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Appel de textes – Journal « État policier »

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Déc 282019
 

Du Collectif opposé à la brutalité policière

Le thème de la 24e Journée internationale contre la brutalité policière de cette année est « Police partout, justice nulle part : Solidarité internationale ! »

Le capitalisme s’effondre. Le néolibéralisme est en train de mourir. Ceux qui sont au pouvoir s’accrochent à leur autorité alors que leur avidité nous précipite vers une catastrophe environnementale, ils font la guerre à la solidarité et deviennent de plus en plus monstrueux chaque jour qui passe.

Comme ils l’ont fait lors de la sanglante naissance coloniale de cet État et de tous ses semblables, les détenteurs du pouvoir se tournent vers la police, la gendarmerie, les chiens de garde du capital pour garantir leurs gains mal acquis.

Nos continents deviennent des forteresses, ceux qui cherchent refuge sont emprisonnés, les pauvres et travaillent dur et meurent, les riches s’enrichissent, les cochons reçoivent leur salaire en nous fracassant le crâne.

Ce qu’ils ne savent pas, cependant, c’est que nous allons gagner.

La lutte contre la brutalité policière consiste à enlever les crocs d’une bête enragée, qui se promène dans nos communautés comme les épouvantails qu’ils sont. Ici pour nous faire peur, nous empêcher de nous fâcher, nous garder petits. De Ferguson à la Palestine, de Montréal à Rio de Janeiro. De Winnipeg à La Paz, de Port-au-Prince à Santiago.

Alors que nous luttons pour bâtir un monde meilleur, la police, sous toutes ses formes dégoûtantes, nous barrent la route.

Pour que nous puissions avancer, nous devons s’en débarrasser.

Comme c’est le cas depuis plus de 20 ans, le Collectif Opposé à la Brutalité Policière (C.O.B.P.) a commencé son travail consciencieux en organisant la journée internationale contre la brutalité policière, le 15 mars prochain.

Comme nous l’avons fait depuis notre création, nous imprimerons et diffuserons notre journal annuel « L’État Policier ».

Cette année, nous nous tournons vers nos camarades, alliéEs et collègues militantEs contre l’État policier pour obtenir des articles, BD, desseins, poèmes, des articles d’opinion ou tout autre contribution à ajouter dans notre journal annuel.

Si vous souhaitez soumettre un article à notre journal, envoyez-le à l’adresse suivante : cobp@riseup.net

Les textes devront contenir un maximum de deux pages et peuvent être écrits en français, en anglais ou en espagnol. Les auteurs-E-s qui tiennent à ce que leurs textes soient traduits doivent nous le mentionner dans un délai raisonnable afin qu’on puisse trouver des gens pour la traduction.
Aussi, nous vous invitons à nous envoyer des images à jumeler avec votre texte si vous le désirez. Les images feront toutefois partie des deux pages.

La date de tombée finale pour le contenu du journal est le 15 février 2020.

Solidarité internationale à tous ceux et celles qui combattent, luttent contre l’État et son bras armé, la police et fuient la répression policière.

COBP (Collectif opposé à la brutalité policière)

https://cobp.resist.ca/

Femmes et pirates

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Déc 202019
 

Du Collectif Emma Goldman

Voici le deuxième texte d’une série de trois traitants de la piraterie.

Les scénaristes de la saga Pirate des Caraïbes ont abondamment pigé dans les vieilles légendes racontées dans les villes portuaires européennes du XVIIIe siècle. Toutefois, à l’exception de la fille fictive de barbe noire (Edward Teach), cette série de films laisse bien peu de place aux femmes pirates. Pourtant, dès le début du XVIIIe siècle, les femmes naviguant sous le drapeau noir sont célébrées dans des ballades, des opéras et des pièces de théâtre. Mais contrairement à la légende du Hollandais volant, les femmes pirates sont un fait historique bien que la navigation à l’époque soit perçue comme un univers exclusivement masculin. En effet, comme le souligne Marcus Rediker et Peter Linebaugh dans L’hydre aux mille têtes L’histoire cachée de l’Atlantique révolutionnaire: « Au XVIIIe siècle, les femmes étaient cependant rares sur les navires, quels qu’ils fussent; mais étaient suffisamment présentes pour avoir inspiré des ballades, devenues très populaires parmi les travailleurs de l’Atlantique, sur des guerrières habillées en hommes. » (p.250)

Les femmes sous le Jolly Roger (1)

En 1720, le capitaine Barnet, un traqueur de pirates des Caraïbes, capture Calico Jack Rackam et son équipage. Ces derniers, surpris en pleine beuverie, ne montrent que bien peu de combativité: « […] De tout l’équipage, seuls trois pirates opposèrent une ferme résistance aux chasseurs de primes, et deux de ces forbans étaient des femmes: Mary Read et Anne Bonny ». (Femmes et Pirates, p.9)

Si ces noms sont passés aujourd’hui à la postérité, c’est sans aucun doute grâce au livre L’Histoire générale des plus fameux pirates (2) publié à Londres de 1724 à 1728. Cet ouvrage est attribué au capitaine Charles Johnson, pseudonyme utilisé par nul autre que Daniel Defoe, l’auteur de Robinson Crusoé (1719). Pour écrire La vie de Mary Read et La vie d’Anne Bonny, Defoe s’est basé sur les minutes d’un procès qui s’est tenu en Jamaïque en 1720. Lors de ce procès, Anne Bonny déclare: « Je suis désolé de le voir ainsi, mais s’il s’était battu comme un homme [Calico Jack Rackam], il ne serait pas pendu comme un chien ». (p.181)

L’Histoire générale des plus fameux pirates n’est pas le seul document où les noms de ces deux femmes pirates sont cités. Ils sont également mentionnés dans une proclamation datée du 5 septembre 1720 écrite par Woods Roger, un ancien corsaire devenu gouverneur des Bahamas. À la même époque, le gouverneur Nicholas Lawe écrit au conseil du commerce et des plantations: « qu’il est prouvé que ces femmes, vieilles filles de l’île de Providence, ont pris part active dans la piraterie. » (p.182) De plus, de nombreux articles de journaux parus dans l’American Weekly Mercury et la Boston New-Letter évoquent sans les nommer les deux femmes de l’équipage de Rackam.

Il est difficile d’établir avec précision le nombre de femmes pirates. Toutefois, les archives judiciaires mentionnent au moins deux autres situations où des femmes ont fait face à des accusations de piraterie.

