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Ex Masculus : Réflexions critiques sur les groupes d’hommes pro-féministes

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Jan 282021
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Cette brochure est originellement écrite en anglais depuis les USA, et publiée en 2013. La version originale est trouvable sur :
https://exmasculus.wordpress.com/

Nous l’avons traduite à 3, si on ne compte pas les nombreux·ses relecteur·ices qui nous ont permis d’arriver au bout, et qu’on remercie beaucoup : merci beaucoup. Nous sommes une meuf et deux mecs cis réuni·es autour d’un groupe de travail antisexiste, et à qui il a semblé que ce type de brochure manquait cruellement en francophonie.

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La Mauvaise Herbe vol.19

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Jan 262021
 

De La Mauvaise Herbe

Heureuse nouvelle contre la dépression saisonnière, La Mauvaise Herbe vient de publier son nouveau numéro (décembre 2020)!!

Sommaire des articles:
– Des kilomètres et des chalets
– Tchernobyl et le COVID
– Des nouvelles du progrès
– Être ancrés dans la réalité et le sol
– Anarchiste d’esprit vs anarchiste de parole
– Compte-rendu du livre Operation Chaos
– Voici à quoi ressemble le terrorisme domestique
– Extraits du livre La lutte pour le territoire québécois; entre extractivisme et écocitoyenneté

Vous pouvez télécharger ce numéro sur le lien ci-dessous:

MH19

Crise sanitaire : comment le capitalisme nous tue depuis un an

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Jan 262021
 

De Archives Révolutionnaires

Au début de l’année 2020, la presse fait état d’un nouveau virus se propageant à travers le monde. Au printemps, dans un pacte officieux et en attendant d’en savoir plus sur les modalités de transmission et la dangerosité du nouveau coronavirus, la plupart des États capitalistes décident de ralentir, voire de fermer la majeure partie de leur économie. Au Québec, l’état d’urgence sanitaire est déclaré le 13 mars 2020. Pourtant, dès que « l’on en sait un peu plus » et que l’on croit le virus contrôlable, l’ensemble des pays industrialisés rouvrent leur économie : il faut faire vite dans le but de ne pas être laissé derrière. Au début du mois de mai, les magasins, la plupart des entreprises et les garderies entament une réouverture au Québec, la ville de Montréal retardant de quelques semaines sur le reste de la province. Un déconfinement général est amorcé le 25 juin, alors que l’obligation de porter un masque dans les lieux publics fermés est décrétée le 18 juillet : l’économie fonctionne quasi à plein régime, quoique les citoyen.nes doivent changer quelques habitudes de vie. L’été semble offrir un répit avant que le virus ne recommence à se répandre au début du mois de septembre, grosso modo lors de la période du retour en classe et à cause de la baisse graduelle des températures qui pousse la population à passer plus de temps à l’intérieur et dans des lieux moins aérés, au travail comme ailleurs. En janvier 2021, le Québec fait état de plus de 250 000 cas et d’un bilan de plus de 9 400 mort.es de la COVID-191. Qu’est-ce qui nous a menés là ? Pourquoi, malgré un an d’efforts collectifs, la situation semble-telle toujours s’aggraver ? Éléments d’explication.

L’état dans lequel se trouve aujourd’hui le Québec est directement imputable à l’organisation capitaliste de notre société. Les gouvernements québécois des 30 dernières années, en phase avec l’idéologie néolibérale, ont systématiquement détruit les structures de solidarité sociale, au premier rang desquels le système de santé publique2. Anémique, le réseau hospitalier est dorénavant incapable de supporter la pression d’un afflux supplémentaire de malades, comme il est incapable de prodiguer des soins adéquats aux patient.es ou d’offrir des conditions de travail dignes à la majorité de ses employé.es. Négligés ou privatisés, les Centres d’hébergement de soins de longue durée (CHSLD) sont devenus le tombeau des improductif.ves. Dans ce tout-à-l’économie, focalisé sur le maintien de la production et de la consommation, le gouvernement – de connivence avec l’industrie – a de surcroît mis en danger les travailleur.euses en lésinant sur la fermeture du secteur manufacturier, de la construction et de nombreuses autres entreprises. Cette désinvolture a entraîné la concentration des contaminations dans les quartiers ouvriers, révélant au passage les inégalités sociales et la division de classes sur lesquels repose le système capitaliste3. Face à cette gestion froide et comptable de la crise, qui réduit l’individu à sa seule fonction productive tout en rudoyant les secteurs reproductifs (santé, éducation…), une colère multiforme se fait entendre. C’est pour dissimuler les facteurs structurels qui alimentent la pandémie et mater la colère qui se généralise que le gouvernement de François Legault (Coalition Avenir Québec) se dédouane en responsabilisant les individus – pourtant victimes de la crise – et qu’il emploie de plus en plus de mesures fondées sur la peur, la répression, la discipline policière et l’autoritarisme.

Néolibéralisme et système de santé : un mal profond

Les gouvernements péquistes, libéraux et caquiste des 30 dernières années, adhérant tous à l’idéologie néolibérale, ont systématiquement détruit les structures de solidarité sociale4, en particulier le système de santé publique dont nous aurions tant besoin en ce moment. Le gouvernement de Lucien Bouchard (Parti Québécois) – dans lequel François Legault était ministre – a fait du néolibéralisme une politique d’État en imposant son programme du « déficit zéro » en 1996, une politique à laquelle se sont désormais pliés tous les gouvernements successifs. Le gouvernement libéral de Philippe Couillard, quant à lui, a donné le coup de grâce en opérant des compressions massives et des restructurations au sein du système de santé publique dans le cadre de la « réforme Barrette » amorcée en 20155. Ce programme a entraîné une dégradation majeure des conditions de travail des employé.es du secteur public de la santé, sans compter l’effondrement de la qualité des soins6.

Le réseau ressemble maintenant à un monstre centralisé et surbureaucratisé7, dans lequel les travailleur.euses ont peu d’ascendant sur les décisions qui affectent leur travail et doivent répondre à des standards de productivité difficilement applicables en contexte de soins8. De nombreux.euses employé.es, incapables de supporter plus longtemps une telle pression – d’ailleurs contraire aux principes altruistes du système de santé – quittent leur emploi dans le secteur public, ce qui entraîne des pénuries de personnel. La pandémie n’a fait qu’aggraver cette situation catastrophique. Le gouvernement du Québec a suspendu plusieurs conventions collectives dans le domaine de la santé en mars 2020, s’octroyant ainsi le droit de déplacer le personnel à sa guise et sans égard pour les postes occupés, d’annuler des congés préalablement autorisés et de refuser l’octroi de nouveaux congés9. Aucune réponse n’a par ailleurs été donnée aux demandes légitimes et aux mobilisations des travailleur.euses de la santé concernant l’équipement de protection individuel adéquat, l’interdiction de déplacer le personnel hospitalier pour freiner la propagation du virus, les heures de travail, les congés ou la paie. En décembre 2020, les travailleur.euses de l’hôpital de Chicoutimi imploraient encore leur Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS qui chapeaute une région socio-sanitaire du Québec) de leur fournir des masques N95 afin de freiner la contamination au sein du personnel soignant10.

Affichage public, Trois-Rivières, 2020 (@le_pleurnicheur)

Au cours des années, l’État québécois – responsable du domaine de la santé – s’est montré incapable d’assumer sa responsabilité envers les personnes âgées et les CHSLD, en laissant nombre d’établissements aux mains du secteur privé et en négligeant ceux du secteur public. Sans surprise, les CHSLD privés imposent les pires conditions de travail pour le personnel et les salaires les plus bas, entraînant là aussi une grave pénurie de main-d’œuvre. Ces établissements ont par ailleurs fait la manchette en raison des négligences dont leurs résidant.es sont victimes. L’hécatombe dans les CHSLD privés et publics du printemps 2020 est la conséquence tragique d’un mode de gestion entrepreneurial de la société qui rejette sa responsabilité envers les aîné.es (vu.es comme des non-productif.ves) ou qui privatise cyniquement les soins auxquels il.les ont droit. Le travail de reproduction sociale associé à ces soins, principalement dévolu à des femmes (dont beaucoup sont issues de l’immigration) est naturellement dévalorisé en régime capitaliste, sexiste et raciste. Pour remédier à la catastrophe dans le système de santé, aucune solution conséquente ou structurelle n’a été proposée. Le comptable en chef, François Legault, se contente de féliciter les « anges gardiens » (entendre, les travailleur.euses essentiel.les), tout en laissant le système dépérir et en maintenant une attitude condescendante et violente envers celles et ceux qui travaillent dans le domaine de la santé. Les gestionnaires d’établissements continuent d’user de la contrainte envers leur personnel en toute impunité11, notamment par l’imposition de « temps supplémentaire obligatoire ». L’appel de plus en plus massif aux agences de placement pour pallier les pénuries de main-d’œuvre contribue par ailleurs à la contamination massive des employé.es comme des patient.es12, alors que les « employé.es volant.es » deviennent involontairement et à leur grand dam des vecteurs de transmission.

Nous voilà devant les conséquences des compressions drastiques et des restructurations des gouvernements péquistes, libéraux et caquiste qui, depuis les années 1980, détruisent le système de santé publique que le Québec avait tenté de mettre en place à partir des années 1960. L’économicisme et l’incurie sociale de ces gouvernements successifs tuent les plus vulnérables d’entre nous aujourd’hui. Un réseau décentralisé, bien organisé et bien financé, aux employé.es en nombre suffisant et bénéficiant de bonnes conditions de travail, aurait certainement fait la différence13. De même, si une partie des soins de santé pour les personnes en fin de vie ou âgées n’avait pas été laissée entre les mains du secteur privé, nous n’aurions sûrement pas subi ces terribles pertes en vies humaines dans les CHSLD au printemps 2020. Si nous ne pouvons pas revenir en arrière, il est pourtant primordial de mettre en œuvre des solutions systémiques afin qu’une telle tragédie ne se reproduise jamais. La solution à long terme repose sur une vision de la santé non capitaliste et qui fait fi du productivisme, ainsi que sur une gestion coopérative ou une autogestion des établissements de santé, qui place le bien-être des patient.es et du personnel au premier plan : nous savons déjà que le personnel de santé est le plus apte à organiser convenablement les soins et c’est ce qu’il a prouvé malgré les terribles conditions actuelles. Laissons-le travailler comme il l’entend pour le bien-être, la santé et la dignité de toutes et tous.

Une crise pandémique qui en révèle cent autres : quand le capitalisme déconne

En refusant d’élaborer un plan conséquent, dans le temps long, de fermeture de différents secteurs de l’économie après le printemps 2020, le gouvernement Legault, obsédé par le maintien de la production et de la consommation, a mis en danger un grand nombre travailleur.euses, au premier rang desquels les employé.es des secteurs manufacturiers, de l’entreposage, de l’alimentaire et des services (bien sûr, sans compter celles et ceux de la santé). Ce n’est pas un hasard si la crise sanitaire frappe le plus durement les quartiers ouvriers, populaires et paupérisés – là où vivent les travailleur.euses des secteurs maintenus en activité – depuis le printemps 2020.

C’est un lieu commun de dire que le mode de production capitaliste est créateur de profondes inégalités tant au niveau national qu’international14. Ce système, qui génère des bénéfices pour une minorité de privilégié.es et laisse des miettes à la majorité qui produit, s’appuie sur une division de classes, sexuelles et raciales du travail. L’accélération du déconfinement au printemps 2020, alors que la pandémie était loin d’être maîtrisée, a ainsi frappé de plein fouet les travailleur.euses les plus précaires, dont le large contingent des travailleur.euses essentiel.les. Malgré l’insistance médiatique sur les rencontres privées et les partys, les principaux lieux d’éclosion ont toujours été les milieux de travail, ainsi que les hôpitaux, les écoles et les garderies (qui sont aussi des milieux de travail). Le 31 août 2020, le journal Métro rapportait que quelque 1 200 entreprises montréalaises (excluant les services publics, entre autres les hôpitaux) avaient officiellement recensé au moins un cas de COVID-19 depuis la mi-mars. Parmi celles-ci, environ le quart était considéré comme des foyers d’éclosion15. En date du 23 janvier 2021, les milieux de travail comptabilisaient 56,1 % des éclosions terminées, les milieux scolaires, 21,3 % et les garderies, 6,6 %. Quant aux « milieux de vie et de soins », ils comptaient pour 11,5 % des éclosions terminées alors que la catégorie « autres milieux » en recensait 1,8 %16.

