Montréal Contre-information
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Mai 222017
 

Le texte suivant fait partie d’un zine ayant été distribué cette année au 4:20 de Montréal, accompagné de deux autres textes récemment publiés sur anarchistnews.org (A Lament for Criminality et Psychonauts Can Also Be Pirates : How to Do Drugs and Get Free). Un reportage de l’événement suivra prochainement, accompagné d’un pdf du zine pour que d’autres le distribuent ailleurs lors d’événements semblables.

J’aborde l’ « enjeu » de la légalisation du pot, et les espaces qu’il occupe principalement avec deux choses en tête :

D’abord, peut-être qu’avec le désir de montrer le sérieux de nos positions (ou parce que nous nous croyons trop cool?), il semble que nous ayons abandonné les espaces alternatifs non punk, queer ou hipster à la droite et aux libéraux. Ces espaces ont été dominés par des gens avec qui nous n’avons pas d’affinité en tant qu’anarchistes, mais dans lesquels participent (du moins modérément) toutes sortes de jeunes rebelles hostiles à certains aspects de la loi et l’ordre, et qui ne portent pas la « cannabis culture » comme l’identité stupide qu’elle est souvent. En tant que weirdo iconoclaste ayant tendance à bien m’entendre avec toutes sortes de gens, mais sans jamais vraiment être adapté à quelque part de particulier, je déteste la tendance des anarchistes à s’isoler volontairement.

J’ai toujours été dégouté par les éléments remplis de préjugés racistes et anti ouvrier.res (contre la classe des travailleur.euses) de l’aile droite du mouvement pour la légalisation du pot, qui domine largement là d’où je viens : Vancouver. Je veux intervenir dans ces espaces pour montrer à d’autres rebelles potentiels qu’il y a des chemins non-réformistes qu’on peut prendre, et qu’on ne devrait pas aspirer à une légitimité au sein des systèmes qui nourrissent notre misère et notre aliénation.

En l’honneur de tous les vieux ami.es et connaissances qui meurent à un rythme horriblement tragique avec l’épidémie de fentanyl dans le Lower Mainland en Colombie-Britannique, que ni l’aile droite du mouvement pour la légalisation du pot, ni l’aile gauche de ceuzes qui se concentrent sur des pratiques de réduction des méfaits ne peuvent adresser adéquatement. Ce qui est nécessaire, c’est un assaut total, à la fois contre l’État et les patrons qui nous ont laissés complètement disempoweré.es et isolé.es, vers une individualité libre et créative, basée sur des communautés rebelles, que le monde néolibéral a pour intention de détruire et d’effacer.

– Llud (Wreck/Black Banner Distro)

La « Guerre contre la drogue » n’a jamais commencé,
et ne se terminera pas avec la prohibition du pot

Une guerre fait rage depuis plus d’un millénaire. Beaucoup peut être dit à propos de cette guerre, mais généralement nous la résumons à la consolidation d’une force, de ressources et de la légitimité à travers la dépossession et la marchandisation de l’humanité et de la terre. Nous pouvons appeler cette guerre l’État. Cette guerre n’a initialement affecté que des petites parties du monde, autour des territoires contrôlés par des Empires variés comme les Incas ou les Égyptiens. Mais à présent, après plus de cinq cent ans de globalisation capitaliste, cette guerre affecte presque l’entièreté de la planète, laissant seulement quelques petites enclaves hors d’atteinte, comme en Papouasie ou dans la forêt Amazonienne. Des vagues constantes de domination et d’exploitation ont apporté des degrés de plus en plus grands de richesse et de contrôle aux puissants et une tragédie encore plus grande aux dépossédé.es. À travers ces processus, des gens ont été réduits à l’esclavage ou autrement exploités, des génocides ont été menés, et des écosystèmes entiers ont été réduit à leur composants chimiques.

Mais en quoi tout ça a à voir avec la « guerre contre la drogue »?

Puisque cette guerre a toujours eu pour fonction de dominer les peuples, les cultures, les animaux et les environnements qu’illes habitent, elle est aussi à propos du contrôle imposé sur les pensées des gens, ce qu’illes peuvent faire d’euxlles-mêmes, et ce qu’illes peuvent mettre dans leur corps.

