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Si une fenêtre meurt dans la nuit, est-ce qu’elle fait du bruit?

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Mai 102025
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Une question flotte dans le milieu anarchiste depuis quelques temps. Quel est le rôle que doivent/peuvent jouer les manifestations dans la politique que nous menons?

Voici un point de vue situé sur la question.

Ma réflexion pourrait se résumer en un seul énoncé. Les manifestations ont un rôle à jouer dans l’élaboration d’un devenir révolutionnaire, mais c’est un rôle situé dans un contexte qui doit les dépasser. En d’autres mots, il faut arrêter de voir les manifestations comme une fin en soi et commencer à les réfléchir comme un outil. Un outil parmi tant d’autres qui nous sert à atteindre nos buts politiques.

L’enjeu réel derrière la question des manifestations est notre incapacité collective à déterminer nos objectifs politiques. Et c’est pourquoi il est si difficile de déterminer quel rôle devrait jouer celles-ci dans notre univers politique. À force d’être incapable d’imaginer et de matérialiser un devenir révolutionnaire, les manifestations ont fini par prendre toute la place de notre répertoire d’action politique. Nous n’avons plus qu’une seule idée en tête. Faire des manifestations, pour tenir tête à la police, briser une vitre et espérer inspirer par l’action de nouvelles camarades à se joindre à notre cause. Après plus de 15 ans de la reproduction de ce modus operandi, il est temps d’en admettre les limites. Force est que malgré la répétition continue de manifestations, et ce malgré le perfectionnement de la pratique de confrontation face à la police, notre milieu et nos idées politiques stagnent.

Il a été défendu que la solution face à cette stagnation était d’augmenter le nombre de participant.es présent.es dans nos manifestations. Par le nombre, nous serions en meilleure posture d’affronter la police. Mais cette hypothèse ne fait que rejouer la même pièce de théâtre de la politisation à travers la confrontation avec la police.

Et si c’était le contraire? Et si pour tenir tête à la police, il fallait d’abord et avant tout politiser les gens. Cette phrase paraît évidemment simple, mais je suis bien conscient qu’en elle compose un défi énorme. Est-bien malin celui ou celle qui a compris comment repositionner notre politique révolutionnaire dans le contexte politique actuel.

Sans avoir d’idées claires sur ce qu’il faut faire, voici humblement deux pistes de réflexion…

Hypothèse 1

Il faut recommencer à se poser la question du sens de nos actions et manifestations. Arrêter de les voir comme une finalité en soi, mais comme un outil parmi tant d’autres. Comment cette manifestation ou cette action se positionne dans notre stratégie à plus long terme? Qu’est-ce qu’on veut aller chercher avec celles-ci. Est-ce qu’on veut créer du lien? Est-ce qu’on veut favoriser un sentiment de victoire et de joie? Est-ce qu’on veut favoriser la confrontation (qui n’est évidemment pas anti-éthique à un sentiment de joie!)

Une action peut être utile de mille et une manières dans l’avancée des luttes révolutionnaires et il est important selon moi de sortir de la réflexion en silo qui fait de la manifestation un lieu automatique de confrontation face à l’État. J’aime 100 fois mieux une manifestation joyeuse et non confrontationnelle qui nous ferait gagner en puissance et qui nous mènerait éventuellement à une lutte victorieuse que le sentiment d’urgence de devoir attaquer l’État ici et maintenant à tout moment. En d’autres mots, cherchons la confrontation avec l’État, car c’est souvent celle-ci qui permet la radicalisation d’un mouvement, mais pas n’importe quand et à n’importe quel prix.

Hypothèse 2

Augmenter notre nombre et notre force collective dans les manifestations et dans nos luttes en général implique de réfléchir à des façons d’impliquer des gens en dehors de nos milieux.

La meilleure expérience que je connais pour expliciter cette idée m’a été relatée par des militant.es de Chicago et me semble intéressante à rapporter ici pour nous en inspirer.

En 2012, la ville de Chicago a été désignée pour accueillir un sommet de l’OTAN. Dans la tradition des contre-sommets, les anarchistes locaux ont décidé de s’organiser pour perturber l’événement. Mais une question s’est rapidement imposée. Comment, avec leur nombre limité de militant.es, ne pas se faire casser la gueule par la police?
La réponse à cette question : en faisant en sorte qu’il soit impossible pour la police de leur taper dessus, en ayant une image positive auprès de la population du quartier dans lequel se tiendrait le sommet. Le moyen d’arriver à leur fin : organiser durant environ un an un marché illégal dans un parc d’un quartier populaire de leur ville.

L’idée était de créer un espace agréable et utile pour les résidents du quartier tout en sachant qu’éventuellement, de par l’absence de permis, il faudrait le défendre face à l’État qui voudrait l’arrêter. Durant l’année qui a précédé le sommet, ils ont donc tenu ce marché public qui était grandement apprécié et visité par les gens du quartier. Et comme prévu, éventuellement la ville a voulu intervenir et empêcher l’activité. Les résidents alliés aux anarchistes ont défendu physiquement le parc où se tenait la manifestation et ont tenu tête à la police.

Résultat, une fois le moment du contre-sommet venu, non seulement la police n’a pas pu attaquer en toute impunité les anarchistes car illes avaient acquis une excellente réputation dans le quartier, mais les résident.es allié.es se sont largement joints à la manifestation permettant ainsi aux anarchistes d’avoir une meilleure chance de perturber l’événement.

L’idée que je cherche à défendre à travers ces deux hypothèses est qu’il faut réfléchir au sens que l’on donne aux manifestations. À la fois dans leur rôle qu’elles peuvent jouer dans nos plans politiques, mais aussi au sens qui donnent envie aux gens de s’y joindre et de les défendre avec leur corps quand il est nécessaire. Car rien ne donne plus de force et de courage que de défendre quelque chose auquel on tient au plus profond de nous-mêmes.

David Barrette, le suprémaciste blanc… toujours protégé par son employeur

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Mai 092025
 

De Montréal Antifasciste

En août dernier, la publication de notre article sur le Frontenac Active Club semble avoir mis un frein important aux volontés d’expansion de ce groupe d’inspiration néonazie.

Martin Brouillette, de Rawdon, après s’être fait barrer l’entrée du gym où il s’entraînait, nous a contactés pour nous demander de retirer son nom de l’article… pour la sécurité de sa famille. Évidement, sa famille n’a jamais rien eu à craindre des antifascistes, et c’est seulement son propre militantisme suprémaciste blanc et ses nombreuses provocations sur les réseaux sociaux qui ont produit son sentiment d’insécurité. À ce jour, nous n’avons pas d’indice nous permettant de croire que Martin Brouillette poursuit ses activités néonazies… hormis le fait qu’il affiche encore fièrement ses tatouages fascistes sur son compte Facebook, avec ses enfants.

Les autres membres du groupe n’ont plus donné signe de vie, et les publications sur le compte Telegram de FAC se sont réduites, pour l’essentiel, à la republication du contenu généré par d’autres groupes du réseau Active Club international et d’autres affiliés néonazis du Canada anglais.  Dernière mention en date : des membres du FAC auraient participé à la plus récente action de visibilité du réseau nationaliste blanc (néonazi) formé autour du groupuscule Nationalist-13, à Toronto, le 3 mai dernier, avec une trentaine d’acolytes de la région et d’ailleurs au Canada.

Quant à celui qui faisait office de leader du groupe, Raphaël Dinucci, de Laval, il n’a pas immédiatement réagi à l’article, mais le changement de leadership au sein du FAC s’est poursuivi, et il s’est progressivement effacé du portrait pour laisser la place à Shawn Beauvais MacDonald. On ne présente plus ce dernier, sulfureux personnage qui s’est illustré dans les dernières années en participant à tous les projets néonazis québécois (Alt Right Montréal, Atalante, White Lives Matter, etc.) et en participant largement à leur autodestruction!

Celui-ci a continué à faire ce qu’il fait le mieux, en dépit de son pseudo « FriendlyFash » : être une personne absolument détestable. On a pu, par exemple, le voir errer seul les fins de semaine sur l’avenue Mont-Royal ou le boulevard Saint-Laurent, portant des vêtements ostentatoires à la gloire d’Adolf Hitler, faisant semblant de lire en terrasse et attendant des provocations antifascistes qui ne viennent pas (nous ne sommes pas complètement idiot·es). Seul, il ne l’a pas toujours été, puisqu’il a durant quelques mois pris sous son aile la très jeune et raciste Sandrine Girardot (dont nous avons déjà parlé) en l’hebergeant chez lui. Il semble, au vu de récentes publications, que le militant neonazi de 40 ans se soit finalement conduit avec la jeune Girardot (24 ans) comme l’ordure et le prédateur qu’il est.

Mais venons-en au principal objet de cet article : David Barrette, de Saint-Jean-sur-Richelieu.

