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Frontenac Active Club : les « activistes » du renouveau néonazi au Québec

 Commentaires fermés sur Frontenac Active Club : les « activistes » du renouveau néonazi au Québec
Août 212024
 

De Montréal Antifasciste

Le 8 décembre 2023, la Gendarmerie royale du Canada annonçait avoir arrêté deux Ontariens, Matthew Althorpe et Kristoffer Nippak, et porté contre eux un certain nombre d’accusations découlant de leurs activités au sein de divers projets à caractère néonazi implantés en Ontario. Au premier chef, les deux hommes sont accusés de « participation aux activités d’un groupe terroriste », soit le réseau Atomwaffen Division, organisation classée comme terroriste au Canada. Dans son communiqué la GRC évoque également deux projets moins bien connus : le Terrorgram Collective et Active Club Canada. Le premier y est décrit comme « un groupe de chaînes sur Telegram en faveur de l’idéologie néofasciste qui publient des guides sur les moyens de se livrer à des actes de violence à caractère racial ». Active Club y est quant à lui présenté ainsi :

« Le réseau de l’Active Club est formé de cellules décentralisées de groupes néonazis et de suprématie blanche, qui sont actifs dans bien des États aux États-Unis et qui ont des chapitres ailleurs dans le monde, comme au Canada. Le réseau a été créé en janvier 2021 et préconise le recours aux arts martiaux mixtes pour combattre ce qu’il dit être un système qui cible la race blanche. Il encourage aussi le développement d’un esprit guerrier pour se préparer à la guerre raciale qui viendra. »

Active Club Canada, dont font partie les deux accusés, se présente donc comme un pôle régional du réseau Active Club international.

Quelques jours seulement avant ces arrestations, le 1er décembre, Vice News avait fait paraître un exposé détaillé du journaliste indépendant Mack Lamoureux sur Kristoffer Nippak et son rôle clé au sein du réseau Active Club au Canada, en particulier dans la région d’Ottawa. Dans son article, Lamoureux fait état d’une section régionale au Québec, mais jusqu’à présent, ce groupuscule local n’avait toujours pas fait l’objet d’un examen attentif. Le présent article a pour objectif de remédier à cette lacune en exposant le noyau dur du Frontenac Active Club (FAC), le principal projet « activiste » néonazi au Québec à l’heure actuelle.

Le 9 décembre 2023, les militants du Frontenac Active Club défendaient leurs camarades d’Active Club Canada au lendemain de leur arrestation, qualifiant les accusations portées contre eux « d’accusations politiques fabriquées ».

Que sont les Active Clubs?

Les Active Clubs forment un réseau décentralisé de groupes locaux ancrés dans l’idéologie suprémaciste blanche et néonazie. Ils incarnent une renaissance du mouvement « nationaliste blanc » (parfois désigné comme White Nationalism 3.0), faisant suite aux courants white power des années 1990 et 2000 et à la mouvance Alt-Right des années 2016-2020, épousant une structure sans leadership formel. L’origine du mouvement est généralement imputée au militant américain Robert Rundo, qui avait déjà fondé le groupe activiste Rise Above Movement (RAM) en Californie, en 2017, au plus fort de la période Alt-Right. Le but exprès de RAM était d’agresser physiquement les ennemi·es du mouvement nationaliste blanc.

Robert Rundo, l’initiateur du réseau Active Club.

Suivant la même logique, l’activité principale des Active Clubs consiste à s’entraîner à différentes techniques d’arts martiaux en vue de se préparer à la guerre raciale à venir, jugée inévitable en raison de ce que les militants conçoivent comme un « génocide blanc », soit le remplacement délibéré (par une nébuleuse élite généralement assimilée au cosmopolitisme et à la « juiverie internationale ») des populations à majorité blanche par des populations non-blanches dans les pays du bloc occidental, au moyen de « l’immigration de masse ». Les militants d’Active Club adhèrent sans réserve à ce fantasme de complot, comme à celui du « Grand Remplacement », et sont profondément ancrés dans la sous-culture néonazie contemporaine, vouant par exemple un culte à la figure d’Adolf Hitler et au parti nazi, en plus d’épouser une interprétation négationniste de l’Holocauste et de la Deuxième Guerre mondiale. Il va sans dire qu’ils baignent dans un imaginaire violent imprégné d’antisémitisme, de racisme, de misogynie, d’homophobie/transphobie et de haine viscérale des mouvements sociaux inclusifs et égalitaristes – libéraux autant que radicaux –, lesquels sont généralement regroupés sous la catégorie fourre-tout de « communiste » (la détestation du communisme est une référence constante et une valeur fondamentale).

Les Active Clubs seraient implantés dans 33 États américains et au moins douze pays, probablement plus à l’heure d’écrire ces lignes. Selon Vice News, il y aurait au moins 11 sections locales Active Club au Canada, dont le groupe Frontenac Active Club, principalement implanté dans la grande région de Montréal.

En dépit de ses déboires judiciaires, Robert Rundo demeure une figure emblématique du mouvement, et la Californie du Sud semble toujours en être l’épicentre, puisqu’un rassemblement des sections Active Club y est attendu au mois d’août 2024 (un premier événement du genre s’est déjà tenu à San Diego en août 2022). Rundo anime un certain nombre d’initiatives, dont le projet médiatique Media2Rise et la distribution de vêtements Will 2 Rise (W2R), dont les membres des Active Clubs portent très souvent les couleurs en soutien à leur maître à penser.

Ce compte lié à « Active Club » sur la plateforme Telegram renvoie aux projets Will2Rise et Media2Rise, tous deux animés par Robert Rundo.

D’où vient le Frontenac Active Club?

 Le Frontenac Active Club a vu le jour au printemps 2023 (la chaîne Telegram a été créée le 16 février) et est l’héritier direct du projet White Lives Matter local, auquel nous avions consacré un article au printemps 2022. L’un des deux leaders du groupe mentionnés dans cet article est Raphaël Dinucci, de Laval, qui a visiblement poursuivi son parcours pour devenir le principal pilier du Frontenac Active Club et le militant clé sans qui le projet n’aurait sans doute pas tenu debout. Dans un premier temps, Dinucci a multiplié les liens avec des sections ontariennes du mouvement, avant de parvenir à réunir autour de lui un noyau de 5 ou 6 militants et de former ce qui est aujourd’hui le Frontenac Active Club.

La chaîne Telegram du Frontenac Active Club a été créé en février 2023. Elle compte aujourd’hui près de 800 abonnés.

On sait que le FAC entretient toujours des liens virtuels avec les autres Active Clubs canadiens, notamment avec le groupe ayant fait l’objet des perquisitions de la GRC, ainsi qu’avec le groupe Nationalist-13 implanté dans le sud-ouest de l’Ontario (13 = AC, pour anticommuniste).

Le frontenac Active Club est proche du groupuscule suprémaciste blanc Nationalist-13, implanté dans le sud de l’Ontario. Au centre, Raphaël Dinucci.

Ce signe de la main que les militants du Frontenac Active Club affectionnent et reproduisent volontiers, le salut de Kühnen, est un signe de reconnaissance néonazi.

Les activités du groupe sont centrées dans le grand Montréal. Ses membres y sont disséminés sur la rive sud (Saint-Hubert, Saint-Jean-sur-Richelieu), la rive nord (Laval) et jusque dans Lanaudière (Rawdon). Bien qu’une poignée de membres/sympathisants semblent aussi être présents dans la région de Québec, on ne peut pas parler d’une section dûment constituée, puisque leurs actions se sont limitées dans la dernière année à la pose d’autocollants et à quelques sorties sociales dans la Capitale.

L’essentiel de l’activité du Frontenac Active Club dans la Capitale nationale consiste poser des collants et à se prendre en photo. Ici, Raphaël Dinucci prend la pose en août 2023.

Sortie tranquillou à la Taverne Urbaine 1500, à Québec, en décembre 2023.

Sans doute dans le souci de favoriser l’esprit de fraternité raciste et misogyne qui est à la base du mouvement, l’adhésion au FAC est strictement réservée aux hommes blancs.

Le compte Twitter/X du groupe a été créé en avril 2024. Raphaël Dinucci y a également un compte personnel.

(Il importe à cet égard de souligner que cette plateforme, sous la houlette du milliardaire Elon Musk, est [re]devenue un véritable safe space pour les individus et groupes suprémacistes et néonazis, après que l’administration précédente y eût opéré une relative épuration. C’est aussi un espace où la désinformation et les discours haineux ont aujourd’hui libre cours, pratiquement sans aucune contre-mesure. À tel point d’ailleurs qu’il nous semble inutile, voire contre-productif, d’y maintenir une présence.)

Que font-ils?

Dans la droite lignée du mouvement, les membres du FAC s’entraînent assez régulièrement aux arts martiaux, de façon inégale selon les membres, généralement dans un parc public près de chez vous, surtout en périphérie de Montréal (Longueuil, Laval). L’autre aspect central de leur activité consiste à se mettre en scène sur leur chaîne Telegram, en publiant des photos de groupe documentant leurs activités. En avril dernier, les membres du noyau dur se sont notamment photographiés en prenant la pose après un entraînement au parc Mackenzie-King, dans l’arrondissement Côte-des-Neiges de Montréal, tout juste en face d’une synagogue et d’une école confessionnelle juive, et à un jet de pierre du Musée de l’Holocauste de Montréal.

Militants du Frontenac Active Club s’entraînant au parc Mackenzie-King, dans l’arrondissement Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce, à Montréal, le 22 avril 2024. Sur la photo de groupe, de gauche à droite : Mathieu Grenier, Martin Brouillette (de dos), Shawn Beauvais Macdonald et Raphaël Dinucci.

Cet événement coïncide d’ailleurs avec l’apparition à visage découvert de Shawn Beauvais MacDonald, dont nous soupçonnions déjà la connivence avec le club. Rien n’indique que Beauvais MacDonald ait été un militant sérieux du groupe avant cette année, mais il est clair que ni lui ni ses acolytes ne rechignent à ce que sa tristement notoire image soit associée au Frontenac Active Club. D’ailleurs, plus récemment encore, il semble que Beauvais MacDonald ait pris une place encore plus centrale au sein du groupe, le représentant notamment dans un tournoi de boxe amical contre les nazis de Nationalist-13 et donnant son contact personnel comme moyen d’entrer en lien avec le FAC.

Shawn Beauvais MacDonald et Raphaël Dinucci, en avril 2024, portant des t-shirt du projet Will2Rise de Robert Rundo.

L’ignorance consternante des membres du groupuscule n’a d’égale que leur extrême valorisation d’un culte du corps correspondant aux normes de la masculinité toxique qui s’imposent traditionnellement dans les milieux d’extrême droite. Outre les entraînements, le FAC se donne plus que jamais des allures de club social pour nazis rejects lorsque ses membres organisent des randonnées en nature les week-ends (par exemple au Mont Gorille, Laurentides, ou à la Montagne Noire, Lanaudière), ou se tapent une partie de badminton au Carrefour Multiport de Laval, souvent suivie d’une petite bière dans un pub local.

Sortie en nature du Frontenac Active Club, le 14 mai 2024. Au centre, à visage découvert, Shawn Beauvais MacDonald.

Séance de sparring entre Martin Brouillette et Mathieu Grenier, du Frontenac Active Club, en novembre 2023.

Chamaillage et posture sur le Mont-Royal, en juillet 2024. Au centre, Shawn Beauvais MacDonald.

Raphaël Dinucci brandit le drapeau de son groupuscule à l’occasion d’une sortie au Mont Gosford, en Estrie, en juin 2023.

Outre les activités physiques et la représentation ostentatoire sur ses médias sociaux, le club cherche bien sûr à se donner de la visibilité dans la cité, notamment sur le mode déjà privilégié par White Lives Matter consistant à poser des autocollants un peu partout dans la région de Montréal et d’autres localités, dont Saint-Jean-sur-Richelieu, où réside notamment le militant David Barrette.

Un autocollant du Frontenac Active Club, apposé en mai 2023 à Saint-Jean-sur-Richelieu, lieu de résidence de David Barrette.

Les militants du FAC affectionnent particulièrement ce genre de mise en scène, où ils brandissent un autocollant du groupe quelque part… Ici à Bromont, en mai 2023.

Un autre collant du FAC, dans l’arrondissement Rosemont-La Petite-Patrie, à Montréal, novembre 2023.

Quant aux mobilisations physiques, Raphaël Dinucci et David Barrette ont eu la curieuse idée de se pointer à une manifestation contre l’heure du conte en drag et la communauté queer et trans, à Sainte-Catherine, le 2 avril 2023. Ça s’est mal passé pour eux, puisque Dinucci s’est fait battre par les manifestant·es et interpeller par la police, tandis que Barrette a reçu des accusations pour voie de fait (abandonnées au printemps dernier). Dans le même ordre d’idée, le militant du FAC Martin Brouillette a envoyé des menaces explicites aux organisateur·rices de la manifestation « Nous ne serons pas sages », en mars dernier, sous son pseudonyme « Martin Leblanc ». Il n’a toutefois pas donné suite à ses menaces.

David Barrette, alias « NatSocSiD », ou ici « SuperFrenSiD », se vante de ses « exploits » sur la plateforme Discord, dans la foulée de l’intervention des militants du Frontenac Active Club en marge d’une manifestation transphobe, à Sainte-Catherine, le 2 avril 2023.

David Barrette, alias « SuperFrenSiD », relate ses déboires à Sainte-Catherine, le 2 avril 2023.

David Barrette, alias « NatSocSiD », relate ses déboires sur la plateforme Undernet.

Martin Brouillette, alias «Martin Leblanc», formule des menaces explicites à l’endroit des organisateur·rices de la manifestation « Nous ne serons pas sages », en mars 2024.

Une publication de juin sur la chaîne Telegram du groupe montre le militant Mathieu Grenier en visite en France, entouré de militants nationalistes de la région marseillaise.

Comment le Frontenac Active Club s’inscrit-il dans l’écosystème d’extrême droite au Québec?

Que ce soit sous la bannière Active Club ou, précédemment, celle de White Lives Matter, il est clair que ce petit noyau de militants néonazis cherche à se tailler une niche dans le milieu de l’extrême droite québécoise.

Le Frontenac Active Club s’inscrit avant tout dans la tradition du nationalisme blanc et du néonazisme made in North America, en droite ligne avec la frange la plus radicale de l’Alt-Right et les mouvements qui l’ont historiquement précédée. Il est aussi adjacent aux obsessions complotistes dominantes en Amérique du Nord (là où le « White Genocide » rencontre le Grand Remplacement), comme la panique morale entourant l’émancipation des minorités sexuelles et de genre. Les militants WLM/FAC ont notamment été aperçus durant la pandémie dans des manifestations contre les mesures sanitaires, puis, à partir du printemps 2023, en marge des activités transphobes organisées par les suspects habituels de la complosphère locale. Le FAC maintient aussi des liens avec le réseau Active Club canadien, dont les néonazis du groupuscule Nationalist-13, et avec le réseau Diagolon, principalement au moyen de communications chiffrées sur la plateforme Telegram. Lors de la récente « tournée canadienne » des militants de Diagolon, ceux-ci se sont d’ailleurs arrêtés à Montréal, où ils ont fraternisé avec les gars du Frontenac Active Club.

Frontenac Active Club et le groupe Nationalist-13 ont récemment participé à un tournoi de boxe amical entre néonazis. À noter que Shawn Beauvais MacDonald est décrit dans cette publication comme le « champion » du FAC et que son compte Telegram est indiqué comme contact du groupe.

Les militants du Frontenac Active Club et de Nationalist-13 se sont réunis en Ontario dans la semaine du 5 août.

Les militants du Frontenac Active Club ont eu l’occasion de fraterniser avec ceux du réseau Diagolon à Montréal, le 1er août 2024. Là encore, Shawn Beauvais MacDonald semble être devenu un membre clé du groupuscule, s’exprimant ici à la première personne.

Mais ses membres flirtent également avec le fascisme en ceinture fléchée. Ils ont notamment participé au moins une fois à l’horripilante « Saint-Jean de la Race » de Nomos-TV, le programme de propagande ethnonationaliste dirigé par Alexandre Cormier-Denis. Depuis quelques années, ces festivités prennent la forme d’un enregistrement de Nomos en direct, le 23 juin, suivie d’une petite fiesta intime entre fachos. Raphaël Dinucci était définitivement présent à l’édition 2022 de cet événement à Québec (au Bar Le Duck), notamment aux côtés de membres du groupe néofasciste Atalanteet du Parti nationaliste chrétien (néonazi) de Sylvain Marcoux, avec qui le FAC semble en termes amicaux depuis l’époque de WLM. Nous avons de bonnes raisons de croire que Dinucci était à nouveau présent lors de la dernière édition de la Saint-Jean de Nomos, à Montréal le 23 juin dernier, qui se tenait pour une deuxième année consécutive dans les locaux de Lux Média, le projet de « réinformation » d’André Pitre. (Beauvais MacDonald y a quant à lui été aperçu l’année précédente.)

Le plus important à retenir ici est précisément que ces « activistes » néonazis qui se fantasment un rôle prépondérant dans une guerre raciale qu’ils imaginent imminente – du côté des croisés de la race blanche, bien entendu – font partie intégrante de l’écosystème de l’extrême droite au Québec. Bien qu’ils y soient encore relégués à la marge, ils y jouent définitivement un rôle, ne serait-ce que comme repoussoir pour les autres, qui peuvent à loisir se dépeindre comme « moins pires que ». Sans que tous leurs éléments spécifiques s’arriment nécessairement, il faut bien comprendre que tous les groupes et les courants mentionnés dans le présent article et dans les autres communications récentes de Montréal Antifasciste (des nazis 3.0 de WLM/FAC aux nationalistes ethniques de Nouvelle Alliance, en passant par les complotistes transphobes, les cryptofascistes de Nomos et les nationaux-socialistes déjantés du Parti nationaliste chrétien) occupent un espace particulier dans un seul et même écosystème, où ils tendent à se renforcer mutuellement.

Il importe aussi de rappeler le rôle clé que jouent certaines figures des médias dominants d’ici (est-il même besoin de les nommer?) pour normaliser l’extrême droite… en répétant aussi souvent que possible qu’elle n’existe tout simplement pas.

Qui forme le noyau dur du Frontenac Active Club?

Photo de groupe du Frontenac Active Club prise dans le garage de Martin Brouillette, à Rawdon, en janvier 2024. De gauche à droite: Martin Brouillette, Mathieu Grenier (à genou, t-shirt « Free Rundo »), David Barrette (debout derrière), Steven Khazanov et Raphaël Dinucci (à l’avant, t-shirt HTLR).

Raphaël Dinucci

Telegram : @Raph131
@adamm1313
Adresse : 5346 Pauzé, Laval QC H7K 2M5

Raphaël Dinucci est fort probablement le fondateur et le principal animateur du Frontenac Active Club. Il apparait d’abord sur notre radar en 2022 comme coadministrateur du canal Telegram White Lives Matter Québec, sous le pseudonyme de « Whitey », aux côtés de Yannick Lachapelle, alias « Nord-Est ». Ils forment en fait à eux deux le noyau dur de l’éphémère groupuscule.

Profil Telegram connu de Raphaël Dinucci.

Actuel profil Telegram de Raphaël Dinucci.

Dinucci se distingue dès le début par un activisme intense, notamment dans les rues de Laval, qu’il recouvre de stickers et de graffitis.

On comprend que cette petite crevette prématurée a eu 23 ans le 22 juillet dernier.

