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Le 1er mai 2020, la résistance continue malgré le confinement !

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Avr 202020
 

De la Convergence des luttes anticapitalistes (CLAC)

En cette période de pandémie, le capital tue plus que jamais. Les travailleur-euse-s sont laissé-e-s sans équipement dans les hôpitaux. Le confinement s’abat sur la population parce que les gouvernements ont fait trop peu trop tard. Les riches propriétaires qui ont ramené le virus avec elleux s’insurgent d’une grève des loyers que leurs locataires n’ont pas le choix de faire, faute d’argent. Les personnes qui vont mourir sont les plus vulnérables, des commis dans les épiceries aux livreur-euse de nourriture, en passant par les prisonnier-ère-s, les sans-abris et les sans papiers, pendant que les plus à l’aise travaillent de la maison. Malgré tout, la distanciation sociale reste une manière importante de réduire le nombre de personnes infectées, et c’est pourquoi NOUS NE NOUS RASSEMBLERONS PAS PHYSIQUEMENT POUR LA MANIFESTATION DU PREMIER MAI. Cependant, nous essaierons de rendre la résistance le plus visible possible, malgré le contexte difficile.

L’économie canadienne, comme celle de la plupart des pays du G20, présentera un bilan financier négatif à cause de la crise sanitaire. Mais en fait, l’économie ça ne veut rien dire. C’est un amalgame d’indicateurs qui ne reflètent en rien notre bien-être. Ils sont réellement plus souvent liés négativement à la santé de nos relations, de nos enfants ou de nos cours d’eau. Toutefois, la classe politique nous force à pleurer le ralentissement économique, nous refusant l’accès aux produits et aux services fournis par notre travail. Pendant que les riches sont sur des îles désertes et dans des maisons de campagnes, les pauvres sont empilé-e-s dans leur taudis, à produire la richesse, à soigner les malades ou à remplir les tablettes des épiceries. Le confinement rend très difficile la solidarité dans un tel contexte, alors qu’il s’agirait pourtant d’un moment opportun pour renverser l’État capitaliste.

Profitons-en pour remettre d’actualité la question environnementale dans une perspective anticapitaliste de justice climatique. Alors que l’air de nos villes est enfin respirable, évitons un retour à la normale dicté par les besoins du capitalisme. Évitons la normalisation de l’isolement et du niveau actuel de surveillance. Car revenir à la normale serait jouer le deuxième acte d’une même tragédie, ce serait jouer le même rôle que nous avions auparavant dans l’écocide en cours. Le système doit changer, doit faire renaître la justice, dans le respect de la vie et des écosystèmes.

Nous voulons nous reconnaître dans le monde que nous habitons. Le capitalisme a produit une société dont personne ne veut. Il est temps de prendre possession du cours de l’histoire laissé trop longtemps à la disposition des riches et des dirigeant-e-s. Il est temps de construire un monde qui nous ressemble.

Cette année nous ne prendrons pas la rue, C’EST POURQUOI NOUS VOUS DEMANDONS D’AFFICHER VOTRE SOLIDARITÉ ANTICAPITALISTE PART DES BANNIÈRES, PROJETS ARTISTIQUES ET AFFICHES. Si vous pouvez prendre des photos, les images seront présentées sur une page web à cet effet, pour lesquels des détails suivront.

Il ne faut pas perdre espoir. La lutte continue d’être aussi, sinon plus, nécessaire qu’avant.

Confinement à double vitesse. L’extractivisme se porte bien

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Avr 202020
 

Du Collectif Emma Goldman

Pendant que près de la moitié de la population mondiale est en confinement volontaire ou forcé, certains projets extractivistes continuent à aller de l’avant. En effet, c’est le cas pour Coastal GasLink, Trans Mountain pipeline et le Keystone XL. Toutefois, ce dernier vient d’être bloqué par une décision d’un juge fédéral américain du tribunal du Montana [1]. Malgré les belles paroles des compagnies sur la sécurité au travail en temps de pandémie, les travailleurs ne respectent pas les règles de distanciation sociale sur les chantiers. La multinationale LNG Canada, derrière le gazoduc Coastal GasLink et le terminal à Kitimat, a bien beau dire qu’elle a diminué le nombre de travailleurs sur ses chantiers, les militant.e.s autochtones qui sillonnent le territoire et les résident.e.s  du village d’Houston (près des chantiers) ont prouvé le contraire. Et même si les travailleurs quittent les campements, ils sont ensuite hébergés dans des motels dans le secteur (comme sur la photo à Houston), restant donc au nord de la Colombie-Britannique, ne réglant pas le problème du risque de contagion que représentent ces ouvriers.

Motel qui héberge des travailleurs à Houston. Le stationnement est bondé.

Devant cette situation très critique qui peut engendrer la mort de plusieurs dizaines voire de centaines de personnes, des représentants de Premières nations demandent l’arrêt des travaux sur le gazoduc de Coastal GasLink et de l’oléoduc Trans Mountain. Ces deux projets mettent en danger les communautés autochtones qui se trouvent le long des trajets prévus. Comme le fait bien comprendre Jennifer Wickham, une représentante du clan Gidimt’en de la nation Wet’suwet’en : « Le problème se résume aux ressources limitées en soins de santé. Dans le nord, nous avons des services médicaux très limités. Donc s’il arrive quelque chose, cela va submerger le peu de services que nous avons. »

Ci-dessous: Chantier du Coastal GasLink

Pour la cheffe Judy Wilson, il s’agit clairement d’un confinement à deux vitesses. Elle demande la fermeture des camps de construction pendant la pandémie : « Si Trudeau dit qu’il faut se mettre en confinement, qu’il est important de le faire, alors pourquoi les campements liés aux ressources industrielles ne tiennent-ils pas compte de ces précautions? » De plus, la majorité des personnes qui viennent travailler pour ces projets extractivistes proviennent d’un peu partout au pays (certains de l’international), augmentant les chances d’amener le virus avec eux dans le nord. Selon LNG Canada, seulement 35% des travailleurs sont de la Colombie-Britannique. Fin mars, un ouvrier de cette compagnie a été testé positif à la Covid-19, mettant en lumière les réels dangers de ne pas arrêter complètement les chantiers. Avec les divers projets extractivistes, des milliers de travailleurs résident de manière temporaire dans le nord de la Colombie-Britannique. Si plusieurs d’entre eux contractent la Covid-19, le système de santé, déjà très fragile, va rapidement être submergé et la population locale ne pourra pas recevoir les soins médicaux nécessaires. Il faut ajouter au nombre des travailleurs, les policiers de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) qui sont là pour protéger les chantiers.

