Montréal Contre-information
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Gary Metallic Sr., Chef du 7e District, Gespegawagi, lance un appel à venir supporter le blocage

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Août 152017
 

Traduction de l’anglais par MTL Contre-info

Le Conseil Tribal de notre 7e district supporte entièrement les défenseurs du site de protestation contre Junex Galt près de Gaspé.

Nous avons été en communication directe avec les défendeurs dans les derniers jours et, hier soir, ils ont été présents à notre conseil tribal de District à Listuguj, demandant notre support dans la protection de nos terres de District, les eaux, la faune et la vie sauvage.

En tant que membres du Conseil Tribal du District, nous appelons au support de ces Défenseurs et que les gens se rendent sur le site de protestation de Gaspé. En tant que personnes Mi’gmaq, nous avons un devoir et une obligation d’être aussi les défenseurs et les protecteurs de notre territoire Ancestral du District. Nous ne pouvons demeurer silencieux ni tolérer tout forage de pétrole sur notre territoire, qui empoisonnera nos terres, les eaux, la faune et la vie sauvage.

Nous vous demandons de nous rejoindre ce samedi au camp de support des défenseurs (le camp de la rivière) où nous avons invité nos gens à partager avec eux un repas qu’ils auront préparé pour former et consolider notre alliance avec eux pour défendre nos terres et nos ressources des dommages que causent le forage de pétrole par Junex.

Vôtre,
Gary Metallic Sr., Chef du 7e District, Gespegawagi, et les sous chefs et les membres de la famille des Surveillants du Conseil Tribal de Listuguj

 

Pour obtenir des directions et des mises à jour, allez voir la page Camp de la Rivière – Galt – Junex

Déclaration de support pour la Défense de la Terre en Gaspésie

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Août 142017
 

Traduction de l’anglais par MTL Contre-info

Moi, Madonna Bernard, en tant que Mi’kmaq du territoire Unamaki et en tant que protectrice de la terre et de l’eau, je me positionne en solidarité avec les gens de la Gaspésie qui résistent à Junex pour l’empêcher de forer du pétrole sur le territoire Mik’maq, terre du 7e district de Gespegawagi.

Nous supporterons tous.tes défendeur.euses de la Terre Mère. En tant que peuples autochtones, protéger la Terre Mère est notre devoir et notre droit inhérent. Nous ne laisserons pas le système des AANC (Affaires Autochtones et du Nord du Canada) et le gouvernement protéger l’environnement parce que c’est un système corrompu. Faire de l’argent est leur seul objectif, peu importe le prix que paieront l’environnement et les générations futures.

Alors j’applaudis et je me place en solidarité avec leur prise de position contre Junex. Notre bataille est la même contre Alton Gas ici au district de Sipekne’katik en Nouvelle-Écosse. Les traités ont préséance sur toutes les autres lois au soi-disant « canada » et il est temps pour toutes les nations autochtones et leurs alliés sur l’Île Tortue de joindre leurs forces et de s’unir contre la corporation du canada pour protéger l’environnement et les générations futures. Le système AANC a été mis en place pour pouvoir se débarrasser du « problème autochtone » et plusieurs de nos gens sont si colonisés à croire au système que nous sommes en train d’être assimilé.es à la société normale.

Le chef AANC ici, dans ce district, supporte Alton Gas, et le KMK (ceuzes qui sont soi-disant en charge de nos droits Mi’kmaqs) a donné la permission à cette compagnie d’aller de l’avant, mais en tant que personnes autochtones grassroot nous n’avons pas donné notre consentement au KMK (Kwilmu’kw Maw-klusuaqn – Mi’kmaq Rights Initiative) pour gérer nos droits intrinsèques et à conclure des ententes en catimini et filtrer l’argent pour que les chefs AANC signent des contrats qui cèdent nos droits. Nos traités protègent TOUTES les personnes, l’eau, la terre, l’air et les animaux pour qu’ils s’épanouissent et vivent ensemble dans la Paix, l’Harmonie et en équilibre les un.es avec les autres.

URGENCE: Appel à la Solidarité!

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Août 112017
 

Soumission anonyme à MTL Counter-info

Depuis lundi, nous bloquons la route qui mène aux sites d’exploration pétrolèire Galt 4, 5, et 6 de la compagnie Junex. Nous sommes une multiplicité de personnes anonymes et autonomies mettant tout notre coeur à défendre l’eau, la terre et l’air.

Un second camp a été créé en bas de la montagne, près de la rivière petite fourche, à la jonction de la 198. Nous avons un urgent besoin de support! Rejoignez nous en grand nombre le plus rapidement possible! La police pourrait intervenir à tout instant. Le maintien du blocage que vous apportez.

Nous avons aussi besoin de nourriture de matériel et d’argent.

Faites circuler l’information et la révolte!

Non aux hydrocarbures en territoire Mi’gmak et partout ailleurs!

Blocage Galt (GASPESIE): Appel a l’action!

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Août 072017
 

Soumission anonyme à MTL Counter-info

Sur un territoire Migmaq non-cédé, loin de nos barricades, nous voyons la riviere qui coule dans la majestueuse Baie de Gaspe. A plus grande distance, nous voyons la foret infinie qui est devorée pièce par pièce par l’industrie coloniale. L’appat du gain nous a conduit a extraire des hydrocarbures des sous-sols.

Depuis hier, nous blockons et occupons afin de réaffirmer la souverainete Migmaq sur les propriétés illegitimes de Junex. Sur la route des projet Galt, situes entre Gaspé et Murdochville, nous avons organisé un blocage et un camp comme acte de solidarité envers les protecteur.trice.s des territoires et de l’eau de l’Ile de la Tortue.

Parce que nous somme contre l’extraction du pétrole dans son systeme de reproduction de la violence coloniale. Parce que nous refusons de laisser Junex explorer, fracturer, stimuler, injecter ou utiliser quelquonque modes afin d’extraire ses ressources. Parce que le pari catastrophique de Junex met a risque l’entiereté de ce territoire, notre camp durera aussi long que nécessaire afin que ses projets violents demeurent bloqués pour toujours.

Au cotés des protecteur.trices des territoires et de l’eau qui contribuent a réoccuper cette parcelle du territoire Migmaq volé, nous lancons un appel a joindre notre groupe de défense contre cet assault. Nous sommes nombreux, mais nous avons besoin de davantage de support pour parvenir a protéger les territoires et l’eau menacée de ce projet subventionné par l’Etat.

C’est dans ses mesures qu’un feu sacre migmaq sera allumé afin de signifier l’unicite du front de lutte contre la violence coloniale des industries et afin de reaffirmer l’autodetermination des autochtones sur des territoires occupes. Nous invitons les protecteur.trice.s des territoires et de l’eau, les warriors et les allié.e.s allochtones a se joindre dans cette lutte commune. Contre la négation de la violence contre les territoires, l’eau et les communautées autochtones, nous nous tenons debouts et nous ne seront pas défait.e.s.

Vous pouvez vous joindre a nous sur les barricades ou bien prendre des initiatives paralleles afin de supporter le blocage et le camp. Des détails plus précis sur le lieu du blocage suiveront : on peut vous dire que c’est sur la 198 entre Gaspé et Murdochville, a 20 km de Gaspé. Partagez!

Sabotage du spectacle de la commodification de la forêt (Cantons-de-l’Est)

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Juil 302017
 

Soumission anonyme à MTL Counter-info

À l’entrée des Sentiers de l’Estrie, Parc du Mont-Orford, sur le bord de la 112. Attraction touristique d’importance dans les environs. Fait en vue du 11 Juin, quelques jours avant.

En rétaliation, surtout, pour l’hécatombe de vies innocentes, créatures non-humaines sauvages, trouvées mortes en quantités innombrables sur cette même route à chaque année touristique…

Trouver les moyens de résister: apprendre des luttes contre la gentrification à Montréal

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Juil 212017
 

De The Cannon Street Bellows (Hamilton, Ontario)

En ce moment, où nous sommes de plus en plus nombreux.ses à nous trouver dans des situations difficiles dues aux prix immobiliers, nous sommes souvent à cours d’inspiration pour combattre la gentrification. Mais à l’autre bout de la 401, à Montréal, des anarchistes développent depuis plusieurs années des pratiques d’action directe contre les commerces impliqués dans la gentrification de leurs quartiers. Concentrée à Hochelaga dans l’est et à Saint-Henri dans le sud-ouest, on observe l’émergence d’une diversité de stratégies ayant comme but de rendre le territoire inhospitalier aux commerces cherchant à attirer une clientèle riche vers des quartiers populaires.

Depuis 2010, on remarque un flot constant d’attaques contre les caméras de surveillance. La destruction de ces caméras permet aux anarchistes de contester la logique de surveillance – à la sécurité de qui contribuent-elles ? – et rendent plus faciles des attaques contre d’autres cibles dans le quartier. Lors d’une des premières attaques de ce genre, un extincteur rempli de peinture a été utilisé. Dans un communiqué de décembre 2016, on peut voir la photo d’une personne cagoulée portant plusieurs caméras détruites en guise de collier.

En mai 2015, à Saint-Henri, l’inauguration d’un bar à jus de fruit a été interrompue par une foule cagoulée, laquelle a d’abord jeté un fumigène à l’intérieur, puis attaqué le proprio à coup de poivre de cayenne quand il a essayé d’intervenir. La tactique de s’attaquer ouvertement et en groupe contre des gentrificateurs connus permet de montrer que les riches sont vulnérables et que les flics ne peuvent pas les protéger d’un groupe déterminé. Encore à Saint-Henri, en mai 2016, une action de dégentrification a collectivement pillé un magasin de nourriture haut-de-gamme dans le quartier, pour ensuite redistribuer la nourriture aux résident.es. De nouveau à Hochelaga, en 2016, une manif d’Halloween a distribué des bonbons aux gens du quartier tout en laissant des dizaines de tags contre la gentrification et contre la police qui, une fois arrivée, s’est vue repoussée à coup de pierres. La résistance en masse rompt l’illusion de l’acceptation paisible du développement et de la gentrification, nous permettant ainsi de nous échapper du fatalisme et du désespoir qu’ils nous infligent.

Il y a eu quelques tentatives d’actions semblables à Hamilton: en juin dernier, une trentaine de personnes ont confronté une excursion d’investisseurs immobiliers appelée “Try Hamilton” (J’essaie Hamilton). À l’aide de slogans et à coups de trucs dégueux, il.les ont montré qu’il y aura toujours une résistance contre cell.eux qui cherchent à s’enrichir en expulsant les gens de chez eux. Grâce à leur engagement à se défendre collectivement contre la police, personne n’a été arrêté. C’est aussi le cas pour toutes les actions montréalaises décrites précédemment.