Qui sont les travailleur.euses les plus à risque ? En sus des employé.es de la santé et du secteur tertiaire, ce sont les travailleur.euses des secteurs manufacturier, de l’entreposage et de l’alimentaire, des employé.es précaires – en grande partie immigré.es, sans-papiers ou racisé.es – qui doivent travailler dans des conditions difficiles et le plus souvent dangereuses, en « temps normal », mais aussi en temps de pandémie. Les abattoirs, par exemple, ont été des milieux particulièrement touchés par le virus, pour la simple raison que les employé.es sur les lignes de production doivent travailler côte à côte et que les employeurs y négligent les mesures de protection17. Des employé.es des entrepôts de Dollarama dénonçaient à l’été 2020 leurs conditions de travail qui ne respectaient aucunement les consignes sanitaires18. Dans le secteur manufacturier, on continue à déplacer matin et soir des travailleur.euses dans des autobus scolaires (jaunes), ce qui constitue un important vecteur de transmission auquel les travailleur.euses ne peuvent pas échapper19. Tous ces secteurs ont en commun de faire appel massivement aux agences de placement, qui favorisent un grand roulement de personnel et augmentent la difficulté d’organiser des syndicats… et qui permettent aussi au virus de circuler et aux employeurs d’être négligents sans avoir à répondre de leurs actions.

Le ministre Pierre Fitzgibbon ne se gênait pourtant pas pour mentir impunément aussi récemment que le 8 janvier en entretien au Devoir20, alors qu’il affirmait « qu’il n’y en a pas eu tant que ça [des contaminations en milieu de travail] », reconnaissant pourtant « qu’il y a peut-être eu un peu d’influence » de sa part pour que les manufactures et le secteur de la construction demeurent en activité. Le ministre affirmait compter sur « l’autodiscipline » des entreprises pour éviter les éclosions de COVID-19 en milieu de travail. Nous sommes en droit de nous demander de quelle « autodiscipline » le ministre parle alors qu’un grand nombre d’entreprises fait visiblement passer le profit avant la sécurité et la santé des employé.es. Si plusieurs entreprises lésinent sur les mesures préventives, celles qui les mettent en place, comme les épiceries, trouvent d’autres moyens de malmener leurs employé.es. La chaîne d’épicerie Loblaws, par exemple, a annulé au cours de l’été 2020 son « augmentation salariale d’urgence » de 2 $ de l’heure qu’elle avait offerte à ses employé.es en raison des dangers encourus par celles et ceux-ci au début de la pandémie. Ce 2 $ s’ajoutait à un salaire de plus ou moins 13 $ de l’heure. Pendant ce temps, la fortune de la famille Weston, propriétaire des épiceries Loblaws, s’élevait (en septembre 2020) à 10,8 milliards de dollars21… et les caissières et commis de Loblaws continuaient d’être exposé.es au virus lors de la deuxième vague de l’automne.

Farm Workers / Vegetable and Fruit Pickers – Essential Worker Portrait no.6 (Carolyn Olson)

Dans de telles conditions, les quartiers ouvriers et populaires connaissent les taux de contamination les plus graves de la province depuis le printemps 2020. Ces quartiers, où habitent un grand nombre de préposé.es aux bénéficiaires, d’infirmier.ères, de travailleur.euses des secteurs secondaire et tertiaire, des quartiers où vivent de nombreux.euses travailleur.euses migrant.es et sans-papiers, les plus touchés par la pandémie, sont paradoxalement (mais sans surprise) les plus négligés par les pouvoirs provinciaux et municipaux. Au printemps 2020, Le Devoir révèle que les quartiers Saint-Michel, Montréal-Nord et Rivière-des-Prairies à Montréal sont les quartiers les plus touchés par le coronavirus22. À la même période, le quartier Parc-Extension connaît une hausse fulgurante des cas de COVID-19. Le même article du Devoir rapporte qu’à Montréal-Nord, 40 % des cas de coronavirus sont directement liés aux travailleur.euses de la santé et des CHSLD. Un grand nombre de résident.es de Parc-Extension travaillent quant à eux dans le secteur agricole – lui aussi durement touché par le virus23 – et dans le secteur de la transformation alimentaire24, alors que les logements du quartier sont souvent trop petits pour accueillir les familles qui y vivent25. Conditions de travail non sécuritaires et proximité dans les milieux de vie deviennent vite les raisons évidentes de la contamination qui affecte les travailleur.euses et les quartiers populaires, loin du fantasme des « vilain.es fêtard.es » sensé.es être la cause principale de la propagation du virus. Face à cette situation, bien peu est proposé par le gouvernement provincial afin d’aider les travailleur.euses précaires, les locataires paupérisé.es ou les personnes marginalisé.es, entre autres. L’incurie des administrations provinciales comme municipales a forcé des citoyen.nes bénévoles à prendre en charge la prévention, la distribution de masques, le dépistage ou encore l’aide alimentaire. À Montréal-Nord, ce sont des bénévoles (lié.es aux organisations de quartier Hoodstock, Paroles d’excluEs et Un itinéraire pour tous notamment) qui se sont occupé.es de la sensibilisation ainsi que de la distribution de matériel de protection individuelle et de denrées alimentaires26.

La précarité économique, les emplois à risque, le manque de logements adéquats, le surpeuplement et la densité de certains quartiers sont les facteurs systémiques déterminants qui amplifient la crise pandémique. Le port du masque est certes l’une des meilleures barrières contre la transmission du virus en situation fermée, mais comment espérer que des employé.es travaillant, par exemple, dans une cuisine surchauffée et étroite puissent respecter ledit port du masque durant huit heures d’affilée ? Comment croire que les lieux de travail seraient magiquement immunisés contre les éclosions, alors que c’est pourtant eux qui mettent en contact le plus régulièrement et avec la plus grande proximité le plus grand nombre de personnes, sans compter la négligence des entreprises qui sont là pour le profit et non pour le bien-être et la santé des employé.es ? Comment ignorer que le fait d’habiter dans des logements trop petits, mal aérés et surpeuplés – c’est le cas pour une grande partie des travailleur.euses – contribue à la propagation du virus ? Si les mesures « de base » (distanciation, lavage de mains, port du masque, etc.) sont efficaces pour freiner la propagation du coronavirus, il faut pourtant, afin qu’elles portent réellement fruit, qu’elles soient accompagnées de mesures structurelles favorisant réellement et durablement la distanciation sociale, au travail comme à la maison, sans abandonner des pans entiers de la population à leur sort.

Comment croire que les lieux de travail seraient magiquement immunisés contre les éclosions, alors que c’est pourtant eux qui mettent en contact le plus régulièrement et avec la plus grande proximité le plus grand nombre de personnes, sans compter la négligence des entreprises qui sont là pour le profit et non pour le bien-être et la santé des employé.es ?

Pour ce faire, il est nécessaire d’impliquer les travailleur.euses (des secteurs public et privé) et leurs organisations, notamment les sections syndicales locales, dans la mise en place des mesures sanitaires et que celles et ceux-ci jugent des conditions adéquates et sécuritaires de leur travail. Il faut (à court terme) régulariser la demi-journée de travail sans perte de revenu, réduire fortement et durablement les effectifs, fermer les lieux de travail dangereux et non essentiels, ne plus tolérer la complaisance envers les grandes industries et maintenir une aide financière conséquente pour toutes les personnes affectées par la crise. La situation d’un grand nombre de travailleur.euses à risque est invisibilisée et évacuée du discours gouvernemental et médiatique, car il reste malvenu de dire que les milieux de travail sont les lieux principaux de la contamination. Cela ne doit pas nous surprendre, puisque le gouvernement place l’économie avant le bien-être de la population, mais nous ne pouvons pas faire l’autruche et accepter béatement cette supercherie. S’il est bien plus commode de mettre en accusation le jeune, le fêtard, le voyageur ou n’importe quelle figure à même d’attiser la grogne populaire dans la situation actuelle, il faut nous rappeler que celles et ceux qui perpétuent et amplifient la crise sanitaire et sociale sont nos dirigeant.es – gorgé.es d’idéologie néolibérale – de connivence avec les industriel.les et autres patron.nes sans scrupules : c’est contre eux et elles que doit se tourner notre colère.

En refusant d’agir, le gouvernement ne fait qu’empirer les choses. En plus de négliger la santé et la sécurité des travailleur.euses, l’obsession productiviste de François Legault l’a poussé à laisser tomber le secteur de la culture et ses travailleur.euses27 ainsi que de nombreux groupes aux marges de l’activité économique. Un grand nombre de personnes n’a eu droit à aucune aide, parce que leurs revenus n’étaient pas déclarés avant la crise, alors que bien d’autres ont dû se débrouiller avec les mêmes montants misérables – les personnes recevant de l’aide sociale ou du chômage par exemple – qu’avant la crise, qui a pourtant durci la situation socio-économique pour toutes et tous. Le gouvernement se sent légitime de laisser tomber, plus que jamais, cette large population à la marge de la production, et ce, en pleine période de crise28. Enfin, l’arbitraire policier continue de s’abattre avec la bénédiction du gouvernement et nombre de personnes continuent de souffrir et de mourir29.

En somme, malgré l’ampleur de l’actuelle tragédie, les idéologues néolibéraux continuent de négliger le système de santé et de violenter ses employé.es, l’économie reste privilégiée aux dépens de la sécurité, de la santé et de la dignité des gens, les quartiers ouvriers et immigrants sont encore les plus frappés, alors que bien sûr, les travailleur.euses les plus pauvres ainsi que les personnes les plus marginalisées voient leur fardeau alourdi. Dans cette situation intenable pour la majorité, ce que toutes et tous demandent, c’est une pause économique et une organisation solidaire. Mais le gouvernement, à l’encontre du bon sens et du respect qui est dû à la population, effectue plutôt une fuite vers l’avant et impose une gestion de plus en plus autoritaire de la catastrophe dont il se rend lui-même coupable.

Pas de solution policière à la crise sanitaire… et sociale

La stratégie du gouvernement caquiste, depuis la réouverture partielle de l’économie au printemps 2020, a été de faire reposer la responsabilité pandémique sur l’action d’individus récalcitrants tout en refusant de s’attaquer aux causes structurelles qui perpétuent et aggravent la crise. Cette gestion basée sur la culpabilisation individuelle et le dédouanement institutionnel – qui ramène par ailleurs l’individu à ses fonctions productive et consommatrice tout en négligeant les secteurs reproductifs (santé, éducation…) – a entraîné une colère multiforme portée par différents secteurs de la société : les personnes âgées, les locataires, les communautés autochtones, les travailleur.euses de la santé, le milieu communautaire, les syndicats, etc. C’est pour mater cette colère toujours plus visible et pour dissimuler les facteurs structurels qui alimentent la pandémie, le tout afin de maintenir la production, que le gouvernement a employé de plus en plus de mesures fondées sur la peur, la répression, la discipline policière et la responsabilisation individuelle jusqu’à ce jour.

Depuis le début de la crise, l’explication que le gouvernement Legault a privilégiée afin d’expliquer les difficultés dans la lutte contre le coronavirus et les différentes recrudescences de la maladie est celle qui met en cause les comportements individuels négligents, au travail ou dans la vie de tous les jours. S’il est bien sûr important de respecter les mesures de distanciation sociale, de réduire au minimum les contacts sociaux et les déplacements et d’adopter une hygiène de vie préventive (port du masque, lavage des mains) afin de ne pas mettre inutilement d’autres personnes en danger, il est faux de croire que cela suffise à endiguer la transmission, alors que de nombreuses personnes sont objectivement dans l’impossibilité de se prémunir ainsi que leur entourage : toutes et tous sont loin d’être égaux devant la pandémie30.

