Commentaires fermés sur L’assassinat, une tactique anarchiste
Déc232024
Soumission anonyme à MTL Contre-info
Ce qui suit est une réflexion brute et sous-développée expliquant les raisons pour lesquelles les assassinats politiques de PDG, de politiciens, de proprios de taudis, etc, devraient se passer plus souvent. L’assassinat du PDG de UnitedHealthCare, Brian Thompson, m’a laissé dans une spirale à une myriade de niveaux inattendus, principalement autour de deux questions : pourquoi ça ne se passe pas plus souvent ? Et peut-être : pourquoi les anarchistes ne semblent plus le faire ?
Les assassinats sont principalement politiques. Il s’agit d’une action radicale entraînée par une analyse politique du pouvoir, ou bien une menace envers son ordre établi. La police, l’État et les grandes entreprises commettent des assassinats mais ils utilisent leurs systèmes judiciaires pour les légitimer.
Je me sens tellement hésitant à en discuter avec certain.e.s de mes camarades bien-aimé.e.s en qui j’ai la plus grande confiance. C’est tellement tabou. La propagande libéral démocratique a fait quoi à l’anarchisme pour rendre le sujet de l’assassinat si inconfortable à discuter en tant qu’acte raisonnable ? La nonviolence se glisse plus largement dans nos perspectives que nous aimerions l’admettre.
Dans certains cercles, j’entends parler de la nécessité de la violence, mais je ne sais pas s’il s’agit en fait d’une vision romancée de cette dernière. L’expérience de commettre de la violence envers ses adversaires amène plusieurs choses ; bien qu’elle vient avec une montée d’adrénaline, parfois un sentiment furtif d’euphorie, elle peut aussi venir avec de la nausée, un état de choc et l’intuition qu’avec chaque acte de violence, une partie de soi est changée pour toujours.
Et en même temps, what the fuck le monde ? On nous a déjà démontré que le système juridique est une mauvaise blague. Nous savons que les lois sont faites pour les plus puissant.e.s. Nous savons que les politiciens s’en foutent de ne rien faire pour des changements systémiques, ils sont au contraire plus investis dans le maintien du capital et de l’ordre étatique quoique l’opinion précis dépend du parti politique. Nous savons que les manifestations seules ne fonctionnent pas, que péter des vitres ou mettre le feu à la voiture d’un haut dirigeant n’est pas assez dissuasif, alors que reste-t-il à faire ? Il faut faire quoi pour que lorsque nous disons « Non, ça ne se passera plus ! » et agissons en conséquence, ça ne se passe plus ?
Celleux qui ont le pouvoir et qui façonnent le terrain sociopolitique de ce monde ne se retireront pas de manière pacifique. Nous sommes victimes d’une grave illusion si nous pensons qu’une autre pétition, manif, vigile, ligne de front va changer quoi que ce soit. Alors que des amix et camarades ont écopé d’accusations RICO dans la lutte Stop Cop City, Donald Trump a écopé des mêmes accusations et est devenu président, encore !
L’État utilise la police pour défendre des projets de plusieurs milliards de dollars. Nous ne pouvons gagner en essayant de les affronter à forces égales ; même les attaques assymétriques n’amènent guère de résultats réjouissantes. Par contre, si les chefs d’entreprises, etc., étaient tués, un à la fois, imaginez comment la peur et la connaissance qu’ils ne sont plus inatteignables feraient imploser leurs réseaux dans le chaos. Ils ont des noms et des adresses. Je ne dis pas que les assassinats sont la seule chose qu’il reste à faire. Je ne fais que lancer la question à l’univers anarchiste à savoir pourquoi la tactique est utilisée plus par l’État, la police, etc., et moins par les individus qui comprennent ou subissent le mal tout comme l’avidité de certains individus qui doivent tout simplement mourir.
Des millions de personnes ont applaudi l’assassinat récent du PDG Thompson, elles ont également applaudi la tentative la plus récente contre Trump. Nous sommes au bord d’un précipice. Je demande à mes lecteurs et lectrices d’examiner sérieusement leur relation à la violence. Demandez-vous et à vos amix de confiance, « Jusqu’où es-tu prêt à aller ? ». Connaitrais-tu les conditions pour changer ou intensifier cette relation ? Ou, fournis-tu des justifications sans fin selon lesquelles une tactique de violence accélérée ne fera pas une différence ? Sois honnête. Parfois, nous disons telle ou telle chose parce que nous avons simplement peur des conséquences, de se faire prendre ou de l’échec. Lorsque nous sommes honnêtes au sujet de nos peurs, nous pouvons faire des plans pour les dépasser. Qu’est-ce qui devrait être en place pour te permettre de sentir que tu pourrais augmenter ta capacité à agir avec violence ? Et à cette fin, à commettre un assassinat ?
Les assassinats sont une tactique anarchiste. Ci-dessous, une liste d’assassins anarchistes connus, certainement incomplète, qui ont décidé que c’était une tactique viable à travers l’histoire. Wikipedia a une page sur chacun.e :
Michele Angiolillo Milan Arsov Joëlle Aubron Germaine Berton Georgi Bogdanov Dmitrii Bogrov Marko Boshnakov Gaetano Bresci Arthur Caron Sante Geronimo Caserio Georges Cipriani Alfredo Luís da Costa Leon Czolgosz Buenaventura Durruti Vladimir Gaćinović Herman Helcher Émile Henry Liu Shifu Gino Lucetti Luigi Lucheni Paulí Pallàs Manuel Pardiñas Giovanni Passannante Yordan Popyordanov Antonio Ramón Ravachol Gennaro Rubino Santiago Salvador Alexandros Schinas Sholem Schwarzbard Oleksandr Semenyuta Jean-Baptiste Sipido Sergey Stepnyak-Kravchinsky Moishe Tokar Kurt Gustav Wilckens Wong Sau Ying Vera Zasulich Bogdan Žerajić
Commentaires fermés sur Appel international pour des journées d’action du 30/12 au 01/01 : En mémoire de Kyriakos X. et en solidarité avec les accusé-es de l’affaire Ampelokipoi
Déc192024
Soumission anonyme à MTL Contre-info
Le 31 octobre, lors d’une explosion dans un appartement à Athènes, le camarade anarchiste Kyriakos Xymitiris est tombé dans la bataille pour la libération sociale et de classe. La camarade anarchiste Marianna a subi de graves blessures. Après avoir été soignée à l’hôpital Evangelismos sous la surveillance constante de la police, elle a été transférée le vendredi 15/11 à la prison de Korydallos. Suite aux événements du 31 octobre, les camarades Dimitra Z, Dimitris, Nikos R. et A.K ont également été incarcéré-es dans la prison de détention provisoire de Korydallos. Les cinq camarades ont été inculpé-es en vertu de la loi antiterroriste 187A : formation et appartenance à une organisation terroriste, possession et fabrication d’explosifs, ainsi que détérioration de biens privés.
Les pressions exercées par l’unité antiterroriste grecque, en collaboration avec le juge chargé de l’affaire, ont conduit à la sortie prématurée de la camarade Marianna de l’hôpital, la direction de l’hôpital Evangelismos n’assumant pas la responsabilité de sa patiente. Comme toutes les prisons du monde, Korydallos est un lieu où règnent les mauvais traitements et les conditions difficiles. La section dite « pour femmes » de la prison est encore plus négligée que la section dite « pour hommes », ce qui en fait une image représentative de la société patriarcale dans laquelle nous vivons. Cette torture infligée à la camarade s’enracine dans les pratiques les plus classiques du patriarcat occidental, esclavagiste et colonial. Le dépouillement de la subjectivité et la manipulation des corps comme des objets, par la force, est une pratique historique du patriarcat blanc. Celui-ci tente, par le biais des États européens, de créer un mythe de l’ennemi extérieur – un ennemi racisé, avec un alphabet différent. Cependant, il est clair que le patriarcat est un ennemi actuel venant du monde occidental, comme en témoignent les mauvais traitements auxquels sont soumises la camarade et de nombreuses autres personnes emprisonnées.
De même, l’exploitation des corps et des données personnelles des camarades accusé-es a commencé par diverses méthodes réalisées par l’appareil d’État, tout cela au profit du pouvoir en place. Sous la direction de l’unité anti-terroriste, les fonctionnaires corrompus de « New Democracy » et, une fois de plus, le ministre de la Protection des citoyens, M. Chrysochoidis. Leur diffamation systématique des camarades dans les médias, en particulier par le biais des habituels médias-snitches et des gros titres, est un autre exemple du rôle répugnant joué par ces canaux de communication dans la diffusion de la propagande étatique et capitaliste. La publication de photos et de vidéos de la scène de l’incident est un acte de profanation, déshonorant la mémoire du camarade Kyriakos et montrant la brutalité à laquelle la famille et les proches sont soumis-es. En outre, les médias grecs ont profité sans honte de cette situation en publiant des photos personnelles des camarades accusé-es, qu’ils ont obtenues avec l’aide de l’unité antiterroriste, qui leur a fourni les données personnelles des camarades.
Ces dernières années, nous avons assisté à des enquêtes qui visaient à recueillir autant d’informations que possible sur les mouvements internationaux, en compilant et échangeant les coordonnées et les schémas de comportement de personnes engagées dans plus d’un pays. Depuis de nombreuses années, nous voyons des policiers allemands jouer un rôle de premier plan sur le territoire grec. Ils tentent de répandre la peur et d’empêcher les camarades de se rencontrer et de créer des liens et des réseaux internationaux. Ils observent les camarades, mettent des voitures sur écoute, effectuent des perquisitions, forment les policiers grecs et, bien sûr, partagent des informations avec leurs homologues grecs. Il n’est pas surprenant, mais cela vaut la peine d’être mentionné, que l’identité de Kyriakos ait été révélée après que les flics allemands ont fourni les empreintes digitales tirées de leur base de données et l’aient étiqueté comme « terroriste d’extrême gauche ». Il est presque certain qu’ils ont fourni bien plus que cela, si ce n’est tous les détails personnels qu’ils avaient collectés au cours des dernières années. La collaboration entre l’État allemand et l’État grec est un exemple facile, mais il est loin d’être le seul. Avec des organisations comme Europol qui veulent coordonner les enquêtes en Europe, nous voyons la machine de répression étendre son réseau dans le monde entier, ainsi qu’à l’extérieur de la forteresse-Europe. En fin de compte, aucun État ne peut nous apporter la libération et, en particulier dans les affaires concernant les organisations dites terroristes, les liens et la collaboration entre les différents États sont révélés une fois de plus.
La mémoire et l’histoire du camarade, malgré toutes les tentatives de l’État et de son appareil, seront pour nous tous-tes un héritage de nos luttes, un chapitre important de notre histoire. Une histoire gravée par tous-tes celleux qui se sont battu-es pour une vie meilleure, pour un autre monde. Et c’est cette histoire que nous continuerons à défendre contre celleux qui cherchent à la diffamer. Et c’est notre solidarité active et notre détermination qui poursuivront les luttes que nous avons nouées ou partagées avec notre camarade Kyriakos. Il a peut-être fait un pas en direction de « l’Histoire », avecc toutes ces âmes qui ont choisi d’affronter ce monde terrible. Collectivement, nous trouvons indispensable de garder sa mémoire vivante et d’accompagner notre camarade dans son voyage vers l’Histoire et d’écrire un chapitre international combatif qu’il a déjà commencé bien avant. Défendons la mémoire révolutionnaire et faisons de notre chagrin un catalyseur de la libération sociale et de classe pour tous-tes.
Une fois de plus, nous voyons et ressentons l’importance de la solidarité internationale dans nos luttes. Inspiré-es par l’appel à l’action international du 16/11, en tant qu’assemblée berlinoise à la mémoire de Kyriakos X. et en solidarité avec les camarades poursuivi-es, nous appelons à des journées d’action internationales les 30/12, 31/12 et 01/01. Contre les tactiques de l’unité anti-terroriste, l’exploitation des médias et la diffamation de la mémoire de notre camarade. Notre solidarité active doit constituer une barrière protectrice pour nos camarades emprisonné-es et contre toute nouvelle persécution. La répression ne nous intimide pas et nous nous tenons à leurs côtés sans hésitation. Quand nos luttes internationales sont attaquées, nous devons nous engager encore plus à leurs côtés. Les appels internationaux tels que celui-ci peuvent servir de date-clé, concentrant la pression que nous exerçons tous sur un certain laps de temps et construisant ainsi une solidarité internationale cohérente pour les accusé-es, ainsi que des actions internationales de commémoration pour le camarade Kyriakos.