Après la sortie de l’article White Lives Matter : un nouveau projet néonazi fait des petits au Québec en mars 2022 et l’évaporation dans la nature de Yannick Lachapelle, Dinucci se retrouve seul aux commandes. Nous savons qu’il multiplie les liens avec des membres ontariens de WLM et Active Club, et c’est éventuellement à ce moment que lui vient l’idée et l’envie de passer à la vitesse supérieure et de fonder le Frontenac Active Club.

Dinucci se prend en selfie pour la chaîne Telegram du Frontenac Active Club, en citant le nazi belge Léon Degrelle.

Détail du tatouage de Raphaël Dinucci : une figure de loup surimposée dans une rune de Tir.

On le retrouve sur quasi toutes les photos des activités du groupe de Montréal et il est aussi celui qui s’occupe des relations publiques pour le FAC, que ce soit en rencontrant les membres du Parti Nationaliste Chrétien (PNC, basé à Drummondville), ou en participant aux différentes éditions de la « Saint-Jean de la Race » de Nomos-TV.

Il est présent le 2 avril 2023 au rassemblement de Sainte-Catherine avec David Barrette et Sylvain Marcoux (du PNC), et ils déploient quelques secondes une bannière « Sales pédos hors du Québec », qui leur est rapidement confisquée.

Il est toujours domicilié chez son père dans le secteur Auteuil de Laval.

David Barrette

Telegram : @NatSocSiD
Adresse : 863 rue Saint-Jacques, Saint-Jean-sur-Richelieu

David Barrette est un néonazi du clavier hyperactif depuis des années, principalement sous le pseudo @NatSocSid (il en a plusieurs autres), sur de nombreuses plateformes virtuelles, dont Telegram, Discord et le serveur IRC #Montreal du réseau de clavardage Undernet. Il est également actif sur YouTube, BitChute, TikTok et plusieurs autres plateformes. Il était déjà membre du groupe White Lives Matter en 2020 et a naturellement fait la transition vers le Frontenac Active Club à sa création, avec Dinucci et d’autres sympathisants.

Mesdames, à qui la chance?

Son activité et son implication au sein du FAC sont limitées en raison d’une blessure chronique à la cheville. Cela ne l’a pourtant pas empêché d’accompagner Raphaël Dinucci lors d’une aventure « in real life » à Sainte-Catherine le 2 avril 2023, aventure qui s’est soldée pour lui par une arrestation et des accusations de voies de fait (accusations retirées en mars dernier par les autorités, pour des raisons que nous ignorons). Nous croyons que ces déboires judiciaires ont refroidi son enthousiasme pour l’activisme politique, mais il reste très proche du noyau dur du FAC.

David Barrette, en fâcheuse posture, le 2 avril 2023, à Sainte-Catherine.

David Barrette habite à Saint-Jean-sur-Richelieu et travaille à Montréal dans le domaine des technologies de l’information, pour la compagnie Globotech Communications, spécialisée dans l’hébergement Web. Les renseignements que nous avons recueillis nous portent à croire qu’il se sert de sa position privilégiée au sein de cette compagnie pour y héberger de manière clandestine des sites et services à caractère antisémite, néonazi ou suprémaciste blanc, à même les serveurs de l’entreprise.

Profil Instagram de David Barrette, alias NatSocSiD.

David Barrette est gestionnaire chez Globotech Communications, à Montréal.

L’employeur de Barrette sera sans doute intéressé de connaître les activités extracurriculaires de son employé, voire de procéder à un examen minutieux des serveurs placés sous sa supervision.

Globotech Communications :

sales@globo.tech/support@globo.tech / abuse@globo.tech / NOC@globo.tech
Téléphone : (514) 907-0050 ou 1 888-482-6661
(À noter que Barrette reçoit lui-même les messages de demande de soutien et est susceptible de les filtrer; il est donc indiqué d’écrire à plusieurs adresses pour faire en sorte que le message se rende bien aux autorités compétentes…)

Martin Brouillette

https://www.facebook.com/martin.brouillette.7/
Telegram : @M_clean
Adresse : 5900 chemin Bélair, Rawdon, QC, J0K1S0

Nous avons eu les premiers échos de ce sinistre personnage en mars dernier, lorsque le comité Nous ne serons pas sages – un groupe grassroots formé pour contrer le ressac anti-LGBTQ et le soi-disant « Comité des sages » du gouvernement de la CAQ – nous a contacté pour nous signaler des menaces violentes et haineuses reçues d’un certain « Martin Leblanc ». Ce dernier disait vouloir « se rencontrer » pour « enlever des pédophiles et des trans de ce monde », et qu’il leur donnait « rendez-vous sur Fullum » (le lieu de la manif du Comité).  Dans un autre message, tout aussi violent, il se disait « fasciste, violent, près (sic) à faire le ménage », qu’il avait « déjà cracher (sic) sur des juifs et des gay » et qu’il voudrait « continuer [son] cheminement ».

Nous avons assez facilement retrouvé un « Martin Leblanc » sur Telegram (chaîne associée, « My Ancestral Calling »), avec un profil dont le caractère suprémaciste blanc ne laisse aucun doute (hommage à Hitler, etc.). Sa photo de profil le montre dans un gym dont les murs sont tapissés de symboles néonazis et d’un drapeau du Frontenac Active Club; c’est d’ailleurs le même gym qu’on aperçoit sur certaines photos publiées par le groupe sur sa propre chaîne.

Martin Brouillette dans le gym privé aménagé dans son garage, à son domicile de Rawdon. À noter, le tatouage d’un faisceau (symbole du fascisme) sur sa nuque et l’arrière de sa tête.

Martin Brouillette dans le gym privé aménagé dans son garage, à son domicile de Rawdon.

Martin Brouillette se vante d’avoir bâti son garage/gym durant la pandémie.

Ce profil nous a permis de trouver son vrai nom, Martin Brouillette  – dont le compte Facebook est illustré par la même photo de profil que le compte Telegram de « Martin Leblanc » – où celui-ci se décrit carrément dans sa bio comme « fasciste ».  (À ce propos, les robots de Facebook semblent de moins en moins capables de détecter les publications néonazies ou suprémacistes blanches, et même les profils qui écrivent « fasciste » en clair, en plus d’afficher du contenu haineux, ne semblent pas être détectés dans ce Meilleur des mondes placé sous le signe de l’intelligence artificielle.) 

Le compte Facebook de Martin Brouillette.

Les photos affichées par Brouillette sur sa chaîne Telegram nous enseignent également qu’il s’entraîne au gym Kanreikai Karaté Joliette, situé à Saint-Charles-Borromée. C’est par les mêmes moyens que nous avons pu déterminer que son gym privé, là où il invite ses potes fascistes à se rouler par terre, se trouve dans son propre garage, sur le chemin Bélair dans la municipalité de Rawdon. 

Martin Brouillette, membre du groupuscule néonazi Frontenac Active Club, prend la pose dans les locaux de Kanreikai Karaté Joliette.

Martin Brouillette, membre du groupuscule néonazi Frontenac Active Club, affiche discrètement ses couleurs à l’intérieur du club de karaté Kanreikai Joliette, sans doute à l’insu du sensei et des autres membres du club.

Kanreikai karaté Joliette
Contact : https://www.kanreikaijoliette.com/joindre/
Facebook : https://www.facebook.com/kanreikaijoliette/
Téléphone : (450) 753-7231

(Nous vous invitons à faire preuve de mesure et de politesse si vous choisissez de communiquer avec les responsables de l’école; il s’agit d’une entreprise légitime, a priori gérée par des personnes raisonnables dont nous n’avons aucune raison de croire qu’elles sont au courant des activités politiques de Martin Brouillette.)

Shawn Beauvais MacDonald

Telegram : @FriendlyFash

Eh la la, comme on dit dans le milieu… Cet abruti saucé est littéralement de tous les mauvais plans, à tel point que les autres nazis devront bien, à un moment donné, se rendre compte qu’il est toxique et que tout ce qu’il touche se transforme en marde. Il n’a en tous cas aucune notion de sécurité opérationnelle et vit sa petite vie de nazi comme un livre ouvert, ce qui expose tôt ou tard ses petits camarades. Que dire encore sur cet énergumène que nous n’ayons pas déjà dit 100 fois?

Nous soupçonnions déjà depuis avril 2023 que Beauvais MacDonald jouait un rôle, soit au cœur, soit en marge du FAC, mais nous n’en avions aucune preuve. En avril dernier, il a toutefois commencé à s’afficher à visage découvert avec le groupe sur son compte Telegram, suite à quoi celui-ci a décidé d’en faire un poster boy sur sa propre chaîne Telegram. Il a récemment pris une place plus centrale au sein du groupe. Il convient de remarquer que son arrivée dans le décor a coïncidé avec une séance d’entraînement au jiu-jitsu tout juste devant une synagogue dans le quartier Côte-des-Neiges de Montréal.

Shawn Beauvais Macdonald est désormais, littéralement, une figure centrale du Frontenac Active Club.

Shawn Beauvais Macdonald pose avec ses camarades du Frontenac Active Club à Montréal, en juillet 2024.

Accessoirement, Beauvais MacDonald semble récemment plus que jamais en roue libre. On nous signale qu’il a été plus d’une fois aperçu en public à proférer des menaces contre des personnes l’ayant reconnu (qu’il assimile évidemment aux « antifas »). De plus, il semble s’être acoquiné avec la jeune Sandrine Girardot, de Châteauguay, qui s’est tristement fait connaître en mars dernier pour avoir commis une série de graffitis haineux dans cette ville, notamment sur son propre immeuble à logements. Cette dernière a elle-même publié sur ses comptes de médias sociaux une série de publications et de vidéos complètement déjantées où l’on aperçoit avec Shawn Beauvais MacDonald dans divers quartiers et dans le métro de Montréal, agressant verbalement des passant·es avec des invectives et des insultes racistes et homophobes, criant leur admiration pour Adolf Hitler et faisant des saluts nazis, hilares.

Lorsque nous avons signalé publiquement ce rendez-vous galant de néonazis en goguette, Beauvais MacDonald a répondu en formulant des menaces explicites :

… si on demandait à un robot conversationnel de produire un message de menaces dégoulinant de masculinité toxique, comme en ferait un néonazi stéroïdé de 40 ans salivant sur une jeune femme de 23 ans visiblement dans un état de grande fragilité mentale.

Mathieu Grenier

Mathieu Grenier utilise l’alias « @matthewattic » sur Telegram. Nous savons peu de choses de lui, hormis qu’il est roux et qu’il fut jadis impliqué dans le (très éphémère et essentiellement virtuel) groupe Proud Boys de Montréal. Il a récemment fait un voyage à Marseille, où il a socialisé avec des fachos locaux.

Steven Khazanov

Khazanov utilise l’alias « @stvjms » sur Telegram.  Il vit sur la rive-sud de Montréal et a participé à plusieurs activités du Frontenac Active Club au cours de la dernière année.

Sa photo de profil sur Telegram le montre s’entraînant dans les installations extérieures du Parc de la Cité, à Saint-Hubert. Il est domicilié au 3133, rue Ovila-Hamel, à Saint-Hubert.

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Afin de ne pas nuire à nos enquêtes, nous avons choisi de ne pas inclure tous les renseignements dont nous disposons dans cet article. Nous continuons bien sûr à recueillir des renseignements sur les membres actifs du Frontenac Active Club. Si vous avez des renseignements sur ces individus ou d’autres rattachés au groupe ou évoluant dans ce milieu, n’hésitez pas à nous écrire à alerta-mtl@riseup.net.

L’espoir c’est la lutte : Retour sur la manif de soir du 19 juillet

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Août 012024
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Le 19 juillet, lors d’une nuit calme, plus de 60 personnes se sont rassemblées au centre-ville de Montréal afin de manifester pour la Palestine. La manifestation a été annoncée sans l’aide des médias sociaux, de sorte qu’aucune présence policière n’était visible sur le lieu du rassemblement. Le récit qui suit provient de quelques participant-es à la manifestation. Nous espérons faire comprendre à celleux qui n’étaient pas là ce qui s’est passé et faire quelques suggestions pour la prochaine fois.

Vers 22 heures, la manifestation s’est mise en marche, une bannière annonçant « L’espoir c’est la lutte » à côté d’un cercle A, et une bannière indiquant « Libération des peuples, libération de la terre » en queue de cortège. Serpentant dans les rues sous les gratte-ciel et les slogans, l’énergie de la foule augmentait progressivement à mesure que nous nous acclimations à l’étrange réalité : pas de flics à vélo, pas de flics anti-émeute, pas de flics devant, derrière ou sur les côtés, juste nous et nos ami.e.s et camarades, et leurs ami.e.s et camarades, et les leurs, notre black bloc et keffiyeh bloc nous protégeant de la centaine de caméras de surveillance enregistreant  inlassablement notre déambulation.

La manifestation a duré seize minutes. Des feux d’artifice ont été allumés à l’arrivée au Square Victoria, où se trouvait le camp Al-Soumoud, démantelé deux semaines auparavant. Les manifestant.e.s ont rapidement commencé à briser les vitrines des banques, ciblant une CIBC et une Banque Scotia. Dans le sens inverse de la circulation sur Saint-Jacques, nous avons été accueillis avec enthousiasme par les fêtards du vendredi soir, qui sont descendus dans la rue pour applaudir, et par les automobilistes qui ont baissé leur vitre pour féliciter les militant.e.s vêtus de noir. Certains passants ont commencé à suivre la manifestation avec enthousiasme alors qu’elle se dirigeait vers la Caisse de Dépôt et Placement du Québec (CDPQ). La CDPQ, qui avait été pointée du doigt par le camp Al-Soumoud un peu plus tôt, a investi 14 milliards de dollars dans des entreprises complices du génocide en Palestine. Bien que ses fenêtres semblaient difficiles à briser, plusieurs d’entre elles ont été graffés, d’autres ont volé en éclats et un fumigène a été lancé par une ouverture dans un espace de bureau, déclenchant avec un peu de chance les gicleurs et causant des dégâts d’eau.

Les sirènes de police sont visibles et entendues de plusieurs directions, mais avant que les commandants du SPVM ne comprennent ce qui se passe, la foule se disperse et disparaît dans la nuit. Il n’y a eu aucune arrestation et personne n’a été blessé.

Alors que les médias de masse ont ignoré la manifestation, des vidéos montrant la marche et les actions directes ont circulé largement sur les médias sociaux, y compris sur un compte en langue arabe avec des centaines de milliers d’abonnés.

La lutte locale en solidarité avec la Palestine a vu une grande variété de tactiques testées en peu de temps au cours des neuf derniers mois. Les manifestations nocturnes organisées sans inviter la police sont une nouveauté dans ce contexte. Nous pourrions envisager d’en faire plus souvent.

Une semaine plus tôt, le 12 juillet, le SPVM a envoyé des policiers anti-émeute pour encadrer les deux côtés d’une petite manifestation nocturne annoncée sur les médias sociaux suite au démantèlement du camp de McGill. Les policiers sont entrés dans la rue le long de la marche et ont préventivement attaqué une bannière de côté, arrachant la bannière des mains des gens, distribuant des coups de matraques et déployant d’énormes quantités de poivre de cayenne. La ténacité de la foule était impressionnante, mais il n’a pas été possible de surmonter ce degré de violence policière et de commencer à transformer la manif en quelque chose de plus grand. Un rôle que peut jouer une manif de nuit sans police est de répondre à de tels événements, en soignant nos esprits militants et en réparant notre confiance, tout en démontrant que le SPVM met ses unités en danger pour rien en intimidant et en réprimant brutalement les manifs, car nos cibles se feront fracasser de toute façon.

Nous souhaitons également réfléchir à la manière dont les différentes formes de manifestations permettent plus ou moins d’aller au-delà de nos réseaux existants. Ce qui est frappant dans les interactions avec les passants enthousiastes le 19 juillet, c’est que la présence policière imposante habituelle lors d’une manifestation combative aurait rendu ces interactions impossibles. La police qui contrôle la circulation redirige généralement tous les véhicules loin d’une marche, et l’ampleur et l’agressivité des unités de police de tous les côtés d’une manifestation sont extrêmement intimidantes, limitant les possibilités d’action dans l’esprit des personnes à l’extérieur – et objectivement. Aucun civil non préparé et sain d’esprit n’essaierait de se joindre à nous. Sans la séparation imposée par la police, nous pouvons imaginer faire davantage à l’avenir pour permettre aux passants volontaires de se joindre à nous et prendre la rue. Il pourrait s’agir d’apporter une réserve de masques à distribuer, de les inviter explicitement à rejoindre la manif et de partager rapidement toute information importante en matière de sécurité de façon amicale avec les personnes qui se joignent à nous.

Un certain nombre de fenêtres sur le parcours de la manif ont malheureusement résisté aux coups de marteau et de roches. Cela soulève la question des outils. Les morceaux de porcelaine comme projectiles sont plus efficaces pour briser les fenêtres que les marteaux ou les roches. Ils sont également plus difficiles à trouver (demandez à un camarade), et il faut faire plus attention en les lançant pour éviter de blesser quelqu’un. À l’avenir, les « équipes marteau » pourraient peut-être faire la première tentative et, si la cible s’avère trop difficile, la confier à une « équipe porcelaine ».

L’enthousiasme suscité par cette nouvelle tactique montre que la communauté est à la recherche d’un nouveau format pour les manifestations. Au-delà des vitrines brisées, l’exploration de ce que les groupes autonomes peuvent faire dans les manifs sans la police laisse entrevoir de nouveaux horizons. Nous pouvons tester de nouvelles tactiques et des mélanges d’anciennes, ou même les délais de réponse de la police dans différentes zones stratégiques de la ville. Nous pouvons également améliorer notre rapidité et notre aisance à employer différentes tactiques afin de ne pas tenter des choses pour la première fois avec des flics dans le dos.

Avec les défis de ces derniers mois dans les manifestations annoncées sur les réseaux sociaux, même dans les contingents, peut-être que ce nouveau format peut aussi être vu comme une stratégie de mobilisation. Si nous jouons bien nos cartes, nous pouvons l’utiliser pour parler au public, en diffusant des idées et des pratiques anarchistes, de sorte que lorsque nous nous présentons en tant que contingent dans une manifestation publique, nos orientations sont connues de celleux qui nous entourent, qui pourraient être plus encouragé.e.s à nous rejoindre dans les actions. Avec un peu de chance, cela nous permettra de trouver un équilibre, d’être prêt.e.s à augmenter les enjeux et à être stratégiques dans la mise en œuvre d’un plan réussi, ainsi que d’être prêt.e.s à répondre de manière combative à la violence policière dans les grandes manifestations publiques aux côtés de centaines ou de milliers d’autres personnes. 

Le vendredi a permis de remonter notre moral, de renforcer la confiance et de consolider nos liens de complicité. Nous devons trouver des occasions de remporter des victoires, même minimes, et les célébrer. La même tactique peut être utilisée à des moments stratégiques tels qu’un événement majeur dans la ville, pour atteindre des objectifs stratégiques à court terme, ou en réponse à une répression policière importante.

La Bibliothèque de menaces traduite en français

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Juil 092024
 

Du No Trace Project

La Bibliothèque de menaces est une base de connaissances des techniques répressives de l’État, de mesures que l’on peut prendre pour y faire face, et d’opérations répressives où elles ont été utilisées. Publiée en 2023 en anglais et régulièrement mise à jour depuis, elle est désormais disponible en français sur le site du No Trace Project.

