David Campbell est un camarade antifasciste actuellement incarcéré pour des événements qui se sont déroulés lors d’une manifestation d’extrême droite à New York le 20 janvier 2018.
L’événement, « A Night For Freedom », ou « une nuit pour la liberté », a été organisé par le misogyne et militant raciste Mike Cernovich, avec la participation du fondateur des Proud Boys, Gavin McInnes, et l’animateur de podcast nationaliste blanc canadien Stefan Molyneux. Cet événement s’inscrivait dans un processus continu de consolidation d’une scène politique dite « alt lite »; c’est-à-dire un milieu raciste, misogyne et traversé par diverses théories du complot pseudo-scientifiques relatives à la race et au genre, mais pas réellement néonazi.
Lors de la manifestation, une bagarre a éclaté au cours de laquelle un homme de 56 ans en état d’ébriété a été assommé. Pendant la bagarre, un policier a jeté David au sol sans préavis, lui cassant ainsi la jambe à deux endroits. En l’absence d’autres arrestations effectuées de part et d’autre lors de cette manifestation, l’agent a allégué que David avait traqué, frappé et étranglé le participant de l’Alt-Right, puis tenté d’étrangler l’agent lui-même. Ces allégations ont ensuite été diffusées par les médias de droite, qui n’ont pas tardé à dénigrer David comme un « voyou antifa ».
Les accusations initiales ont été abandonnées après que les images de surveillance n’aient étayé aucune des allégations ci-dessus. Cependant, elles ont été remplacées par l’accusation plus vague, mais plus grave, de « Gang Assault » (agression perpétrée en groupe). La définition de cet acte criminel rend tout groupe de trois personnes ou plus impliqué dans une bagarre mutuellement responsable des actions de l’ensemble des participants, et porte une lourde peine minimale obligatoire de trois ans et demi.
Après presque deux ans de manœuvres juridiques diverses, David a négocié un plaidoyer de non-coopération pour une peine de 18 mois dans un établissement local, afin d’éviter un procès et une peine beaucoup plus longue dans un établissement loin de ses amis et de sa famille. Au cours de la même période et parallèlement, le procureur de Manhattan a inexplicablement offert des ententes de plaidoyer beaucoup plus indulgentes, impliquant uniquement des services communautaires, à un certain nombre de militants d’extrêmes droite ayant été arrêtés et inculpés dans une affaire très similaire qui s’est produite une dizaine de mois après l’arrestation de David. Le procureur n’a donné aucune justification pour ce traitement différencié. L’agent qui a arrêté David n’a pas été tenu responsable d’avoir cassé la jambe de ce dernier et d’avoir menti sur ses actions.
Amoureux des langues et des arts, David était à deux semaines de déménager à Paris pour étudier la traduction française au moment de son arrestation. C’est son engagement envers l’antifascisme et sa communauté qui l’a amené à la manifestation ce soir-là.
« Je suis antifasciste, et je vais en prison pour ça. C’est une histoire longue et compliquée. En un mot, j’ai été arrêté lors d’une manifestation contre l’Alt-Right à New York l’année dernière. Une bagarre a éclaté, et j’ai été pris dedans. Un flic m’a plaqué par derrière, m’a cassé la jambe et a menti à ce sujet. Les tabloïds m’ont dépeint comme un voyou et le procureur m’a accusé de « gang assault », une loi vague et draconienne. […]
« Il est douteux que toute pression publique puisse me sortir de prison, mais quoi qu’il m’arrive, le précédent pour répondre à ce genre de répression doit être établi. Trump remplit les tribunaux, à tous les paliers, avec des juges de droite non qualifiés. Des lois proposant des peines allant jusqu’à 10 ans de prison pour les personnes réputées antifascistes, souvent simplement définies comme ayant participé à des manifestations tout en portant un masque, sont régulièrement mises de l’avant dans les législatures d’État et fédérales. Si c’est ce qu’ils m’imposent à moi, un nerd plus ou moins « normal », un jeune antifasciste de tous les jours en 2019, alors vous pouvez être sûr que le pire est encore à venir, et c’est peut-être vous qui en ferez les frais, à moins que vous ne disiez clairement, dès maintenant, que c’est un comportement inacceptable de n’importe quel gouvernement dans une société supposément libre et juste. Dénoncez ces conneries. Même si vous ne m’aimez pas, ne m’acceptez pas ou n’approuvez pas mes tactiques, dénoncez ces conneries, pour notre bien collectif »
David purgera 12 mois d’une peine de 18 mois à la prison de Rikers. Une chose que les gens peuvent faire pour l’aider est de lui écrire une lettre; David lit et écrit l’anglais et le français, et il a précisé qu’il aimerait recevoir des articles en français (ceux-ci ne peuvent pas être découpés d’un magazine ou d’un journal, mais peuvent être imprimés à partir d’Internet). Consultez son site Web de soutien https://freedavidcampbell.com pour un guide sur l’écriture à David ou à d’autres prisonniers, et pour en savoir plus sur David, ses intérêts et ses réflexions.
Commentaires fermés sur Revendication d’une attaque incendiaire contre un constructeur de prison pour migrant.es
Oct312019
Soumission anonyme à MTL Contre-info
En acceptant le contrat d’entrepreneur général pour le nouveau centre de detention pour migrant.es de Laval, Tisseur Inc. ont commis une grave erreur. Le soir du 26 octobre nous avons décidé d’offrir notre contribution à la lutte contre le système frontalier et carcéral sous toutes ses formes. Nous avons mis le feu à une camionnette sur les berges du canal Lachine où se trouve un autre projet de Tisseur. Nous n’avons pas fini.
« On crée ça non pour emprisonner l’homme, mais pour le détruire totalement, pour en faire un esclave de la pénitenciaire. » (Jacques Mesrine)
Cet article cherche à présenter les résistances, notamment émeutières, des détenu.es dans l’histoire récente du Québec. Pour se faire, une présentation historique du développement de la prison s’impose d’abord. Les luttes, résistances et émeutes pourront alors être traitées dans le contexte qui est le leur. Enfin, une réflexion théorique sur le rôle de la prison et les possibilités sociales et politiques des résistances dans les milieux carcéraux sera posée. Par ailleurs, dans cet article, la féminisation systématique ne sera pas employée, en raison du caractère extrêmement genré de l’histoire carcérale. Ainsi, lorsqu’il sera question d’un groupe très nettement majoritaire masculin, nous parlerons de détenus ou de prévenus. Pour le cas des prisons mixtes, apparues au XIXe siècle, nous parlerons de prisonnier.ères. Enfin, pour les prisons non-mixtes, plus contemporaines, nous parlerons de détenus lorsqu’il sera question de prisons pour hommes et de détenues dans le cas des prisons pour femmes.