Nous avons choisi les jours autour du 31 décembre pour les dédier à Kyriakos, car ce jour-là, cela fera deux mois que notre camarade est décédé. Deux mois de chagrin et de lutte, de rage, mais aussi de liens et de solidarité. La veille du Nouvel An est une date bien connue dans le monde entier, où l’on tente chaque année de rompre l’isolement et la misère à l’intérieur des prisons, qui deviennent si évidents ce jour-là. Devant les prisons du monde entier, les gens se rassemblent à l’extérieur pour envoyer un message aux détenu-es. Nous voulons nous associer à cette journée, en nous rappelant que Kyriakos était convaincu qu’il fallait détruire le système carcéral et en pensant aux cinq camarades qui sont accusé-es dans l’affaire construite autour de cela, actuellement détenu-es dans la prison de Korydallos. En cherchant des occasions de secouer l’existant et d’attaquer le monopole de la violence par l’État, nous pouvons faire le lien avec ce jour. Dans la ville de Berlin, il existe une tradition bien ancrée depuis plusieurs années qui consiste à commencer la nouvelle année par de nouvelles confrontations dans les rues contre les flics. Le soir du 31 janvier est l’un des rares soirs où l’État a du mal à maintenir l’équilibre entre un grand nombre d’individus et les autorités qui se préparent à des confrontations. C’est donc un soir où des affrontements éclatent souvent, partagés par la classe ouvrière, les migrant-es, les anarchistes, les marginales-aux et tous-tes celleux qui choisissent de se confronter aux autorités.
Bien que nous appelions pour la durée du 30/12 au 01/01, la construction d’une solidarité cohérente ne signifie pas que nous devons limiter nos actions à des jours spécifiques. C’est pourquoi nous voulons encourager tout le monde à se joindre à cet appel, que ce soit dans les jours autour du Nouvel An, avant ou après.
Nous appelons tout le monde, au cours de ces journées, à évoquer la mémoire du camarade Kyriakos et à faire preuve de solidarité avec les cinq camarades accusé-es. Cela signifie qu’il faut non seulement s’intéresser à la situation dans laquelle iels se trouvent actuellement, mais aussi poursuivre les luttes auxquelles iels se rattachent et les luttes que nous pouvons rattacher à elleux. Chaque action contre l’oppression et l’autorité peut être dédiée à Kyriakos. Parce que le cœur de Kyriakos Xymitiris et de tous-tes les camarades disparu-es bat à jamais dans les rues, dans les confrontations, dans les moments de révolte, dans le cœur de tous-tes celleux qui luttent contre l’oppression et l’exploitation. Celleux qui ont perdu la vie dans la lutte pour la liberté vivent à jamais dans le cœur de la révolte sociale et de classe. Le feu reviendra réchauffer les cœurs de celleux qui ne sont plus là et de celleux qui ne peuvent pas lutter avec nous.
Utilisons la force que Kyriakos nous a laissée et la force que Marianna, Dimitra, Dimitris, Nikos et A.K. nous envoient de l’intérieur des geôles de la démocratie.
KYRIAKOS XYMITIRIS TOUJOURS PRÉSENT – LES CŒURS RÉVOLUTIONNAIRES BRÛLENT À JAMAIS
PAS TOUCHE AUX CAMARADES EMPRISONNÉ-ES – LIBERTÉ POUR TOUS-TES
Berlin assembly in memory of Kyriakos X. and in solidarity with the persecuted comrades in the Ampelokipoi-case
Tout d’abord, contrairement à ce qu’en pense la Mauvaise herbe, mon texte ne les visait pas directement. Il est d’ailleurs faux que la Mauvaise herbe soit « le seul zine anticiv à Montréal », dans la mesure où, bien qu’elle constitue un des seuls, sinon le seul groupe à publier du contenu anticiv original à Montréal, les publications anticivs sont omniprésentes dans le large éventail de zines distribués à Montréal. En effet, il est même impensable d’imaginer une foire de zines à Montréal sans zine « critique du progrès et de la civilisation »–raccourci donné par la Mauvaise herbe pour définir les idées anticivs. Plutôt que de m’en prendre à la Mauvaise herbe, mon propos visait davantage à faire avancer ou au moins stimuler les réflexions anarchistes relatives aux enjeux liés à la technique, car ceux-ci traversent les dernières luttes menées par des anarchistes et suscitent un engouement qui ne cesse de se manifester au sein de la gauche radicale montréalaise.
Je vois dans les idées développées au sein de la famille des anarchismes verts bon nombre d’éléments pertinents pour comprendre le monde et suis surpris que la Mauvaise herbe ne l’ait pas souligné dans sa critique. À mon sens, la plus grande force des différentes branches de l’anarchisme vert est d’avoir souligné la pertinence de comprendre la technique non pas en tant qu’addition relativement aléatoire d’outils et d’innovations individuelles, mais comme un tout, un système qui amène avec lui des conséquences sociales sur l’organisation des sociétés humaines et qui porte de manière inévitable des conditions, des besoins qui orientent significativement le développement des sociétés et les innovations techniques. De ce fait, quiconque voudrait conserver le produit d’une société technicienne étatisée dans un processus révolutionnaire, voire accélérer le potentiel des forces productives, devra inévitablement se soumettre à une série de règles difficilement réconciliables avec les principes de l’anarchisme. Penser toute l’organisation et la coordination que permet l’État sans État est pour le moins épineux, mais cela constitue la mission historique de toutes les déclinaisons théoriques de l’anarchisme. Conformément à une lecture ellulienne de la technique, à mesure que s’installe le règne de la technique, soit l’intégration des outils individuels à un ensemble technique auto-référenciel et autonome, le processus révolutionnaire se complexifie d’au moins deux façons: d’une part puisqu’il rend le monde irrécupérable tel quel sans la reproduction de tous ses maux et, d’autre part, parce qu’il rend l’abandon de ce monde de plus en plus difficile sans l’émergence de catastrophes majeures. C’est sur cette dernière difficulté que j’ai tenté de travailler dans le cadre de mon premier article critiqué par la Mauvaise herbe.
Puisque la technique et les conditions sociales qu’elle apporte sont perçues comme absolument irréconciliables avec l’anarchie, les anarchistes verts soutiennent que, si nous sommes véritablement sincères envers un projet de société anarchiste, on ne peut se permettre de faire de compromis avec l’organisation sociétale ayant émergé de l’industrialisation. Contrairement à d’autres militant.es anarchistes, les anarchistes verts sont au moins honnêtes lorsqu’iels soutiennent que, si on veut conserver la médecine moderne ou un réseau ferroviaire développé, on peut difficilement se passer de mines et de certaines formes d’usines, même si leur choix en fin de compte est d’abandonner ces produits de l’industrialisation. Le coeur de mon propos est de dire que cette réflexion se tient et est cohérente théoriquement en soi, mais qu’elle sous-estime systématiquement toute la violence qu’elle implique et la force réactionnaire de la technique face à une telle posture, tout comme elle romantise une vie qui ne me semble pas souhaitable. En ce sens, ma principale critique à l’égard des formes plus radicales de l’anarchisme vert est leur incapacité la plus totale à réfléchir aux moyens que nous nous doterons collectivement pour assurer la survie des milliards d’humain.es dont l’existence repose directement sur la civilisation et ses déclinaisons techniques.
Il ne s’agit pas strictement de blâmer le messager, comme le soutient la Mauvaise herbe, puisqu’en l’occurrence le message, c’est le projet de société. Il y a une différence significative entre des ouvriers communistes qui sabotent les machines dans une usine et des anticivs qui font le même geste, même si les conséquences sont les mêmes, puisque cela s’inscrit dans une finalité totalement différente. Alors que les communistes ne souhaitent généralement pas vivre sans développement industriel, les anticivs oui. Les anarchistes verts qui ne sont pas prêt.es à assumer les conséquences de leurs projets et horizons politiques doivent être traité.es comme des politicien.nes.
À mon sens, une des conséquences les plus engageantes du développement technique et de l’industrialisation est la hausse démographique. En ayant permis une croissance démographique sans précédent dans l’histoire humaine (passant de 1 milliard d’individus en 1800 à plus de 8 milliards aujourd’hui), la technique nous a en quelque sorte lié.es à certaines formes d’organisation sociale. L’idée n’est pas de faire renaître un malthusianisme répugnant, mais plutôt de faire voir l’importance qu’a l’ampleur des civilisations humaines dans leurs orientations politiques et l’horizon de leurs possibles. Un anarchisme qui se borne à appeler constamment à un retour à l’arbre à palabre est voué à l’échec par son incapacité à penser une société aussi complexe et développée que les nôtres. Toute l’autorité qui découle de la technique s’expose dans son incompatibilité avec les formes les plus radicales de démocratie : comment espérer que l’ensemble des individus participant à la gigantesque chaîne de production puisse, à toutes les étapes de cette dernière, se prononcer en assemblée générale pour y lancer leurs avis sans que cela n’ait d’impact sur la productivité ? L’activité technique est peu soucieuse des autres facteurs que l’efficacité et, si l’on veut conserver une part de cette efficacité, nous devrons conserver une part de l’autorité imprégnée dans l’agencement social que nous tentons de nous réapproprier. Il faut évidemment se garder de faire équivaloir efficacité et autorité. Toutefois, j’ai la conviction qu’une volonté de maximisation de l’efficacité ne peut se passer d’autorité; voilà pourquoi j’ai préféré parler d’un parti a-technicien.
Il me faut aussi réitérer que les nuances qui différencient les branches de l’anarchisme vert sont constamment surévaluées. En fait, trop insister sur les différences entre les anti-tech, les anticivs et les primitivistes revient souvent à s’enfarger dans les fleurs du tapis. Cela a surtout comme principal avantage de permettre aux anarchistes verts de s’acheter un passe-droit en renvoyant la balle à d’autres branches théoriques lorsqu’iels sont critiqué.es, alors que toutes les branches de l’anarchisme vert partagent des fondements théoriques communs, peut-être à l’exception de l’écologie sociale, qui constitue un cas à part, ce que j’avais déjà souligné. En ce qui a trait à la pratique, les similitudes entre les différentes branches de l’anarchisme vert sont encore plus saillantes. On a pu rire de mes caricatures de la pratique anarchiste anticivilisationnelle, mais il n’en demeure pas moins que les exemples donnés par la Mauvaise herbe de la pratique anarchiste verte à Montréal ne constituent en rien une pratique proprement anticiv, mais bien une pratique anarchiste! Il est assez rigolo de se faire rappeler que l’imprimerie a permis l’impression de livres racistes et antiféministes tout en me soulignant que la pratique des anticivs à Montréal est de s’impliquer dans une bibliothèque, dans un projet de librairie et dans la publication de zines…
Première ligne n’a certainement pas réglé la question de la théorie et de la pratique anarchistes et nous n’avons jamais eu cette prétention. Nous continuons à puiser dans l’histoire des mouvements révolutionnaires communistes et anarchistes pour nous inspirer et stimuler notre praxis. Or, s’il est une chose certaine, c’est que nos réponses aux faiblesses théoriques et pratiques de l’anarchisme vert illustrées ci-dessus ne se posent jamais en termes léninistes. Lorsque j’abordais l’État [rayé] et sa qualité d’a-technicien, j’appelais à réfléchir non pas un État ouvrier, mais une forme d’organisation sociale qui n’est pas l’État, qui n’est pas le gouvernement, qui n’est pas la bureaucratie, qui n’est pas la police ni les prisons, mais qui permet tout de même d’assurer une vie meilleure aux individus, de favoriser l’émergence de formes de coordination nécessaires pour lutter contre les changements climatiques, éviter la famine et vaincre les puissances capitalistes étatisées qui voudront empêcher notre processus d’émancipation. Lorsque j’abordais le parti, je l’abordais dans sa définition de « camp » davantage que dans sa déclinaison léniniste. De toute manière, un parti ou un État fidèles aux principes léninistes ainsi qu’à leurs legs historiques ne peuvent être autre chose que des organes techniciens en ce qu’ils sont fondés et sont constamment légitimés par leur capacité à tout rationaliser, tout organiser, tout imposer et tout systématiser conformément à leur planification. Un parti léniniste qui rejetterait sa vocation technicienne serait un très mauvais parti léniniste !
Lorsque je fais référence au parti et à l’État a-techniciens, j’évoque des formes d’organisation qui rejettent l’impératif d’efficacité comme principale préoccupation, non pas parce que l’efficacité est une mauvaise chose en soi, mais parce que je suis d’accord avec les anarchistes verts lorsqu’iels affirment que le parti de l’efficacité à tout prix est nécessairement irréconciliable avec le parti de l’anarchie.
Commentaires fermés sur Lettre ouverte du Collectif Estamos Aquí
Nov292024
Soumission anonyme à MTL Contre-info
En réponse à l’attitude des médias face à la manifestation du vendredi 22 novembre 2024 à Montréal
Si nous écrivons ces lignes aujourd’hui, c’est parce que depuis plusieurs jours, les médias s’attardent sans fin sur des vitres brisées et de la peinture renversée à la suite de la manifestation contre l’OTAN de vendredi dernier. Cette obsession pour la destruction de biens matériels occulte pourtant une question beaucoup plus fondamentale : pourquoi la colère explose-t-elle de cette manière ?