À Burnaby, en Colombie-Britannique, des résidents et résidentes s’inquiètent de voir les travaux se poursuivre. Les mesures sanitaires ne sont pas respectées comme il est possible de le voir sur la photo ci-dessous.

En plus de cela, les travailleurs arrivent ensemble par autobus qui font la navette pour les amener au terminal de Burnaby. Selon le site de la compagnie: « Le terminal Burnaby est le point final du réseau pipelinier Trans Mountain. C’est un point de distribution du pétrole brut et des produits raffinés vers les terminaux locaux – la raffinerie de Parkland et le terminal maritime de Westridge. » Malgré tout, le gouvernement de Trudeau n’exige pas la fermeture de ces chantiers et fait la sourde oreille. Toute cela est encore plus ridicule puisque le prix du pétrole brut albertain est en total chute libre. Le 31 mars dernier, le baril se vendait 5 $ américain.

J’imagine que ça doit être ça la réconciliation à la sauce libérale. Mettre en danger la vie de milliers de personnes tout en violant sans arrêt les droits des Nations autochtones, en envoyant la GRC frapper, humilier et emprisonner les membres des diverses communautés en résistance. Tous ces projets doivent être arrêtés! Solidarité avec les populations qui sont mises en danger au nom de l’économie et de l’argent!

[1] Le juge « a statué que le Corps des ingénieurs de l’armée américaine a enfreint la loi en approuvant le permis national 12 (Nationwide Permit 12), autorisant le pipeline Keystone XL de franchir des cours d’eau. Ce permis est essentiel au projet de l’entreprise albertaine TC Energy Corp. » Source : Radio-Canada. Lien vers le texte complet, ici.

Entraide en contexte de pandémie

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Avr 202020
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Les discours qui circulent actuellement dans la population oscillent à différents degrés entre la béatitude procurée par une pause bien méritée et la course aux munitions causée par les replis identitaires. L’objet de ce texte n’est pas l’analyse exhaustive des situations exceptionnelles causées par la pandémie, bien que nous encourageons toute initiative en ce sens. Plutôt, nous voulons soulever le fait que la peur éprouvée par plusieurs a des chances d’être et est déjà récupérée par des attitudes, des propos et des comportements fascistes.

Le stress, les conflits, les commentaires douteux entendus dans les épiceries et dans les hôpitaux en témoignent. Les violences conjugales et les tensions personnelles exacerbées dans les appartements et les régions confinées en sont un autre exemple. Pour faire face à cette récupération illégitime de la crise, nous croyons qu’il est nécessaire de visibiliser activement un discours honnête d’entraide et de prise de pouvoir commune. S’assurer que nos discours qui prônent la responsabilisation, la communalisation et les libertés politiques et économiques soient visibles et surplombent les récupérations fascistes est primordial.

Tant que nos corps seront mobilisés et/ou mis en danger par la coercition de l’État, tant que nos actions seront surveillées et nos droits suspendus, tant que le capital négociera violemment son pouvoir dans les vides laissés par la pandémie, nous devrons concentrer nos efforts à répondre aux bonnes questions et à regarder en face les tensions auxquelles nous sommes tout·e·s confronté·e·s. Obéir à des mesures totalitaires pour protéger la vie ou assumer des formes d’indocilité qui risquent de l’écorcher en passant. Accepter la fin d’un monde ou défendre sa continuité.

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Ce texte a été écrit par des personnes blanches cisgenre appartenant au spectre hétérosexuel. Notre point de vue situé peut expliquer certaines mécompréhensions et/ou exclusions pouvant être véhiculées par ce texte. Les réinterprétations sont les bienvenues.

Ce texte sera écrit au «nous» dans le contexte paradoxal où la distanciation physique est popularisée. Nous avions déjà commencé à prendre de la distance, mais voilà que cette reine virale nous demande d’agrandir le fossé entre les individus, entre les communautés. Nous souhaitons prendre acte de cette situation afin de choisir nos camps. Nous souhaitons bâtir des ponts entre les îlots qui continueront à résister à l’ensemble des plaies – et pas seulement au virus.

L’état d’exception nous a toujours fait rêver. Il est à la fois étrange et fascinant de voir les rythmes basculer, les consciences s’affûter, les allié·e·s se pointer. Il est à la fois inquiétant et merveilleux de voir que les privilèges dont chacun·e jouissait (consciemment ou non) sont mis au jour, rendus disponibles à la vue de tout·e·s, révélés.

Au même moment, certaines questions se précisent. Nos privilèges étaient-ils si invisibles? N’avions-nous pas amorcé un travail solide pour les révéler? Et aussi, la situation d’exception engendrée par la pandémie sera-t-elle suffisante pour que tous nos privilèges soient mis au jour? Sommes-nous tout à fait conscient·e·s des enjeux territoriaux, coloniaux ou environnementaux qui nous assurent encore un certain confort, une certaine portée dans nos actions?

Si les réponses à ces questions seront structurantes pour les prochains mois, la situation nous oblige à voir que les privilèges auxquels certain·e·s d’entre nous s’étaient habitué·e·s participaient à un refus général du changement social, au déni collectif de la largeur des possibles qui nous étaient déjà permis.

Les amitiés, l’accès à un toit, à un puits, à de l’eau potable, aux denrées de base, des légumes, de la farine, des protéines, de la drogue ou de l’alcool, de l’espace pour marcher sans se faire accoster par un flic ou un macho. Les connexions, les bandes passantes, les vitamines, l’entraide, la blancheur, l’argent.

Une autre question centrale nous taraude : qu’est-ce qu’on fait avec tous ces privilèges? Certains vont nous être utiles. Il faudra apprendre à les partager, à les démanteler pour mieux les distribuer, à renoncer à quelques-uns d’entre eux. Continuer à se remettre en question personnellement. Les temps de crise ne sont pas une excuse pour s’asseoir sur ce qu’on a accumulé, ni pour manquer de responsabilité sous le couvert de l’urgence.