Contrairement aux autres membres du Frontenac Active Club, que la discrétion en ligne caractérise (à l’exception notable de Beauvais-MacDonald), David Barrette a plutôt tendance à repousser les limites de l’expression ordurière avec ses discours haineux en ligne. Il fait l’éloge d’Hitler, compare la forme des crânes de différentes « races » en fonction de leur intelligence et se moque des meurtres de personnes racisées aux mains de la police; rien n’est trop raciste (ou même trop nazi) pour Barrette. Les normes de modération de Facebook étant désormais pratiquement inexistantes, Barrette est libre d’y publier quotidiennement ses élucubrations nazies sans aucune répercussion.

Il est également clair que la police et les tribunaux au Québec ne sont pas vraiment intéressés à combattre les discours haineux en ligne. Qu’on en prenne pour preuve leur inaction totale devant des infractions claires et répétées, ou le pitoyable bâclage de l’affaire contre Gabriel Sohier Chaput, alias « Zeiger ». Au risque de nous répéter, il est à nouveau évident que c’est à la communauté dans son ensemble qu’incombe la responsabilité de lutter contre les marées montantes du racisme et du fascisme, qu’il s’agisse de personnes alignées sur l’antifascisme militant, ou de quiconque désire prendre des mesures concrètes.

Nous avons été choqués récemment de voir Barrette franchir un nouveau pas dans la violence en ligne. Dans un récent message, il a écrit : « Fuck your optics, I’m going in » [« Je me fous des apparences, je me lance »] – une référence claire à la phrase qu’a publié le tireur de la synagogue Tree of Life, à Pittsburgh, en octobre 2018, juste avant de tuer onze personnes de confession juive –, ce qui peut raisonnablement donner l’impression que Barrette est lui aussi sur le point de se lancer dans un massacre de même nature. Il a peu après fait suivre son message d’un « Je plaisante… », et le fait que rien ne se soit produit tend à confirmer qu’il « plaisantait » effectivement, mais ce type de « plaisanterie » (surtout venant d’un antisémite décomplexé comme Barrette) n’est pas à prendre à la légère.

Nous avons déjà établi dans notre dernier article que David Barrette est une menace constante pour nos communautés – il a attaqué un rassemblement pro-LGBTQ+, diffuse des discours haineux en ligne comme d’autres respirent, et il a des antécédents de violence documentés par son casier judiciaire (voir plus loin dans cet article) –, mais le fait de déclarer publiquement qu’il se prépare à commettre une fusillade de masse est clairement un drapeau rouge, peu importe qu’il « plaisante » ou non. Prédire les fusillades de masse est une tâche pratiquement impossible, de l’avis même des spécialistes en la matière, mais nous pouvons au moins attester que Barrette présente un grand nombre de signaux d’alarme en ce qui a trait à ses opinions nazies extrêmes, et qu’il les a déjà mises en pratique en dehors du monde virtuel (que ce soit en s’organisant avec le Frontenac Active Club ou en attaquant physiquement des personnes LGBTQ+ lors d’une manifestation). Nous pensons que la collectivité doit être informée de cette affaire et la prendre très au sérieux, mais il nous apparaît particulièrement important de la signaler à son employeur, l’entreprise GloboTech Communications (ou plus simplement Globo.tech).

Barrette est très prolifique sur la plateforme de clavardage IRC, où lui et quelques autres minables passent leurs journées à dire de la merde absolue, ou dans le cas de Barrette, à parler de son amour pour Hitler et de sa haine des personnes racisées et LGBTQ+. À un moment donné, il mentionne : « j’ai un collègue arabe et je l’aime bien »… On ne peut qu’imaginer à quel point cette relation de travail doit être intense. D’autant plus qu’à un autre moment, il dit : « jparle avec des juives, des noires, des arabes… »… « jleur dit ouvertement que le but c’est de deporter (des) millions de personnes comme eu » (sic). Et croyez-le ou non, c’est l’une de ses réflexions les plus cohérentes, parmi les divagations d’un nazi halluciné qui se nourrit de haine.

Un petit répit comique est venu interrompre ce flot incessant de haine sur IRC, le mois dernier, lorsque Barrette a accidentellement publié une photo de sa bite dans le clavardoir du groupe #montreal — et les réactions étaient impayables :

Nous savons que plusieurs personnes préoccupées et se sentant concernées par la lutte contre les idées haineuses ont contacté Globotech, l’entreprise qui emploie David Barrette. Étrangement, cette entreprise semble insister pour protéger le néonazi : aussitôt que son nom est mentionné, que ce soit au téléphone, par courriel ou par le service de clavardage, les représentant·es de l’entreprise n’ont soudainement plus rien à dire.

Récemment, des camarades nous ont informé·es du lourd dossier criminel de David Barrette, pour des faits qui laissent présumer que le principal intéressé pourrait avoir un profil de récidiviste violent. Un survol de son dossier criminel nous montre qu’il a été déclaré coupable de menaces de mort ou d’avoir causé des lésions, de menace de brûler ou d’endommager des biens, de complot, de non-respect de probation…

À propos des multiples noms de domaines gérés par Barrette (nous avons déjà établi que les domaines national-socialists.club et freespeech.club lui appartiennent) nous ne sommes pas en mesure de prouver qu’ils sont hébergés chez GloboTech, puisqu’ils sont cachés derrière Cloudflare.

Toutefois, nous avons découvert une chose très intéressante dans les enregistrements MX (Mail eXchange, une liste de serveurs qui ont le droit d’envoyer des courriels pour le compte d’un nom de domaine). En effet, Barrette avait inclus une des adresses IP de Globo.tech dans la liste des serveurs acceptés pour freespeech.club et national-socialists.club. Seuls les administrateurs de GloboTech peuvent savoir si les sites web (dont l’un est clairement à caractère nazi) sont hébergés sur leurs serveurs, mais les enregistrements MX montrent que Barrette avait au minimum l’intention d’utiliser les serveurs de Globo.tech pour envoyer des courriels à partir de ses sites.

Les responsables de Globo.tech semblent penser qu’illes peuvent rester neutres dans la situation actuelle, mais la neutralité n’existe pas, et encore moins lorsqu’elle sert à protéger un nazi qui attaque des manifestations LGBTQ+, propage la haine sur Internet et fait au passage allusion à des tueries de masse.

Et lorsque GloboTech protège David Barrette, l’entreprise elle-même en devient malheureusement complice, d’autant plus si par son inaction, elle lui permet d’utiliser ses ressources pour diffuser de la haine.

GloboTech ne peut pas faire l’autruche plus longtemps.

L’enfer est brun, l’enfer est rouge : le « communisme » dévoyé de l’ASLN rencontre le nationalisme ethnique de Nouvelle Alliance

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Mai 032025
 

De Montréal Antifasciste

[Collaboration avec Québec Antifasciste et le Collectif Emma Goldman.]

En février dernier, la page FB Poubelle Alliance, qui se donne un malin plaisir à satiriser le groupuscule identitaire Nouvelle Alliance (NA), dont nous avons souvent parlé (notamment ici et ici), révélait de présumés liens naissants entre ce dernier et l’Action socialiste de libération nationale (ASLN, anciennement, le Parti communiste du Québec).

Nous savions déjà que cette formation marginale appartient à un segment de la gauche qui ne nous charme pas tant : ringarde et poussiéreuse dans ses idées, nationaliste, antiwoke (c’est-à-dire, en langage clair, réactionnaire) et, fidèle à la tradition rouge-brune, complaisante envers des régimes autocratiques. (Après avoir quitté Québec Solidaire pour appuyer le Parti québécois des « camarades » Péladeau et Lisée – voir « Le Parti communiste appuie… le PQ » [Le Journal de Québec, 2018]; « Des communistes séduits par PKP » [La Presse, 2014] – , l’aile jeunesse du parti aurait été séduite par les sirènes du stalinisme, notamment en réhabilitant Enver Hoaxa, qui fut le premier ministre de l’Albanie pendant plus de quarante ans, et le dictateur roumain Nicolae Ceausescu.)

Un rapide coup d’œil au site internet et aux communications récentes de l’ASLN (dont des tentatives de mèmes qu’on ne pourrait décrire autrement que comme ultrapoches) suffit à révéler le caractère profondément cringe de cette bébitte, à la fois sur le fond et dans la forme.

Folklorique galerie de portraits mise en évidence lors d’un « camp de formation » de l’ASLN, en février dernier. On reconnaît à droite le toujours actuel et pertinent Joseph Staline. Yikes.
Un échantillon de la mémétique avant-gardiste de l’ASLN.

La nature exacte des liens entre l’ASLN et Nouvelle Alliance restait à définir, mais plusieurs indices tendaient à en valider l’hypothèse. Il est a priori pour le moins étrange qu’une formation qui se veut de gauche, tout réactionnaire soit-elle, tende littéralement la main à des militants situés à l’extrême droite de l’échiquier politique sur la base d’une aspiration commune à l’indépendance du Québec, mais nous avons désormais la preuve tangible de ce rapprochement.

Le 24 mars dernier, l’ASLN a mis en ligne une invitation à un « Colloque des patriotes » devant avoir lieu à Desbiens, au Saguenay-Lac-Saint-Jean, les 3 et 4 mai prochain, au programme duquel figure un « débat » entre les « chefs » de l’ASLN et ceux de Nouvelle Alliance. S’en est suivi une série de publication sur TikTok et Instagram où Billy Savoie, le « chef » de l’ASLN, fait la promotion de l’événement et du débat en question, en promettant notamment de confronter les militants de Nouvelle Alliance sur leurs « niaiseries ». Et d’autres mots concernant de la tourtière et des œufs cuits durs.

