Montréal Contre-information
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Déc 242020
 

Du Réseau Libertaire Brume Noire

Deux ans d’organisation au bout du monde : communication, autogestion, décroissance

Le soi-disant Québec est une province énorme. Si nous voyageons en Europe ou ailleurs, il est facile de constater l’ampleur du territoire de l’île de la Tortue. Il est facile de se mettre en perspective sur le concept de ‘Nationalisme’ versus ‘Territoire’. Les métropoles canadiennes, par leur capitalisme, exploitent les régions pour leurs ressources naturelles et humaines. Ici, en Gaspésie, nous le voyons très bien. Gespegsignifie ‘là où la terre se termine’ en Miꞌkmaq.

Les gens ont à cœur la révolte des pêcheurs et la grève de Murdoch, avec raison. Force est de croire qu’il est plus difficile de se rappeler le ‘pourquoi’ des dites révoltes à en voir l’exploitation toujours en place aujourd’hui par la pêche, la déforestation dans le parc de la Gaspésie et ailleurs, l’énergie éolienne pas très verte, la recherche du peu de pétrole qu’il reste dans le sol, l’épandage, la cimenterie Port-Daniel et on en passe. La région est de facto une des plus pauvres au Québec. Les services publics survivent grâce aux organismes (qui eux ont peine à survivre par manque de fonds et de ressources) et il est difficile de créer une économie locale forte vu les intérêts très divergents des gens sur le territoire (touristes VS résident-e-s VS travailleuses-eurs). Bref, rien de nouveau sous le soleil.

Mais malgré tout ce flagrant industrialisme pervers, l’espoir est là. La Gaspésie a un ‘je ne sais quoi’ qui nous rapproche de la nature et du collectivisme. Elle nous donne le goût du commun. Elle nous laisse toucher le rêve. C’est pour l’un ‘la marge’, pour l’autre ‘l’épanouissement’. Pour certains membres du réseau, la Gaspésie c’est toute leur vie. Pour d’autres, c’est devenu leur vie. La région inspire de manière puissante. Les gens sont bons et peuvent se relayer à la terre. Ils et elles sont conscientes de cette exploitation, à un certain point.

Gaspésien-ne-s natif-ive-s, néo-gaspésien-ne-s, Premières Nations, immigrants…. plusieurs visages portent la bannière du réseau libertaire brume noire. Les âges, orientations, organisations et tactiques sont différents pour les membres. Le Réseau Libertaire Brume Noire est une organisation composée d’une pluralité de personnes qui partagent des objectifs communs, qui sont en quelque sorte la raison d’être du Réseau :

  • Le RLBN est en faveur d’une organisation sociale fondée sur les principes d’égalité et d’autogestion plutôt que ceux de la propriété privée et des contrôles étatiques.
  • Le RLBN souhaite informer les citoyens à propos du socialisme libertaire et à les sensibiliser aux différents enjeux du territoire via l’éducation populaire et l’action directe.
  • Le RLBN vise à tisser des liens de solidarité entre ses membres, entre le réseau et la communauté environnante ainsi qu’avec d’autres réseaux ou collectifs partageants des objectifs communs.
  • Plus largement, le RBNL souhaite contribuer à l’émancipation des gens du territoire par le soutien des initiatives communautaires, l’éducation populaire, en ayant un impact positif sur leur milieu de vie/quotidien ou en soutenant d’autres luttes.

C’est par ces courtes lignes pouvant représenter certaines valeurs collectives, par la spontanéité et par la volonté que le réseau a su traverser 2 ans d’organisation avec succès. En plus de son positionnement anticapitaliste, le réseau est anti-oppressif et donc solidaire des différentes luttes menées dans une perspective d’émancipation locale. L’adaptation au changement dont font preuve les membres (nouveaux membres, départs et réalité de la région, changements de tactiques) est une clé du bon fonctionnement, ainsi que la solidarité auprès des entités déjà en place (organismes, groupes, assemblées municipales, petites entreprises, initiatives de toutes sortes…). Les réalités de la région pouvant frapper rapidement, il est important de créer notre entité propre à notre territoire.

C’est avec grand plaisir que nous partageons donc ce petit article de rétrospective chronologique des actions menées par les membres du Réseau depuis sa formation en 2018, afin de vous sensibiliser au fait que le nombre importe peu, que la résistance est plus grande que la plus grande des métropoles et que nous espérons inspirer un milliard de collectifs décentralisés auprès (et loin) de nous!

2018

ALTERNATIVES

En septembre : Des anarchistes se rencontrent dans le sous-sol d’un 3 et demi du centre-ville de Gaspé. Ça rêve, ça parle et surtout, ça s’indigne. Plusieurs personnes se joignent à la partie chaque semaine pour des discussions, lectures, projections. Un moment, le 3 et demi se fait serré.

9 septembre : Une action anti-électorale est mise en place face aux élections provinciales du Québec. Des pancartes ‘votez pour vous’ sont affichées partout sur le territoire de Gaspé la veille des élections.