L’état d’exception soulève avec plus d’acuité encore d’autres questions que nous nous posions déjà. Des questions comme : pour ou contre la survie de l’espèce humaine et sinon, à quel prix? Pour ou contre le capitalisme et sinon, à quel prix? À quelle forme de responsabilité individuelle et collective pouvons-nous réellement aspirer et de quelle nécessité sera-t-elle garante?

Autant que nous croyons que les réponses seront amenées à se préciser dans les prochains mois, autant que nous croyons que l’organisation politique qui est déjà là est suffisante.

Nous croyons que nous avons déjà tout ce qui est nécessaire pour survivre et pour faire exister les systèmes et les mondes dont nous rêvions – et ce, dans le sens où nous allions déjà.

Nous croyons que toutes les personnes qui liront ce texte et qui se reconnaîtront font déjà partie de ce monde parallèle dont nous parlons depuis longtemps, celui qui s’est construit lentement à partir de nos infrastructures, celui qui s’est solidarisé, déjà, à partir d’idées et de consciences communes, celui qui permet nos pluralités, nos différences.

Bien que la peur soit tout à fait légitime, nous souhaitons amorcer le mouvement des corps et le mouvement des idées vers la réalisation d’une situation commune, d’un intérêt commun – soit, le rayonnement de nos mondes au-delà des territoires oppressifs.

Bien que la méfiance soit compréhensible, nous souhaitons confirmer la théorie par la pratique et assumer, ensemble, l’incertitude inévitable d’une telle démarche. Nous souhaitons respecter les rythmes de chacun·e tout en incitant au mouvement. Nous souhaitons continuer à prendre soin les un·e·s des autres, à soigner nos relations, à assumer nos responsabilités les un·e·s envers les autres.

Nous souhaitons voir apparaître, bientôt, la cartographie située de nos communs.

Avant la pandémie, nous nous demandions déjà comment sortir de l’immobilisme, de l’isolement, du mal-être dans ce monde d’oppression. Nous nous demandions comment sortir de nos quotidiens pour avoir un peu de temps, pour penser à d’autres façons de vivre et d’être ensemble. Nous nous disions que pour sortir de l’isolement, il faudrait se reconnaître, avoir envie de faire des choses ensemble, avoir un imaginaire qui nous donnerait envie. Nous nous demandions : quelle vision du futur nous motive, pour vrai? Qu’est-ce qu’on trouverait important de faire, ici et maintenant?

Les premières réponses que nous avons trouvé étaient contenues dans les théories et les pratiques féministes. Nous croyons que la diversité peut être un atout en temps de nécessité et cela doit être porté en assumant que les féminismes radicaux sont des moteurs centraux, prioritaires et transversaux qui affectent tous les aspects de nos vies – privés, sociaux et politiques.

Lorsque nous appelons à l’entraide, nous nous fions aussi sur les consciences et les condamnations actives déjà présentes sur le terrain pour refuser tous les comportements racistes, coloniaux, homophobes, validistes, sexistes, transphobes, classistes. Mais nous ne voulons pas nier l’écart qui persiste entre les discours et la pratique. L’effort déjà déployé témoigne de ce que beaucoup d’entre nous aimeraient. La réalité, qui est que nous n’y sommes pas tout à fait, doit encore faire partie de l’équation.

Ces différents systèmes d’oppression s’entrecroisent, interagissent et se renforcent les uns les autres, d’où la nécessité de les combattre comme un tout et non de façon isolée.

À partir de maintenant, nous voulons choisir de prioriser les luttes anti-capitaliste et anti-autoritaire, ce qui implique de sortir du capitalisme et de s’organiser sans l’État actuel. Nous devons dès maintenant repenser nos façons de fonctionner ensemble : d’où l’idée de préciser nos communs* et de se doter de nos propres structures. L’état d’exception dévoile ce que nous savions déjà : des structures, qu’on les veuille ou non, sont déjà là. Nous devons choisir les nôtres et non celles imposées par l’État.

Dans le quotidien, nous continuerons à travailler à ce que l’on travaille déjà, soit, à sabler l’engrenage du colonialisme pour le faire disparaître, à mettre en place des relations de solidarité avec les réfugié·e·s et les personnes plus vulnérables, à mettre en place des moyens pour mieux se comprendre, à solidifier nos structures de soin qui nous permettent de rester inclusif·ve·s et accueillant·e·s (« care »), à travailler les opportunités que l’on a de prévenir/sortir de l’isolement, de la dépression, de l’anxiété, et cette fois-ci, des impacts du coronavirus.

Idéalement, la récupération et la consolidation des communs se ferait par région-clé – les déplacements, l’accès aux ressources et les pratiques anti-autoritaires seraient codifiées à partir de ce qui se fait déjà.

Récupérer les communs, hors des directives gouvernementales, est le devoir politique, économique et écologique de notre temps. La condition de possibilité du communalisme, c’est tout sauf « chacun·e fait ce qu’ielle veut ». Car le communalisme engage. Il est incompatible avec toute forme de libéralisme. Il ne peut exister sans certaines obligations**. Dans le communalisme, il y a le principe de l’auto-organisation de ses membres et le droit de sanction : l’idée n’est pas de se surveiller, mais de s’assurer qu’il n’y a pas d’abus. Il y a aussi l’idée du déplacement (ir)régulier des pouvoirs, qui prévient toute forme d’accaparement.

Même si nos pratiques sont déjà libertaires, subversives et que l’on peut s’en féliciter, les louanges que l’on peut en faire aujourd’hui ne sont que la moitié de ce que nous pourrons en faire dans quelques mois et dans quelques années, lorsque nous aurons fait émerger la nouvelle cartographie de cet état d’exception.

Nous ne pouvons plus nous en remettre à des lendemains qui chantent en allusion à d’hypothétiques pratiques communautaires isolées. Nous avons plusieurs choses à partager : nos pratiques anti-oppressives, nos structures, nos pratiques de soin, le matériel, les denrées de base.

Nous ne savions pas trop comment libérer du temps pour nous organiser.

Nous n’arrivions pas trop à voir comment redéfinir les échanges commerciaux/ économiques sans l’argent sale du capitalisme.