Comme nous l’exposions, la précarité économique, les environnements de travail et de soins déstructurés et dangereux, les logements trop petits, surpeuplés et mal ventilés, les quartiers denses et la ségrégation sociale sont d’importants facteurs qui contribuent à la perpétuation de la crise pandémique, sans égard pour la « morale sanitaire » des individus31. Il est plutôt facile de respecter les mesures sanitaires pour celles et ceux qui sont en télétravail ou en télé-école, ou qui habitent dans des maisons spacieuses avec toutes les commodités, dont un grand terrain ; il devient beaucoup plus difficile d’éviter les contaminations pour celles et ceux qui sont forcé.es de travailler, celles et ceux dont les enfants vont à l’école, qui habitent avec plusieurs personnes ou qui sont sans domicile fixe, qui sont incarcéré.es ou qui plus globalement manquent de ressources de toutes sortes. En maintenant un discours qui met l’accent sur l’agir problématique des « individualistes », le gouvernement détourne l’attention et contribue à créer un climat de suspicion sociale généralisée où chacun devient l’ennemi de tous, chaque contaminé devenant de plus un poids sur la société, un coupable – probable individualiste – plutôt qu’une victime du virus qui a besoin de bienveillance et de soins. En parallèle à cette culpabilisation, les gouvernements ont fait bien peu pour soutenir les efforts de solidarité, s’assurer de la mise à niveau des normes sanitaires dans les entreprises, financer le secteur de la santé ou s’occuper de la ventilation dans les écoles, un effort simple et important qui aurait pu être fait durant l’été, du propre aveu du ministre de la Santé Christian Dubé32. Le climat de répression nuit d’autant plus aux efforts de lutte contre le virus qu’il fait craindre aux personnes atteintes de la maladie de dévoiler des informations sur leurs activités à la santé publique, par peur de recevoir une amende de 1000 $ à 6 000 $ (l’ampleur des amendes peut faire hésiter bien des gens, même s’il.les n’ont « rien à se reprocher »)33. Il devient alors difficile de retracer les tierces personnes qui pourraient être porteuses de la COVID puisqu’elles auraient été en contact avec un.e tel.le malade.

Le manque de transparence du gouvernement dans plusieurs dossiers, son mépris affiché pour les êtres humains qu’il persiste à infantiliser et son manque d’écoute face aux nombreuses revendications légitimes (des locataires, des travailleur.euses, des syndicats, des communautés autochtones, des professeur.es, des organismes communautaires, des organisations pour la protection des droits des personnes migrantes ou sans-papiers, etc.) ont contribué à propager un sentiment de colère au sein de la population qui a donné lieu à de nombreuses mobilisations tout au long de l’année 2020. Dans cette situation de gestion de crise à la fois économiciste et méprisante, qui impose régulièrement de nouvelles contraintes sur les individus, cette colère a parfois pris des formes erratiques, entre autres au sein des mouvements complotistes eux-mêmes plus ou moins poreux à des idées d’extrême droite ou libertariennes. Cette colère confuse, que le gouvernement utilise comme un épouvantail, ne saurait pourtant cacher toutes les colères et révoltes justifiées, venant de nombreux secteurs de la société.

La répression détourne l’attention et donne l’impression de l’action.

Le paroxysme de la gestion policière, antisociale et procapitaliste de la crise est atteint au début de l’année 2021, alors que le gouvernement du Québec impose un couvre-feu généralisé à l’ensemble du territoire le 9 janvier. Alors même que le couvre-feu est annoncé, le Dr Horacio Arruda, directeur national de la santé publique, avoue qu’aucune étude contrôlée n’a démontré l’efficacité d’une telle mesure34. On sent bien ici que le gouvernement responsabilise indûment les citoyen.nes qui, somme toute, font de leur mieux, alors que lui ne fait pas même l’effort d’investir conséquemment en santé, de traiter dignement les infirmières, de ventiler les écoles ou encore d’imposer une pause économique digne de ce nom35. La répression détourne l’attention et donne l’impression de l’action. Comme cette gestion autoritaire ne sert qu’à cacher l’échec du gouvernement, il faut bien la justifier d’une manière ou d’une autre. La ligne communicationnelle du gouvernement est circulaire : la nécessité de la répression se voit confirmée du fait même que l’on trouve toujours des contrevenant.es au nouveau règlement gouvernemental (tel.le citoyen.ne prenant une marche tardive, telle autre personne itinérante…). En date du 18 janvier, c’est plus de 200 contraventions par jour qui étaient données pour non-respect du couvre-feu36, alors même que nous parvenait la nouvelle du décès de Raphaël « Napa » André, un homme innu sans domicile fixe, mort seul alors qu’il se cachait des policiers dans une toilette chimique durant le couvre-feu37. La crise continue pourtant d’être alimentée par les déficiences structurelles d’un système de santé détruit et par les contaminations sur les lieux de travail, malgré que le gouvernement s’en prenne à ses propres citoyen.nes afin de cacher son échec, tout en forçant le maintien de la production. La gestion autoritaire du gouvernement vise à obliger les gens à se conformer, à travailler et à consommer, ni plus ni moins38. En contrepartie, le plan de reconfinement partiel ne prend pas en compte les ressources complètement défaillantes, tant communautaires qu’en santé mentale ou financières, laissant un grand nombre de personnes – considérées comme « improductives » – sans aucune aide ni ressource.

Bref, devant le mécontentement populaire qui s’est développé en raison de l’incapacité du gouvernement à gérer la crise, la stratégie de la CAQ a été de se dédouaner de sa responsabilité en mettant la faute sur les lambdas. Cela lui permet de cacher sa gestion erratique – d’un point de vue sanitaire – tout en créant un bouc émissaire. Ensuite, cela justifie l’ensemble de son programme autoritaire, qui sert en fait à mater la colère légitime, à imposer le maintien de l’activité économique et à obliger les travailleur.euses de nombreux secteurs à continuer le boulot : cette manière de faire perpétue paradoxalement la situation de crise et de contamination, en raison de l’ouverture des manufactures et de la construction par exemple. Le gouvernement, complètement borné, refuse d’avouer ses torts qu’il attribue à autrui tout en continuant d’entretenir la catastrophe sanitaire. Pourquoi, pour le bénéfice d’une poignée d’industries, et ce, à court terme ? Et contre quoi, contre la santé, la sécurité, la dignité de toutes et tous ? La conséquence de cette approche est une répression démesurée, mal ciblée et foncièrement inique, alors que de nombreuses personnes continuent de mourir. La conséquence en est aussi une colère grandissante, qui – souhaitons-le – viendra bientôt ébranler ce gouvernement incapable et népotique ainsi que son idéologie néolibérale, son économie capitaliste et plus largement l’ensemble de ses structures antisociales.

En guise de conclusion : des solutions solidaires

Il est clair que la perpétuation de la crise sociale et sanitaire actuelle est due à (au moins) trois facteurs systémiques : premièrement, la faiblesse généralisée du système de santé publique, victime de la gestion entrepreneuriale des gouvernements acquis à l’idéologie néolibérale ; deuxièmement, la priorité absolue accordée à l’économie (à la production et à la consommation notamment), entraînant une négligence constante quant aux conditions de travail et de vie des travailleur.euses, fortement à risque de contracter le coronavirus ; et troisièmement, le choix d’une gestion culpabilisante et autoritaire envers les individus plutôt qu’une prise en charge collective, conséquente et structurelle de la crise, des problèmes qu’elle soulève et des solutions qui s’imposent. L’actuelle crise sociale et sanitaire est assurément favorisée, perpétuée et même amplifiée par ces trois facteurs qui lui préexistaient, mais qui révèlent plus que jamais leur toxicité. Il faudra bientôt penser collectivement à se débarrasser de l’idéologie néolibérale, de l’économie capitaliste et de la norme individualiste si nous voulons éviter de telles catastrophes à l’avenir, si nous voulons collectivement vivre39.

Une accusation fréquente portée contre ceux et celles qui critiquent l’actuelle gestion gouvernementale consiste à dire que ce n’est pas le temps de critiquer puisqu’il est déjà trop tard (autrement dit, il vaudrait mieux agir sans penser maintenant et réfléchir plus tard puisque « l’heure est grave »). Pourtant, comment ne pas critiquer alors que ce sont l’État et les industries qui sont responsables de la perpétuation de la crise, alors même que l’obsession productiviste et le refus obstiné d’investir dans les structures de solidarité sociale continuent de nourrir la bête pandémique ? Ce n’est pas parce que François Legault tente de cacher l’éléphant dans la pièce, son échec retentissant causé par son mépris des services publics et sa complaisance envers le secteur privé, que nous devons tomber dans le panneau. Les gouvernements sont ceux qui possèdent, de loin, les plus grands leviers et ressources pour faire face à la crise. Il est de leur devoir d’agir à court terme. Nous sommes dans une pandémie mondiale depuis plus d’un an, l’Institut national de la santé nous informe rigoureusement de son développement, un grand nombre de scientifiques identifient les véritables facteurs de contagion ; comment se fait-il que le gouvernement n’agisse pas pour la population et à l’encontre de sa doxa économiciste, du moins pour un temps afin de sauver des vies et notre dignité collective ?

Il faudra bientôt penser collectivement à se débarrasser de l’idéologie néolibérale, de l’économie capitaliste et de la norme individualiste si nous voulons éviter de telles catastrophes à l’avenir, si nous voulons collectivement vivre.

Le gouvernement a eu tout le temps d’installer des purificateurs d’air ainsi que des systèmes de ventilation dans les bâtiments publics, puis d’obliger le secteur privé à faire de même. Il a eu le temps de mettre les écoles à niveau40 et de fournir des ressources aux parents, comme il a eu l’occasion d’offrir le soutien et les ressources justement réclamées par les communautés autochtones. Il a eu un an pour établir et imposer un plan de fermeture (majoritaire) et de sécurisation des secteurs manufacturier et de la construction ainsi qu’agroalimentaire. Il a eu le temps de financer le système de santé, les services communautaires, l’aide aux aîné.es, l’aide aux itinérant.es, l’aide aux groupes marginalisé.es. Il aurait pu à tout moment troquer sa rhétorique méprisante envers les travailleur.euses et la population pour une attitude respectueuse. La liste est trop longue de ce qu’il aurait pu et dû faire. Il n’y a pas lieu de croire qu’un gouvernement qui est capable de mettre en œuvre une répression qui s’étend chaque nuit à l’ensemble du Québec soit incapable de fournir des ressources conséquentes afin de s’attaquer aux facteurs systémiques qui aggravent la pandémie actuelle. Nous sommes peut-être trop avancés dans l’actuelle crise pour transformer en profondeur le système de santé avant que celle-ci se termine, mais il n’est jamais trop tard pour fournir les ressources adéquates fondées sur la solidarité sociale et le soin plutôt que sur la répression et la peur. Si le gouvernement refuse d’agir conséquemment depuis un an, c’est qu’il est incapable d’aller, ne serait-ce que durant quelques mois, à l’encontre de son essence entrepreneuriale et économiciste. Ce gouvernement et les précédents, néolibéraux et capitalistes, ont donné la preuve qu’ils n’étaient capables que de nous mener collectivement à la catastrophe et à la mort, en cette circonstance comme en d’autres.

« Aide mutuelle : nous nous protégeons les un.es les autres. Solidarité. Contre la COVID, le capitalisme et les autres menaces mortelles. » (artiste inconnu)

À brève échéance, face à cette crise sociale et sanitaire, nous devons envisager des solutions faites par et pour les personnes concernées, qui savent mieux que quiconque ce dont ils et elles ont besoin pour bien faire leur travail, se protéger ainsi que leurs proches et leurs collègues. Tou.tes les travailleur.euses de la santé, des services publics et des entreprises privées doivent être écouté.es quant à l’organisation sécuritaire de leur lieu de travail et à la gestion pandémique de ces lieux. Nous devons exiger que les citoyen.nes soient impliqué.es à tous les niveaux dans la gestion de la crise et que nous ayons collectivement le contrôle sur les décisions nous affectant. La fermeture d’une grande partie de l’économie, accompagnée d’un soutien financier et global pour les travailleur.euses ainsi que pour tou.tes les citoyen.nes, doit devenir une priorité. Un gel immédiat et prolongé des loyers est aussi nécessaire. Nous devons exiger plus d’investissements en santé et dans le système d’éducation ainsi que le financement massif et la réouverture totale et sans contrainte des organismes d’aide aux plus démuni.es. La fin immédiate du couvre-feu est une condition sine qua non au commencement d’une gestion socialement acceptable, non violente, non culpabilisante et collaborative de la crise. Nous devons miser le plus possible sur l’auto-organisation, avec l’obtention de tous les moyens de l’État, quitte à les lui prendre s’il nous les refuse.