Là où les médias se concentrent sur des objets inanimés, ils négligent une réponse émotionnelle bien plus complexe: cette violence n’est pas gratuite. Elle symbolise un cri d’impuissance face à des vies humaines anéanties, des mémoires effacées et des douleurs persistantes qui, loin d’être entendues, sont réduites à des statistiques ou à des faits isolés. Le débat ne devrait pas se limiter aux vitres brisées, mais s’interroger sur ce qui motive ce geste désespéré : une détresse, un cri de révolte face à une violence insidieuse et omniprésente.
Nous, membres du Colectivo Estamos Aquí, sommes allés à cette manifestation pour exprimer une colère légitime : celle des survivant.e.s d’une dictature militaire au Guatemala, ayant causé plus de 250 000 morts, 45 000 disparu.e.s et détruit des centaines de communautés autochtones. C’est cette mémoire-là que nous venions défendre. Une mémoire que les autorités des Amériques et de l’Europe semblent vouloir reléguer au second plan, sous prétexte d’enjeux politiques et internationaux trop complexes pour la populace. Mais qu’en est-il de l’intégrité des personnes colonisées, déplacées, tuées ? De leurs émotions et de leurs traumatismes, de leurs enjeux à euxles ? Cette violence-là, celle des opprimés, semble avoir été normalisée, voire oubliée.
Les luttes anticoloniales, qu’elles se situent en Amérique Latine ou ailleurs, sont toutes liées par des racines communes : exploitation, domination et déshumanisation. Ces luttes, malgré la diversité de leurs formes et de leurs contextes, s’attaquent toutes à un système global d’injustice et de répression.
Pourtant, les médias préfèrent détourner l’attention des causes profondes et se focaliser sur les dégâts matériels. Ce faisant, ils minimisent la violence d’un système qui détruit les vies humaines au profit decommodités. C’est comme si, quelque part, les rôles s’étaient inversés et que ce sont désormais les objets — et non les êtres humains — qui incarnaient l’âme du monde.
Dans cette hiérarchie des valeurs, où les possessions sont élevées au rang suprême, les êtres humains sont peu à peu réduits à de simples fonctions : celles de producteurs, de consommateurs, d’outils du capitalisme. La véritable violence, ici, ce n’est pas la casse de vitrines, mais le mépris systématique des vies humaines.
Partout, les peuples autochtones sont réduits à des symboles exotiques ou des ressources exploitables. Leurs terres sont pillées, leurs cultures marginalisées, et leurs voix étouffées. Ce traitement déshumanisant reflète une vision coloniale persistante, où la dignité des êtres humains est niée pour justifier l’exploitation des ressources.
On nous dit que la violence n’a pas sa place. Pourtant, face à une violence institutionnelle d’une force et d’une ampleur monstrueuse, la question mérite d’être posée : la violence n’est-elle pas parfois la seule réponse possible ?
C’est avec plaisir et fierté qu’on peut annoncer que notre livre sur les interrogatoire de police vient d’être ré-édité par les Éditions du Commun.
Pour rappel, on avait auto-publié ce livre en 2022 à 2000 exemplaires, écoulé après une année. A présent, grâce aux Éditions du Commun, il retrouve un deuxième vie et la possibilité de toucher un publique plus vaste grâce à sa présence en librairie.
La version PDF reste librement disponible ainsi qu’une version HTML sur le site des éditions où il est bien sûr aussi possible de commander le livre.
D’ailleurs, si vous avez une carte de membre dans votre bibliothèque locale, pourquoi ne pas y commander le livre et lui permettre ainsi une entrée dans votre bibliothèque?
« Si à table se trouvent un nazi et dix autres personnes plaisantant avec lui, alors vous avez en fait une tablée de nazis. »
Ce dicton populaire se présente comme une boutade, mais l’idée qu’il exprime n’en est pas moins forte, juste et pertinente. Nous avons l’intime conviction que la complaisance à l’égard des courants les plus réactionnaires, les plus racistes et les plus haineux de l’extrême droite ne peut que vicier, par effet de contagion, les milieux où ils sont tolérés.
C’est la raison pour laquelle nous avons lancé dans les dernières semaines une campagne visant à dénoncer et à faire annuler la présence de plusieurs groupes adjacents au courant NSBM (néonazi) dans la programmation 2024 du festival black metal de la Messe des Morts, organisé par le label Sepulchral Productions et son principal responsable, Martin Marcotte[i]. Cette campagne culminera par une manifestation le 29 novembre à 18 h, devant le Théâtre Paradoxe, 5959 boulevard Monk, à Montréal.
Depuis la publication de notre dossier sur ces groupes, le 27 octobre, nous avons reçu une déferlante de commentaires ulcérés provenant d’adeptes du genre black metal qui nous accusent, suivant un script bien connu, de diaboliser ou de chercher à « canceller » le milieu tout entier. Pour l’essentiel, ces réactions ont en commun d’ignorer complètement la critique et de recourir à toute sorte d’arguments fallacieux pour défendre bec et ongles le milieu contre-culturel dont il est question.
Pour être tout à fait clairs, nous ne reprochons pas à ce milieu d’être foncièrement néonazi – nous n’opérons pas et n’avons jamais opéré cet amalgame, quoi qu’en disent nos critiques. Ce que nous lui reprochons, c’est sa trop grande tolérance aux éléments néonazis qui y persistent, comme en témoigne la présence d’au moins quatre groupes liés de proche ou de loin au NSBM dans la programmation 2024, dont la tête d’affiche, le groupe suédois Marduk, qui cultive une profonde ambiguïté à cet égard.
Le présent billet a pour but de répondre à nos critiques, en réitérant une fois de plus l’invitation lancée aux adeptes de black metal à faire le ménage une fois pour toutes dans ce milieu.
Tous ces événements ne sont pas produits dans les années 1930, ou dans les années 1980, mais en novembre 2024, au Québec, au Canada et aux États-Unis. Il serait absolument malhonnête de prétendre que les mouvements fascistes ne présentent pas une réelle menace aujourd’hui. Depuis une décennie au moins, la droite populiste monte en force un peu partout dans le monde, et dans son sillon l’extrême droite redresse la tête, avec son cortège de fascistes et de suprémacistes de tous acabits.
C’est dans ce contexte alarmant que s’inscrit notre campagne de dénonciation de la Messe des Morts.
Il est établi que le black metal est parasité depuis toujours par un courant néonazi, le sous-genre NSBM. Celui-ci ne s’affiche pas toujours ouvertement dans ce milieu, mais il le traverse de manière persistante et surtout, il y est largement toléré. Les éléments du milieu black metal qui condamnent et rejettent explicitement le courant néonazi (comme le courant Red and Anarchist Black Metal) y font figure d’exception.
L’attitude la plus répandue lorsqu’on dénonce cette réalité est celle que nous avons observée au cours des dernières semaines : une réaction épidermique caractérisée par un déni catégorique et une défense exorbitée du milieu black metal. Comme le type de musique qu’ils affectionnent constitue une partie centrale de leur identité, les fans le « prennent personnel » : iels sont fans de black metal; iels ne sont pas personnellement nazis, ERGO, le black metal ne peut pas être nazis. Or ce dont il s’agit au fond, ce n’est pas de l’adhésion de tel ou tel fan du genre aux principes du national-socialisme, mais d’un phénomène de complaisance au sous-genre NSBM qui traverse le milieu.
On retrouve essentiellement les mêmes quatre ou cinq arguments, qui ensemble forment une sorte de raisonnement circulaire :
« Même pas vrai! »;
Le NSBM en tant que tel ou son influence présumée au sein du milieu black metal seraient une sorte de mythe perpétué par « les communistes » et autres « mauvaises personnes ». C’est la position la plus facile à réfuter. Le NSBM est incontestablement un des courants constitutifs du black metal, et ce, depuis les débuts mêmes du genre.
Le NSBM existe bien (quelque part, ailleurs…), mais ici c’est une entité négligeable, du moins c’est inexistant à la Messe des Morts, qui est au-dessus de tout soupçon;
Le NSBM serait un phénomène hyper marginal, et mieux vaudrait l’ignorer complètement, selon cette ligne argumentaire. Comme toujours dans de pareils cas, nous contestons avec force cette position de l’autruche. Le courant NSBM est certes minoritaire dans son expression explicite, mais sa présence « culturelle » implicite dans le milieu est chronique et son influence y est diffuse. La présence au festival de ces trois ou quatre groupes aux associations notoirement louches et/ou aux obsessions douteuses pour le nazisme – tout comme la programmation de Graveland en 2016 – témoigne du fait que les liens avec le NSBM, et le cryptofascisme dans le cas de Marduk, ne sont jamais bien loin de la Messe des Morts. Nous savons par ailleurs que Martin Marcotte, le principal responsable de Sepulchral Productions et promoteur de la Messe des Morts, a lui-même distribué du matériel NSBM dans les années 2000, en plus d’organiser des spectacles avec des groupes néonazis à la même époque, et jusque dans les dernières éditions de la Messe des Morts! À notre connaissance, Marcotte et Sepulchral n’ont jamais publié de rétractation ou de déclaration dénonçant publiquement le courant néonazi du black metal ou adoptant une position antiraciste officielle, laquelle aurait à tout le moins pour effet de lever l’ambiguïté à cet égard. Les vagues prétentions au caractère « apolitique » de l’événement ne suffisent pas.
C’est vrai qu’il existe des éléments plus ou moins nazis dans le milieu, mais « vous ne pouvez pas comprendre », ça fait partie des codes du genre, c’est une culture de la transgression, et dans la plupart des cas, ça n’est « pas politique ».
Les éléments NSBM dans la scène n’auraient ainsi qu’un caractère folklorique, strictement pour le « shock value ». Cette position est absurde. Un événement et un milieu où des éléments nazis sont tolérés sont par définition politiques. Pour paraphraser la militante afro-américaine Angela Davis, dans un milieu où fourmillent notoirement des néonazis, il ne suffit pas de ne pas être nazi; il faut être activement antinazi. Faute de quoi le milieu sera chroniquement soupçonné de complaisance et de complicité. La défense de la manifestation culturelle ne tient pas la route : la culture et la politique sont en fait indissociables et souvent consubstantielles[ii]. Toute prétention à l’apolitisme au sein de mouvements culturels ou contre-culturels doit donc être prise avec scepticisme.
C’est vrai qu’il y a des nazis, mais c’est « pas grave », ils ont « bien le droit »;
Est-il vraiment nécessaire d’expliquer pourquoi cet argument est absolument merdique? Le fascisme, et a fortiori, le nazisme, ne sont pas des idées comme les autres. Ce sont des idéologies haineuses qui ont des effets concrets dans la vie des personnes et des groupes qu’elles prennent pour cible et qui, lorsqu’elles arrivent à leurs fins, ont des conséquences absolument catastrophiques. Là-dessus, l’histoire est sans appel. Il n’est peut-être pas étonnant qu’un genre musical cultivant une fascination pour la morbidité se laisse tenter par les aspects occultes ou « maléfiques » du nazisme, mais la ligne est fine entre la fascination morbide et la complaisance. Et c’est précisément cette complaisance que nous reprochons au milieu black metal.
C’est « juste de la musique »; j’en écoute, moi, du NSBM, et ça n’est qu’une question de préférences et de liberté individuelle; ça ne veut pas dire que je suis nazi;
Permettez-nous d’en douter fortement. Vous avez de sérieuses questions à vous poser si vous affectionnez de la musique prônant des idées génocidaires ou glorifiant les actions des nazis. En tous cas, il ne faut pas vous étonner que les antifascistes considèrent que vous faites partie du problème… La liberté d’expression n’est pas et ne doit jamais devenir un paravent pour la promotion et la banalisation d’idées haineuses. C’est bien sûr ce que cherchent à faire actuellement les nouveaux populistes d’extrême droite[iii], qui se servent de cette défense, combinée à la désinformation et au confusionnisme, pour faire valoir dans le courant dominant les pires réflexes réactionnaires, ce qui favorise bien sûr leurs avancées sur le plan politique. Ne nous laissons pas berner.
De toute façon les antifas sont bien pires (et bien plus violents); vous dites que vous êtes antifascistes, mais c’est vous les vrais fascistes!
Certains commentateurs ont monté en épingle des anecdotes personnelles d’altercations pour chercher à démontrer que les antifascistes sont globalement des êtres éminemment violents qui ne cherchent qu’à intimider et réprimer quiconque ne pense pas comme elleux. C’est un stratagème bien connu. Il est facile et bien pratique de décontextualiser des incidents isolés pour faire dévier la conversation et éviter de regarder le problème en face. Il n’est un secret pour personne que les antifascistes cherchent à « canceller » les nazis. C’est même dans la définition de tâches. Or en l’occurrence, ce que nous avons demandé à la direction du Théâtre Paradoxe, et indirectement au promoteur de la Messe des Morts, c’est de rayer de l’affiche les trois groupes examinés dans notre article (plus celui identifié par Pivot dans son article consacré à cette polémique). Nous ne cherchons pas forcément à faire annuler le festival au complet (quoiqu’à ce stade-ci, le problème semble chronique…), mais principalement à encourager un examen de conscience au sein du milieu black metal. Nous persistons et signons en ce sens.