Nous ne savions pas trop comment revenir à l’essentiel, comment nous passer collectivement et activement des avantages que nous procuraient les systèmes oppressifs.

Nous ne pensions pas que le taux de CO2 sur la planète pouvait baisser aussi rapidement, réduisant concrètement le rythme des changements climatiques. Nous ne pensions pas que les salaires des personnes à faible revenu pouvaient augmenter d’un jour à l’autre. Nous ne pensions pas que l’idée du revenu garanti pour tout-e-s ferait l’unanimité de la sorte. Nous savons maintenant que tout était déjà possible, que ce n’était qu’une question de volonté.

Nous ne nous attendions pas vraiment à une pandémie mondiale.

Nous ne voulons pas être sauvé·e·s par l’État et nous ne voulons surtout pas que les choses reprennent comme avant.

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Proposition d’entraide et actions concrètes

• Nous proposons que toute personne se reconnaissant dans cet appel à l’entraide puisse choisir en toute liberté un lieu d’atterrissage. Le lieu d’atterrissage est le lieu qu’on choisit pour s’impliquer, former ou se joindre à une commune. Nous croyons qu’à ce stade-ci, la proximité territoriale est le facteur le plus important, bien que le ravitaillement, les affinités et la connexion internet soient des ressources précieuses;

• À partir de là, continuer activement la mutualisation des moyens de production (production alimentaire, ateliers de tout genre, cliniques, etc) et la mutualisation des ressources (bouffe, argent, soins, etc);

• Continuer à s’assurer que les gens autour de nous ont accès à l’information, relayer des points de vue critiques et différents des médias mainstream;

• S’assurer que nos discours soient présents dans les médias sociaux, les espaces, les territoires et dans nos échanges avec nos voisin·e·s;

• S’assurer que la grève des loyers et que toute action collective réduisant le pouvoir du capitalisme soient effectives;

• Multiplier les actions solidaires avec les personnes les plus précaires (isolement, vieillesse, pauvreté, sans-statuts, monoparentalité, personnes vivant avec un handicap, etc) et s’autoformer, s’autoéduquer à la pluralité des vécus et des situations.

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* Les communs impliquent que la propriété n’est pas conçue comme une appropriation ou une privatisation mais comme un usage. Hors de la propriété publique et de la propriété privée, les communs forment une troisième voie.

** Voir l’exemple du tequio zapatiste, ces sessions de travail collectives auxquelles chaque membre des communautés chiapanèques doit se soumettre. La définition du travail ici doit être élargie aux formes souvent invisibilisées ou hiérarchisées par le capitalisme (travail domestique, charge mentale, travail émotionnel, etc).

Surprise, on a encore des droits!

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Avr 172020
 

Du Collectif opposé à la brutalité policière (COBP)

Parce que vous êtes plusieurs à vous demander quels sont nos droits durant cette pandémie, nous avons cru bon de publier ce guide, en espérant que cela puisse vous éclairer !

On en profite pour souligner le travail acharné de : Me Franccesca Cancino, Me Émilie Breton-Côté, Me Alia Chakridi, Me Raphaëlle Desvignes, Émilie E. Joly, Jacinthe Poisson et Me Arij Riahi . Le document a été révisé par Me Denis Barrette et la professeure de droit Dominique Bernier.

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PDF: Surprise, on a encore des droits !!

Le confinement des consciences

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Avr 132020
 

Du Collectif Emma Goldman

Nous avons bien ri en Occident de ces images présentant la lutte désespérée de consommateurs des grandes chaînes pour l’accaparation de quantités irrationnelles de papier de toilette. Interrogés par certains médias, les consommateurs répondaient alors ne pas savoir pourquoi ils avaient besoin d’autant de rouleaux ou bien simplement suivre le mouvement de la foule.

Le sentiment de catastrophe est difficile à refouler. Les experts de l’État nous demandent de nous en remettre aux héroïnes, des héroïnes des soins de santé qu’ils ont surmenées, épuisées et découragées à force de coupures répétées dans les budgets et de dévalorisation de leurs métiers en vue des négociations de conventions collectives.

La dissonance est intense… la colère l’est aussi. Les directions « rationalisent » le matériel de protection des employé-e-s ; c’est-à-dire encore à ce jour pas de masque et peu de gants pour les soignants et soignantes dans bien des foyers de personnes âgées malgré l’hécatombe.

Des divertissements et des boucs-émissaires. Pendant que les « anges gardiens » se tuent à la tâche pour des salaires réels plus bas que ceux des décennies précédentes (prospérité l’oblige claironne le patronat québécois!), le peuple est prié de regarder ailleurs – de regarder des vidéos de bébés animaux. Ça va bien aller… et surtout attendez patiemment que l’État remette en place les conditions normales de votre exploitation. Ce n’est pas un beau rêve. L’État est le plus froid des monstres, pour paraphraser Nietzsche, des mensonges rampants de sa bouche, il nous dit : ‘moi l’État, je suis votre soignant ».

Le récit que tout un chacun se faisons des événements n’est pas personnel… il est façonné en grande partie par l’État. Face à la crise, celui-ci nous sort les mêmes vieilles recettes. Xénophobie au rendez-vous, le virus aurait la nationalité chinoise pour plusieurs, dont Trump, ou du moins la faute serait à rejeter sur ce peuple; une duperie qui fait bien l’affaire des populistes qui sentaient leur fierté nationale froissée par la montée de la Chine. Le racisme ne demeure jamais vraiment confiné dans le « domaine des idées ». Il s’est bien manifesté de plusieurs façons par l’expression et les gestes haineux envers les personnes d’origine chinoise ou associée à pour des raisons parfois stupides. Une chicoutimienne née en Chine a par exemple dénoncé plusieurs incidents survenus dans notre région [https://www.iheartradio.ca/energie/energie-saguenay/nouvelles/coronavirus-une-chicoutimienne-nee-en-chine-victime-de-racisme-1.10852664].