Au Moyen-Âge, par exemple, certains éléments de la société européenne, particulièrement les paysan.nes, conservaient des aspects des cultures païennes, pré-chrétienne. Ces cultures mettaient l’emphase sur une forte connection à la nature, à la sexualité, sur des rôles genrés beaucoup moins rigides, une sexualité queer, où les femmes détenaient le contrôle sur leurs grosses ainsi que sur la prise d’herbes médicinales et de drogues psychoactives orienté vers des buts spirituels. Afin de gagner plus de contrôle sur les populations rebelles, les États européens ont mené des campagnes militaires, publicisées comme Croisades, et des Inquisitions sur des centaines d’années. Les gens qui avaient, ou dont la rumeur voulait qu’illes aient ces types de comportements, étaient jugé.e.s comme « sorcières » ou « hérétiques ». Ainsi, des milliers de personnes et particulièrement des femmes, furent torturées jusqu’à ce qu’elles confessent et soient brûlées au bûcher. Dans plusieurs cas, les frais de ces inquisitions étaient payés par les accusé.es, dont la propriété était saisie et divisée entre les juges et les accusateurs.

À l’époque, il existait également des terres libres qui n’appartenaient à personne, et qui étaient partagé.es par tous les paysans d’un secteur local, auxquelles ont référait comme « les communes ». Ces parcelles étaient utilisées pour récolter des herbes ainsi que pour des pratiques culturelles séparées de l’Église (dont il n’était possible d’appartenir qu’à une seule à l’époque). Les communes ont graduellement été avalées par la privatisation des terres à l’époque des Croisades et des Inquisitions. Ici, nous pouvons tracer des parallèles avec cette histoire et celle de l’héritage colonial du territoire que nous appelons « Canada ». Les langues et les cultures autochtones, qui avaient aussi de profondes connections à la terre et à sa vie végétale sauvage, ont été rendues illégales, envoyant de force les enfants autochtones dans des écoles religieuses, et auxquels on a appris à s’haïr eux-mêmes ainsi que leurs cultures. Tout cela coïncidant avec une dépossession massive de la terre des peuples autochtones, par l’État et les propriétaires terriens privés, autant qu’à travers la création de Parcs – c’est-à-dire des places où les gens peuvent visiter et observer la vie sauvage de laquelle ils ont été aliéné.es, mais où on leur interdit de vivre en faisant partie de la terre.

En observant spécifiquement l’enjeu de la marijuana, on peut voir que, tout autant que l’opium et la cocaïne, les lois qui en ont d’abord criminalisé l’usage faisaient partie d’un narratif ciblant les personnes chinoises, mexicaines et noires aux États-Unis, la même logique s’appliquant à travers la majorité de l’empire colonial britannique. Un élément clé de ce narratif raciste était la paranoïa avec laquelle la jeunesse blanche était amenée à des relations interraciales à travers l’usage de ces drogues, ce qui pouvait être vu comme une attaque contre la suprématie blanche.

La « guerre contre la drogue » n’a jamais été un enjeu purement local et, jusqu’à présent, a joué un rôle important dans la globalisation capitaliste. La « guerre contre la drogue » est une composante importante du capitalisme moderne, et rempli les prisons locales, de manière disproportionnée avec des personnes de couleur. Aux États-Unis, l’inondation des quartiers pauvres par le crack et l’héroïne fait partie d’une stratégie gouvernementale très bien documentée pour réprimer des mouvements sociaux rebelles. Dans des endroits comme le Mexique, où on fait souvent référence au gouvernement comme « narco-État », la « guerre contre la drogue » joue un rôle important pour terroriser les travailleur.euses et les paysan.nes. Les organisations paramilitaires jouent un rôle dans le processus entamé par l’Accord de Libre-Échange Nord-Américain qui dépossède les peuples autochtones de leurs terres utilisées en commun afin de les ouvrir à la culture de Coca pour produire la cocaïne, autant qu’aux cultures légales comme celle de l’avocat pour les marchés capitalistes globaux. Ceci a le triple effet de produire des profits pour les capitalistes, de garder les travailleurs.euses et les paysan.nes obéissante à travers la peur et la répression, et la délégitimisation ainsi que le refus d’accorder les ressources aux mouvements sociaux rebels.