La Bibliothèque de menaces est aussi un outil de modélisation de menaces, un processus qui consiste à identifier de potentielles menaces en provenance d’adversaires (l’État, des groupes fascistes…) pour pouvoir ensuite identifier et prioriser des mesures à prendre face à ces menaces. Si vous participez à des actions ou projets subversifs, vous avez probablement déjà l’habitude de réfléchir à comment minimiser les risques posés par diverses menaces. La modélisation de menaces formalise ces réflexions pour les rendre plus organisées et systématiques.

La Bibliothèque de menaces, qui recense actuellement 23 opérations répressives réparties dans 10 pays, est un outil d’anti-répression aux ambitions internationales. Ses futures mises à jour seront disponibles simultanément en français et anglais, et nous espérons la traduire dans de nouvelles langues dans les années à venir. N’hésitez pas à nous contacter pour toute contribution, critique, ou proposition de traduction.

No Trace Project

Davantage de notes à propos du 6 juin 2024

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Juil 032024
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Un court résumé des événements du 6 juin 2024

Aux alentours de 16h, des manifestant•es étudiant•es entrent dans le pavillon James (l’administration) de l’université McGill dans le but de perturber la réunion du Conseil des Gouverneurs (CdG), s’opposant à leur complicité dans le génocide de Gaza. Le CdG est l’instance la plus haute de l’université et c’est elle qui décide où les fonds de dotation sont investis, incluant des compagnies israëliennes, sionistes et d’armement. Des centaines de manifestant•es forment alors un rassemblement autour du bâtiment, quelqu’un•es construient des barricades improvisées avec des clôtures et du mobilier. Une heure plus tard, à la demande de l’administration, une forte présence policière se présente sur le campus, incluant une douzaine de polices antiémeute. Ces derniers prennent le contrôle de l’allée est du bâtiment et tout en prévenant les manifestant•es de protéger l’entrée nord (l’arrière), les confinant donc au côté sud (l’avant) du bâtiment.

Autour de 18h30, les flics entrent la bâtiment à partir de l’entrée arrière. Ils procèdent alors à l’arrestation des manifestant•es à l’intérieur, qui essayent, du mieux qu’illes peuvent, de barricader la salle dans laquelle illes sont. En même temps, les flics attaquent brutalement la manif de support, utilisant leur matraques, poivre de cayenne et gaz lacrymo pour disperser les manifestant•es, qui n’ont abandonnerons pas sans se battre.

Un moment particulièrement drôle capturant Deep Saini se cachant de ses étudiant•es, réfugié derrière le personnel de l’administration au moment de l’expulsion.

Le niveau de violence policière a pris au dépourvu plusieurs manifestant•es: les flics tirent des gaz lacrymos et des balles de caoutchouc au niveau de la tête, visant intentionnellement les personnes avec leur gaz lacrymogènes et utilisant de grande quantité d’irritants chimiques.

À 19h45, une manif débute au campement de l’UQAM (une autre université) pour se rendre à McGill. La marche symbolise la fin du dit campement et est annoncé quelques jours avant; elle n’est donc pas en réaction à l’occupation du pavillon James, mais l’occasion a peut-être nécessité une modification à l’itinéraire, qui sait. La contestation serpente au travers du quartier de Milton-Parc, essayant d’atteindre le bâtiment d’administration, mais leurs tentatives sont contrecarrées par la police qui les suit en bloquant les rues. Finalement, la manif essaye de briser la ligne de flic sur la rue Milton, quelques centaines de mètres à l’est du bâtiment James. Les manifestant•es sont reçu violemment avec du poivre de cayenne des flics en vélos, backé par l’antiémeute. Dans la confusion qui s’ensuit, les manifestant•es courent, et de quelconque manière, atteignent le campus inférieur (lieu où se situe le campement). 

Tranquillement, le monde de l’UQAM se regroupe là et joignent leur forces des gens de McGill. Ceux•ses qui sont encore en état recommencent à marcher, ne se laissant pas abattre par la pluie torrentielle. La manif serpente une autre fois les rues, les antiémeutes bloquant de toute évidence le chemin qui pourrait les mener au James. Une fois sur Sherbrooke, une vitre de la banque Scotia est éclatée. La manif continue, déambulant dans Milton-Parc et se dirige vers l’est, elle se disout éventuelement sur St-Laurent.

Quelques réflexions

L’auteur•e de ces réflexions applaudit tout le monde qui a participé à l’occupation ou aux manifestations, et espère que les pensées qui suivent ne seront pas prises comme des critiques défaitistes, mais plûtôt des idées à réfléchir, discuter et débattre pour aller de l’avant.

    1    Sur la communication: annoncer publiquement la réunion du CdG sur les réseaux sociaux aurait rendu l’occupation du James impossible, l’admin aurait appelé les flics en prévention et la réunion se serait déplacé en ligne. Toutefois, je pense encore qu’il aurait été utile si les gens de McGill avaient partagé cette info avec des camarades uqamien•nes de confiance. D’une part, ça leur aurait permis de devancer l’heure de leur rassemblement pour pouvoir rejoindre la manif de support à temps. Ça l’aurait aussi facilité l’échange d’informations et de matériel, à savoir des cordes permettant aux occupant•es de s’échapper aux travers des fenêtres et des objets pour bloquer la porte arrière. Sur le dernier point, je pense que plus de travail de renseignement aurait dû être fait pour s’assurer que chaque entrée soit géré.

    2    Sur les conditions métérologiques: la grosse pluie a créé des conditions uniques qui a eu son lot de réussites. Même si la température a pu en décourager plus d’un•e à assister au rassemblement, elle a atténué la portée du poivre de cayenne et des lacrymos et justifié la présence des parapluies. Bien sûr, les lunettes et les masques se sont prouvés utiles cette journée là. Le vent était aussi au rendez-vous: des vidéos montrent des flics antiémeute se poivrer eux-même à cause de cela. Les conditions météorologiques et le relief du terrain (élévation, obstacles) semblent encore être des zones relativement non explorés en terme d’organisation de manifestation.

    3    Sur les objectifs: la manif de l’UQAM et subséquemment celle de Lower Field avaient apparemment pour but de se rendre au James. À mon avis, autre que sa signification symbolique, cet objectif fait peu de sens, considérant que les flics avaient déjà envahi le bâtiment avant même que la manif ne soit commencée. De plus, les longs chemins sinueux n’aidaient pas à se rendre à la destination, les flics sachant constamment où nous allions. Néanmoins, la tenacité et la témérité des manifestant•es est un élément à prendre en considération et à saluer. Des camarades plus âgés ont dit que la manif leur rappelait les manifs de soir combatives de 2012.

    4    Sur la composition de la manifestation: le contingent UQAM a eu quelques confrontations avec la police, intransigeante à nous prévenir de nous rendre au James. Comme expliqué au dernier point, j’ai encore de la difficulté à comprendre l’objectif. Cependant, il y aura peut être un moment dans le futur où des confrontations similaires se prouveront cruciales pour parvenir à nos buts. Je partagerai donc mes takes sur les deux confrontations notables:

    •    La première est survenue avec les flics à vélo qui empêchaient d’avancer davantage sur la rue Prince-Arthur. Après s’être arrêté pendant un petit bout, les manifestant•es se sont avancé•es vers les flics en criant « Bouge! », pour leur donner un goût de leur propre médecine. Quelques roches furent lancés, de manière désinvolte. Malgré l’aspect comique à la situation, les flics n’ont pas cédé, quelques-uns déployant du poivre de cayenne et d’autres menaçant la foule avec leurs vélos. La manif a donc rebroussé chemin. Selon moi, la manif n’a pas foncé assez rapidement pour instiller une peur psychologique chez les flics. C’est comprenable, les manifestant•es n’avaient pas beaucoup d’équipements à leur disposition pour neutraliser les bicyclettes.

    •    La seconde confrontation s’est déroulé sur la rue Milton, où des vans de police étaient déployées tout le long de la rue, réduisant la mobilité pour les deux côtés. Encore une fois, les manifestant•es ont confronté les flics à vélo, mais cette fois-ci avec contact, leur détermination s’étant durçi. Les trois premières rangées tenaient respectivement les items suivants: bannières, parapluies et mâts de drapeau. Les manifestant•es ont tenu la ligne pendant un bout, mais elle tomba en désarroi après l’usage intensif du poivre de cayenne de la part des flics et l’arrivée de la police antiémeute. Je crois qu’avec plus d’entraînement, discipline et expérience, les manifs pourraient rester groupées en attendant l’arrivée des médics ayant la tâche de s’occuper des personnes qui se sont fait poivrés. Cela préviendrait le retrait désorganisé et individualisé qui s’ensuit habituellement. Je crois aussi que faire déborder la manif sur les trottoirs et attaquer leurs flancs (tout en laissant une route de sortie pour les flics) serait plus stratégique. 

Il vaudrait la peine de réfléchir à une autre tactique lorsque les flics bloquent l’entrée d’une zone, celle de séparer la foule en deux groupes ou plus, à condition que les groupes restent assez gros. Chacun prendrait une route différente pour essayer d’étendre et affaiblir le dispositif policier. Cela permettrait aux manifestant•es d’augmenter la zone occupée, par exemple le nombre de personnes qui font face à la police au lieu d’attendre au milieu de la foule. Il va sans dire que le succès de tels manoeuvres nécesitterait préalablement un entraînement et une communication constante entre les groupes.

5 Être comme l’eau: notre force réside dans notre habileté à être partout et n’importe où, que ce soit à une manif ou dans d’autres actions. Selon plusieurs camarades, la priorité des flics antiémeute semblait être de protéger le bâtiment James. Cela limitait leur portée de mouvement, et d’autres type de polices semblaient plus intéressés à suivre la manif que de protéger d’autres cibles potentielles, comme la Banque Scotia. Plus largement, ces événements illustrent une assymétrie entre les gens et les forces de l’État: la première, tel une cavalrie des steppes, a plus de difficulté à défendre un endroit, mais est plus agile; la dernière, tel une infanterie lourde, est plus forte dans les confrontations directes (à moins d’avoir un désavantage numérique significatif), mais est moins mobile. Alors que la police a plusieurs types de véhicules à sa disposition, ils peuvent être ralentis en mettant des objets dans la rue. Je suis conscient•e que cette pratique a une mauvaise réputation parce qu’elle ne ralentit pas vraiment les flics antiémeute et peut être un risque de trébuchement pour nous. Ceci étant dit, dans des rues plus étroites, elle s’est montrée efficace pour créer une distance entre les flics à vélos et les vans, donnant aux manifestant•es du temps pour se regrouper après une déroute.

Au-delà du campisme

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Juil 022024
 

De Mauvais Sang

Alors que le massacre insupportable à Gaza par Tsahal et ses milliers de morts continue et prend actuellement une tournure encore plus abjecte avec l’offensive sur Rafah, le climat actuel dans le milieu politique nous a poussé à écrire cet article pour redire quelques observations qui devraient être des évidences pour tout révolutionnaire anti-autoritaire : comme dans tout endroit existant sur cette planète, il existe en Israël comme en Palestine, nombre de personnes en lutte contre les différents pouvoirs qui les oppriment.

En Israël des manifestations s’enchaînent tous les week-ends depuis plusieurs mois pour réclamer un cessez-le-feu, et demander le départ de Benjamin Netanyahu et de son gouvernement, accusés de continuer une guerre inutile et meurtrière à Gaza pour se maintenir au pouvoir, tout en empêchant la libération des otages israéliens détenus par le Hamas par leur volonté de poursuivre aveuglément les combats.

Si les massacres qui se sont déroulés lors de l’attaque dirigée par le Hamas le 7 octobre dernier avaient choqué le pays et fait croire à une courte période d’union nationale, les contestations s’étaient rapidement élevées dès mi-octobre 2023 pour réclamer à l’État d’avoir pour priorité la libération des otages. Alors que le gouvernement israélien s’est entêté à poursuivre la guerre, occasionnant des dizaine de milliers de morts, ces manifestations en soirée se sont intensifiés jusqu’à faire descendre des dizaines de milliers de personnes dans la rue. Le 6 mai dernier, dans la manif’ la plus massive depuis des mois, des protestataires ont bloqué l’autoroute Ayalon, allumant des feux sur leur passages, et certains manifestants ont assailli l’entrée du Ministère de la Défense avant d’être repoussés par la police.
Ces manifestations viennent rappeler le mouvement de contestation qui avait provoqué des grèves massives et fait sortir plusieurs centaines de milliers de manifestants l’an dernier, et ce jusqu’en septembre 2023, contre la réforme de la justice. Il s’était élargi en partie à la contestation de la politique mené par le gouvernement israélien vis-à-vis des palestiniens, mais aussi à la montée de l’influence politique des mouvements d’extrême-droite sionistes ou religieux ultra-orthodoxes. Lors de certains de ces rassemblements, considérés comme faisant partie des plus massifs de l’histoire du pays, les participants étaient parvenus à plusieurs reprises à bloquer des autoroutes importantes, parfois dans plus de 150 endroits à travers Israël, des voies maritimes, et à un des moments culminants du mouvement en termes d’intensité, à s’approcher de la résidence de Netanyahu.

Aujourd’hui, les opposants à la réforme judiciaire, les familles des otages et les refuzniks, les jeunes israéliens qui refusent le service militaire obligatoire et sont pour ceci passibles de prison, se mêlent dans la rue. Le gouvernement, usant de la vieille et habituelle rhétorique nationaliste d’union sacrée, a dénoncé ces manifestations comme un « cadeau » fait par les israéliens au Hamas, tandis que la police a réprimé brutalement les rassemblements et arrêté plusieurs dizaines de personnes ces dernières semaines, dont des membres de familles d’otages, notamment pour « incitation à l’émeute ».
Solidarité aux interpellés de ces nuits là et à tous ceux qui luttent en Israël contre l’État, la répression policière et la militarisation.

Depuis qu’il a pris le pouvoir sur le mouvement nationaliste laïc du Fatah en 2007, le Hamas cherche à imposer sur Gaza, par l’application de la charia, son idéologie fondamentaliste religieuse et réprime durement toute contestation de son autorité sur ce territoire déjà éprouvé par le blocus israélien.
Cela n’empêche pourtant pas les gazaouis de se soulever contre le Hamas, sa mainmise sur les ressources économiques ou ses « comités moeurs » qui surveillent l’application des restrictions religieuses. Depuis une dizaine d’années, des manifestations et émeutes font irruption dans l’enclave palestinienne. Des manifestations de grande ampleur avaient eu lieu à plusieurs reprises dans la ville de Gaza en 2015 et en 2017 notamment pour protester contre les incessantes coupures d’électricité, dont le réseau et l’approvisionnement était partiellement contrôlé par le Hamas et le Fatah à l’époque. En 2019, les gazaouis avaient pris la rue en bloquant les routes et en enflammant des pneus pour protester contre les taxations imposées par le Hamas sur des produits de nécessité et contre les conditions de vie inhumaines, entre pauvreté, chômage, pénuries et enfermement, alors que les dirigeants du Hamas ne vivent pas à Gaza et que ses gradés profitent de positions très privilégiées par rapport au reste de la population. En juillet-août 2023, des protestations dans les villes de Gaza, de Rafah, de Khan Younès et dans les camps de réfugiés de Jabalyah et Nusseirat, ont réuni des milliers de palestiniens, après notamment de nombreux appels relayés par le compte Instagram anonyme « Virus Al Sakher » ou « Virus moqueur ». Les palestiniens manifestaient contre les conditions de vie atroces imposées par l’armée israélienne mais aussi contre le pouvoir local du Hamas, dont les partisans ont été la cible de jets de pierre et ont vu leurs drapeaux verts brûlés par les émeutiers. Les gazaouis chantaient notamment « Le peuple veut renverser le régime ».

Face à ces manifestations, le Hamas et sa police ont toujours répondu par une forte répression, en tabassant les émeutiers et en les mettant en prison, en tirant en l’air ou sur la foule. Le Hamas a constamment empêché la propagation des images et des appels sur les réseaux sociaux, même si nombre de témoignages nous sont parvenus et sont chaque jour partagés. Il a aussi, depuis sa prise de pouvoir, condamné à mort et/ou exécuté plusieurs palestiniens, et a beaucoup usé le motif de « collaboration avec Israël ». Le Hamas a en général cadenassé l’expression des désaccords dans l’enceinte de la bande de Gaza, avec une surveillance accrue des gazaouis matérialisé par : les Services de sécurité générale et de ses fichiers sur chaque individu où sont recensés ceux qui ont participé aux manifestations de 2023 ou ceux ayant jugé « immoral » ; un réseau d’informateurs étendu et un encouragement à la délation.

Solidarité avec tous ceux qui à Gaza, en plus de subir les assauts meurtriers répétés de Tsahal et le blocus israélien, descendent dans les rues contre l’autoritarisme militaire et religieux du Hamas.
Les faits rappelés ici montrent qu’en Israël ou en Palestine, des individus se sont toujours battus et se battent toujours contre ceux qui tentent de contrôler leurs vies, qu’ils soient des soldats et des politiques de l’État israélien ou des partisans du proto-État du Hamas (ou même avant, du Fatah). Ces révoltés semblent pour la gauche campiste ne pas exister, tant la volonté est grande d’assimiler tout ce monde à son gouvernement respectif pour maintenir intact son idéologie.

Depuis le 7 octobre, une partie de la gauche et des aires subversives françaises et internationales se vautrent dans un campisme des plus débilitant. Alors que la droite et l’extrême-droite soutiennent de manière obscène le gouvernement israélien, Tsahal, et leur « droit » à la riposte militaire et aux massacres, la gauche sous anti-impérialine, des bouteldjistes de Paroles d’Honneur à Solidaires en passant par les trotskystes, a répondu par un soutien, « critique » ou pas, à ceux qui sont supposés être « le camp des palestiniens », en l’occurrence le Hamas, présenté comme étant la « résistance palestinienne ». Enfin LFI, qui soigne sa période électorale, tire son épingle du jeu en se présentant comme le parti défenseur des opprimés, après avoir fait maintes fois preuve de positions ambiguës sur la Syrie de Bachar al-Assad ou sur le génocide des Ouighours par la Chine.

Hors des plateaux-télés, les occupations étudiantes se succèdent et certaines des revendications qui y sont portées nous interrogent : l’arrêt des poursuites contre les étudiants mobilisés ne nous pose absolument aucun souci, mais une autre revendication qui revient concerne l’arrêt des partenariats avec les universités israéliennes, notamment parce que celles-ci auraient des filières en lien avec l’armée israélienne. Assez cocasse de la part d’étudiants de Science Po, dont une grande partie constitue les futurs politiques, ambassadeurs, bureaucrates des cabinets ministériels, qui collaboreront bientôt avec leur État et leurs armées et tous ceux du monde, quand ils auront enfin fini de boycotter des triple-cheeses. Si cette revendication était obtenue, cela reviendrait à empêcher notamment tout échange universitaire pour les israéliens désirant se rendre en France, peu importe ce que ces israéliens pensent de leur gouvernement, qu’importe apparemment si ces derniers sont des refuzniks ou des émeutiers ayant combattu l’État israélien depuis le printemps dernier ou plus longtemps encore. Récemment, un appel a été lancé à Paris pour demander l’annulation de la venue des exposants israéliens lors d’un salon de l’industrie de l’armement à Paris (« Aucune arme israélienne à Eurosatory »). L’antimilitarisme serait-il devenu sélectif, en fonction du pays qui utilise-vend-achète les nouvelles technologies militaires qui serviront à tuer tous azimuts ? Y a-t-il maintenant les bons et les mauvais missiles ? A-t-on enterré l’internationalisme le plus élémentaire pour de bon ?