Fidèle à ses habitudes, l’État a également envoyé son bras armé pour « mater la crise ». Les appels à l’ordre public ont généré un véritable régime de délation où chacun est appelé à épier les gestes des autres et s’en remettre aux policiers. L’ennemi est potentiellement le voisin ou la voisine. La situation québécoise est actuellement tellement pitoyable que même les flics se disent dépassés par le flot d’appels sordides et demandent aux québécois et québécoises de « slacker » la délation! Certains politiques croient que l’État est trop mou et demandent l’intervention de l’armée. Faut croire que ce virus est une sorte d’anarchiste…

Enfin, les frontières. C’est par le pouvoir des politiciens, et non celui du corps médical, que le récit populaire des événements a acquis la croyance que le virus serait propagé par les personnes provenant de l’extérieur, voir particulièrement les personnes immigrantes, et que la fermeture des frontières nationales constituerait une façon d’enrayer sa propagation. Après les pressions populistes, le gouvernement canadien a même pris des mesures pour empêcher l’accès au Canada des demandeurs du statut de réfugié. Pensons-nous pouvoir vivre dans une bulle de verre hermétique? Le fantasme des populistes de droite est d’une stupidité sans nom. On demande le confinement forcé à des milliards de personnes du Sud global, qui pour une grande partie n’ont pas l’eau potable à la maison ou doivent se débrouiller au jour le jour pour répondre aux besoins de base de leur famille… Combien vont mourir de faim ou de soif plutôt que du coronavirus alors que des pays comme le Canada préféreront investir des milliards pour soutenir l’industrie délétère des énergies fossiles? Comment ensuite penser que cette absence de solidarité avec le Sud global dans le contexte de pandémie ne favorisera pas une propagation encore plus intense et encore plus difficile à combattre au Canada dans le futur? Fuck!

S’il vous plait, protégeons-nous contre le virus, mais combattons également le confinement des consciences par la solidarité de classe et la solidarité internationale. Ciblons les vrais ennemis.

Anarchiste du Pekuakami

En mai, fais ce qui te plaît – Un appel au conflit

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Avr 132020
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Ici nous pouvons aisément réaliser que le gel hydroalcoolique sert aussi bien à se désinfecter les mains qu’à allumer des incendies.

En d’autres termes que nous n’avons pas besoin des directives de l’état pour prendre soin de nos proches, et, une fois réglée la question de la survie, nous n’avons rien de mieux à faire que de sortir trainer à l’affût d’un mauvais coup, nous avons plus que jamais besoin de vengeance et d’amitiés réellement vécues.

Maintenant que nous sommes pris dans ce système futuriste nous ne pouvons plus que déclarer la guerre à la normalité si nous ne voulons pas mourir d’un ennui aseptisé.

Nous sommes face à un double mouvement. D’un coté le pouvoir semble ne jamais avoir été aussi fort, ne jamais avoir tant conquis les coeurs et les esprits de ses citoyens dociles. De l’autre il semble ne jamais avoir du gérer une situation aussi complexe (du moins depuis notre naissance).
Face à cela peut-être pouvons nous conclure deux choses.

Premièrement qu’ il n’est plus question d’attendre une quelconque masse qui viendrait à s’éveiller pour l’affronter.

Deuxièmement que le moment semble propice pour attaquer.

Propice ici ne signifie pas le seul bon moment. Il est toujours temps pour s’opposer.
Non, propice signifie ici que notre adversaire est complètement occupé à d’autre choses et que nous n’avons aucun moyen de savoir ni ce que nos actes peuvent produire comme effet en chaîne (au vu de la situation assez inédite pour notre époque) ni si nous aurons prochainement une autre occasion.

Cela ressemble à un pari intéressant pour les ennemis du pouvoir. Se saisir de l’occasion et voir ce qui pourrait se passer …

À l’heure où les forces du contrôle qui quadrillent l’espace en véhicules, en drone ou à pieds n’ont jamais été aussi présentes et surmenées, que se passerait si elle étaient menacées dans leurs bastions par des messages de mort écrit à la peinture ? Prises à partie régulièrement par quelques pierres/cocktails/artifices/pétards en pleines nuit pendant leurs sommeils ? Se faisaient attaquer pendant leurs patrouilles ?

A l’heure où les cages sont pleines à craquer et où l’on crève derrière un grillage, que se passerait il si des voitures de matons venaient à rencontrer un tournevis/un marteaux/quelques allumes feux ? Si les personnes qui surveillent et enferment, déjà sous pressions constantes, se faisaient agresser en rentrant chez elles ?

A l’heure où tout le monde ou presque travaille/étudie/partage/se détend/s’instruit/s’insurge/fais du sexe/… face à un écran, que ce passerait il si quelques cables de fibres optiques sous une trappe faciles d’accès étaient saboté ?

A l’heure où tout le monde ou presque « communique » au travers de téléphones. Commande/ ordonne/planifie/organise pour produire (et parfois pour militer) ou « prends soin » via des applications ou des coups de fils incessants, que se passerait il si des antennes relais situées dans des endroits parfois fort peu fréquenté étaient rendu inopérantes ?

A l’heure où tout le monde ou presque vit confiné dans un bulle domotique connectée à la matrice comme un ersatz de vie que se passerait il si un pylone haute tension facile d’accès venait à tomber par terre ?

Nous ne savons absolument pas ce que cela pourrait produire. Et c’est précisément pour cela qu ‘il faudrait impérativement le tenter.

Diffuse et traduis ce texte si tu l’as aimé. Attaque et Conspire si tu veux participer.
Communique et développe tes idées si tu veux dialoguer avec d’autres rebelles.

Ce petit texte tient lieu de faire part pour un mois de mai dangereux.

Note numéro 1 : si tu est trop impatient.e pour attendre mai et que cette invitation t’as plu, n’hésite pas à attaquer en avril et à le signifier dans ton potentiel communiqué.
Note numéro 2 : si tu es trop impatient.e pour attendre tu peux attaquer en avril et en mai !

#Libérezlestous : campagne d’email pour la libération des prisonniers fédéraux

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Avr 122020
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

SOUTENEZ TOUS LES PRISONNIERS MAINTENANT! PERSONNE NE DEVRAIT PASSER UN PANDÉMIE EN PRISON!