Les pirates et les femmes

Bien que les bateaux pirates offrent plus d’espace aux femmes que les navires marchands ou les vaisseaux de guerre, leur présence demeure relativement faible. Sur de nombreux vaisseaux pirates, les femmes sont interdites. Mais une chose est certaine, les principes qui guident les équipages pirates ne correspondent pas vraiment à l’image de monstres sans foi ni loi que cherche à dépeindre la presse du XVIIIe siècle : « Il y a une règle parmi les pirates, celle de ne pas permettre aux femmes de monter à bord des bateaux quand ils sont au port. S’ils font une prise en mer, et qu’une femme est capturée, personne ne doit la contraindre, sous peine de mort ». (p.186) La charte établie par Bartholemew Roberts précise elle aussi qu’aucune femme n’est autorisée à bord et il y est écrit que: « Si une passagère est retenue prisonnière. Ils mettent immédiatement une sentinelle pour la protéger et prévenir les mauvaises conséquences d’un si dangereux instrument de division et de querelle. » (p.186) Pour l’équipage de John Philipps « […] celui qui voudra se mêler de ses affaires sans son consentement sera puni de mort immédiate.» (p.186)

Texte précédent dans la série: Néo-fascisme et piraterie ou le confusionnisme à l’œuvre

Prochain texte de la série: [1919-1921] Il y a 100 ans: Fiume, la dernière utopie pirate

(1) Le drapeau à la tête de mort.

(2) Le livre Femmes et pirates a été réédité par les éditions Libertalia en 2015.

Invitation aux Jeux d’hiver de la révolte sociale

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Déc 192019
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Imprimer : 11 x 17″

Texte de l’affiche :

INVITATION AUX JEUX D’HIVER DE LA RÉVOLTE SOCIALE
20 décembre 2019 – 15 mars 2020
Lancez le défi à vos compagnon.ne.s, à vos voisin.e.s, aux autres bandes.
Sabotons le contrôle social, dégentrifions nos quartiers !

 

Trois terrains de jeu attendent les athlètes.

no 1 Camover, la reprise

Détruire les caméras de surveillance

  • fausse-caméra = 2 points
  • caméra fonctionnelle = 6 points
  • sonnette intelligente avec caméra (Amazon Ring / Google Nest) = 6 points

no 2 Personne ne paie

  • chaque tourniquet de métro mis hors-service = 3 points
    • tous les tourniquets de la station = bonus +4
  • chaque distributeur de billets mis hors-service = 6 points
    • tous les distributeurs de la station s’il y en a plus qu’un = bonus +2

no 3 L’hiver est long pour les promoteurs de condos

  • coller les serrures d’un bureau de vente de condo (toutes les portes) = 6 points
  • redécorer l’extérieur (cannettes de peinture, grafs ou extincteur) = 4 points
  • redécorer l’intérieur (à l’extincteur) = 10 points

Bonus

  • revendiquer son action avec un meme = 2 points
  • brûler un arbre de noël exposé sur la place publique = 4 points
  • mettre hors-service un char de flic pendant une tempête de neige = 10 points

*ceci n’est pas un encouragement à trop se vanter de ses actions ni à mettre sa sécurité en péril ou celle des compagnon.ne.s.

Avis de non-responsabilité : cette affiche est produite uniquement à titre informatif et n’incite quiconque à enfreindre quelconque loi.

Néo-fascisme et piraterie ou le confusionnisme à l’œuvre

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Déc 172019
 

Du Collectif Emma Goldman

Voici le premier texte d’une série de trois traitants de la piraterie.

En général, lorsque l’on fait référence à la piraterie, certains clichés comme les drapeaux noirs à la tête de mort (Jolly Roger), les trésors et les mutilations physiques nous viennent rapidement en tête. Le pirate prend aussi les formes contemporaines du pêcheur somalien convertit à la piraterie, de l’informaticien ou des radios-pirates. Mais d’un néonazi, vraiment?

Boucanier, flibustier, pirate ou corsaire?

La piraterie, parfois aussi appelée la flibuste (1), est un phénomène ancien qui a longtemps servi les états avant qu’elle permette à des marins de se libérer pour un temps de l’oppression des empires et de la brutalité de leur monde. À leur âge d’or (1715-1725), ces entreprises ont provoqué une crise dans le lucratif système commercial de l’Atlantique et perturbé grandement le commerce des esclaves.

Loin de se considérer comme de vulgaires voleurs, ces parias de toutes les nations se voient comme des hommes sans patrie qui ont déclaré la guerre au monde. Comme le souligne Marcus Rediker, l’auteur du livre Pirates de tous les pays: « Les pirates s’opposent à l’élite et aux puissances de l’époque. Par leurs actions, ils deviennent des « scélérats » de toutes les nations […] plus les pirates construisent et profitent de leur existence autonome, plus les autorités sont déterminées à les détruire. » (p. 274)

Pour en savoir plus sur ce livre vous pouvez consulter le texte : [Livre] Pirates de tous les pays : l’âge d’or de la piraterie atlantique (1716-1726)

Jusqu’à présent, nous sommes bien loin des théories racistes promues par les skinheads néonazis.

Les corsaires ou la guerre de course

Durant la Deuxième Guerre mondiale en Allemagne, un réseau de jeunes antifascistes, qui a déclaré la guerre aux jeunesses hitlériennes, s’est revendiqué comme étant les pirates de l’Edelweiss. Alors aujourd’hui, comment les fascistes d’Atalante peuvent-ils se revendiquer d’un esprit corsaire? Tout simplement parce que le corsaire n’est pas un pirate mais un mercenaire accrédité au service d’un roi. Les corsaires, armés avec des capitaux privés, étaient munis d’une lettre de course délivrée par l’État qui les autorisait à faire la guerre. Comme Woods Roger, un corsaire britannique qui est devenu par la suite gouverneur général des Bahamas (1728-1732) ou encore le corsaire français Jean-François de La Rocque de Roberval dit le sieur de Roberval qui a été lieutenant-gouverneur au Canada.

La discipline de Jamaïque

Les boucaniers (1650-1680), qui adoptent entre eux l’expression des frères de la côte, tirent leur nom du boucan, une technique de fumage qu’ils tiennent des Arawak. À l’origine, les boucaniers provenaient principalement d’Angleterre, de France et des Pays-Bas. Mais ils ont rapidement été rejoints par des Amérindien.ne.s et des Africain.ne.s. Ils et elles squattaient des terres sur la grande île d’Hispaniola et leurs activités tournaient autour de la chasse aux cochons sauvages et de la collecte de l’or du roi d’Espagne.