Saint-Henri et Hochelaga ont également vu un grand nombre d’attaques clandestines contre des commerces de luxe favorables à la gentrification. Vitrines fracassés et graffitis sont le motif récurrent de ces actions. L’usage d’extincteurs remplis de peinture semble être un choix de prédilection. En novembre 2016, un communiqué appelait à ne pas se contenter de s’attaquer aux façades des commerces: à Hochelaga, les vitres de trois boutiques avait été brisées, puis l’intérieur avait été recouvert de peinture à l’aide d’un extincteur. On pouvait lire dans le communiqué: « Ces vitrines détruites, cette marchandise ruinée par la peinture, c’est un acte de guerre. Nous ne laisserons pas ces boutiques s’installer en paix – cette paix de façade qui n’est autre que l’invisibilisation de la guerre en cours contre les pauvres et les marginaux.ales. ». En 2015, à St-Henri, une action semblable ciblant un magasin de vêtements avait été revendiquée dans le cadre du Black December, un appel par des prisonnier.ères anarchistes internationaux.ales à attaquer des symboles de domination. À Hamilton, des graffitis avait été faits sur la prison de Barton en réponse à cet appel.

Tout au long de la lutte contre l’embourgeoisement, on observe un important effort de diffusion des actions et de circulation d’un contre-discours sur le développement. Suite à l’attaque d’un restaurant à l’imagerie machiste en juin 2015, à Hochelaga, des affiches avaient été posées dans le quartier. Elles détournaient de manière queer et parodique le logo du commerce et expliquaient pourquoi les restos chers n’étaient pas les bienvenus dans le quartier. En décembre 2016, une affiche collée sur les murs de Saint-Henri racontait l’histoire de l’icône locale Louis Cyr, dont un restaurant bobo, déjà la cible de plusieurs attaques au cours des deux années précédentes, avait commercialisé l’image. Des entrepreneurs parasitaires cherchent souvent à utiliser certains aspects de la culture et de l’histoire locales pour leurs campagnes publicitaires, afin de vendre le quartier à des riches venus d’ailleurs. Et ça ressemble à quoi concrètement? Il n’y a qu’à penser aux discours des gentrificateurs de Hamilton sur le fer ou sur l’industrie, comme The Cotton Factory ou Seed Works. Ces espaces industriels réaménagés se vendent à l’aide d’éléments de la culture travailleuse et populaire locale, utilisés dans le but attirer des bureaux et des événements bourgeois.

Cet article n’est qu’un survol de toutes les actions qui ont eu lieu, mais il permet de montrer qu’avec résolution, on peut trouver les moyens de résister. Bien que la situation puisse sembler sans espoir, certain.es sont d’avis que la lutte vaut toujours la peine. Dans un entretien accordé à Submedia en décembre 2016, deux anarchistes ayant participé à certaines des actions ci-dessus disaient:

« Ça a l’air inévitable, et ça l’est peut-être, mais ça vaut tout de même le coup de lutter contre et de ne pas se laisser faire. Dans le monde insupportable dans lequel on vit, j’ai l’impression que ma vie peut juste trouver un certain sens si je me bats ».

Pour plus d’information sur ce qui se passe à Montréal: Montréal contre-information

Envie d’en apprendre davantage sur la gentrification et son histoire à Hamilton ?
Vous pouvez lire le texte (en anglais) “Now that it is Undeniable: Gentrification in Hamilton” (Maintenant que c’est incontestable: la gentrification à Hamilton)

Mise en pratique

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Juil 202017
 

Pour l’article complet (en anglais) voir ici

Nous désirons répondre par nos idées au texte Mise en Commun qui a circulé récemment. Ce dernier critiquait les projets et perspectives insurrectionnelles à Montréal en général. […] Mise en Commun se réfère et fait réponse à quelques douzaines d’actions, d’attaques et de petites manifestations qui furent organisées dans les quartiers Hochelaga et St-Henri par des anarchistes l’an dernier (la multiplication de ce type d’initiatives persiste depuis maintenant plusieurs années).

Ces actions auxquelles nous ferons référence impliquent surtout la destruction de devantures et de marchandises de commerces ou des dispositifs qui contribuent à l’embourgeoisement : des commerces yuppies, la police, des bureaux de promoteurs immobiliers, des voitures de luxe et des caméras de surveillance. La plupart de ces actions ont été revendiquées par des communiqués publiés sur le net ou imprimés et distribués en tracts (parfois éparpillés au le sol sur les lieux de l’action) offrant une explication de comment elle a été perpétrée et la situant dans son contexte particulier. Des actions revendiquées, il y en a depuis longtemps, mais il y eut un sommet de leur fréquence en 2016.

Nous observerons les contextes dans lesquels ces actions prirent place au cœur de quartiers sous tension face à l’embourgeoisement, qu’est-ce que cela signifie pour des anarchistes ayant l’intention d’intervenir et à quoi croyons-nous que cela ait contribué. À travers ces fondements, nous inciterons les questions de la communication et de l’intelligibilité, des mouvements de masses, de l’intervention anarchiste, de la stratégie, de l’isolement, de la spécialisation et de la répression. Nous offrirons ensuite quelques propositions quant à une lutte multidimensionnelle et combative contre l’embourgeoisement, et sur d’autres luttes que la nébuleuse anarchiste montréalaise pourrait poursuivre.

Intelligible pour qui ?

« Pour avoir une résonance, nos actions doivent être communicables, elles doivent faire du sens pour autrui, elles doivent être intelligibles. »
– Mise en Commun

Nous sommes clairement en accord avec une part de ce commentaire. En agissant, l’une des premières considérations qui nous vient en tête est de savoir comment nos actions seront comprises autant par les compagnons que par quiconque en prenant connaissance. Nous voulons néanmoins être explicites quant à ceuzes envers qui nous souhaitons être intelligibles. Nous voulons d’abord communiquer avec de potentiels complices. Des gens pour qui voir ou entendre parler d’une action fait résonner en elles et eux le besoin de saper ce qui rend leurs vies misérables, des gens qui veulent se battre. Nous ne cherchons pas à être intelligibles pour l’autorité. Nous ne parlons pas leur langage et ne le voulons pas – nous ne recherchons pas à nous adapter à leurs paradigmes dans le but d’entrer en dialogue. Nous voulons les détruire.

Même lorsque les actions parlent d’elles-mêmes (certaines plus clairement que d’autres et c’est bien ainsi), on ne peut jamais compter sur les médias de Gauche ni sur les médias de masse pour diffuser nos idées – le but de ces médias n’est pas de communiquer des idées, mais de solidifier leurs propres visions dominantes du monde en incorporant nos idées et nos actions dans leurs narratifs. Il nous est nécessaire d’utiliser nos propres canaux de communication afin d’être sans équivoque sur ce que nous faisons, ce que nous voulons et pour ne pas être censuré.es.

Accompagner une action d’un communiqué peut aider à faire comprendre les intentions de l’auteur, à démystifier les moyens par lesquels l’action a été produite et à la lier à une lutte plus large ou à des objectifs stratégiques. Les communiqués de la plupart des actions auxquelles nous nous référons ont été publiés en ligne sur Montréal Contre-information, un projet local de communication autonome pour nos luttes anarchistes à Montréal. Évidemment, cette page web a souvent pour limite de n’être qu’utilisée et lue que par d’autres anarchistes. Semblant vouloir dépasser cette limite, ce projet produit des versions imprimables des communiqués pouvant ensuite être affichées dans la rue et diffusées sur des tables de distros, partagés entre nos maisons, dans la tentative d’ouvrir des canaux de communication avec des gens qui ne font pas usage de cet outil limité qu’est l’internet.

Le langage de la guerre et du spectacle

Mise en Commun critique les auteur.es d’un communiqué anonyme pour avoir « parlé d’un acte de guerre en revendiquant le vandalisme de cinq commerces… », les accusant de fétichiser certaines terminologies, d’être prétentieux.ses et d’accepter la mise en scène leur propre puissance. En général, lorsque l’on parle de guerre (du moins, d’une guerre dans laquelle nous pouvons être impliqué.es), on réfère habituellement à la guerre sociale ; c’est-à-dire à l’expansion du conflit dans tous les aspects de la vie, de la même façon que le font la domination et le capital en débordant le lieu de travail. Ce conflit social est inévitablement ouvert, chaotique et il comporte des possibilités d’accentuation exponentielle de complicités. Cette guerre est sous-jacente. C’est une réalité que l’on tente d’exposer à travers nos actions et par la propagande, bien que notre implication dans cette guerre n’en constitue qu’une fraction. Ceuzes qui ont agi ont aussi expliqué leur ‘acte de guerre’ par ces mots : « Nous ne laisserons pas ces boutiques s’installer en paix. Cette paix de façade n’est autre que l’invisibilisation de la guerre en cours contre les pauvres et les marginaux.ales. » Néanmoins, soyons conscients que ‘la guerre’ est aussi le langage dont l’État fait usage pour décrire le conflit. Les guerres incluent souvent des trêves et sont pensées dans des logiques standardisées alors que celle que nous menons est permanente et en dehors d’une conception militariste de la lutte. […]

Nous tenons également à complexifier ce que Mise en Commun avait réduit comme étant « la mise en scène de notre puissance ». Précisons que les conditions socio-culturelles locales actuelles, influencées par une éthique puritaine (dans les milieux anglophones), nous apprennent la modestie lorsque nos paroles nous viennent du cœur. Dans la société conventionnelle, il est permis à une certaine jeunesse de se penser au centre de l’univers jusqu’à ce que la réalité économique difficile et les rôles sociaux les obligent à s’y soumettre. Dans ce contexte, les gens préfèrent abandonner la gloire aux célébrités et à la lutte internationale, pour ensuite les fétichiser tel des objets. Ayant cela en tête, nous rejetons la pratique de la modestie et nous préférons contribuer en luttant activement contre ce qui nous détruit. Lorsque nous parlons fièrement avec le cœur, avec respect pour les actes dans lesquels nous avons projeté nos passions, nous ne pouvons qu’espérer normaliser l’amour de soi-même et de nos passions comme actes subversifs. Trouver des moyens d’interagir avec nos propres désirs sans intermédiaire est une démarche qui permet de retirer de l’importance au pouvoir du spectacle plutôt que de le renforcer. CrimethInc. est souvent critiqué ou ridiculisé pour valoriser ces qualités dans leur écriture, mais ils ont peut être compris quelque chose. La fierté est une limite lorsqu’elle devient un obstacle à l’auto-critique et à l’apprentissage, ou dans nos relations interpersonnelles. C’est plutôt là où nous préférons adresser cette problématique.