7 octobre : Un jeune d’origine Arabe se fait attaquer au bar la Voute de Gaspé. Un combat de bar bien classique, mais la connotation raciste pousse les anarchistes à agir. Un BBQ anti-raciste est spontanément organisé près du bar pour porter un message clair autour de la ville : pas de raciste dans nos quartiers! 

17 octobre : Rassemblement suite à la légalisation du cannabis. Un document de 30 pages sur des recommandations de la santé publique et des comparaisons de répercussions autour du monde et du Canada a été déposé à l’assemblée municipale dans l’objectif de sensibiliser le maire et les élu-e-s au changement de loi. La ville n’a jamais répondu au document et a interdit la consommation de cannabis sur son territoire (en comparaison, il est légal de consommer à Percé, la ville voisine). Un article de Radio Canada https://ici.radio-canada.ca/…/rassemblement…

24 octobre : Première assemblée générale du Réseau Libertaire Brume Noire. L’objectif de la rencontre est de définir nos propres méthodes organisationnelles. Il en est conclu qu’une assemblée par saison serait propice en plus des rencontres spontanées pour assurer une constance dans les projets et soutiens du réseau. 

10 novembre : Contingent anticapitaliste à la manifestation de la Planète s’invite au parlement. 

16 novembre : Des membres du réseau vont supporter le piquet de grève à la SAQ de Gaspé avec du thé, de la musique et des pamphlets. 

22 novembre : Atelier d’éducation populaire sur l’anarchisme vert et l’anarchisme écologique pour la semaine de sensibilisation à l’environnement du Cégep de la Gaspésie et des îles. Discussions autour de Murray Bookchin, Serge Mongeau, l’autosuffisance et plusieurs autres sujets en lien avec le socialisme libertaire et l’écologie.

17 décembre : François Legault vient faire une annonce (annonce qui devait être faite par Couillard, mais Legault vient prendre le mérite) concernant le financement de millions à l’aéroport (aéroport qui manquera de fonds pour rouler les ressources humaines une fois rénové et qui ne garantit pas encore les prix des vols réduits pour les résident-e-s). Des membres du réseau, accompagné-e-s de la Planète s’invite au parlement Gaspé et plusieurs autres citoyennes-ens, viennent faire comprendre à François qu’il n’est pas la bienvenue sur le territoire de Gespeg en perturbant la rencontre à l’hôtel Baker.

24 décembre : Campagne de sociofinancement du réseau afin de pouvoir lancer des projets d’éducation populaire sur le territoire. Une vague de solidarité autour du soi-disant Québec ainsi que dans les provinces de l’Est et jusqu’en France se fait ressentir.

2019

DIVERSITÉ DES TACTIQUES

20 janvier : Une bannière en solidarité avec le Rojava vivant la révolution à Afrin est affichée au Berceau du Canada.

27 janvier : Suite à la bannière de solidarité, un contact est effectué avec la commune internationale du Rojava. Une soirée solidaire est organisée afin de sensibiliser les gens de Gaspé à la situation du Rojava (souper thématique, projection, discussion). 

5 février : Lancement de l’étagère libre à la microbrasserie Cap Gaspé, bibliothèque anarchiste en libre consultation sur place. 

15 mars : Contingent anticapitaliste lors de la manif mondiale du climat de Gaspé organisée par Youth For Change et la Planète s’invite au parlement de Gaspé.

21 mars : Tournée ‘when the sidewalk ends’ par le rappeur micmac Q052. La tournée passera à Mont-Louis, Gaspé et Carleton dans une perspective anti-coloniale.

27 avril : Rassemblement et marche pour la semaine de la Terre au Berceau du Canada. Des tracts sont distribués (anecdote croustillante; Mégane Perry, élue régionale du Parti Québécois, vient faire un speech avec le mégaphone à l’effigie du Réseau). 

25 et 26 mai : Stand au salon du livre anarchiste de Montréal. Nous avons la chance d’être accueillis à Montréal par de nombreux-euses camarades et de faire de nombreuses rencontres qui seront précieuses pour notre entité. Nous retournerons à Gaspé la tête pleine d’idées et le coffre rempli de matériel de propagande.

Juin : Soutien au Camp de la rivière en blocage du projet pétrolier GALT en terre gaspésienne. Distribution de matériel, support aux demandes, organisations d’événements de solidarité. 

15 juin : Action de nettoyage des berges en soutien avec l’action de la municipalité. La plage de Boom defense et les secteurs locaux seront nettoyés par des membres.

5 juillet : Le réseau organise son premier match de soccer contre le racisme. Le réseau fera alors collaboration avec le Festival de l’eau, la Ville de Gaspé et des entreprises et organismes locaux, dont un syndicat de travailleurs et travailleuses, sans oublier les Premières Nations afin d’offrir une journée d’activités et un tournoi de soccer contre le racisme. 