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La prison, en Occident, a très longtemps servi à enfermer des prévenu.es en attente de leur procès. Suite au procès, si le.a prévenu.e était condamné.e, il ou elle était forcé.e soit de réparer le tord causé, soit châtié.e en guise d’exemple. Ainsi, les voleur.euses pouvaient être condamné.es à l’amende, les personnes incapables de rembourser leurs dettes pouvaient voir leurs biens saisis ou encore être mises en esclavage, alors que les crimes moraux étaient généralement punis physiquement, par des mutilations par exemple. La peine de mort était aussi souvent appliquée pour des crimes de trahison ou d’hérésie et pour des crimes graves (le meurtre) ou encore pour les récidivistes. Pourtant, l’emprisonnement prolongé était très rare et peu institutionnalisé. Certains individus étaient condamnés à la réclusion (au monastère par exemple) ou exceptionnellement enfermés seuls dans un lieu construit à cet effet, sans qu’un régime carcéral au sens moderne du terme existe.
Ce n’est qu’aux XVIIe et XVIIIe siècles que l’idée du système carcéral se développe en Occident. D’abord développé pour enfermer les pauvres et les sans-abris, le système carcéral a commencé à servir de plus en plus de régime punitif pour les crimes de droit commun. On peut dire que le système carcéral tel que nous le connaissons s’est mis en place à partir de la fin du XVIIIe siècle. Un tel système, conçu pour surveiller, contrôler et punir les groupes sociaux déviants et marginaux, se met en place parallèlement à l’idéologie du contrôle et de la surveillance qui s’établit dans le monde occidental. C’est d’ailleurs ce qu’a décrit avec brio Michel Foucault dans son ouvrage classique de 1975, Surveiller et punir. L’idée de l’enfermement comme punition, ainsi que l’idée d’un isolement prolongé permettant au détenu de réfléchir à ses crimes et de changer sa mentalité, s’établissent à la fin du XVIIIe siècle. C’est notamment le britannique John Howard qui théorise ces idées dans son livre fameux de 1777, State of Prisons in England and Wales.
En ce sens, il est établi en Nouvelle-France, par l’ordonnance de 1670, « qu’il n’est point l’usage de condamner un coupable à une prison perpétuelle ». Ici comme en Europe, les prisons ne servent qu’à maintenir à disposition les prévenu.es en vue de leur procès. On trouve donc à cette époque des cellules dans le château Saint-Louis (résidence du gouverneur général à Québec) ainsi qu’une petite installation carcérale sur la rue Notre-Dame à Montréal. Vers 1716-1718, on construit trois installations carcérales en Nouvelle-France, à Québec, Trois-Rivières et Montréal. Les trois installations possèdent une salle d’audience, des espaces pour les gardiens et quelques cachots ; les trois installations relèvent encore du vieux modèle d’emprisonnement conçu pour maintenir à disposition les prévenu.es avant leur procès. D’un autre côté, le régime punitif reste relativement mal organisé, avec un seul bourreau pour la province, en général un ancien détenu dont la peine à été annulée en échange de ses services d’exécuteur… La peine la plus fréquente en Nouvelle-France est l’amende. La mutilation physique est parfois pratiquée, ainsi que la peine de mort (en général pour les récidivistes et les meurtrier.ères).
Le régime carcéral basé sur l’enfermement punitif ne se développe au Canada qu’au XIXe siècle, comme c’est d’ailleurs le cas dans le reste de l’Occident. C’est aux États-Unis, sous l’impulsion de la philosophie de John Howard, que les premières prisons servant à des emprisonnements punitifs prolongés sont construites. Le pénitencier modèle est le Eastern Penitentiary de Philadelphie, achevé en 1821. On y enferme des détenus afin de les punir. Les détenus, isolés les uns des autres jour et nuit, sont supposés y réfléchir à leurs crimes et s’amender lors de leurs années de détention. Ce nouveau modèle intéresse les autorités du Bas-Canada et deux commissaires sont envoyés en 1834 aux États-Unis pour l’étudier et juger de son applicabilité ici.
En effet, la province est dans un processus de renouvellement des prisons, alors qu’on commence à enfermer les détenu.es pour les punir. Une nouvelle prison a été construite à Québec dès 1808 (la Vieille Prison de Québec, qui sera active jusqu’en 1867) ainsi qu’une seconde à Trois-Rivières, construite en 1822 (la Vieille Prison de Trois-Rivières, en activité jusqu’en 1986). Montréal veut elle aussi s’équiper d’un nouveau pénitencier, inspiré des pratiques américaines cette fois. C’est pourtant une installation complètement mésadaptée qui est construite en 1835. En effet, dès son ouverture, la prison du Pied-du-Courant est dysfonctionnelle. On n’y trouve ni cuisine ni laverie ; les espaces y sont mal conçus et la séparation entre hommes et femmes peu respectée. La prison se trouve par ailleurs surpeuplée suite à la Révolte des Patriotes de 1837-1838 ; la prison le restera d’ailleurs jusqu’à sa fermeture en 1912.
Dans les trois grands établissements carcéraux du Québec du XIXe siècle (la Vieille Prison de Québec est remplacée en 1867 par la prison des Plaines d’Abraham, active jusqu’en 1970), les conditions de vie sont très dures et l’auto-organisation des détenu.es relativement rare. D’un côté, même si la nouvelle mentalité de l’emprisonnement prolongé comme punition se généralise, les établissements ne s’adaptent pas. Les espaces y sont donc très réduits et peu de choses sont prévues pour les longues peines (comme des cours pour l’exercice). De plus, l’idée que l’isolement est bénéfique à la réhabilitation des prisonnier.ères fait que ceux.elles-ci sont rarement mis.es en contact les un.es avec les autres, sauf pour des travaux forcés. La situation diffère quelque peu au pénitencier du Pied-du-Courant, où plusieurs anciens patriotes se retrouvent et agissent solidairement. Par ailleurs, on retrouve dans cet établissement une vie sociale plus développée, alors que les détenus de droit commun et les travailleuses du sexe enfermées devront s’occuper de l’organisation de la vie quotidienne (alimentation, ménage, etc.). À cette époque, deux autres facteurs (en plus de l’isolement) nuisent à l’organisation des prisonnier.es, à savoir les conditions de vie si dures que la survie est la priorité (lutte contre le froid, la faim et les maladies) ainsi que le fait que les détenu.es ne purgent pas encore des peines très longues, les crimes graves étant souvent punis par la déportation ou la pendaison.