Nous persistons pour notre part dans la conviction qu’ouvrir le débat avec des ethnonationalistes revient à les légitimer, et que cette ouverture à leur égard est en réalité un signe d’ouverture à leurs propositions toxiques.

De plus, il est permis de se demander si l’ASLN porte réellement des positions susceptibles de remettre en question les « niaiseries » de Nouvelle Alliance ou de créer un « débat » un tant soit peu intéressant ou pertinent. (Spoiler alert : nos attentes sont basses.) Voici à ce propos la réponse éclairante de Billy Savoie à un message laissé sous la publication faisant l’annonce du colloque :

Le « chef » de l’ASLN, Billy Savoie, explique ici à un internaute que le communisme de son organisation n’est pas d’extrême gauche… On ne peut qu’approuver.

Nationalistes antiwokes, se défendant d’être réactionnaires en mettant de l’avant des personnes de couleur tokenisées… jusque là, la différence avec Nouvelle Alliance paraît assez mince. Fans du Parti Québécois, catholaïques et opposés à « l’immigration massive », on dirait plutôt que la communiste ASLN cherche à rivaliser de régressisme avec Nouvelle Alliance pour se tailler un créneau sur l’échiquier nationaliste/indépendantiste… mais drapée de rouge.

Vouloir nationaliser les multinationales – si elles sont étrangères – et encourager les PME – si et seulement si elles sont marquées du sceau national – c’est plus ou moins cohérent dans une authentique perspective communiste, pour un ensemble de raisons assez évidentes. Le communisme sans l’abolition des systèmes oppressifs, c’est déjà un communisme dévoyé, mais se déclarer communistes ET nationalistes, tout en proposant des politiques sociales plus ou moins identiques à un groupuscule d’extrême droite, ça devient carrément du rouge-brunisme toxique.

En l’occurrence, l’Action socialiste de libération nationale semble surtout jouer le jeu de Nouvelle Alliance en légitimant leur démarche et en leur donnant une plateforme supplémentaire pour faire valoir leur vision étriquée de la nation canadienne-française.

NA s’est toujours prétendue ni de droite ni de gauche, malgré sa plateforme clairement réactionnaire et la horde de ses sympathisants fascisants, quasi-fascistes et full-blown fascistes! En donnant la parole à ces militants logés à l’extrême droite, quoi qu’en en disent ses « chefs », l’ASLN semble se fendre en quatre pour amplifier leur message.

Quant à NA, elle se retrouve ici avec les seuls confus (c’est le moins qu’on puisse dire) qui acceptent encore de leur parler.

Avec cette dérive évidente, l’ASLN perd des plumes; ses militants sont persona non grata dans les milieux indépendantistes, et certains des initiateurs du groupe n’apparaissent plus dans leurs publications.

Est-ce que devenir chummy-chummy avec l’extrême droite aurait pu créer des tensions au sein d’une formation théoriquement de gauche? Qui sait, peut-être que les autres membres de leur exécutif comprendront à qui profite vraiment ce rapprochement grotesque…

Un des « chefs » de l’ASLN, Sébastien Paquette, sympathise avec le « chef » de Nouvelle Alliance, François Gervais.

Bonus track :

Billy Savoie, qui est semble-t-il enseignant au secondaire, donne à lire à ses étudiant·es de secondaire 5 un livre d’Alexandre Dougine, qui est tristement connu pour être la conscience idéologique de Vladimir Poutine, et pour être le fondateur du mouvement National-Bolchévique. Et la la.

Libérons la bouffe

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Mai 022025
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Hochelaga, 30 avril, 21h

Ce soir, des gens ont fait de l’entraide combative. La bouffe devrait être gratuite, comme tous les biens essentiels. Le fléau du capitalisme a fait en sorte que les essentiels comme la nourriture et le logement soient des choses à gagner plutôt que des besoins de base inaliénables.

Aujourd’hui, nous rendons la nourriture gratuite à notre façon en libérant la subsistance pour la redistribuer dans la communauté. Et nous le ferons à nouveau. L’appareil d’État pourrait essayer de nous en empêcher et en le faisant, montrer ses vraies couleurs. Le gouvernement et les intérêts corporatifs qu’il sert ne sont pas vos amis. Ils vous laisseront mourir de faim plutôt que sacrifier leurs intérêts. Mangez librement!

Blocage de Stablex. Nous ne laisserons pas des déchets de la société comme François Legault détruire le vivant. Le 1er mai 2025 à Blainville.

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Mai 022025
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

À l’aube, nous avons bloqué l’accès au site de Stablex. Cette entreprise incarne la fuite en avant toxique d’un système mortifère, car elle traite, dissimule et rend invisibles les déchets les plus dangereux de l’industrie lui permettant de continuer à dévaster la planète.

Stablex est une façade verte pour un monde en ruine. Elle ne protège rien ; elle perpétue l’empoisonnement des terres, de l’eau, de nos corps. Elle fait partie d’un système écocidaire, colonial, patriarcal, qui sacrifie le vivant pour la croissance et le profit d’une minorité.

Nous ne demandons plus, nous agissons.

Les gouvernements et autres institutions de l’État ont toujours servi les intérêts de la minorité riche. La résistance populaire est le seul moyen de sauvegarder les conditions essentielles à la vie sur Terre.
Nous n’attendrons rien des responsables de cette destruction.

Le gouvernement de François Legault a prouvé une fois de plus qu’il est au service des riches comme Bill Gates, président du consortium qui détient Stablex, en faisant passer sa loi spéciale sous bâillon.

Nous bloquons pour vivre.

Nous bloquons pour que le vivant ne soit plus piétiné.

Nous bloquons parce qu’il n’y a plus de temps à perdre.

Nous exigeons :
– L’arrêt immédiat de toutes les activités polluantes et toxiques de Stablex et de ses partenaires industriels ;
– La fin du mensonge de la « gestion des déchets » comme solution ;
– Un changement radical : sortir de l’économie de la mort, bâtir un monde juste, vivable et radicalement autre.

Ce n’est pas une action symbolique.

C’est un acte de survie.

Autodéfense populaire !

Cette action à lieu en territoire autochtone non cédé. Les violences du colonialisme qu’ielles subissent et les violations du territoire sont perpétrées partout sur la planète par des compagnies comme Stablex avec la complicité des gouvernements.

RADIO 2049, série de podcast francophone pour la rupture révolutionnaire

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Mai 022025
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Radio 2049. Des podcasts pour la révolution, sans transition, dans un esprit de rupture. Des émissions pour comprendre la période a travers ses crises, ses guerres, ses luttes et indéniablement sa perspective révolutionnaire.

Enregistré au Loukanikos, un local politique ouvert à tous les prols révoltés qui veulent s’organiser au sein des luttes, contre ce qui fait ce monde et ceux qui le défendent, les gestionnaires de la misère et les publicitaire de cette vaste escroquerie qu’est le capitalisme.

Construire le communisme ne sera possible que par une révolution sans frontières qui abolira toutes les classes !

radio2049@riseup.net

https://www.youtube.com/@radio2k49
https://open.spotify.com/show/7x6u9iZJ20ORGIfMqdENg2

La série d’émissions la guerre et son refus :

L’invasion de l’Ukraine en février 2022 ouvre une nouvelle ère, la guerre de haute intensité revient sur les devants de la scène. Les relations inter-capitalistes de plus en plus tendues ont accouché d’un conflit impliquant les grandes puissances de la planète. Depuis, les tensions ne font que s’accroître, pour l’accès aux ressources, aux marchés et à la main d’œuvre. Les massacres et les destructions s’étendent dans des proportions apocalyptiques à la Palestine mais aussi au Congo, au Soudan… Partout on prépare les cœurs et les esprits au carnage. La guerre qui s’étend est hybride : sociale, commerciale, technologique et militaire.

Dans cette série nous nous intéressons aux mécaniques de la guerre moderne et surtout aux formes de refus et de résistance qui apparaissent dans les populations.

Episode 1 : La désertion envahie l’Ukraine

Première diffusion le 20 octobre 2024

Pour ce tout premier Podcast nous vous proposons une lecture du texte :
« Catastrophe pour certains, salut pour d’autres : la désertion inonde l’Ukraine », publié le 22 septembre 2024 par le collectif anarchiste « Assembly » de Kharkiv (Ukraine).

Ces derniers effectuent un travail d’enquête et d’analyse de la situation sur place et des perspectives de lutte. Ils disposent de contacts en Ukraine comme en Russie.

