Montréal Contre-information
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Avr 302023
 

Du Centre de documentation sur la contre-surveillance

D’après notre expérience, en Amérique du Nord, la plupart d’entre nous n’ont pas l’habitude de réfléchir aux traces ADN. Les informations sur la manière dont les traces ADN sont créées ou évitées se limitent à quelques mythes qui circulent. Ceci dit, on peut être à peu près sûr qu’à chaque fois qu’un sabotage incendiaire se produit, une équipe de police scientifique spécialisée dans l’ADN intervient également. Par exemple, une arrestation a été effectuée récemment pour un incendie de Jane’s Revenge[1] après que de l’ADN a été prélevé sur le lieu de l’incendie. On voudrait résumer ici quelques considérations d’ordre pratique. En se préparant et en comprenant bien comment l’ADN est transféré, il est possible de limiter considérablement la quantité d’ADN qu’on laisse derrière soi. Bien que l’ADN soit un élément qu’on devrait toujours garder à l’esprit quand on planifie sa participation à une émeute, on ne veut pas que les gens se sentent submergé·e·s par ces informations. Des connaissances concrètes nous permettent d’éviter le double piège de l’insouciance (faire comme si l’ADN n’existait pas) et de l’immobilisme (faire comme si laisser des traces qui finissent analysées en laboratoire était inévitable).

Comme l’explique la page sur les protocoles de minimisation de l’ADN de la Threat Library du CSRC :

“Nous perdons constamment de l’ADN sous diverses formes ; les cellules de la peau, les cheveux, la salive, le sang et la sueur sont autant de sources d’ADN qui, contrairement aux empreintes digitales, ne peuvent jamais être éliminées d’un objet de manière fiable une fois qu’il a été contaminé. Les protocoles de minimisation de l’ADN visent à permettre la manipulation d’objets sans y laisser de traces ADN. Comme on peut s’y attendre, ces protocoles visent à empêcher les cellules de la peau, les cheveux, les particules de salive présentes dans l’air, le sang et la sueur d’entrer en contact avec les objets. La destruction chimique de l’ADN est souvent également employée.”

Pour éviter ou au moins limiter significativement les traces ADN, il est nécessaire de porter des gants neufs, un masque facial, une charlotte ou, mieux encore, se couvrir entièrement les cheveux (par exemple avec un bonnet de bain) et des vêtements propres avec des manches et des jambes longues pour couvrir le plus de peau possible.

Dans un contexte d’émeute, il y a plusieurs choses auxquelles se préparer :