Manifestement, au regard de la réaction qu’a suscitée notre campagne de dénonciation de la Messe des Morts, la mauvaise foi fait partie de cette sous-culture au même titre que la confusion et la complaisance. Bien trop souvent, ses adeptes déploient des efforts de contorsion considérables pour ignorer les éléments problématiques signalés, ou du moins pour en nier le caractère problématique.
Pour reprendre le dicton cité en exergue : si vous êtes dans un party ou un néonazi s’affiche librement, et que tout le monde tolère sa présence, s’accommode de ses frasques ou ne cherche pas activement à l’exclure, vous êtes en fait dans un party nazi. C’est d’autant plus vrai si les groupes engagés pour animer la soirée ont déjà eu des membres nazis, ont déjà joué avec des nazis, ou ont déjà acheté des articles de propagande nazie sur des sites nazis, ou se spécialisent dans les chansons glorifiant les exploits nazis. Et si le promoteur du party a lui-même déjà distribué la musique d’artistes nazis et organisé des spectacles de nazis… Vous commencez à saisir le pattern?
Il existe pourtant une voie de sortie. Il serait tout à fait possible pour ces groupes, ces événements, ces promoteurs, et même les adeptes du genre regroupé·es conséquemment, de prendre position de manière claire et univoque contre toute idéologie à caractère haineux, dont le racisme et l’antisémitisme, le sexisme et l’homophobie, et en particulier contre le fascisme et le nazisme. Une telle prise de position publique aurait pour effet de dissiper toute ambiguïté. Il y aurait bien sûr des conséquences rattachées à un pareil énoncé de principes – celleux des adeptes du genre qui adhèrent au NSBM se sentant sans doute trahis –, mais c’est le prix à payer pour nettoyer un milieu contre-culturel qui mérite mieux que de traîner en permanence ce boulet.
C’est possible, et ça s’est déjà fait. Dans les années 1980 et 1990, les milieux contre-culturels punks et skins étaient parasités par des éléments néonazis, et la communauté s’est mobilisée pour les en exclure définitivement. Ça n’a pas toujours été lisse et sans accrocs, mais aujourd’hui encore, ces éléments sont systématiquement ostracisés et les boneheads doivent encore se cacher pour jouer en circle jerk.
Ceci est donc une invitation à prendre position et à faire le ménage de cette scène une fois pour toutes. Pour cela, il faut d’abord cesser de se voiler les yeux et regarder le problème en face.
[ii] Il s’avère de plus en plus clairement aujourd’hui que les transformations politiques procèdent des transformations culturelles, et que les développements politiques que nous observons de nos jours, la montée en force de la droite et de l’extrême droite, sont le résultat d’une patiente manipulation des codes culturels de masse par d’habiles acteurs idéologiques au fil des dernières décennies.
[iii] Parmi les armes fourbies par ces idéologues (pensons au trumpisme et à Elon Musk) figurent au premier chef la désinformation et le confusionnisme, soit la méthode consistant à brouiller délibérément le sens des mots et des concepts politiques pour semer la confusion et ébranler le sens de la réalité chez les sujets, ce qui favorise leur adhésion à divers fantasmes de complot et aux fausses solutions promises par les démagogues. Une autre de leurs armes favorites est le « gaslighting », soit une forme de manipulation mentale consistant à manipuler ou déformer de l’information de manière à faire douter une personne de sa perception de la réalité. Un des principaux défis qui se présentent à nous à l’ère de la post-vérité est précisément de combattre les effets pervers de ces stratagèmes sur la sphère politique et sur la société de manière générale.
Quelques pistes pour réfléchir à notre rapport aux idées ridicules de Première Ligne d’un point de vue anarchique
Je sais que plusieurs vont simplement décider d’ignorer d’un roulement des yeux le texte publié récemment par la revue « communiste anarchiste révolutionnaire » Première Ligne Entre obscurantisme et naïveté libérale, quelques pistes pour réfléchir notre rapport à la technique au XXIe siècle d’un point de vue révolutionnaire (signé Ana*) et ce ne sera pas par manque de quoi répondre. Déjà qu’après la tentative quand même pathétique du groupe éditorial de se distancer et se déresponsabiliser du matériel qu’il a lui-même commandé, supervisé, édité et publié, on ne nous blâmera pas de ne pas vraiment avoir envie de discuter avec un groupe qui a pratiquement affirmé qu’il ne fait que troller le milieu (voir Réponse à la « Réponse à Première Ligne », mtlcontreinfo.org/reponse-a-la-reponse-a-premiere-ligne/). Mais c’est aussi qu’à la longue on se tanne d’affronter les mêmes calomnies recyclées, venant souvent de personnes avec les mêmes patterns d’ultrasocialistes qui délirent, qui confondent le fanatisme et l’intransigeance dogmatique pour une sorte de rigueur révolutionnaire ou de radicalité militante qu’elles projettent sur tout.
Après avoir promu des idées doctrinaires de rééducation sexuelle dans son dernier numéro sur le genre, ce récent texte de Première Ligne (PL) nous annonce cette fois des réflexions sur la technique… Tenons-nous bien!
L’exercice rhétorique y est assez cheap. On y oppose une caricature d’utopisme technologique naïf, représenté par « l’accélérationnisme de gauche », à une caricature de « l’anarchisme vert » et surtout de « l’anarchisme anticivilisationnel », présentés comme des technophobies obscurantistes – tout en dénigrant les anars de Montréal – pour finalement nous mettre d’avant la plateforme de PL comme seule alternative raisonnable, évidemment. Cependant, bien que PL essaie de faire passer les autres pour des fous afin d’avoir l’air smart, la pertinence des idées qu’elle nous propose démontre assez vite pourquoi cette stratégie lui semblait nécessaire.
Si j’avoue que j’ai un certain plaisir à écouter PL se plaindre des tendances du milieu anarchiste de Montréal auquel elle se heurte, vue l’état de dispersion actuel de celui-ci je ne m’y fierais pas pour étouffer des discours aussi dérisoires qu’ils puissent paraître. Devant la présence anarchiste flétrissante et le populisme démagogique qui prospère si facilement, les communistes fanatiques y voient une opportunité. La naïveté et l’insouciance des anarchistes envers les communistes à répétitivement prouvé être mal avisée et je n’ai aucune envie de voir leurs idées toxiques proliférer de nouveau.
Face à l’inertie, PL sera contente d’entendre que mes « tendances grégaires » font défaut. La fausse camaraderie et ma tolérance envers les charlatans qui se disent anti-autoritaires en prônant des idées de domination aussi me font terriblement défaut. En fait, c’est d’une joie ravageuse que je viens ridiculiser et m’opposer fermement à des idéologues qui veulent nous faire croire qu’un proto-État ouvrier écocidaire imposé par une avant-garde de moines révolutionnaires chaste, ça a quelque chose à voir avec l’anarchie plutôt qu’un trip de cosplay trotskiste gone bad!
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*Notons que c’est la même signature que pour le texte Notre anarchisme dans le manifeste publié par Première Ligne en guise de premier numéro. Je vais donc me permettre de présumer qu’il s’agit bien ici des opinions de PL, surtout en ce qui concerne l’anarchisme. Je le mentionne parce que PL n’a pas hésité à se dissocier de Pour une éthique militante masculine et larguer son auteure après s’être fait critiquer pour avoir décidé de publier ce texte dans son 3e numéro. (voir mtlcontreinfo.org/reponse-a-la-reponse-a-premiere-ligne/)
Ça serait insultant si c’était pas si ridicule
Ça fait plus de 125 ans, depuis les premières publications des Naturiens au tournant du 20e siècle que la civilisation et le progrès sont critiqués et confrontés d’un point de vue anarchique : les réflexions nihilistes sur la société de masse, les anarchistes pacifistes critiques de la science, les analyses ellulienne de la technique, le primitivisme inspiré par l’anthropologie des années 60-70, l’anarchisme vert, l’écologie radicale, les « Fronts de libération » (ELF/ALF) et une partie de l’anarchisme insurrectionnel des dernières décennies, etc. S’il y a bien sûr des points en communs entre ces tendances, il y a aussi des divergeances et toute une diversité d’inspirations, de perspectives, d’approches et de pratiques. Les anarchistes « anticiv » en sont un amalgame. Soyons clairs, ce terme n’a jamais été autre chose qu’un raccourci pour dire au sens large « critique du progrès et de la civilisation ». Cependant, PL s’en sert tout au long du texte en l’interchangeant avec les termes « anarchiste vert » et « primitiviste », comme s’ils s’équivalaient, afin de tresser un homme de paille auquel s’attaquer. Évidemment, le but est d’en faire une idéologie avec une approche spécifique qui convient à la propagande de PL. C’est bien plus facile de s’en prendre à une parodie basée sur ses propres préjugés et idées préconçues que de chercher réellement à connaître et comprendre un vaste sujet afin d’acquérir une analyse sérieuse par un processus de remise en question.
C’est dans ce sens que PL se livre à des attaques sur la crédibilité des personnes qui critiquent la civilisation d’un point de vue anarchique. On nous affirme que « la radicalité des propositions théoriques des anticivs les isole à un point où toute action politique véritablement transformatrice devient impensable » et que « leur activité politique atteint rapidement un cul-de-sac où quasiment toute action rompt avec leurs principes de base ». Mais puisque ces affirmations, que les anticivs sont intrinsèquement des incapables, ne s’appuient sur rien d’autre qu’un pet de cerveau, PL laisse libre cours à son imagination flatulente dans toute sa verve en s’essayant à la fiction :
« Certaines décident de partir des mois par années dans le grand nord, souvent armées de fusils, pratiquer leur survivalisme en attendant de manquer de munitions ou un effondrement civilisationnel qui ne vient pas – ce qui n’ébranle pas grand-chose. D’autres décident de poursuivre leur vie en ville, vouées à malheureusement la vivre dans des espaces bétonnés, parfois publier des zines en petite quantité en espérant semer du désespoir le plus total un peu chez le voisin. D’autres, plus braves, décideront de mener des attaques violentes sur des cibles comprises comme jouant un rôle dans la reproduction de la civilisation, à savoir souvent des héoliennes, des barrages ou centrales électriques, des tours de télécommunication, etc. Ces actions restent fortement marginales et n’ont en toute vraisemblance aucune chance d’avoir un quelconque impact réel sur la société. Si c’était vraiment le cas, les États ne tarderaient pas à sortir les griffes et punir conséquemment ses adversaires – et lorsqu’iels pensent être plus fortes que l’état ou assez discrètes pour y échapper. Iels se fourvoient. Voilà comment se concrétise la vie militante des anticivs » conclut-on fatalement.
Un intérêt de longue date envers l’anarchie et les tendances critiques de la civilisation m’ont amené à croiser plusieurs « anticivs » au fil du temps, et pourtant jamais de survivaliste qui passe du temps dans le nord avec leurs fusils en attendant la fin de la civilisation. Certes, je ne connais pas tout le monde, mais c’est certainement pas typique. En fait, comme plusieurs le supposeront déjà, on y trouve toute sorte de personnes et il n’y a rien de typique aux « lifestyle » des anarchistes critiques de la civilisation. Bien qu’au début du texte PL admet s’affronter à un groupe hétérogène, on remarque vite que la convenance idéologique d’assimiler tout le monde à une caricature est plus importante que le souci de connaître le sujet. La fiction dénigrante qu’on nous propose est un montage plus convenable aussi pour la rhétorique du lifestylism récurrente dans le texte. Nous y reviendrons.
Vous avez déjà entendu parler d’attaques anticiv sur des barrages ou centrales électriques? Moi non plus. Par contre, on a déjà vu comment des individus et des petits groupes informels ont flambé des concessionnaires d’autos et des projets de développement, saboté machineries et moyens de transport, bloqué les routes et les voies ferrées, ou encore se sont attaqués aux cages où des êtres sont torturés pour notre convenance… Les initiatives individuelles n’en ont rien à faire d’attendre des grèves et des révolutions, ni de l’accord de l’avant-garde, de la logistique révolutionnaire ou des assemblées de quelconque rêverie de conseils ouvriers. Elles agissent selon leurs propres objectifs et capacités, limitées seulement par leur créativité.