Leurs publications sont disponible sur les sites suivants :
En Russe sur : https://assembly.org.ua/
En Anglais sur : https://libcom.org/tags/assemblyorgua

Episode 2 : La société Israélienne et la guerre

Première diffusion le 9 novembre 2024

Pour ce deuxième épisode de l’émission la guerre et son refus, on reçoit Martin BARZILAI auteur du livre « Refuzniks » récemment réédité en version augmentée aux éditions Libertalia, pour parler de la la société Israelienne, de son état de guerre permanant et des formes d’oppositions à celle-ci. Ainsi que de l’évolution de la situation depuis le 07 octobre. Dans un second temps on poursuit sur les perspectives d’évolution du conflit Israelo-palestinien d’un point de vue de classe.

https://editionslibertalia.com/catalogue/orient-xxi/martin-barzilai-nous-refusons

Episode 3 : Defaitisme en Ukraine.

Partie 1 : Des nouvelles du front ; Partie 2 : et après ?

Première diffusion le 22 novembre 2024

Depuis des mois des soldats de plus en plus nombreux refusent de combattre ou désertent le front et les casernes. Le pouvoir aux abois rafle les hommes en âge de combattre dans les rues au point d’empêcher le fonctionnement d’une économie déjà agonisante. La population s’en prend aux recruteurs et aux institutions militaires. Tout ces faits sont en constante augmentation. Que se passe t’il en Ukraine ? Il y a t’il d’autres perspectives que la guerre et l’écrasement ? C’est ce que nous allons essayer de décortiquer au court de ce nouvel épisode, séparé en deux parties. Pour son élaboration en plus de diverses recherches, nous nous sommes appuyés sur les matériaux suivant :

Les derniers textes du groupe anarchiste de Kharkov (Ukraine) Assembly, écrits sous les bombes à partir de nombreux témoignages et analyses.
Disponible dans leurs versions originales ici : https://assembly.org.ua
Sous forme de compilation en anglais ici : https://libcom.org/tags/assemblyorgua
Le texte «Précisions sur le défaitisme révolutionnaire» du groupe espagnol Proletarios Internationnalistas, qui malgré une prose assez lourde nous offre une grille de lecture pertinente pour comprendre l’action du prolétariat en temps de guerre.
Disponible ici : https://www.autistici.org/tridnivalka/pi-precisions-sur-le-defaitisme-revolutionnaire/

Episode 4 : HARASS THE BRASS

Première diffusion le 28 janvier 2025

Retour vers le mouvement des GI contre la guerre (1969-1972) avec la mise en son de deux textes :

1. « Harass the brass: some notes toward the subversion of the US armed forces » (extrait traduit) https://libcom.org/article/harass-brass-some-notes-toward-subversion-us-armed-forces
2. « On ne marche plus : la révolte des GIs au Vietnam », un récit de Dave Blalock. » https://files.libcom.org/files/1967-1973GIresistanceinVietnam-apersonalaccount.pdf

La série de mémoire des luttes, Irak 1991 une insurrection oubliée :
(émission en cours de montage sortie tout les dimanche à partir de 27 avril 2025, dernier épisode disponible le 08 juin 2025)

Lors de la première guerre du golfe, les soldats Irakiens épuisés par la guerre refusent de combattre face à la coalition internationale et désertent en masse. A l’arrière les civils excédés par les pénuries et les destructions commencent à manifester contre le régime de Saddam Hussein. En quelques jours la rencontre des soldats déserteurs et des manifestants donnera lieu à une immense insurrection populaire à travers tout le pays.

Émission chapitrée en 7 épisodes d’une quinzaine de minutes

Chapitre 1 : La guerre

L’invasion du Koweït par Saddam Hussein déclenche une méga opération internationale contre l’Irak conduite par la toute-puissance américaine, en pleine dislocation du bloc de l’Est cet évènement ouvre une nouvelle ère du capitalisme, dont nous vivons actuellement le délitement.
L’Irak va subir le déluge de feu de la coalition qui fera l’étalage outrancier de sa puissance militaire. Les soldats comme les civils irakiens se retrouvent en première ligne d’un conflit asymétrique et démesuré où ils n’ont plus rien à gagner.

Chapitre 2 : La désertion envahie le sud

Après 1 mois de bombardement intensif la coalition lance l’assaut terrestre. Des milliers de soldats irakiens désertent, ils abandonnent en masse leurs positions, pour rejoigne la ville portuaire de Bassora ou une révolte viens d’éclater…

Chapitre 3 : Souleimaniyé : les prémices du soulèvement

Zoom sur la ville de Souleymaniyé, dans la région kurde de l’Irak où la révolte gronde : de tous les cotés on se prépare aux combats…
Les témoignages sont issus des brochures « Notes additionnelles à propos de l’insurrection de mars 1991 », GCI 1996, et « Kurdish Upperising 1991 » parue à Londres en septembre 1991, ils ne reflètent pas nécessairement le point de vue des publications ou des auteurs du présent épisode.Mais apportent des éléments essentiels pour comprendre le déroulée des événements.

Chapitre 4 : L’insurrection et la chute des baasistes

Le 07 avril 1991 aux alentours de 8h de matin, les premiers affrontements éclatent, la ville de Souleymanié se soulève…

Les témoignages sont issus de la brochures « Kurdish Upperising 1991 » parue à Londres en septembre 1991, ils ne reflètent pas nécessairement le point de vue de cette publications ou des auteurs du présent épisode.Mais apportent des éléments essentiels pour comprendre le déroulée des événements.

Chapitre 5 : Les Shoras, l’organisation de la lutte

Dans tout moment de lutte intense, le prolétariat crée de nouvelles formes d’organisation pour répondre aux problèmes immédiats auxquels il fait face, de la lutte armée au ravitaillement en passant par les soins. Mais c’est aussi au sein de ces organisations que se confrontes les différentes tendances du mouvement. En 1991, dans le Kurdistan irakien insurgé, on appelle ces organisations les Shoras, c’est-à-dire les « conseils ».

Les témoignages sont issus de la brochure « Kurdish Upperising 1991 » parue à Londres en septembre 1991, ils ne reflètent pas nécessairement le point de vue de cette publications ou des auteurs du présent épisode.Mais apportent des éléments essentiels pour comprendre le déroulée des événements.

Chapite 6 : Les bourgeoisies collaborent contre le prolétariat

La répression s’abat de toutes parts sur le mouvement insurrectionnel. Les classes dirigeantes kurdes, baasistes et occidentales, ennemies d’hier, s’unissent dans leur effort pour écraser l’insurrection. Dès lors que le prolétariat se soulève les capitalistes mettent leurs différends de côté pour faire front commun contre leur ennemi principal : le prolétariat insurgé.

Les témoignages sont issus de la brochure « Kurdish Upperising 1991 » parue à Londres en septembre 1991, ils ne reflètent pas nécessairement le point de vue de cette publications ou des auteurs du présent épisode.Mais apportent des éléments essentiels pour comprendre le déroulée des événements.

Chapitre 7 : Le fil rouge de l’histoire

La répression a eu raison de l’insurrection irakienne de 1991, mais elle n’a pas mis fin à la lutte des classes et à la résistance du prolétariat contre l’exploitation en Irak. Comme partout ailleurs dans le monde, celles-ci se poursuivent jusqu’à aujourd’hui.

Pour l’épuisement et l’éparpillement. Brève d’anticipation suivie du répondeur.

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Avr 282025
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Il faut toujours voir au-delà, prendre tout pour une fenêtre.
– R.G. 1950

Qu’on l’annonce froid ou chaud, mai fera des épuisé-es et des éparpillé-es. Par vingt-milles groupes signal, en suivant le calendrier infini ou par l’angoisse, on s’épuise, on s’éparpille: tout ça c’est dans l’air du temps.

Au camp Al-Aqsa, une militante m’avait confié ne pas comprendre cette tendance répandue de se plaindre d’être fatigué-e en début de réunion. Être épuisé-e avant même que ça commence? C’est curieux, démotivant – geignard qu’elle disait. Mais l’épuisement peut avoir sa place. Il sonne l’alarme : faisons un repli stratégique! Or, lorsque ce sentiment se fait rengaine et défaite, lorsque que nous réduisons notre participation à un acte de présence, ne nous étonnons pas de trouver répétition et échecs dans tout ce que nous entreprenons.

En privé, un ami-toujours-frustré me disait ne plus vouloir rien savoir des groupes et des comités. Envahi par le sentiment d’être sollicité, il avait développé une phobie des chapeaux. Il pestait devant la démultiplication des réunions : «Occupez vous donc de bien faire vos affaires pour commencer !»

Retour à la case départ : le repli contre l’éparpillement. En face, l’éparpillement comme agitation contre la torpeur: je fais plein de choses, je ne suis donc plus épuisé-e!

Cyclones et anti-cyclones de la fin de printemps, du mois à venir: mois de l’anarchie et des vacances pour les un-es, sueurs et clients pour les autres. Dans tous les cas, l’éparpillement sera l’inverse nécessaire de l’épuisement: un beau système.

Bien que les phénomènes météorologiques soient fascinants, il est lassant d’en rester aux systèmes chaotiques ayant des lois connues. Pourquoi ne pas chercher les failles dans d’autres épuisements et vers d’autres éparpillements? Par moments d’effervescence collective, la métaphore des batteries à recharger est provisoirement remplacée. On en vient à croire aux machines perpétuelles. L’épuisement qui suit la longue journée de GGI après avoir couru partout, mais que ça en valait la peine, il est enivrant. Les journées où on a pas assez dormi, mais qu’on traverse en trouvant un second souffle, ça aussi c’est une forme d’épuisement. Et l’éparpillement dans l’émeute ou durant de longues discussions avec des camarades qu’on apprend à connaître? Le moment où on se lance partout après avoir commencé l’occupation, n’est-ce pas beau aussi l’éparpillement ?