Les mouvements de masse et l’anarchisme populaire à Montréal

« … ça suffit d’être à l’arrache du contexte, à attendre une grève étudiante ou la construction d’un pipeline…Le contexte qui nous favorise, l’arène où l’on se bat, le territoire que l’on habite, c’est à nous de les créer. »
-Mise en commun

Non seulement nous sommes complètement en accord avec cette affirmation mais cette idée influence tous nos projets. Le temps d’agir pour la liberté est maintenant.

Mise en Commun poursuit en prononçant que « Ce n’est pas dans les mouvements sociaux qu’on la cherche [la puissance], mais bien dans les moments insurrectionnels ». C’est là où nous divergeons. Nous ne voulons pas remplacer le Grand Soir avec un éventuel moment insurrectionnel anticipé à l’horizon, remettant la lutte à plus tard une fois de plus. Même pour celleux qui croient que la puissance collective réside dans les futurs moments insurrectionnels, il reste significatif d’agir en dehors de ces moments dans l’objectif de s’y préparer, des fomenter ses bases. En donnant corps à notre praxis dans le présent, notre capacité d’intervenir dans de futures occasions (souvent inattendues) reste vive.

Mise en commun se contredit entièrement en mentionnant seulement la grève étudiante de 2012 comme exemple concret d’un moment insurrectionnel. Avril et Mai 2012 est considéré comme un moment insurrectionnel « non pas seulement dans le sens que ça pétait tous les soirs, mais au sens où nos relations étaient définies en fonction de, par et pour la grève. »

Nous ne sommes pas d’avis que la grève étudiante de 2012 était un moment insurrectionnel. Nous définissons un moment insurrectionnel comme la création violente d’un espace-temps faisant rupture avec les rôles sociaux et la norme. Si la situation est presque devenue incontrôlable par moments, ce n’est pas parce que la grève étudiante définissait nos relations. C’en est plutôt l’opposé ; c’est parce que la lutte a débordé au-delà des cadres d’une grève orientée par des revendications et une forte identité étudiante après que les lois répressives aient été appliquées. Même si nos capacités collectives de nous battre dans la rue s’accrurent avec créativité à différents moments, il y eut un manque au niveau de la diffusion d’idées incontrôlables et dans la subversion des rôles socialement assignés. Toutes ces vitres brisées et ces flics blessés ont été redéfinis avec succès en tant que militantisme réformiste. Le momentum a été récupéré par les politiques électorales sans le moindre ébranlement. Lorsque l’on réfléchit à nos interventions durant ces mois de grève, notre principale auto-critique est que nous n’avons pas mis assez d’énergie à engager la lutte au niveau des idées anarchistes pour leur donner de la pertinence dans la situation.

Il serait abruti de dire qu’aucune puissance libératrice ne fut ressentie durant ces moments. Mais il serait dramatique de ne pas admettre que nous avons trahi.es nos complices potentiels et nous sommes trahis nous-mêmes en mettant nos perspectives radicales de côté afin de répondre à un sentiment d’urgence. Durant le mouvement de 2012, il était inconfortablement clair à quel point les visages des soi-disant masses étaient blancs dans une ville très multi-culturelle, dans une lutte se fondant sur un discours de classe, alors que des libéraux gauchistes klaxonnaient dans leur Mercedes pour appuyer celleux désobéissant aux lois répressives dans les rues. Les politicien.nes du privilège pourraient analyser une telle réalité et refaire les mêmes erreurs encore une fois; en affirmant que nous devons mettre nos désirs de côté pour privilégier des revendications qui ne feraient que renforcer le contrat social libéral (avec ses droits, ses privilèges et son impuissance), l’amenant au-delà des standards du cadre de la suprématie blanche. Si nous nous prenons au sérieux en tant qu’anarchistes et que nous parlons d’une ‘culture de lutte’ à partir de notre perspective et non de celle de politicien.nes, tenons des positions ayant moins de compromis.

Dans certains moments, des actions menées et revendiquées par les anarchistes ont aliéné et rendu impossible la collaboration avec la Gauche. Dans un certain sens, cela est désirable. Nous croyons que la construction d’une culture révolutionnaire de lutte nécessite, non pas de nous aliéner chaque gauchiste en ville, mais plutôt de saboter l’emprise de la Gauche sur les luttes. La Gauche est l’un des principaux moyens par lequel plusieurs luttes incontrôlables antérieures ont été récupérées, en canalisant leur énergie dans une médiation avec les autorités et en dissimulant le conflit sous couvert de réconciliation. Les anarchistes devraient considérer la Gauche en tant que barrière aux perspectives et aux pratiques de libération. Une certaine forme d’anarchisme aux penchants populistes hérité de la Gauche (dans le cas de Montréal, des organisations militantes étudiantes) est selon nous l’un des plus grands obstacles aux projets anarchistes montréalais.

Il nous semble que ces anarchistes prennent la voie plus ‘populaire’ parce qu’illes veulent que leurs projets soient socialement légitimes ‘pour le public, pour les gens, pour les non-anarchistes, etc.’ On apprend aux individus dans la société à se sentir valides à travers la reconnaissance de quelque chose qu’illes admirent, qu’illes perçoivent plus puissant qu’euxlles-mêmes. Tout le monde est sensible à cela et c’est en partie pourquoi l’autorité existe toujours. Ce n’est pas seulement la faute du maître. Tout le monde joue un rôle dans la hiérarchie. Plutôt que d’essayer de détruire les racines de la domination à la base, le populisme et la Gauche exploitent et utilise cette faiblesse humaine dans le but de créer un mouvement. Il en résulte la reproduction de relations sociales dans lesquelles une personne agit principalement par peur d’exclusion si elle ne suit pas la vague. C’est aussi une façon par laquelle la répression fonctionne. Chaque individu a peur d’être arrêté car cela signifierait d’être humilié publiquement ou isolé en prison. Avec ce piège qui nous limite, la pacification gagnera toujours.

Les compagnon.es qui s’inscrivent dans la logique de la légitimité normative accusent souvent celleux qui font des attaques directes de rendre leur projet impossible en ne se souciant point de cette légitimité du ‘peuple’. Les attaques ne sont pas valorisées en tant que contributions en vue de la construction d’un contexte. Cela propage l’idée que certains actes ‘ dangereux ‘ posés au mauvais moment peut détruire la croissance du mouvement. Cela a été vrai à Athènes, en Grèce, suite à l’incendie de Marfin Bank (où des employés sont morts dans un feu allumé par des anarchistes), mais à Montréal, il semble que le critère pour ‘dangereux’ consiste dans le fait de sortir des diktats de la légitimité normative, ce que nous considérons comme faisant partie intégralement de notre projet.

Rechercher une légitimité normative ne peut, à long-terme, qu’invisibiliser le conflit. Par contre, si nous pouvions répandre socialement des narratifs de légitimité liés à nos pratiques de façon à rompre avec les valeurs normatives, nous développerions de grandes capacités subversive. C’est le cas par exemple lorsque beaucoup de gens pensent qu’il est légitime d’attaquer la police ou d’occuper des bâtiments mais que ce ne l’est pas pour les flics de nous tirer dessus ou pour nos proprios de nous évincer. Il y a plus de possibilités quand il y a un appui social de nos actions et lorsque plus de gens rompent avec leurs rôles, participent à des luttes ou à différentes formes de pratiques illégales. Cela entre certainement en conflit avec la légitimité normative. Nous pouvons voir un exemple évident de comment ces logiques sont irréconciliables quand nous observons comment la ‘violence’ dans les paradigmes normatifs est utilisée pour désigner quoi que ce soit ayant possiblement un horizon révolutionnaire. Il est tout aussi important que des compagnons mettent de l’énergie à argumenter en faveur de la légitimité de notre praxis autant que ce l’est d’expérimenter dans la praxis; pas avec les médias ou avec les politiciens, mais de façon horizontale, dans la rue, avec les voisin.es et en détruisant la légitimité des pratiques de l’État.

Malgré qu’il soit important de trouver des moyens d’interagir directement avec celleux à l’extérieur de nos milieux jeunes et souvent imprégnés de sous-cultures, on devrait éviter de focaliser sur l’organisation des autres en mouvement de masse pour nourrir notre sentiment de légitimité et plutôt nous organiser nous-mêmes en étant clair.es sur qui on est et ce que nous voulons quand on interagit avec les autres. La politique (et les discours manipulateurs basés sur l’omission qu’elle requiert) devrait être évitée lorsque l’on construit des fondements anti-autoritaires.

Nous croyons qu’une critique de la Gauche et du populisme peut amener d’intéressantes réflexions aux initiatives anarchistes sociales, comme Chlag.info, ayant organisé une assemblée contre la gentrification dans Hochelaga. […] Certains éléments hérités du modèle raté d’organisation que des anarchistes ont essayé d’appliquer pour mobiliser les masses d’étudiants dans une grève contre l’austérité semblent avoir été transférés vers une mobilisation de masse contre la gentrification dans les quartiers, dans l’objectif qu’un jour, des actions directes puissent s’inscrire dans un contexte de mouvement social. Ce modèle d’organisation fonctionne grâce à la politique : une logique de recrutement, remettre la lutte à plus tard et la création d’une campagne de mobilisation basée sur le plus petit dénominateur commun comme point d’unité. Que ça soit “Fuck l’austérité” ou “Fuck la gentrification”, les idées et les différences sont réduites à un programme politique conçu pour faire appel aux “masses”. Lorsque la lutte contre la gentrification (ou n’importe quelle lutte spécifique) offre l’opportunité de lier cette lutte à des perspectives anarchistes qui remettent tout en question, cette approche politique choisit plutôt de ne faire aucun de ces liens et de ne pas récuser les discours normatifs et respectables de la Gauche contre la gentrification.