Dans la mouvance libertaire, les boucaniers et les pirates des XVIe et XVIIe siècles sont souvent considérés comme des proto-anarchistes (2) en raison de leur organisation sociale horizontale. Le mode d’organisation de ces marins est appelé la discipline de Jamaïque et prévoit des contrôles démocratiques de l’autorité ainsi que des provisions pour les blessés: « En élaborant leur propre ordre social, les boucaniers (3) tentent de calquer l’utopie paysanne appelée pays de cocagne (4) où le travail est aboli, la propriété redistribuée, les différences sociales nivelées, la santé restaurée et la nourriture produite en abondance. » (p. 116)

On admettra bien volontiers, que nous sommes à mille lieues du Reich de mille ans.

De corsaire à pirate

L’explosion de la piraterie fait suite à la fin de la guerre de succession d’Espagne. Des capitaines comme Benjamin Hornigold, John Jenning et John Cockram continuent à attaquer leurs ennemis traditionnels: « on pillait pour les autres, on pille désormais pour soi-même ». (p. 88)

Ces pirates font le choix d’un mode de vie qui défient les traditions d’une société qu’ils et elles rejettent. Ils et elles s’appuient sur les traditions des boucaniers: « Chaque vaisseau fonctionne selon les termes d’un contrat court approuvé par l’équipage, établi au début d’un voyage ou à l’occasion de l’élection d’un nouveau capitaine. » (p. 120)

Encore aujourd’hui, les pirates continuent de fasciner et d’inspirer ceux et celles qui résistent aux puissants. Par exemple, les écologistes de l’organisation fondée par Paul Watson, Sea Shepherd. Watson est même surnommé le pirate écologiste. Il y a aussi les zadistes de Notre-Dame-des-Landes qui se réclament de l’esprit de révolte de la flibuste.

Le prochain texte de la série: Femmes et pirates

(1) Le terme est utilisé aux XVIe et XVIIe siècles pour désigner le métier et les activités des pirates des Caraïbes (flibustiers, boucaniers, corsaires)
(2) Hakim Bey, Zone d’autonomie temporaire
(3) L’une des références qui sous-tend la culture des boucaniers est la révolution anglaise.
(4) Larousse:Pays imaginaire où l’on a tout en abondance et sans peine.

Toronto : Vandalisme contre le projet de ville intelligente de Google

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Déc 162019
 

Soumission anonyme à North Shore

L’autre soir, quelques anarchistes ont visité les bureaux de Sidewalk Toronto [un projet de ville intelligente de Google ; NdMtlCi.] sur la rue Parliament. Les joyeuses couleurs de leur mur avaient besoin d’une retouche pour rappeler à tout le monde que Sidewalk est une force sinistre dans notre ville malgré leur reconnaissances territoriales et leur « consultations » [le tag se traduit par « aller chier Sidewalk »].

Il y a de nombreuses raisons pour s’opposer à Sidewalk. Les ainé.es autochtones ont critiqué leur consultations avec les premières nations comme un processus purement symbolique (hé, pourquoi ne pas remédier à la situation des terres volées en les redonnant tout simplement?) Leur propositions agressives de collecte de données, de services de police privées et de magasins sans argent comptant sont tout autant dystopiques. Et nous parions que leur parc de logements « abordable » sera loin d’être accessible par celleux qui en ont besoin.

Nous envoyons notre respect aux efforts des groupes comme Block Sidewalk pour leurs actions d’opposition envers ce plan. Ce n’est pas une affaire conclue alors continuons à nous battre! Nous choisissons cette tactique pour refléter notre hostilité envers Google et toutes les formes d’exclusivité et de surveillance, et nous espérons que cela inspire des actions dans le futur!

Retours sur la grève des stages

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Déc 132019
 

Au cours de l’automne, des militant.e.s des CUTE (Comités unitaires sur le travail étudiant) ont publié sur la plateforme Dissident.es une quantité impressionante de réflexions et de récits de la grève des stages du printemps dernier. En voici quelques extraits intéressants, avec les liens vers les articles complets.

De « Ne nous représentez pas, on s’en charge! » (article complet) :

Les étudiant.e.s de l’université ne sont pas représentatif.ve.s de l’ensemble de la société : tout au long de la campagne, il a été question du rôle de l’université, en tant qu’institution, dans la reproduction des inégalités déjà présentes dans la société, à laquelle participent les stages non rémunérés. Nous avons voulu rompre, justement, avec une vision idéale de l’université non marchande, qui alimente le mythe selon lequel la gratuité scolaire nous rendrait tout.e.s égales et égaux.

Plus encore, il y a là un paradoxe d’exiger une forme de représentativité au sein des comités autonomes : les militant.e.s ne représentent qu’elles et eux-mêmes et ne prétendent pas autrement. Pour y être représenté.e, il faut donc s’y impliquer. C’est pour cette raison que les structures permettaient, en théorie, à toutes les personnes impliquées de participer à la définition de la lutte et à la prise en charge du discours. La voie était ouverte pour que d’autres groupes politiques autonomes, comme les groupes de personnes racisées déjà organisés sur les campus, participent à la réflexion et à la mobilisation. Cependant, le réflexe d’aborder l’inclusivité en tant que demande n’est pas surprenant : il s’agit d’une conséquence de la façon dont s’est traditionnellement organisé le mouvement étudiant, et plus largement le mouvement syndical et la politique en général, c’est-à-dire par la démocratie représentative.

***

De « Rétroactif, en espèces, partout, pour tout et maintenant » (article complet) :

Durant la campagne, certain.e.s profs et étudiant.e.s de gauche ont affirmé que de lutter pour l’obtention d’un salaire allait à contresens de la lutte pour l’élimination des rapports marchands qui lient les individus au sein du capitalisme. Tantôt plus à gauche, tantôt plus conservatrice, on a entendu une critique de la marchandisation de l’éducation qui défend l’éducation comme une institution publique à préserver hors des rapports marchands. C’est le cas, par exemple, de Stéphane Chiarello, enseignant en gestion des ressources humaines de l’Université du Québec à Trois-Rivières, qui a publié une lettre ouverte au moment de l’annonce d’un financement pour compenser le stage final en éducation. Selon lui, cette nouvelle mesure « continue lentement, mais sûrement, à assimiler la population à une logique de marché. Il ne reste qu’un pas à franchir pour choisir la privatisation plutôt que la gratuité »[7]. Cette position, quasi hégémonique dans la gauche étudiante durant la grève de 2012, illustre bien le mythe qui persiste selon lequel sans salaire, le secteur de l’éducation serait « hors du marché ».

