Montréal Contre-information
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Juin 072020
 

De Contrepoints

1. Rien ne justifie la violence policière; qu’on fasse un jogging matinal, qu’on falsifie un billet de vingt ou qu’on brise les vitrines d’une bijouterie. Ce que l’état colonial détermine comme des crimes sont souvent des tentatives d’échapper à la pauvreté et aux violences systémiques ou alors le résultat de ces dernières. Nous prônons une justice réparatrice centrée sur les besoins et l’expérience des victimes, pas une justice punitive centrée sur des besoins commerciaux et étatiques. Celleux qui participent aux manifestations en reproduisant le discours de la classe dominante et en jouant à la police font le travail des oppresseurs.

2. Nous prônons la destitution de la police, car même quand elle n’assassine pas des personnes Noires et Autochtones en plein jour, elle maintient l’ordre social du capitalisme et de la suprématie blanche. Ce sont les policiers qui empêchent les personnes sans logement de dormir dans des condos vides, qui jettent à la rue les familles qui ne peuvent pas payer leur loyer exorbitant ou qui matraquent des migrantEs affaméEs cherchant un repas gratuit dans une chaîne d’épicerie possédée par des milliardaires.

3. C’est à nous et à nos communautés de développer des modes d’entraide autonomes qui rendraient la police obsolète. Ceci commence notamment par parler à nos voisinEs pour leur proposer notre assistance s’iels en ont besoin ou par apprendre et s’enseigner comment réagir quand nos proches sont aux prises avec une crise de santé mentale.

4. Le vandalisme politique gagne à être compris et la violence contre la propriété privée et matérielle est moralement justifiée face aux violences du pouvoir. Chaque vitrine représente une barrière entre nous et un monde qui nous est inaccessible. Elles représentent un paysage urbain construit pour subvenir aux besoins d’une économie qui nous empêche de nous loger et de nous nourrir décemment sans passer la majeure partie de nos journées à travailler. Les graffitis et les voitures de luxe qui brûlent marquent une interruption nécessaire de la violence normalisée et invisible du quotidien.

5. À celleux qui disent que les personnes Noires et racisées payent le prix de la révolte violente, nous répondons que nous payons le prix de chaque journée sans révolte violente. Une analyse historique des mouvements de libération témoigne de la nécessité d’un revirement de la balance de pouvoir, incarnée par la menace d’une insurrection permanente. Si nos pleurs suffisaient à ce que nos oppresseurs nous laissent vivre, nous ne sentirions plus la pression de leur genou sur notre gorge depuis bien longtemps.

6. L’écoute et l’amplification sélective des discours des personnes Noires modérées, dépolitisées ou bourgeoises est une forme de racisme insidieuse permettant aux personnes non-NoirEs de performer un role d’alliéE confortable sans mettre en péril leurs privilèges. Les personnes blanches qui se préoccupent réellement de nos vies gagneraient à lire les révolutionnaires NoirEs et à s’informer sur les idéologies anarchistes et décoloniales radicales.

7. Le discours médiatique et policier voulant que le vandalisme de dimanche soir était une aventure séparée du reste de la manifestation docile n’est pas basé dans la connaissance de nos motifs. C’est un discours stratégique visant à affaiblir nos mouvements. Leur plus grande peur, c’est de nous voir réaliser que l’insurrection n’est pas l’objet de quelques groupes spécialisés mais plutôt la manifestation d’une colère populaire — puis qu’on se sache capables de recréer le 31 mai n’importe où, n’importe quand et avec n’importe qui.

8. Le discours voulant que seuls les « anarchistes blancs » ont participé à la révolte de dimanche est insultant aux manifestantEs NoirEs, Autochtones, et raciséEs qui ont tout risqué. Quiconque a affirmé cela ne nous a probablement pas accompagné dans la rue très longtemps passés les premiers coups de feu policiers. Après les deuxièmes et troisièmes rondes de lacrymogènes, la plupart des personnes blanchEs étaient parties en laissant derrière elles une foule de manifestantEs majoritairement NoirEs à l’est et à l’ouest de Saint-Urbain. De toute façon, les complices qui se battent à nos côtés sont touTEs appréciéEs, bien plus que celleux d’entre nous qui reproduisent des comportements policiers ou qui ne cherchent qu’à keep up with the Joneses dans le monde blanc — un monde qui nous étouffe. Leur réussite est un gage de persévérance individuelle mais jamais une victoire collective. Nous nous battons pour un monde entièrement différent.

9. Finalement, quand on crie « no justice, no peace », on le pense vraiment. On veut que les personnes qui peuvent habituellement se permettre d’exister dans l’ignorance de nos souffrances soient importunées. La nuit de dimanche dernier, alors qu’on courrait au son rythmé des éclats de vitrines et des matériaux de constructions rebondissants sur l’asphalte, on a eu l’impression pour un moment qu’on n’allait pas être ignoréEs. Pas de justice? Donc pas de paix.