La situation des prisonniers pendant la pandémie de COVID19 est terrifiante. Il est largement admis que les prisonniers sont dans une position dangereuse pendant cette pandémie en raison de la proximité des quartiers d’habitation, du manque de soins de santé et du manque d’accès aux fournitures sanitaires. Services correctionnels Canada a fait très peux pour contrer les risques internes, mis à part l’annulation de toutes les visites, les libérations temporaires de travail et les visites de roulottes. Comme on pouvait s’y attendre, COVID19 a déjà commencé à se répandre dans le système carcéral fédéral avec des détenus et du personnel infectés dans plus et plus des établissements.

Les appels à la libération des prisonniers sont venus de nombreuses personnes et groupes différents à travers le monde et de nombreux médias au Canada ont publié des articles détaillant le raisonnement pour la libération des prisonniers. Nous aimerions ajouter nos réflexions à cette conversation.

Au niveau fédéral, il existe de nombreux outils que le Service correctionnel du Canada et la Commission des libérations conditionnelles du Canada peuvent utiliser pour libérer les détenus. Ceux-ci comprennent: la prolongation des absences temporaires non accompagnées, l’utilisation des articles 81 et 84 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (ADRC), des audiences accélérées pour les cas de suspension et de révocation, et l’utilisation de l’article 121) 1.b) de l’ADRC, qui indique que «la libération conditionnelle peut être accordée à tout moment à un délinquant […] dont la santé physique ou mentale est susceptible de subir de graves dommages s’il continue d’être détenu».

L’utilisation des dispositions existantes pour libérer les prisonniers afin de protéger leur santé n’est pas sans précédent. En effet, comme l’expliquent Jane Philpott et Kim Pate dans un article de Policy Options, « les articles 29, 81, 84, 116 et 121 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition ont été spécifiquement créés pour faire sortir les gens des prisons pour résoudre des problèmes de santé, pour le développement personnel, pour des raisons de compassion ou pour le travail. Les articles 81 et 84 prévoient le transfère des détenus autochtones dans les communautés autochtones, mais pourraient également s’appliquer à d’autres personnes » (on souligne).

Dans ce contexte, nous exigeons des actions immédiates pour protéger la santé et la sécurité des détenus fédéraux. Plus précisément, nous avançons les revendications suivantes :

1. LIBÉRONS IMMÉDIATEMENT TOUS LES PRISONNIERS VULNÉRABLES : Toute personne de plus de 50 ans, immunodéprimée, enceinte, malade ou présentant une condition préexistante qui la rend à haut risque de mourir de la COVID-19.

2. LIBÉRONS TOUS LES PRISONNIERS, en commençant par ceux qui se trouvent dans les PRISONS DE SÉCURITÉ MINIMALE et les maisons de transition : Selon la logique même du Service correctionnel du Canada, ceux et celles qui se trouvent dans les prisons de sécurité minimale et les maisons de transition sont considéré.e.s comme présentant le moins de risques pour la sécurité publique, alors commençons par là. Laissons ceux qui ont une maison rentrer chez eux, garantissons une distance physique sûre entre les personnes dans les maisons de transition où les gens choisissent de rester, élargissons l’accès au financement de la Prestation canadienne d’urgence (PCU) pour inclure les personnes qui sortent de prison, ouvrons les logements vacants pour ceux qui n’ont pas de maison.

3. PRENONS IMMÉDIATEMENT DES MESURES SANITAIRES ET PRÉVENTIVES POUR PROTÉGER LES PERSONNES QUI RESTENT EN PRISON : Fournissons gratuitement à chaque prisonnier du savon, du désinfectant pour les mains avec le taux d’alcoolémie approprié recommandé par l’Organisation mondiale de la santé, de l’eau de Javel, des produits de nettoyage et des outils d’auto-évaluation (comme des thermomètres), et transférons les prisonniers en sécurité maximale et moyenne dans les prisons minimales vides pour permettre une bonne distance physique.

4. ARRÊTONS LA LOGIQUE DE LA PUNITION. PRIORISONS L’ACCÈS CONTINU À LA COMMUNAUTÉ ET À LA FAMILLE POUR CEUX QUI RESTENT EMPRISONNÉS : Rendons gratuits les appels téléphoniques et les visites vidéo, autorisons les appels téléphoniques et les visites vidéo pour les bénévoles et les soutiens en dehors de la famille, donnons accès à des téléphones portables pour limiter l’utilisation des téléphones communautaires et pour que l’accès à l’extérieur soit maintenu en cas d’isolement médical, et ne verrouillons pas l’accès aux soutiens communautaires et familiaux. L’Organisation mondiale de la santé, soulignant l’importance de la communication avec l’extérieur, a déclaré que « les décisions de limiter ou de restreindre les visites doivent tenir compte de l’impact particulier sur le bien-être mental des détenus… L’impact psychologique de ces mesures doit être pris en compte et atténuée autant que possible et un soutien émotionnel et pratique de base pour les personnes affectées en prison devrait être disponible. »

5. DES SERVICES MÉDICAUX POUR TOUS : Veillons à ce que les services médicaux soient entièrement financés, accessibles 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, et à ce que des professionnels de la santé supplémentaires soient engagés. Fournissons une formation, des EPI et des tests réguliers. Supprimons l’obligation d’avoir des gardes pour accompagner les prisonniers à l’hôpital. Ne pas envoyer les prisonniers dans des hôpitaux militaires spéciaux.

Qui devez-vous contacter?
À ce stade, vous pouvez appeler ou envoyer un courriel :
1. Anne Kelly – Commissaire du Service correctionnel du Canada: anne.kelly@csc-scc.gc.ca, 613-995-5781
2. Angela Connidis – Sous-commissaire pour les femmes, Service correctionnel du Canada: angela.connidis@csc-scc.gc.ca, 613-991-2952
3. Jennifer Oades – Présidente de la Commission des libérations conditionnelles du Canada: jen-nifer.oades@pbc-clcc.gc.ca, 613-954-1154
4. Bill Blair – Ministre de la Sécurité publique: Bill.Blair@parl.gc.ca
5. Kim Pate – Sénatrice faisant pression pour la décarcération: Kim.Pate@sen.parl.gc.ca
6. Marilou McPhedran – Sénatrice faisant pression pour la décarcération: Marilou.McPhedran@sen.parl.gc.ca
7. Jack Harris – NPD, porte parole Sécurité Publique: jack.harris@parl.gc.ca, 709-772-7171

Vous pouvez aussi utiliser le graphique (ici: demandprisonschange.wordpress.com) sur les réseaux sociaux! Tweetez à @csc_scc_en ET @csc_scc_fr avec les hashtags: ##Libérezlestous.

solidarité,
le collectif Termite

Social Virus

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Avr 122020
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Début de la crise et Grande Répression

Cela a commencé en Chine. Des touristes, des banquiers, et d’autres, notables pour leur fortune, l’ont contracté. Le virus étant mortel, et requérant une médecine inconnue, l’on a voulu le contenir au plus vite, mais en vain.