Cette crise pandémique, dont nous ne sommes toujours pas sorti.es, doit aussi nous faire réfléchir à de nouvelles formes d’organisation non capitalistes et non soumises aux impératifs capitalistes, à un système de santé renouvelé, solidaire, communautaire et autogéré41. La prolifération des groupes d’entraide au début de la pandémie et les réflexes altruistes que nous constatons depuis un an montrent qu’il est possible d’envisager une société basée sur les principes de la solidarité et de la communauté, de la coopérative et de l’autogestion : nous savons ce qui est le mieux pour nous, autoorganisons-nous selon nos volontés42. Car disons-le, à moyen terme, nous ne pourrons plus tolérer l’idéologie néolibérale et le régime capitaliste qui détruisent nos vies ; nous ne pouvons plus, après l’échec gouvernemental actuel, nous fier ni aux gestionnaires des vieux partis, ni à leur potage idéologique infect, ni à leur système qui alimente la catastrophe. L’angoisse et la tragédie actuelles ne doivent pas nous empêcher de continuer à réfléchir de manière critique au monde qui nous est imparti. Maintenant, organisons-nous et mettons la pression sur nos gouvernements, avant de mener à terme notre combat contre l’État et le capitalisme puis d’édifier notre société nouvelle, solidaire, communautaire, coopérative et autogérée.


Notes :

[1] Plus d’une personne sur mille est morte de la COVID-19 au Québec en moins d’un an et ce bilan ne cesse de s’alourdir.

[2] Dans ce texte, notre critique vise principalement les gouvernements provinciaux québécois, dont relève le système de santé publique. Nous ciblons particulièrement le gouvernement de François Legault (Coalition Avenir Québec), élu majoritairement en octobre 2018 et principal gestionnaire de la crise sanitaire et sociale dans la province depuis le début de l’année 2020.

[3] La crise a donc servi à révéler et à accélérer « les tendances de fond qui traversaient les sociétés », précipitant quelque peu la transition vers un certain « capitalisme numérique ». Pour en savoir plus : https://www.monde-diplomatique.fr/2021/01/CORDONNIER/62635

[4] Pour les peuples autochtones, ces structures de solidarité sociale, dont des services de santé adéquats, n’ont jamais réellement été mises en place. De plus, le système québécois est encore rongé par le racisme systémique, comme en a récemment témoigné la mort de Joyce Echaquan, femme atikamekw, survenue le 28 septembre 2020 sous les insultes racistes du personnel de l’hôpital de Joliette.

[5] https://www.lapresse.ca/actualites/sante/2019-09-17/reforme-barrette-la-sante-publique-frappee-de-plein-fouet

[6] Le secteur privé a lui aussi contribué à cette situation, en pressurisant les gouvernements successifs pour qu’ils ne répondent pas aux exigences légitimes des employé.es du secteur public… afin d’éviter de voir des exigences semblables formulées dans le secteur privé : https://iris-recherche.qc.ca/blogue/la-memoire-selective-du-milieu-des-affaires-quebecois

[7] Cette centralisation est diamétralement opposée aux principes qui devaient fonder le système de santé publique au Québec, à savoir les soins de proximité et les cliniques de quartier, les fameux CLSC (Centre local de services communautaires).

[8] L’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) a produit un dossier très complet sur les conséquences des compressions et des restructurations néolibérales sur le système de santé. En 2017, l’Institut a publié une étude complète sur l’allocation des ressources pour le domaine de la santé et des services sociaux au Québec. Le dossier et l’étude sont disponibles en ligne : https://mailchi.mp/iris-recherche.qc.ca/sante

[9] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1756578/ciusss-ouest-ile-montreal-annulation-vacances-hiver-2020

[10] https://www.lequotidien.com/actualites/la-fiq-propose-un-projet-pilote-n95-a7621e61ad2014d839f73cb1f48c8bba

[11] https://www.journaldequebec.com/2018/08/27/des-employes-dun-chsld-embarrees-pour-en-forcer-une-a-rester-au-boulot-denonce-le-syndicat

[12] https://www.lapresse.ca/debats/opinions/2020-05-16/agences-de-placement-la-faille-du-reseau

[13] Un réseau, donc, fait par et pour les communautés, dont les valeurs centrales sont le soin, le respect et la dignité, comme en réclament par exemple les communautés autochtones – sans réponse – depuis des lustres.

[14] Le système capitaliste est en effet le grand responsable de la perpétuation et de l’amplification de la crise sociale et sanitaire actuelle. À ce sujet : https://www.contretemps.eu/lecture-anticapitaliste-pandemie-covid19/

[15] https://journalmetro.com/local/saint-laurent/2507034/entreprises-covid-drsp-montreal/

[16] https://www.quebec.ca/sante/problemes-de-sante/a-z/coronavirus-2019/situation-coronavirus-quebec/

[17] https://ricochet.media/fr/3133/abattoirs-contagion-covid19-quebec-canada-2020-olymel

[18] https://iwc-cti.ca/fr/les-artistes-montrealais-soutiennent-la-campagne-pour-la-justice-des-travailleur-euse-s-du-dollarama/

[19] https://www.ledevoir.com/societe/sante/592711/coronavirus-comment-briser-la-deuxieme-vague

[20] https://www.ledevoir.com/economie/592907/coronavirus-des-mesures-non-desastreuses-pour-l-economie-selon-pierre-fitzgibbon

[21] https://www.rcinet.ca/fr/2020/09/22/la-richesse-des-milliardaires-canadiens-a-explose-en-pleine-pandemie/

[22] https://www.ledevoir.com/politique/montreal/577870/montreal-nord-saint-michel-et-riviere-des-prairies-sont-des-quartiers-chauds-de-la-pandemie

[23] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1711732/travailleurs-etrangers-vegpro-main-doeuvre-stable-eclosion-coronavirus

[24] https://www.ledevoir.com/politique/montreal/578424/inquietude-dans-parc-extension

[25] https://www.cbc.ca/news/canada/montreal/parc-extension-covid-19-rate-increase-1.5775079

[26] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1699608/protection-epidemie-coronavirus-depistage-communaute et https://www.ledevoir.com/societe/586931/la-pandemie-ce-puissant-revelateur

[27] https://www.ledevoir.com/culture/593541/coronavirus-un-travailleur-de-la-culture-sur-quatre-a-perdu-son-emploi-en-2020

[28] Un exemple parmi d’autres : https://www.ledevoir.com/societe/sante/593644/hausse-des-psychoses-toxiques-chez-les-itinerants

[29] Un arbitraire et une violence qui affecteront certainement de manière disproportionnée les personnes autochtones et racisées, les minorités de genre, les femmes, etc., alors que l’on sait que les corps policiers sont gangrénés par le racisme, l’homophobie, la transphobie et le sexisme (entre autres). Le Service de Police de la Ville de Montréal (SPVM) reconnaît par exemple lui-même le racisme systémique dans son organisation sans agir conséquemment pour le supprimer. Voir entre autres : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1712386/spvm-reconnaissance-caractere-systemique-racisme-discrimination-rapport-ocpm

[30] À ce sujet : https://www.college-de-france.fr/site/didier-fassin/L-illusion-dangereuse-de-legalite-devant-lepidemie.htm

[31] La situation d’inégalité de conditions et d’exigences face à la pandémie n’est pas différente en France : « À l’opposé de cette figure du bourgeois confiné, en capacité de travailler à distance ou de profiter de ses enfants dans un cadre spacieux et agréable, les personnes qui travaillent dans les centres de tri ou les entrepôts, les assistantes maternelles, les livreurs, les éboueurs, les femmes de ménage, les aides à la personne, etc., témoignent toutes de l’absence de gants, de masques, de possibilité d’observer la distance requise […] des difficultés à trouver comment garder leurs enfants, d’assurer les cours à la maison […]. Elles doivent obéir aux injonctions contradictoires du gouvernement, le ‘en même temps’ qui dit ‘allez travailler, mais ne sortez pas, car vous mettez les autres en danger’, sans que les moyens minimaux de protection ne soient fournis. » Article complet : https://www.contretemps.eu/travail-invisible-confinement-capitalisme-genre-racialisation-covid-19/

[32] https://www.ledevoir.com/politique/quebec/589529/quebec-aurait-du-s-occuper-de-la-ventilation-dans-les-ecoles-admet-dube

[33] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1761546/covid-enquete-tracage-quebec-coronavirus-sante-publique

[34] https://www.ledevoir.com/societe/sante/592788/point-de-presse-legault-17h

[35] « Il est désormais évident pour une majeure partie des populations qui ont eu à en subir les conséquences que ces gouvernants sont prêts à tout pour masquer leur impéritie, leur absence de prise sur des événements, surtout leur responsabilité dans l’insuffisance notoire de la capacité de réaction d’un appareil sanitaire qu’ils ont sciemment affaibli, au prix de mensonges redoublés que leur redoublement même finit par trahir. » Citation tirée de : https://www.contretemps.eu/covid-19-sorties-crise/

[36] https://www.ledevoir.com/societe/593510/deux-cents-contraventions-par-jour-pour-non-respect-du-couvre-feu

[37] https://www.lapresse.ca/actualites/justice-et-faits-divers/2021-01-18/un-itinerant-autochtone-meurt-dehors-pendant-le-couvre-feu.php

[38] L’analyse du couvre-feu comme mesure autoritaire réduisant l’individu à sa seule fonction productive est partagée par plusieurs : https://acta.zone/couvre-feu-produire-quoi-quil-en-coute/

[39] Les mêmes facteurs idéologiques et économiques ainsi que les structures qui en découlent nous ont précipités dans la crise climatique, dont il est incertain que nous sortions collectivement indemnes ; une raison de plus pour réfléchir sérieusement au rejet du modèle économique capitaliste et de la gouvernementalité qui lui est concomitante.

[40] Le gouvernement provincial aurait en effet pu installer des purificateurs d’air dans les écoles, les hôpitaux et divers bâtiments publics, comme le lui conseillait l’Agence de la santé publique du Canada : https://ricochet.media/fr/3436/oui-les-purificateurs-dair-peuvent-etre-utiles

[41] Un tel système est loin d’être une utopie et les auteur.es du présent texte sont loin d’être les seul.es à l’appeler de leurs vœux : https://www.contretemps.eu/sante-publique-economie-democratique/

[42] Un tel monde autogéré est envisageable et possible : https://www.contretemps.eu/autogestion-autre-monde-possible/

Islamophobie chez Québecor

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Jan 262021
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Le journal de Montréal s’est lancé dans une campagne de dénigrement envers les musulmans, après avoir passé la semaine dernière à dénigrer le nouveau ministre des transports (en défendant Yves-Francois Blanchet), la nouvelle journaliste de CBC et la nouvelle commissaire contre le racisme.

Depuis longtemps, ce journal fait l’apologie de la race blanche. Comment le nationalisme blanc peut-il être autant accepté dans les médias ? Ils disent que l’islamophobie n’existe pas, car les musulmans ne forment pas une race. C’est comme s’ils niaient qu’en 1940, des gens sont morts car ils pratiquaient le judaïsme. L’islamophobie existe tout comme l’antisémitisme.

Ces journalistes essaient à répétition de convaincre la population qu’ils sont la voix du peuple, et que ceux qui ne pensent pas comme eux sont des wokes, des gauchistes, des racialistes. Non seulement ils alimentent le racisme et l’intolérance, mais comme Mathieu Bock-Côté, ils banalisent l’extrême-droite et encouragent même son idéologie. Il ne suffit plus de dénoncer le racisme. Il faut pointer du doigt les racistes, leurs plateformes, leur idéologie nationaliste blanche.

Ils disent que le racisme, c’est croire que la race blanche est supérieure. C’est faux. Ça, c’est le suprémacisme. Dès qu’il y a de la discrimination, on trouve généralement un raciste bien à la vue, mais l’ironie quand ils disent leur définition du racisme c’est que leur titre parle un peu trop souvent de la race blanche.

Ils se victimisent sans cesse et puis désignent les anti-racistes comme étant les vrais agresseurs. C’est le temps de dénoncer haut et fort cette gang-là, avant de finir comme la France avec leur loi qui fiche et criminalise les musulmans.

Tu ne contesteras point la santé publique : La censure à l’époque de la COVID-19

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Jan 222021
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Il y a un truc qui me démange depuis des mois. Pourquoi les anarchistes laissent-iels passer sous silence la répression étatique croissante ? La gauche radicale, n’a-t-elle pas toujours défendu la liberté de réunion, la liberté d’expression et la liberté de la presse ? Mais jusqu’à très récemment, il paraissait que toute mesure prise au nom de la santé publique était à l’abri de la critique.