Eh oui, bien sûr que les autorités lancent leurs campagnes de répression. L’écologie radicale est depuis longtemps au haut de la liste des préoccupations des agences de renseignement nord-américaines. L’infiltration, les rafles, les procès, les emprisonnements, les condamnations exemplaires… comme ils l’ont fait aussi avec les organisations révolutionnaires maoïstes quand elles ont été trop dérangeantes. Par contre, on remarque que si les actions individuelles ou de groupes informels n’ont jamais cessé de se propager, que reste-t-il aujourd’hui des organisations révolutionnaires?
Toutes ces expériences avec des conséquences réelles ont inspiré des débats, des positions, des stratégies, des actions… Et malgré la menace de la répression pendant les années du Green Scare, on a vu des anarchistes anticiv impulser des projets et des événements de toute sorte pour essayer d’apporter des perspectives écologistes plus radicales, parfois sous les calomnies et les menaces d’autres soi-disant anarchistes. On se souviendra des petits inquisiteurs de Hors d’Œuvre (une autre gang qui fantasmait d’une révolution ouvrière) qui passaient des tracts pour la « liquidation des primitivistes » avant d’envoyer des menaces de mort et un appel à la bombe contre un événement de la Mauvaise Herbe au Salon du livre anarchiste de 2007.
Justement, c’est drôle que PL tire une flèche contre la Mauvaise Herbe dans sa tentative de faire passer les anticivs pour des vaux rien. Pas besoin de le nommer, on le sait bien que c’est le seul zine « anticiv » à Montréal. Pourtant, trouvez-moi un zine anarchiste par ici, ou ailleurs, qui dure depuis plus de 20 ans avec presque 50 numéros publiés. Peut-être que PL devrait prendre la mesure des choses avant d’essayer de cracher sur les autres du haut de ses quatre zines. Et honnêtement, je préfère une revue qui prend pas son lectorat pour des caves et qui « sème du désespoir », au lieu d’une revue pleine de faux-espoirs et de bêtises qui servent seulement à étaler du branlage idéologique pseudo-intello sans humour, à la PL. De plus, à part tous les événements et projets auxquels elle à participé, collaboré, ou facilité, cette bande d’anticivs insignifiants fait aussi partie des groupes anars qui ont été actifs dans la reprise du bâtiment qui abrite le DIRA et se sont impliqués dans la librairie l’Insoumise.
En fin de compte, on dirait pas vraiment du monde isolé, paralysé par leurs principes et incapable d’actions concrètes, ces anticivs. Ce qui paralyse c’est de croire qu’on ne peut rien faire par soi-même, que l’action individuelle n’a pas d’impact, que nos actions n’ont de valeur que si elles s’inscrivent dans un but supérieur : sauver le monde, l’utopie, la révolution, la rédemption, l’organisation, le parti, Dieu, l’anarchie, etc.
Mais si la caricature que propose PL ne vous a pas encore convaincu que les anars anticiv c’est des pas bons, attendez de voir. Après nous avoir expliqué que les anticivs sont trop inutiles pour avoir « un quelconque impact réel », dans une pirouette rhétorique des plus tordues PL nous offre sa propre projection révolutionnaire d’une « hypothétique victoire de l’anarchie anticivilisationnelle » pour aussitôt accuser les anticivs du scénario génocidaire qu’elle vient elle-même d’imaginer :
« Si on veut dépasser la fatalité militante qui les attend et analyser les conséquences d’une hypothétique victoire, même partielle, de l’anarchie anticivilisationnelle, les jours ne sont pas plus heureux. Comment est-il possible d’imaginer fermer les mines, les pipelines et les barrages hydroélectriques alors que le rôle social qu’il joue dans la reproduction sociétale est autant majeur? Il va sans dire que la survie de milliards d’humaines dépend de ces institutions techniques et que les mettre à bas immédiatement équivaudrait à un acte meurtrier qui s’attaquerait d’abord et avant tout aux plus vulnérables. Dans l’histoire, l’exemple le plus abouti d’une révolution de cet ordre serait surement le mouvement de désertion des villes au profit des “communes agraires” qu’ont réalisé les khmers rouge au Cambodge. »
C’est le coup classique de s’en prendre au messager. Les anticivs essaient de faire allumer le monde sur le fait que tout ce truc ressemble à une mega-machine à tuer, et se font accuser d’être les génocidaires. Faut-il vraiment rappeler que les khmers rouge furent une organisation communiste révolutionnaire, beaucoup plus près politiquement et idéologiquement de PL que de n’importe quelle anticiv? Le plus absurde, c’est que quelques lignes plus loin on argumente que l’anarchisme anticiv « n’a rien à voir avec l’anarchisme auquel on fait généralement référence en parlant de “mouvement anarchiste” » puisqu’il ne s’intéresse pas à l’anarchisme « en tant que mouvement social révolutionnaire » et que « l’anarchisme à généralement des objectifs antagoniques aux siens, soit la mise en place d’un agencement de la civilisation différent et non son abolition ». Donc, faut-il en comprendre que PL rejette l’anarchisme anticiv parce qu’il ne partage pas les ambitions mégalomanes des khmers rouge? Mais on comprend que toute cette gymnastique idéologique est propre à un esprit doctrinaire qui ne voit le monde qu’à travers le prisme de ses propres fantasmes de prise de pouvoir et de contrôle, au point de faire de l’anarchisme une idéologie de conquête et de domination.
L’affinité des anticivs est avec les sorcières, pas les curés!
Si on ne vous a pas encore convaincus que les anticivs ce sont des pourritures, immédiatement après les avoir comparés au khmer rouge on les accuse, sans aucune explication, de vouloir remplacer la science par l’instinct pour nous plonger dans l’obscurantisme et le dogmatisme religieux. Le saviez-vous? L’anarchisme anticiv n’est pas seulement insignifiant et génocidaire… c’est aussi une sorte de fanatisme intégriste!
Malheureusement, l’accusation d’obscurantisme n’est pas nouvelle. Les socialistes qui détestent la critique du progrès et de la civilisation y on recourt ad hominem, gratuitement et sans références. J’ai toujours trouvé ça extrêmement ignorant et ethnocentrique, à part d’être colonialiste. PL nous en donne un parfait exemple :
« D’un point de vue épistémologique, s’attaquer à la science en tant que mode de développement des connaissances est aussi douteux. S’il est à la mode de condamner la rationalité occidentale, il est vraiment ridicule de prétendre vouloir baser notre système de développement des connaissances strictement sur nos instincts ou tout autre pseudo science. […] D’autre part, il faut rappeler que toute société fondée sur des critères non scientifiques n’est en rien garante d’émancipation. […] Fermer catégoriquement la porte au mode de développement scientifique des connaissances ouvre la porte à un obscurantisme favorisant l’émergence de nouveaux dogmes oppressifs ou le recyclage d’anciens sous de nouvelles formes. Comme les institutions techniciennes, la science a une importance majeure dans la reproduction de la société, dont la survie de milliards d’humaines dépend. »
Premièrement, on remarque déjà le manque d’argument quand en partant on a recours à de la tautologie rhétorique. Il ne s’agit que de savoir ce qu’est l’épistémologie pour comprendre que l’énoncé est d’une banalité évidente. Tout de même, cela nous révèle le « point de vue » académicien ethnocentrique que partage PL à propos du développement des connaissances. Ce qui est « vraiment ridicule » – pour ne pas dire colonialiste et carrément raciste – c’est de prétendre qu’en deçà de notre suprême rationalité occidentale et sa science, il n’y a que « l’instinct ou quelconque pseudo science ». Est-ce qu’il faut vraiment se replonger dans le débat de la controverse de Villadolid de 1550 quand les curés discutaient à savoir si les autochtones d’Amérique étaient des personnes capables de raison, ou des bêtes tiraillées par leurs vils instincts?
L’acquisition et le partage des connaissances basé sur l’expérience et l’observation du monde n’a pas été inventé par l’institution scientifique. Cela a existé bien avant la science et continue d’exister entre autres au sein des populations marginales qui n’ont pas encore été absorbées totalement par le progrès. Plutôt, les connaissances sur lesquelles les sciences sont basées ont été usurpées, contrôlées, standardisées et normalisées selon les besoins du progrès et du développement. Les civilisés ont enfermé la connaissance dans leurs institutions pour la baliser et y contrôler l’accès et la diffusion.
Les curés de la science argumenteront que ce réarrangement fut bénéfique pour l’humanité, mais dans leur dévotion sont incapables d’admettre que la science et le progrès technique ont toujours créé plus de problèmes qu’ils n’ont réglés. Regardons seulement l’exemple de l’évolution de l’agriculture qui nous a menés tout droit vers l’épuisement des sols et une famine mondiale où tu manges du pétrole sinon tu crèves de faim, et avec une population qui continue de croître. Tout cela bien sûr par la bénédiction des travaux scientifiques de grands héros de la civilisation tels que le prix Nobel de chimie Fritz Haber – aussi connu comme le « père de l’arme chimique », puisque dans ses recherches pour synthétiser l’ammoniac et permettre l’industrialisation des engrais chimiques, il a développé le chlore gazeux et dirigé sont déploiement sur le front lors de la Première Guerre mondiale. Ses recherches sur les pesticides furent aussi cruciales pour la production industrielle du Zyklon B. Ironie du sort et tragique exemple de l’impossibilité de prévision des conséquences de la technique, Haber était juif.
Faut-il encore rappeler que toute société fondée sur des critères scientifiques n’est en rien garante d’émancipation, elle non plus? Tous ces régimes communistes et fascistes technocrates, tous ces régimes qui ont massacré des populations avec leurs sciences d’ingénierie sociale et leur mégalomanie scientifique? Faut-il aussi encore rappeler que c’est à l’époque de la raison, en pleine exaltation de la science et du progrès qu’il y a eu de loin le plus de persécution pour sorcellerie?
Quand l’innovation technique des presses de Gutenberg permit une propagation beaucoup plus rapide et massive des idées et de l’information, c’est le Malleus Maleficarum, un manuel de chasse aux sorcières plein de fake news, de sexe morbide et d’hystérie misogyne, qui fut un des premiers bestsellers. Ce n’est donc pas si surprenant ce qui se passe sur les médias sociaux de nos jours. Le monde n’est pas nécessairement attiré par les idées bien pensantes. Il n’y a alors que le contrôle de l’information et l’hégémonie idéologique qui permettent au pouvoir de gérer une telle situation de communication de masse. Et c’est pour maximiser le contrôle et l’hégémonie institutionnelle qu’on a massacré les marginaux, les hérétiques et les sorcières qui osaient maintenir les traditions ancestrales, les pratiques subversives et transgressives, la connaissance de la contraception, des remèdes et des poisons.
C’est parce que les critiques anticiv de la science osent parler de ces choses qu’elles se font traiter d’obscurantiste par l’Inquisition scientifique. L’affinité des anticivs, c’est avec les sorcières, pas les curés!
Pendant qu’on y est, si l’on est d’accord pour dire que l’obscurantisme est une attitude qui refuse de reconnaître les choses démontrées, ne devrait-on pas alors considérer le communisme anti-autoritaire comme une forme d’obscurantisme?
Enfin, la conception doctrinaire de PL sera ébranlée d’apprendre que nombre d’anticivs, dont les plus primitivistes, se sont intéressés à des sciences telles que l’anthropologie, l’histoire, l’écologie et les sciences naturelles. Ces sciences nous démontrent entre autres que ce n’est qu’à l’aide de preuves flagrantes que la « rationalité occidentale » arrive aujourd’hui à reconnaître ce dont l’approche holistique des sagesses ancestrales primitives nous informait déjà depuis des millénaires à propos de notre environnement.
Une dernière chose qu’on peut apprendre des populations primitives – ainsi que des anarchistes – grâce aux sciences de l’anthropologie et de l’histoire, c’est que les moyens facilement reproductibles sont désirables si on veut plus facilement arriver à nos buts immédiats. On a besoin d’une certaine connaissance pour être efficace, mais pas besoin d’être scientifique pour propager le feu!
L’anarchisme montréalais entre « malaise » anticolonial et phobie technologique?
Avant de nous faire la démonstration de la supériorité de son point de vue révolutionnaire sur notre rapport à la technique, PL nous en dévoile d’abord une prémisse par un autre portrait dénigrant – de « l’anarchisme montréalais » cette fois.