Pire encore, une partie de ceux que nous avons cités se baignent lamentablement dans un antisémitisme sous couvert d’antisionisme dans la plus pure tradition soviétique (ou sorialienne). On en viendrait presque à confondre certaines déclarations de gauche avec des saillies dieudonnistes, surtout quand d’aucuns, perdurant ainsi la longue tradition de l’antisémitisme de gauche, viennent accuser de « sionistes » ceux qui critiquent une rhétorique confusionniste ou antisémite de la part de leurs idoles gauchistes qui reprennent le vieux poncif des « juifs nouveaux nazis » ou du lobby sioniste qui contrôle le monde. Ou que d’autres viennent déballer leur nouvelle forme de négationnisme pervers en affirmant que le nazisme ne fut pas « nécessairement antisémite » (vu sur Twitter).

Nous rappelons ici à ces raclures que critiquer Israël, ses massacres, sa colonisation en Cisjordanie et sa politique générale envers les palestiniens est possible sans en appeler à la référence sensationnaliste aux nazis, qui avaient une spécificité assez essentielle : vouloir éradiquer les Juifs (ce qui ne les a pas empêché d’exterminer d’autres impurs et indésirables du IIIème Reich).

En faisant ceci, ces raclures ne rendent service ni aux gazaouis et aux initiatives de soutien, ni à la lutte contre l’antisémitisme.

De l’autre côté de l’échiquier politique, le RN, parti de racelards créé par d’anciens collabos et Waffen-SS, se sent maintenant de tenter de faire gober à tous qu’il est un parti protecteur pour les juifs, en déversant par la même occasion sa bile contre les immigrés maghrébins et arabes.

Quelle époque détestable mais qui ressemble finalement à toutes les autres : comme toujours, la gauche comme la droite nous donnent envie de gerber.

Les actes antisémites ont augmenté partout en flèches et, devant la banalisation, à gauche notamment, de discours, d’actions ouvertement antisémites ou flirtant avec, il nous semble plus que jamais nécessaire de marquer une rupture.

Par ces quelques observations, nous voulons rappeler que la stratégie qui consiste à amalgamer les individus aux États ou aux organisations qui les oppriment est une arnaque factuelle et conceptuelle la plus complète, la réalité ayant toujours contredit ces analyses, et qu’elle équivaut à donner absolution à ces mêmes États, tant ces derniers se frottent les mains en voyant leurs discours si proprement diffusés.
S’il doit sans doute être difficile de penser à autre chose qu’à sa survie quand on est sous les bombes comme les gazaouis le sont actuellement, s’il est sur qu’il est de plus en plus ardu en Israël, où le pouvoir politique mène une intense propagande de guerre et d’union sacrée, de résister aux sirènes nationalistes, nous savons qu’il existe toujours une potentialité pour la révolte là-bas, des deux côtés de la frontière. Il est une nécessité pour les révolutionnaires d’ici et de partout d’affirmer en solidarité que la défense d’un drapeau national n’a jamais émancipé personne dans ce bas-monde et que la bataille ne se mène pas entre nations, entre religions, entre « peuples » mais qu’elle se mène contre ceux qui nous exploitent et nous oppriment, qu’ils soient soldats, religieux, démocrates ou capitalistes !

Contribution au débat sur la question du genre, des femmes et du capitalisme

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Juin 182024
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Ce texte se veut une contribution au débat sur la question du genre, des femmes et du capitalisme. Il a d’abord été envoyé au site de première ligne et il existe aussi une version papier disponible à la librairie l’Insoumise dans la section des brochures féministes. Bonne lecture !

Bonjour gens de Première Ligne,

j’ai bien aimé lire les différents textes du numéro 3 de votre revue collective. Je vous écris car je voudrais partager avec vous quelques-unes de mes réflexions concernant certains textes en particulier et j’espère que cette modeste contribution saura alimenter les discussions.

Je vais débuter avec le texte « Devenir lesbienne », car ce texte fait naître des questions essentielles qui seront abordées tout le long. C’est d’ailleurs là l’intérêt de ce texte et en quelque sorte sa réussite. Commençons par la question que se pose la personne qui a écrit le texte : que signifie « devenir une femme » ? Cette question qui semble anodine est pourtant au coeur de tout le débat sur la domination masculine, la subordination des femmes et la structure sociale du genre. Si nous voulons y répondre, il faut s’assurer de bien cerner la question.

À quoi se rapporte l’être ou le devenir de la femme ? « Être une femme – comme le dit le texte – n’a pas de signification positive : des aspects extérieurs, superficiels, peuvent êtres érigés en signifiants de l’existence féminine (corps, seins, sexe, maquillage, coupe de cheveux, habillement, voix, comportement). » Donc, ce qui définit les femmes en Femme c’est la rencontre de diverses assignations produites à partir d’éléments insignifiants et imposés de l’extérieur : ce qui en fait une construction sociale. Le texte « À qui profite la haine de nos corps ? » dans le même numéro est une très belle démonstration d’un point de vue subjectif de ce processus de construction de l’identité féminine. Mais la question demeure.

Le texte poursuit ainsi sa réponse : « Être une femme, c’est appartenir à une classe, prise et n’existant que dans un rapport d’exploitation avec une autre. » Autrement dit, les femmes ne naissent pas Femme, elles le deviennent mais ce « devenir » est un négatif, un problème que vivent toutes les femmes – définit ici comme classe – dans un rapport avec une altérité qui la définit comme subalterne. Il reste toutefois à définir cette altérité structurante qui construit l’identité Femme comme un outil de subordination. Et c’est là que ça se complique.

Poursuivons : « Devenir une femme est dénué de contenu positif, au-delà de la solidarité profonde ressentie envers la classe, envers toutes les femmes : transitionner, devenir transgenre, devenir transexuelle, c’est quitter la classe des hommes, et rejoindre volontairement la classe des femmes. » Est-ce à dire que l’origine de la subordination des femmes c’est la classe des hommes ? Dans ce cas, en se débarrassant des hommes, on élimine du même coup la source du problème qui concerne les femmes. Ça rejoint un peu le projet du SCUM imaginé par Valérie Solonas. Mais est-ce vraiment le cas ? Est-ce que pour se solidariser avec les femmes dans leurs luttes, les hommes doivent disparaître en passant à « l’étape suivante » et « rejoindre l’avant-garde de la classe, devenir lesbienne » ? C’est là une question très pertinente mais à laquelle il en manque une autre : qu’est-ce qu’être un homme ?

Si l’identité Femme est un construit social, celui de l’Homme l’est tout autant. C’est ce que confirme ce passage du texte : « l’élément perturbateur, dans mon existence de garçon, ne se trouvait pas au-dedans de moi-même, mais au-dehors : non pas dans ma subjectivité individuelle, expression de mon existence intérieure, mais dans mon existence extérieure, objective, dans mon existence sociale. » Être Homme c’est un peu « appartenir à une classe, prise et n’existant que dans un rapport d’exploitation avec une autre » – en occupant toutefois le pôle positif et dominant de ce rapport. Par conséquent, l’origine du problème pour les femmes – et aussi pour les hommes qui veulent se solidariser avec les femmes – ne se trouve pas chez les individus qui portent l’identité masculine mais dans le fait qu’il existe une identité, une domination masculine. Les identités de genre basées sur le mode binaire de l’Homme et de la Femme se construisent réciproquement comme un système d’assignation qui dépasse les individus et les détermine en même temps dans leur rôle respectif. Ce ne sont donc pas les hommes en particulier – porteur du phallus symbolique – qui fait la domination masculine mais plutôt la domination masculine qui conditionne et contraint un groupe d’individus possédant certaines caractéristiques – dont un pénis et une virilité – surdéterminées socialement à devenir ce que la société exige d’eux : être un Homme.

Il y a cependant un autre problème avec cette approche. En effet, que faire quand cette « existence extérieure, objective » est la seule réalité qui nous permet de construire notre « subjectivité individuelle » ? Le dedans n’échappe pas si facilement au dehors. À partir de ce constat, il est légitime de se poser la question : suffit-il de « devenir une femme » pour déconstruire l’identité masculine et sa domination ? Que se passe-t-il avec notre conditionnement social et ses schèmes de pensées que nous avons acquis depuis l’enfance et qui sont les seules références que nous avons pour définir et juger de nos comportements ? Il n’est pas plus facile de se défaire de son identité masculine pour un homme qui a grandi avec que ce l’ait pour une femme de se sortir de son conditionnement de subalterne. Comme le dit si bien le texte « C’est bien beau la libération sexuelle, mais… comment ? » toujours dans le même numéro : « Il est difficile de vouloir sortir d’un cadre et de vouloir le déconstruire en même temps. » La raison de cette difficulté c’est que le cadre dominant de nos rapports sociaux est le seul dans lequel nous pouvons expérimenter concrètement nos désirs, le reste n’est que la marge de manoeuvre que nous parvenons à créer par la résistance, la révolte et la lutte.

En suivant la logique du texte « Devenir lesbienne » nous arrivons à une impasse : quitter la classe des hommes pour transitionner vers celle des femmes ne résout en rien la problématique de la domination masculine et de la subordination des femmes, car pour déconstruire la masculinité il faut déconstruire la féminité et vice versa. Tout au plus, c’est un acte individuel de contestation et de solidarité qui peut en vouloir bien d’autres mais qui en même temps produit son lot de confusion qui a pour résultat de favoriser – comme le fait remarquer le texte « Esquisse d’une analyse féministe marxiste contemporaine » que nous allons analyser plus loin – « un discours de plus en plus relatif au développement personnel plutôt qu’une réflexion sur le cis-hétéro-patriarcat en tant que structure d’oppression dépendante des opérations générales du système de production capitaliste. » En somme, il nous faut revoir le sens de la question d’un autre angle.

Qu’est-ce qui définit le « devenir de la femme » alors ? C’est la domination masculine. Mais qu’elle est le fondement social de cette domination ? Car – nous l’avons vu – il ne suffit pas de s’en prendre aux hommes pour détruire cette domination, il faut s’attaquer aux racines, à la structure des rapports sociaux. De la même façon qu’aucune révolution ne pourra abolir l’exploitation capitaliste en se débarrassant seulement de la classe capitaliste sans transformer les rapports de production sociale – la révolution russe l’a suffisamment démontré. Donc, pourquoi la société a-t-elle besoin de structurer hiérarchiquement les individus sous la forme d’identités genrées ? Voilà ce que je voulais dire plus haut quand je parlais de bien cerner la question qui concerne la domination masculine et la subordination des femmes si nous voulons y répondre adéquatement.

* * *

Mais de dire que la domination masculine est une construction sociale qui a pour but la subordination des femmes ne suffit pas à expliquer ce qui fonde cette domination/subordination spécifique mais ça permet au moins de sortir la question du vécu et de la responsabilité personnelle. En même temps, cette question ne se pose concrètement que dans le vécu quotidien des femmes au travers leurs luttes et ce n’est pas simple pour personne de franchir le seuil de la remise en question de ce vécu quotidien. Car la remise en question de ce que la société fait de nous a pour effet de nous projeter dans la problématique complexe du changement social qui doit nécessairement coïncider avec la transformation de nos vies, ce qui évidemment créer plus de confusion que de solutions.

C’est ce qu’exprime le texte « C’est bien beau la libération sexuelle, mais… comment ? » avec cette phrase en particulier : « comment garder la tête hors de l’eau assez longtemps pour savoir si mes attentes et mes désirs dans une relation sont vraiment miens ou s’il s’agit seulement de codes auxquels je pense devoir souscrire ? » Plus loin le texte dit : « C’est bien beau la libération sexuelle, mais à quel moment devient-elle seulement de l’hypersexualisation et une centralisation de la sexualité dans nos vies, dans nos relations et dans nos priorités? Il y a pour moi un conflit entre la libération/l’émancipation du cadre et la destruction du cadre en même temps, dans ce cas-ci la libération sexuelle (coucher avec qui on veut, fin du slutshaming, actions contraires aux attentes) et la déconstruction (polyamour, redonner de la valeur aux connexions humaines, anarchie relationnelle). Ce ne sont pas des concepts contradictoires, mais le désir d’opposition n’est pas nécessairement toujours compatible avec la remise en question. » Pour finalement avouer : « j’ai de la difficulté à savoir si mes désirs sexuels sont vraiment miens ou s’ils sont seulement une continuation des dynamiques d’oppression genrée que je subis et dont je suis témoin depuis toujours. »

Est-ce que « mes attentes et mes désirs dans une relation sont vraiment miens ou s’il s’agit seulement de codes auxquels je pense devoir souscrire (…) une continuation des dynamiques d’oppression genrée que je subis et dont je suis témoin depuis toujours ? » En fait, les deux réalités sont vraies ; ou plutôt, c’est la seule et même réalité. Aussi frustrante que cette réalité puisse être, nos « attentes » et nos « désirs » sont toujours déjà le produit codifié par la société que je fais mien à chaque instant et avec lequel je suis en contradiction lorsque je ne veux plus être ce que je suis, lorsque je veux sortir « des dynamiques d’oppression genrée ». La remise en question a toujours quelque chose de frustrant dans cette société mais cette frustration doit nourrir notre révolte et notre volonté de changement social, pas notre haine ni notre résignation. Pour reprendre la métaphore de la noyade : le seul moyen de garder la tête hors de l’eau restera toujours de nager ou plus concrètement de se battre contre la fatalité d’être perdu au milieu de l’océan capitaliste.

Là où la remise en question devient source de frustration c’est lorsqu’elle s’illusionne d’un changement individuel, « dans ce cas-ci la libération sexuelle » sans « destruction du cadre ». Car occulter l’aspect fondamentalement social et structurel de la « libération/émancipation du cadre » ne peut que nous condamner à une lutte contre nous-mêmes, contre ce que nous sommes devenu dans cette société sans comprendre au final pourquoi il n’y a pas de réel changement qui s’opère dans nos relations quotidiennes malgré tous les efforts fournis et les combats menés. On ne fait que s’adapter en expérimentant des alternatives qui ne mènent jamais bien loin du cadre dominant – comme le fruit qui tombe de l’arbre. Il n’y a pas de contradiction entre le concept de « libération du cadre » et celui de sa « destruction » parce qu’ils vont de paire : il ne peut y avoir d’émancipation de l’individu sans détruire ce qui encadre cette individu.

Dans l’encadrement capitaliste de la vie, c’est seulement dans l’espace de la lutte sociale que peut se créer le moment d’un écart, d’une remise en question des codes, cadres et autres assignations normatives ; c’est seulement dans la remise en question collective – celle des grèves générales, des insurrections et des révolution – que l’individu peut faire ses premiers pas expérimentaux, faire le saut dans l’aventure. En retour, c’est avec le blabla de ces luttes que nous sommes en mesure de définir théoriquement ces écarts. Cependant, il ne faut pas faire des idioties et croire que celleux qui se spécialisent dans la théorie ont la vérité au bout des doigts, car la vérité est dans les luttes pas dans le doigt qui pointe la lutte. À bas les chefs !

* * *

Après avoir établi le fondement social de la subordination des femmes et réciproquement de la domination masculine, il reste encore une question : pourquoi la société capitaliste a-t-elle besoin de cette subordination spécifique des femmes pour fonctionner ? Répondre à cette question va nous permettre de définir l’enjeu à partir duquel se déploie la structure du genre comme subordination des femmes d’un côté et domination masculine de l’autre.

Sans la poser clairement c’est à cette question que cherche à répondre le texte « Esquisse d’une analyse féministe marxiste contemporaine » et pour y répondre le texte commence par « un retour aux esquisses théoriques des féministes marxistes et matérialistes des années 1970 ». Selon le texte, ces féministes affirmaient que : « l’oppression cis-hétéro-patriarcale opère selon la conjonction d’un système idéologique familial et d’une structure sociale relative au ménage. Ce complexe idéologique et structurel lié au domicile et à la famille détermine les conditions sociales et matérielles des sujets genrés subissant le capitalisme. (…) L’idéologie familiale a produit la définition du domicile entendu comme un lieu privé, hors de l’espace public, c’est-à-dire le lieu du travail et des appareils étatiques. »

L’enjeu ici semble se trouver dans la famille comme idéologie structurante du « privé » opposé au « lieu du travail » et aux « appareils étatiques » comme « public ». Mais où commence le privé et où finit le public n’est jamais vraiment clair. Par exemple : « le lieu du travail » comme « espace public » n’est-il pas aussi « un lieu privé » qui appartient juridiquement à son ou ses propriétaires ? Inversement, la nationalisation ne prouve-t-elle pas que « le lieu de travail » est entièrement « public » ? Mais jusqu’à un certain point le domicile familial aussi peut être investi et encadré par l’État et ses lois – les variantes fascistes et staliniennes du totalitarisme ont amplement démontré à quoi peut être réduit la « vie privé » dans le capitalisme. Dans le fond, le « privé » c’est toujours le privé du « public », de l’État. Néanmoins, la séparation entre la famille et le lieu de travail recoupe bel et bien celle de la sphère féminine et de la sphère masculine d’activités légitimes naturalisées. Sauf que rien nous dit que « la définition du domicile entendu comme un lieu privé » est le fondement de la subordination des femmes, ce n’est peut être qu’un élément de sa structuration, qu’une des conditions de sa réalisation. Selon moi, bien qu’étant constitutive de la structure de subordination des femmes, le concept de « privé » et de « public » n’est pas suffisant pour expliquer le fondement de cette subordination.

Mais ceci dit, voyons plus loin. « Auparavant, (…) les sujets féminins travaillaient dans, sur, et autour de leur maison, et ce travail était rythmé selon la cadence du sujet féminin exerçant la tâche en concordance avec les besoins de leur famille et de leur communauté. (…) L’arrivée des structures de production capitalistes change la régulation du rythme de travail : la force de travail des travailleur.euses est achetée par un patron et régulée selon les besoins de la production et du marché. Cela pose un problème pour les parents-travaill.eur.euse.s qui doivent composer avec les besoins familiaux dans ce nouveau rythme de travail. »

Ce qui rend ce passage sur la division sexuelle du travail intéressant c’est le problème que pose « l’arrivée des structures de production capitalistes » non seulement pour « les parents-travaill.eur.euse.s » mais aussi pour l’ensemble de la société. En fait, ce qui « pose un problème » du côté du prolétariat ce n’est pas le « nouveau rythme de travail » mais la séparation d’avec les moyens de subvenir à ses besoins essentiels – ce qui l’oblige à se soumettre au « nouveau rythme de travail » qu’impose le Capital – et du côté du Capital c’est la force de travail elle-même : il faut la reproduire car elle doit toujours être disponible en surpopulation sur le marché du travail pour être acheté à rabais par des capitalistes afin de mettre en mouvement les moyens de production qu’ils possèdent et qui ont pour seule utilité de produire du profit. C’est là tout l’enjeu du salaire de savoir quelle part de la valeur produite par le travail revient à la reproduction directe de la force de travail, le reste devenant de la plus-value. Mais c’est là aussi tout l’enjeu de la lutte de classes car le travail existe dans la mesure où le Capital s’efforce d’un côté d’augmenter la population ouvrière mais en même temps n’existe pas dans la mesure où le capital s’efforce de l’autre côté à diminuer la partie nécessaire du travail – le salaire – de cette population qui devient de trop. Et c’est à partir de là enfin que la question des femmes est devenu un problème qui se pose et un enjeu qui s’impose, car si « la division sexuée du travail s’est fixée en concordance avec les structures de production capitalistes » c’est parce que « les besoins familiaux » sont devenus un problème dans un monde où la force de travail est « régulée selon les besoins de la production et du marché ».