C’est donc surtout au XXe siècle qu’on verra les prisonnier.ères, de plus en plus nombreux.euses et purgeant des peines toujours plus longues, prendre conscience de leur condition politique et s’organiser dans les pénitenciers au Québec. La ville de Montréal pense d’ailleurs à construire une nouvelle prison tout au long du XIXe siècle pour remplacer le très défaillant établissement du Pied-du-Courant. La nouvelle prison sera finalement achevée à Bordeaux en 1912. Cette prison, non-mixte, est conçue pour accueillir plusieurs centaines de détenus ainsi que pour l’enfermement à moyen / long terme. C’est la naissance des prisons telles qu’on les connait au Québec : un immense lieu, non-mixte, avec des centaines de détenu.es dont certain.es purgent de longues peines, des espaces communs et un programme cohérent de travail pour les détenu.es. Ce nouvel univers carcéral permettra aussi l’émergence d’un nouveau rapport à soi et aux autres pour les prisonnier.ères. Au début du XXe siècle, le gouverneur de la prison du Pied-du-Courant, qui sera aussi le premier gouverneur de la prison de Bordeaux, remarque justement l’émergence d’une pensée politique nouvelle chez certains prisonniers. Le gouverneur Charles Vallée écrit en 1910 :
« La mentalité de nos prisonniers est elle-même plus différente aujourd’hui, de ce qu’elle était autrefois. Il y pointe maintenant un esprit de révolte pour ainsi dire chronique contre l’autorité sous toutes ses formes… je n’ai sans doute pas à déterminer ici jusqu’où cette agressivité particulière et généralement imputable aux doctrines subversives que des fauteurs de grèves ouvrières d’unionismes internationalistes (sic) ou de communisme obligatoire (sic) ont importé chez nous de la vieille Europe ; mais, personnellement, je suis bien convaincu que, entre cette mentalité nouvelle que je signale chez nos détenus et la vulgarité des doctrines précitées, il doit exister autre chose de plus substantielle que de simples rapports de coïncidence éventuelle… ».
Nous voyons dans ce discours du gouverneur Vallée une crainte paniquée des organisations ouvrières, ainsi qu’une paranoïa anti-communiste qui n’a que peu à voir avec la réalité de 1910. Pourtant, on peut en déduire que les détenus commencent à être plus contestataires à la prison du Pied-du-Courant, et cela probablement à cause des peines plus longues que certains d’entre-eux doivent y purger dans des conditions exécrables. Il n’est pas impossible non plus que certains éléments politisés commencent effectivement à être emprisonnés à cette époque et que ceux-ci tentent d’y organiser les forçats qui s’y trouvent.
La première moitié du XXe siècle voit s’achever l’organisation carcérale telle que nous la connaissons aujourd’hui. Des pénitenciers fédéraux sont construits pour les détenu.es condamné.es à des peines lourdes (en général plus de deux ans) alors que les pénitenciers provinciaux se spécialisent dans les peines dites légères (moins de deux ans). La non-mixité devient la règle et des institutions psychiatriques / carcérales, tel que l’Institut Pinel à Montréal, sont finalement créés pour les détenu.es souffrant de problèmes de santé mentale. Notons que ces institutions psychiatriques sont loin de prendre en charge toutes les personnes criminalisées qui auraient besoin de soins de santé mentale, alors que l’on retrouve, tout au long du XXe siècle et jusqu’à ce jour, un nombre effarant de prisonnier.ères souffrant de problèmes de santé mentale dans toutes les prisons du Québec, du Canada et d’ailleurs. Notons aussi que les résistances des détenu.es prendront des formes différentes selon les types de prisons (fédérales, provinciales ou psychiatriques). On verra une organisation socio-politique plus forte dans les pénitenciers provinciaux, alors que l’on verra une résistance plus violente et désespérée dans les pénitenciers fédéraux. La solidarité extérieure sera aussi plus active avec les détenu.es des prisons provinciales et psychiatriques, alors que les détenu.es fédéraux.ales seront plutôt laissé.es de côté, du fait de leur isolement institutionnel, mais peut-être aussi parce qu’ils et elles sont davantage perçu.es comme des personnes dangereuses, criminel.les professionnel.es ou éléments anti-sociaux ; perception, surtout concernant le banditisme professionnel, partagée même dans les milieux de gauche…
Dans ces conditions, deux possibilités s’offrent aux prisonnier.ères pour résister aux conditions de vie toujours terribles qui leur sont imposées. D’abord, les détenu.es peuvent faire connaître leur situation aux institutions et au public pour mettre de la pression sur les autorités carcérales. Ensuite, les détenu.es peuvent lutter dans les prisons, par des actions directes qui mettent de la pression sur les gardien.nes et la direction des prisons, allant jusqu’à l’émeute. Un des premiers épisodes de ce genre a lieu à la prison de Bordeaux le 4 mai 1952. Les détenus, notamment en colère en raison du traitement humiliant qu’ils subissent aux mains des gardiens et de la nourriture dégoûtante qui leur est servie (souvent moisie, et on trouve même des asticots dans les plats), se soulèvent soudainement et défoncent une partie de la prison. Des feux sont allumés et les détenus armés de couteaux repoussent les gardiens, pris au dépourvu. Si l’émeute est matée, la nourriture est modifiée dès les jours suivant. Bien sûr les humiliations restent la norme, ce qui mènera à de nouvelles luttes…
Dans les années 1950, les conditions de vie des détenu.es sont réellement misérables. Les détenu.es sont mal logé.es et mal nourri.es. Mais ce qui leur rend la vie particulièrement dure, ce sont les violences arbitraires des gardien.nes. En effet, aucun contrôle n’est exercé sur les gardien.nes par une instance extérieure. Ceux.elles-ci peuvent donc voler les détenu.es comme bon leur semble, les humilier verbalement et physiquement, les passer à tabac et même les tuer sans conséquence. Ces conditions inhumaines sont dénoncées par Jacques Hébert dans son petit livre Scandale à Bordeaux (éditions de l’Homme, 1959). Ce livre sera à l’époque une importante pièce à conviction dans le procès social qui suivra certaines émeutes des années 1960, procès social qui changera les conditions de vie des détenu.es.
