MTL Contre-info a envoyé quelques questions à des personnes impliquées dans les activités anti-fascistes en cours, pour adresser certaines idées fausses qui circulent communément à propos de ces luttes. Voici ce qu’il.les avaient à dire.
Pouvez-vous me parler de l’organisation anti-fasciste à Montréal et de son rôle, particulièrement ces temps-ci ?
L’activisme anti-fasciste a une longue histoire à Montréal, qui remonte jusqu’aux années 1980. Mais avant 2017, les choses avaient été relativement tranquilles pendant quelques années, la plupart des activités ne se déroulant pas de façon publique.
L’extrême droite s’est enhardie à la suite du massacre raciste à Québec le 27 janvier 2017. Ils ont commencé à prendre la rue et à s’organiser avec une énergie sans précédent. Ainsi, plusieurs d’entre nous ont commencé à s’organiser de explicitement selon des principes anti-fascistes.
Le rôle de l’anti-fascisme est d’exposer et de neutraliser la menace que pose l’extrême-droite. Il s’agit de supporter les communautés et les individus visé.es par l’extrême-droite. Ultimement, il s’agit de supporter et de se joindre à ceux et celles qui se battent contre ce qui est à la racine de l’extrême-droite, c’est-à-dire, dans le contexte canadien, le racisme, le patriarcat, le colonialisme et le capitalisme.
Pourquoi est-il important de combattre le fascisme aujourd’hui ?
Depuis que six personnes ont été tuées et dix-neuf sérieusement blessées par un tireur raciste à Québec plus tôt cette année (2017), l’extrême-droite est sortie de l’ombre et essaie de gagner en légitimité en tant que force politique dans la société québécoise. Ce qui se passe ici s’inscrit dans une plus tendance large, qui a franchi une étape importante lors de l’élection de Donald Trump et que nous voyons à l’oeuvre à travers les pays historiquement racistes d’Europe et d’Amérique du Nord, alors que la crise économique provoque une avalanche de racisme blanc.
L’enjeu, c’est que les solutions proposées par le fascisme — blâmer les immigrants, les Juifs et les personnes de couleurs — ne font que détourner l’attention de la cause réelle des problèmes vécus par les gens, à savoir un système économique injuste et une austérité grandissante.
L’Histoire montre que si nous ne combattons pas efficacement l’extrême-droite, les gens finissent par mourir. Les enjeux sont élevés et nous n’avons pas l’intention de rester les bras croisés pendant que les choses empirent.
Quelles sont les idées fausses répandues à propos des Antifa ?
Les gens politiquement ignorant-es croient que nous sommes la cause derrière la montée de l’extrême-droite. On devrait pouvoir régler cette question en jetant un simple coup d’oeil à ce qui est arrivé en premier.
L’extrême-droite croit que nous sommes secrètement payé.es par George Soros ou par le gouvernement. Alors que la plupart des gens trouvent cette idée ridicule, elle s’aligne bien avec la façon dont l’extrême-droite a toujours expliqué les choses, c’est-à-dire en situant des forces obscures ou quelque Juif millionaire étranger comme étant à l’origine de tout ce qu’il.les n’aiment pas.
Les gens de gauche croient parfois que nous ne sommes intéressé.es que par la violence ou que les attaques sur les nazis constituent la totalité de ce dont nous nous soucions. C’est une autre idée fausse : nous sommes en fait souvent des gens qui sont aussi impliqué.es dans des activités moins sensationnalistes, luttant contre les coupures du gouvernement, la brutalité policière, le racisme ainsi que d’autres aspects de la vie régie par le capitalisme.
Plusieurs sont confus.es et pensent qu’il existe une organisation appelée « antifa ». En fait, « antifa » n’est que le mot médiatique de l’heure, une contraction allemande du mot « anti-fasciste ». Depuis l’élection de Donald Trump, on a vu la prolifération de groupes anti-fascistes à travers l’Amérique du Nord, ce qui est une bonne chose. Mais, pour le meilleur ou pour le pire, il n’existe pas d’organisation unitaire, ni même de réseau incluant tous ces groupes ou d’idéologie unique à laquelle nous adhérons tous et toutes. Il s’agit d’un mouvement de masse et, comme tous les mouvements de masse, il ne peut être réduit à une seule entité.