Dans la dernière partie du texte, on nous affirme qu’à Montréal « l’extrême gauche – excluant les communistes étatistes – demeure largement hostile au développement technique » et que « leur opposition à l’étalement technique ne vient pas d’une analyse théorique approfondie et cohérente ou d’un projet politique primitiviste ». Bien sûr que non! Projets politiques et analyses cohérentes sont apparemment au-delà des capacités des anarchistes de Montréal. Selon PL c’est plutôt « un réflexe de confrontation avec tout ce qui émerge dans l’immédiat du Capital ou du colonialisme » qui d’une part viendrait d’un attachement « aux legs pratiques et théoriques de l’altermondialisme » (que PL associe à l’organisation locale, démocratique et à petite échelle, le DIY et le rejet des grosses compagnies) et d’autre part, du fait que « le contexte canadien est particulier puisque les militantes anarchistes settlers se trouvent prises avec le malaise d’occuper des terres qui ont été volées aux différents peuples autochtones et dont l’exploitation demeure capitale dans l’économie canadienne. Il est ainsi facile de condamner les tentatives de développement extractiviste ainsi que leurs maintiens en tant que ceux-ci passent nécessairement par la destruction environnementale ou encore l’expulsion brutale des communautés habitant un lieu considéré par l’État ou les capitalistes comme stratégique à exploiter ». Un contexte qui n’a pourtant rien de particulier dans un monde assiégé depuis des siècles par le colonialisme. Qu’il vienne de la part d’États capitalistes, de révolutionnaires communistes, de royaumes ou d’anciennes cités-États, c’est une dynamique incontournable de la civilisation. « Néanmoins, conclut-on, puisque le milieu anarchiste néglige souvent de se questionner sur les vocations du mouvement révolutionnaire sur le long terme et leurs implications/nécessités, il se retrouve souvent au final à exiger des demandes immédiates relativement similaires à celles que pourraient formuler des anarchistes verts. »
En d’autres mots, pour PL le milieu anarchiste montréalais est aussi insignifiant qu’une bande d’anticiv! Ou pire, puisque les anticivs ont le mérite d’avoir une analyse, si hérétique soit-elle. C’est presque à se demander si ces anarchistes sont capables de « rationalité occidentale »… Le milieu anarchiste montréalais serait-il en proie à l’obscurantisme génocidaire, ou encore pire, à la phobie technologique paralysante?!
« Comment sortir d’une phobie technologique paralysante, possiblement menaçante pour l’intégrité de larges franges de la population humaine, tout en ne tombant pas dans les pièges que nous avons associés à l’accélerationnisme de gauche? Nous croyons que cet enjeu est décisif à la fois pour nos mouvements que pour toute perspective révolutionnaire sérieuse, et doit passer par la formulation anarchisante d’une réponse à celui-ci. »
Et voilà, tout ce salissage des anticivs,ce mépris du milieu montréalais, aboutissent à cette accusation sans fondement, que PL ne fait qu’affirmer sans jamais le démontrer dans les faits. Cette fiction ridicule d’une « phobie technologique paralysante menaçante pour la population », c’est un enjeu décisif nous dit-on. Quelle bande de clowns! À travers ce cirque on voit bien que la perspective eurocentrique etles fixations marxistes de PL se sont confrontées à une certaine conscience anticoloniale et écologiste dans le milieu anar de Montréal. Que cette conscience soit qualifiée de « malaise » et de « phobie » par PL en dit beaucoup sur ses prétentions anti-autoritaires, et d’insinuer que la destruction écologique et le colonialisme sont des problèmes qui en reviennent surtout au modèle de gestion et d’exploitation capitaliste, c’est du délire idéologique. En fait, PL remarque qu’il n’y a que « les communistes étatistes » qui partagent sa vision du développement. Peut-être que c’est là le moment de se rendre comptequ’il n’y a absolument rien « d’anarchisant » dans vos idées?
Le parti
« Il nous semble impératif de reconsidérer notre rapport à la technique [puisque] la pérennité des conditions climatiques permettant la vie humaine [sont menacés et que] la complexité technicienne est difficilement compatible avec des projets anarchistes ou de conseils ouvriers qui refusent d’avoir recours à l’État tout au long du processus révolutionnaire. En ce sens, nous devons trouver des avenues politiques qui ne passent pas par un rejet total de la médiation technique ni de l’extractivisme, mais qui permettent tout de même de maintenir la technologie à un seuil contrôlable et réversible. Déterminer quels sont ces seuils et quelle forme d’État peut nous permettre de les faire fonctionner est la tâche collective à laquelle nous devons urgemment nous attarder. »
Tant d’efforts déployés dans les textes de PL, tant de contorsions pour conceptualiser l’absence d’État en tant qu’une nouvelle entité dominatrice avec le même rôle que l’État. Au lieu d’écrire des textes à propos d’un « État » comme des clowns, pourquoi pas simplement s’assumer et parler d’État révolutionnaire ou proto-État? Par contre, si PL s’intéresse à l’anarchie pour autre chose que son branding (j’en doute), peut-être qu’une idée à explorer serait de remplacer l’État avec… RIEN!
Mais voyons voir… De quelle avenue politique menant vers un État communiste extractiviste… pardon, un État gestionnaire des ressources et de la technique pourrait-il bien s’agir?
« La réponse à tous nos problèmes est entre nos mains. Plutôt qu’anti-technicienne ou pro-technicienne, nous devons faire valoir une pratique politique a-technicienne, c’est-à-dire une pratique où les variables d’efficacité et d’optimisation doivent être descendues de leur piédestal et être mises sur un pied d’égalité avec les autres critères d’évaluation du politique et de la politique contestataire. Il n’y a pas d’autres moyens d’éviter l’État technocrate totalitaire et ses camps de travail que de prendre et fonder un parti a-technicien. »
Évidemment, la seule solution, le bon vieux parti!
Malgré toutes leurs agences, organisations, centre d’études et commissions, les spécialistes peinent à acquérir une certaine capacité de prévision et d’endiguement de phénomènes techniques précis, et ce même en se concentrant seulement sur quelques aspects. Il semble donc bien évident qu’avant même de penser à contrôler tout l’ensemble du progrès technique, la capacité de percevoir toutes les conséquences de son application est déjà loin de notre portée. Mais la mission idéologique de PL ne s’enfarge pas de tels détails. Devant cette entreprise surhumaine que de maîtriser tout le phénomène technique, il suffirait apparemment d’une plateforme politique basé sur quelques considérations éthiques et « un rapport qui prend à la fois en considération que la survie de populations dépend de l’organisation actuelle des choses, tout en restant fortement critique de cet ordre social. [Une approche qui] a au moins le mérite de nous placer dans un état constant de tension, où notre rapport à la technique implique un certain degré de culpabilité, mais qui reste aujourd’hui nécessaire ».
Donc, il ne faut rien changer à la façon actuelle de fonctionner, mais soyons-en repentants… et le parti c’est notre salut? C’est une formule typiquement autoritaire d’utiliser la honte et la repentance pour le contrôle social. On l’a vu à grande échelle avec le christianisme, par exemple. On l’a vu avec le maoïsme et sa Révolution culturelle, dont la toxicité contamine la gauche jusqu’à nos jours. C’est aussi typique avec les sectes et les gourous qui cherchent à exploiter les sentiments d’infériorité, d’incapacité, de doute en soi et de culpabilité – dans ces conditions, l’individu accepte plus facilement une autorité morale extérieure. Alors, permettez-moi de douter que ces belles intentions et encore plus de technique par le politique et l’ingénierie sociale n’aboutiraient pas simplement qu’à une autre tentative de manœuvrer la puissance de la technique à des fins idéologiques.
Bien que PL allègue dans le texte une « perspective ellulienne » et une conscience de la notion de l’autonomie technicienne, j’entends déjà Ellul nous rappeler :
« L’homme dans son orgueil, l’intellectuel surtout, croit encore que sa pensée maîtrise la technique, qu’il peut lui imposer telle valeur, tel sens, et les philosophes sont à la pointe de cette vanité. Il est même bien remarquable de constater que les philosophies les plus fines de l’importance de la technique, et même matérialistes, finalement se replient sur une prééminence de l’homme. Mais cette grande prétention est purement idéologique. […] La Science et la Technique restent identiques dans un monde socialiste (y compris en Chine!) avec leurs effets et leurs structures, et c’est un simple tour de passe-passe idéaliste qui nous convainc de leur changement de signe, comparable à la croyance des chrétiens en un Paradis. Pour moi la non-neutralité de la Technique signifie qu’elle n’est pas un objet inerte et sans poids qui pourrait être utilisé n’importe comment, dans n’importe quel sens par un homme souverain. La technique a en soi un certain nombre de conséquences, représente une certaine structure, certaines exigences, entraîne certaines modifications de l’homme et de la société, qui s’imposent qu’on le veuille ou non. Elle va d’elle-même dans un certain sens. »
-Jacques Ellul, Le système technicien
Avec tout ce qu’implique un tel projet politique, les questions et les défis qu’il soulève, la seule et unique préoccupation dont on nous fait part c’est que « le danger évident d’une telle position est de conforter les militant-es dans des pratiques totalement inefficaces ou encore de survaloriser un lifestyle anarchiste ». PL nous affirme que « ce genre de repli et d’isolement ne constitue en rien une attaque à l’organisation sociale technicienne, mais plutôt une des formes les plus compatibles avec la reproduction de cette organisation sociale, en ce sens qu’elle n’incarne en rien une menace face à celle-ci, voire isole la résistance dans des foyers autodestructeurs. [Et que] les petites communautés « libérées » ne sont pas réellement indépendantes [puisque] leur existence repose sur l’exploitation du reste du prolétariat ».
Ce thème d’un supposé « lifestyle » anarchiste parasitaire qui ne s’intéresserait qu’à une esthétique de vie est récurrent tout au long du texte. On reconnaît facilement le vieux Bookchin qui chialait contre tout le monde qu’il comprenait pas ou qui pensaient pas comme lui, les accusant de « lifestyle anarchism ». S’il a bien fait rire de lui avec ses histoires ridicules de vieux déconnecté, d’autres communistes désespérés s’y sont évidemment retrouvés, partageant le même profond désir autoritaire de décider de la vie des autres qu’on retrouve de gauche à droite. Ça les perturbe tellement qu’on retrouve des individualités diverses et dynamiques qui s’intéressent à expérimenter, explorer et subvertir les liens, les interactions, les formes et les manières à partir de leur propre vie. En gros, leur discours de marde en revient à ce que tu dois te conformer en t’autoflagellant, aller travailler et payer tes comptes comme tout le monde, militer dans un syndicat ou un parti… Voilà à quoi ressemble l’action politique véritablement transformatrice par de vrais révolutionnaires! Tu les retrouves 10 ans plus tard, toutes des fonctionnaires pis des yuppies loser qui vivent dans des condos à regarder les « prolos » faire du vol à l’étalage. Mais sérieusement, quelqu’un qui pense encore aujourd’hui que le prolétariat est un sujet révolutionnaire, ça paraît que son seul contact avec des prolos c’est dans des livres d’histoire.
Si quelque doute subsiste encore sur le fake anti-autoritarisme de PL, attendez de voir la stratégie de son parti :
« L’époque où l’on pouvait écraser les forces militaires d’un tel tsar ou d’un tel État est révolue, malheureusement. […] La stratégie du parti a-technicien est donc d’un autre ordre : rendre l’État inutile par l’instauration progressive d’un État soutenu par la population, dont l’efficacité doit être mesurée non pas en termes de maximisation de la production, mais bien en fonction de seuils viables écologiquement et qui nous permettent de garder un contrôle sur l’organisation sociale. »
Au moins on s’assume. On a même laissé de côté la rature sur le mot État cette fois. L’instauration d’un État qui contrôle la technique et l’organisation sociale, et devient la mesure de l’écologie… voilà pour l’anti-autoritarisme de PL! Les principes prennent vite le bord quand il s’agit de faire la révolution. Si des anars anticiv étalait un tel plan, je suis sûr que les accusations d’écofascisme ne se feraient pas attendre.
Le texte continu en nous expliquant que le parti doit s’engager à « prendre possession des moyens de production [pour] les transformer et les adapter à nos désirs […] dans un seul geste révolutionnaire qui ne remet pas à plus tard le pouvoir populaire au nom de quelconque nécessité, mais prône l’autonomie ouvrière par la mise en place de conseils ouvriers – qui n’ont de raison de disparaître après la révolution qu’en fonction de leurs propres considérations pratiques dues à l’évolution du mouvement révolutionnaire ».
Des fantaisies trotskistes d’une Révolution permanente? Un écocide géré par des soviets? C’est ça la « formulation anarchisante » de PL? En fait, les prétentions anarchiste et anti-autoritaire de PL ne tiennent semble-t-il qu’à une sorte de communisme de conseil, mais sans aucune préoccupation envers le fait historique que cette forme d’organisation, avec un parti d’avant-garde pour mener la révolution et la société, comme le prône PL, a rapidement sombré dans l’autoritarisme après son renversement du pouvoir. La prétendue réflexion de PL sur la technique n’apporte d’ailleurs aucune considération à propos de problèmes évidents qu’amènent de telles mesures – par exemple, la complexité logistique et la bureaucratisation, ou encore la transmission et la standardisation de l’information viennent facilement à l’esprit – réduisant la technique de manière simpliste comme s’il ne s’agissait bêtement que d’une question de la volonté politique derrière la gestion de la production. Il est difficile de voir en quoi la position de PL diverge de celle des accélérationniste qu’elle dénonce, à part sa fixation sur les soviets. On retrouve aussi le même discours simpliste dans les textes qu’elle a adressé à Rage Climatique dans son 2e numéro : la révolution marxiste et les soviets sont la réponse aux problèmes écologiques par la magie de l’émancipation du prolétariat.