Ce discours populiste a tendance à penser que de lier cette lutte à une analyse contre tous les gouvernements, la police, la colonisation et le contrôle sociale, etc., aliénera beaucoup de gens de cette éventuelle masse sociale et les détournera de la base de supporters nécessaire à une lutte fondée sur le ‘plus-petit-dénominateur-commun’. Lorsqu’on aborde la lutte avec un tel raisonnement, elle sera fort probablement limitée à des arguments progressistes […] Même si celleux qui mobilisent ont sans doute raison de dire que leur approche attirera plus de gens à leur ‘cause’, ils préparent déjà le terrain à la récupération en n’étendant pas leurs arguments vers des critiques anarchistes. Ils sacrifient la qualité pour la quantité. […]

La question à savoir le degré auquel des actions comme une assemblée générale populaire ou une grève de loyers peuvent nourrir une culture révolutionnaire (plutôt que de renforcer la Gauche) dépend de l’honnêteté avec laquelle nous faisons connaître nos intentions dès le départ. Cette culture révolutionnaire ne sera pas renforcée si on joue le jeu des valeurs de la social-démocratie, pour que les gens plus accoutumés à ces comédies de légitimité nous rejoignent. Nous entendons souvent des discours romantisant l’ « opacité » dans le cadre d’une lutte contre les structures de pouvoir (qui s’applique à quiconque se trouve hors de notre « milieu »). Au contraire, nous sommes d’avis que faire preuve d’honnêteté par rapport à nos ambitions et ne pas prendre les gens pour des cons nous mènera beaucoup plus loin que de cacher nos intentions derrière une façade d’organisateurs.trices communautaires responsables, de militant.es syndicalistes, ou autre. […]

La question de la “stratégie”

[…]
Pour penser nos objectifs et nos trajectoires, nous désirons proposer un cadre alternatif, des perspectives et une projectualité. Bien sûr, on devrait développer une analyse de notre contexte et de ses transformations, pour réfléchir les conséquences potentielles de nos actions sur ce contexte. Nous pensons aussi que cela peut permettre d’intégrer une dimension sur le long-terme à nos projets et perspectives. Le jargon insurrectionaliste nomme souvent ce concept ‘projectualité’. Nous pensons que la différence n’en est pas seulement une de langage, mais bien que les idées qui sous-tendent ‘stratégie’ et ‘projectualité’ sont profondément différentes.

Nous ne pensons pas que les conséquences de nos actes puissent toujours être prévues à l’avance, tel des déplacements qu’on fait en jouant aux échecs. Nos projets sont expérimentaux. Nous pouvons déterminer certaines intentions, discours et gestes, puis les engager sur le terrain social, sans avoir de certitudes quant aux résultats (que des suppositions éclairées par l’expérience). Il n’y a que nos propres actions que nous pouvons garantir. Il nous est ainsi possible de faire vivre des idées pour que d’autres s’en saisissent. Le fait d’être confrontés à des obstacles écrasants et peut-être sans espoir dans nos projets de libération, semble être la cause d’une telle recherche de certitude prédictive. On a besoin de sentir qu’on a du contrôle. Il est compréhensible, mais déplacé de croire que l’impact de nos actions sera prévisible si seulement on attend ‘le bon moment’ ou que l’on trouve la bonne forme de lutte.

Nous croyons que l’élaboration de visions stratégiques n’affirmant pas explicitement de perspectives divergentes mène à la centralisation ou à la bureaucratisation de l’insurrection. Des projectualités hétérogènes incarnent mieux l’éthique anarchiste puisqu’elles ne sacrifient pas les moyens pour les fins. Nos objectifs s’incarnent dans nos moyens : nourrir des projets qui rendent le terrain fertile à la propagation d’une combativité, qui alimentent l’auto-organisation, qui mettent fin au dialogue avec l’ennemi de classe ou qui diffusent les valeurs et les pratiques minant la domination et l’exploitation.

Mise en commun soutient avec condescendance que les actions en question n’ont pas contribué à ‘construire un pouvoir collectif’. On peut présumer que c’est parce que ces actions s’écartent de la vision stratégique de l’auteur. Pourtant, pour nous, après une simple lecture des communiqués des actions auxquelles Mise en Commun semble répondre, il est évident que les acteurs derrières certaines de ces attaques ressentent et sont en train de construire une telle capacité collective. Même dans le pire des scénarios où il semble que ces actions soient toujours faites par les mêmes personnes et où elles ne seraient pas contagieuses, au moins ces gens construisent un réseau combatif entre elleux. Et comme des idées subversives se font sentir dans la réalité, il est plus facile de se lier avec elles.

Nous voulons d’une lutte anarchiste qui soit expansive et que nos actions contribuent à imaginer des outils pour manifester notre mécontentement ou nos énergies créatrices en dehors des canaux réformistes. Même si nous ne croyons pas que cela répandra magiquement nos actions du jour au lendemain, nous pensons que ça aura un impact alors que la situation sera plus agitée.

Le texte ‘Signals of Disorder: Sowing Anarchy in the Metropolis’, publié en 2010, vante les bénéfices d’attaques régulières et visibles, menées dans des temps de paix sociale relative contre des symboles évidents de l’exploitation capitaliste. Selon l’auteur, des graines subversives sont plantées par ces actions dans la conscience des gens et lors des moments de rupture sociale, ils pourront y avoir accès et les cultiver. Bien que la plupart des gens soient en désaccord avec ces actions lorsqu’elles se produisent, lorsque les formes traditionnelles et valides d’activité politique se révéleront inadéquates, ils pourront adopter ces formes et en faire leurs propres outils. Pour illustrer cette théorie, qui est dans les faits le fruit inversé de la théorie de contrôle social de ‘la vitre brisée’, A. G. Schwarz utilise l’exemple de l’insurrection grecque de 2008 (bien que nous ayons vu, dans les dernières années, des tactiques anarchistes être adoptées par beaucoup d’autres gens lors d’insurrections de ce côté de l’Atlantique). […]

Une conséquence importante des attaques récentes contre des figures d’extrême-droite liées à Trump, ou quelques années plus tôt et à plus petite échelle, des attaques à Seattle qui visaient toute personne liée à des éléments gentrificateurs, c’est que les critiques anarchistes ont commencées à être prises au sérieux par les gens et, encore plus important, les pratiques naissant de ces critiques. […]

Sur l’ ‘illégalité’, la ‘spécialisation’ et l’ ‘isolement’

« Ce qui nous donne la puissance, ce n’est pas le niveau de préparation d’une clique d’expert.e.s en destruction. … Bon gré, mal gré, il nous faut avouer que s’il y a bien une chose que le pouvoir sait gérer, autant sur le plan du discours que celui de la répression effective, c’est une bande de potes qui s’isole dans l’illégalisme. »
– Mise en Commun

« Le point c’est pas de développer une « expertise » en destruction. Tout ce qu’il faut, c’est des marteaux, des crowbars, des roches pis de la peinture. Et avant ça, une petite idée de par où on arrive, par où on part, des masques pis peut-être des vêtements qu’on peut jeter. On se croise dans la nuit ! »
– Extrait d’un flyer déposé aux stations de métro Préfontaine, Joliette et Pie-IX ainsi qu’à la Place Valois en février 2016, le jour après l’action

Sans le pouvoir de la négation, nos luttes ne sont rien. Mais nous pensons aussi qu’une lutte qui se limite à l’attaque est condamnée à un conflit perpétuel qui ne pourra jamais véritablement détruire les systèmes qu’on haït. Bien que nos inclinations personnelles nous poussent à nous concentrer sur des projets destructeurs, pour pouvoir les soutenir et les renouveler, nous avons besoin de tailler des espaces d’autonomie dans nos luttes et nos vies, des infrastructures matérielles, des réseaux de solidarité et de support.

Les autorités tenteront inévitablement d’isoler les éléments combatifs d’une lutte. Celleux engagé.es dans ces formes de lutte devraient tenter d’éviter de renforcer leur isolement. On constate cela entre autres lorsque des anarchistes voient la négation comme étant l’unique contribution de valeur pour une lutte, renforçant la spécialisation ou agissant sans égard pour le contexte en ne souhaitant développer de relations qu’avec d’autres anarchistes à l’international. Cependant, la lutte contre l’isolement de ces éléments combatifs est aussi la responsabilité des anarchistes qui ont un focus plus social. Une intervention à ce niveau pourrait être de défendre publiquement les actions illégales, de refuser la fausse dichotomie entre les bons et les mauvais anarchistes et de ne pas cacher ses idées anarchistes pour s’intégrer “aux gens”. […]

Pour appuyer socialement les attaques, on pourrait lire des communiqués durant les assemblées populaires ou les citer dans les publications distribuées au porte-à-porte, toujours s’assurer de parler de la nécessité de l’action directe et du refus des canaux réformistes. Il pourrait aussi s’agir d’organiser l’occupation d’espaces populaires ou de bâtiments en coordination avec des gens prêt.es à les défendre. Par exemple, la série d’affiches-communiqués de Montréal Contre-Info offre la possibilité d’être activement complice de gestes inspirants sans qu’une telle complicité ne requiert de faire des actions semblables.

Le narratif selon lequel seuls les anarchistes attaquent doit être brisé. L’accessibilité et la reproductibilité de nos actions doit être mise en évidence par nos gestes, nos paroles et nos relations. Pour l’instant les actions qui se sont produites à Montréal autour de la gentrification dans les dernières années ne nécessitait pas une grande expertise technique. Briser des fenêtres ou même allumer des feux peut être extrêmement accessible. Tous les matériaux nécessaires peuvent être trouvés dans votre quartier. […]

Si agir illégalement est nécessairement spécialisé, nous sommes foutus. Mais, en réalité, nous savons que plusieurs formes de crime sont répandues. Nous savons aussi que les ressources et la réputation qu’exige les avenues légitimes sont incroyablement spécialisées. Nous ne dirions jamais que tous les projets anarchistes doivent être fondamentalement illégaux, mais l’illégalité n’est pas quelque chose que nous devrions fuir.

Notre critique de la spécialisation ne devrait pas se limiter aux considérations tactiques pour des luttes combatives. Elle doit aussi s’appliquer à nos vies en entier. C’est pourquoi nous rejetons l’identité du militant, de l’organisateur, etc.: ceux-ci se voient comme des spécialistes de la lutte. Pour nous, prendre part à la lutte fait partie intégrante du fait même de vivre, la lutte est donc tout simplement une partie de nos vies. Nous nous battons pour remplir nos besoins et non pas pour faire un sacrifice sur l’autel de la politique.
[…]

Répression

« Il faut se donner toujours un coup d’avance sur … la répression ».
– Mise en Commun

« Tu t’en vas en prison. Tu pourrais aller en prison pour quelque chose que tu es en train de faire ou pour quelque chose que tu as fait il y a longtemps. Tu pourrais être piégé.e et faire de la taule pour un truc avec lequel tu n’avais rien à voir. Même si tu n’as jamais enfreint une loi, tu pourrais tout de même aller en prison – le simple fait de lire ces lignes fait de toi un suspect. Plus il y aura de gens qui vivent servilement, avec obéissance, plus aisément le gouvernement pourra faire un exemple de la personne choisie.

