relève d’une entreprise d’économie sociale) pour l’encourager à prendre les mesures nécessaires afin d’empêcher les groupes en question de se produire dans son enceinte. Malheureusement, tous nos efforts diplomatiques n’ont pas abouti, l’administration du théâtre se disant captive d’un contrat avec le promoteur de la Messe des Morts, qui, dans tous les cas, est le véritable responsable de ce fiasco grotesque. Nous n’avons donc eu d’autre choix que de tenir notre promesse d’enchaîner avec une manifestation en marge du festival.

Pivot : « Le collectif Montréal antifasciste dénonce un festival de musique black métal »
La Presse : « Tirs groupés contre un festival de black métal  »

Quoi qu’on puisse dire des événements de vendredi soir, absolument dominés par le SPVM, nous estimons avoir atteint les objectifs de la campagne plus largement :

  • deux des quatre groupes visés, les plus proches du réseau NSBM, n’ont pas pu jouer au festival ;
  • nous avons efficacement alerté la communauté à une situation problématique ; tout particulièrement l’administration du Théâtre Paradoxe qui, manifestement, connaissait mal le vampire qu’elle avait invité chez elle ;
  • nous avons révélé les contradictions flagrantes qui traversent le milieu du black metal et causé des frictions salutaires entre les adeptes complaisant·es et les fans antiracistes du genre ;
  • nous avons entraîné des conséquences économiques majeures pour le promoteur du festival, dont les activités au fil des ans dénotent une sympathie certaine pour le NSBM ;

En fin de compte, nous dressons un bilan positif de cette campagne de dénonciation et de mobilisation. Dans les prochains mois, nous allons maintenir la communication avec l’administration du Théâtre Paradoxe pour faire en sorte que l’édition 2024 du festival soit la dernière qui ait lieu dans cette salle. Nous allons également maintenir la pression sur le promoteur du Festival, qui a encore une fois donné la preuve de sa complaisance à l’égard d’une idéologie haineuse et de ses manifestations dans le genre black metal, malgré ses prétentions à la neutralité politique.

Et bien entendu, nous allons continuer à exercer une veille constante pour que Montréal reste, résolument, antifasciste.

— Le collectif Montréal Antifasciste