Au cours de l’année 1960, les détenus de la prison de Bordeaux n’en peuvent plus de ces conditions. Le 26 juin 1960, après le repas, trois détenus attaquent un gardien. Celui-ci tire des coups de semonce mais est vite repoussé. Rapidement, un grand nombre de détenus se met de la partie. Les gardiens sont repoussés et arrivent à peine à tirer sur les détenus qui tentent de franchir le mur d’enceinte. Pour le reste, ils ont perdu le contrôle. Des feux sont allumés un peu partout dans la prison et une guérite brûle. Pourtant, après des négociations avec les détenus, les gardiens reprennent le contrôle de la prison. Trois détenus sont blessés ; les autorités se disent conscientisées aux problèmes soulevés et promettent moins d’arbitraire… mais il n’en n’est rien. Ce n’est donc que partie remise pour la confrontation entre détenus et gardiens. Six jours plus tard, de nouveaux troubles éclatent, puis encore en novembre 1960, et enfin le 12 décembre de la même année. Les détenus n’en peuvent plus du froid, des privations et de la maltraitance. L’émeute de décembre dure toute la journée et ne peut être matée qu’avec l’aide de la Sûreté de Montréal. Plus de 100 hommes sont déployés en soutien aux gardiens. Les détenus ont aussi droit à la première page de plusieurs journaux le lendemain. Mais la répression est dure, les hommes sont envoyés au trou, ne reçoivent pas de traitements médicaux et plusieurs seront affamés en guise de punition. La tension est à son comble à Bordeaux, d’ailleurs complètement surpeuplée avec 1 500 détenus.
Certains prisonniers réussiront à dénoncer les violences qu’ils subissent à Bordeaux lors de leur comparution. Les juges seront bien forcés de les écouter. Depuis le livre d’Hébert, l’opinion publique est par ailleurs préoccupée. Avec les histoires de tortures suite aux troubles de l’année 1960, c’en est trop. En novembre 1961, une réforme de la prison de Bordeaux est annoncée. La direction de la prison est remplacée ainsi que plusieurs dizaine de gardiens. C’est une victoire en demi-teinte pour les détenus. Les plus sales parmi les gardiens, les tortionnaires psychopathes qui s’en sont pris aux détenus durant des années, sont licenciés. Mais les conditions restent dures, surtout pour les prisonniers rebelles, ceux qu’on met au trou…
Ainsi, le 28 septembre 1967, dans un mémoire qu’elle remet à la commission d’enquête Prévost sur la justice au Québec, la CSN parle de la violence qui sévit toujours contre les prisonniers à Bordeaux :
« Le sous-sol est une cave humide où est installé le « donjon » (ou le « trou »), qui comprend dix cellules d’isolement pour les cas agressifs ou « dangereux ». Dans ces cellules, il n’y a ni lavabo, ni toilette, mais seulement des trous dans le plancher. Et ces trous sont souvent bloqués. On peut facilement imaginer l’état des cellules et l’odeur qui s’en dégage. C’est au sous-sol, aussi, qu’il y a le plus de rats, de coquerelles et de punaises. Et quand il y en a trop, une équipe spécialisée fait à l’occasion une tournée de l’institut pour exterminer toute cette vermine ».
De telles conditions font écho à celles d’une autre institution carcérale du Québec : l’Unité Spéciale de Correction de la prison de Saint-Vincent-de-Paul. Ces installations récentes ont en effet pour objectif de briser les plus coriaces parmi les détenus. L’évasion y est réputée impossible et les hommes, tous condamnés à de longues peines, y sont torturés sans plus de manière. On y trouve 65 gardiens pour 62 détenus : c’est dire le rapport de force qui y existe.
Les luttes carcérales vont d’ailleurs se déporter de manière spectaculaire à la prison Saint-Vincent-de-Paul quelques années plus tard. Effectivement, le célèbre braqueur de banque Jacques Mesrine y est enfermé depuis le début des années 1970 en compagnie de plusieurs autres criminels de profession. Mesrine et les autres détenus y subissent une torture abjecte, faite de privations sensorielles, de jeûnes forcés et de passages à tabac fréquents. Les détenus de cette prison n’ont aucun moyen de faire connaître les tortures qu’ils y subissent puisqu’ils sont drastiquement isolés du monde extérieur. Pourtant, le 21 août 1972, Jacques Mesrine et cinq de ses codétenus s’évadent de Saint-Vincent-de-Paul (la prison dont nul ne peut s’évader !). Jacques Mesrine essaiera alors d’informer les autorités de la torture qui sévit à Saint-Vincent-de-Paul. Il envoie notamment des informations à cet effet au Solliciteur général du Canada Jean-Pierre Goyer et produit un enregistrement diffusé publiquement, Mesrine parle encore, dans lequel il dénonce les conditions de vie à l’Unité Spéciale de Correction. Même si Mesrine y expose (entre autre) l’existence d’une chambre à gaz, le Solliciteur ignore les propos du célèbre bandit, fait saisir les copies de l’enregistrement… et interdit aux journalistes de visiter la prison Saint-Vincent-de-Paul pour voir ce qui s’y passe.
Mesrine décide donc, à l’automne 1972, d’attaquer le pénitencier Saint-Vincent-de-Paul, d’abord pour faire évader un maximum de prisonniers, ensuite pour dénoncer l’institution et les politiques ultra-violentes qui y sont la norme. L’attaque a lieu le 3 septembre 1972. Une violente bataille oppose Mesrine et ses complices aux gardiens. Des échanges de mitrailleuses et des tirs de grenades ont lieu de part et d’autre. Si deux gardiens sont grièvement blessés, l’évasion est un échec. Pourtant, l’attaque de Mesrine a attiré l’attention sur la vie à Saint-Vincent-de-Paul. Lorsqu’un autre ancien détenu de l’Unité Spéciale, Richard Blass, s’attaque à un bar tenu par un ancien policier et y brûle 13 personnes qu’il a enfermées dans le sous-sol, la pression médiatique est à son comble. Les journalistes cherchent à savoir quelles conditions horribles ont créé un homme si violent. Finalement, en 1974, la torture pratiquée à Saint-Vincent-de-Paul est prouvée. Après des années de dénégation, le Ministère de la Sécurité publique doit avouer ses crimes envers les détenus. L’Unité Spéciale de Correction est enfin fermée et la prison redevient un établissement aux normes plus conventionnelles.