Les plus « syndicalistes » proposent plutôt de se concentrer à l’amélioration des conditions de travail en emploi (avec la campagne pour un salaire minimum à 15$/heure par exemple). Un autre groupe de l’UQAM d’inspiration appelliste préfère frapper l’imaginaire en proposant la « destitution » du travail (dans ses rêves ou par le sabotage, c’est selon) sans pour autant quitter l’école. Dans un des zines qu’il a produit à l’hiver 2019, on pouvait lire que l’université demeure « un terreau fertile au développement de nouvelles idées, à la redécouverte d’anciennes pratiques de soin qui brassent, pour rencontrer d’autres gens un peu paumés qui veulent autre chose ». Dans l’édito du même zine, on défend l’université comme un lieu d’échanges et de partages de connaissances qui sert à « nous rendre plus brillant.e.s collectivement »[8]. Cette posture, que l’on pourrait qualifier au mieux de candide, ne rend ainsi compte que d’une réalité très partielle de l’éducation.

Bien souvent, cette critique de la marchandisation contre le salaire étudiant s’accompagne de l’idée qu’un salaire accentuerait l’aliénation de l’activité étudiante. Comme si, du jour au lendemain, l’obtention d’un salaire signifierait l’aliénation immédiate. Comme si, parce qu’ils reçoivent un salaire, les stagiaires en génie seraient plus aliénés que les stagiaires en soins infirmiers – ces dernières exécutant leurs tâches gratuitement. Ou encore, comme si la gratuité du travail représentait un espace hors de la pression à la productivité et des rapports de domination qui encadrent le monde du travail, ou comme si les étudiant.e.s contrôlaient les finalités et les conditions de leur activité parce qu’elle n’est pas salariée.

Les réactions face à la grève des stages ont pourtant démontré toute la pertinence de concevoir les études comme un travail alors que le traitement des grévistes se rapprochait fortement de celui réservé à des employé.e.s. Les exemples frôlent parfois le ridicule. Comme lorsque, durant la grève, un enseignant dans une école primaire s’est retrouvé dans l’embarras parce qu’il avait pris des engagements envers des collèges en comptant sur la présence du stagiaire qu’il supervisait pour pallier son absence en classe. Un autre stagiaire, cette fois dans un organisme communautaire, s’est vu offrir un emploi rémunéré au même endroit pour contrer son absence durant la grève des stages. Et dans les universités, plusieurs directions de programmes ont exigé de manière non uniforme la reprise des heures de stage manquées pour se comparer aux « conséquences dans une situation d’emploi où il y aurait perte de salaire ».

***

De « Une apparence de contradiction » (article complet) :

Les coalitions, qui réunissaient des groupes et des militant.e.s de différentes affiliations et de différentes tendances politiques autour d’une revendication comme la rémunération des stages, présentaient un mélange d’unité et de pluralisme. Certes, la revendication centrale conférait un aspect unitaire à l’organisation, mais cette unité s’est articulée à travers une multiplicité de tendances politiques privilégiant des tactiques et des stratégies différentes, et qui sont parfois entrées en contradiction les unes avec les autres. Plus la revendication ou la plateforme unitaire est large, plus la diversité des tendances est susceptible de déboucher sur des contradictions – et éventuellement des conflits – entre différentes tactiques et stratégies.

Or les débats et les luttes de tendances qui découlent de la double nature (unitaire et pluraliste) des coalitions de type décentralisé ne sont pas des écueils qu’il faut chercher à éviter. Bien au contraire, ils sont garants du dynamisme politique essentiel à toute organisation qui veut se développer en fonction de la lutte et de ses besoins. Par exemple, les coalitions pour la rémunération des stages n’ont adopté aucune plateforme officielle stipulant qu’elles étaient des organisations féministes. Néanmoins, les tendances les plus féministes parmi celles qui se sont impliquées au sein de cette campagne unitaire ont mené une lutte de chaque instant pour défendre la conception selon laquelle la revendication de rémunérer les stages présuppose une analyse féministe de la société et de la division du travail, et que cette analyse comporte des implications directes concernant les discours, les tactiques et les stratégies à privilégier pour faire valoir cette revendication dans le contexte d’une lutte politique comme la grève. Force est de constater que la lutte menée sur ce plan par les tendances féministes des coalitions a eu un effet important sur l’alignement politique de ces dernières depuis leur création. Force est aussi de constater que cela s’est fait à travers des débats et des confrontations, et non pas parce qu’une coexistence passive et dénuée de conflictualité entre les différentes tendances a magiquement débouché sur un consensus quant à la centralité irréductible du féminisme dans la campagne.

***

De « L’autonomie réellement existante » (article complet) :

Pour celles qui en ont posé les bases, il était impensable de se lancer dans un projet de campagne large sans que celle-ci ne soit fondée sur une analyse féministe. Et il semblait impossible, pour se faire, de s’organiser autrement qu’en autonomie. En effet, la conception de l’autonomie telle qu’on l’a appliquée était en phase avec les principes d’organisation des traditions féministes les plus à gauche. Ces dernières s’organisent sur une base antiautoritaire, décentralisée, communautaire et indépendante des partis politiques. Elles privilégient les décisions par consensus et la rotation des tâches, se passent de la figure paternaliste du leader et jouissent même d’une autonomie au sein des organisations de masse, en opposition aux structures verticales sur lesquelles se fondent les sociétés patriarcales.