Il faut s’arrêter ici sans quoi on retrouve Stakhanov ou le mythe des ressources infinies. Tout ça pour dire, si nous allons nécessairement tous et toutes à l’épuisement et à l’éparpillement, certaines de ces inclinaisons nous conduisent aussi sur le chemin des énergies inattendues, des second souffles. Il est donc important de choisir et de chérir quand on se dépense, cela devrait en valoir la peine. Épuisement et éparpillement ne devraient pas être les mots des défaites qui nous excusent.

Soyons honnêtes : nos victoires seront épuisantes et nous n’en sortirons pas en un morceau.

– Maulwurf

* * *

Le répondeur.

Y’a ben des mots qui grouillent dedans, malgré l’été qui fait son smatte…

Lors de la dernière brève, j’ai étiré le format, si bien qu’elle ne l’était plus tout à fait, brève. Pour continuer entre l’agir et les mots, dois-je éviter le pré-texte des réponses? En même temps, j’aime bien vous lire. Puis, c’est malpoli de se laisser sur seen entre gens de l’écriture.

Peut-être faudrait-il des échanges courriels, un forum, une case postale, une boîte vocale ? Ma solution temporaire: vous laisser des messages.

Cher Charles I,

Le plagiat est nécessaire, notre progrès l’implique, mais seulement s’il est capable de serrer de près une idée approximative pour la remplacer par une idée juste. Le détournement n’est pas la citation, ce n’est pas l’autorité conférée à des paroles du simple fait qu’elle sont celles qui se disent d’un(e) (h)auteur. Nous avons connu, nous connaissons encore, la tentation de ne pas se mouiller en disant des banalités comme la tentation de parler depuis le canon, le Parti, qui est l’exemple inverse. C’est aussi ça l’opposition stérile entre activisme et militantisme. Alors, qu’est-ce qui t’appelles lorsque t’écris ici ?

Au nouveau variant, H2N2

J’aime ton nouveau style, moins de détours, moins d’effets spéciaux. Des désaccords subsistent mais je trouverai une autre façon de te rejoindre. Un échange épistolaire? J’attend toutefois – sans précipitation – réponse à la question suivante : que faire face aux gens qui accolent une identité à ton corps révolutionnaire, qui le nomment dans une identité et l’y réduisent ? Ton idée du corps, j’y vois un cadre théorique, une injonction à regarder ce qui se fait ou une éthique, mais je ne vois pas comment la construction langagière que tu proposes pourrait autre chose qu’un usage métaphorique. S’il échoue à nommer sa position, si le mot se fige en une énième identité, doit-on avouer notre échec ou simplement proposer d’autres synonymes : nébuleuse révolutionnaire, rhizome destituant, fractale insurrectionnelle ? Je connais bien le dictionnaire si t’en a besoin.

Another Fragment, Comrade!

I must praise the tone, the metaphors. A fine piece, quite sharp. Should you not break the pen right now, after such a short use, I would love to hear the words that follow the deed and the words that attack the glow of theory. Writing is a neat technology, a necessary mediation in my life. It’s a practical way to prepare myself to have better conversation, because often when I tried to have conversation face to face, I ended up forgetting what I wanted to say, doing the same mistakes or wasting our meeting time. Words are far from a substitute to action, but being an old mole, I need my time, my pen and paper. En t’écrivant, j’essaie d’«avoir un argument», mais il me faut traduire mes pensées. En ce sens, l’écrit est comme un post-it – à jeter ou à conserver –, il m’aide à me rappeler d’éviter les mots du quotidien qui sont en travers de ma bouche quand je parle, surtout entre les langues.

Pour continuer sur la question des manifestations montréalaises

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Avr 252025
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Dans les dernières semaines, Montréal Contre-info a permi de relayer des textes de réflexion stratégique qui ont suscité plusieurs discussions animées autour de nous. Signe de la vitalité montréalaise, nous ne pouvons que nous réjouir de cet élan. Les passions font vivre, la stratégie les fait seulement durer. Parmis ces textes, deux en particulier proposent une analyse de la situation des manifestations des derniers mois à Montréal et témoignent d’un sérieux désir de se pencher sur les pratiques actuelles du milieu révolutionnaire (à défaut de pouvoir lui donner une appelation plus consistante comme mouvement ou camp). Quand on est nombreux.se.s, on fait ce qu’on veut et le Commentaire qui lui répond marquent tous deux plusieurs points intéressants, mais semblent tout de même manquer le pas sur un certain nombre d’éléments. Nous aimerions, en quelques mots, présenter notre analyse qui donne à la fois raison et tort aux deux textes de différentes manières. 

Pour commencer, la référence aux événements insurrectionnels des dernières années à l’échelle internationale (Gilets Jaunes, George Floyd, l’Estallido Social chilien) nous semble être, dans les deux textes, le point sur lequel notre analyse diffère le plus. Cet élément intervient ici en premier lieu, non pas parce qu’une analyse de la conjoncture mondiale devrait être première, mais parce que les problèmes qui s’y manifestent sont exemplaires. Dans le premier texte, on peut lire que ces mouvements sont l’illustration du principe que le travail révolutionnaire doit consister dans la massification car, dans la confrontation avec l’État, c’est le nombre qui est l’élément le plus déterminant : « C’est ce travail qui devrait, dans la situation présente, être la priorité absolue de la majorité des militant.e.s révolutionnaires qui constatent avec nous la nécessité vitale d’élargir nos rangs pour constituer une puissance autonome massive réellement menaçante pour l’État. » Si on arrive encore à se tenir calmes quand les vétérans de la sociale-démocratie de rue nous répètent que 2012 a seulement été possible grâce à plusieurs années de « mob dans les cégeps », on devrait par contre  s’épargner le mensonge voulant que les situations similaires à celles mentionnées plus haut pourraient être le résultat d’un travail de massification tel que celui décrit dans le texte.

C’est d’ailleurs ce que le deuxième texte reproche au premier: « les auteurs oublient que ces mouvements ne sont pas le fait d’organisations de masse, mais bien de mouvements non médiés et somme toute spontanés (au sens d’Henri Simon, c’est-à-dire en contraste avec l’organisation volontaire). » On peut, non sans quelques grincements de dents, passer sur l’affirmation que « ce sont les contradictions sociales elles-mêmes qui sont productrices de luttes et non une bande d’évangélistes de la révolution qui convaincraient un à un des prolétaires trop abêtis par le capitalisme », il faut en revanche se méfier de la conclusion voulant qu’« en dernière instance, les révolutionnaires, ce sont ceux qui font la révolution ». Soyons clairs par rapport aux soulèvements mentionnés plus haut, plusieurs semaines, voire plusieurs mois d’insurrection à l’échelle d’un pays ne sont pas des révolutions. On peut le vouloir et se battre de toutes nos forces pour que de telles situations adviennent ici, mais il ne faut pas s’empêcher de les voir pour ce qu’elles sont : des insurrections qui ne se sont pas transformées en révolutions. Les groupes qui ont pris au sérieux ces échecs, au moins aux États-Unis et en France, ont entrepris de se poser à nouveau la question du Parti révolutionnaire: comment transformer une insurrection en révolution? Si les révolutionnaires sont ceux qui font la révolution, c’est qu’ils ne sont pas simplement là, à suivre la liesse insurgée, ils cherchent les moyens de faire monter d’un cran le bouleversement, le rendre irréversible.

Le problème que cet exemple vise à illustrer est le suivant : comment penser l’articulation entre l’organisation révolutionnaire (ceux qui pensent en général la question de la possibilité révolutionnaire), une situation politique qui manifeste des contradictions de toutes sortes (qui est extérieure à l’organisation révolutionnaire, mais sur laquelle celle-ci peut avoir une influence) et l’horizon révolutionnaire? Si la question à poser au sein de ce problème est bien celle des priorités, comme le proposent les auteurs de Quand…, la réponse ne se trouve assurément pas dans le fait de vouloir faire grossir les rangs des manifestations d’extrême-gauche, ni dans le fait de trouver ce qui convient le mieux « aux gens » qui seraient lassés de ces dernières : des revendications sociale-démocrates dans un langage populaire, des camps de formation qui font le commerce des identités politiques, des conférences sur les sujets de l’heure. D’un côté comme de l’autre on baigne dans le quantitatif le plus vide. C’est une chose que de se féliciter de proposer l’option la plus achetée, une autre de poser qu’il y a donc de la vérité dans le marketing.