Ce n’est pas tout ! Si la question des femmes en est venue à se poser comme un problème dans la société capitaliste c’est aussi parce que la mobilisation impersonnelle de la force de travail globale par les capitalistes entre en contradiction avec le besoin essentiel de mobiliser une part importante de cette force de travail dans le seul but de produire et reproduire une classe d’individus qui ne possèdent que leur force de travail et qui – en vertu de cette qualité – doivent toujours être disponibles à se vendre contre un salaire. Pour la classe capitaliste, le travail ne possède qu’une qualité celle de produire de la valeur. Tout le travail de reproduction à domicile n’a donc aucune valeur pour le Capital et c’est pourquoi il est invisible pour la société. Sauf que cette uniformisation du travail sous sa forme abstraite de production de valeur fait en sorte que la division sexuelle du travail ne va plus de soi, qu’elle est constamment remise en cause par cette uniformisation. Et bien sûr, ce sont les femmes qui doivent supporter cette contradiction en étant à la fois exclues de la sphère productive afin de se vouer aux « tâches de reproduction » et à la fois contraintes au salariat comme les hommes ; ce sont elles qui subissent le double travail. Mais encore là, la question demeure : pourquoi ce sont les femmes qui doivent être assignées aux « tâches de reproduction ».

La réponse proposée par le texte selon le point de vue des « féministes matérialistes et marxistes des années 1970 » n’en est malheureusement pas une : « En vertu de l’idéologie familiale, les sujets féminins ont été relégués à la sphère du domicile pendant que les sujets masculins travaillaient. » Mais cette idéologie elle vient d’où, elle est l’idéologie de quoi au juste ? De la famille ? Mais nous ne sommes pas plus avancé. Qu’est-ce qui rattache les femmes à la famille, quelle nécessité ? Et ça n’apporte pas grand chose à la réponse de rajouter qu’« historiquement, les tâches de production ont donc été attribuées aux « hommes », et les tâches de reproduction aux « femmes »». Mais pourquoi en est-il ainsi historiquement ? Plus loin le texte poursuit : « l’idéologie familiale établie, renouvelle et détermine les conditions de possibilité de l’identité genrée. Le système famille-ménage et la division sexuée du travail qui en découle fondent les thèmes qui façonnent l’identité genrée des sujets : les sujets genrés sont le reflet des sphères qu’ils occupent. » En gros : « la production de sujets genrés » est une production qui a pour usine la famille. Tout part de la famille – « l’idéologie familiale », « la structure sociale relative au ménage », « la production de sujets genrés », etc. – mais rien n’est vraiment dit sur cette famille à part qu’elle est « entendu comme un lieu privé ».

En revanche, rien est plus vrai dans la société capitaliste que de dire que « les sujets genrés sont le reflet des sphères qu’ils occupent » mais encore faut-il expliquer pourquoi chacun et chacune occupe une sphère plutôt qu’une autre. Pour ça, il faut découvrir la fonction qui détermine la sphère occupée et par la même occasion détermine le statut du sujet ; même l’idéologie est redevable de la fonction qui la nécessite et la produit comme telle. Quelle est donc la fonction de la famille ?

Jusqu’à maintenant nous avons vu que le fondement de « l’inégalité entre les sujets masculins et féminins » ne se trouve pas « au sein de la sphère privée » mais nous avons également remarqué que la famille n’en reste pas moins la sphère que doit occuper les femmes, le lieu de leur aliénation contrairement aux hommes pour qui c’est le lieu de travail – car quand ils y sont c’est simplement pour y travailler donc ils y sont mais sans y être car ce qu’ils y font ne leur appartient pas, d’où leur aliénation. Mais concernant le fondement de « l’inégalité entre les sujets masculins et féminins » qui ne se trouve pas « au sein de la sphère privée » le texte en arrive à des conclusions semblable : « La différenciation genrée opérée par la démarcation entre la sphère publique et la sphère privée ne semble plus être une bonne figure d’analyse pour comprendre l’oppression genrée d’aujourd’hui. »

Maintenant voyons ce que le texte propose d’autre : « Ce qui produit l’inégalité et la différence genré se situe donc au sein de l’économique : plus précisément, c’est la démarcation entre la sphère du travail directement médié par le marché (DMM) qui se caractérise par un travail produisant de la valeur (…) et la sphère du travail indirectement médié par le marché (IMM) qui quant à elle est constituée d’un travail considéré comme produisant de la non-valeur. » Les femmes sont reléguées « à la sphère du domicile pendant que les sujets masculins travaillaient » parce que le travail des femmes est « considéré comme produisant de la non-valeur », comme étant « indirectement médié par le marché ». Mais comme le dit le texte lui-même : « Alors pourquoi les sujets féminins sont-ils ancrés dans un travail indirectement médié et distinct du marché ? » Est-ce parce que « les sujets féminins sont avant tout mères, et doivent reproduire et entretenir la force de travail future » ? Eureka ! Là nous avons une réponse qui fait sens car elle implique directement, spécifiquement les femmes.

En partant de l’idée que l’action d’avoir des enfants n’aura jamais le même contenu pour les femmes que pour les hommes, il est possible de saisir concrètement par où passe la fonction spécifique des femmes dans la société capitaliste : par le corps. Qui n’a pas déjà entendu dire que le corps des femmes ne leur appartient pas ? C’est parce qu’il est défini par une altérité structurante qui construit sa subordination. Il en est de même pour les hommes. Le corps c’est ce qui agit et peut donc être contraint au travail et celui des hommes est orienté vers une seul dimension : être une force de travail dont le corps – et l’esprit qui va avec – sera façonné par son « lieu de travail », par le « nouveau rythme de travail » qu’impose le mode de production capitaliste. Si les hommes ne doivent pas pleurer c’est peut être parce que la société capitaliste n’a que faire de leurs sentiments, c’est seulement leur savoir-faire, leur virilité au travail qui l’intéresse.

Pour les femmes, la mise en fonction du corps passe par sa capacité à enfanter et par sa disponibilité à l’accouplement. C’est d’ailleurs là tout l’enjeu qui pousse la société capitaliste à s’investir autant dans la propagande nataliste et dans la violence misogyne afin d’orienter la vie des femmes vers une seule dimension : faire des enfants. La famille est essentiellement le lieu où se déploie l’encadrement et le contrôle de cette capacité et de tous les dispositifs relié à la croissance et au développement du produit vivant. C’est finalement pour ça que la famille « établie, renouvelle et détermine les conditions de possibilité de l’identité genrée ».

Ce que nous n’avons fait jusqu’ici c’est de décrire la structure de genre comme subordination des femmes et domination des hommes sans jamais l’expliquer, mais maintenant nous sommes en mesure de le faire en répondant à la question que nous avons posé plus haut : pourquoi la société capitaliste a-t-elle besoin de la subordination spécifique des femmes pour fonctionner ? Parce que le procès de production capitaliste considéré dans sa reproduction ne produit pas seulement marchandise ni seulement plus-value mais produit et éternise avant tout le rapport social entre capitaliste et prolétaire et pour ce faire doit s’assurer de produire une masse de prolétaires suffisante pour rentabiliser sa production de marchandises par une part plus grande de plus-value sur le travail. Cette production de prolétaires ne peut toutefois se contenter de remplacer la main d’oeuvre existante qui s’épuise et se brise assez rapidement à cause des conditions d’exploitation qui n’ont jamais eu pour but d’améliorer la santé ni de nourrir sainement ses victimes, elle se doit aussi de l’augmenter sans cesse au même rythme qu’augmente la composition organique du Capital. De par leur position dans le procès de reproduction des conditions générales d’exploitation, les femmes ont donc pour fonction de regénérer et d’augmenter la principale force productive de la société : les travailleurs sans lesquels il n’y a pas de surtravail, et c’est parce que la reproduction de la force de travail est une condition essentielles à la valorisation du Capital que le travail invisible et gratuit qu’exécute les femmes dans la consommation ouvrière apparaît à son tour comme la reproduction non pas directement du Capital mais de certaines conditions qui seuls le mettent en état d’être du Capital.

Mais cela ne veut pas dire que la lutte contre le capitalisme est prioritaire et celle contre la domination masculine et la subordination des femmes est secondaire, bien au contraire : sans abolition de la structure de genres il ne peut y avoir d’abolition de la société capitaliste. C’est un peu à ce genre de questionnement que nous laisse la conclusion du texte : « la lutte actuelle se doit d’exiger un dépassement du capitalisme, qui, n’étant pas nécessairement la cause directe de l’oppression genrée, perpétue tout de même structurellement une oppression matérielle et réelle ». Bien que le capitalisme n’ait pas inventé « l’oppression genrée » – il n’as pas plus inventé la lutte de classes d’ailleurs – il est quand même « la cause directe de l’oppression genrée » dans la vie de tous les jours car il est tout ce qui se fait dans la société actuelle : le capitalisme est une phase historique de l’exploitation. Autrement dit, le monde qu’il faut changer est entièrement produit par la totalité du processus capitaliste. Il n’y a pas d’histoire parallèle entre les différentes oppressions, il n’y a que des oppressions – et les luttes qu’elles font naître – qui forme l’histoire du capitalisme.

Nouvelle Alliance, vieilles rengaines: que cache le confusionnisme gauchedroitisant de cette jeunesse réactionnaire?

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Mai 212024
 

De Montréal Antifasciste

Au courant de l’année 2022 est apparue au Québec une nouvelle « organisation politique » séparatiste à caractère ultranationaliste baptisée Nouvelle Alliance (NA), en référence assumée à l’Alliance Laurentienne, une association d’extrême droite animée entre 1957 et 1963 par l’auteur et militant réactionnaire Raymond Barbeau (1930-1992)[i].

Depuis sa création, NA a mené à Montréal et ailleurs au Québec une série d’actions (commémorations solennelles, campagnes d’affichage, accrochages de bannières, veille au flambeau, etc. Voir l’annexe pour une liste non exhaustive des actions.) rappelant directement le modus operandi privilégié au cours des dernières années par d’autres formations d’extrême droite, comme le groupe néofasciste Atalante Québec et l’éphémère Front canadien-français (FCF). Les membres fondateurs et principaux militants de Nouvelle Alliance sont d’ailleurs d’anciens membres de ce dernier groupuscule, proche émule des cercles ultracatholiques fascisants du Québec, ce qui n’a bien sûr rien d’une coïncidence, quoi qu’en disent les principaux intéressés.

En octobre dernier, le média indépendant Pivot.media faisait paraître un excellent article sur Nouvelle Alliance (que nous vous encourageons fortement à consulter) exposant certaines des contradictions qui caractérisent le groupe.

Une prétention en particulier relevée dans cet article nous semble à la fois hautement saugrenue et digne d’une étude plus attentive : celle voulant que Nouvelle Alliance ne soit « ni de droite ni de gauche ». Cette affirmation, comme nous le verrons, n’a jamais vraiment résisté à l’épreuve des faits, mais un développement récent est venu la disqualifier sans appel. Le 16 février dernier, les militants de NA ont mené une action devant le bureau du ministre fédéral de l’Immigration en y déployant une bannière déplorant une prétendue « subversion migratoire », reprenant une obsession centrale de l’extrême droite, ainsi que la revendication nationaliste classique des « pleins pouvoirs » en matière d’immigration. Quatre jours plus tard, ils doublaient la mise en mettant en ligne une vidéo dénonçant « l’immigrationnisme », en soi un terme forgé par l’extrême droite en France et repris depuis par la droite libérale, la « submersion » migratoire ainsi que le « remplacement » de population, en référence voilée à la thèse du « grand remplacement », une autre affabulation développée au sein de l’extrême droite française.

On le voit bien, malgré sa prétention d’être « ni de droite ni de gauche », NA met de l’avant dans cette séquence d’actions un message qui reprend le vocabulaire de l’extrême droite française, lequel est également en vogue dans les cercles d’extrême droite européen et nord-américain. Ce cadre référentiel « nationaliste » (au sens euphémistique cher aux mouvements identitaires, fascistes et néonazis) explique aussi sans doute la popularité du groupuscule sur les médias sociaux auprès de très nombreux groupes et individus clairement affichés à l’extrême droite.

Le présent article a pour objet de démystifier une fois pour toutes la notion voulant que cette organisation soit politiquement neutre ou inoffensive, de démontrer qu’elle s’inscrit de plain-pied dans l’extrême droite contemporaine, de mettre en garde les jeunes militant·es indépendantistes qui, peut-être par naïveté, seraient tenté·es de succomber à leurs discours, et surtout, d’alerter la communauté au danger qu’elle pose afin de faire efficacement barrage à toute tentative d’infiltration des milieux progressistes.

—> Qui sont les principaux militants de Nouvelle Alliance?

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Nouvelle Alliance jusqu’à présent…

Dans le but avoué « d’apporter la lutte pour l’indépendance dans la rue », Nouvelle Alliance se présente comme une sorte d’avant-garde séparatiste militante et adopte une mise en scène qui n’est pas sans rappeler les rituels de l’extrême droite historique, voire du néofascisme contemporain. Ses militants, presque exclusivement des jeunes hommes – et ce n’est pas fortuit –, semblent soucieux de projeter une apparence conservatrice classique, combinant des codes hypermasculins traditionnels (costumes coupés, apparence soignée, etc.) et une esthétique reprise en partie des mouvements de droite radicale (manteaux d’aviateurs ornés de l’emblème de l’organisation, veillée au flambeau, éléments pyrotechniques, etc.). Ils empruntent aux mêmes précurseurs leur allure bizarrement austère, leur posture quasi militaire et leur ton exagérément grave, souvent catastrophiste.

10 septembre 2023 – Hommage à Montcalm, avec flambeaux et drapeaux du Québec.

23 avril 2023 – Accrochage d’une bannière « Gouverner ou disparaître » avec drapeaux du Québec et fumigènes sur le Pollack Concert Hall de l’Université McGill.

26 novembre 2022 – Rassemblement à Saint-Denis-sur-Richelieu en l’honneur des patriotes.

22 mai 2023 – Manifestation pour la Journée nationale des patriotes.

15 Octobre 2022 – Accrochage d’une bannière « Je suis séparatiste » sur l’autoroute Décarie, dans une circonscription à majorité anglophone.

En plus de ces manifestations ostentatoires, il est avéré que les principaux militants de NA descendent directement de l’éphémère Front canadien-français, dont nous avons démontré les liens étroits avec l’extrême droite québécoise par sa proximité avec des individus comme Alexandre Cormier Denis et Philippe Plamondon (Nomos.tv, Horizon Québec actuel), Étienne Dumas (Mouvement tradition Québec) et la Fédération des Québécois de souche. En plus de l’Alliance Laurentienne de Raymond Barbeau, NA s’inspire aussi, de manière moins transparente, du journal La Nation de Paul Bouchard et des Jeunesses patriotes des frères Walter et Dostaler O’Leary, deux autres précurseurs « séparatistes » d’inspiration fasciste (ou « corporatistes ») et du Centre d’information nationale (CIN) de Robert Rumilly, en plus de faire régulièrement appel à la mémoire du chanoine Lionel Groulx, connu pour ses prises de position réactionnaires et son antisémitisme explicite. On devine aussi parmi leurs inspirations militantes des projets moins marqués à droite, comme le FLQ, les Chevaliers de l’Indépendance, le Mouvement de libération nationale du Québec (MLNQ) de Raymond Villeneuve et le Réseau de Résistance du Québécois (RRQ).

Action du Front canadien-français au printemps 2019, au monument à Dollard des Ormeaux, à Montréal. À l’avant-plan, François Gervais et Suleyman Ennakhili, aujourd’hui militants de Nouvelle Alliance.

Le « cœur laurentien » est une référence à l’Alliance Laurentienne et au journal Laurentie, une inspiration directe de Nouvelle Alliance.

Jean-Philippe Desjardins Warren, étudiant en histoire, est à l’évidence un leader organique de Nouvelle Alliance. Il est aussi le militant du groupe le plus marqué à l’extrême droite. Il relaie ici des copies du journal Laurentie et un livre de l’abbé Wilfrid Laurin, dont les fondateurs de l’Alliance Laurentienne se voulaient les continuateurs.

Le chanoine Lionel Groulx est une référence constante de Nouvelle Alliance, comme il l’était pour le Front candadien-français. Il est ici juxtaposé à des militants indépendantistes des années 1960.

Le slogan « Je suis séparatiste », évoque notamment (mais pas que) le projet politique (fasciste) du journal La Nation, de Paul Bouchard.

Nouvelle Alliance force ici un rapprochement entre Lionel Groulx (réactionnaire) et le syndicaliste Michel Chartrand (progressiste), que presque tout opposait sur le plan social. Cette image à elle seule reflète parfaitement l’impossibilité catégorique de la synthèse que NA dit vouloir opérer.

En outre, un examen rapide de leurs plateformes de médias sociaux (ici sur Instagram, là sur Twitter/X) révèle un très grand nombre de sympathisants (groupes et individus) identifiés à l’extrême droite, affichant par exemple des symboles du fascisme, des courants identitaires européens, de l’ultranationalisme ou du nationalisme blanc, de l’Alt-Right, etc. Il faudrait être bien naïf pour croire que la convergence de tous ces éléments relève du hasard et de la coïncidence.

Les animateurs du journal Le Harfang (l’organe de la Fédération des Québécois de souche) ne s’y trompent pas : Nouvelle Alliance n’est rien de plus qu’un inoffensif regroupement de patriotes! C’est pourquoi ces fascistes notoires leur témoignent toute leur solidarité!

Les frasques de Nouvelle Alliance leur ont attiré une certaine attention sur les médias sociaux, au-delà de leur cercle de sympathie.

Bien dit…

L’un des membres les plus flamboyants de NA, Aurélien Nambride, affiche quant à lui sa fierté de représenter au Québec le Rassemblement National (RN, anciennement Front National), une formation dont il est peut-être inutile de rappeler qu’elle a été fondée par d’anciens nazis et qui, malgré tous les efforts de « dédiabolisation » déployés au fil des ans, est à tout jamais ancrée dans l’univers culturel et politique néofasciste. Nambride ne cache pas non plus son admiration pour le parti Alternative für Deutschland (AfD), une autre formation résolument campée à l’extrême droite (vois le clip vidéo ci-dessous).

Le militant de Nouvelle Alliance, Aurélien Nambride, dit représenter l’aile jeunesse du Rassemblement National au Québec.

Aurélien Nambride est un habitué des congrès de l’aile jeunesse du Parti Québécois. À notre connaissance, le PQ n’a jamais pris acte des invitations qui lui ont été lancées à prendre ses distances d’avec ce petit facho.

—> Qui sont les principaux militants de Nouvelle Alliance?

Faux-culs et faux-semblants… le gaslighting comme stratégie politique

Les militants de NA insistent donc pour répéter à qui veut l’entendre qu’ils ne sont « ni de droite ni de gauche[iii] ». Pourquoi ce faux-fuyant? Ça ne devrait pourtant pas être bien compliqué pour ces jeunes réactionnaires de s’affirmer franchement pour ce qu’ils sont effectivement, plutôt que de louvoyer et de s’incruster dans un pitoyable déni. C’est on ne peut plus hypocrite pour une organisation de porter aussi clairement sur sa manche un projet politique, de le nier en même temps, puis de prétendre vouloir rapprocher les nationalismes par-delà la « gauche » et la droite afin de réaliser l’indépendance autour d’un projet à définir ultérieurement. Il est important de le reconnaître, puisque le procédé lui-même cherche à faire croire qu’ils n’ont pas d’intention ultérieure, qu’ils ne mettent pas eux-mêmes de l’avant une vision politique à laquelle ils voudraient faire éventuellement conformer « le pays » réalisé.