Les expériences passées dans les associations étudiantes étaient convaincantes en ce sens. Le mouvement étudiant ne sert pas les intérêts des étudiantes, surtout pas de celles inscrites dans les programmes techniques et professionnels. Même les positions centrales de la gauche étudiante, comme la critique de la marchandisation, servent les intérêts d’une élite intellectuelle à laquelle peu de femmes ont accès. Cela transparait dans la culture et les pratiques syndicales qui demeurent, somme toute, verticales et virilistes. Des comités femmes sont créés dans à peu près toutes les associations étudiantes, locales et nationales, et doivent consacrer le plus gros de leurs efforts à en atténuer les effets : gestion des comportements machos et des violences, langage de domination et tours de parole, accessibilité des espaces, prise en compte des dimensions affectives des luttes, etc. On s’était habituées à aborder les enjeux féministes en tant que lutte secondaire. C’est pour dépasser ce rôle que le Comité femmes de l’ASSÉ s’était scindé de cette dernière en 2012 pour devenir le Comité femmes GGI[2]. Cette fois-ci, on inverserait le paradigme en inscrivant une lutte étudiante dans le mouvement féministe et, par conséquent, un mode d’organisation proprement féministe s’imposait. Plus encore, pour reconnaitre la pluralité des féminismes, il fallait des espaces d’organisation flexibles qui respectaient les particularités, incluant leur mode d’organisation[3].

Évidemment, on n’a pas pour autant pu éviter la tâche de torcher derrière les militants. À quelques reprises, des comités féministes et des étudiantes ont contacté des militantes des CUTE pour dénoncer des violences sexuelles commises par des militants impliqués dans la lutte des stagiaires. En non-mixité à l’InterCUTE, rencontres regroupant les différents comités autonomes, les militantes ont pris la décision d’exclure les militants concernés de tous les espaces d’organisation de la campagne. Et puisque ces espaces, ce sont elles qui les avaient créés et elles qui les occupaient, l’exclusion des hommes était beaucoup moins remise en question et se trouvait légitimée de facto. Les violences sexuelles ont été identifiées comme du sabotage en raison de la désorganisation qu’elles ont causée sur différents campus et de la charge de travail supplémentaire qu’elles impliquaient pour les militantes qui portaient déjà à bout de bras la mobilisation. Tout cela a bien sûr joué pour beaucoup quant à l’opposition spontanée de plusieurs d’entre elles aux partys et aux bed-in proposés à plusieurs reprises durant la campagne par les militants dans et autour des associations étudiantes.

***

De « Tu travailles pour qui? Une grève, trois récits » (article complet) :

Une vingtaine de personnes entrent dans les bureaux de la direction. Elles ont bien réussi leur coup : la porte n’était pas barrée. Les employé.e.s ne savent pas où se réfugier. Ce n’est pas long que les Gardas se pointent, suivis du vice-doyen, en panique. Les représentant.e.s des syndicats des profs et des chargé.e.s de cours se joignent aussi à la mêlée.

Le personnel tente de désamorcer la situation usant de stratégies de négociation infantilisantes peu subtiles. Les occupant.e.s sont relativement calmes pourtant. Seulement, iels exigent qu’aucun.e stagiaire en grève ne soit mis.e en échec ou n’ait à reprendre les heures de stage débrayées, comme c’est le cas pour les cours. Iels ne quitteront pas les bureaux sans un engagement écrit. Le vice-doyen se porte à la défense de l’institution, insistant sur le respect de la durée des stages et sur les objectifs fixés. De leur côté, les représentant.e.s des syndicats essaient de comprendre pourquoi une telle occupation a lieu. Alors que la discussion arrive à un cul-de-sac, le vice-doyen mentionne qu’il y a une rencontre, en après-midi, avec les directions de programme et l’administration – une autre ! – pour discuter de la situation des stagiaires qui ont fait la grève. Un bon moment pour se faire entendre, selon une représentante syndicale.

Après quelques heures d’occupation, voilà qu’un exécutant débarque nu bas, un peu nerveux. On pourrait croire qu’il répond à un appel d’urgence. Il réclame une mise à jour des stagiaires et étudiant.e.s : comment se déroule l’occupation, quels sont les derniers développements, la nature des échanges avec le vice-doyen, les demandes formulées ? C’est qu’il ira à la rencontre tout à l’heure. Il veut bien les représenter ; il mettra même des chaussures pour l’occasion. Quels intérêts défendra-t-il ? Il est difficile de le savoir. « Et c’est quand que vous allez mettre fin à l’occupation ? »

***

De « Cachez ce travail » (article complet) :

Vouloir élargir la catégorie des travailleur.euse.s n’équivaut pas à en revendiquer l’identité ni à adopter une posture productiviste. Bien sûr, il faut admettre que la construction d’une identité de classe à travers la figure de l’ouvrier de masse se fait souvent au détriment des enjeux de genre, de sexe, de race et de colonisation. L’idée selon laquelle la classe ouvrière correspond aux hommes blancs qui travaillent sur des chaines de montage a toujours été une lubie, qui survit encore aujourd’hui dans le seul intérêt de certains milieux de gauche et syndicaux qui la véhiculent. Le point de la lutte n’est pas de porter le prolétariat en triomphe : elle doit aussi mener à son abolition en tant que classe inscrite dans les rapports capitalistes. Les mouvements syndicaux des secteurs ouvriers traditionnels, comme l’industrie de la construction, montrent bien comment le corporatisme et le nationalisme, au lieu de contribuer à l’établissement d’une conscience et d’une solidarité de classe, nourrissent les préjugés et la discrimination envers les personnes immigrantes, racisées et envers les communautés autochtones. En élargissant la définition du travail, en s’organisant sur une base non corporatiste et sans palier national, on peut au contraire tenter « de mettre fin aux divisions créées au sein de la classe ouvrière par le développement capitaliste »[4], pour reprendre les mots de Silvia Federici.

Procès de Raf Stomper à Montréal : un scénario perdant/perdant… sauf pour le principal intéressé

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Déc 132019
 

De Montréal Antifasciste

Montréal, le 12 décembre 2019 – Aujourd’hui au Palais de justice de Montréal se déroule la quatrième et dernière journée du procès du leader visible d’Atalante Québec, Raphaël Lévesque (alias Raf Stomper), pour méfait, introduction par effraction et harcèlement criminel. Ces accusations découlent d’un stunt réalisé par Lévesque et six autres militants d’Atalante le 23 mai 2018 dans les bureaux du média Vice Québec.