Heureusement que cela commence à changer. Même au Québec où il existe une tradition anarchiste féroce, ce n’est qu’en réponse à la mise en place d’un couvre-feu que les anarchistes ont commencé à se mobiliser, mais j’ai le plaisir d’annoncer que la gauche radicale québécoise descend dans la rue. Le samedi 16 janvier 2021, la première manifestation contre le couvre-feu a eu lieu dans le quartier d’Hochelaga.

Cette manif donne à espérer encore plus de discussions sur la meilleure réponse de la gauche aux nouveaux défis qu’il faudrait surmonter pour organiser un mouvement de résistance à l’époque de la covid. Quant à moi, j’espère qu’il y aura davantage de réflexions critiques, car nous avons besoin de nous réorienter en tant que mouvement dans ce nouveau paysage politique.

Une année aussi mouvementée risque de nous donner le tournis. Je me demande si l’analyse que j’avais avant la pandémie est encore pertinente dans le monde de la covid. Comment ma perspective doit-elle s’adapter pour prendre en compte les changements ? Le monde a-t-il changé de façon fondamentale ?

Un bon point de départ, c’est la censure. La gauche libertaire – la tradition plus vaste à laquelle fait partie l’anarchisme – s’est toujours opposée à la censure. Cependant, de nos jours, la gauche se retient d’en parler. Il faut reconnaître la manière dont le fake news, les théories de complot et les affaires du genre Cambridge Analytica compliquent la question, alors je l’évoque en pleine conscience de cela, mais il reste néanmoins un vrai sujet qui mérite une discussion. Il nous incombe d’aborder cette question avec sérieux, car nous vivons sans aucun doute une période de censure croissante.

Un exemple d’abord :

Aujourd’hui, Roman Baber, un MPP en Ontario, a publié une lettre pour demander la fin du confinement provincial. Dans sa lettre, Baber soutient que les conséquences sanitaires du confinement – tel que les surdoses, les idées suicidaires et les troubles anxieux – sont pires que le mal causé par la COVID-19. En gros, il avance un argument plutôt insipide que le confinement ne sert pas l’intérêt public. Cette citation résume sa position: « la covid existe, mais la peur de la covid est exagérée. Bien que chaque décès soit tragique, après 10 mois nous savons désormais que la covid n’est guère aussi mortelle qu’on l’a cru dans un premier temps ». Il appuie son argument avec des figures récentes du Center for Disease Control, l’organisation américaine responsable pour la gestion de la pandémie, qui montrent le taux de mortalité de la covid pour des gens dans diverses tranches d’âge. La lettre est consultable ici : https://www.scribd.com/document/490795157/PC-MPP-Roman-Baber-s-Letter-to-Doug-Ford-on-lockdowns

La réponse de Doug Ford ne s’est pas fait attendre. Il a éjecté Baber du caucus avec une interdiction de se présenter de nouveau aux élections pour la partie conservatrice. J’ai décidé d’écrire ce texte car je trouve que cette histoire en dit long sur l’état de la propagande au Canada.

La déclaration de Ford est typique : « Répandre de la désinformation sape les efforts infatigables de nos travailleurs de la santé de première ligne à un moment critique, ce qui met des vies en danger. Je ne mettrai pas en péril la vie d’un seul Ontarien en ne prenant pas au sérieux l’avis des experts dans le domaine de la santé publique. … L’idéologie politique n’a pas sa place dans notre lutte contre la COVID-19 — au contraire, nous avons toujours fondé notre réponse sur la preuve et les données, et nous continuerons de la même manière. »

On aura tendance à prendre cela comme encore du charabia dans la bouche d’un politicard et à l’ignorer, mais je trouve que c’est un bon exemple de l’acceptation croissant d’une attitude selon laquelle le désaccord sera dangeureux, qu’il mettrait des vies en danger et qu’il faudrait le réprimer au nom de l’intérêt public.

Regardons la déclaration de Ford à la loupe. Dans un premier temps, soutenir un confinement n’est pas moins idéologique que s’y opposer. C’est une évidence, mais les paroles de Ford impliquent qu’aucune opposition à l’idéologie de l’État ne sera tolérée. Au fait, il me semble que cette phrase devient plus claire si on remplace « idéologie politique » par « désaccord », ce qui donnera : Le désaccord n’a pas sa place dans notre lutte contre la COVID-19. Ne serait-ce pas plutôt ça qu’il voulait entendre ?

Dans un deuxième temps, quelle désinformation ? Les médias traditionels considèrent les sources citées par Baber comme crédibles. Ford n’a pas précisé, mais le gouvernement a sorti une fiche d’information pour contester les affirmations de Baber, qui vire au ridicule en signalant une coquille. La réponse du gouvernement est consultable ici : https://beta.documentcloud.org/documents/20456206-mpp-baber-fact-sheet

Fait révélateur, il figure dans l’article de la CBC un lien vers la réponse de Ford à la lettre de Baber, mais aucun vers la lettre elle-même, ce qui laisse croire que la CBC trouvait trop dangereuses les « désinformations » pour la publier.

Il vaut la peine de lire l’article de la CBC, car il est typique du triste état du journalisme en 2021. Après avoir rapporté que l’Ontario venait d’annoncer 100 décès ce matin, le journaliste a poursuivi en disant :

« Avec ces nouveaux décès, on marque le nombre de morts quotidien le plus élevé depuis le début de la pandémie, bien que le ministère de la Santé ait affirmé que 46 d’entre eux avaient eu lieu ‘plus tôt dans la pandémie’ et ont été ajoutés au nombre d’aujourd’hui suite à un procédé de ‘nettoyage de données’ de la part de l’unité de la santé publique de Middlesex-London, sans fournir d’autres détails. »

La CBC fera-t-elle suite pour expliquer cette irrégularité statistique ? J’en doute. L’ironie, c’est que le gouvernement se sert de données qui sont d’apparence faussées pour discréditer une voix critique en refutant les statistiques que ce dernier a citées.

Donc quelles sont les désinformations selon Ford ? Les statistiques du CDC ? L’essentiel c’est de savoir qui est en mesure de décider quelles sont les désinformations. Cette question a gagné en importance cette année tandis que les réseaux sociaux ont mis en place des politiques de censure de grande envergure. Les chances s’amoindrissent qu’une personne quelconque tombera sur une opinion critique du récit officiel de la COVID-19.

Les médias canadiens dépendent de plus en plus de l’argent fédéral, ce qui ne fait qu’aggraver le problème. À la base, la diminution du lectorat des journaux et de l’audience des chaînes câblées fait que le modèle économique des sociétés médiatiques canadiennes importantes dépend de plus en plus sur les subventions de l’État. Vous aurez peut-être remarqué que les voix critiques du gouvernement dans les médias traditionels se raréfient et que leurs politiques de rédaction se ressemblent. Il me semble que ce phénomène s’explique par le fait que les rédacteurs savent de quel côté la tartine est beurrée et par conséquent se méfient de la colère de ceux qui contrôlent les fonds sur lesquels ils comptent pour leur subsistance.

Rappelons qu’il y a moins de journalistes en fonction aujourd’hui qu’à n’importe quel autre moment de ces 20 dernières années. En 2021, le travail d’un journaliste est devenu précaire. Dans le climat politique actuel, les conséquences d’exprimer une opinion impopulaire s’avouent sévères. Je me demande si les journalistes n’exercent pas une autocensure. Leur boulot, c’est d’écrire des trucs que leurs patrons publieront. S’ils savent que le boss n’acceptera jamais de publier un article quelconque, auront-ils envie de l’écrire ? Je crois que nous assistons à un rétrécissement de ce qui peut se dire et que nous, en tant qu’anarchistes, doivent réengager avec notre opposition fondamentale au contrôle étatique de nos vies.

Rappelons aussi que les réseaux sociaux épurent leurs plateformes d’infos qui iraient à l’encontre des recommandations de la santé publique. Une telle censure contribue à une pensée conformiste avec comme résultat que toute critique du confinement soit assimilée à une idéologie extrémiste qui existe au-delà des limites de l’acceptabilité. Les progressistes sont rentrés dans les rangs en grande partie. Mais nous, nous ne sommes pas des progressistes.

Il faut qu’on interroge le qui et le quoi de la santé publique, qu’est-ce qui peut se justifier ou non dans son nom. Il faut qu’on dévelope une analyse du sens de « la santé publique », terme qui a gagné en sens et en importance cette année. Quelles sont les implications du terme « santé publique » ? Souvent le terme nous enjoint de subordonner nos besoins et nos désirs au bien commun. Et c’est qui qui déterminera le bien commun ? Nul d’entre nous, bien entendu. « La santé publique » est déterminée par des autorités dont le pouvoir découle de l’État. Donc c’est l’État qui détermine l’intérêt public. Il me semble que la santé publique devient un terme de prédilection dans le lexique de la propagande et il faut qu’on soit de la manière dont ce terme est utilisé.

Voici mes réflexions sur la santé publique. Je crois que ce terme en vient à signifier l’idée de sécurité.

Je crois que les êtres humains veulent la liberté. Cependant, il y a une chose à laquelle la plupart des gens s’y tiennent encore plus que la liberté, et c’est la sécurité. Si un cartel de la drogue menaçait ta vie ou celle de ta famille pour te forcer à bosser pour lui, sans doute tu choisirais la sécurité au lieu de la liberté. Des millions de personnes choisissent la sécurité au lieu de la liberté chaque jour. C’est pour cette raison que quand un régime veut s’assurer de la complaisance d’une population à des fins néfastes, il cherche à leur faire peur. C’est basique. S’il y a une chose contre laquelle les gens troqueraient leur liberté, c’est la sécurité, comme le savent les propagandistes depuis des siècles.

Selon le propagandiste nazi Hermann Goering :

« Le peuple peut toujours être amené à exécuter les ordres des chefs. C’est facile. Il suffit de lui dire qu’on l’attaque et de dénoncer les pacifistes en déclarant qu’ils manquent de patriotisme et qu’ils mettent leur pays en danger. L’effet est le même dans tous les pays. »

C’est analogue à ce que nous vivons de nos jours, non ? Chaque jour, on nous martèle que l’heure est grave. On arrive presqu’à nous dire que nous sommes attaqués. L’unique différence c’est que l’ennemie n’est pas une puissance étrangère, mais plutôt une force de la nature, un virus. Pendant un temps, Trump allait jusqu’à traiter la covid « d’ennemie invisible ».

Dans le rôle des pacifistes, on retrouve les défenseurs des libertés civiques, ceux qui refusent d’accepter les injonctions de la santé publique. Ces gens se font traiter « d’antimasques » ou « d’antivax » pour ensuite faire objet de mépris et de ridicule pour exclure leurs voix de la discussion politique dominante. On les dénonce pour avoir mis des personnes vulnérables en danger et la dangerosité de leurs idées sert à justifier la censure. Le mépris auquel ils font face avertit les autres qui voudraient peut-être s’opposer à la normalisation de mesures arbitraires que ça ne vaut pas la peine.

Il nous incombe de rejeter l’idée qu’on doit être protégés de nous-mêmes. Accepter cette idée c’est accepter la défaite. Si nous acceptons que les informations auxquelles nous avons accès doivent être controlées, nous acceptons qu’on doive nous contrôler. L’État veut nous faire croire qu’il a nos intérêts à coeur et qu’il nous manipule pour notre bien, au nom de la santé publique. Mais moi, je ne l’accepte pas.

Compte-rendu d’une manif contre le couvre-feu

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Jan 212021
 

De No Borders Media (Facebook)

Plus d’une centaine de manifestant-es se sont rassemblé-es dans l’est de Montréal le samedi 16 janvier, pour exprimer leur opposition au couvre-feu imposé par le gouvernement et pour mettre en avant des mesures de lutte contre la pandémie fondées sur la solidarité et le soutien aux plus marginalisé-es de la société. La manifestation, qui a défilé avec succès dans les rues d’Hochelaga, a souligné les impacts cruels du couvre-feu et du harcèlement policier qui en découle sur les sans-abri, les travailleur-ses du sexe, les consommateurs de drogues, les travailleur-ses sans papiers et autres.

Les organisateurs de la manifestation – un groupe ad hoc appelé Pas de solution policière à la crise sanitaire – ont souligné que la manifestation était en faveur des mesures d’atténuation du COVID-19, mais ont rejeté le couvre-feu comme étant autoritaire et nuisible à une réponse efficace à la pandémie. Les organisateurs ont également tenu à rejeter l’implication et la présence de toute personne associée à l’extrême droite ou les mouvances anti-science et conspirationnistes, mettant plutôt de l’avant une approche pro-science et de justice sociale face à la pandémie (illustrée par une pancarte : « pro-science, pro-masque, pro-vaccin, anti-couvre-feu »).