Regarde les personnalités historiques que tu respectes, ou même tes ami.es. Si tu suis le même chemin qu’eulles, les chances sont grandes que tu ailles en prison toi aussi. Fait la paix avec ça. Imagine ton temps en prison, ce que tu y feras, comment tu passeras à travers. Tu peux aller en prison avec dignité ou tu peux y aller mollement, en aidant tes ennemis et en vendant tes ami.es. Tu peux aller en prison pour ce en quoi tu crois ou tu peux y aller sans raison, sans jamais t’être porté à la défense ni de toi-même, ni de quiconque.

Tu t’en vas en prison. Maintenant que tu le réalises, tu es libre. Tu peux aller en prison pour ce que tu veux, tu peux faire ce que tu crois être juste. Merde, si tu fais attention, tu pourrais ne pas aller en prison pour longtemps.

Si assez de gens comprennent cela, un jour il n’y aura plus de prison. En tant que personne qui s’en va en prison, tu comprends que ce jour ne peut pas arriver trop tôt. »
– Green Scared ? Leçons préliminaires du Green Scare

Mise en Commun laisse entendre que les implications négatives de nos actions (c’est-à-dire la répression) devraient être l’une des mesures à considérer dans notre ‘stratégie’. Ce discours est souvent utilisé pour justifier l’inaction. Bien sûr, des gens auraient pu et pourraient encore être arrêtées et des maisons pourraient faire l’objet de descentes. C’est toujours une possibilité. Cette possibilité est le pari nécessaire que nous faisons pour donner quelque force à nos luttes. Évidemment que la répression fait peur. Nous en avons tous.tes peur et nous pouvons nous entraider pour y faire face. Cependant il est crucial qu’un virage soit fait dans la manière dont les gens pensent et parlent de la répression. Idéalement cela doit être fait avant que cette peur ne se fasse sentir de manière plus significative, qu’elle puisse contrôler et donner forme à nos luttes jusqu’à les rendre méconnaissables.

Pour nous, la répression est une réalité inévitable de la lutte anarchiste. Notre but est de détruire l’État, l’économie et bien d’autres systèmes de pouvoir. Si nous agissons en fonction de cela, les autorités auront certainement pour réponse l’emprisonnement et les fouilles de nos maisons. Dans des endroits où l’État a l’apparence moins démocratique, c’est l’assassinat et la torture de celleux qui sont du côté des anarchistes qui advient.

Les gens feront face à de la répression et il n’y a aucune honte à se faire prendre. Nous ne pouvons pas choisir le moment où la répression s’abattra. Nous faisons face à un ennemi dont la capacité de détruire nos vies est immense. Par contre, cette peur ne devrait jamais être une raison de se distancer de ceuzes qui sont les plus à risque d’être ciblés par la répression et d’ainsi renforcer la division créée par l’État et les médias entre les bons anarchistes qui ont des opinions et des jardins communautaires et les anarchistes criminels qui brûlent des voitures et cassent des fenêtres.
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La répression a pour projet de séparer et d’isoler celleux sur qui elle s’abat. En rejetant cette séparation, en ne jouant pas la mentalité de la justice du coupable-ou-innocent, nous pouvons exprimer véritablement notre solidarité les un.es avec les autres en rendant plus visibles les luttes de celleux qui font face à la répression.

Propositions pour une projectualité à Montréal

Le mot ‘projectualité’ est employé pour référer aux dimensions contextuelles et temporelles à long-terme de nos projets, de nos activités intentionnelles. Il s’agit de développer un rapport conscient et intentionnel à la projection de nos désirs et de notre force dans le monde et dans l’avenir, pour nous assurer que nos projets nous mènent là où nous le voulons et nous aident à en créer les conditions de possibilité. Appliquée à une lutte spécifique, cette intentionnalité est manifestée grâce à des interventions multiples au sein de cette même lutte. Ces dernières s’informent entre elles, à la fois dans leur continuité et dans leurs incessantes transformations, lorsque les interventions ont eu un impact changeant le contexte. Bien que ce texte place son focus spécifiquement sur les luttes contre la gentrification dans deux quartiers de Montréal, cette idée peut s’appliquer dans tout contexte de tension sociale ou de lutte contre un projet de domination. Nos batailles ne visent pas uniquement à détruire une seule manifestation spécifique de la domination capitaliste. Nous désirons aussi construire une capacité d’organisation autonome, alimenter et maintenir une tension autant que participer à répandre des pratiques combatives et des idées indomptables.

Malheureusement, nous ne pouvons pas être partout en même temps et nous devons choisir nos combats. Cela dit, les points de tension qui informent nos choix sont innombrables. Si nous pensons que la lutte contre la gentrification est un point de départ intéressant pour les anarchistes, c’est parce qu’elle a trait aux relations de pouvoir qui nous affectent dans la vie quotidienne : la police, les patrons, les propriétaires, et bien d’autres. Voilà une opportunité intéressante pour ancrer et donner de la consistance à nos projets subversifs, ce qui permettra de nourrir une lutte en continu et de donner de la force à long-terme à des pratiques d’organisation autonomes.

La constance de nos interventions dans cette tension leur procure une plus grande efficacité. Nous aimerions développer la capacité de contribuer par des activités anarchistes constantes dans un quartier au maintien de la tension, plutôt que de nous concentrer à faire de plus grandes attaques mais qui ne feront que ponctuer de grand temps morts. Cette activité constante est beaucoup moins vulnérable à la répression parce qu’elle est décentralisée. Hors des calendriers militants de ‘mouvements sociaux’, la constance combat la passivité cynique qui est la norme en temps de paix sociale. Les moments creux qui suivent les sommets des mouvements sociaux pourraient être moins dévastant si on y trouvait une base d’activité dans laquelle nous prenons une liberté d’action.

Quels projets pourraient contribuer à cette projectualité contre la gentrification? Comment nos cibles et nos méthodes pourraient-elles être plus créatives? Nous aimerions proposer quelques façons dont des anarchistes pourraient contribuer à une lutte multiforme et combative contre la gentrification. Nous pensons que ces initiatives pourraient se compléter entre elles et laisser lieu à différents savoir-faire, désirs et types de risques :

  • attaquer des bureaux de promoteurs immobiliers et favoriser l’hostilité envers ces derniers, les proprios et toute initiative de ‘revitalisation’ de la ville ;
  • apporter du soutien à des espaces autonomes et à des infrastructures telles des centres sociaux, des logements et des jardins occupés, pour remplir nos besoins en étant plus autonome face à l’État et au Capital ;
  • saboter la promotion et la construction de condos ;
  • développer des réseaux de solidarité pour se défendre contre les évictions, agir directement et collectivement avec des gens du quartier. Des compagnon.nes de St-Henri ont fait l’expérimentation d’un réseau de solidarité basé sur le modèle élaboré à Seattle. Illes ont eu pour principal obstacle le fait que la plupart des gens préféraient se référer à la Régie du Logement (le corps officiel où déposer des plaintes, contester des hausses de loyer et se battre contre les évictions). Nous désirons proposer l’idée d’un réseau de défense contre les évictions qui pourrait être utilisé par les gens que le système de ‘justice’ ne supporte pas ;
  • mettre en danger la propriété des yuppies pour que le quartier leur soit indésirable ;
  • trouver des gens hors de nos réseaux pour nous battre ensemble. Ceci pourrait prendre la forme d’une occupation temporaire de la Place Valois ou d’autres carrés populaires, pour distribuer de la littérature et de la nourriture, ou en temps de plus grande tension sociale, d’occupations permanentes. Ces connexions pourraient aussi se produire en organisant des assemblées populaires.
  • miner le contrôle social dans le quartier : dégrader ou détruire des caméras de sécurité, briser des tourniquets de métro pour rendre le passage gratuit et développer des relations avec vos voisins, s’assurer qu’illes ne parleront pas à la police si elle vient cogner à leur porte pour poser des questions sur vous ;
  • déranger les événements ou les avancées que la police ou la ville organise pour tenter de pacifier la situation ;
  • attaquer la police chaque fois que vous en êtes capables : dans les manifs autant que dans leurs fonctions quotidiennes ;
  • miner la légitimité des médias en les attaquant.

Bien que vandaliser les façades des commerces yuppies puisse fournir un contexte pour d’autres actions, nous ne pensons pas qu’il faille nous reposer excessivement sur cette tactique. Dans les dernières années, nous avons apprécié les quelques fois où l’intérieur des boutiques et leur marchandise ont été aspergées de peinture, puisque cela démontre un mépris fondamental pour la marchandise elle-même, et que ça a empêché le fonctionnement de l’entreprise attaquée.

D’un autre côté, nous devrions éviter de personnifier le capitalisme trop fortement dans la figure de gentrificateurs spécifiques, comme Corey Shapiro (un propriétaire de commerce du quartier St-Henri). Dans un contexte donné, si ces actions sont les plus fréquentes, elles courent le risque d’attirer l’attention sur les aspects flagrants et obscènes de la gentrification (sa façade, si vous voulez) sans en adresser les fondements.
[…]

Briser les limites des luttes spécifiques

Nous pensons que lorsque les anarchistes interviennent dans des luttes partielles, il est crucial de tenter d’étendre celle-ci à la lutte contre tous les systèmes de domination. Même si le pouvoir nous apparaît comme une totalité, nous battre contre lui n’est possible qu’en attaquant ses projets et ses manifestations spécifiques. Pour favoriser la solidarité entre les luttes et prévenir la récupération, il est important de lier nos luttes partielles aux systèmes totalisants. La lutte contre la gentrification doit être connectée aux luttes centenaires contre la colonisation des peuples autochtones qui se battent pour la souveraineté et l’auto-détermination. Même les luttes avec des objectifs, des formes ou des contenus différents peuvent se supporter mutuellement. Cela peut se faire à travers le partage d’apprentissages et de ressources, en attirant l’attention l’une sur l’autre, ou simplement en continuant à se battre contre les forces qui les perpétuent toutes : l’aliénation de nos moyens de survie, l’oppression raciste et patriarcale, et l’exploitation capitaliste. Voilà les ingrédients d’une solidarité révolutionnaire.