Nous nous sommes relativement peu intéressé-e-s à ce procès jusqu’à maintenant, car nous y voyons un cirque judiciaire complètement disproportionné à la portée réelle de l’action ayant menée à la mise en accusation. Nous sommes toutefois conscient-e-s que notre perspective sur la question diffère sans doute de celles « des médias » (partie dans cette affaire), du « système de justice », et de la position libérale communément admise dans la société québécoise. C’est pourquoi nous avons cru bon la formuler ici explicitement. [Pour tout éclaircissement supplémentaire, les représentant-e-s des médias peuvent visiter https://montreal-antifasciste.info ou communiquer avec nous à alerta-mtl @ riseup.net]

Nous croyons en effet que le caractère à peu près politique que ce procès a acquis, en vertu du fait qu’un média ait été pris pour cible, fait précisément le jeu des fascistes. Il eut mieux valu, dès le départ, prendre cette action pour ce qu’elle était (une médiocre prestation de théâtre politique à oublier aussitôt) que d’en appeler au système de justice pénale, lequel garde les projecteurs braqués sur Lévesque et lui donne l’attention qu’il désire plus que tout.

De plus, la solidité de la cause elle-même est extrêmement discutable, à tel point que l’issue en est plus qu’incertaine. Quoi qu’il en soit du verdict, il s’agit à notre avis d’un scénario perdant/perdant. Si Lévesque gagne son procès, il en ressort blanchi et ragaillardi, ce qui donne à penser que lui et sa bande de crétins répéteront le même genre d’action à l’avenir. S’il est au contraire condamné pour harcèlement criminel ou méfait, une jurisprudence sera établie qui réduira d’autant plus le champ des possibilités d’action directe légitime, autant pour la droite que pour la gauche. Autrement dit, l’État disposera d’un nouvel outil pour réprimer la contestation, d’où qu’elle vienne.

Par ailleurs, si les rapports qu’ont faits les médias des premiers jours du procès sont exacts, il appert que la juge tombe exactement dans le panneau dressé pour elle par les fascistes, malgré les tonnes de preuves accumulées du vrai caractère d’Atalante : dépolitisation, voire « dédiabolisation » en règle de la manœuvre.

Le palais de justice n’est pas un terrain favorable à la lutte antifasciste. Nous ne disons pas qu’il faille dogmatiquement refuser l’engagement sur ce terrain, et n’éliminons pas la possibilité de s’y présenter s’il y a des gains ponctuels, voire marginaux, à y faire, mais nous ne croyons pas qu’il faille compter sur les tribunaux pour gagner la guerre, ni même quelque bataille importante. Les tribunaux ne sont garants que d’une chose : l’ordre libéral. C’est-à-dire les conditions de reproduction de l’État et du système capitaliste, lesquels s’appuient sur les inégalités systémiques que nos mouvements s’emploient par ailleurs à éliminer.

Nous croyons que les luttes antiracistes et antifascistes doivent avant tout être menées au jour le jour dans nos espaces de vies et de travail, dans nos communautés et dans nos rues, par un travail constant d’information et de promotion des valeurs positives qui nous animent. Quelle que soit l’issue du procès de Raf Stomper, la lutte continue. Montréal Antifasciste, ses allié-e-s et sympathisant-e-s continueront à traquer, exposer et généralement pourrir la vie des fascistes d’Atalante et de tous ceux et celles qui portent un projet politique fondé sur l’inégalité et l’exclusion. Jusqu’à la victoire.

¡No pasaran!

Messe des morts : le néonazi Pascal Giroux mange une volée

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Déc 132019
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Le vendredi 28 novembre, le festival de black metal La Messe des Morts avait lieu au théâtre Paradoxe. Trois néonazis avaient été signalés sur place ou avaient annoncé leur intention d’être là sur les réseaux sociaux. L’un d’eux, Pascal Giroux a mangé toute une volée en quittant le théâtre.

Pascal Giroux est un militant néonazi assumé depuis la grande époque des boneheads à Montréal. Dernièrement il avait rejoint le groupe islamophobe les Soldiers of Odin et il participait à tous leurs mauvais coups, jusqu’à leur dissolution en 2018. Sur les photos on peut le voir avec un chandail Section Saint-Laurent, un hoodie SOO, poser devant un drapeau du Soleil Noir et protéger la maison du néonazi Phillipe Gendron en 2018, lors d’une manifestation antiraciste.

Les communautés antifascistes et black métal sont vigilantes et il n’y aura plus de safe space pour les nazis. Fred, Maxime, William, Joey, vous êtes prévenus.

Montréal est antifasciste.

Varennes : un nazi d’Atalante sur la rue Sainte-Anne

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Déc 112019
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Vincent Cyr, résident de la rue Sainte-Anne à Varennes est un néo-nazi dangereux, membre de l’organisation Atalante Québec. Vincent fait parfois de la boxe dans le parc de la Commune avec ses amis nazis. Il participe régulièrement aux activités d’Atalante à Montréal.

Dans la nuit de lundi 11 décembre 2019, 1000 tracts ont été distribués dans sa rue, son quartier, aux abribus et devant les lieux importants de la ville. Parce que le monde comme lui se cache et que la population doit savoir.

Chassons les nazis, où qu’ils soient!

signé : des antifascistes de la rive sud

La face cachée des transactions – 1972

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Déc 102019
 

De Archives Révolutionnaires

L’année 1970 marque le 300e anniversaire de la fondation de la Compagnie de la Baie d’Hudson (aujourd’hui La Baie). Alors que les actionnaires et le gouvernement canadien festoient, en compagnie de la reine d’Angleterre qui participe aux cérémonies entourant l’événement, les peuples et les personnes autochtones qui ont été trompés et volés par la Compagnie de manière séculaire, eux, ne se réjouissent pas. Pierre angulaire du colonialisme au fondement de l’état canadien, la Compagnie de la Baie d’Hudson (CBH) est toujours en 1970 un agent actif de la dépossession de plusieurs peuples autochtones du nord du Canada (au premier rang desquels les Ojibwas). C’est cette violence coloniale que dénonce le film La face cachée des transactions, produit en 1972 par Martin Defalco et Willie Dunn. Narré par le célèbre militant George Manuel, alors chef de la Fraternité des Indiens du Canada, La face cachée des transactions constitue un véritable manifeste pour le respect et la dignité, qui expose avec force l’essence coloniale du Canada ainsi que des compagnies telle que La Baie.

Le magasin général de la CBH à Aklavik (Territoires du Nord-Ouest) en 1956. Ce hameau a été fondé par la Compagnie de La Baie d’Hudson comme poste de traite en 1912.