Les résistances carcérales ne s’arrêtent bien sûr pas à ces épisodes célèbres. Il y a une lutte continuelle des détenu.es contre les gardien.nes dans les prisons, afin d’obtenir des conditions de vie décentes et une certaine dignité. Pourtant, ces luttes sont invisibilisées, à cause de la manière même dont le système carcéral est conçu. Effectivement, les détenu.es sont présenté.es et socialement reconnu.es comme des parias. De fait, ils et elles sont isolé.es du reste de la population. Leurs situations, leurs luttes et leurs espoirs ne sont donc par relayés. De plus, le fait que le système de justice ne soit pas réfléchi comme organe politique de répression, mais comme une institution garantissant le vivre-ensemble, fait en sorte qu’une critique globale de la prison est rare, qui ferait des prisonnier.ères des camarades pour les militant.es ; des personnes victimes de la répression d’état avec qui nous devrions lutter. Cela est toujours le cas dans les années 1980, alors qu’il y a une reprise des luttes des détenu.es.
Par exemple, le soir du 25 juillet 1982, un groupe de détenus tente une évasion de la prison Archambault (pénitencier fédéral à sécurité maximale situé à Sainte-Anne-des-Plaines). Les détenus prennent en otage plusieurs gardiens et tentent d’obtenir en échange de ceux-ci leur libération. Mais le pénitencier est vite sécurisé et les détenus se retrouvent alors coincés. Une émeute s’ensuit durant laquelle trois gardiens seront tués. L’émeute sera pourtant un échec et le contrôle est rétabli durant la nuit. Face à cette situation, deux détenus condamnés à la perpétuité choisissent de se suicider. Les motivations des détenus ici sont d’abord leurs conditions de vie, comme toujours, mais aussi une lutte pour leur vie elle-même. Effectivement, les détenus qui participent à cette émeute sont condamnés à des peines très lourdes, et ce qui leur reste à vivre ne sera qu’une longue déchéance jusqu’à la mort. Ainsi, l’exemple d’Archambault est frappant, dans la mesure où il montre que les longues peines sont la pire des tortures, insupportables, et que ceux qui y sont confrontés sont prêts à tuer et à mourir pour ne pas vivre ainsi durant vingt ou trente ans.
Les émeutes reprennent aussi à Bordeaux dans les années 1980-1990. On en dénombre six majeures entre 1985 et 1992, sans compter les autres formes d’organisation politique ou les grèves de la faim. La raison principale en est cette fois le surpeuplement de la prison et ses conséquences. Les détenus vivent alors les uns sur les autres, ils manquent d’espace pour l’exercice, les promenades sont réduites… Les exactions des gardiens aussi se multiplient, alors que ceux-ci se sentent sous pression en raison du surpeuplement. À la fin avril 1992 se produit d’ailleurs la pire émeute à Bordeaux depuis les années 1960. On dénombre pour plus de deux millions de dollars en dommage et de nombreux blessés, détenus comme matons. Et depuis (depuis presque 30 ans donc), les choses n’ont pas tellement changé. C’est pourquoi une gronde perpétuelle à cours dans les prisons, alors que le surpeuplement reste le principal problème dans les prisons québécoises (fédérales, provinciales ou psychiatriques, masculines comme féminines). Ce surpeuplement implique bien sûr une dégradation continuelle des conditions des vie : moins d’espace, moins de temps de sortie ou d’exercice, moins de visites, une nourriture de qualité inférieure, préparée en masse pour une population trop grande… Et si les autorités constatent le problème, elles ne font rien. Parce que les détenu.es dans nos sociétés restent ces parias qu’on ne veut ni voir ni entendre, qui n’ont pas droit à la dignité, leur statut de déviant.es justifiant de la part de l’état les pires exactions.
Dans les prisons pour femmes (dont la funestement célèbre prison Leclerc à Laval) les luttes sont aussi perpétuelles. Pourquoi donc n’en entendons-nous jamais parler ? Évidemment parce que les femmes, dans le milieu carcéral, sont les parias des parias. Leurs luttes ne sont ni diffusées ni relayées. Elles ne relèvent pas de la même aura sociale que le gangstérisme masculin. De plus, les épisodes d’émeutes violentes se sont montrés moins fréquents dans les établissements pour femmes au Québec que dans les pénitenciers masculins. Les conditions imparties aux femmes sont pourtant tout aussi violentes. La surpopulation les affectent de plein fouet, ainsi que les violences et les pénuries. Le manque chronique de serviettes sanitaires à la prison Leclerc est un exemple parmi bien d’autres de la manière dont les détenues sont traitées au Québec. La violence directe est aussi exercée contre les détenues à Leclerc comme ailleurs.
Notons sur un autre plan qu’un très grand nombre de femmes sont enfermées pour avoir réagi à la violence sociale qu’elles subissaient. Ainsi, les assassines d’un proche violent, les voleuses, les travailleuses du sexe ou encore les femmes venant de milieux paupérisés et arrêtées pour consommation ou vente de drogues représentent la grande majorité des femmes détenues. Les femmes pauvres, racisées et autochtones sont naturellement sur-représentées dans les prisons au Québec ; ce qui nuit d’autant plus à leurs chances d’être entendues dans la société lorsqu’elles veulent dénoncer leurs conditions de détention. Sans compter sur le fait que les détenues (comme leurs homologues masculins d’ailleurs) ont toutes les chances de revenir en prison, puisque la prison marginalise et induit des comportements criminels ; ce qui reconduit d’autant plus les détenu.es en prison et reproduit leur isolement / invisibilisation sociale. Toutes ces conditions sont longuement dénoncées en 1983 dans le numéro de la revue féministe La vie en rose sur les détenues, mais restent toujours aussi ignorées.