Un des problèmes qui survient continuellement dans la lutte contre la gentrification est la manière dont elle est séparée de la lutte contre le Capital et les autres systèmes de domination. Plusieurs se perdent dans cette vision étroite, à savoir ce que ‘gagner’ veut dire contre l’unique ‘enjeu’ de la gentrification. Ielles se battent alors contre elle comme si elle était isolée. Si nous aussi nous avons envie de revendiquer des victoires, nous voulons cependant élargir les critères qui les déterminent. Pour nous, nous ne gagnons que lorsque d’autres luttes et notre capacité future à nous battre sont renforcées. Si ‘gagner’ contre la gentrification signifie de renforcer la municipalité, l’État ou la Gauche, ce n’est pas une victoire, mais plutôt de la récupération.

Ni Montréal, ni Canada

Nous sommes inspiré.es par le texte ‘150, 375: vive les rebelles!’ publié récemment qui appelle à des actions de perturbation contre Montréal et le Canada dans le cadre des célébrations pour leurs anniversaires coloniaux. Nous pensons que cet appel souligne des opportunités pour une projectualité concertée entre les anarchistes habitant le territoire dominé par l’État canadien. Nous apprécions que le refus de l’État-nation en soit le point de départ. Effectivement, attaquer les manifestations spécifiques du projet génocidaire canadien correspond de près à la perturbation des fondements de la domination sur ce territoire.

Dans la seconde semaine de 2017, des anarchistes agirent contre ces anniversaires en bloquant avec des pneus en feu l’autoroute qui traverse Hochelaga à l’heure de pointe tôt le matin. Des actions comme celles-ci, ainsi que d’autres, peuvent permettre d’utiliser l’énergie organisée d’un quartier pour tracer des liens de solidarité entre celleux qui luttent contre la gentrification dans un certain secteur de la ville et celleux qui se battent contre le projet capitaliste colonial du Canada sévissant depuis bien avant notre époque. Nous ne désirons pas mentionner cela comme des paroles en l’air ni pour nous positionner comme allié.es. Cette position efface trop souvent nos propres raisons de lutter contre ce qui nous affecte énormément : que ce soit la vie quotidienne sous le capitalisme, en passant par les frontières et les autres formes de contrôle. La lutte entière est renforcée lorsque nous pratiquons une solidarité révolutionnaire active ou que nous luttons contre les dispositifs du pouvoir étatique et contre le contrôle des endroits où se déroulent nos vies.

Une solidarité qui détruit les frontières

L’élection récente de Donald Trump signale un changement de contexte au sud de la frontière. Nous avons pu y constater le durcissement de l’extrême droite et de l’activité fasciste. Dans notre contexte, on y trouve des échos dans l’assassinat récent de six personnes musulmanes à la mosquée de Québec par un supporter de Trump et dans la manifestation fasciste qui a réussi à prendre la rue avec succès pour la première fois à Montréal depuis des décennies. Si Trump se distingue de tout autre candidat avec sa stratégie de représentation, dans sa rhétorique et dans le fait qu’il ait nominé des personnes ayant des liens flagrants avec des groupes suprématistes blancs, il ne fait que rendre explicite un cauchemar qui était déjà présent. Mais cette présentation explicite a créé une rupture. On assiste maintenant à l’émergence d’un conflit social répandu contre les autorités, des fermetures d’aéroports aux émeutes dans les capitales de la nation, ayant pour horizon la possibilité de devenir ingouvernables.

La menace du fascisme rampant au Canada ne doit pas être ignorée. Il est dangereux que ces activités de l’extrême-droite soit vues comme exceptionnelles et indépendantes du projet fondamentalement génocidaire et xénophobe de ce pays. Alors, comment démontrer l’importance du combat contre la gouvernance en soi, que le Léviathan du pouvoir étatique utilise des discours d’extrême-droite, un multiculturalisme libéral ou la récupération gauchiste pour continuer l’occupation des terres volées et la domination des blancs et de la civilisation occidentale ? Une fois de plus, il faut nous battre localement et communiquer avec celleux qui se battent ailleurs. Lorsqu’illes nous voient, illes sont inspirées à continuer de se battre un jour de plus.

Essayons d’avoir un impact sur la capacité des gens aux États-Unis à demeurer ingouvernables à partir de là où nous sommes. Comment pouvons-nous perturber et bloquer l’économie américaine du côté nord de la frontière ? Où sont les valves de pétrole, les points stratégiques du système ferroviaire, et les autoroutes dont son économie dépend ? Comment pouvons-nous affaiblir la frontière canado-américaine, nous battre contre les déportations qui renvoient les gens aux USA et devenir une ressource pour celleux forcé.es à fuir ?

Mots de la fin

“ La gentrification c’est un processus du capitalisme et du colonialisme comme d’autres. Ça a l’air inévitable, et ça l’est peut-être, mais ça vaut tout de même le coup de lutter contre et de ne pas se laisser faire. Dans le monde insupportable dans lequel on vit, j’ai l’impression que ma vie peut juste trouver un certain sens si je me bats…Au mieux, le processus de gentrification va se déplacer ailleurs, si un quartier résiste. Quand même, lutter contre le capitalisme et l’État, ça ouvre des possibles qui ne peuvent pas exister autrement.”
– Defend the Hood, interview avec subMedia

Nous souhaitons que nos projets soient aisément communicables. Cependant, nous n’avons pas d’audience particulière en tête, qui soit généralisable, comme ‘le peuple’ (ou, à ce compte, tout autre sujet révolutionnaire), puisqu’on ne peut y voir qu’une audience passive prête à consommer des idées réduites au plus-petit-dénominateur-commun. C’est notre désir de nous battre et de remettre tout en question que nous désirons communiquer à de potentiels complices, avec lesquels nous pouvons construire des relations réciproques de lutte.

Une conception anarchiste de l’insurrection cherche à ce que des éléments anarchistes se diffusent et traversent une population à un moment donné, plutôt que d’être à la recherche d’une masse nombreuse. Ces éléments auraient pour base le rejet d’agents récupérateurs comme la politique (qu’elle soit grassroot ou institutionnelle).

Tout en reconnaissant l’inévitabilité (et la désirabilité) de différences ‘stratégiques’ et de désaccords à travers (et au sein) des milieux, nous cherchons une ‘mise en pratique’ hétérogène et décentralisée des expérimentations anarchistes à Montréal. Nous espérons que nos réflexions et nos critiques pourront favoriser la solidarité et des différences respectueuses, et qu’elle sera reçue avec ouverture et bonne foi. En ce qui a trait aux actions et aux projectualités jugées désirables, nous sommes intéressé.es à entendre parler des idées d’autres gens. Comment ces idées pourraient-elles contribuer à quelque chose qui les dépasse dans leur spécificité ? Comment les autres camarades pensent-ils que nos projets puissent se rencontrer ? Nous aussi, nous en avons assez d’attendre une grève étudiante ou la construction d’un pipeline’ et nous pensons qu’il est intéressant de ‘créer un climat d’insécurité dans le quartier en maintenant un certain niveau de vandalisme’. […]

Des équipements de Squatex incendiés à Sainte-Jeanne-d’Arc

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Juil 182017
 

Leur media

Des équipements de machinerie lourde de la compagnie pétrolière Squatex ont été la proie des flammes au cours de la nuit de jeudi à vendredi à Sainte-Jeanne-d’Arc.

La compagnie a déjà mené des travaux de forages dans le secteur. Les équipements étaient situés sur un terrain à l’extérieur.

Les services d’urgences ont été dépêchés sur les lieux d’un incendie vers 8 h 30 vendredi. L’incendie, qui est maintenant maîtrisé, est considéré comme suspect par les policiers.

Il aurait débuté au cours de la nuit dernière. Un enquêteur et un technicien en scène incendie ont été réclamé sur les lieux.

La SQ évalue les coûts des dommages à plusieurs dizaines de milliers de dollars.

Nos deux cennes sur l’antifascisme

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Juil 152017
 

De Collectif Emma Goldman

«L’antifascisme ne triomphera que s’il cesse de trainer à la remorque de la démocratie bourgeoise. Défions nous des formules «Anti». Elles sont toujours insuffisantes, parce que purement négatives. On ne peut vaincre un principe qu’en lui opposant un autre principe, un principe supérieur (GUÉRIN, Daniel. 1945) ».

Dans un rapport écrit pour l’association londonienne Chatham House, Mathew Goodwin identifie six façons possibles de réagir aux partis et aux groupes populistes de droite ou fascisant : les exclure, désamorcer leur message, adopter dans une certaine mesure leur rhétorique et leur politique, les confronter avec des principes, se tourner davantage vers les gens de la base et faire un travail de proximité, et encourager le dialogue parmi les différents groupes à un niveau interculturel [1. GOODWIN, Mathew « Right Response: Understanding and Countering Populist Extremism in Europe » A Chatham House Report, London, 2011].

Le rôle des médias

Les journalistes sont toujours à la recherche de ce qui sort de l’ordinaire. L’émergence de groupes comme la Meute, les soldats d’Odin , Storm Alliance ou Atalante Québec, pour ne nommer que ceux-ci, représente une aubaine pour eux et elles. Dans un contexte où les médias traditionnels se mènent une lutte féroce pour obtenir des exclusivités et pour s’accaparer la plus grande part des revenus publicitaires, il ne faut pas s’attendre à ce que la couverture médiatique soit autre que sensationnaliste. Pour ces groupes, cette dernière est de la publicité gratuite qui leur permet de se développer et de gagner de la crédibilité. Il est donc essentiel d’opposer à l’extrême-droite un discours inclusif et de ne pas leur céder la rue. Ainsi, les journalistes devront minimalement couvrir les deux points de vue. C’est déjà un début vers la débanalisation de l’extrême-droite.

Populaire , mais non populiste

Bien des raisons amènent une frange toujours plus grande de la population à décrocher de la politique, que se soit la valse des corrompus ou l’indifférenciation des partis politiques au gouvernement. Il est impératif de ranimer l’espoir en un avenir meilleur en proposant autre chose que l’ordre de privilèges et d’exploitation que nous impose l’État et le capitalisme. Nous devons recréer une «volonté collective», pour reprendre une expression de Gramsci, en renforçant le pouvoir d’agir des individus, des groupes et des communautés et ce, au détriment du capital et des classes dirigeantes. Pour que les classes laborieuses et populaires recommencent à gagner, nous devons tout d’abord croire en nos propres moyens et croire que la lutte est non seulement possible, mais nécessaire.