À notre avis, cette défilade repose sur une confusion délibérée, stratégique, des genres politiques : une redéfinition confusionniste des catégories « gauche » et « droite », assortie d’un gaslighting systématique (c.-à-d. que ce que l’on voit et perçoit par nos sens et notre raisonnement serait en réalité tout autre chose; il  nous faudrait les croire sur parole!), visant à ouvrir sur la droite le faisceau des idées politiques acceptables (la fenêtre d’ Overton) dans le champ indépendantiste.

C’est essentiellement le même procédé qu’emploie systématiquement l’idéologue Mathieu Bock Côté à une échelle beaucoup plus grande. C’est en fait toute la thèse de son dernier livre[iv], qui semble précisément mis au point pour outiller conceptuellement la nouvelle génération de nationalistes réactionnaires que représente Nouvelle Alliance. MBC y répète par exemple – comme il le fait sur toutes ses tribunes – que l’extrême droite est une catégorie « fantomatique » que fabuleraient aujourd’hui le « régime diversitaire » dominant, qu’il assimile carrément à l’antifascisme[v]! Ce dernier, explique MBC, aurait en quelque sorte inventé la catégorie « extrême droite » dès les années 1920, non pas en premier lieu pour s’opposer à la montée du fascisme en tant que tel, mais pour diaboliser tous les ennemis du communisme en les regroupant sous une même étiquette!

« On en arrive ici au cœur de la thèse du présent ouvrage : ce n’est pas “l’extrême droite”, entité politique fantomatique et catégorie indéfinissable, qui menace notre démocratie, mais bien plutôt l’usage que le régime diversitaire fait du concept d’extrême droite pour frapper d’interdit, censurer ou fasciser toute forme de dissidence[vi]. (…) Au fond des choses, on retrouve ici la logique de l’antifascisme, qui conditionne profondément l’imaginaire politique démocratique, et structure encore son rapport au conservatisme. L’histoire de l’antifascisme n’est pas d’abord l’histoire de la lutte contre le fascisme mais celle de l’assimilation au fascisme des adversaires du communisme, et même du socialisme. (…) L’antifascisme dès son apparition, a d’abord eu pour fonction de désigner ceux qui s’opposaient résolument au communisme non pas en affirmant qu’il allait trop loin, tout en reconnaissant la noblesse de ses idéaux, mais bien parce qu’ils le rejetaient fondamentalement[vii]. »

Voilà un révisionnisme qui ne manque pas d’audace, quand on sait que le fascisme s’est d’abord et avant tout défini par son opposition au communisme, qui le précédait de plusieurs décennies et menaçait alors tangiblement l’ordre capitaliste un peu partout en Occident! De là à prétendre que le fascisme n’a jamais vraiment existé que dans l’œil de ses ennemis, il n’y a qu’un pas, que MBC franchit allègrement. Comme si ces mouvements politiques ne faisaient pas depuis maintenant un siècle l’objet de vastes champs d’études historiques et sociologiques, et comme si les résurgences contemporaines de l’extrême droite – de la Nouvelle Droite européenne à l’Alt-Right étatsunienne, en passant par les mouvances néonazies et les partis de droite radicale – n’avaient aucune substance réelle et n’étaient que le fruit d’une imagination communiste délirante!

Si l’étiquette peut effectivement être employée pour circonscrire un ennemi politique, de 1) c’est un procédé dont MBC fait lui-même abondamment usage (il qualifie par exemple ses ennemis de « wokes » ou Québec Solidaire de parti de « gauche radicale » pour mieux les disqualifier), et qu’il ne peut donc reprocher à personne, et de 2) il est absolument malhonnête de réduire l’emploi du terme à ce seul usage. L’extrême droite n’est d’ailleurs pas plus « indéfinissable » qu’elle est fantomatique. Au contraire, même sans être sociologue patenté ou sans se limiter aux sources de la gauche radicale, on peut sans difficulté en trouver des définitions raisonnablement consensuelles. Contentons-nous pour l’exercice de consulter la rubrique Wikipedia pour « extrême droite », qui est une source aussi légitime qu’une autre et regorge de références pour quiconque souhaite creuser la question davantage. MBC, qui est lui-même un des principaux passeurs des idées d’extrême droite dans des médias privés les plus consultés, écoutés et regardés au Québec, en plus de jouer un rôle considérable en France comme faire-valoir des formations d’extrême droite (le Rassemblent national et le parti Reconquête d’Éric Zemmour) sur les plateformes que contrôle le multimilliardaire ultracatholique Vincent Bolloré, ferait peut-être mieux de potasser ses définitions plutôt que de dire de la marde. À moins bien sûr que « the marde is the medium » et qu’il ne s’agisse en fait que d’un moyen pour lui d’empoisonner le puits et de favoriser systématiquement la résurgence de l’extrême droite dans les sociétés où il exerce son influence toxique. Toujours en le niant farouchement, évidemment.

L’une des innombrables chroniques de Mathieu Bock Côté où il donne la preuve qu’il vit dans un monde imaginaire.

Quoi qu’en disent les principaux intéressés, le rejet plus ou moins radical de l’immigration[viii] est un point commun à tous les mouvements d’extrême droite, et c’est un élément de discours central de presque tous les groupes et individus mentionnés dans cet article jusqu’ici[ix]. C’est en tous cas une obsession maladive de Mathieu Bock Côté et, manifestement, une préoccupation majeure de Nouvelle Alliance, comme nous le verrons plus loin.

Nous avançons ici l’hypothèse que les militants de Nouvelle Alliance forment en fait une espèce de « jeunesse bockcôtéienne » qui ne dit pas son nom; on retrouve chez eux comme chez l’autre le même déni confusionniste, le même gaslighting corolaire, le même nationalisme faussement libéral et le même jupon fascisant dépassant des mêmes atours bourgeois tenant de la même coquetterie rétrograde. La principale différence entre eux est la volonté exprimée par le jeune groupuscule de faire sortir le nationalisme (ou la « lutte pour l’indépendance »)  dans la rue, ce qu’on ne peut certes pas reprocher à MBC[x]. Nouvelle Alliance est pour ainsi dire l’inévitable incarnation des idées que propage Mathieu Bock-Côté (et d’autres comme lui) depuis une quinzaine d’années, mais sur un mode militant reprenant les recettes déjà employées par des formations plus ou moins fascisantes, comme Atalante Québec, elles mêmes inspirées d’initiatives similaires en Europe (voir CasaPound, Groupe Union Défense, etc.).

L’essentiel à retenir ici est que sous une rhétorique faussement neutre, et en dépit du gaslighting qui sous-tend toute la démarche, NA est sans conteste une initiative rangée loin sur la droite du spectre politique et dont le projet immédiat est précisément de tirer le milieu nationaliste québécois vers la droite, notamment par une stratégie entriste dans les formations politiques traditionnelles comme le Parti Québécois et le Bloc Québécois. En se disant « ni de droite ni de gauche », elle cherche sans doute en partie à attirer vers elle des militant·es indépendantistes aux penchants progressistes, mais plus qu’un appel du pied aux « nationalistes de gauche »,  l’intention réelle de cette confusion cultivée est de consolider le bloc de droite en favorisant une tolérance accrue des éléments de discours de l’extrême droite nationaliste (notamment sur la question de l’immigration et de l’évolution démographique) parmi les segments conservateurs plus classiques ou libéraux. Le but visé est en réalité une tolérance mutuelle entre la droite traditionnelle et l’extrême droite et une normalisation culturelle de cette dernière de manière plus générale, qui doit à terme se traduire par des transformations politiques sur le plan institutionnel.

Le militant de Nouvelle Alliance, Émile Coderre, est visiblement très impliqué au Bloc Québécois. Il annonce ici son intégration à l’équipe du député bloquiste Martin Champoux.

Les militants de Nouvelle Alliance participent régulièrement aux congrès de l’aile jeunesse du Parti Québécois.

Plusieurs militants de Nouvelle Alliance au congrès du Comité national des jeunes du du Parti Québécois, en août 2023.

Ça n’est pas d’hier que les militants de Nouvelle Alliance visent à se rapprocher du Parti Québécois… Les voici avec Pascal Bérubé en 2019.

Le sympathique compte Twitter/X Le troupeau de petits Elon cherche depuis longtemps à attirer l’attention sur les tentatives par les militants de Nouvelle Alliance d’infilter les instances du Parti Québécois.

À certains égards, le pseudo-centrisme droitisant du régime politique actuel représente déjà une synthèse du libéralisme économique dominant et du repli identitaire que prônent des formations comme NA. La rivalité dans l’outrage observée ces derniers temps entre la Coalition Avenir Québec et le Parti Québécois sur diverses questions liées à l’immigration (généralement rabattues sur les seuils et la « capacité d’accueil ») donne à penser que le contexte actuel est particulièrement favorable à cette dérive[xi].

Et que propose concrètement cette soi-disant nouvelle alliance?

NA dit vouloir réaliser l’indépendance dans les plus brefs délais avant de définir un projet démocratique pour un Québec indépendant, au lieu de d’abord définir un projet pour le réaliser de manière démocratique par la suite. Autrement dit : faisons l’indépendance aujourd’hui, et le processus lui-même s’occupera de définir ce que cela implique concrètement. On ne peut donc inférer le genre de pays que ces messieurs aspirent à créer que sur la base de leurs influences, de leurs filiations, du milieu dans lequel ils opèrent et enfin, des positions qu’affiche plus ou moins ouvertement l’organisation.

Sur le plan de l’immigration et de la future composition de la société québécoise, l’affaire est entendue. Le nationalisme de repli identitaire que met de l’avant Nouvelle Alliance revendique explicitement un droit de priorité et de supériorité nationale de la majorité historique québécoise de souche canadienne française. De sa récente vidéo, qui recycle sur un mode paranoïaque la sempiternelle revendication nationaliste du rapatriement des « pleins pouvoirs » en matière d’immigration, on comprend qu’implicitement, le groupe milite en fait pour une réduction drastique de l’immigration dans le but de préserver la prédominance démographique de cette majorité historique. Dans l’éventualité où une telle « organisation politique » ou une autre formation inspirée par celle-ci venait à imposer son programme, il va sans dire qu’elle prendrait des mesures draconiennes pour restreindre l’immigration de manière générale, voire la freiner tout à fait, avec ce que cela implique de conséquences.

Capture d’écran tirée de la vidéo anti-immigration mise en ligne par Nouvelle Alliance le 20 février 2024.

Transcription de la vidéo

« Le 25 janvier dernier, le Québec a franchi la barre des 9 millions d’habitants. Qu’on se le dise, cette montée de la population est loin d’être un second baby-boom. Depuis trop longtemps, le Canada cherche à accomplir son utopie postnationale par une immigration toujours plus intensive.

Bien qu’on nous assure le contraire à Ottawa, c’est bel et bien la mise en œuvre des plans du « Century Initiative », qui se joue devant nous : faire du Canada un pays de 100 millions d’habitants en 2100.

Les élites politiques, économiques et médiatiques canadiennes ambitionnent d’aller au-delà de l’État-Nation pour devenir le premier pays sans attachement identitaire.

S’il s’agit du but premier de cette immigration de masse, elle en cache pourtant un autre : faire diminuer notre poids démographique et notre influence politique pour en finir avec nos revendications nationales. Cette tactique n’est pas nouvelle. Elle est directement héritée du Rapport Durham : diluer une population insoumise en la remplaçant par une autre qui sera fidèle au régime. Un truc vieux comme le monde. Un calcul froid et machiavélique. On n’est pas dupe : la démographie fait l’histoire. Notre nombre est notre force.

Quand sera-t-il de l’avenir culturel du Québec? Qu’en sera-t-il de la majorité canadienne française ? Si rien n’est fait pour renverser la tendance, ça sera un point de non-retour. Nous deviendrons une minorité sur la terre de nos pères, car c’est une véritable submersion qui se produit sous nos yeux.

Notre génération doit avoir le courage de nommer le réel tel qu’il se présente à nous, sans haine, dans une démarche constructive, et chiffres à l’appui.

On le fait par devoir citoyen, mais aussi pour laisser à nos enfants un endroit où ils demeureront maîtres chez-eux.

Il ne s’agit pas de condamner personnellement les gens qui sont nouvellement arrivés au Québec. Ce qu’on dénonce, c’est l’immigrationisme comme modèle de développement socioéconomique et ceux qui s’en servent comme outil politique.

Si on veut être pleinement maître de nos frontières et de nos politiques d’immigration, une seule solution s’impose : l’indépendance du Québec, maintenant, pendant qu’il en est encore temps. »

NA s’inscrit ici dans la longue histoire des récriminations au fédéral en matière d’immigration et reprend volontiers à son compte la théorie du complot voulant que le méchant Canada « inonde » le Québec d’immigrants « fidèles au régime » pour étouffer les aspirations du peuple québécois à sa souveraineté politique. Quand une organisation commence ainsi à parler publiquement de « submersion » et de « subversion migratoire », on conviendra qu’il est tout naturel d’évoquer, au minimum, sa parenté avec les mouvements d’extrême droite…

Sur le plan socioéconomique, quoi qu’en pensent les militants de NA, il existe des différences absolument irréconciliables entre visions « de gauche » et « de droite », et une infinité de nuances possibles entre les deux. Il va sans dire qu’avant d’accorder sa confiance à un regroupement marginal de petits messieurs nationalistes peignés sur le côté, on voudra savoir à quelle enseigne ceux-ci logent vraiment en matière de production et de distribution de la richesse, de rapports économiques, de solidarité et de protections sociales, de relations de travail, etc. Au-delà des poncifs sur les méchants banquiers anglais, rien ne porte à croire que NA envisage un avenir post-capitaliste pour le Québec indépendant, et si son approche socioéconomique repose d’entrée de jeu sur une collaboration de classe pour réaliser l’indépendance, il y a fort à parier que sa version d’un Québec souverain en est une où les rapports de classe resteront intacts.

Sur le plan de la décolonisation, NA ne dit rien de la souveraineté des peuples autochtones, et encore moins de sa préséance sur la souveraineté du Québec. Aucun projet de société en Amérique du Nord ne peut faire l’économie d’une réflexion approfondie sur la décolonisation, la restitution du territoire, la réconciliation des peuples et la guérison authentique des traumatismes générationnels. Les mouvements nationalistes québécois – généralement prompts à dépeindre le Québec en victime plutôt qu’en agent du colonialisme – ont plus souvent qu’autrement fait preuve de mépris à l’égard des revendications autochtones, ou dans les meilleurs cas, de considérations symboliques rarement assorties de démarches concrètes. Il s’agit à notre avis, d’une priorité absolue, et non d’un enjeu secondaire.

Sur la question écologique, rien de concret non plus. Leur vision d’un avenir écologique pour le Québec, pour peu qu’ils en aient une, pourrait facilement servir de prétexte à recentrer les préoccupations anti-immigration propre à l’extrême droite et aux courants écofascistes.

Sur le plan de l’équité de genre, Nouvelle Alliance ne laisse rien présager de bon non plus. Les femmes sont essentiellement absentes de leurs actions (à part sous forme de token, pour les photos), et celles dont on sait qu’elles sont liées à l’organisation affichent des positions d’extrême droite (voir ci-dessous). Ce déséquilibre dans le genre a sans doute à voir avec la présentation rébarbative du groupuscule, mais aussi peut-être avec la pression supplémentaire à la reproduction placée sur les femmes de la population majoritaire, la contrainte au « réarmement démographique », qui constitue un corolaire évident du repli identitaire et du discours anti-immigration…

Ce ne sont là que quelques unes des considérations essentielles qu’il faut examiner en profondeur AVANT de commencer à parler d’un projet d’indépendance, et non après. À plus forte raison si les individus qui se présentent aujourd’hui comme l’avant-garde séparatiste affichent déjà des tendances réactionnaires confinant au repli ethnique et au rejet de la diversité.

Qui sont les principaux militants de Nouvelle Alliance?

Section de Montréal

La section de Montréal est la première à avoir été créée, et la plus nombreuse si l’on se fie aux photos des différentes actions et évènements.

François Gervais
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François Gervais est d’abord apparu sur notre radar lorsqu’il s’est pointé avec son ami Suleyman Ennakhili dans la grande manifestation pour le climat du 27 septembre 2019 en brandissant un drapeau Carillon Sacré-Cœur (emblème sacré du nationalisme réactionnaire). Tous deux faisaient alors partie du maintenant défunt Front canadien-français (FCF). Le jeune Gervais avait aussi signé le « Manifeste contre le dogmatisme universitaire » à titre d’étudiant en Histoire et civilisation au Cégep Lionel-Groulx.  Nous soupçonnions qu’il était celui qui posait des collants FCF à Sainte-Thérése à cette époque-là.

Si l’on en croit sa signature de cette lettre ouverte d’avril 2021, il était à ce moment-là « représentant jeune » pour Mirabel du Comité national des jeunes du Parti Québécois (CNJPQ).

De simple membre du FCF, on l’a vu prendre du gallon et gagner en influence. Depuis le FCF, on peut dire que beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. En effet, on peut considérer François Gervais comme le principal artisan de Nouvelle Alliance. Il en est en tous cas le « président », le porte-parole et le principal visage public. Présent dans la plupart des activités, il semble s’imaginer en grand timonier menant ses hommes vers la gloire immortelle. Le noyau dur de l’organisation tourne autour de sa bande d’amis de la Rive-Nord, certains rencontrés dans le secteur de Pointe-Calumet, dont il est originaire, d’autres dans l’entourage du cégep Lionel-Groulx à Sainte-Thérèse, puis dans la frange brune du mouvement souverainiste. Il étudierait aujourd’hui à l’Université de Montréal et habiterait toujours chez papa et maman dans son secteur natal.

François Gervais a notamment joué une victime d’intimidation dans le merdique téléroman Destinées, à TVA.

Fait anecdotique, mais intéressant pour cerner le caractère théâtral du personnage et de son projet, Gervais a un passé d’enfant-acteur. Il est parfois difficile, en effet, de se concentrer sur le message politique de NA sans être complètement distrait par leur cosplay de masculinité grand-homme-important rétrograde… La principale question qui nous tenaille au sujet de Gervais reste pourtant la suivante : qu’a bien pu faire le « petit Loïc » à ses cordes vocales pour faire fitter cette voix de stentor dans ce frame de freluquet? Qu’en pensez-vous?

Suleyman Ennakhili
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Un autre ancien du Front canadien-français, il est originaire de Pointe-Calumet et accompagne souvent François Gervais. Il a étudié au cégep Lionel-Groulx jusqu’à avril 2023, au minimum.

En 2020 nous écrivions à son sujet : « Présent aux actions du FCF, nous l’avions déjà aperçu à deux reprises arborant le Carillon Sacré-Cœur : à la manifestation islamophobe “La Vague bleue” le 4 mai 2019 à Montréal (ironiquement, sous la bannière prolaïcité des nationaux-populistes) et à la grande manif pour le climat du 27 septembre 2019. Originaire de Pointe-Calumet, on lui doit peut-être les autocollants du FCF apparus à Saint-Joseph-du-Lac. »

Suleyman Ennakhili parmi les boomers et les ti-counes assortis de la Vague bleue, le 4 mai 2019, brandissant un carillon Sacré-Cœur sous une bannière prônant la laïcité…

François Gervais et Suleyman Ennakhili dans la grande manifestation pour le climat du 27 septembre 2019, à Montréal. La première fois qu’ils voyaient des antifascistes de proche…

Suleyman Ennakhili exerce sa fougue oratoire à Saint-Denis, le 26 novembre 2022.