Fondée en 1670, la Compagnie de la Baie d’Hudson constitue la plus ancienne société par actions du monde anglophone. Dès sa fondation, elle obtient un monopole commercial sur la Terre de Rupert. Ce territoire de 3,9 millions de kilomètres carrés lui est octroyé par une charte du roi d’Angleterre Charles II. Dès lors, la CBH est la seule qui puisse légalement installer ses postes de traite et contrôler le commerce des fourrures dans l’entièreté du bassin versant de la Baie d’Hudson. La Compagnie de la Baie d’Hudson constitue en ce sens une pièce maîtresse dans le processus colonial qui fonde le Canada. À la même époque, les colons et les marchands français consolident eux aussi des monopoles commerciaux le long du fleuve Saint-Laurent, des Grands Lacs et dans la vallée du fleuve Mississippi.

« Depuis 300 ans, l’histoire du Canada est écrite par l’homme blanc. Elle relate les exploits des pionniers, la générosité des marchands, les avantages apportés aux Autochtones. Nous voyons les choses autrement. »

Georges Manuel, La face cachée des transactions

La consolidation d’une économie extractive impériale dans les territoires du Nord de l’Amérique instaure, dès l’arrivée des commerçants européens sur ces territoires, un rapport d’échange inégal. Les marchandises offertes par les Blancs, comme des casseroles en fer-blanc ou des armes à feu, sont des biens manufacturés européens bon-marché. Même si ces objets sont utiles, ils ne valent rien en comparaison du prix que le commerçant peut demander pour ses fourrures sur le marché européen. La première arnaque est là : dans un rapport d’échange, on suppose que les deux parties connaissent la valeur des produits échangés. Or, les Autochtones ne connaissent pas la valeur marchande des produits européens. Un fusil est échangé contre plusieurs dizaines de peaux, parfois même un nombre de peaux empilées équivalent à la longueur de l’arme. Pour obtenir de tels produits, les peuples qui font du commerce avec les Européens doivent donc passer un temps fou à trapper et chasser, un temps de travail qui ira en augmentant à mesure que les animaux se feront plus rares (à cause de la chasse intensive) et à mesure que s’instaurera un rapport de dépendance des peuples autochtones aux produits européens.

En effet, les outils en métal ou les fusils apportés d’Europe sont des produits dont les peuples autochtones d’Amérique du Nord ignorent la méthode de fabrication. Ces outils sont utiles car ils facilitent la chasse ou l’agriculture, mais leur utilisation massive entraîne parallèlement la perte des méthodes traditionnelles de fabrication d’outils en pierre (en quelques décennies seulement). Ne connaissant plus les techniques pour produire eux-mêmes les biens nécessaires aux activités quotidiennes, les Autochtones doivent donc continuer de faire affaire avec les marchands européens, ce qui implique d’échanger de plus en plus de fourrures, bien sûr obtenues par la chasse, elle même dépendante des fusils… qui ne peuvent être obtenus que grâce aux Européens. Les personnes autochtones dépendent donc du commerce inégal avec les Européens et sont forcées de travailler (à chasser notamment) des temps démesurés pour simplement survivre. Ce rapport inégal produit à terme un appauvrissement généralisé des populations autochtones ; parallèlement, les compagnies impliquées dans le commerce des fourrures (comme la CBH) engrangent des profits faramineux.

La Terre de Rupert, octroyée par le roi Charles II d’Angleterre à la Compagnie de la Baie d’Hudson, comprend la majorité des territoires qui forment aujourd’hui les provinces des Prairies, ainsi que le Nord du Québec et de l’Ontario, l’Est des Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut.

Pour préserver leur marge de profit, alors que le lucratif commerce des fourrures gagne en popularité, les compagnies européennes cherchent à consolider (politiquement ou par le biais d’alliances) leurs monopoles commerciaux. Jusqu’en 1763, la Compagnie de la Baie d’Hudson entretient une vive concurrence avec les commerçants français pour le contrôle de la traite des fourrures dans le sud de la Terre de Rupert, ce qui donne lieu à de nombreuses altercations armées. Après que le territoire soit passé aux mains des Britanniques, une nouvelle et intense concurrence entre deux compagnies anglaises, la CBH et la Compagnie du Nord-Ouest, déborde de la Terre de Rupert et s’étend jusque dans le bassin versant du fleuve Mackenzie (actuellement Territoires du Nord-Ouest et Yukon). Comme la compétition entre les deux compagnies leur nuit réciproquement, les deux compagnies décident toutefois de fusionner en 1821 (dans un geste de concentration monopolistique éloquent). Cette fusion, confirmée par le Parlement britannique, élargit le monopole de la Compagnie à la totalité des Territoires du Nord-Ouest.

À ce moment, le colonialisme et le commerce ne font qu’un, alors que la CBH est celle qui ouvre de nouveaux territoires à la présence blanche et y fournit les services gouvernementaux contre remboursement par ce dernier des frais encourus. Ainsi, la Compagnie de la Baie d’Hudson devient le principal agent colonial du Canada tout en se substituant au gouvernement et en imposant son monopole commercial si néfaste pour les peuples autochtones. Au milieu du XIXe siècle, la CBH est le substitut du gouvernement jusqu’à la vallée de la rivière Rouge et sur l’île de Vancouver même.

Cette tendance s’accentue à partir de 1867, alors que de nouveaux actionnaires prennent le contrôle de la Compagnie. Ces nouveaux investisseurs s’intéressent de plus en plus à la spéculation immobilière et au développement économique de l’Ouest canadien ; ils cherchent à se détacher de la traite des fourrures au profit de ces nouvelles activités. En 1868, en vertu de l’Acte de la Terre de Rupert, la Grande-Bretagne acquiert ce territoire (qui était propriété de la Compagnie depuis la donation de Charles II en 1670) et en transfère la propriété au nouveau Dominion du Canada. Cette transaction constitue le plus important achat de biens fonciers jamais réalisé au Canada : le territoire acquis comprend la majorité des terres qui forment aujourd’hui les provinces des Prairies ainsi que d’importantes portions du Nord du Québec et de l’Ontario, des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut. Avec cette transaction, le Canada repousse profondément ses frontières coloniales.

Le gouverneur général Roland Michener signe la nouvelle charte canadienne de la Compagnie de la Baie d’Hudson, qui transfère le siège social de la Compagnie de l’Angleterre au Canada.