Pour ce qui est du premier texte, donc, nous sommes sceptiques quant à la centralité accordée à « nos manifs », dont l’importance est déjà surdimensionnée dans la dynamique du milieu révolutionnaire. Cette fixation sur les manifestations venant de milieux radicaux est peut-être le reflet des dynamiques propres à la séquence dont nous sortons tout juste :  le mouvement pro-palestinien a été le théâtre d’une radicalisation très large, qui n’a cependant pas trouvé ses formes d’expression dans la plus longue partie de la séquence et dans ses espaces de lutte. Heureusement, la pulsion cherchant à monter le niveau a surgi avec force le 22 novembre et nous aurions tous voulu voir cette force à nouveau dans les dates subséquentes. L’intervention en manifestation et la pratique de l’émeute doivent rester des données centrales de notre orientation. Par contre, en l’absence d’une situation dans laquelle venir cliver (avec les tendances réformistes d’un mouvement par exemple), ou qui puisse se traduire en réel débordement (pas en un affrontement de quelques dizaines de personnes avec la police), cette pratique ne doit pas être fétichisée. L’opposition de chapelles entre les tenants des actions clandestines et des manifestations larges, de laquelle toute lecture du contexte est généralement évacuée, est complètement stérile. Une action ciblée peut trancher dans une situation politique en faisant apparaître des contradictions politiques profondes : le soutien pour les attentats dirigés vers le pouvoir qui ont précédé la révolution de 1917 en Russie (ou aux États-Unis dans nos années 20) révèlent un refus du monde à la fois radical et largement partagé, les sabotages contre les JO en France l’été dernier ont été menées dans un contexte de surveillance policière énorme, et ont réussi à faire signe alors qu’un silence de plomb régnait et que les manifestations étaient impossibles à envisager. La participation à l’antagonisme peut aussi être plus soudain, et l’organisation contre les évictions, celle en réponse aux meurtres policiers, ou celle contre l’aménagement intégral sont aussi des points de contact avec l’ennemi, et expriment un refus de lui laisser le champ libre. Dans tous ces contextes, on peut poser des gestes qui résonnent, auxquels on pourra se référer à l’avenir pour imaginer ce qui est possible, tout en cherchant le prochain dépassement.

Cependant, et sur ce point nous sommes plutôt du côté du premier texte que du second, la question de l’organisation politique des révolutionnaires doit être remise au centre des préoccupations. C’est à travers des formes d’organisation internes que l’élaboration stratégique et théorique peut avoir lieu. Elle doit donner lieu à des énoncés qui mettent de l’avant la possibilité révolutionnaire ainsi que ce à quoi elle s’affronte, une pensée de l’ennemi. L’auteur de Commentaire… dit que les révolutionnaires sont ceux qui font la révolution, nous disons que les révolutionnaires sont ceux qui prennent parti pour la révolution, avant, pendant, après elle. Les moments révolutionnaires et pré-révolutionnaires se caractérisent par une dilatation du « nous révolutionnaire », son élargissement fulgurant, l’apparition de nouveaux problèmes et des prises de positions hétérogènes à celles que les révolutionnaires tenaient jusque là, mais ce « nous » préexiste néanmoins à chaque nouvelle révolution. L’argument inverse est une lubie anhistorique.

Quelle devrait donc être la priorité d’un noyau révolutionnaire dans notre contexte?
 
Premièrement, il devrait chercher à combattre, dans le champ théorique, les perspectives réformistes qui s’énoncent actuellement, soit comme des sorties de crise, soit comme des manières d’habiter le monde en le laissant tranquille. Elles sont pléthores, y compris dans le « milieu révolutionnaire ». Un camp révolutionnaire ne peut pas se construire dans l’ambiguïté qui règne actuellement entre radicalisme, alternativisme, réforme et révolution. Il doit reprendre le terrain de la propagande, et ce faisant trouver des manières de parler de la situation dans des termes révolutionnaires. La polémique dans le champ intellectuel, dans les assemblées, les journaux muraux, la rédaction de textes publics ou clandestins, à l’intention des révolutionnaires, le débat sur les propositions de différents groupes, l’organisation d’espaces de discussion et de clarification des perspectives révolutionnaires sur des thèmes que nous jugeons être fondamentaux sont autant de manières de penser l’activité politique hors situation. À ceux qui accusent le milieu révolutionnaire de surinflation intellectuelle, regardez mieux.

Dans le champ stratégique, il devrait tenir de manière clandestine une échelle d’élaboration avec d’autres forces afin de favoriser la coordination dans des moments précis, sur des enjeux qui peuvent cristalliser notre opposition à la politique du pouvoir. La question des infrastructures, bien mal posée en terme de «projets», peut avoir sa place ici dans la capacité des groupes à planifier le processus de construction d’une force révolutionnaire. Dans un mouvement, tenir un QG, occuper un bâtiment, penser les cibles, les moments, les liens avec d’autres forces. Hors mouvement, s’entraîner, planifier la confrontation, inventer des outils, avoir des caches (des vraies), avoir ses entrées, initier des réflexions avec des camarades dans d’autres villes, d’autres régions, d’autres pays.

Sur le plan tactique, Montréal bouillonne actuellement d’expérimentations et d’initiatives et ce malgré le ton qui monte du côté de l’État. Par contre, les seuls espaces d’élaboration entre les groupes sont présentement de nature extrêmement pragmatique, ils ne s’intéressent qu’au plan tactique et délaissent trop souvent les discussions plus larges. Alors qu’on se butte à une force beaucoup plus grande que la nôtre dans les manifestations radicales, il est fondamental de pouvoir prendre du recul par rapport à cette pratique, et de la mettre en perspective avec d’autres possibilités d’intervention. On doit pouvoir mettre en question la place que l’on accorde aux manifestations ritualisées – qui, dernièrement, semblent pour plusieurs constituer le terrain le plus important de la politique –, pour se positionner quant à la pertinence de ces moments. Même si nous pensons que les événements publics qui attirent de nombreuses personnes peuvent eux aussi relever d’un «activisme mécanique qui cherche à faire sans savoir» nous nous accordons toutefois avec l’auteur du Commentaire… pour dire qu’il importe de « savoir quoi faire », c’est-à-dire de remettre au coeur de nos réflexions la question du sens des tactiques mobilisées en fonction de la situation politique actuelle. 

Au travers des critiques formulées dans ce texte, demeurent trois points qui sont le résumé de son développement et pourraient constituer des priorités de l’organisation révolutionnaire:

– Recharger la question révolutionnaire.
– Faire exister l’option révolutionnaire sur d’autres terrains d’intervention que les manifestations d’extrême-gauche.
– Bâtir le camp révolutionnaire.

Dans cet horizon, la question du nombre n’est pas à rejeter, sous prétexte qu’elle signifierait immédiatement la dilution d’une position. L’accroissement quantitatif est évidemment une dimension fondamentale de la construction révolutionnaire, mais celle-ci doit se faire sur la base d’affirmations en faveur de la révolution. Car non, « avoir raison seuls » (en politique, on n’est jamais seul au singulier, on est toujours dans un nous), ce n’est pas « avoir tort ». Une fois la dimension du futur réintégrée dans la politique, tenir une position prime par rapport à toute tentative de s’accorder avec ce que le plus grand nombre peut bien vouloir entendre à un moment donné. C’est que si une vérité peut être faible quant au nombre de gens qui la portent, elle troue tout de même le tissu de mensonge qui l’entoure. Elle résiste, gêne, dérange, mais cela ne l’empêche pas d’être rejointe. Le phénomène lumineux, écrivait Hegel, illustre bien le rapport entre intensivité et extensivité : c’est de son intensité, qui peut être concentrée en un point, qu’une lumière tire sa capacité à éclairer un espace plus ou moins étendu. Ce sont ces lumières qui manquent. Il en faudra bien pour voir la brèche en tout chose, ce qui n’est évidemment que le commencement.

Commentaire sur le Commentaire sur « Quand on est nombreux.se.s, on fait ce qu’on veut »

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Avr 252025
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

À la suite des échecs répétés des manifestations dites « combatives » à Montréal entre 2023 et 2025, deux textes militants ont tenté de proposer, d’un côté, une analyse stratégique visant la massification via des structures autonomes, et de l’autre, une critique sceptique de cette orientation, dénonçant la fétichisation des manifestations et le volontarisme militant. Tous deux partent d’un diagnostic partagé : notre faiblesse collective face à l’État, notre isolement et le caractère routinier de nos mobilisations. Le présent texte se veut une critique au second texte rédigé par N.

Le fétichisme de la spontanéité : critique de l’anti-stratégie

Le désaccord de fond entre les deux textes me semble renvoyer à une question stratégique centrale : comment comprendre que la majorité de la classe travailleuse, y compris dans ses fractions les plus exploitées, n’adhère pas spontanément aux appels à la mobilisation radicale, et continue, dans les pays capitalistes avancés, de se montrer largement passive ou attachée à des formes de réformisme ?