Il y avait une forte présence policière lors de la manifestation, notamment la police anti-émeute qui a été déployé malgré le fait que la manifestation était familiale et respectait les mesures sanitaires. Les organisateurs de la manifestation ont fourni des masques aux participant-es, et les manifestant-es ont pratiqué la distanciation physique. Pourtant, au début de la manif sur la place Valois, la police anti-émeute a arrêté à tort un homme qui ne portait pas de masque. Cet homme ne faisait pas partie de la manifestation et était manifestement en détresse alors qu’il attendait un ami sur la place publique. Au Québec, les masques ne sont pas obligatoires à l’extérieur pendant la pandémie, à moins de participer à une manifestation, ce qui est une ironie pour de nombreux manifestant-es qui préfèrent de toute façon porter un masque en manif. Un autre homme a été détenu par les flics anti-émeute pour ne pas avoir porté son masque correctement (il était brièvement sous son nez), et n’a pas eu la possibilité de le corriger avant d’être emmené par un entourage d’anti-émeutes.

Ces deux détentions (et les contraventions qui en ont probablement résulté, au coût de plusieurs centaines de dollars) ne sont que des exemples de plus de l’incapacité structurelle du SPVM à exercer la « discrétion » et le « bon jugement » que la mairesse de Montréal Valérie Plante, la ministre de la Sécurité publique du Québec Geneviève Guilbault et le premier ministre François Legault leur accordent. Pendant la pandémie, le SPVM a émis des contraventions à des sans-abri pour des infractions sanitaires, et pendant le couvre-feu, des flics ont demandé à fouiller illégalement des travailleur-ses essentiel-les, en plus de refuser à d’autres travailleur-ses essentiel-les des documents clairs leur permettant de se rendre au travail et d’émettre des contraventions de plus de 1 000 $. La police anti-émeute a également expulsé un campement de sans-abri à Hochelaga (Campement Notre-Dame) en décembre dernier. Il est probable que de nombreux autres cas d’abus policiers pendant le couvre-feu, et la pandémie en général, n’ont pas encore été signalés. Les abus structurels de la police soulignent à nouveau la nécessité de définancer la police et d’allouer plutôt des ressources et des fonds à la santé, à l’éducation et aux services sociaux.

Malgré les actions de la police, la manifestation de samedi a été un succès. Conjointement aux déclarations publiques d’organismes montréalais en opposition au couvre-feu et à une conférence de presse pour dénoncer le couvre-feu lundi dernier regroupant plusieurs organismes communautaires, la manifestation était un premier pas modeste vers l’occupation d’un espace public plus important – en tant que mouvement en faveur de la justice sociale et de la science – pour s’opposer aux mesures autoritaires comme le couvre-feu tout en promouvant des solutions solidaires pour atténuer la pandémie. C’est un pas positif pour s’éloigner des conspirationnistes d’extrême droite, anti-science, qui ignorent la justice sociale et la solidarité, et peut-être un petit pas vers une future désobéissance stratégique du couvre-feu, si celui-ci est prolongé plus tard en février.

Manifester est désormais interdit à Toronto

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Jan 212021
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Le samedi 16 janvier, le service de police de Toronto a tweeté ce qui suit :

Donc, c’est officiel. Le gouvernement a déclaré que les manifestations sont désormais illégales à Toronto, et probablement dans tout l’Ontario.

En effet, Doug Ford a déclaré qu’il n’est pas permis de quitter son domicile pour des raisons « non essentielles ». Qu’est-ce qui est essentiel et qu’est-ce qui ne l’est pas ?

Heureusement, Dougie apporte des éclaircissements utiles : « Je sais qu’essentiel signifie différentes choses pour différentes personnes … donc nous avons besoin que chacun utilise son meilleur jugement. Si vous n’êtes pas sûr qu’un voyage soit absolument essentiel, il ne l’est probablement pas », dit-il.

Cela veut-il dire que si vous n’êtes pas sûr que quelque chose est illégal ou non, c’est probablement le cas ? Qui doit décider ? Cela ne donne-t-il pas à la police le pouvoir d’interpeller et de harceler arbitrairement quiconque pour un grand nombre de raisons ?

A partir de quel moment appelle-t-on cela un État policier ?

Le dictionnaire Oxford définit ainsi l' »État policier » : « un pays où la liberté des personnes, notamment de voyager et d’exprimer des opinions politiques, est contrôlée par le gouvernement, avec l’aide de la police ».

Bien sûr, la question de savoir si c’est réellement illégal ou non est différente, étant donné que le Canada est ostensiblement une monarchie constitutionnelle, où la constitution est la loi la plus élevée du pays, mais dans quelle mesure cela importe-t-il encore ?

La Charte des droits et libertés, qui fait partie de la constitution, stipule explicitement que les gens ont la liberté de réunion, la liberté de mobilité, la liberté d’expression et la liberté de religion, mais cela n’a pas empêché l’État d’adopter toutes sortes de lois draconiennes cette année. Un précédent est-il en train d’être créé, à savoir que les droits humains fondamentaux ne s’appliquent pas en temps de crise ?

Cette extension des pouvoirs de la police a déjà des conséquences tragiques. Pensez à la mort tragique de Moses Demian, un habitant de Scarborough. Quelques heures après les événements de cette vidéo, qui montre l’arrestation de M. Demian dans un stationnement, M. Demian s’est suicidé.

Cette tragédie s’est apparemment produite parce que M. Demian a refusé de produire une pièce d’identité lorsque la police l’a exigée. Il a peut-être estimé qu’il avait le droit de traîner dans un stationnement, et a choisi de faire valoir son droit. Peut-être savait-il qu’il n’était pas légalement tenu de produire une pièce d’identité (la loi ontarienne exige que vous vous identifiez verbalement, mais pas de produire une pièce d’identité). Peut-être en avait-il simplement assez d’être harcelé et a-t-il exprimé sa frustration. En tout cas, il a défié un flic, et maintenant il est mort.

Il convient de mentionner que la loi de confinement de l’Ontario, à la manière orwellienne, s’appelle la « Loi de réouverture de l’Ontario ». Je pose donc à nouveau la question : Vivons-nous dans un État policier ? Et si c’est le cas, que faut-il faire ?

Levée de fonds pour la famille de Moses Demian:
https://www.gofundme.com/f/28rgs4bt6o

Territoire Gidimt’en : La solidarité est inclusive

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Jan 182021
 

Du Point d’accès Wet’suwet’en en territoire Gidimt’en (Facebook)

Cela fait presque un an que l’appel a été lancé aux peuples de tout le Canada pour qu’ils fassent preuve de solidarité, qu’ils respectent les lois et la juridiction des Wet’suwet’en sur nos terres et qu’ils luttent ensemble contre la colonisation, le génocide industriel, et pour empêcher CGL et la GRC d’envahir notre yintah.

Alors que nous affirmions le contrôle total de l’accès à notre yintah et que nous bloquions l’industrie, beaucoup d’autres se sont levés avec nous. Des grandes manifestations aux blocages ferroviaires en passant par les sabotages clandestins des infrastructures de la colonisation, de nombreuses nations, groupes et personnes se sont battus à nos côtés. Ces actions nous ont donné de la force face à l’accumulation de la police militarisée.

Après que la police ait fait une descente à quatre points de contrôle sur le yintah et volé des dizaines de personnes sur nos territoires, les peuples de ce pays ont fermé le Canada. De nos alliés en territoire Mohawk et Haudenosaunee qui ont occupé des terres près des voies ferrées et des autoroutes à Tyendinaga, aux Six Nations, Kahnawake et Kanesatake et à nos voisin.es et notre famille Gitxsan, en passant par les jeunes autochtones qui ont occupé la législature du « BC » et toutes celles et ceux qui ont mis leurs cœurs et leurs corps en jeu.

Le mouvement pour la souveraineté autochtone s’est développé d’un océan à l’autre. C’est toujours un combat pour nos terres, nos modes de vie et l’affirmation de nos lois, mais aussi un dialogue entre les nations autochtones agissant en solidarité les unes avec les autres. Il a été un tournant pour de nombreux allochtones, qui ont pu pratiquer une véritable réconciliation avec les propriétaires légitimes des terres sur lesquelles ils et elles vivent. Une réconciliation qui signifie « Land Back » au lieu d’un dialogue vide avec des gouvernements moralement en faillite.

Nombre de ceux qui ont agi avec nous font encore l’objet d’accusations pénales et civiles. Nos alliés Haudenosaunee et Mohawk sont toujours criminalisés. D’autres, à Hamilton, font toujours l’objet d’accusations en raison des actions de solidarité qui y ont été menées. Nos voisin.es Gitxsan qui ont agi sont toujours poursuivi.es. Récemment, deux personnes dans l’État de Washington ont été arrêtées pour des accusations de terrorisme absurdes et inventées de toutes pièces, pour avoir prétendument agi en solidarité avec nous. Nous savons qu’il y a probablement beaucoup d’autres personnes qui sont criminalisées pour avoir soutenu et respecté la souveraineté autochtone.

Nous voyons les accusations pour ce qu’elles sont : une tentative désespérée du système colonial pour rompre les liens de solidarité qui se sont forgés et renouvelés l’hiver dernier. Par peur des représailles qu’ils subiraient s’ils poursuivaient les accusations portées contre notre peuple et nos invité.es arrêté.es sur nos propres terres, ils ont redoublé d’efforts pour criminaliser et attaquer nos alliés. Ils espéraient effrayer les gens dans la passivité et nous laisser, ainsi que tous les peuples autochtones, isolés les uns des autres et des alliés qui se battraient à nos côtés. Ils veulent dépeindre la souveraineté et la résistance justifiée comme un crime. Mais ils ont échoué. Nous connaissons la justesse de la souveraineté autochtone et ils ne briseront jamais notre solidarité.

Nous sommes aux côtés de nos alliés face au poids du système juridique colonial et nous exigeons que les tribunaux coloniaux abandonnent toutes les accusations !

Veuillez soutenir tous les défenseurs des terres !

GoFundMe pour Tyendinaga :
https://gofund.me/9d41a6b7

GoFundMe et transfère d’argent pour Six Nations :
https://gofund.me/7ad24c0a
landback6nations@gmail.com

GoFundMe pour Hamilton :
https://ca.gofundme.com/f/hamiltonsolidarityfundraiser

Pour nos ami-es, contre la répression et la dépression

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Jan 172021
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Janvier 2021.

Nous écrivons à bout de forces, depuis soi-disant Montréal que même l’hiver a deserté.

Au départ nous voulions écrire à propos du couvre-feu, énième mesure de marde mise en place par un gouvernement de bourgeois-es banlieusard-es ne pensant qu’à son petit électorat de petit-es bourgeois-es banlieusard-es bien blanc-ches et bien au chaud dans son confort.

Nous voulions écrire à propos des conséquences désastreuses d’une telle mesure sur les populations déjà fragilisées et mises à mal par la gestion capitaliste de la pandémie.

Nous voulions mettre en évidence, une fois de plus, que la répression n’écrasera pas le virus et que l’État, le néo-libéralisme, les patrons, banquiers, propriétaires et l’armée de porcs qui les protègent n’ont jamais été et ne seront jamais nos alliés.

Nous voulions dire aux médias que lorsqu’ON nous menace à coup d’amendes démesurées, de contrôles policiers accrus et de délation organisée, le terme de collaboration sonne comme une mauvaise blague et n’est pas appropriée. Dites les choses comme elles sont: la population se soumet parce qu’ON lui a assez fait peur. Précisez aussi que le nombre de contraventions distribuées entre 20h et 5h démontrent que certain-es n’ont pas les moyens d’échapper à la répression et que dans le cas présent, l’obéissance est signe de privilèges. Pour les autres c’est l’intimidation, le contrôle au facies, le racisme et le sexisme inhérents, bref c’est la violence de l’État décuplée comme s’il n’y en avait pas déjà assez.

Et pendant ce temps, le personnel de santé est à bout de souffle, le virus continue de se propager et des personnes continuent de crever dans les rues comme dans les CHSLD ; sans parler de la detresse psychologique de certain-es puisque la santé mentale passe évidemment à la trappe. De toute façon qu’est ce qu’ON s’en fout des suicidé-es quand ON ne pense qu’à sauver le cul de l’économie.