Pour conclure, il est bon de revenir un peu sur le statut des détenu.es, leur traitement social, leurs droits et leur potentiel. Les détenu.es sont en très grande majorité des personnes d’origine modeste, issues de classes défavorisées (économiques ou raciales). Elles sont en général condamnées pour des crimes qu’elles ont commis en réaction à la violence que le monde leur a fait subir. De plus (et surtout), les personnes détenues, par-delà leur culpabilité, changent socialement de statut lorsqu’elles sont incarcérées. Reconnues coupables et enfermées, elles sont séparées du reste de la population et deviennent des êtres rejetés du corps social, qu’on ne voit pas et pour qui le respect est nié. Ainsi, les personnes devenues détenues ont un nouveau statut qui les invisibilise et les soumet à la violence et à l’arbitraire de l’état. Coupables ou innocent.es, les détenu.es ont en commun d’être déshumanisé.es, de se voir retirer le droit à la sociabilisation et à la dignité. En isolant ainsi les gens, on les prive de tout ce à quoi un être digne a droit : la liberté, la parole, les liens d’amitié désintéressés, la famille, l’amour… Bien sûr, dans leur résilience, les détenu.es se donnent certaines possibilités sociales, mais l’institution qui les déshumanise n’en cherche pas moins à les en priver. Qu’un groupe social subisse une telle violence montre le caractère inhumain de l’état. Un tel isolement entraîne naturellement le renfermement sur le groupe déviant, et ce qui devait être combattu se reproduit.
Bien sûr, il existe certaines difficultés liées au statut des prisonnier.ères, comme le masculinisme du milieu criminel et le fait que plusieurs personnes soient en prison pour avoir pratiqué une forme de capitalisme illégal. Pourtant, nous ne croyons pas que ce sont les points qui doivent a priori retenir notre attention. Nous pensons qu’il vaut mieux comprendre globalement le système carcéral comme un système de répression sociale, qui vise en général les plus pauvres et les plus démuni.es, et qui isole plus encore les gens de la marge. Nous pensons que la prison est un lieu de fabrication d’une classe sociale déshumanisée, vouée à la torture d’état et vouée à se reproduire en vertu même de la structure carcérale. En ce sens, nous croyons que toutes les luttes des détenu.es pour la dignité, une vie meilleure et finalement la liberté sont justes. En effet, le système carcéral n’est pas une institution de préservation de la paix sociale, mais une institution d’isolement et de violence. Il est donc de notre devoir de comprendre l’origine de la prison, de dénoncer son action et d’agir solidairement avec les prisonnier.ères en lutte. Des luttes qui n’en finiront que lorsque la prison et son monde auront disparu. Les grèves carcérales continuent, les luttes judiciaires, les publications contestataires ainsi que les émeutes. Soyons attentif.ves à ce qui se fait derrière les murs, pour aider à faire tomber les murs.
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Sur l’origine idéologique des prisons et les débuts du système carcéral, on consultera avec profit l’article Les origines de la prison de Bordeaux (Pierre Landreville et Ghislaine Julien, 1972). Pour un historique des prisons au Québec, ainsi qu’un aperçu des émeutes les plus importantes qui s’y déroulèrent, on consultera… le site de la Sécurité publique (sans commentaire sur l’idéologie qui y est véhiculée). Sur l’émeute de Bordeaux de 1960, on pourra consulter cet article, sur le site Histoire du Québec.
Sur les idées abolitionnistes (en faveur de l’abolition du système carcéral dans son ensemble), on pourra consulter cet article de 2017 ainsi que les documents laissés en ligne dans le cadre du Mois contre les prisons (2015). En Anglais, on consultera Prison Justice, qui milite contre les abus en prison et contre le système carcéral, et qui documente les luttes en cours dans les prisons du Canada. Pour entendre les voix dissidentes d’ex-détenu.es et d’actuelles personnes incarcérées, on pourra écouter l’émission Prison Radio ; on trouvera aussi sur le site des informations sur les luttes carcérales passées et actuelles.
Commentaires fermés sur Visite nocturne aux installations de Lemay dans le Parc Frédéric-Back
Oct052019
Soumission anonyme à MTL Contre-info
Dans le cadre d’une série d’actions ciblant les profiteurs de la prison pour migrant.es, près d’une douzaine de puits de captation de biogaz conçus par Lemay et installés dans le Parc Frédéric-Back ont été taggués avec les mots « fuck lemay ». Les identifiants uniques de plusieurs de ces puits ont aussi été recouverts de peinture noire. Des bancs et une grande carte du parc, aussi conçus par Lemay, ont été taggués avec des slogans et des symboles anti-Lemay, anti-flic, antiautoritaires et antifascistes. Ces modifications bien méritées contribueront sans doute à « l’aménagement écologique unique » du parc et augmenteront « l’air surréaliste » du paysage.
Quoi : Journée d’action dans plusieurs villes contre la détention des migrant·e·s
Quand : Le 3 octobre 2019
Où : Canada et international
Au cours des deux dernières années, une lutte active contre la construction d’une nouvelle prison pour migrant·e·s prévue à Laval, Québec, a été menée par différents groupes. Cette vaste mobilisation a su inclure une variété de tactiques, chacun se battant à sa façon pour mettre fin au régime de frontières et de prisons du Canada.
Solidarité sans frontières a participé à cette lutte en organisant des manifestations, des ateliers, des conférences de presse, une déclaration contre la prison (actuellement signée par plus de 80 groupes) et des occupations temporaires du chantier lui-même. Or, malgré l’opposition soutenue et généralisée à ce projet, les travaux de construction de la nouvelle prison pour migrant·e·s de Laval ont récemment commencés.
Nous sommes maintenant devant l’urgence d’agir rapidement pour faire pression sur les entreprises qui ont reçu des contrats pour la construction de cette nouvelle prison. Nous avons commencé une série d’actions hebdomadaires axées sur ces profiteurs, et nous appelons à une Journée d’action, le 3 octobre, organisée par des groupes alliés dans différentes villes à travers le pays et à l’étranger.
La nouvelle prison de Laval n’est qu’un élément du système de détention des personnes migrantes au Canada que la Journée d’action vise à contester. Qu’il s’agisse des prisons fédérales pour migrant·e·s, des prisons provinciales qui détiennent des migrant·e·s pour le compte de l’ASFC, des entreprises qui profitent de la détention des migrant·e·s, des bureaux de l’ASFC ou des ONG qui mettent en œuvre les nouveaux systèmes de surveillance et de contrôle « alternatifs » de l’ASFC, l’infrastructure canadienne de détention des personnes migrant·e·s s’étend partout. Nous demandons que des mesures soient prises le 3 octobre pour remettre en question ce système et aider à rendre son infrastructure plus visible.