Jean-Philippe Desjardins Warren
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https://www.facebook.com/penseeslaurentiennes/

Ancien du FCF, il fait partie de la petite bande de François Gervais à l’origine du projet Nouvelle Alliance.

En 2020 nous écrivions : « Résidant de Longueuil et étudiant en Histoire à l’UQAM, ce proche de Jason Mc Nicoll Leblanc ne nous est pas inconnu. Passé par la scène punk, il a gravité quelque temps dans le milieu underground montréalais, à l’époque où il étudiait au Cégep du Vieux-Montréal. Il a ensuite transité vers le métal noir québécois, où il a dû faire de mauvaises rencontres… Plus tôt cette année, il a signé le “Manifeste contre le dogmatisme universitaire” avant de participer aux actions du FCF. Il s’impliquerait par ailleurs au Conseil Jeunesse de la Société Saint-Jean-Baptiste. ». Il a depuis rédigé une brochure sur les patriotes pour le compte du député Xavier Barsalou-Duval du Bloc Québécois.

Depuis, le portrait s’est encore noirci, puisque Jean-Philippe est maintenant le membre le plus ouvertement d’extrême droite de Nouvelle Alliance. Prenons pour preuve cette photo de lui accoutré d’un t-shirt de l’organisation ultraconservatrice (et en voie de dissolution par le gouvernement français) Académia Christiana.

Jean-Philippe Desjardins Warren porte un t-shirt de l’Academia Chistiana, une association d’extrême droite instituée par un des fondateurs de Génération Identitaire.

Jean-Philippe Desjardins Warren lors d’une opération d’affichage à Montréal, à l’hiver 2023.

Jean-Philippe Desjardins Warren à Saint-Denis-sur-Richelieu, le 25 novembre 2023.

Il habite sur la Rive-Sud de Montréal. À l’heure d’écrire ses lignes, il est toujours étudiant à la maîtrise en Histoire à l’UQAM. Il administre vraisemblablement les comptes FB et Instagram « Pensées Laurentiennes ».

Zachary Ouimet
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Un suiveux et fidèle de François Gervais, on l’aperçoit souvent dans les actions et évènements de Nouvelle Alliance.

Elliot Labrie Laplante
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Un autre ancien du FCF et suiveux de François Gervais. Il vient de Sainte-Thérèse et aurait étudié à Lionel-Groulx. Il ne brille pas par son courage lors des rencontres avec des militants antiracistes.

Jeremy Racicot
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Ancien du FCF également. Il étudie à l’UdeM.

Le groupe de hangers-on du Front canadien-français qui allait bientôt former le noyau dur de Nouvelle Alliance. Au centre, Elliot Labrie Laplante, et à côté, avec la moustache molle, Jeremy Racicot.

Les recrues de « gauche »

JF Carrier
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L’une des recrues « de gauche », c’est aussi le seul membre qui dépasse (largement) les 30 ans. JF est membre du groupe folk Makinaw. Nous avouons avoir du mal à comprendre ce qu’il fait là. Probablement attiré par la fougue nationaliste de ces jeunes militants, il semble en pleine dissonance cognitive, puisqu’il est capable le samedi d’aller voir un show punk antifasciste du groupe Les Sheriffs, et le lendemain de manifester contre « la submersion migratoire » avec les petits racistes de Nouvelle Alliance. Il habite à Beloeil.

J.-F. Carrier, militant de Nouvelle Alliance.

J.-F. Carrier, militant de Nouvelle Alliance.

Ça se discute sans doute, mais pour l’extrême droite, ça ne sera pas possible…

Émile Coderre
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Émile Coderre est originaire de Saint-Germain-de-Grantham, près de Drummondville (et y réside probablement toujours). En 2014, il entre au cégep de Drummondville en Comptabilité et gestion avant de commencer à s’impliquer au sein de son association étudiante (AGECD) en 2015, après s’être présenté pour le Parti Vert du Canada dans la circonscription de Drummond lors des élections fédérales de la même année. Il s’impliquera également au sein de l’ASSÉ, au Comité Régional Anti-Montréalocentrisme pour quelques mois, tout en assistant à différentes instances nationales de l’association. En 2016, il devient membre du SITT-IWW et est présent lors de la création de la branche Drummondvilloise de l’IWW, en 2017. Tout au long de cette période, de 2016 à 2019, Émile participe à des manifestations et événements antifascistes, syndicaux et de gauche au sens large.

Dès les débuts de son implication à l’AGECD, certains de ses comportements sont problématiques (fraude pour des remboursements, comportements antisyndicaux envers l’employé de l’association, manque de respect, de considération, et attitude contrôlante envers ses partenaires amoureuses et les femmes en général), ce qui l’éloigne de la majorité de ses camarades de l’époque. En 2019, il se fait dénoncer pour agression sexuelle, harcèlement et viol par au moins deux personnes. Cette nouvelle marque un tournant. Puis on apprend en 2022 qu’il gravite autour de Nouvelle Alliance, avec qui il fera plusieurs sorties publiques par la suite. Il s’implique présentement au sein du Parti Québécois dans la région du Centre-du-Québec. En mars 2024, il participe au Karaoké souverainiste du PQ dans la circonscription de Johnson en compagnie du très vocal François Gervais au bar la Sainte-Paix de Drummondville (https://www.facebook.com/reel/418171334059616).

Aux dernières nouvelles, il vit encore à Drummondville.

Audrey Gariepy

Ancienne membre du collectif anarchiste Libertad au Cégep du Vieux-Montréal, elle rejette maintenant le féminisme et « la modernité ». À partir de 2021, elle a commencé à faire du street art à saveur royaliste et duplessiste. Son autocollant avec des drapeaux antifascistes marqués du texte « Maîtres chez nous » est un bon exemple de son discours déjà pour le moins décousu à l’époque.

De plus en plus, on l’a vue s’opposer au féminisme, qui priverait les femmes de leur libre choix (celui d’élever des enfants, par exemple), alors que ce sont les politiques rétrogrades de type duplessistes qui cherchent concrètement à priver les femmes de leurs droits et de leur libre choix (celui d’élever ou non des enfants, ou d’avoir accès à l’avortement, par exemple). Son virage vers l’extrême droite se poursuit, avec une affinité affichée envers les groupes racistes et transphobes comme le Collectif Némésis en France.

Elle est souvent la seule femme présente dans l’entourage de Nouvelle Alliance lors de leurs événements.

Audrey Gariepy a souvent été mise de l’avant dans les actions de Nouvelle Alliance.

Audrey Gariepy, ancienne gauchiste, wannabe street artist, wannabe trad wife.

Audrey Gariepy ne cache pas son affection pour des groupes et des thèmes visuels néonazis.

Quelques-unes des références d’Audrey Gariepy sur Instagram. On reconnaît de nombreux projets d’extrême droite, tendances royaliste ou fasciste.

Audrey Gariepy rejette le féminisme et le libre choix des femmes. Elle suit le Collectif Némésis, une autre organisation française d’extrême droite.

Un échantillon des brillantes créations artistiques d’Audrey Gariepy.

Section de Sherbrooke

Une partie des membres de la section sherbrookoise de Nouvelle Alliance.

Étienne Amyot
https://www.facebook.com/joseph.barrast.9https://www.instagram.com/ebamtvt/

Leader et figure publique de la section de Sherbrooke, fondée en février 2023.

Aymerik Laroche
https://www.facebook.com/aymerik.laroche
https://www.instagram.com/aymer_vlql1967/
https://twitter.com/aymeriklaroche?lang=fr

Semble vivre à Sherbrooke présentement. Travaille au Centre d’aspirateur M&R.

Aurélien Nambride
https://www.facebook.com/profile.php?id=100004930606082 https://www.instagram.com/aurelien.nambride/

Nambride est responsable du Rassemblement National (FN) Jeunesse-Canada. Il est originaire de Saint-Germain-en-Laye, en France. Il étudie présentement à l’Université de Sherbrooke. Il appuie ouvertement les partis politiques d’extrême droite en Europe, comme l’AfD (Alternative pour l’Allemagne), un parti notoire pour son racisme, sa xénophobie et ses liens chroniques avec le néonazisme.

Nambride a créé une controverse en participant au congrès de la jeunesse du Parti Québécois, où il s’est présenté comme représentant du Rassemblement National Canada. Il s’est tout de même dit « agréablement surpris par la sympathie et l’accueil des membres du parti. Certains sont des amis personnels ». Son image figurait même sur l’Instagram du Comité national des jeunes du Parti Québécois. Le PQ ne semble pas avoir pris acte des nombreux appels à se dissocier de Nambride.

Aurélien Nambride au congrès de l’aile jeunesse du Parti Québécois.

On peut voir Nambride à son plus transparent dans les captures d’écran ci-dessous, où il déborde de joie en raison du score de l’AfD aux dernières élections régionales. Un parti de gens « prêts à défendre cette Europe des nations face à l’immigration ».

Aurélien Nambride ne cache pas sa joie devant les succès électoraux de la formation d’extrême droite Alternative für Deutschland.

Section de Québec

Alexis Gauthier
https://www.instagram.com/goath13r/
https://www.facebook.com/alexis.gauthier.988

Étudiant à l’Université Laval, originaire de Gaspé récemment arrivé à Québec, il n’est pas issu des milieux d’extrême droite à la base et, à sa décharge, s’emble s’être distancé du groupe dans les derniers temps. Il avait lui-même publié des photos de l’événement de fondation de la section de Québec sur son IG. (Cet événement a eu lieu au Café au temps perdu, sur Myrand.)

Émile Boudreau
https://www.facebook.com/profile.php?id=100004657415506

Membre de Nouvelle Alliance, ce résidant de Québec est aussi membre du PQ. Il milite au CNJPQ et fait partie de l’Équipe Mener la charge, qui se présente au conseil jeunesse du PQ.

Il a 23 ans et est bachelier en Sciences politiques appliquées. Il a été représentant jeune de l’exécutif du Parti Québécois de la circonscription de Montarville, puis a été président de l’association étudiante du PQ de l’Université de Sherbrooke durant deux ans. Il a également travaillé pour le député du Bloc Québécois Xavier Barsalou-Duval à son bureau de circonscription, et il travaille actuellement pour le Bloc Québécois. Il se présente au poste de conseiller au CNJPQ parce qu’il pense qu’il est grand temps que l’aile jeunesse mène la charge dans la reconstruction de la grande coalition souverainiste qui va de gauche à droite. Peut-être en raison de la remontée du PQ dans les sondages, Émile semble lui aussi  s’éloigner un peu de Nouvelle Alliance, peut-être dans l’espoir d’une carrière au PQ…

Morgane Gauvin
https://www.facebook.com/ida.marie.de.lantagnac

Son alias « Ida marie de Lantagnac » nous est familier depuis… la fondation de Montréal Antifasciste en 2017. En 2018, elle s’est notamment fait remarquer dans l’orbite du duo antisémite DMS. Elle entame une maîtrise, après un baccalauréat en Sciences historiques et études patrimoniales. Elle est auxiliaire d’enseignement en études patrimoniales à l’Université Laval.

C’est avant tout une militante du clavier, qui fricote avec Nouvelle Alliance, dont elle prétend être l’une des fondatrices. Elle a participé à une action de graffitis stencils à Québec avec NA (photo sur son IG). Fait à noter, elle fréquente un certain Pierre Courcol, militant identitaire français qui s’est impliqué au Rassemblement National et au sein de la Cocarde étudiante.

Tout va bien mesdames et messieurs, l’honneur est sauf, il y a au moins une (1) femme dans ce party de saucisses…

Conclusion

Quoi qu’en disent ses militants, cette prétendue Nouvelle Alliance constitue une attaque frontale contre les populations immigrantes, les personnes issues de l’immigration, les personnes réfugiées, les demandeur·es d’asile et leurs familles ainsi qu’envers toutes les personnes au Québec qui portent une vision inclusive et égalitaire du vivre ensemble.

Nous ne pouvons pas en bonne conscience les laisser s’infiltrer dans nos espaces avec leur discours toxiques, et nous devons être particulièrement vigilant·es quant à leurs tentatives de recruter dans les établissements d’éducation supérieure. Ils ont déjà commencé à organiser des séances de tractage à l’Université de Montréal et à accroître leur visibilité en apposant des affiches et autocollants dans le secteur de l’université et ailleurs à Montréal, à Québec et dans d’autres localités.

Il est grand temps que le milieu antifasciste se dresse sur le chemin de cette nouvelle alliance réactionnaire.


Annexe

Voici une liste non exhaustive des actions du groupe jusqu’à présent, en ordre chronologique :

  • Fondation du groupe à Montréal le 26 mars 2022.
  • 21 mai 2022 – Dépôt d’une gerbe de fleurs au Monument aux patriotes, photo de groupe et participation à la marche pour la Loi 101.
  • 20 août 2022 – Altération des panneaux « STOP » de Ville Mont-Royal avec des autocollants « ARRÊT ». Cette action les a fait connaître d’une partie du public, car elle a généré beaucoup d’interactions sous la publication Instagram et plusieurs articles de journaux ainsi qu’une entrevue à QUB radio.
  • 15 Octobre 2022 – Accrochage d’une bannière « Je suis séparatiste » sur l’autoroute Décarie.
  • 26 novembre 2022 – Rassemblement/Marche à Saint-Denis-sur-Richelieu en honneur aux patriotes.
  • 21 janvier 2023 – Rassemblement à la colonne Nelson pour fêter les 75 ans du drapeau québécois.
  • 24 janvier 2023 – Campagne d’affichage à Montréal en l’honneur de Samuel de Champlain.
  • 15 février 2023 – « Pendaison » symbolique de cinq pantins près du pont Jacques-Cartier pour commémorer l’exécution des patriotes le 15 février 1839.
  • 25 février 2023 – Fondation de la section Sherbrooke.
  • 30 mars 2023 – Opération de tractage à l’Université de Sherbrooke.
  • 23 avril 2023 – Accrochage d’une bannière « Gouverner ou disparaître » avec drapeaux du Québec et fumigènes sur le Pollack Concert Hall de l’Université McGill en milieu de journée.
  • 27 avril 2023 – Opération de tractage à l’Université de Sherbrooke.
  • 2-3 mai 2023 – Tags à Québec et à Montréal. (Celui de Québec entraîne une « guerre de tags » à 3 joueurs, avec NA, Québec Antifasciste et Patriotes antifascistes!)
  • 22 mai 2023 – Manifestation pour la journée nationale des patriotes.
  • 1er juillet 2023 – Accrochage d’une bannière « Frontière internationale — Québec libre » sur le pont reliant Gatineau et Ottawa. Accrochage de bannières à Montréal, Québec et Sherbrooke.
  • 12 juillet 2023 – Autocollants « Arrêt » apposés sur des panneaux « STOP » et autocollants « Loi 101 » à Lennoxville. Cette action génère un topo dans le magazine d’extrême droite Causeur.
  • 24 juillet 2023 – Accrochage d’une bannière « 5 siècles de haut » sur la croix de Jacques-Cartier à Gaspé, pour célébrer le 489e anniversaire de la colonisation. (Prestement décôlissée par nos camarades du réseau Brume noire.)
  • 30 juillet 2023 – Fondation de la section Québec.
  • Août 2023 – Participation de plusieurs membres, dont Aurélien Nambride, au congrès bisannuel du comité national des jeunes du Parti Québécois. La présence de NA irrite de nombreux membres du PQ, mais leur présence est tolérée.
  • 22 août 2023 – Campagne d’affichage à la mémoire de Louis Hébert, premier colon québécois, avec slogan « Maîtres chez nous ».
  • 10 septembre 2023 – Hommage à Montcalm, avec flambeaux et drapeaux du Québec. Leur action la plus codée « facho » à ce jour.
  • 23 septembre 2023 – Nouvelle Alliance fait une apparition à la grande manifestation syndicale du Front Commun. (Ils se font un peu brasser et sortir de la manif par des camarades antifascistes.)
  • 30 septembre 2023 – Accrochage d’une bannière « Le français ma culture, l’anglais la rupture » au Cégep Garneau de Québec.
  • 25 novembre 2023 – Parade pour célébrer la victoire des patriotes à Saint-Denis-sur-Richelieu.
  • 30 novembre 2023 – Opération de tractage à l’Université de Montréal.
  • 10 décembre 2023 – Participation à une marche organisée par la SSJB en hommage aux patriotes à Saint-Eustache.
  • 21 janvier 2024 – Drapeau québécois attaché à la Colonne Nelson pour célébrer les 76 ans du drapeau québécois
  • 16 février 2024 – Manifestation et déploiement d’une bannière « Subversion migratoire » devant le bureau du ministre canadien de l’Immigration, Marc Miller.
  • 20 février 2024 – Mise en ligne d’une vidéo déplorant le « danger de l’immigration » au Québec. (Voir la transcription ci-dessous.)
  • 18 mars 2024 – « Projection politique » à Québec; projection lumineuse de différents messages pro-indépendance.
  • 24 avril 2024 – Conférence intitulée « S’armer d’impatience » à la Librairie Le Livre Voyageur, à Montréal, portant sur les Chevaliers de l’indépendance et du Réseau de Résistance du Québécois (RRQ).
  • 20 mai 2024 (prévue) – Marche pour la Journée nationale des patriotes à partir de la statue de Dollard des Ormeaux au parc Lafontaine, avant de se rendre au square Saint-Louis rejoindre la manifestation annuelle de la SSJB.

[i]               Barbeau et l’Alliance Laurentienne cultivait une sympathie pour les mouvements fascistes, entretenait une correspondance avec le néonazi Adrien Arcand et comptait dans ses rangs des membres du PUNC, la formation politique de ce dernier. Barbeau avait notamment ouvert des « Clubs Laurentie » un peu partout dans la province, publiait la revue Laurentie et aspirait à faire du Québec la République de Laurentie.
https://www.erudit.org/fr/revues/mensaf/2003-v3-n2-mensaf01359/1024646ar.pdf

[ii]               Voir l’annexe A, ci-dessus.

[iii]              Il s’agit d’ailleurs d’une posture très répandue parmi les fascistes contemporains, notamment chez le principal maître à penser de la Nouvelle Droite française, Alain De Benoist, qui voudrait carrément nous faire croire que la dualité gauche-droite est révolue!

[iv]              BOCK CÔTÉ, Mathieu, Le Totalitarisme sans le goulag, Les Presses de la Cité, 2023.

[v]               MBC opère ici un amalgame entre les positions libérales socialement progressistes et les valeurs révolutionnaires et internationalistes de la gauche radicale, comme si cette dernière avait une quelconque emprise aujourd’hui sur les institutions politiques, économiques et culturelles dominantes… C’est un autre procédé sophistique très répandu chez les passeurs d’idées de l’extrême droite.

[vi]              Ibid. p 35.

[vii]             Ibid. p 71.

[viii]             En campagne électorale présidentielle, le chef du parti Reconquête, Eric Zemmour, promettait « zéro immigration » et MBC se lamentait alors qu’on ose associer ce politicien à l’« extrême droite »!

[ix]              À l’exception peut-être du RRQ, qui n’en faisait aucune mention explicite dans son manifeste (2008), ce que lui reprochait d’ailleurs la Fédération des Québécois de souche à l’époque.