  • Soit vous cassez soit vous brûlez, mais pas les deux à la fois. Casser quelque chose implique parfois un contact important avec l’objet, ce qui risque de transférer des traces ADN sur l’objet en question (surtout si vous devez grimper dessus). Un feu soutenu détruira les traces ADN, mais pour un objet qui est d’abord cassé puis brûlé, ce n’est pas une garantie ; les parties de l’objet qui ont été touchées peuvent ne pas être suffisamment chauffées par les flammes pour que toutes les traces soient détruites. Dans un contexte d’émeute, cela signifie que les personnes ayant des intentions incendiaires devraient essayer de prendre l’initiative tôt, avant que les personnes ayant des intentions de casse ne s’attaquent à une cible donnée. Un scénario qui n’est pas idéal : une foule casse une voiture, quelqu’un touche peut-être la voiture avec des gants qui ont été portés plusieurs fois (et qui ont donc accumulé de l’ADN) ou se coupe sur la vitre cassée, puis quelques minutes plus tard, quelqu’un met le feu à la voiture. Scénario idéal : la voiture est brûlée en premier, ce qui ne nécessite pas de la casser – soit une bouteille d’accélérateur est placée sous le pneu avant (plus rapide, moins d’une minute), soit des cubes allume-feu sont placés sur le pneu avant (plus lent, environ cinq minutes). Il est parfois nécessaire de casser une fenêtre ou une porte pour accéder à un bâtiment, mais il est possible de brûler des machines et des véhicules sans rien avoir à casser en plaçant l’accélérateur au bon endroit.
  • Portez des gants imperméables neufs que vous n’avez jamais touchés auparavant et enfilez-les en dernier lieu, une fois que vous vous êtes déjà changé en black bloc. Cela permet d’éviter que des cellules de peau, des cheveux ou de la sueur se retrouvent à l’extérieur des gants et se transmettent à tous les objets que vous touchez. Manipulez toujours les outils que vous apportez avec cette nouvelle paire de gants, même si vous n’avez pas l’intention de vous en débarrasser. Veillez à ce que les outils que vous utilisez, et surtout les projectiles que vous laissez sur le site, soient exempts de votre ADN depuis le début, et transportez-les avec précaution. Les gants de vaisselle sont excellents pour se préparer à l’action (lorsque ce n’est pas gênant de se faire remarquer). Lors de l’émeute, vous pouvez utiliser des gants de travail dont la paume et les doigts sont recouverts d’une épaisse couche imperméable. Prévoyez une paire supplémentaire que vous pourrez enfiler au cas où vous vous toucheriez par erreur le visage ou autre.
  • Si vous utilisez un marteau, entraînez-vous à briser des vitres dans un environnement contrôlé avant de vous retrouver dans le feu de l’action. Le sang est une source d’ADN évidente, même pour l’enquêteur le plus incompétent. L’essentiel est de s’assurer que votre main ou votre bras ne dépasse jamais la fenêtre, ce qui nécessite de générer de la force à partir du poignet plutôt que du coude ou de l’épaule. Un coup de poignet rapide génère une force suffisante avec un marteau bien équilibré.
  • Veillez à ce qu’aucun objet ne puisse tomber pendant l’agitation – les fermetures éclair sont votre meilleur allié. Soyez particulièrement prudent·e·s au moment de farfouiller dans des sacs ou sacs à dos.
  • Les vêtements utilisés pendant l’émeute ne doivent pas être récupérés par la police scientifique si cela peut être évité. L’époque où on laissait un énorme tas de sweats à capuche noirs au milieu de la rue est révolue : les vêtements portent généralement des traces ADN. L’idéal est d’emporter les vêtements suffisamment loin pour pouvoir s’en débarrasser correctement (soit en les brûlant, soit en les plaçant dans un endroit où, s’ils sont retrouvés, ils ne seront pas considérés comme ayant un lien avec l’émeute). Il faudra faire preuve de discernement pour décider entre essayer de transporter les vêtements loin et les cacher quelque part sur l’itinéraire de dispersion. En cas de fouille, des vêtements noirs peuvent suffire à justifier une enquête, mais il est peu probable qu’ils mènent à eux seuls à une condamnation. Tout vêtement ou autre objet identifiable dans le sac pourrait être plus incriminant. Vous devrez donc évaluer le risque d’une fouille du sac et le mettre en perspective avec l’objectif de garder vos vêtements d’émeute hors des mains des flics. Les objets qui ne peuvent être dissimulés dans un sac à dos (comme les grands boucliers) peuvent être cachés, enduits d’eau de Javel (qui contient environ 10% d’hypochlorite de sodium – voir les lectures complémentaires ci-dessous) ou brûlés avec un accélérateur placé à l’avance sur l’itinéraire de dispersion (dans des bouteilles en plastique qui brûleront, pas dans un jerrycan).
  • N’utilisez pas de ruban adhésif pour fabriquer des molotovs à base de feux d’artifice. Le ruban adhésif est un aimant à ADN. Utilisez plutôt des zip-ties en plastique pour fixer le feu d’artifice à la bouteille. Idéalement, il devrait y avoir deux feux d’artifice pour la redondance, afin de minimiser la probabilité qu’un molotov non explosé soit récupéré. En outre, il convient de prendre des précautions pour minimiser l’ADN lors de la construction et du transport des molotovs (voir ici aussi les lectures complémentaires). Ces précautions sont particulièrement importantes si vous devez vous débarasser des molotovs avant d’avoir pu les utiliser. Les feux d’artifice seuls seront probablement tout aussi efficaces pour tenir les flics à distance sans risquer le même niveau de répression que les molotovs – il faut également veiller à ne pas laisser de traces ADN sur les douilles des feux d’artifice. Les molotovs traditionnels (avec une bouteille en verre) doivent heurter une surface dure pour se briser et ne sont donc pas fiables lorsqu’ils sont lancés à l’intérieur d’un bâtiment. Par exemple, sur le site du premier incendie de Jane’s Revenge, l’ADN de trois personnes a été trouvé sur un molotov non explosé, sur la vitre de la fenêtre et sur un briquet (dossier judiciaire disponible ici, utilisez le navigateur Tor).

Lectures complémentaires : Stratégies pour limiter l’accès de la police aux données ADN, et le sujet “ADN” du CSRC.


1. Note de la traduction : l’expression “Jane’s revenge” – référence au Jane Collective, groupe clandestin qui facilitait l’accès à l’avortement aux États-Unis entre 1969 et 1973 – a été utilisée pour revendiquer plusieurs actions de vandalisme et de sabotage contre des groupes anti-avortement qui ont eu lieu aux États-Unis en 2022.

Source: scenes.noblogs.org[archive.org]