N. soulève à juste titre le caractère routinier et parfois performatif de certaines pratiques militantes, mais, pour expliquer la passivité actuelle, son commentaire de réponse glisse dans un déterminisme mécanique permettant d’adopter un scepticisme cynique, qui rejette toute forme de médiation politique comme étant un projet d’avant-garde inutile : « Ce sont les contradictions sociales elles-mêmes qui sont productrices de luttes et non une bande d’évangélistes de la révolution qui convaincraient un à un des prolétaires trop abêtis par le capitalisme. »

S’il est nécessaire de rompre avec le « fétichisme de la manifestation » — cette idée selon laquelle elle constituerait le cœur de notre pratique politique —, il l’est tout autant de se méfier du fétichisme de la spontanéité, qui consiste à rejeter la nécessité de l’organisation au profit d’une attente passive, fondée sur l’illusion que les contradictions du capitalisme produiront mécaniquement l’irruption des masses. Cette posture relève d’un retrait stratégique, qui masque l’impuissance politique derrière une mystique de la spontanéité.

La passivité des classes exploitées

La passivité ou l’adhésion au réformisme de la classe travailleuse s’expliquent en grande partie par le caractère fondamentalement épisodique de la lutte des classes. Les contradictions du capitalisme ne suffisent pas, à elles seules, à rendre les travailleur·euses révolutionnaires. La conscience de classe ne naît pas mécaniquement de l’exploitation, mais se forme, comme l’explique Charles Post, avant tout à travers l’expérience vécue de l’auto-organisation et de la lutte collective, qui ouvre un espace de réceptivité aux idées radicales.

Cependant, cette condition fondamentale de la conscience de classe — l’engagement actif dans des luttes de masse — ne peut être que partielle, rare et temporaire. Structurellement, la grande majorité des travailleur·euses ne peut se maintenir en lutte de manière permanente, car leur position dans les rapports sociaux les oblige à vendre leur force de travail pour assurer leur propre reproduction. La contrainte de la survie individuelle limite donc, en temps ordinaire, la possibilité d’un engagement collectif soutenu.

En l’absence de luttes collectives, les logiques capitalistes, le réformisme et les formes institutionnelles de la politique libérale tendent à redevenir hégémoniques. Les travailleur·euses cherchent alors moins à transformer le système qu’à y obtenir une part jugée équitable, sans remettre en question les structures de pouvoir. Pire, lorsque le réformisme échoue, et qu’aucune alternative radicale crédible n’est disponible, le capitalisme parvient même à produire les conditions matérielles (individualisation, segmentation sociale, compétition entre exploité·e·s) de sa propre défense idéologique : dans ce vide, prolifèrent des mouvements réactionnaires, racistes et patriarcaux, y compris au sein même de segments de la classe travailleuse.

Il paraît ainsi tout à fait irresponsable de renoncer à l’auto-organisation d’action directe et à la construction d’alternatives — au nom du réformisme ou par fétichisme de la spontanéité —, car les contradictions du capitalisme, à elles seules, ne produisent ni conscience de classe ni émancipation humaine.

L’avant-garde

Le caractère intrinsèquement épisodique de la lutte de classe fait en sorte que seule une fraction minoritaire de la classe travailleuse demeure engagée de manière durable dans l’action militante. Ce que nous pourrions appeler une « avant-garde » — sans intention dogmatique — désigne ici celleux qui s’efforcent, dans les creux du cycle des luttes, de maintenir vivantes les pratiques de solidarité et de conflictualité, que ce soit sur les lieux de travail ou dans les milieux de vie.

Pour éviter tout malentendu, il ne s’agit pas d’une conception « léniniste » ou « trotskiste » classique de l’avant-garde comme minorité éclairée et détentrice d’une vérité politique à imposer à la masse. Il s’agit plutôt de nommer un rôle concret : celui des personnes qui, malgré l’isolement, l’usure et la défaite, persévèrent à faire vivre des institutions, des pratiques et des imaginaires de lutte, souvent invisibles, mais essentielles à la reproduction d’une mémoire collective militante. Ce rôle peut bien sûr être débattu, renommé, critiqué. Mais y renoncer totalement reviendrait à céder au désarmement stratégique.

Il est vrai que certaines de ces figures militantes deviennent, dans certains contextes, la base sociale d’une bureaucratie de la classe travailleuse, détachée des réalités concrètes du travail salarié et sujette à la logique du réformisme : éloignement des lieux de production, libération des contraintes du salariat, adoption d’un langage et de pratiques d’appareil. Mais il en existe d’autres — nombreuses — qui continuent à militer tout en vivant les contradictions du travail capitaliste : précarité, aliénation, subordination. Ce sont des militant·es inséré·es dans la vie ordinaire de la classe, qui organisent patiemment leurs collègues, leurs voisin·es, leur communauté.

Toute organisation, aussi bien intentionnée soit-elle, peut générer ses propres inerties, ses rigidités, ses rapports hiérarchiques. Mais cela ne saurait justifier un rejet total des médiations politiques. Le fétichisme de la spontanéité, qui consiste à opposer de manière absolue militantisme conscient et authenticité populaire, risque de dévaloriser l’activité militante organique — c’est-à-dire celle qui émerge de l’expérience vécue des dominé·es — en la réduisant à une forme d’avant-gardisme suspect, voire à un « racket de la révolution ».

L’article de N. illustre cette tendance lorsqu’il cite des mouvements contemporains perçus comme spontanés — les soulèvements BLM/George Floyd, les Gilets jaunes, les révoltes sociales au Chili —, en soulignant l’absence d’organisations de masse les encadrant a priori. Or, il est hautement improbable que ces mouvements aient émergé sans qu’un noyau de personnes expérimentées, formées dans des traditions militantes diverses, n’y joue un rôle actif, qu’elles se revendiquent ou non d’une conscience révolutionnaire.

En outre, ces mouvements — malgré leur puissance — n’ont pas porté de projet révolutionnaire clair, ce qui pourrait précisément constituer un argument en faveur du texte initial. Car en l’absence de structures autonomes de masse dotées de pratiques et de discours radicalement anticapitalistes, la conflictualité tend à se traduire par des formes réformistes, confuses ou contradictoires. Si un contre-pouvoir révolutionnaire structuré — reposant sur une mémoire, une culture, des formes d’organisation autonomes — avait existé dans les deux dernières décennies, il est fort probable que la conscience politique qui aurait émergé de ces mouvements populaires aurait été plus clairement orientée vers la rupture systémique.

La société post-industrielle et la conscience de classe

Les classes sociales sont des relations historiques mouvantes et leur expression politique suppose à la fois une expérience partagée de l’exploitation et un travail d’organisation qui permette de construire une force consciente de ses intérêts.

Or, plusieurs militant·e·s s’opposeront à la construction de la conscience de classe les postulats des thèses de la société post-industrielle. Pour ces analyses, le développement du secteur des services, la complexification des structures professionnelles, l’essor du savoir théorique, la hausse du niveau de vie et l’émergence des régulations étatiques ont restructuré les conflits sociaux autour du contrôle de l’information et permis l’émergence d’une classe moyenne composée de cadres et d’employé-e-s qualifié-e-s. Pour ces approches, la société n’est plus marquée par un conflit de classes, mais par des identités et des discours capables de se définir eux-mêmes. Ainsi, nos sociétés contemporaines ne seraient plus autant contraintes par des facteurs socioéconomiques comme la classe et offriraient davantage de place à l’agentivité, contrairement aux anciennes sociétés industrielles.

Néanmoins, ces analyses surévaluent les impacts de ces changements dans la division du travail sur les rapports d’exploitation. En effet, comme l’affirme Peter Meiksins, « le capitalisme n’a jamais, ni par le passé, ni aujourd’hui, généré une classe des travailleurs homogène. Au contraire, il a créé une classe variée et très stratifiée, et les capitalistes ont toujours eu un intérêt inhérent à faire en sorte qu’elle soit aussi divisée que possible ». De même, la complexification de la division du travail contemporaine ne produit pas une disparition des règles de reproduction pour la classe travailleuse, soit l’obligation de fournir du surtravail à travers la vente de la force de travail sur le marché.

Bien que des rapports d’exploitation spécifiques caractérisent les conditions sociohistoriques et orientent la formation de classe, la conscience de classe a toujours été un processus contingent, relationnel et collectif constamment en mouvement de formation et de désintégration. En ce sens, la conscience de classe n’est pas le produit mécanique de facteurs socioéconomiques, mais le résultat d’agents conscients au sein de conditions sociales, politiques et économiques. La construction d’une conscience collective de classe à d’autres époques, comme aujourd’hui, a été un processus très exigeant issu d’un effort intense et soutenu d’organisation militante.

En somme, le capitalisme produit encore des « champs d’attraction », qui polarisent la société en classe dans des situations de classe vécues. Des processus sociohistoriques peuvent mener, et ont historiquement mené, à l’émergence de groupes conscients de former une classe opposée à une autre. Le défi aujourd’hui est de produire un tel processus par des efforts organisationnels considérables, tout comme cela a été le cas par le passé.

L’auto-organisation en guise de conclusion

Le manque de personne dans nos manifs est un symptôme de la passivité actuelle des classes travailleuses, en ce sens que la rue est un prolongement, et non le centre, des conflits sociaux. La passivité s’explique par l’absence des luttes collectives alternatives à celles individuelles ou réactionnaires. Dire qu’il ne faut pas faire les efforts organisationnels sous peine d’être des « évangélistes de la révolution » est irresponsable et nous condamne à être ce que nous sommes depuis les trois dernières décennies au Québec : une frange radicale au sein de mouvements sociaux réformistes ; une médiation politique faible qui n’a aucune capacité à fonder une force sociale menaçant l’ordre des choses.