Ceci est une situation désastreuse, et il est triste de voir la réponse qu’elle reçoit de la part du mouvement pour la légalisation de pot ici au Canada. Bien qu’il soit vrai que nous nous battons contre un ennemi gigantesque, et que cet ennemi ne puisse être attaqué qu’en partie, la vision réformiste étroite poussée par des gens comme Marc et Jodie Emery n’a pour effet que renforcer le système auquel nous devons nous opposer. Nous ne pouvons adresser de manière effective qu’un minuscule aspect de cette guerre, parce que le monstre que nous combattons continuera son chemin de misère et de destruction vers d’autres aspects.

Si le mouvement de légalisation du pot est victorieux par ses maigres buts, cela ne signifiera que de plus grans profits pour les corporations phramaceutiques et d’alcool, et pour quelques petits propriétaires de commerces (comme Marc Emery). Le reste d’entre nous perdra l’opportunité de revenus non-imposés, et notre weed pourra être régulé et rempli d’encore plus de produits chimiques que ce qu’il peut déjà être, la récolte d’une infinité variée d’autres herbes médicinales sauvages deviendra encore plus précaire alors que la terre continue à être pillée et empoisonnée par l’industrie, et le système carcéral trouvera toujours des raisons supplémentaires pour tuer et emprisonner les personnes de couleurs, autant que les pauvres et la classe des travailleur.euses, de la même manière qu’il en a toujours été. En combattant la prohibition, il est important de questionner la notion de légalité elle-même.

Il est important de souligner que tout en prévenant une plus large analyse du problème, le mouvement pour la légalisation du pot nous distrait en soulignant le pacifisme et un « moindre mal » ineffectif en faveur de divers partis politiques en temps d’élection, pour atteindre ses buts. Tristement, il souligne aussi une solidarité seulement envers les contrevenants « non-violents » de stupéfiants (ce qui veut dire des propriétaires blancs de classe moyenne), et nous sommes incapables de pratiquer une solidarité expansive à travers des actions – une solidarité qui prendrait en considération ceuzes qui ne sont pas des anges parfaits et innocents, ceuzes qui peuvent avoir des problèmes à survivre dans ce monde pour un million de raisons – qui pourrait réellement adresser le problème.

La guerre contre la drogue n’a jamais été à propos d’une haine mystérieuse contre une plante stupide, mais comme je l’ai expliqué, elle est une des manières fondamentales que le pouvoir nous a régulé pendant des centaines d’années. Avec cela en tête, nous pouvons comprendre que l’idée même d’une politique respectable et légitime renforce la prohibition. Les frontières renforcent la prohibition. Le racisme renforce la prohibition. Le sexisme renforce la prohibition. La prison renforce la prohibition. La propriété renforce la prohibition, et la notion même d’État-Nation renforce la prohibition.

Oui, il est important de se battre contre l’absurdité qu’est la possibilité d’être kidnappé par une police armée pour avoir fait brûlé une plante. Mais il est aussi important de briser et d’aider les autres à briser toutes les autres lois absurdes.

Cette guerre qu’est l’État n’a jamais été une victoire ou une défaite complète. La résistance historique à la domination a inclus des communautés esclaves en fuite (connus comme marons) qui s’organisaient et attaquaient leurs anciens maîtres, des communautés autochtones engagées dans des luttes à long-terme contre les colonisateurs; des femmes, des personnes queers et trans qui s’organisent pour se défendre contre des attaques et vivant des vies joyeuses à la marge d’une société qui veut les détruire; des jeunes et des contre-cultures qui prennent leur liberté en main, des femmes qui prennent le contrôle de leurs corps et refusent la logique du patriarcat, des travailleurs qui sabotent la machinerie qui intensifie leur soumission à l’économie, et une multitude d’autres formes.

Cette résistance continue sous plusieurs formes aujourd’hui. Il est important d’aider les gens à traverser les frontières illégalement. Il est important de se battre contre le système carcéral. Et il est important de briser et de généraliser un mépris pour les lois de propriété qui nous empêchent de nous loger nous-mêmes, et qui nous forcent à garder des jobs qui nous broient. C’est important parce que nos vies et un respect de soi et des autres est en jeu.

Guerre totale contre le marché et les hiérarchies!

Pot libre, vies libres et terres libres pour tous.tes!