Mais écrivant cela, nous ne ferions que paraphraser des textes que certain-es de nos ami-es ont déjà écrit ici et là. Ces textes circulent, et sous d’autres formes, des voix se sont déjà soulevées et continuent de se faire désespérément entendre, malgré l’épuisement et le découragement ambient.

Force est de constater que dans tout ce marasme et malgré notre fatigue, nous éprouvons l’urgence de réagir.

Alors ce texte sera finalement un appel à l’action. Du moins un début de tentative de peut-être pourquoi pas quelque chose. Parce qu’il y en a raz le cul du foutage de gueule généralisé.

Pour nous qui écrivons, la priorité est celle de nous retrouver. « Nous retrouver » ce n’est pas espérer un « beau retour à la normale » pour aller se mettre chaud-es au bar du coin, même si cela nous ferait crissement du bien.

Ce n’est pas non plus aller manifester comme de gros colons contre le port du masque ou au nom d’une liberté dont le sens nous échappe totalement.

Ce n’est certainement pas mettre en danger nos vies et celle des autres.

Non. « Nous retrouver » signifie ici retrouver nos luttes, nos stratégies, nos forces d’action. Entre ami-es. Entre damné-es. C’est défier l’isolement, la perte de confiance, le désespoir.

Théoriquement et historiquement, l’idée n’est pas nouvelle. Oui, il nous faut mettre en relation nos luttes, comprendre que le bordel dans lequel nous sommes englué-es n’est pas tombé du ciel avec une pandémie, mais n’est que la continuité de décisions politiques toujours au service du capital.

Il devient évident de mettre en perspective l’agonie des peuples avec le colonialisme en pleine santé ; un virus qui ne rencontre aucun obstacle avec la catastrophe écologique en cours ; l’expression de plus en plus décomplexée du fascisme avec la banalisation de discours racistes, sexistes et autre dégueulasseries véhiculées, entre autres, par un débile comme Trump ; l’état du système de santé abandonné par les gouvernements néo libéraux et leur politique d’austérité. BREF. Comprendre que se protéger et préserver la vie, c’est autant porter le masque et se laver les mains que s’opposer à la construction d’une prison pour migrant-es, refuser que les violeurs aient encore la parole ou soutenir de notre mieux les Wet’suwet’en quand iels se battent contre l’installation de pipelines sur leurs territoires. Pour ne citer que ces exemples.

Se retrouver c’est donc se positionner du côté de la vie.

Comme dit l’adage: il faut choisir ses combats. Certes. Faire avec les moyens du bord pour se débarrasser de ce qui nous tue, là où nous sommes. Mais il est important de garder en tête que sur un autre territoire, parfois même au sein d’une même ville, dans d’autres communautés et avec d’autres tactiques et d’autres stratégies, des luttes sont menées dans la même optique: de préserver ce qu’il reste de vivant. Il faut garder en tête que ces luttes ne sont pas isolées les unes des autres, qu’elles sont perméables. Ainsi de cette diversité de luttes, il nous faut créer une communauté d’ami-es : créer des points de rencontre, d’échange et de solidarité. Il faut nous mettre en commun. Et de là tisser la résistance. Pour résumer: apprendre des luttes décoloniales et envisager la décolonisation comme contre attaque ultime. Sans compromis, ni avec l’État ni avec les flics, ni avec l’extrême droite.

En pratique, la chose est moins aisée, surtout quand la police est à chaque coin de rue. Alors que pouvons-nous faire, ici, à soi-disant Montréal?

Que le problème soit ontologique ou pas, reste que plus rien ne semble tenir entre nous dès lors que l’ON nous sépare physiquement. Être loin de nos familles, de nos ami-es et partenaires de crime nous dépossède de nous-mêmes et nous plonge dans une sorte de paralysie. De sorte que nous n’avons plus la force de nous aider et d’aider nos ami-es parmis lesquel-les la dépression est devenue un fardeau quotidien. Nous nous découvrons complétement impuissant-es. Et le sentiment de déposséssion est accentué quand on regarde les déserts dans lesquels nous « vivons ». La métrople n’est pas tellement amicale en ce moment… L’urgence ici est de se rappeler que nous sommes là et tenter de réduire le sentiment d’abandon. Alors il faudrait se faire signe. S’envoyer des signaux à travers la ville. Faire péter des feux d’artifice pour contrer le spectacle abject des gyrophares. Se laisser des mots sur les murs des quartiers, à coup de peintures ou de collages. Laisser savoir que nous sommes là. Profiter de l’aube pour poser une bannière. Trouver le peu d’espace qui ne soit pas surveillé, s’y faufiler. Être là où l’ON ne nous attend pas. Profiter d’être masqué. Mettre nos privilèges, si nous en avons, au service du grabuge et de la perturbation. Pour l’instant, peut-être, juste pour rappeler que nous sommes présent-es, que nous habitons encore ces rues.

Par la suite, que ceuzes qui ont des idées se manifestent. Réenvisager la grève des loyers? Penser la grève comme un refus de se mettre en danger au nom de l’économie? Jumper les bus et les métros quand ON nous oblige à les prendre pour aller travailler. Partir en manif pour forcer la main au pouvoir à prendre ses resposabilités. Fabriquer des masques et les distribuer gratuitement. Voler des choses, essentielles ou non, et les donner à ceuzes qui en bavent le plus. Créer des caisses de solidarité. Le tout en faisant gaffe de ne pas se transmettre le virus, car nous ne voulons pas aggraver la situation. Les idées sont peut-être lancées à la va-vite mais c’est quelque chose comme ça.

Le pouvoir a gagné la bataille du découragement mais nous pouvons encore allumer des feux. Pour y voir plus clair. Pour nous réchauffer.

Puisse nous rester l’amitié.

Notes sur le caprice fasciste qui a défrayé la chronique : une réaction anarchiste à la mêlée du 6 janvier à Washington, DC

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Jan 162021
 

De Radio Fragmata

A quel drôle de bordel avons-nous assisté aux Etats-Unis, mercredi 6 janvier ?

Il y aurait tant de remarques à faire au sujet du spectacle dont nous avons été témoins dans l’enceinte du Capitole de Washington, DC. Toutefois, nous nous contenterons ici d’une déclaration succincte, en espérant clarifier la lecture de la situation depuis l’étranger et faire entendre le besoin urgent dans lequel se trouvent nos camarades états-unien.ne.s, qui sont confronté.es simultanément à une violence croissante de la part de certaines franges organisées de la population et à la répression étatique. Pour aller à l’essentiel, nous pourrions dire cela : que ce qui s’est produit n’était ni une insurrection, ni une révolte : et que le monde a seulement assisté à un caprice fasciste autorisé.

En Grèce, on se souvient bien du jour où les manifestants qui prenaient la rue dans le cadre des mobilisations nationalistes autour de la question du « nom de la Macédoine » ont forcé l’entrée du Parlement, sur la place Syntagma, juste avant que ne soit rendu le verdict concernant l’affaire stupide qui les animait, et nous n’avons pas oublié l’attitude de la police d’alors, qui avait opéré un service strictement minimal de manière à rendre évidents son soutien et sa solidarité avec celles et ceux qui s’emparaient du Parlement – sans toutefois courir le risque d’y laisser leur emploi. Parmi les slogans entendus sur le parvis du Capitole -tels que « U-S-A » ou « Trump est président, le Christ est roi », nombreux sont ceux auxquels on pourrait trouver des équivalents en Grèce.

Le 6 janvier 2021, le gouvernement américain s’est réuni pour ritualiser la certification des résultats du vote du Collège Électoral, actant ainsi le lancement du transfert de pouvoir vers une nouvelle présidence. C’est là un rituel archaïque qui -puisqu’il a été fondé avant que ne se développent les moyens modernes de circulation, ce qui supposait que les États les plus périphériques avaient besoin de plusieurs mois après l’élection pour que leurs votes puissent parvenir à la capitale à cheval- se tient en janvier, plutôt qu’au moment de l’annonce des résultats du vote, en novembre. Trump et ses partisan.es s’accordaient à voir dans cet événement leur dernière chance de perturber par un coup d’éclat la passation de pouvoir entre un Parti Républicain d’extrême-droite et un parti Démocrate de droite « modérée ».

Le fait que l’appareil de sécurité états-uniens ne réprime pas avec la même virulence une foule estampillée MAGA (Make America Great Again, slogan de campagne de Donald Trump, ndt) que des manifestations antifascistes, anarchistes ou abolitionnistes a été illustré assez clairement le 6 janvier. À tel point que les médias mainstream ont bien été contraints de le remarquer également, avant de se fondre en lamentations publiques pitoyables prétendant se poser la question de comment la police avait pu se montrer si tendre avec cette foule lâche et égocentrique qui ne cherchait qu’à renforcer les pires traits de la société états-uniennes contemporaine, et qu’on avait laissé forcé l’entrée d’un bâtiment pourtant doté de sa propre force de police (dont le budget annuel dépasse les 500 millions de dollars).

La tolérance dont la police a fait preuve à l’égard des partisan.es de Trump n’avait rien d’une coïncidence. Il est bien établi que l’extrême droite états-unienne a fait le choix stratégique d’infiltrer les forces de l’ordre autant que les instances du pouvoir politique depuis la chute du groupe de guerilla neo-nazi The Order au tournant des années 1980 et l’attaque à l’explosif d’un bâtiment fédéral d’Oklahoma City en 1995 par le suprémaciste blanc Timothy McVeigh, qui avait coûté la vie à 168 personnes. Ce choix tactique n’a rien d’un secret, ayant même récemment fait l’objet d’un rapport du FBI. McVeigh comme les membres de The Order s’inspiraient de la bible suprémaciste de l’époque, le roman Les Carnets de Turner (1978), qui présentait la mise en place d’une congrégation de fascistes se définissant comme des « patriotes ». Pour prendre la mesure de l’ampleur du succès de cette opération d’infiltration, on ne peut se contenter de dénombrer le suprématisme formalisé omniprésent dans l’institution policière états-unienne, puisqu’on doit également rajouter à cela que l’ensemble des syndicats policiers a soutenu la candidature de Trump en vue de la campagne présidentielle de 2020. Quand bien même les effectifs policiers seraient plus hétérogènes aux Etats-Unis que dans de nombreux autres pays, on ne peut oublier que les missions fondatrices de la police dans ce pays consistaient d’une part à traquer les esclaves en cavale, et d’autre part à brutaliser les syndicats de travailleur.euses. Le caractère fasciste d’une telle fonction dépasse donc même le cadre strict du racisme.

Si des banderoles anarchistes, antifascistes ou de soutien à la cause noire avaient été déployées le 6 janvier, on aurait assisté à des arrestations massives, à un niveau de brutalité policière largement supérieur, et probablement à un massacre. Cinq personnes ont perdu la vie lors des événements du 6 janvier. Trois d’entre elles sont mortes des suites de blessures auto-infligées : l’une en déchargeant par accident son taser contre son entrejambe, ce qui a provoqué un arrêt cardiaque ; une autre en chutant lors de l’escalade d’un échafaudage ; et une dernière piétinée, alors même qu’elle portait un drapeau siglé du slogan conservateur « Ne me marche pas dessus ». Un flic est mort à la suite d’une agression physique*, et une manifestante a été abattue par la police. Les trois autres n’ont fait les frais que de leur propre stupidité et ont maintenu leur privilège blanc jusque dans leurs morts grotesques. Si l’évènement n’avait pas été de nature suprématiste blanche – voire ostensiblement fasciste- il est évident que des dizaines de personnes auraient été abattues par la police.
Outre les assassinats quotidiens de personnes racisées et de prolétaires par la police aux Etats-Unis, on peut s’intéresser à deux cas de figure très récents (les sorts réservés à Kyle Rittenhouse et à Michael Reinoehl) pour tenter de mieux comprendre l’attitude de la police le 6 janvier, lorsqu’elle s’est trouvée confrontée à ses homologues fascistes issu.es de la société civile.

Kyle Ritthenhouse a commis un double meurtre lors d’une manifestation en réaction au supplice de Jacob Blake – un homme noir dans le dos duquel un policier blanc a tiré sept balles sous les yeux de ses enfants. Blake est sorti de cette agression paralysé, mais l’agent responsable a été disculpé en débit de preuves vidéos incontestables.