Pour contrer la montée du populisme et de l’intolérance, la gauche sociale doit s’en prendre aux talons d’Achille de l’extrême-droite. Le discours de l’extrême-droite est basé sur les émotions et le ressentiment. Elle n’a aucune alternative positive à proposer par rapport au chômage, au sous-emploi, à la précarité engendrée par l’économie capitaliste. Alors que l’extrême-droite peut chuchoter à l’oreille du travailleur (blanc et de sexe masculin) qui a perdu son emploi qu’il s’est fait «volé » celui-ci par un ou une immigrant-e, elle n’a en revanche rien à proposer sur la façon dont il pourrait obtenir un autre emploi, encore moins comment il pourrait payer ses dépenses et mettre du pain sur la table. Dans une autre occasion, elle décrira les personnes issues de l’immigration comme des «profiteurs et des profiteuses», ou encore des «parasites lâches et paresseux». Alors, des voleurs et des voleuses de job ou des paresseux? Il faudrait se brancher. Comme nous pouvons le constater le discours de l’extrême droite ne fait pas toujours dans la cohérence. Par conséquent, pour contrer la division du peuple entre « eux »et « nous »que tente d’imposer l’extrême droite, la gauche doit reconstruire une classe unie autour de valeurs progressistes et résolument contre l’oligarchie et les démagogues racistes. À la xénophobie, nous devons opposer la solidarité internationale, au sexisme le féminisme, à l’irresponsabilité écologique la conscience de l’urgence climatique, à l’autoritarisme et le culte du chef les formes d’organisaton libertaires. À la logique autoritaire des populistes et à la délégation de pouvoir de la démocratie libérale nous devons privilégier l’auto-organisation et l’autogestion.

Pour vaincre la droite populiste et les groupes néo-fascistes,il faut plus que leur opposer des leaders populistes de gauche ou adopter une partie de leur rhétorique. Car si la gauche construit l’alternative politique autour d’un Bernie Sender (USA), d’un Jean-Luc Melanchon (France) ou d’un Gabriel Nadeau-Dubois (Québec), elle relèguera forcément l’éducation populaire et l’auto-organisation au second plan. En voulant encarter les individus dans un parti politique et canaliser leur colère légitime vers les urnes on ne pourra qu’emprunter des chemins déjà connus , voués à l’échec du fait notamment de l’emprise de la finance, ainsi que la crise écologique. Malheureusement , cette impasse contribuera qu’ à paver la voie au despotisme et aux oligargues, ainsi qu’au sentiment d’impuissance des groupes sociaux opprimés.

S’intéresser et trouver des solutions aux problèmes quotidiens

Nous voyons au sein du collectif anarchiste Emma Goldman les actions sociales libertaires comme des actes de propagande par le fait, destinées à susciter une prise de conscience chez les «Have-not» de ce monde (jeunes sans avenir, femmes, personnes LGBTQ, personnes racisé-e-s, chômeurs et chômeuses de longue durée, employé-e-s exploité-e-s, retraité-e-s, mouvements étudiants). Il s’agit d’animer le désir de passer à l’action ; qu’ils et elles puissent s’auto-organiser et former ensemble un front commun face à la discrimination des gouvernements et l’arrogance des capitalistes. Au Saguenay, l’organisation d’événements de cette nature, voir les marmites autogérées (distribution de nourriture gratuite), les marchés gratuits, l’Espace social libre et bien d’autres,- en plus de répondre à des besoins visibles et concrets – ont visé la construction de liens de solidarité et d’entraide, la ré-appropriation de l’espace dans la ville et l’éducation populaire sur l’austérité et ses impacts.

Selon nous, ce qui est primordial c’est de bâtir, sans attendre la permission des «autorités», un monde de coopération et d’entraide. De s’organiser là où nous sommes, soit :nos lieux de vie, de travail et d’étude et de tisser des liens entre les différents groupe de la société. De plus, il est pour nous impératif que ce travail soit réalisé parallèlement au développement de liens avec les groupes touchés par les inégalités.

l’Autodéfense populaire

Malheureusement face à la haine ,l’intolérance et les menaces réelles à l’intégrité physique d’individus issus de groupes minoritaires, il n’est pas toujours possible de discuter avec les personnes qui se sont rapprochés des groupuscules d’extrême-droite. Comme nombre d’organismes vivants, dont les roses et leurs épines, nous devons développer notre propre système d’autodéfense – non pas pour attaquer mais pour défendre la vie… Comme nous visons un changement sociétal et la libération, nous nous opposons bien sûr radicalement aux institutions sur lesquelles reposent plus de 400 ans de domination colonialiste, capitaliste et patriarcale. Puisque la police se positionne très clairement du côté de nos exploiteurs et de nos oppresseurs, nous ne pouvons compter que sur nos propres moyens pour assurer notre sécurité. Nous ne pouvons rester les bras croisés devant les menaces des nouvelles chemises noires et les agressions racistes, homophobes, sexistes et de toutes autres natures.

En somme, nous considérons qu’il est pressant de valoriser un projet de société alternatif et égalitaire à travers des actions sociales libertaires ayant un impact réel sur la vie des gens pour combattre efficacement le fascisme à sa racine. N’oublions pas que les groupuscules fascistes représentent un pic d’intensité dans le continuum raciste de la trame canado-québécoise. Pour lutter, nous devons construire nos réseaux de solidarité avec les principaux groupes touchés. Nous n’attendons ni l’approbation des élites du monde politique, ni l’adoption de nouveaux projets de lois. Ce nouveau monde que nous espérons, nous voulons le construire par nos propres moyens, de manière antiautoritaire et par la démocratie directe. Nous voulons l’égalité et la liberté, mais nous ne sous-estimons pas la menace violente et haineuse posée par les groupuscules de l’extrême-droite. Nous préconisons à cet effet l’auto-défense populaire.

« Ce n’est pas une miette de pain, c’est la moisson du monde entier qu’il faut à la race humaine, sans exploiteur et sans exploité ». – Louise Michel

Collectif Anarchiste Emma Goldman

Tu rêvais d’un monde meilleur. Lettre à un ami devenu petit patron.

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Juil 122017
 


De SITT-IWW

Tu rêvais d’un monde meilleur. Je le sais, je te connais, t’es une personne bien intentionnée et tu y croyais réellement! C’est pour ça que t’as décidé-e de partir une petite entreprise qui aurait des valeurs différentes de celles des grandes multinationales ou de l’ancienne usine dans laquelle tu travaillais : Toi, tu ne délocaliserait pas les jobs comme la tienne l’a été ! T’allais acheter local, produire local et t’assurer que nos jobs restent ici parce que t’as vu trop d’entreprises partir dans les dernières années dans ta région et trop de gens se retrouver au chômage, dont toi-même. Ça a déchiré des familles, causé beaucoup de misère, pis c’est des actionnaires que t’as jamais vu de ta vie qui ont ramassé-e-s tout le cash au détriment des travailleurs et travailleuses dont tu faisais partie. T’étais en criss et prêt-e à faire changer les choses. T’avais compris-e que la mondialisation et le néolibéralisme, c’est de la merde, et on était d’accord là-dessus. Donc t’as parti-e ton entreprise pour t’assurer d’y résister et de sauver ta région malgré mes avertissements.

Ouais… T’as décidé-e un bon matin que t’allais faire partie de la nouvelle génération d’entrepreneur-e-s dynamiques, ces «personnes créatives et innovantes qui, par leurs idées, redonnent le souffle à l’économie», et que t’allais, en plus de faire de l’argent et de créer des jobs, être écolo-e, bien traiter tes employé-e-s pis être éthique sur toute la ligne.

Moi bein… de mon côté, je t’ai averti que tu te trompais royalement pis qu’on pouvait pas changer le système de l’intérieur et que t’étais mieux de devenir un-e wobblie et de t’approprier ton lieu de travail pour ensuite t’impliquer dans son autogestion et/ou de partir (ou te joindre à) une COOP autogérée si l’entreprenariat t’intéressait. C’était juste mon opinion. Je pense pas détenir la vérité non plus, mais moi, le système, je disais qu’y fallait se l’approprier collectivement, par et pour les travailleurs et les travailleuses, morceau par morceau, pour que la misère cesse. Mais t’était pas d’accord…

Dommage, en y repensant, j’aurais pu t’offrir une bière de plus pis en jaser plus longtemps et peut-être que j’aurais pu te faire comprendre pourquoi je disais ça. Mais en tout cas… là il est trop tard.

Ouais… Aujourd’hui, tu m’en parle à chaque fois qu’on se voit et t’es plus la même personne. Je pense par contre que tu commence à comprendre : Tu t’es fait naïvement avoir ! Toi comme tou-te-s les autre, vous vous êtes retrouvé-e-s exactement dans la situation opposée à celle que vous vouliez créer au départ, pis maintenant… ça me rend mal-à-l’aise parce que t’es rendu un-e boss de marde pareil comme tou-te-s les autres même si au départ, au fond de toi, je le sais que t’es toujours une bonne personne ! T’as juste des intérêts de classe de boss, pis c’est le système qui fait que t’es rendu-e de même. Si on t’enlevait ton entreprise et que tu recommençais à zéro demain matin, tu te joindrais à nous cette fois. Non ?

Alors pourquoi t’es devenu-e comme ça ? Qu’est-ce qui s’est passé ? Tu veux que je te le dise ? Ok ! Voilà comment moi, le wobblie, l’anticapitaliste que t’as pas voulu écouter à l’époque, je vois ton histoire :

Tout d’abord, t’as démarré-e ton entreprise. Ça a été beaucoup de temps, d’argent, d’énergie, pis toi et les premiers et premières employé-e-s que t’avais, vous avez travaillé-e-s tou-te-s également, avec un salaire de misère et à faire des heures de malades (comme moi j’en fais avec le syndicat en plus de ma job), parce que vous y croyiez, au projet ! Malgré tout ça, tu t’es rapidement rendu-e compte que réussir dans un milieu éthique… c’est pas facile. Ça a pas pris beaucoup de temps pour que tu comprennes que t’aurais besoin de garder les salaires bas, y compris le tiens, si tu voulais que l’entreprise passe le cap des cinq ans. Mais en faisant ça, t’as créé de la pauvreté; la tienne et celle de tes employé-e-s ! Parce que travailler 55-60 heures semaines, ça coûte cher de resto, de gardienne, de psy, pis pour un-e ou deux que je soupçonne, dont probablement toi, d’alcool et de dope pour s’auto-médicamenter. Je me souviens de la première fois où tu m’as sorti (et je savais que t’allais le faire un jour) que ça te mettait en criss quand tes employé-e-s venaient te voir pour gagner plus ou avoir des congés ou des vacances alors que toi-même, tu te fendais le cul pour elles et eux et que t’en avais même pas autant, et qu’en plus, tu «prenait tout le risque» étant donné que t’étais enregistré et que pour toi, une faillite d’entreprise, c’était une faillite personnelle aussi.