En 1910, la Compagnie est restructurée en trois services distincts : les ventes immobilières, la traite des fourrures et la vente au détail. En 1913, la CBH investit dans la construction de nouveaux magasins de détail, puisque ce secteur offre un plus grand potentiel que la vente immobilière et la traite des fourrures. En 1970, à l’occasion du 300e anniversaire de la Compagnie de la Baie d’Hudson, la reine Elizabeth II accorde alors une nouvelle charte qui révoque la plupart des dispositions de la charte précédente et qui transfère officiellement la compagnie du Royaume-Uni au Canada. Le nouveau siège social de la CBH est établi à Winnipeg au Manitoba.

Ce sont sur ces festivités du tricentenaire de La Baie que s’ouvre le film La face cachée des transactions. Profitant de cette soi-disant fête, les réalisateurs trouvent l’occasion de nous présenter 300 ans de colonialisme canadien, mais aussi de dénoncer les connivences coloniales actuelles entre le gouvernement et les compagnies. Le film, à la fois documentaire et manifeste, montre que dans des postes de traites du Nord et chez les communautés isolées de la Saskatchewan et du Manitoba, c’est toujours La Baie qui fait sa loi. Profitant de son monopole commercial de fait dans certaines zones reculées, la CBH impose des prix élevés pour les marchandises de la vie quotidienne qu’elle rend disponibles dans ses postes. C’est aussi elle qui fait crédit. C’est envers elle que les communautés s’endettent. Grâce aux droits indus qu’elle possède sur le territoire, la CBH ouvre celui-ci à l’exploitation minière. Les célébrations du 300e anniversaire de la CBH ou du centenaire du Manitoba cachent difficilement, derrière les festivités ludiques et stéréotypées, la destruction que le colonialisme et l’industrie ont apportés.

« Nous avons été vaincus en tant qu’Autochtones. Nous avons été colonisés. Nous dépendons toujours de la même Compagnie. On ne s’en sortira qu’avec un mouvement de libération national. Je dis qu’au cours de cette 300e année, avec les fêtes et la propagande, on devrait se radicaliser et amener nos frères et sœurs à se révolter pour agir et se mobiliser pour prendre le contrôle des magasins et de la Compagnie. Cela signifie qu’on devra se les approprier. On ne s’attend pas à ce que la Compagnie nous les donne. Ils nous appartiennent. On les a payés plusieurs fois. »

Dr. Howard Adams, La Face cachée des transactions

Si le film souligne la responsabilité des monopoles commerciaux coloniaux dans le sous-développement et l’appauvrissement des communautés autochtones partout au Canada, il met aussi en valeur les résistances mises en place par les gens afin de contrecarrer ces monopoles. Les résistances économiques et sociales se traduisent, par exemple, par l’instauration de coopératives (à Pelican Narrows ou encore dans quelques villages Inuits). Le film met aussi en valeur les différentes stratégies politiques de lutte, de l’approche juridique préconisée par la Fraternité des Indiens du Canada aux analyses révolutionnaires issues du Red Power. Le film est d’ailleurs réalisé dans un moment de résurgence politique autochtone, alors que les Premiers Peuples du Canada viennent d’obtenir une importante victoire contre le gouvernement fédéral qui voulait municipaliser les réserves à l’aide de sa politique exposée dans le Livre blanc de 1969. Les luttes autochtones et les résurgences politiques et culturelles se multiplient partout au soi-disant Canada.

William « Willie » Dunn (1942-2013) est un auteur-compositeur-interprète, réalisateur et militant Mi’kmaq.

Dans ce contexte, les réalisateurs Martin Defalco et Willie Dunn participent à l’Indian Film Crew, un collectif créé en 1968 à l’issue d’une série d’ateliers organisée dans le cadre du projet Société Nouvelle (Challenge for Change en Anglais) menée par l’ONF de 1967 à 1980. De ce projet sont issus plusieurs films politiquement essentiels, dont You Are on Indian Land. Un des buts du programme Société Nouvelle était de transférer le contrôle du processus de création des films aux personnes et communautés en lutte plutôt qu’à des professionnel.les du cinéma. Le programme cherche donc à offrir des moyens d’expression financés publiquement à des personnes qui autrement n’en auraient pas. C’est notamment à travers ce programme que plusieurs militant.es et artistes autochtones ont pu produire des films et des documentaires exprimant leurs revendications, documentant leurs luttes et traitant de sujets tels que les pensionnats autochtones, qui auraient difficilement pu être portés à l’écran par des personnes non-autochtones. Ironiquement, c’est grâce à ce programme, financé par le gouvernement, que les réalisateurs de La face cachée des transactions ont pu dénoncer le colonialisme de ce même régime !

Notons pour finir que les méthodes malhonnêtes de négociation avec les peuples autochtones ne sont malheureusement pas chose du passé. Afin de s’accaparer les terres autochtones non-cédées, le gouvernement canadien négocie encore à ce jour de manière trompeuse avec les peuples autochtones (et toujours au profit des compagnies !). Dans le cadre de ses politiques de règlement final, le gouvernement prête de l’argent à une communauté pour qu’elle engage des avocats, ceux-ci devant négocier pour la communauté avec le gouvernement. La communauté se trouve donc endettée auprès du gouvernement avec qui elle négocie… Pour rembourser sa dette, la communauté doit mener les négociations à terme (pour obtenir une compensation financière en échange de ses terres). Enfin, le gouvernement refuse toute autre conclusion qu’un règlement final, à savoir la cession des droits passées, présents et futurs d’une communauté sur ces terres. Si la négociation n’aboutit pas, la communauté endettée auprès du gouvernement est mise sous tutelle. Voilà une des manières dont le colonialisme se perpétue au Canada de nos jours.

La face cachée des transactions, sur le site de l’ONF.

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Les pièces composées par Willie Dunn, dont la chanson I Pity the Country qu’on peut entendre à la fin du film, sont disponibles sur Youtube. Pour continuer la réflexion critique sur le colonialisme canadien grâce à l’art, notons le travail de l’artiste cri Kent Monkman, qui utilise les couvertures à points de la CBH dans sa série de toiles intitulée « Shame and Prejudices : A Story of Resilience » (Honte et préjugés : une histoire de résilience) pour représenter « les pouvoirs impériaux ayant dominé et dépossédé les Autochtones de leurs terres et de leurs moyens de subsistance ». Pour mieux comprendre les processus coloniaux actuels, notamment les négociations trompeuses pratiquées par le gouvernement canadien, on lira avec plaisir le livre Décoloniser le Canada, écrit par Arthur Manuel (fils de George Manuel) et traduit en français aux éditions Écosociété en 2018.