Montréal Contre-information
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Août 092021
 

Du Collectif Emma Goldman

Ce qui suit est un texte de réflexion personnelle d’un militant du collectif. Il ne reflète pas nécessairement l’opinion de l’ensemble des membres, mais souhaite avancer certaines réflexions.

Il y a près de sept ans, en 2014, était publié le communiqué officiel annonçant la dissolution de l’Union Communiste Libertaire (UCL). Créé en même temps que sa fondation, en 2008, le Collectif Emma Goldman avait, du Saguenay, consacré beaucoup de son temps et son énergie au projet de fédération dans l’idée de faire prendre de l’expansion au mouvement anarchiste dans la province et en faire rayonner les idées et pratiques au plus grand nombre. L’organisation permettait le développement de campagnes d’actions en unité théorique et pratique qui étaient coconstruites et propagées dans les milieux des différents collectifs (l’UCL en a compté jusqu’à six – Drummondville, Montréal, Québec, Saguenay, Saint-Jérôme et Sherbrooke). Du côté des publications et de la diffusion d’informations, nous produisions le journal Cause Commune (plusieurs milliers d’exemplaires sur papier journal à chaque édition), des revues, des affiches et différentes publications avec une certaine rigueur sur le plan du contenu et des idées. Pour tout organiser, nous nous en remettions au principe du fédéralisme libertaire : les prises de décision se faisaient dans les réunions des collectifs locaux, les décisions étaient relayées par des délégué-e-s aux instances fédérales (d’autres réunions) et aux comités. Il s’agissait d’une forme de démocratie directe. Le temps de gestion, voir ici par exemple tous les déplacements pour des réunions, les longues délibérations sur un peu tout et n’importe quoi, jusqu’aux remises en question sur le graphisme et l’implication dans le secrétariat, était du temps de que les militants et militantes avaient en moins dans leur engagement dans les luttes locales (sans oublier que le nombre d’heures pouvait également précipiter l’épuisement militant). Bien sûr, les outils développés au niveau fédéral étaient d’une grande aide dans le travail local. Mais, sans remettre en cause les principes de fédéralisme libertaire et de démocratie directe, il est tout à fait possible de penser qu’un fonctionnement moins « lourd » (moins énergivore) aurait pu être possible – surtout dans une organisation de moins d’une centaine de membres.

Avec l’expérience acquise au cours des années de l’UCL, le Collectif anarchiste Emma Goldman a continué son chemin en solo à partir de 2014. Bien que nous souhaitions multiplier les collaborations avec d’autres groupes, celles-ci se sont faites plus rares et éphémères – notre condition d’isolement géographique y est sans doute pour beaucoup. En revanche, nous avons pu concentrer l’essentiel de nos efforts et de nos moyens aux luttes sociales du Saguenay-Lac-St-Jean, développer du matériel qui répondait plus directement aux enjeux et cibles de nos milieux et, il faut le dire, passer beaucoup moins de temps en réunion. Travailler en petit groupe a certainement des avantages à ce niveau : la coopération et les décisions se font plus aisément, la recherche de solutions et le règlement des désaccords accaparant moins de temps. Les affiches et journaux que nous avons continué de produire n’ont pas la même qualité que celles de l’UCL, mais elles nous prennent une toute petite fraction du temps qu’elles pouvaient prendre au sein de la fédération.

Tout compte fait, et sans en faire une doctrine, il y a certainement une beauté appréciable dans l’organisation en collectif politique de petite taille. Après tout, il est illusoire de penser que l’implantation sociale de l’anarchisme puisse se réaliser à grande échelle avant qu’elle ne le soit sur le plan local. Les anarchistes ne cherchent pas à prendre le contrôle de mouvements; elles et ils travaillent à la base et leurs pratiques se déploient d’abord à petite échelle avant d’essaimer. Cela n’empêche pas pour autant de développer des liens avec d’autres groupes et de faire appel à eux. Ce modèle d’organisation a, on ne peut le nier, des limites nettes. Il est par exemple beaucoup moins évident qu’un groupe de petite taille isolé reçoive des appuis en cas de répression ou de menaces. Il me semble important de poursuivre les questionnements quant aux formes efficaces que pourraient prendre le développement de liens et d’outils communs avec les camarades de collectifs des autres régions. Comme d’autres, je suis avec attention le travail sur le terrain que font les camarades dans le Kamouraska, sur la Pointe de la Gaspésie, à Sherbrooke, Trois-Pistoles, Gatineau, Hamilton, Québec, Toronto, Montréal, Halifax, etc. et j’y tire, personnellement, l’inspiration pour continuer.

Alan Gilbert