Je comprenais ton point de vue et je te l’ai dit que c’est pour cette raison-là que l’entreprise privée était pas une solution à l’exploitation puisque plutôt que de se faire exploiter, on finissait par s’auto-exploiter. T’étais pas d’accord, tu disais qu’un jour, ça irait mieux et que ni toi ni tes employé-e-s ne se feraient exploiter par ton entreprise. Mais c’est pas ce qui s’est passé, hein?

Te souviens-tu quand t’es arrivé-e en me disant que les subventions aux jeunes entreprises et les congés de taxes et d’impôts, finalement, c’était vraiment nécessaire ? On va s’entendre là… t’étais pas descendu-e bas au point de faire un don au PLQ encore (et j’espère que tu l’a jamais fait), mais c’était rendu clair pour toi que de demander aux jeunes entreprises de payer des impôts les empêcherait d’exister et que c’est aux citoyen-ne-s ou bien aux entreprises plus grandes, qui elles, en ont de l’argent, à payer ça. Je le savais que t’allais me le dire un jour. Et je te l’ai dit qu’en pensant comme ça, une fois de plus, tu créais de la pauvreté parce que t’appuyais maintenant l’agenda néolibéral, mais toi tu vivais dans le déni et me disait que non. Tu te disait encore «de gauche» parce que féministe et que tu voulais qu’on réinvestisse dans les écoles, le système de santé et l’économie durable et verte, et que tu donnerais toujours un salaire juste à tes employé-e-s par rapport au tien. Mais avec quel argent on réinvestirait, hein ? Les grosses entreprises en paient pas d’impôts et le système est incapable de faire quelque chose contre ça, pis tu le sais ! Et les travailleurs et travailleuses que tu payais 12$/h avaient pas les moyens d’en payer non plus. Je te disais que la seule solution, c’était de s’organiser pour se les réapproprier, les grandes entreprises; que c’était la seule façon de ravoir l’argent de notre travail, mais hélas, en tant qu’entrepreneur, c’était pas dans tes intérêts, donc tu l’as jamais fait ni soutenu. T’as toujours été assez anti-syndicaliste avec tes employé-e-s en fait. Non?

Tu te souviens aussi de la fois où tu m’as dit que le salaire minimum à 15$/h, ça ferait en sorte de tuer toutes les petites entreprises «éthiques et qui créent des jobs» [sic] en région comme la tienne ? Bon sang que t’étais rendu un Boss ! Je me suis pogné solide avec toi cette fois-là, tu t’en souviens ? Je te l’ai expliqué pourquoi si tout le monde gagnait 15 $/h minimum, ça te ferait faire au final plus d’argent que présentement parce que tes revenus augmenteraient plus que tes dépenses en salaires, mais tu me disais que tu pouvais pas te le permettre «sauf si le salaire minimum montait pour tout le monde en même temps et que ça affectait finalement également toi et tes concurent-e-s». Mais c’est drôle, malgré que t’étais d’accord cette fois-là, je t’ai jamais vu dans la rue à appuyer une hausse substantielle du salaire minimum non plus, ni encourager les gens à y aller. Tu comprend pas c’est quoi, on dirait, les luttes de classes.

Anyway…

Ton entreprise s’est mise à croître depuis ce temps-là, et maintenant elle va bien. Tant mieux pour toi d’ailleurs ! T’as travaillé dure, je dois te l’accorder ! L’ennui par contre… c’est que tes employé-e-s aussi, y ont travaillé-e-s dure, et que maintenant que toi tu gagnes 50 000 $ par année (plus ton char à 70 000 $ au nom de la compagnie et tes huit ou dix voyages d’affaire dans des hôtels cinq étoiles annuels tout autour du monde et tes dîners d’affaires dans des restos à 25 $ du couvert deux ou trois fois semaine que t’entre pas dans ce 50 000 $ là pour faire croire à tes employé-e-s et à toi-même que tu gagne juste 50 000 $), elles et eux gagnent encore entre 25 000 $ et 45 000 $ par année.

Je t’ai demandé pourquoi, pour te challenger, tu t’en souviens ? Tu m’a répondu-e que c’était parce que avait assumé-e tout le risque avant de t’incorporer et que c’est toi qui avait monté toute l’entreprise, et donc que tu le méritais. C’est là que j’ai su que t’étais rendu un ***** de bourgeois, c’est-à-dire une personne qui s’approprie le fruit du travail des autres (parce que tout le monde a travaillé, pas juste toi ! Je travaille 70 heures semaines moi, c’est plus que toi, et je gagne 15$/h encore…) et qui fait travailler ses avoir et acquis (acquis par l’exploitation des autres, ne l’oublions pas) pour elle et qui peut maintenant continuer à recevoir certains revenus sans avoir à lever le petit doigt. Ouais… t’es rendu-e un-e parasite de la société, mais contrairement au assisté-e-s sociaux qu’on traite souvent à tort de parasites, toi tu PEUX travailler au lieu de te faire vivre par le travail des autres, et toi tu gagne beaucoup plus cher que les gens qui paient pour te faire vivre!

Ah ! Et laisse-moi t’expliquer une autre affaire et l’expliquer à tes employé-e-s en même temps, parce que je suis syndicaliste et que je pense qu’ils et elles devraient comprendre ça : Ton entreprise achète depuis un certain temps d’autres entreprises pour augmenter sa valeur et, comme t’en es l’unique propriétaire, bien un jour tu pourra tout vendre ce que t’as acquis (sans créer de job parce que t’achètes maintenant des entreprises déjà existantes) grâce au travail de tes employé-e-s qui elles et eux en retireront rien. On est d’accord ? Donc, c’est ça : Au final, si on calcule ça plus tout ce que j’ai mentionné plus haut, tu gagnes pas 50 000 $ par année; t’en gagne bien au-dessus de 100 000 ! Et t’as pas travaillé plus fort que beaucoup de gens qui en gagnent pas 30 000 $. T’es riche uniquement parce que t’es devenu-e le Boss à qui ses employé-e-s doivent tout parce que sans toi, «la compagnie qui les paie existerait pas». Le système t’as mangé ! T’es devenu comme tou-te-s les autres… Tu t’en rend juste pas compte.

Et le summum, c’est que maintenant que t’es rendu-e Boss d’une compagnie qui fait assez d’argent pour payer des impôts selon TES standards d’avant, et bien t’as changé-e d’idée sur ça aussi parce que «tes concurrent-e-s font de l’évasion fiscale et si ton entreprise en fait pas, tes concurrent-e-s vont gagner sur toi». Et une fois de plus, je te vois pas en train de militer pour que toutes les entreprises paient leurs impôts grâce à des lois internationales qui feraient en sorte que tu serais pas désavantagé par rapport à tes concurrent-e-s et que tu ne fermerais pas tes portes, hein ? C’est dommage, parce qu’avec le pouvoir que t’as maintenant, t’aurais beaucoup de moyens pour contribuer à la lutte. Mais non, j’imagine que toi, t’as pas le temps, tu fais du business ! Plein d’employé-e-s ont besoin de toi pour que la compagnie aille bien qu’ils et elles aient une job. C’est les autres, ceux et celles qui travaillent pas autant que toi (mais qui, en fait, par leur militantisme en plus de leur job, travaillent et risquent plus que toi), qui doivent faire ça, je suppose.

En tout cas ! Je me souviens qu’après que tu m’aie dit ça et que j’ai eu envie de t’envoyer promener, j’ai essayé une dernière fois de te faire comprendre ce que t’étais devenu et je t’ai demandé qu’est-ce qui restait d’éthique de ton entreprise. Ta réponse a été de te mettre à me vanter tes produits (qui sont excellents et que j’achètes, c’est pas ça le problème) fabriqués ici avec des matériaux écologiques et qui sous-traite ici plutôt qu’en Chine. Je t’ai alors demandé si tu croyais pas que, dans le fond, ton entreprise en était juste une dont le «branding» (sa marque de commerce) est «d’être éthique» et que tu le faisais pour attirer tes client-e-s mais qu’en réalité, tout ce qui se passait AU-DELÀ du produit lui-même l’était pas ? Et ça t’a contrarié-e. On s’est pogné une fois de plus là-dessus. Heureusement, on a réussi à se calmer parce que les deux, on est des adultes intelligent-e-s et capable de discuter et qu’on se connaît depuis longtemps. Je t’ai tout de même demandé si tu croyais encore qu’on pouvait changer le système capitaliste de l’intérieur par l’entreprise privée, et, tu m’a dis que «oui, mais…» et t’as déballé les arguments typiques d’une personne privilégiée qui croit vraiment que le fruit de son travail, elle l’a méritée seule, et ça se tenait pas vraiment debout ton affaire, désolé. Au fond… je le savais que t’avais compris, ça paraissait dans ta face. T’étais en train de réaliser que j’avais raison depuis le début; l’entreprise éthique et responsable, c’est un piège ! Ça prend de bonnes personnes et ça en fait des monstres. En voulant faire le bien autour de toi… t’as juste créé plus de pauvres, et pour paraphraser Robert Fusil : Y sont pauvres parce que t’es riche, pis t’es riche parce qu’y sont pauvres.

That’s it !

T’aurais pu partir une COOP autogérée ou bien te joindre à la lutte (et tu peux toujours, si t’accepte de tout vendre), mais tu l’as pas fait parce que… peut-être… à quelque part, t’avais pas vraiment d’intérêts révolutionnaires et que c’est peut-être pas la justice et le bien des gens que tu voulais plus que la renommée d’être un-e jeune entrepreneur-e éthique ainsi que le statut (et la BMW) qui va avec. Peut-être aussi, et je pense que c’est plutôt ça, qu’il te manquait plutôt seulement de connaissances pour comprendre vraiment comment le système fonctionne et que t’as simplement fait une grosse gaffe, comme plein d’autres personnes. La vérité c’est que je pourrai jamais le savoir. Mais maintenant, t’es pu de mon bord, et j’aimerais ça que tout le monde lise ce texte-là avant de partir une entreprise ou avant d’entreprendre une voie carriériste, que ce soit en politique ou en business, en espérant pouvoir faire changer les choses comme ça.

À vous tous et toutes : Vous vous trompez ! C’est pas comme ça qu’on change les choses ! L’entreprise éthique, c’est un piège!

Faut qu’on le comprenne enfin…