Si ce n’était pas encore assez clair, ce qui motive vraiment PL ce n’est pas quelconque préoccupation à propos de l’anarchie, de l’écologie ou de la technique. L’objectif de PL est un monde de contrôle social, de gestion de ressources et de développement industriel :
« La désindustrialisation du nord global […] et la construction de banlieues au détriment de la production agraire nuisent à notre faculté de contrôle sur la technique ainsi qu’à notre possibilité d’autonomie matérielle et ouvrière. Nous devons être hostiles face aux usines sur notre territoire uniquement dans la mesure où elles sont des lieux d’exploitation, d’aliénation et de destruction écologiques […] La construction d’usines ou leur réouverture sont nécessaires, ne serait-ce que dans une perspective d’équité avec les populations du sud […] La division scientifique du travail à l’échelle mondiale complexifie radicalement les scénarios d’émancipation libertaires et notre réindustrialisation pourrait y pallier au moins de manière partielle. »
Je sais pas pour vous, mais travailler dans des usines c’est pas vraiment mon idée de l’anarchie. Leur parti, que ferait-il du lumpen anticiv qui voudrait pas travailler dans ce Plan Nord communiste? Les populations locales qui ne voudront pas que les soviets viennent détruire ce qui reste des forêts, des montagnes, des cours d’eau et leurs écosystèmes? Laissez-moi deviner, « on pourra leur offrir un emploi dans le Nord autant que possible », comme disait l’autre? Ce qui est sûr en tout cas c’est que les communistes ne manquent pas d’expérience à envoyer la dissidence dans des camps de labeur dans le nord. La putride vision idéologique de PL est tellement déconnectée qu’on insinue que les usines, par la magie des conseils ouvriers, ne seraient plus « des lieux d’exploitation, d’aliénation et de destruction écologiques ». Apparemment que les usines vont cracher des fleurs pis le monde vont adorer leurs jobs de marde après avoir passé le reste du temps dans des AG!
Ils ne changent jamais ces marxistes! Toujours là pour amener à tout prix le développement industriel partout où les capitalistes l’ont négligé. Ce n’est pas assez de proposer le maintient du mode de vie extractiviste industriel, PL est carrément en train de militer pour l’ouverture d’usines à travers le monde et accélérer le saccage et la destruction des écosystèmes. Voilà pourquoi PL voit les anticivs, les « réflexes anarchistes verts », les initiatives individuelles, le « malaise » d’occuper des terres autochtones et l’hostilité envers le développement comme des entraves à ses fantasmes révolutionnaires. La seule révolution pour laquelle PL milite vraiment, c’est la révolution industrielle.
*****
Tout ce discours répugnant de prise de pouvoir, de contrôle social, d’expansion industrielle, cette ambition de devenir gestionnaire de la destruction et de l’asservissement de la nature est absolument antagonique à l’anarchie qui m’inspire; celle qui conspire, pas pour prendre le pouvoir, mais pour que le pouvoir ne puisse s’exercer; celle qui apporte le sabotage et la destruction au monde techno-industriel et tout son développement technique; qui laisse libre cours aux affluents de l’expérience individuelle et pointe sa mire contre toute autorité qui s’impose; celle qui est synonyme de chaos et de désordre, qui vient perturber la transmission, l’organisation et le fonctionnement de l’ordre social, sans appâts utopistes!
Le monde n’a pas besoin d’une de nos idéologies libératrices autant qu’il a besoin de se débarrasser de ce qui rend possible la transmission et l’application d’une idéologie à grande échelle. Regardez où nous en sommes. Nous ne sommes pas les sauveurs du monde. C’est assez évident, vous ne croyez pas?
Que nos approches sont totalement irréconciliables, c’est peu dire… À couteaux tirés, Premières Lignes!
Des luttes locales contre le sionisme, l’impérialisme, et le colonialisme prennent visiblement des approches plus destructives, décentralisées, anonymes, et autonomes, un rêve de longue date des anarchistes insurrectionnel·le·s, pourtant de nouvelles questions se posent à nous.
Comment voulons-nous faire face avec d’autres rebel·le·s avec lesquel·le·s nous avons des différences idéologiques et des similarités tactiques ? Comment évitons-nous de nous perdre dans les tandences avant-gardistes, unitaires, nationalistes qui accompagnent souvent les approches gauchistes révolutionnaires de la lutte combative ? Sommes-nous intéressé·e·s à conspirer avec ces autres en dehors de la spontanéité de manifestations, occupations (et potentiellement d’émeutes) sauvages, et si oui comment ?
Publié anonymement – [J’écris en tant qu’anarchiste insurrectionnel·le aux u$a et je parle dans ce contexte]
Unity of Fields est un projet de contre-info qui a émergé en août 2024. Iels décrivent leur projet comme un « front de propagande militante contre l’axe US-OTAN-sioniste de l’impérialisme. » C’était Palestine Action US et a depuis changé d’orientation. Il y a un site web et quelques comptes sur des réseaux sociaux, dont certains ont été bannis au moment d’écrire ces lignes, iels semblent être plus populaires sur Telegram. Bien que lié à des sources principalement anarchistes pour des connaissances techniques, Unity of Fields ne semble pas être un projet anarchiste et leur lecture politique et suggestions de média sont très variées. Iels suggèrent des textes décoloniaux classiques de Fanon et Césaire, des écrits de la Black Liberation Army et du Black Panther Party, des textes de diverses factions de la résistance palestinienne, ainsi que des communistes autoritaires comme Lénine ou Mao entre autres.
Leur site web est surtout un centre d’échange de nouvelles, d’analyse d’action, et de communiqués. Beaucoup de communiqués sont des publications originales bien qu’iels republient aussi depuis d’autres projets de contre-info et des réseaux sociaux. Iels publient également leurs propres écrits originaux sur leur site web. Le fait qu’iels publient du contenu vaguement criminel et renvoient à des conseils techniques sur comment mieux porter des formes insurrectionnelles de lutte est probablement une grande partie de la raison pour laquelle iels sont discuté·e·s dans les cercles anarchistes.
Qu’est-ce que l’émergence d’un projet comme Unity of Fields signifie pour nous anarchistes ? D’une part Unity of Fields étend certains espaces que nous occupons en tant qu’anarchistes — l’espace de lutte combative et l’espace numérique de contre-info. Nous ne sommes certainement pas les seul·e·s à recolorer les murs, ouvrir des fenêtres, et porter nos petits sabotages et puis écrire pour en parler, bien que, au moins pour l’instant, d’autres semblent regarder vers nos connaissances et notre expérience collectives pour des conseils techniques. Nous partageons un espace de lutte, qui n’est pas limité aux moments émeutiers et manifestations combatives, avec d’autres rebel·le·s qui se sont rendu·e·s visibles à nous. Nous sommes inclu·e·s (au moins une partie du temps) dans un dialogue avec d’autres rebel·le·s à travers le partage de nos termes et nouvelles de nos actions, et des anarchistes ont partagé des écrits de Unity of Fields sur nos propres sites web.
Des luttes locales contre le sionisme, l’impérialisme, et le colonialisme prennent visiblement des approches plus destructives, décentralisées, anonymes, et autonomes, un rêve de longue date des anarchistes insurrectionnel·le·s, pourtant de nouvelles questions se posent à nous. Comment voulons-nous faire face avec d’autres rebel·le·s avec lesquel·le·s nous avons des différences idéologiques et des similarités tactiques ? Comment évitons-nous de nous perdre dans les tandences avant-gardistes, unitaires, nationalistes qui accompagnent souvent les approches gauchistes révolutionnaires de la lutte combative ? Sommes-nous intéressé·e·s à conspirer avec ces autres en dehors de la spontanéité de manifestations, occupations (et potentiellement d’émeutes) sauvages, et si oui comment ?
En tant qu’anarchistes nous cherchons à la fois à étendre et connecter des formes anarchiques de lutte mais aussi à tenir un scepticisme sain vis-à-vis de l’unité avec les personnes qui ne tiennent pas des vues anti-autoritaires de liberté. Notre histoire inclue de nombreuses trahisons par la gauche et les progressif·ve·s, du service d’ordre des manifestations aux exécutions et emprisonnement des gouvernements révolutionnaires nouvellement établis. La question d’avec qui s’allier et pourquoi n’est pas facile, et celle-ci est mieux abordée au cas par cas. L’apparition de Unity of Fields facilite potentiellement les dialogues et la compréhension qui peuvent nous aider à mieux décider si et comment nous souhaitons faire équipe. Comme nous anarchistes pouvons souvent nous trouver isolé·e·s des autres avec qui nous pourrions avoir des parallèles politiques, l’ouverture d’un « front de propagande militante » peut être un pont pour le dialogue et l’apprentissage. Ceci n’est pas un appel à joindre les forces avec quiconque sur la base d’être anti-sioniste ou anti-amerikkkain, c’est un simple rappel pour toujours analyser les changements de terrain autour de nous et de penser en critique tandis que nous portons nos luttes.
« Vers la dernière intifada » et « Vers un autre soulèvement » semblent être les débuts d’un dialogue parmi les anarchistes qui abordent certaines de ces questions. J’ai hâte qu’il y en ait plus.
Beaucoup si ce n’est la plupart des actions publiées sur Unity of Fields sont accompagnées de média visuel, habituellement des photos, parfois des vidéos. Je veux que les rebel·le·s prennent en considération quelques pièges de la spectacularisation de nos luttes. Chaque photo ou vidéo est une miette de plus avec laquelle l’état peut se régaler dans le cadre de ses enquêtes. Les médias numériques peuvent fournir des métadonnées sur où et quand et sur quel type d’appareil ça a été enregistré si elles n’ont pas été supprimées correctement. Les images montrant des rebel·le·s donnent à l’état des informations précieuses, telles que le nombre de participant·e·s, l’heure approximative de la journée, la présence éventuelle de passant·e·s, ainsi que des données biométriques même lorsqu’une personne est masquée. La taille, le teint de peau, la démarche, le poids approximatif, et d’autres informations peuvent être déterminées même à partir d’images granuleuses.
En plus il y a les mauvais côtés d’envisager nos luttes d’une manière quantitative. Cette approche peut atténuer les changements qualitatifs que la participation à la lutte peut nous apporter individuellement et collectivement. Bien sûr la propagande est utile, l’attrait séduisant de la révolte est facilité avec l’imagerie, et ces choses doivent être mises en balance, aucune lutte ne sera pure. Je veux nous rappeler que si c’est un sentier battu, ce n’est pas le seul, et si nous le choisissons laissons-nous le choisir intentionnellement.
Ce texte est adressé au mouvement anarchiste international, qu’on définira comme l’ensemble des personnes qui se battent pour des idées anarchistes à travers le monde. Ce mouvement est en conflit avec ses ennemis naturels — l’État, les groupes fascistes, etc. — et doit se protéger s’il veut survivre dans ce conflit. Dans ce texte, on fait trois propositions que le mouvement anarchiste international pourrait prendre en compte dans les prochaines années pour permettre aux anarchistes de continuer à attaquer tout en limitant leurs chances de se faire prendre.
1. Partager les connaissances à l’international
Nos ennemis s’organisent à une échelle internationale grâce à la coopération entre les services de police et de renseignement et aux avancées scientifiques et technologiques — par exemple l’augmentation de la précision des analyses ADN et la prolifération des drones. Cela signifie qu’une technique répressive utilisée dans un pays pourrait bientôt apparaître dans un autre où elle n’est pas encore employée. Cela signifie aussi qu’une contre-mesure efficace utilisée par des anarchistes dans un pays peut fonctionner dans un autre. Nous devrions donc partager les connaissances relatives aux techniques répressives et aux contre-mesures à un niveau international.
Idéalement, toute expérience de répression ou expérimentation de contre-mesures qui pourrait intéresser d’autres anarchistes devrait être mise par écrit, traduite dans plusieurs langues, et rendue publique. Lorsque des anarchistes sont arrêté·e·s ou passent en procès, on peut souvent obtenir des documents juridiques qui révèlent comment ils se sont fait prendre : on peut profiter de ça et publier des analyses de ces documents, en gardant à l’esprit que les informations obtenues de cette manière peuvent être partielles ou déformées. On peut expérimenter de nouvelles contre-mesures et écrire et publier des rapports sur ces expériences (sauf dans les cas où l’État pourrait s’adapter et affaiblir la contre-mesure en lisant le rapport). On peut essayer d’obtenir des informations à la source : lire des manuels de formation de la police, voler des fichiers de police, analyser des fuites de données de serveurs de la police.