Il ne faut non pas un retour dogmatique à une forme d’organisation figée, ni une morale militante, mais une stratégie matérialiste de reconstruction du pouvoir social autonome de la classe travailleuse. La proposition n’est pas ici de plaquer un modèle universel, mais d’affirmer que sans formes durables de médiation entre expériences d’exploitation et horizon politique, il ne peut y avoir de contre-pouvoir. Une politique révolutionnaire cohérente aujourd’hui devrait :

Dire qu’il ne faut pas faire les efforts organisationnels sous peine d’être des « évangélistes de la révolution » est irresponsable et nous condamne à être ce que nous sommes depuis les trois dernières décennies au Québec : une frange radicale au sein de mouvements sociaux réformistes ; une médiation politique faible qui n’a aucune capacité à fonder une force sociale menaçant l’ordre des choses.

Il ne faut non pas un retour dogmatique à une forme d’organisation figée, ni une morale militante, mais une stratégie matérialiste de reconstruction du pouvoir social autonome de la classe travailleuse. La proposition n’est pas ici de plaquer un modèle universel, mais d’affirmer que sans formes durables de médiation entre expériences d’exploitation et horizon politique, il ne peut y avoir de contre-pouvoir. Une politique révolutionnaire cohérente aujourd’hui devrait :

  • Identifier les lieux où l’exploitation est la plus forte, visible, et vécue collectivement ;
  • S’insérer dans ces espaces (santé, éducation, services sociaux, syndicats de base, luttes de locataires) pour y développer des pratiques d’auto-organisation anticapitalistes ;
  • Faire de la rue un prolongement, et non le centre, des conflits sociaux ;
  • Se concentrer sur la construction patiente de la conscience de classe comme processus historique ;
  • Construire des organisations populaires capables de revendiquer un pouvoir démocratique sur les sphères économiques, dans une logique d’unification des luttes, non de leur juxtaposition.

É.

Cette barricade-là : lettre pour Maulwurf

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Avr 232025
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Cher Maulwurf,

Je suis heureux que les échos se rendent chez vous. J’espère que de ta chambre tu vois le printemps qui arrive, que tu sais prendre ses beautés sans croire à ses promesses. J’ai bien reçu ta réponse et je t’en remercie. Elle me permettra peut-être de dire deux trois mots sur des passages rapides d’un texte qui était déjà inutilement long.

Dans ton texte, tu dis « Rejoindre une position c’est voir une position qui n’est pas la nôtre et s’y rallier. Il faut donc être en mesure d’identifier un autre et soi pour y parvenir. Le vocabulaire de la position révolutionnaire n’est pas en dehors du terme d’identité politique que tu dis pourtant rejeter. ». Je crois qu’il y a confusion quant au soi-disant caractère identique de la position et de l’identité.

L’identité représente, je crois, un double problème que tu as quelque peu énoncé. D’un côté l’identité fixe ce qu’il est (ce qu’il croit être) et ce n’est jamais réellement ce qu’il est. De l’autre le sujet identifié doit communiquer son identité pour être vu comme il est (j’évite ici le terme de « reconnaissance » pour ne pas que l’on dérape sur un autre terrain). Tu l’as dit, l’identité politique (ou l’identité tout court) c’est la correspondance relative du moi et du sujet. À la fois donc le sujet n’est jamais exactement ce qu’il à l’impression d’être ou ce qu’il veut être, mais en plus doit-il le communiquer pour se faire comprendre ce qui ne se réalise non plus jamais exactement comme tel. Pourtant on dit correspondance relative du moi et du sujet. J’avoue regarder autour de moi et ne voir que rarement cette correspondance relative. C’est peut-être ça je crois qui est à la fois dangereux et contagieux quant l’identité devient la pierre angulaire du politique dans une situation comme la nôtre. Là où il pourrait y avoir la discussion interminable sur les constitutions et les arrangements intérieurs propres de chacun et chacune pour voir de quelles manières nous voulons que fonctionnent nos machines politiques, là où il y a les égos comme je disais et les mécanismes consacrés de nos chefferies (comme accès et contrôle des infrastructures mais aussi comme simple force charismatique) il me semble y avoir une concomitance de la disparition de la position. Le terme de position ne cherche pas à contourner le problème de l’identité, mais plutôt se refuse à le régler (puisqu’il n’est pas réellement réglable). La position je crois admet les différentes réalités ou problèmes que pose l’identité, mais en redéfinissant des horizons de considérations stratégiques qu’on voudrait voir. C’est là où peut-être le terme d’identité politique pose problème au sens où si réellement il y avait correspondance entre identité de la politique (insère ici une tendance de ton choix) et le sujet qui s’y réclame, le geste politique s’accomplirait réellement et on sortirait des discours de curé. L’identité si elle existait comme identité ferait réellement le geste. Pourtant cette concordance n’existe pas, pas d’elle-même en tout cas. Il ne s’agit pas de « rejeter les termes d’identité politique » comme tu as cru que je disais, mais à ne pas jouer selon les règles que posent ces identités politiques. Je ne veux plus jouer au roi de la montagne avec le milieu.

Peut-être aurais-je dû commencé par ça : le corps révolutionnaire ne décrit pas un mode qui existe en ce moment, mais est plutôt une tentative exploratoire à répondre à un certain nombre de redites des formes d’organisation classique. Une redite qui tourne à vide, je crois, c’est bien celle de l’identité comme geste. À la question : « qui es-tu? », tombé sur la tête est celui qui répond « anarchiste ». Lorsque je dis que « Nous sommes de ceux qui préfèrent réfléchir en termes de situations, de stratégies, d’éthiques et d’usages plutôt qu’en termes d’identité politique ou de principes moraux. » (§3), je dis que ce n’est pas l’identité politique que j’invoquerai de prime à bord comme médiation entre une situation donnée et une fin voulue. Là où la position ne se résume pas à la question de l’identité, c’est que la position se définit par l’usage et le geste (défendre une barricade, partager un jardin ou s’écrire des lettres par exemple) tandis que l’identité peut se jouer dans un discours ou un métadiscours sur soi. Ma volonté de mettre en lumière et en préférence la première à la seconde ne la nie pas du même coup, elle ne fait que l’écarter stratégiquement. L’identité persiste, mais elle ne devient plus outil de stratégisation de choix. Persiste ceci étant dit un élément proprement délirant de l’idée de s’imaginer « dépasser l’identité » et peut-être charmant, mais ce n’a jamais été mon propos.

Le deuxième problème que tu soulèves c’est celui du corps comme somme ou non-somme du corps révolutionnaire. Tu dis « Personnellement, je vois dans cette proposition (en référant à la §10 de l’écho) une variation sensible, une variation qui fait usage de la métaphore du corps, pour proposer une énième structure de coordination ou une autre table de concertation. ». Il y a dans la §10 la formule « forces organisantes du corps révolutionnaire à construire ». L’énumération que je fais par la suite concerne un ad minima qui irait dans le sens de quelque chose comme la construction éventuelle de ce que j’ai nommé un corps révolutionnaire, soit une forme d’organisation tournée vers l’extérieur qui varie l’agencement de ses forces selon les besoins de la situation. Là où je dis qu’il n’est pas la somme de ses parties, c’est que la somme de ses parties ne lui suffit pas. C’est ce que je veux dire quand je dis qu’il est tourné vers l’extérieur. : il se nourrit par accroissement en saisissant les êtres qu’il traverse. Évidemment, on comprend bien comment la question de choisir la position au lieu de l’identité constitue une condition de possibilité d’une telle forme d’organisation. Ce n’est pas le même en tant qu’identique à soi que les êtres du soi-disant corps révolutionnaire recherche, mais la force de la position comme moment d’organisation et de surgissement politique trans-identitaire (au sens qui est transversal aux identités). Rapidement, je dirais que tu as raison quand tu dis que mon problème ce n’est pas l’identité, que c’est la fétichisation de l’identité, sa sublimation dans les stéréotypes ou la norme, mais qu’il fallait l’écrire : là où je pensais qu’on avait balancé par la fenêtre les injonctions abrutissantes et la fausse performativité de l’identité comme geste par la fenêtre, elle revient par la grande porte d’entrée. J’aurais toujours méfiance envers celles et ceux qui tiennent à tout prix à ce que tout le monde fasse pareil.

J’aurais voulu conclure sur une phrase qui ouvre comme un pied par terre, comme une déclaration, une position, mais elle ne vient pas. Pour finir, je veux te dire que tes mots déjà me suffisent quand tu dis « et surtout assumons notre vie, nos échecs, nos répétitions d’échecs ridicules qu’on veut surmonter, et les idées folles qu’on a, mais qu’on a peur d’énoncer parce qu’on l’a jamais fait. C’est seulement en écrivant et en pensant par nous-même, en cherchant à devenir ce qu’on est pas encore, qu’on réussira à mettre à mal la fixation identitaire. ». Je dirai que ça résonne. Je te rejoindrai sur cette barricade-là.

-HN