Mon oncle fut parmi les premières victimes au Québec. Peu de temps après sa mort, mon père mourut aussi, sans avoir pu profiter de la fortune de son frère dont il venait d’hériter et sans avoir eu le temps de m’en faire à mon tour l’héritier…

Le virus se propage comme aucun autre connu. Au début de la crise, on disait « de façon aléatoire… ». On dit aujourd’hui que cela ressemble à une malédiction. Par habitude, on prôna l’évitement de la proximité, même si cela ne semblait pas le moyen de propagation du virus. En effet, puisqu’aucun cas n’était enregistré chez les serveurs, serveuses, les caissiers, caissières, bref chez ces travailleurs, travailleuses qui tâtent le moindre produit du capital pour le vendre, et autant de monnaie pour la remettre aux patrons, qui interagissent avec des centaines de gens par jour. Quand ce fut au tour des politiciens de tomber malades, alors qu’on n’enregistrait encore aucun cas chez les masses, on commença à s’intéresser avec zèle à l’origine du virus. Dans l’Est, on crut que c’était un coup des États-Unis. Aux États-Unis, on crut que c’était un coup de l’Est. Or réalisant bientôt que ni l’Ouest ni l’Est n’avait préparé un tel coup, on accusa une supposée Internationale révolutionnaire formée en secret.

La répression de tout regroupement à saveur anarchiste fut brutale. Si bien qu’on regretta de ne pas s’être effectivement organisé.e en Internationale secrète. Les autorités d’ici fermèrent d’abord l’UQÀM, lieu où, drôlement, elles soupçonnaient le plus d’« éléments séditieux ». Nos festivals, nos squats, nos cénacles, la police sabota le moindre de nos espaces. Les plus naïfs et naïves d’entre nous réalisèrent non seulement qu’il faillait bien que ces espaces aient été fortement surveillés déjà pour qu’on les sabote tous ainsi, systématiquement et dès l’émission de l’ordre, mais aussi, qu’il n’y a pas du tout lieu de penser pouvoir mener une activité révolutionnaire en toute sécurité sous domination. Du côté de nos camarades communistes, on vit flamber la Maison Norman Béthune le soir même de la déclaration du gouvernement contre la supposée Internationale. Les autorités sont allées jusqu’à persécuter dans leur demeure les camarades Côté et Gauthier, qui tenaient une librairie d’occasion à Salaberry-de-Valleyfield. Côté et Gauthier, qui apportaient tant à leur communauté par les ateliers qu’iels organisaient, par la distribution de savoirs, par toutes sortes de gestes solidaires, ont fini par mourir des blessures que leur ont infligées les gendarmes. Nous nous assurerons d’une transmission de leur héritage, c’est-à-dire les fruits de leur archivage que des proches conservent pour l’instant et, une fois Valleyfield définitivement gagnée, le maintient d’un lieu de rencontre et de savoir tel que Côté et Gauthier n’en ont jamais rêvé.

Ces écrasantes défaites, dont la liste est si longue qu’on ne saurait la transcrire au complet – je vous partage celles qui m’ont le plus directement touchées – valent mention en cas d’un retour à l’ordre ancien : s’exposer sans plan de secours a eu pour résultat la neutralisation par les autorités de camarades parmi les plus vaillants, vaillantes dès le commencement d’hostilités sérieuses. Et cela, sans qu’on ait pu faire quoi que ce soit pour empêcher ou prendre moins durement le coup. À noter que malgré que plusieurs membres de nos groupes prétendaient militer « au nom des masses », ces dernières ne furent d’aucune aide au commencement de la Grande Répression. Certes, les personnes itinérantes, les fugitives et fugitifs, les gens en refuges n’auraient de toute façon pas pu faire grand chose. Mais je parle de l’autre masse, celle des travailleurs, travailleuses quelque peu engraissé.e.s ou aspirant à le devenir ou entretenant une allégeance indéfectible envers la société de classes. Je parle de profs, d’employé.e.s d’usines, d’infirmières (contre toute attente) et de gens de cuisine! Tout ce spectre allant de l’aristocratie ouvrière à une confortable misère. Je parle de cette masse de traîtres qui ont largement diffusé et encouragé l’opinion du pouvoir à propos d’une crise qui, finalement, était la crise du pouvoir même. En effet, donc, notre exposition, nos façons d’aborder les masses au sein d’un système de domination auront à être repensées en cas de guérison de notre ennemi. Non pas que ces questions n’avaient jusqu’alors jamais été posées. Or on voit bien, à la lumière des événements récents, que ces questions n’avaient pas à être mises en dépôt, que nous révolutionnaires n’étions que toléré.e.s, que si la bourgeoisie nous avait combattu en fonction d’un danger moins grand, moins assuré que le virus, je ne serais pas là à rendre compte de la situation révolutionnaire dans Montréal et ses alentours.

Où en est-on?