Une caractéristique particulère du mouvement anarchiste international est sa décentralisation. On ne voit pas cela comme une faiblesse mais plutôt comme une force : en plus d’éviter les hiérarchies inhérentes aux organisations centralisées, cela nous rend plus difficiles à cibler par nos ennemis qui ne peuvent pas renverser l’ensemble du mouvement en s’attaquant à une partie de celui-ci. Cela dit, cette décentralisation rend aussi plus difficile le partage de connaissances au-delà des frontières. Pour surmonter cela, on voit deux options : développer des liens informels avec d’autres anarchistes en se rencontrant lors de salons du livre et autres évènements internationaux, et utiliser Internet. On propose d’utiliser le No Trace Project comme plateforme internationale pour partager les connaissances qui peuvent être partagées sur Internet, non pas en remplacement des liens informels, mais comme un complément utile pour diffuser des informations au-delà des réseaux informels existants.
2. Définir un niveau minimum de sécurité
Les anarchistes qui mènent des actions directes devraient analyser les risques associés à leurs actions et prendre des précautions appropriées : s’habiller de manière anonyme, faire attention à la vidéosurveillance et aux traces ADN, etc. Mais ce n’est pas suffisant. Si seul·e·s celleux qui mènent des actions prennent des précautions, il est plus facile pour nos ennemis de les cibler. C’est, d’abord, parce qu’iels sortent du lot : si seul·e·s quelques camarades laissent leurs téléphones chez elleux, par exemple, cela pourrait être un point de départ évident pour une enquête en manque de pistes. Et, ensuite, parce que nos ennemis peuvent obtenir des informations à leur propos via leurs ami·e·s qui ne mènent pas d’actions : si une personne n’utilise pas de réseaux sociaux mais est mentionnée sur les réseaux sociaux de ses ami·e·s, par exemple, une enquête pourrait récupérer les données des réseaux sociaux de ses ami·e·s pour obtenir des informations à son propos. Nous devrions donc définir un niveau minimum de sécurité que toute personne évoluant dans des réseaux anarchistes accepte de respecter, y compris celleux qui n’ont jamais mené d’actions directes et n’ont pas l’intention d’en mener.
On ne peut pas dire ce que devrait être ce niveau minimum, car il va dépendre de chaque contexte local, mais on peut donner quelques idées. Au strict minimum, chacun devrait aider à cacher des informations à nos ennemis en ne faisant pas de spéculations sur qui est impliqué dans une action, en ne parlant pas aux flics, et en chiffrant tout ordinateur ou téléphone utilisé pour des conversations avec d’autres anarchistes avec un mot de passe robuste. Discuter de sujets sensibles exclusivement en extérieur et sans appareils électroniques, et éviter de montrer clairement à son entourage social avec qui on a des conversations sensibles (par exemple ne pas proposer à quelqu’un d’aller « faire une balade » devant des personnes qui ne sont pas impliquées dans le projet qui va être discuté). De plus, on pense que chacun devrait arrêter d’utiliser les réseaux sociaux (et en tout cas arrêter de poster des photos d’autres anarchistes, même avec leur consentement, parce que cela aide l’État à cartographier les réseaux anarchistes) et laisser son téléphone à la maison en permanence (pas juste pendant des actions). Transporter son téléphone avec soi a des conséquences en matière de sécurité pour toutes les personnes avec qui on interagit.
Il peut être difficile de convaincre des gens d’adopter un tel niveau minimum de sécurité, surtout s’iels pensent qu’iels n’ont pas d’intérêt personnel à le respecter. Si une personne est réticente, on devrait lui rappeler que ce n’est pas seulement sa sécurité qui est en jeu, mais aussi celle d’autres anarchistes autour d’elle qui mènent peut-être, ou prévoient peut-être de mener, des actions directes. Toute personne qui souhaiterait que des actions se produisent a un intérêt à rendre les réseaux anarchistes aussi difficiles que possible à réprimer par les autorités.
3. Explorer de nouveaux horizons
Nos ennemis évoluent au fil du temps et de l’affinement de leurs stratégies et techniques. Nous devrions nous préparer non pour les batailles qui ont déjà eu lieu, mais pour celles à venir. Nous devrions donc aller au-delà de nos pratiques de sécurité actuelles, anticiper l’évolution de nos ennemis, et développer de nouvelles contre-mesures.
Voici trois sujets que le mouvement anarchiste international devrait selon nous explorer dans les années à venir.
Drones
La surveillance aérienne devient rapidement moins chère et plus efficace. Comment devrait-on réagir à la présence de drones policiers lors d’émeutes, d’évènements anarchistes, etc. ? Comment peut-on détecter ou abattre des drones ? Devrait-on se préparer au risque que des drones soient utilisés pour des patrouilles aériennes de routine, et si oui, comment ?
Technologies de reconnaissance faciale
En 2023, un journaliste a localisé la militante de gauche allemande Daniela Klette, qui était en clandestinité depuis des années, en utilisant une technologie de reconnaissance faciale pour établir un lien entre une photo d’elle datant de plusieurs décennies et une photo récente trouvée sur Facebook, prise pendant un cours de danse. Que peut-on faire contre cette menace ? Comment se préparer à l’intégration croissante des technologies de reconnaissance faciale dans les systèmes de vidéosurveillance publics ?
Manque de visibilité de l’activité policière
Il y a quelques années encore, des anarchistes utilisaient des scanners de fréquences radio pour surveiller les fréquences de la police, par exemple pendant une action directe pour se renseigner sur l’activité policière autour du lieu de l’action. Dans la plupart des contextes, cela est maintenant impossible en raison du chiffrement des communications policières. Peut-on développer de nouvelles techniques pour remplacer fonctionnellement les scanners de fréquences radio, ou, plus généralement, pour avoir une meilleure visibilité de l’activité policière dans une zone donnée ?
À propos des auteurs
On est le No Trace Project. Ces trois dernières années, on a construit des outils pour aider les anarchistes à comprendre les capacités de leurs ennemis, saper les efforts de surveillance, et au final agir sans se faire attraper. On prévoir de continuer dans les années à venir. Les retours sont les bienvenus. Vous pouvez visiter notre site web notrace.how/fr, et nous contacter à l’adresse notrace@autistici.org.
Commentaires fermés sur Alors, qu’est-ce qu’on fait maintenant?
Nov082024
Soumission anonyme à MTL Contre-info
Alors, les fascistes ont gagné aux états-unis, en france, en italie … et ils s’en viennent ici. Qu’est-ce qu’on fait maintenant? On fait ce qu’on a toujours fait: on s’organise!
Construire un réseau de support pour personnes immigrantes
Beaucoup de personnes vont être forcées de fuir les états-unis. La menace de la « dénaturalisation » (un gros mot pour dire la déportation des personnes non-blanches) implique que beaucoup de personnes racisées seront forcées de quitter les états-unis dans l’urgence. Beaucoup de personnes LGBTQ+, en particulier des personnes trans, vont devoir trouver des refuges rapidement, à cause des lois transphobes et queerphobes.
Il y a des américains qui travaillent présentement à construire un réseau souterrain pour amener les gens à des endroits sûrs. Nous devrions donc nous assurer d’avoir des endroits sûrs ici pour les accueillir. Tant que le canada marque les états-unis comme un tiers pays sûr, beaucoup de ces gens se retrouveront sans statut. Le problème d’un état plus social comme le nôtre est qu’on dépend beaucoup de lui pour nos services. Il n’y a donc pas beaucoup de ressources pour les personnes sans statut à Tio’tia:ke.
Le Centre des travailleurs et travailleuses immigrantes (iwc-cti.ca) travaille avec des personnes au statut précaire et aura besoin d’aide. Solidarité sans frontières (solidarityacrossborders.org) supporte aussi des personnes au statut précaire et aura besoin de notre aide.
Aider vos antifascistes locaux
Nous ne sommes pas dans un lieu sûr nous-mêmes. Le fascisme est en hausse ici aussi. Le gouvernement legault se faufile lentement vers le fascisme, et les conservateurs fédéraux seront probablement élus avec un mandat d’extrême-droite. Et c’est sans compter les nazis locaux et leurs supporteurs. Contactez votre collectif antifasciste local (à Tio’tia:ke voir montreal-antifasciste.info) pour voir comment vous pourriez aider, ou bien créez votre propre collectif! Au minimum, enlevez tous les signes de la présences des fascistes. Ne les laissez pas prendre racine dans votre quartier!
On remarque aussi une hausse du nombre de shows de punk et de metal, malgré la fermeture de plusieurs scènes camarades. Ces shows sont beaucoup apolitiques, et si nous ne sommes pas prudent-e-s, les scènes pourraient être investies par des fachos. Tenir des tables de merchs camarades pourrait aider à rappeler aux gens ce qui est en jeu, et l’importance de jeter dehors les fascistes et nazis de nos shows.
Construire des alternatives à nos services perdus
Un des gros enjeux aux états-unis, et possiblement au canada bientôt, c’est l’accès à l’avortement et aux hormones d’affirmation de genre. Mais il y avait un moment où on pouvait assurer ces services nous-mêmes. La génération plus ancienne de personnes trans se souvient peut-être de l’époque où les personnes trans se rencontraient afin d’apprendre comment faire leur propre estrogène et testostérone. Le collectif américain Four Thieves Vinegar Collective (fourthievesvinegar.org) offre ce service en enseignant aux gens des habiletés pharmaceutiques de base.
Une autre solution pourrait être de construire une coopérative de clinique de santé. La Clinique Communautaire Pointe-Saint-Charles (ccpsc.qc.ca) en est un exemple, et fournit des services à la Pointe depuis des décennies. Bien que ces coopératives doivent respecter la loi, il pourrait être plus facile d’offrir des services additionnels sur le côté qu’à un hôpital ou une clinique d’état. Cela pourrait être crucial pour des personnes sans statut, par exemple.
Se préparer pour des catastrophes climatiques
À ce stade, il faut s’attendre à des catastrophes climatiques. Les « leaders » actuels du monde ont fait leur politique d’ignorer la crise climatique. Nous ne devons pas nous attendre à ce que des actions concrètes soient prises dans un avenir proche. Des mesures de mitigation seront prises, mais probablement uniquement pour protéger les quartiers les plus riches, au dépens des autres. Nous voyons déjà des murs marins être construits pour protecter les maisons des personnes blanches, poussant l’eau vers les quartiers racisés.
Nous avons été frappé-e-s fort cet été à Laval, mais ce n’est rien comparé avec ce qu’on a vu à Asheville (caroline du nord) et Valence (espagne). Le collectif Firestorm Books à Asheville donne de l’information sur ce qu’ielles ont fait après la catastrophe. Il existe aussi des brigades anarchistes mobiles dédiées à intervenir rapidement après une tempête de tornades ou un ouragan. Ces brigades sont souvent plus rapides à intervenir que les ressources étatiques, en particulier dans les zones les plus pauvres.
Bien que nous ne sommes pas présentement dans une zone de tornades ni d’ouragans, cela pourrait changer bientôt. Nous aurions besoin de ressources de ce genre.
Apprendre à désobéir
Cela peut être tentant de se lancer dans une action très visible, mais ce n’est pas quelque chose que la majorité des gens peuvent faire. Cela ne veut pas dire que vous ne pouvez rien faire! Toutes les petites actions peuvent aider: Oublier de demander une preuve de résidence avant de donner un service. Marquer un médicament comme perdu, et le donner à une personne sans statut. Perdre la requête d’information de la police, ou bien leur envoyer la mauvaise information à la mauvaise adresse. Conspirez avec vos collègues pour refuser une politique raciste et/ou sexiste.
Le gouvernement legault a passé récemment la raciste loi 96, qui force les employé-e-s du gouvernement à parler en français aux personnes qui viennent demander des services. Ce qu’on voit en pratique, c’est que presques tou-te-s les travailleu-se-s désobéissent à la loi, malgré la réception d’une directive stricte en ce sens. La plupart des employé-e-s du gouvernement vont vous parler dans la langue que vous préférez, même si la loi le leur interdit.
Ce refus d’obéir est important. C’est ce que nous avons besoin dans un état fasciste. Enfin, on ne pleurera pas si certains (ou toutes!) les ambassades se mettent à brûler durant la nuit, mais ce n’est pas quelque chose que tout le monde voudrait faire. Apprendre à désobéir, c’est quelque chose que nous pouvons tou-te-s faire, et que nous devons apprendre à faire.
Conclusion
Le but de ce petit article est juste pour vous donner quelques indices sur ce que vous pouvez faire. Il y a cependant beaucoup d’autres choses dont on aura besoin! La clé est d’être curieu-se, observateur-rice, et imaginatif-ve. Regardez autour de vous, parlez à des camarades, regardez ce qui manque aux gens, déterminez ce qu’il faut faire. Les vieilles approches nous ont menées dans ce pétrin: peut-être qu’il est temps d’en trouver de nouvelles.
Une chose est certaine: ils veulent nous entraîner dans leur grande noirceur. Le moindre que l’on peut faire, c’est de les faire chier un max!