[x]               MBC dénonce régulièrement les goons identitaires, et en retour, les boneheads d’Atalante lui ont reproché d’être un identitaire de salon!  À un évènement de MBC à Québec, Atalante avait distribué un tract sur lequel on pouvait lire « La renaissance identitaire se fait par l’action et NON dans des dîners de galas! ». Sur Facebook, le groupe publiait ce commentaire à l’occasion de l’événement : « Mathieu Bock-Côté, sociologue et essayiste, qui pleurniche régulièrement sur la déchéance identitaire au Québec, mais qui est aussi le premier à cracher sur les initiatives qui répondent à l’appel, a eu droit à de cordiales salutations de la part de nos militants, que monsieur qualifiait dernièrement de : “bizarroïdes”, “folkloriques”, “caricaturaux” et “pelés”. […] Nous n’avons qu’un message à lancer! La renaissance identitaire se fait par l’action et NON dans des dîners de gala! Pourtant, c’est dommage, nous qui vous apprécions bien, M. Bock-Côté. » SOURCE : Isabelle Porter, « L’extrême droite de Québec sort de l’ombre », Le Devoir, 2 février 2017; et https://montreal-antifasciste.info/fr/2018/12/19/demasquer-atalante/.

[xi]              En février dernier, par exemple, François Legault annonçait avoir l’intention de contester en Cour suprême l’accès aux CPE des enfants demandeurs d’asile, s’appuyant sur un « gros bon sens » qui n’est au fond qu’une manifestation de la préférence nationale théorisée par l’extrême droite française. La même semaine, le gouvernement de la CAQ affirmait que l’identité québécoise est menacée par les demandeurs d’asile, et François Legault continue de demander (sans succès) le rapatriement de tous les pouvoirs en matière d’immigration. Le PQ exige quant à lui un moratoire sur l’immigration temporaire, agite publiquement les spectres de la disparition du Québec orchestrée par les fédéralistes, et reprend un discours étrangement similaire à ceux que tient Nouvelle Alliance sur la nécessité pour la gauche et la droite de s’entendre sur l’essentiel pour réaliser l’indépendance aussitôt que possible. Les deux formations se montrent maintenant favorables à un référendum sur l’immigration, une initiative hasardeuse qui aurait inévitablement pour conséquence de cliver encore plus la société québécoise et de marginaliser davantage les populations migrantes projetées au cœur de ce conflit.

Bonus track, juste parce que lol :

Réponse à la « Réponse à Première Ligne »

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Mai 142024
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Dans un article précédemment publié sur mtlcontreinfo.org, des camarades ont réagi à un texte paru dans le troisième numéro de notre revue.

Nous sommes content.es de voir qu’enfin la critique publique et les bagarres théoriques se substituent aux tendances grégaires qui hantent l’espace politique que nous habitons! Nous souhaitons voir émerger une culture d’échanges féroces et réfléchis, permettant à toustes de faire vivre nos idées plutôt que de les porter comme des identités figées et vides que l’on oppose maladroitement (les anarchistes contre les communistes, les réfo contre les révo, …). Face à l’inertie, faire vivre le débat et la conflictualité dans les idées élève le niveau collectif de nos actions et de nos échanges. Si trop souvent la critique publique fait office d’anathème servant d’outil politique visant la conservation du statu quo dans un milieu de lutte pris dans ses limites, la critique qui a été publiée ne donne pas dans ce registre de discours. La conflictualité se doit d’être motrice desdites luttes et non leur frein. À ce titre, nous remercions les personnes à l’origine de cette réponse de mettre en forme avec intelligence leur critique.

Maintenant, sur le fond. Le texte dit « On s’est bien questionnées sur le processus éditorial qui a pu laisser passer un tel texte et donc, qui est venu le crédibiliser dans notre contexte actuel. » Pourtant, ledit processus était plutôt clairement exposé en ligne en exergue de chaque texte et dans l’éditorial ouvrant le numéro :

« Entre octobre 2023 et février 2024, des membres du Collectif Première Ligne ont appelé publiquement à former un cercle de lecture et d’écriture sur le genre, la reproduction sociale et le patriarcat. Une quinzaine de participant·e·s a fréquenté, en tout ou en partie, les séances de ce cercle, amenant avec elles leurs situations, leurs bagages, leurs problèmes, leurs perspectives et leurs motivations. Le texte qui suit, comme tous les textes composant le numéro, est issu de ce processus. »

Le texte est en effet issu d’un cercle de lecture et d’écriture en mixité choisie sans homme cis qui avait été annoncé publiquement. Il ne s’agit donc pas d’un texte du groupe. Ainsi, lorsque la critique est attribuée à Première Ligne, elle rate plutôt sa cible, le texte étant autonome par rapport à nos positions politiques. Nous avons souhaité faire vivre les idées du cercle de lecture et d’écriture publiquement sans que Première ligne en fasse l’édition. On se serait insurgé contre nous (à raison) si nous avions tenté de faire entrer ce processus dans nos lignes politiques. De plus, dans un milieu politique aussi timide, nous nous efforçons de valoriser le courage d’écrire.

Nous ne pouvons ainsi pas donner de réponse satisfaisante à une critique d’un texte qui n’est pas le nôtre. Maintenant, la question peut se poser de savoir s’il aurait été plus judicieux de ne pas publier ce texte, qui fait définitivement réagir. Nous avons fréquemment entendu des positions proches ou identiques au texte être défendu ou avancé dans des contextes militants informels et, à ce titre, l’article permet d’offrir une base autour de laquelle construire le débat. Nous pensons ainsi que l’article en question mérite pleinement d’exister, ainsi que la réponse critique dont il est question ici. Nous pensons que les positions justes n’émergent pas in abstracto mais sont toujours la face négative d’une position qui lui précède. Ce faisant, nous valorisons l’échange qui émerge alors, et espérons qu’il donnera des suites. Cependant, nous ne pouvons en tant que groupe qu’en être spectateurs·trices.

Nous remarquons toutefois des éléments rhétoriques malheureux qui traversent la critique, concernant à la fois le texte et notre collectif. Sans défendre le contenu à place de l’autrice, nous nous devons de les mentionner. La publication fait une large place au whataboutisme, paralogisme qui nous semble affaiblir les arguments pourtant substantiels qui sont présents. Whatabout les hommes trans? Whatabout les personnes racisées? Whatabout la Riposte? Il est facile de reprocher à un texte de trois pages tout ce qu’il n’aborde pas comme s’il s’agissait d’un révélateur des schèmes d’oppressions qui le traverse inconsciemment. Par ailleurs, la réponse évoque au détour d’une phrase que nous mettrions sous silence des enjeux raciaux qui traversent les différents systèmes d’oppression. Nous aimerions en savoir plus. S’agit d’un autre whataboutisme ou bien d’un réel problème qui émerge à des endroits précis de nos publications? De toute évidence, nous ne cherchons pas à remplir cyniquement la liste d’épicerie des oppressions afin de nous absoudre d’avoir des biais. Nous en avons certainement, mais ne cherchons pas à les passer sous silence.

Nous pouvons tout de même nous avancer quelque peu quant à la question de la promiscuité et de l’interdit sexuel. Si nous partageons à certains égards la suspicion exprimée dans la réponse quant à l’aspect conservateur, voire chrétien, de l’appel à la chasteté, nous devons tout de même émettre deux réserves.

Premièrement, nous ne croyons pas que l’objet du texte soit de refaire naitre le poids du religieux dans la sexualité, mais bien d’affirmer que seule la plus grande fermeté permet de rendre compte de l’étendue de la violence du patriarcat. Que cette affirmation fasse réagir est probablement à attendre. Toutefois, si la proposition en tant que telle peut faire l’objet d’un débat, elle a le mérite de chercher à regarder le problème en face et de prendre la mesure du niveau d’exigence qui s’impose alors. Que la proposition en soi puisse être discutable, certes. Seulement, son intransigeance peut avoir quelque chose à nous amener.

Deuxièmement, nous devons aussi rappeler que nombre de corps révolutionnaires dans le monde impose la chasteté à leurs forces de résistance armées. Et il nous semblerait suspicieux et orientalisant de réduire ces facteurs à des particularités locales. Elles nous informent qu’il ne s’agit pas d’être « anti-fun » ou « anti-sexe » (nous citons ici la réponse en question), mais bien que la sexualité est un nœud névralgique dans les rapports sociaux entre révolutionnaires. Il ne s’agit cependant pas de l’argument du texte ni de notre position. Seulement, nous ne pensons pas qu’il soit si facile de balayer la question au prix d’une pirouette rhétorique qui consiste à affirmer qui des deux a la position la plus morale.

Nous remercions les camarades de la réponse. Nous espérons qu’elle donnera le ton pour des critiques futures et qu’elle participe à faire émerger un espace sain dans une conflictualité nécessaire et bienvenue.

En solidarité, Première Ligne.

Pour une éthique militante – Réponse à Première Ligne

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Mai 072024
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

‘HOMMES NOUS VOUS PARDONNONS VOS PÉCHÉS’
Pour une éthique masculine militante

Pendant la rencontre, il la regarde, elle est belle, plus que belle, il veut la bouffer, il a la dalle. Il exprime son point de vue rationnel sur les réalités matérielles des prolétaires canadiens. Il remarque qu’elle le trouve intelligent. Criss qu’il veut la bouffer. Discipline mon Jack, discipline, on fait la révolution ici. Peut-être que si j’étais une meuf, je serais plus discipliné. Jack, t’en penses quoi Jack, qu’il se dit dans sa tête, Jackie es-tu une meilleure camarade?

On a toutes plus au moins pété les plombs en lisant la dernière revue de Première Ligne, un sentiment qui s’est amplifié lorsqu’on a fini Pour une éthique militante masculine ( https://www.premiereligne.info/pour-une-ethique-militante-masculine/ ). On a vécu des émotions comme la colère, l’incrédulité, l’indignation, le what the fuck, et en général un « qu’est-ce qui a donc ben pu se passer pour en arriver à un texte comme celui-là? » Lorsqu’une de nous a lu ce texte pour la première fois, elle le découvrait en même temps qu’un camarade cis. L’écart disproportionné entre leur réaction a spontanément soulevé plusieurs red flags. L’approbation fascinée du gars pour ces idées clashait vivement avec la méfiance et l’indignation de la lectrice non-gars. Même si bien intentionné, l’assimilation des arguments de cet article par ce mec cis glissait immanquablement vers une dérive politique qui nécessite d’être adressée. Après cette altercation, l’incompréhension et une certaine colère sont restées. Ces réflexions méritaient d’être poursuivies, et quand elles se sont avérées partagées, on s’est rencontrées pour en faire le point.

On remarque tout d’abord plusieurs choses. Déjà, l’analyse homme-femme ne rend pas compte des dynamiques genrées des milieux militants (anarchistes-queer particulièrement) québécois contemporains. On y retrouve en réalité une pluralité de dynamiques d’oppressions par le genre et de violences interpersonnelles dans lesquelles la dynamique homme oppresseur / femme opprimée n’est pas du tout la seule, même si elle reste bien sûre fondamentale. Prenons pour exemple la violence intracommunautaire lesbienne, queer, ou bien les rapports de pouvoir de femmes sur les autres personnes de leurs communautés, ou bien les rapports de pouvoir venant de personnes non-binaires détenant un privilège cishétérosexuel par rapport aux personnes queer et trans qui ne l’ont pas, et cela sans rentrer dans toutes les dynamiques raciales pourtant primordiales au niveau du pouvoir et du genre que Première Ligne semble avoir l’habitude de passer sous silence. En dehors des dynamiques de pouvoir identitaires existe tout le clusterfuck interpersonnel des relations dans un milieu insulaire prompt aux dynamiques de pouvoir venant de tous bords tous côtés. En fait, le texte ne nous apparaît pas très sérieux, de plus qu’il semble ignorer tout un pan des analyses féministes venant des marges qui ont été développées dans les 50 dernières années pour se replier sur une vision très simpliste du genre qui bénéficie très clairement aux femmes blanches de classe moyenne. On s’est bien questionnées sur le processus éditorial qui a pu laisser passer un tel texte et donc, qui est venu le crédibiliser dans notre contexte actuel.

Ce que le texte ne prend pas non plus particulièrement en compte est la question des objectifs qu’atteindrait l’abolition des systèmes d’oppression, dont le genre, bref la question de pourquoi on la fait cette révolution? Réprimer ses désirs sous-jacents dans le but d’adopter des pratiques sexuelles et des expressions de genre plus «révolutionnaires» semble constituer une praxis fondamentalement anti-fun, voire anti-sexe qui en bout de ligne substitue une ascèse d’inspiration catho à une démarche révolutionnaire sérieuse, en plus de récupérer les pires éléments du lesbianisme politique et du féminisme radical, un courant qui est historiquement plutôt hostiles aux dissident.es sexuel.les et de genre. Plus concrètement, l’épanouissement de nos camarades «femmes» est-il plus probable par la création d’un groupe d’«hommes» militants égrainant leurs chapelets, ou par un groupe d’«hommes» ayant un rapport réflexif à leurs désirs et à la façon dont ceux-ci sont influencés par les rapports sociaux de genre ? En ce sens, une éthique militante masculine se doit de proposer une éthique militante générale visant le développement de plaisirs non-oppressifs qui seraient accessibles autant à nos camarades hommes que femmes (qu’iels soient hétéro, gais/lesbiennes ou bi) et ne pose pas seulement la question de l’éthique sous un angle d’inclusion/exclusion de nos cercles lesbo-queers.

Les trois « solutions » proposées sont des raccourcis intellectuels qui ne règlent en rien l’enjeu initial du texte, soit le manque d’éthique des hommes dans le milieu militant. L’amalgame douteux de l’orientation sexuelle, de la transition de genre et de l’abstinence sexuelle enfonce le texte dans cette rhétorique absurde du commandement, prescrivant la marche à suivre pour atteindre cet idéal du camarade vertueux. Cette clé de voûte en trois temps est sans concession, réduisant du même coup ces identités et pratiques à leur seule visée politique.

On tenait particulièrement à souligner l’impressionnante pirouette théorique de la deuxième proposition. Présentant la transition comme solution salvatrice à la domination de la classe des hommes sur la classe des femmes, cet argument repêché dans le lesbianisme politique est à notre avis le plus problématique (voire alarmant) des trois. En effet, le texte est traversé par ce fil inquisiteur, cherchant à faire ployer sous la culpabilité toutes personnes tombant dans cette catégorie de classe des hommes. Une honte inculquée aux hommes cishétéro pour le fait d’être homme cishétéro. Une telle homogénéisation de la classe des hommes éjecte de facto la possibilité d’entretenir un rapport sain à la masculinité. Tendant plutôt vers son abolition (ou du moins, son abandon), le problème émerge ailleurs. Les risques et dérives de ces arguments sont multiples, allant de l’instrumentalisation politique de la transition à toutes les sauces, jusqu’à la dévalorisation de l’identité féminine. Un homme cis qui adopte les conditions matérielles des femmes n’est pas systématiquement lavé de ses péchés. Un homme cis qui s’approprie la transition de genre, c’est ignorer et banaliser les réalités phénoménologiques et matérielles de ladite transition. Le pied d’égalité supposé dans le texte ignore tout des obstacles à la transition et des réalités matérielles d’oppressions entre femmes, et ce, rappelons-le, en plein backlash. Le manque critique de services et de soins de transition ne se verra jamais solutionné par une vague d’hommes cis les réquisitionnant sous le couvert d’abandonner leurs privilèges au nom d’une éthique masculine. Les hommes trans, de surcroît, sont complètement ignorés dans le programme qui nous est présenté.

On a donc envie de proposer une autre éthique militante pour les personnes en position de pouvoir. Cette éthique passe par une authenticité et une douceur par rapport à ses désirs, elle tend vers l’analyse et la compréhension des facteurs personnels et politiques qui les construisent, et non vers leur répression ou leur détournement politique. On veut promouvoir un consentement qui est à l’affut des contextes appropriés pour l’expression et l’exploration des désirs romantico-sexuels, et des façons dont la séduction et l’érotisme interviennent dans nos relations. On veut privilégier une approche qui prend en compte la culture du viol et du silence, qui vise à redonner leurs voix aux personnes vivant des violences interpersonnelles sans chercher à trouver un éternel coupable à punir et à exclure, tout en reconnaissant parfois la nécessité du combat et des représailles dans les cas plus sombres de violences institutionnalisée, comme la culture du silence pratiquée dans le PCR / Riposte (notamment dénoncée dans le témoignage suivant https://archive.ph/VhaKp). Il n’y a toutefois pas de solution à l’emporte-pièce qui tienne quant aux violences et au pouvoir, et il nous semble important pour tout le monde de prendre conscience de sa position individuelle vis à vis ses camarades au niveau de facteurs d’oppressions clairs: par exemple, dans son rapport au travail ménager, au fardeau contraceptif, à sa capacité à subvenir à ses propres besoins, à sa capacité à prendre la parole et à être écouté, à son capital culturel, à son accès à des soins de santé, aux violences déshumanisantes venant de la norme, etc. Beaucoup d’hommes (hétéros) causent en effet des problèmes à cause de leurs rapports à la masculinité, Il est par contre faux de prétendre que cette masculinité est, en soi, le problème, ou bien qu’être traversé par d’autres identités rend les gens moins susceptibles d’être inconscients de leurs positions de pouvoir. Ces positions sont d’ailleurs parfois plus fluides qu’on le croit dans nos milieux, il est donc crucial de s’entraîner collectivement à avoir une réflexivité sur nos positions sociales sans en évacuer les complexités.

En solidarité, depuis la deuxième ligne.

Invitation à la Foire des zines anarchistes 2024 de Montréal

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Avr 152024
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Armons-nous de courage et des plus belles idées.

Les bourgeons de mai nous invitent chaque année à la réflexion sur la pensée subversive et les pratiques anarchistes d’hier à aujourd’hui. Le projet qui anime et enflamme nos coeurs est la destruction de l’autorité. Méfiant·es de la stratégie politique, nous proposons un anarchisme dont les moyens s’accordent avec les fins, sans attendre et sans compromis. La lutte pour la liberté est infinie et c’est par le conflit permanent que l’on arrive à créer des espaces pour respirer un peu, toujours dans une perspective de liberation totale.

Cette foire est un moment pour aiguiser le sens critique nécessaire à faire vivre ce projet. Elle vise à nourrir les imaginaires. Elle s’adresse aux rêveur·euses de liberté sans limite qui chérissent un bouleversement total du monde plutôt que son réaménagement. Les livres, les zines,les discussions et les rencontres sont indispensables. Ils donnent sens aux actes et vice versa.

Nous encourageons l'(auto)édition, réalisée par les compagnon·nes en dehors des chaînes commerciales de l’industrie du livre, pour libérer la plume de la censure et le livre de sa logique marchande. Nous souhaitons l’auto-organiation de la diffusion et de la distribution, avec la volonté de partage des idées à celleux qui se sentent interpellé·es. Cela passe necessairement par la gratuité et le refus des marchés alterno et des copyrights. Nous voulons l’autonomie de cet évenement que nous réalisons sans soutien institutionnel autre que la participation volontaire des individus.

Rejoingnez-nous les 11 et 12 mai prochains sous le viaduc Van Horne (nord de la track) pour deux journées de discussions, de lectures, de musique et de complicité.

Il y aura plusieurs tables de zines et livres sous le viaduc, quelques présentations suivies de discussions dans le petit parc adjacent, des concerts en soirée, ainsi que de la bouffe et du café sur place.

*Nous vous suggérons fortement de laisser vos téléphones, caméras et autres snitchs de poche loin de l’évènement.

*La foire aura lieu en extérieur et en toutes circonstances météorologiques, habillez-vous donc en conséquence.

*Plus de détails à venir sur les discussions et les horaires à consulter sur le site web https://mtlanarchistzinefair.noblogs.org/

VIVE L’ANARCHIE !