Rittenhouse est actuellement en train d’être jugé pour les meurtres qu’il a commis, et il a pu traverser sans être inquiété les lignes policières juste après avoir avoir fait feu sur des manifestants. Le contraste avec le cas de Michael Reinoehl est saisissant. Ce dernier, un antifasciste autoproclamé résidant dans l’Oregon, a fait feu sur un fasciste qui l’agressait dans le cadre d’une manifestation pro-Trump. Le lendemain de cette altercation, Reinoehl a donné une interview à Vice News pour attester du caractère de légitime défense de son geste. Un jour plus tard, la police fédérale lui trouait le corps d’une cinquantaine de balles. Trump n’a pas hésité à se vanter publiquement de l’assassinat de Reinhoel. Son sort a globalement eu peu de résonance médiatique, et illustre parfaitement le déséquilibre entre les obstacles auxquels sont confronté.es les révolutionnaires et ceux qu’on prétend opposer aux comportements «rebelles» des fascistes et consorts. Ce constat vaut également pour ce que l’on peut observer à l’intérieur des tribunaux. Les enquêtes et les condamnations qui donnent suite aux actions menées par la droite sont gérées d’une manière qui semble plus tenir de l’obligation que de la ferveur avec laquelle l’état attaque les mouvements révolutionnaires et émancipateurs.

Ce jour là, nous avons observé les élites sociales-démocrates verser des larmes hypocrites, des milices fascistes hallucinées jouer la farce d’un coup d’État sous le regard attendri de leurs baby-sitters en uniforme, et les médias tenter désespérément de rationaliser la situation en affectant un cynisme timide: « il n’y a rien à voir, ce ne sont que des joueurs costumés ». Une chose est certaine: celles et ceux qui se sont « saisi » du Capitole après y avoir invité, y trouvant les portes grandes ouvertes, n’ont fait preuve d’aucun courage et n’ont en aucun cas mis en œuvre l’insurrection que les modérés et les médias prétendent y avoir discerné.

Lorsque les mouvements révolutionnaires qui s’opposent sincèrement au système prennent la rue, ils doivent faire face à une situation autrement plus dangereuse. Un parti dominant de droite modérée comme les Démocrates, ou des appareils policiers prétendument « neutres » comme le FBI, ne tarderont pas à faire un exemple de certain.es de ces crétin.es de droite, mais il ne s’agira que d’une opération de communication comparable à celle opérée par le gouvernement de Nouvelle Démocratie en Grèce lors du procès du parti néo-nazi Aube Dorée, ou à celle mise en œuvre par Facebook qui avait censuré des dizaines de pages anarchistes pour compenser la suppression d’un nombre équivalent de profils néo-nazis. Ces stratagèmes n’ont pour but que la mise en scène d’une esthétique de la neutralité, alors même que ces acteurs continuent à imposer la société atroce que nous combattons.

L’intensité de cette action préfigure la guerre civile latente à venir, par ailleurs déjà déclarée par la droite, qui se trouve désormais plus en confiance que jamais à l’issue des événements du 6 janvier. La particularité de la droite états-unienne tient à ce qu’elle peut se pavaner en armes en toute légalité tant qu’elle n’ouvre pas le feu, et que même si elle en arrive là -on l’a vu lors de l’affaire Trayvon Martin ou des agressions à l’encontre d’antifascistes dans les manifestations Black Lives Matter- elle se voit donner des gages de tolérance judiciaire que nous ne connaîtrons jamais.

Il n’y a pas que l’extrême droite violente qui sorte radicalisée de cet incident ; les pontes de la sociale-démocratie états-unienne, qui représentent une menace égale à celle des fascistes, en sont également des bénéficiaires directs. Les chef.fes-de-file de la modération et du « bon sens » politique sont même les grand.es gagnant.es de ce spectaculaire caprice fasciste. Celles et ceux qui prétendent dicter les limites du politiquement acceptable, qui ont l’audace de mettre dans le même sac les insurrectionnalistes et les abolitionnistes d’une part et les fascistes et les anti-sémites théoriciens du complot ont réellement tiré leur épingle du jeu ici, comme en attestent les qualificatifs haineuses et ignorantes d’ « insurrection » et d’ « anarchie » employés pour décrire les événements du Capitole.

L’administration Trump s’est démenée tout au long des dernières années pour faire passer les anarchistes, les « antifas », et Black Lives Matter pour des organisations terroristes alors même qu’elle refusait d’utiliser les mêmes termes pour qualifier les groupes néo-nazis et suprémacistes blancs. Si les deux partis majoritaires se proposent désormais d’enquêter sur Qanon (un groupe persuadé que Trump, qui est pourtant confronté à des dizaines d’accusations de viol, y compris sur mineures, serait occupé à sauver le pays d’une conspiration orchestrée par des célébrités et des politicien.nes juives mettant leur pouvoir au service du trafic d’enfants) et les Proud Boys (un groupe de chauvinistes occidentaux revendiqués fondés par le fondateur démissionnaire de Vice Media, Gavin Mcinnes), il est tout à fait certain que ce durcissement s’accompagnera d’un renforcement parallèle de la répression des mouvements d’émancipation. Une semaine tout juste avant le 6 janvier, l’administration Trump rédigeait un décret proposant d’interdire l’accès au territoire états-uniens à toute personne soupçonnée d’affinités anarchiste ou antifasciste.

Ce décret s’inscrit dans la longue liste des prérogatives élargies des gardes-frontières sous les administrations Obama et Bush, notamment depuis le Patriot Act, et devrait passer comme une lettre à la poste aux yeux de l’administration Biden qui s’annonce.

Tout ceci se déroule alors même que les Démocrates viennent d’accéder à la Maison Blanche et d’obtenir une majorité des sièges au Congrès. L’extrême-droite demeure en revanche aux manettes de la Cour Suprême, ce qui a des conséquences lourdes sur les vies des segments marginalisés ou minoritaires de la population, ainsi que sur la santé des mouvements révolutionnaires.

La persistance du soutien populaire, lequel découle à la fois de longues années à subir les énormités d’extrême-droite du gouvernement Trump et de la révolte (majoritairement noire) qui a fait suite à l’assassinat de George Floyd, est déjà largement menacée par les tromperies des huiles démocrates depuis la victoire de Biden en novembre dernier. Cette victoire ne laisse présager aucun traitement de faveur pour celles et ceux qui font face à des années d’emprisonnement pour leurs actes de résistance dans le cadre de la révolte « Black Lives Matter » de 2020.

Les meneurs sociaux-démocrates et la frange de la gauche qui conserve foi en l’État et en sa capacité de réforme aimeraient peindre cet événement sous les traits d’un « coup d’État avorté » ou d’une attaque portée contre la volonté populaire. Ces discours émanent très largement d’une part très privilégiée de la population qui considère que le système électoral est là pour l’écouter. La majorité des personnes qui ont usé de leur droit de vote en 2020 l’ont fait par culpabilité ou parce qu’elles se sentaient malheureusement obligées de choisir entre deux maux. Elles ont été conditionnées à ne pas en attendre trop d’un État qui use d’un slogan aussi affligeant que Freedom isn’t free, « la liberté se monnaie ». En tant qu’anarchistes, nous rejetons le processus électoral étatique dans son intégralité, et ne voyons aucune possibilité de triomphe d’une « volonté populaire » dans un système qui se maintient par la confiscation du pouvoir et la coercition. Les choix qu’ils nous proposent dans le cadre leur spectacle de votation démocratique ne correspondent en rien au chemin qui pourrait nous mener à la liberté. Dès lors, nous rejetons ces rituels. Par ailleurs, les rituels d’origine coloniale, tels que le vote représentatif dans un système eurocentrique, ne pourront jamais accorder la liberté à quiconque sur une terre volée.

Tandis que nous continuons, en tant que mouvements anarchistes, abolitionnistes, et révolutionnaires, à mener une lutte incomparablement plus sincère que celles qui animent des citoyen.nes déboussolé.es et des célébrités prétentieuses au gré des effets de mode, nous devons redoubler de solidarité afin de ne pas nous laisser isoler, alors que la violence exercée par des groupes fascistes de la société civile s’accroît, de pair avec un acharnement policier brutal qui arbore le sourire mensonger des élites sociales-démocrates.

On aurait presque envie de rire en contemplant les politicien.nes apeuré.es, la droite et la police qui en arrivent aux poings, et l’absurdité généralisée qui s’est matérialisée ce jour là. Néanmoins, nous ne pouvons oublier qu’au cours des dernières semaines, des antifascistes ont été pris.es pour cible et attaqué.es à coups de feu dans le Nord-Ouest du pays, ni qu’en parallèle du caprice fasciste au Capitole une femme noire a fait l’objet d’une tentative de lynchage public dans le cadre d’un rassemblement néofasciste à Los Angeles. L’inquiétude ne nous permet donc pas d’en rire.

La droite a adopté une posture post-moderne quant à la question du racisme aux Etats-Unis, parce qu’elle se sentait bridée par l’étau des « politiques d’identité » mâtinées de politiquement correct promue par le parti de droite modérée (les Démocrates). Cette politique semble prête à dénoncer n’importe quoi, à l’exception du classisme et du racisme systémiques, et présente l’attribution de métiers qui prolongent le statut quo colonial aux personnes colonisées comme une forme éthiquement viable de réparation et de dédommagement. Les groupes de droite ont donc opéré une transition vers un monde nourri de théories conspirationnistes piochées sur le deep web qui encouragent les personnes pauvres à se mettre au service de milliardaires et à traquer les reptiliens juifs qui « tirent les ficelles » du capitalisme mondial au travers du réseau 5G plutôt que de simplement avoir recours à la terminologie raciste historique autour de laquelle ils gravitent pourtant tous. Malgré cette rhétorique de haine extrême, ces groupes prétendent toujours être éligibles aux plus hautes fonctions. C’est là un problème qui se pose à l’échelle mondiale, puisque des fascistes de cette trempe ont fait émergence sur la scène publique aussi bien aux États-Unis qu’au Brésil, en Allemagne, et ailleurs.

Il est impératif que nous continuions à combattre le statut quo technocratique et libéral en même temps que nous maintenons notre garde dressée face à un fascisme contemporain dont les incarnations sont nombreuses et parfois déstabilisantes. Nous devons aussi être capables de reconnaître le regain d’assurance de notre propre mouvement. Aux États-Unis, les rangs des anarchistes, des antifascistes et des abolitionnistes ont énormément grossi malgré la répression violente qui leur a été opposée, et une nouvelle génération courageuse a fait preuve de sa force tout au long de l’année 2020.

Ni les murs des prisons, ni ceux des frontières ne suffisent à endiguer la solidarité révolutionnaire.

Celle-ci nous permet de rester vigilant.es, connecté.es, de ne jamais nous perdre de vue alors même qu’un nouveau confinement et une nouvelle ère de fascisme modéré nous guettent.

Cette solidarité révolutionnaire, nous l’exprimons à toutes les personnes qui risquent la prison pour avoir pris part à la révolte contre le suprématisme blanc, et à toutes celles qui mènent une lutte sincère contre l’État et le capitalisme.

—Radio Fragmata / Janvier 2021

Post-Script
*le profil Parler (réseau social prisé des extrémistes de droite) du policier mort de ses blessures à la suite des événements du Capitole, Brian Sicknick, a depuis été révélé publiquement. On a pu y découvrir que l’agent « suivait » de nombreux comptes d’extrême-droite, comme ceux de la Team Trump, d’Alex Jones ou de Gavin McInnes.
*Bien que cela n’ait rien de surprenant, il a depuis établi que de nombreux policiers hors-services et politiciens de droite avaient pris part aux agissements du 6 janvier. Selon certains rapports, des officiers auraient même montré leurs badges à des officiers en service au cours de la bousculade.

Tenez vous au courant des luttes en cours et de la répression à l’encontre des mouvements révolutionnaires via les sites suivants :
Bay Area Anti-Repression
https://antirepressionbayarea.com/ 
NYC Anarchist Black Cross
http://nycabc.wordpress.com
Its Going Down
itsgoingdown.org
RAM
https://revolutionaryabolition.org
Up against the law legal collective 
https://upagainstthelaw.org 
Portland General Defense Committee
https://pdxgdc.com

Puget Sound Prisoner Support
https://twitter.com/PugetSupport 

Michigan Solidarity Bail Fund:
https://michigansolidaritybailfund.com/
Tilted Scales Collective
http://tiltedscalescollective.org
Scuffle Town Anti-Repression
https://scuffletownarc.wordpress.com/