Une autre forme de confusion qu’il vaut la peine d’adresser réside dans la raison pour laquelle certain.es d’entre nous portent des masques pendant les manifestations. Ce n’est pas un uniforme, c’est une simple précaution, prise à la fois contre le potentiel d’arrestation et contre la vengeance de nos opposant.es. Ce n’est pas tous les anti-fascistes qui portent des masques et toute personne portant un masque ne s’identifie pas nécessairement d’abord comme anti-fasciste.
Selon vous, quelle menace posent les groupes anti-immigrants qui semblent gagner en force au Québec (et ailleurs)?
Ces groupes posent une menace, mais il faut être clair : ils n’existent de façon significative que parce que, depuis des années, des politicien.nes conventionnel.les et des personnalités médiatiques préparent le terrain à leur racisme agitateur. Ce n’est pas une coïncidence si la Meute a été fondée par des hommes qui avaient été envoyés pour faire la guerre en Afghanistan. Ce n’est pas une coïncidence si cette organisation est devenue si importante dans la province où une « Charte des Valeurs » avait été proposée par le gouvernement et est presque devenue loi. Ces groupes ne sortent pas de nulle part and les prendre au sérieux nécessite de les considérer à l’intérieur d’un contexte plus large.
Les organisations d’extrême-droite dégagent un espace politique pour les idées racistes et d’exclusion à travers le spectre politique. En comparaison, le racisme des politicien.es conventionnel.les semble soudainement « modéré ». Pendant tout ce temps, ces dernier.es agissent comme des chambres d’incubation pour les individus et les groupes plus extrémistes.
À un niveau humain de base, concrètement les coûts peuvent être élevés. Six personnes se sont fait prendre leurs vies à Québec, en janvier ; quel est le message envoyé lorsque des centaines de membres de la Meute prennent la rue moins de sept mois plus tard ? Les réfugié.es au stade olympique sontsujets à l’intimidation par le groupe néo-nazi Atalante. Les gens qui traversent la frontière doivent faire face à la possibilité que des organisations de pacotille comme Storm Alliance soient présentes pour les intimider. Voilà plusieurs exemples de la violence contre laquelle nous nous battons.
Quel est votre rôle dans la riposte face à ces groupes, particulièrement à Montréal et dans la province de Québec ?
Nous avons l’intention d’exposer et de neutraliser cette menace. Nous allons documenter et révéler les liens entre les organisations, incluant les liens qui seraient autrement gardés à l’abri du regard du public. Par exemple, le néo-nazi Shawn Beauvais-MacDonald, qui était un des responsables de la Meute, a assisté au récent rassemblement haineux de Charlottesville. Ou alors l’implication de racistes derrière le scandale de fake news à propos de musulmans dans un zoo populaire, il y a quelques mois. Ou bien les suprémacistes blancs avoués qui étaient derrière la tentative de manifestation anti-réfugié.es du stade olympique du 6 août, que les gens ont réussi à empêcher.
Sur le terrain, quand les racistes tentent d’agir, nous avons comme objectif d’être physiquement présent.es pour faire ce qui est nécessaire afin de les en empêcher.
Si vous voulez en apprendre davantage sur ce que nous faisons, nous vous encourageons à consulter régulièrement les sites web Montréal Contre-Information et Montréal Anti-fasciste.
Que pensez-vous de la manifestation du 20 août à Québec et du narratif des médias de masse selon lequel les actions des contre-manifestant.es pourraient contribuer à produire un effet inverse sur la cause ?
La manifestation de la Meute à Québec était la plus grande manifestation d’extrême-droite à avoir lieu au Canada depuis les années 1930. Il faut assumer la réalité.
Notre travail était d’empêcher la Meute de prendre la rue. Il.les se sont caché.es pendant toute la journée derrière la police, dans un garage, et ont attendu que nous soyons parti.es pour marcher rapidement autour du bloc. Évidemment, la prochaine fois, nous devrons rester plus longtemps.