Commentaires fermés sur « You’re not tough now » : deux policiers en civil se font défoncer (vidéo)
Août302019
Soumission anonyme à MTL Contre-info
La vidéo des événements étant malheureusement déjà en possession des flics, nous avons décidé d’en faire un petit remix.
24 août 2019. Centre-ville de Montréal. Une foule reconnait deux flics du SPVM en civil, à l’extérieur d’un bar. Basés au poste 21, situé à proximité, ils passent leur quarts de travail à harceler et à brutaliser les gens pauvres et marginalisé.es du coin. En civil, ils n’ont pas de fusil, pas de taser, pas de radio pour appeler des renforts. Voyons ce qui arrive quand ils ne peuvent se cacher derrière une insigne.
« Ce n’est pas juste une attaque contre ces policiers — c’est contre tout le système judiciaire. »
Montréal, le 27 août 2019 — La Cour Supérieure du Québec a accordé à Construction Tisseur Inc., la compagnie qui gère la construction de la nouvelle prison pour migrant.e.s à Laval, une injonction juridique contre le réseau de justice migrante Solidarité Sans Frontières. L’injonction temporaire a été demandée suite à un piquetage d’information festif qui a eu lieu devant le siège social de Tisseur à Val-David jeudi après-midi, en présence de musicien.ne.s Klezmer.
« Cela crée un dangereux précédent. C’est une préoccupation importante pour la population québécoise quand une compagnie utilise les tribunaux pour faire taire les critiques. Nous nous rappelons du harcèlement juridique d’Éco-société par Barrick Gold concernant la publication de Noir Canada. Et ces deux cas sont liés: les compagnies minières canadiennes comme Barrick Gold contribuent au déplacement de gens qui aboutissent dans des centres de détention pour immigrant.e.s. Nous ne nous laisserons pas museler, l’enjeu est bien trop important », dit Jane Doe de Solidarité Sans Frontières.
Solidarité Sans Frontières a été avisé à 18h26 jeudi le 22 août qu’une audience de la Cour aurait lieu le lendemain matin. Les représentants légaux de Solidarité Sans Frontières ont demandé un report pour leur permettre de préparer une défense, mais le report a été refusé. L’injonction temporaire, qui interdit à Solidarité Sans Frontières, à Jane Doe et à John Doe l’accès aux terrains de Tisseur, situés au 1670 route 117 à Val David, demeure en vigueur jusqu’au 1er septembre. L’injonction pourrait être renouvelé cette semaine.
« Nous avons organisé le piquetage la semaine dernière pour rejoindre les travailleurs et travailleuses impliqués dans ce projet. Nous croyons que les centres de détention pour les migrant.e.s et les réfugié.e.s, tout comme le système d’immigration dont ils font partie, nuit aux droits du travail. Nous voulions ouvrir un dialogue avec les employé.e.s de Tisseur à ce sujet, durant leur heure de dîner », a expliqué John Doe, de Solidarité Sans Frontières.
« Tisseur s’est plaint que nous ayons installé des affiches sur leurs murs. Nous avons installé avec du ruban adhésif des silhouettes qui représentent des ami.e.s qui ont été détenus ou déportés. L’une d’elles est Lucy Granados, une mère célibataire et travailleuse originaire du Guatemala qui était venue au Canada après que l’usine américaine pour laquelle elle travaillait ait été déplacée en Asie, ou la main-d’oeuvre est meilleur marché. Une autre représentait « Daniel », un garçon de 17 ans qui a été détenu dans son école secondaire de Montréal et déporté seul vers le Mexique », a dit Doe.
« Nous ne croyons pas que Yannick Tisseur ait peur de nos affiches temporaires ou de nos rubans adhésifs, mais il souhaite clairement éviter que ces histoires ne se rendent à ses employé.e.s. Une des affiches demandait « Tiseur, mettriez-vous vos enfants dans une prison? » Il ne veut pas que ses travailleurs et travailleuses sachent que la prison sera utilisée pour détenir des enfants. »
La construction de la nouvelle prison, située à côté de l’actuel Centre de détention en Immigration de Laval, a débuté le 5 août 2019. La fin des travaux est prévue pour 2021, et sa construction fait partie d’un investissement de 138 millions de dollars pour augmenter la capacité du Canada à détenir indéfiniment et à déporter des migrant.e.s, incluant des enfants. Des personnes qui ont déjà été détenues rapportent des problèmes de santé mentale importants, tels que des cauchemars, de la dépression, des idées suicidaires, de la difficulté à dormir, de l’anxiété, et d’autres symptômes liés au choc post-traumatique.
Rejoignez-nous pour la première d’une série d’actions publiques en opposition à la nouvelle prison pour migrant.e.s à Laval ! Ces actions se dérouleront tous les jeudis à midi à divers endroits et se termineront le 3 octobre avec une journée d’action dans plusieurs villes.
La nouvelle prison pour migrant.e.s à Laval fait partie d’un investissement de 138 millions de dollars dans le système de détention des migrant.e.s en vertu du Cadre national en matière de détention liée à l’immigration (CNDI), une nouvelle politique annoncée en 2016. Dans le cadre du CNDI, le Canada finance la construction de deux nouvelles prisons pour migrant.e.s ainsi que des nouvelles technologies carcérales pour surveiller et contrôler les migrant.e.s en dehors de ces établissements.
Le 22 août, nous nous rassemblerons devant le siège social de Tisseur Inc à Val-David pour une manifestation publique. Tisseur a récemment remporté un contrat de 50 millions de dollars pour superviser la construction de la nouvelle prison de Laval. Les travaux initiaux ont déjà commencé.
Des entreprises comme Tisseur aimeraient construire l’infrastructure d’un avenir anti-migrant, mais nous avons une toute autre vision. Notre vision n’inclut ni détention, ni frontières ni prisons! Et nous demandons de l’aide pour le réaliser.
Pour nous rejoindre le 22 août : nous irons ensemble à partir de Montréal. Vous pouvez envoyer un courriel à solidaritesansfrontieres@gmail.com pour réserver votre place et connaître le lieu de rendez-vous. Nous nous réunirons à 10h pour arriver à midi et revenir à Montréal au plus tard à 16h. Si vous avez une voiture que vous pouvez apporter ou prêter, veuillez nous l’indiquer ainsi que le nombre de places que vous pouvez offrir.