14 juillet : Visite de camarades de Montréal de différents réseaux (IWW, MTL Antifa, Submedia) et discussion autour d’une bière à Cap Gaspé. 

27 juillet : Stand d’éducation populaire et BBQ au Festival de l’eau de Gaspé. Le festival de l’eau a pour objectif de sensibiliser la population aux réalités des Premières Nations, à l’environnement et aux luttes contre les changements climatiques

29 juillet : Célébrations spontanées pour la vente du projet GALT de CUDA pétrole à une entreprise autrichienne. Le combat n’est pas fini, mais chaque petite victoire nous fait du bien.

24 août : Un festival punk axé sur l’autosuffisance est organisé à Gaspé. Brume Noire prend en charge un stand populaire avec dépliants et livres.

4 septembre : Un des membres du réseau observe un manque en matière de sensibilisation à la consommation de drogues dans la région. Il prend donc en charge de contacter les actrices et les acteurs locaux (infirmières, travailleurs de corridors, travailleurs sociaux, organismes de sensibilisation, etc.) et organise une formation naloxone et blender. Le réseau fournit, encore à ce jour, les festivals, CLSC, infirmières, travailleurs sociaux de la région avec certains types de matériel souvent manquant (naloxone, seringue, etc.). Durant la soirée, une personne se prononce auprès du directeur de la santé publique; ‘C’est pas normal que c’est les p’tits anarchistes de Brume Noire qui fournissent Gaspé en matériel!’

PS: oui, c’est normal. On s’organise.

7 septembre : Stand au salon du livre anarchiste de Halifax. Encore de nombreux camarades, cette fois-ci dans notre secteur de l’Est et de cultures différentes. Une action de solidarité avec le Rojava, étant sous la menace Turque, est encore mise en place. Des camarades viennent nous visiter à Gaspé et sont hébergés chez un membre pendant une semaine.

14 septembre : Projection du documentaire L’amour et la révolution de Yannis Youlountas lors de ‘la grande kermesse de fin de saison’ au Pit Caribou. Le film porte sur les événements par rapports aux migrants en Grèce et les mouvements autonomes.

27 septembre : Contingent anticapitaliste pour la manifestation mondiale pour le climat. Une manif avec des discours dans des endroits-clés et avec plusieurs actions. Les forces policières et gens de Gaspé ne sont pas habitués à une telle organisation, c’était pour notre part magnifique, spécialement la bannière sur la Banque TD afin de souligner leur financement des projets pétroliers. 

21 octobre : Un membre en voyage en Bretagne rencontre le réseau UCL de Fougères aux oiseaux de la tempêtes.

2020

ADAPTATION AUX CHANGEMENTS

14 février : Une St-Valentin Queer au Mont Béchervaise est organisée par des membres du réseau afin de permettre un safespace. L’événement attire un succès et une diversité de genres et d’orientations dans le respect des valeurs LGBTQ+.

21 juin : Rassemblement à la halte routière du centre-ville de Gaspé contre le racisme en support au mouvement Black Lives Matter et aux personnes des Premières Nations tuées par la GRC au Nouveau-Brunswick. 

28 juillet : Une pétition pour conserver le droit au camping sur le territoire de Gaspé est déposée à l’assemblée municipale. Aucune réponse après 4 courriels et 3 appels. Une fois qu’un membre a pu parler au directeur de la ville, les réponses peu concluantes (consultation autour d’hiver 2020-2021 sera faite sur le site de la ville). Une action de nettoyage des berges face à l’arrivée massive de touristes salissant les plages et au débat entourant le camping gratuit est organisée par le Réseau (la plage de Douglastown est nettoyée). Des membres vont financer des conteneurs à déchets et de recyclage par dusociofinancement en ligne et les placer sur la plage. La gestion des déchets est aussi prise en charge.

25 septembre : Un rassemblement en solidarité aux Premières Nations (Moratoire pour la chasse dans la Vérendrye par le peuple Anishinabe et protection des droits de pêche par les Micmac à Halifax) est organisé à la halte routière du centre-ville de Gaspé. 

27 septembre : Lancement de l’étagère libre à la maison des jeunes de Gaspé. Suivant le même concept que celle de la microbrasserie Cap Gaspé, les jeunes ont sélectionné des sujets de sciences sociales et luttes locales et les ouvrages ont ensuite été fournis par Brume Noire. 

Octobre : Lancement des soirées solidaires. Soirées thématiques avec des luttes locales et internationales actuelles afin d’accentuer l’aide mutuelle dans le réseau (cuisines collectives, projections, art making, discussions). Une soirée pour la Brigada Autonoma et une pour le Rojava ont déjà été organisées.

Et tellement plus à suivre… tout est possible avec la volonté d’un monde meilleur. Ça commence maintenant. C’est déjà commencé. À celles et ceux qui résistent, notre solidarité du bout du monde!

SIGNATURE ET LIENS: Les membres du Réseau Libertaire Brume Noire – brumenoiregespeg@protonmail.com – page facebook