Ni frontières, ni prisons, un statut pour tou.te.s!
Tôt ce matin vers 4 heures, notre ami et camarade Will Van Spronsen a été tué par balle par la police de Tacoma. Tout ce que nous savons sur le déroulement des évènements vient des flics, qui sont des sources notoirement corrompues et peu fiables pour un tel récit. Ce que nous savons c’est que Will a tenté de mettre le feu à plusieurs véhicules, dépendances et un réservoir de propane à l’extérieur du centre de détention Nord-Ouest de Tacoma, qui abrite des centaines d’immigrés en attente d’audience ou de déportation. Il a réussi à mettre le feu à un véhicule, puis à échanger des coups de feu avec des policiers de Tacoma qui l’ont abattu. Il a été déclaré mort sur les lieux. Nous trouvons ses actions inspirantes. Les véhicules situés à l’extérieur du centre de détention sont utilisés pour évacuer de force des personnes de chez elles et les déporter, souvent dans des situations où elles risquent de subir un danger grave ou la mort. Ces véhicules détruits ne sont que le début de ce qui est nécessaire. Nous aurions souhaité que les incendies débutés par Will aient libéré tous les détenus et rasé tout le centre de détention du Nord-Ouest. Notre ami nous manque et nous souhaitons du fond du cœur que son action ne s’arrête pas avec sa mort.
Will Van Spronsen était un anarchiste de longue date, un antifasciste et une personne aimante et gentille. Ici à Olympia, certains d’entre nous se souviennent de lui comme d’un habile constructeur de structures en bâche lors du campement Occupy en 2011. D’autres se souviennent de lui lors des manifestations à l’extérieur du centre de détention l’été dernier, où il était accusé d’avoir étranglé un policier entourant ses bras autour du cou et des épaules d’un officier qui tentait d’arrêter un manifestant âgé de 17 ans. Dès le lendemain de sa sortie de prison, il est immédiatement retourné au campement situé à l’extérieur du centre pour soutenir les autres manifestants. On se souvient également de lui comme d’un auditeur patient et réfléchi, toujours à l’écoute des gens.
Nous sommes endeuillés, inspirés et enragés par ce qui s’est passé tôt ce matin. L’ICE [police de l’immigration] emprisonne, torture et déporte des centaines de milliers de personnes et la brutalité et l’ampleur de leurs dommages ne font qu’augmenter. Nous avons besoin de toutes les formes de résistance, de solidarité et de passion pour lutter contre l’ICE et les frontières qu’ils défendent. Will a donné sa vie en combattant l’ICE, nous ne saurons peut-être jamais ce qui lui passait par la tête au cours des dernières heures de sa vie, mais nous savons que le centre de détention doit être détruit et les prisonniers libérés. Nous n’avons pas besoin de héros, seulement d’amis et de camarades. Will était simplement un être humain et nous souhaitons qu’il soit toujours avec nous. Il ne fait pas de doute que les flics et les médias essaieront de le décrire comme un monstre, mais c’est en réalité un camarade qui s’est battu pendant de nombreuses années pour défendre ses convictions, et ce matin, il a été tué en faisant ce qu’il aimait: se battre pour un monde meilleur.
Ce soir, vers 20 heures, une trentaine d’anarchistes se sont réunis au terminus de Percival à Olympia dans le Washington pour commémorer Will Van Spronsen et s’opposer à l’ICE. Nous avons brandi des fusées éclairantes et des banderoles sur lesquelles étaient inscrits «Rest In Power Will Van Spronsen», «Abolissons l’ICE», «RIP Will», «Feu aux prisons» et «Stop à la déportation et à l’incarcération». Nous avons partagé des histoires et des souvenirs de Will, ri, et pleuré. Certaines personnes sont partis de leur côté dans le centre-ville et ont collé des autocollants «Immigrants Welcome», tandis que d’autres ont circulé en véhicules avec une banderole «Rest in Power Will» à l’arrière d’un camion.
Commentaires fermés sur Attribution du contrat d’entrepreneur général pour la construction de la prison pour migrant-e-s
Juil112019
Soumission anonyme à MTL Contre-info
Il y a trois ans, l’État canadien investissait 138 millions de dollars pour élargir son système de détention des migrant-e-s, dont notamment le projet d’une nouvelle prison pour migrant-e-s à Laval. Depuis lors, une lutte multiforme s’est engagée pour arrêter la construction de cette prison. On a constamment rappelé à des entreprises comme Lemay, Loiselle et Englobe que quiconque choisit de s’impliquer dans ce projet peut s’attendre à des retards importants à chaque étape du projet.
Il y a deux ans, les bureaux d’architecture et d’ingénierie Lemay et Groupe A ont obtenu les premiers contrats pour la conception de la nouvelle prison. En janvier de cette année, un contrat d’entrepreneur général a été ouvert aux soumissions. Tout comme les architectes et les ingénieurs, l’entrepreneur général sera étroitement associé à toutes les étapes de la construction. De concert avec un certain nombre de sous-traitants dont on n’a pas encore révélé les noms, l’entrepreneur général entreprendra directement la construction d’installations destinées à enfermer les migrant-e-s.
Il y a un peu plus d’une semaine, l’ASFC a attribué dans la plus grande discrétion le contrat d’entrepreneur général à une entreprise basée à Val David : Tisseur Inc. Il s’agit d’une entreprise de construction qui a déjà construit des écoles et des ponts et, avec 50 millions de dollars, c’est de loin le plus gros contrat qu’elle ait reçu à ce jour. Ils ont déjà mis en ligne plus d’une dizaine d’offres d’emploi depuis la signature de ce contrat.
Tout comme Lemay, Tisseur veut se présenter comme une entreprise « socialement responsable ». Leur site Web se vante de leurs projets de construction écologique et met en évidence leur code d’éthique. Mais tout comme Lemay et d’autres, Tisseur est impatient de profiter de la misère et de la violence que l’État canadien inflige aux migrant-e-s. Qu’ils ne s’attendent pas à le faire sans que ça se sache.
Tisseur peuvent bien s’imaginer qu’en décrochant un projet gouvernemental d’une telle envergure, ils font leur grande percée, mais l’histoire récente d’entreprises comme Lemay, Loiselle et Englobe suggère que cela pourrait plutôt être le début de tribulations coûteuses.
Fuck les frontières. Fuck les prisons. Fuck tous ceux qui en profitent et qui les font exister.