Ce ne furent évidemment pas que les révolutionnaires confirmé.e.s qui souffrirent durement des mesures de sécurité bourgeoise. En Indonésie, l’État restreignit à ces agents l’accès à Internet. Tous les services de téléphonie y furent sommés d’enregistrer toute communication et des agents furent payés pour vérifier si le courrier papier ne contenait pas des marques de complots contre l’État. Ce n’est que tout récemment que nous avons pu entrer en contact avec des révolutionnaires de l’Indonésie, après des mois de silence de leur part. Plusieurs autres États ont suivi l’exemple et ont privé de contacts et de ressources des communautés sous prétexte qu’elles accueillaient des « éléments séditieux ». Aussi, dans tous les pays industrialisés, ce fut le confinement général renforcé par la police, la fermeture de tout sauf ce qui a trait aux besoins essentiels, puisqu’on ne savait pas encore si le virus n’allait pas s’attaquer aux masses et se transmettre ainsi davantage. Suite à cet ordre, plusieurs virent leur situation devenir encore plus précaire qu’elle ne l’était déjà : réduction des revenus, isolement en situation de violence conjugale ou parentale, empilement des charges émotives et de travail, etc. Heureusement, l’expérience indique que le virus avait bel et bien une destination et que celle-ci n’était pas le camp des dominé.e.s. C’est ainsi que le renversement de la classe dominante comme destin obligé pour l’atteinte d’une meilleure santé redevint, par un retournement que personne n’avait envisagé, une évidence; et qu’on donna malheureusement raison à cette publication d’avant la Grande Répression, au Lundi Matin : « l’humanité ne se pose que les questions qu’elle ne peut plus ne pas se poser. » Par ailleurs, si vous, travailleurs, travailleuses, et laissé.e.s pour compte, habitez dans une région du monde où la bourgeoisie est encore en puissance, et que vous avez heureusement accès à ce pamphlet, sachez que le virus, s’il demeure, aura vite raison de tout arrivisme. Dans tous les pays où le virus frappa durement, des membres de l’aristocratie ouvrière se sont dépêché.e.s à prendre la place des dominants défunts. Cela, à leur grand péril, comme ce fut le cas avec mon père. L’arrivisme perdure parce que des larbins, larbines sont en ce moment payé.e.s à développer des technologies et des traitements permettant une plus longue résistance au virus. Iels font croire ainsi à une pléthore de borné.e.s que la crise du pouvoir finira bien par passer, que « l’homme est un loup pour l’homme » et rien d’autre. Or à date, la plus longue résistance à la mort prévue fut d’un mois, et après trois semaines, le cerveau dégénère et le malade perd la mémoire, devenant inapte à remplir sa fonction de dominant.

No war, but class war

À l’heure qu’il est, c’est la guerre dans les rues de Montréal, et ailleurs. La police, malgré le déclin de ce pourquoi elle existe, patrouille arme au poing dans les quartiers qu’elle peut encore se permettre de patrouiller. Il faut les voir, les flics, avec leurs machins à respirer… Le mot d’ordre est que tant qu’un chef est proclamé, tant qu’on reconnaît à une personne sa propriété, on défendra le vieux monde. Or les faiseurs de lois et les extorqueurs sont de moins en moins forts et on reconnaît donc de moins en moins leur autorité; la classe dominante ayant perdu sa capacité de renouvellement, il ne reste au pouvoir, pouvoir s’amincissant de jour en jour, que des brutes assumées. C’est suite à un mois complet sans chef que les révolutionnaires sont sorti.e.s de leur trou : tout chef proclamé mourrait la nuit même de sa proclamation. C’est alors que la plupart des scientifiques mandaté.e.s à la recherche d’un antivirus reçurent pour tâche le simple rallongement de la vie des malades, afin que le monde ne sombre pas dans l’anarchie… Durant ce mois, aucune directive claire de la part des autorités. Les forces de l’ordre étaient laissées à elles-mêmes. Et nous réalisions enfin que le virus n’avait définitivement aucune intention belliqueuse à l’encontre de la classe des dominé.e.s. Le bioterrorisme imaginé au début de la crise était-il un fait? A-t-il existé une Internationale secrète qui, après son coup contre les dominants, a fait vœu de silence? Quoi qu’il en soit, les révolutionnaires ont fait, à la sortie de ce mois, ce qui devait être fait : nous nous sommes réuni.e.s et nous avons travaillé à une campagne de mobilisation pour la fin des sociétés de classes, applicable dans les plus brefs délais. Fini le confinement, finie l’attente du salaire. Le travail est à faire non plus selon les caprices d’une élite possédante, mais dans la mesure où nous avons tous et toutes besoin de logement, de nourriture, de loisir, de mener des projets personnels. C’est la guerre, donc, enfin. Le mois suivant fut le retour grandiose des révolutionnaires contre la police, contre tout ce qui nie la reconnaissance de nos besoins et désirs. Le premier meurtre d’un flic à Montréal fut lors du raid de l’épicerie Metro, à Hochelaga. Son corps pend encore sous l’enseigne. Le but avait été de réaménager l’endroit en une gigantesque cuisine et salle à manger commune.

Où en est-on?

Nous n’avons, ici à Montréal, aucune nouvelle des Wet’suwet’en qui bloquaient, dans l’ouest du pays, depuis bien avant la pandémie, la construction d’un pipeline. Il semble qu’iels aient disparu.e.s. Si vous avez de leurs nouvelles, prière, après l’obtention si possible de leur consentement, de le communiquer à des révolutionnaires. Nous devinons qu’il s’agit là d’un coup ordonné par la ridicule Union des Leaders, appareil étatique s’étant inféodé toutes les polices du pays et ayant annulé jusqu’à nouvel ordre toute élection par le peuple, se reconnaissant donc tous les pouvoirs dans le pays. Pour les anarchistes, le remplacement des partis par l’Union des Leaders fait peu de différence. Le gouvernement, le corps policier, qu’ils soient divisés ou non, sont liberticides. Bien sûr, l’aspect discrétionnaire de ce nouvel appareil en a fait souffrir plus d’un, plus d’une, nous le reconnaissons et nous travaillons à ce que les torts soient redressés. Or il faut admettre que cette possibilité n’est que dormante dans un État divisé, qu’elle est masquée, puisqu’il s’agit toujours bien, dans les deux cas, d’une classe qui en extorque une autre. À noter que des universitaires manifestèrent leur mécontentement lors de la formation du nouvel appareil politique, mais qu’iels se turent rapidement quand iels réalisèrent que cette fois-ci, les révolutionnaires ne prendraient pas les coups à leur place, vu leur état diminué. À ce propos, nous n’avons, depuis cet épisode, pas plus de nouvelles de Michel Lacroix, président du syndicat des profs de l’UQÀM. Et à vrai dire, nous nous en soucions peu. Nous avons autre chose à faire que de renouer avec celleux dont le travail payé était la reproduction par l’éducation des inégalités sociales. Prière de le communiquer à Lacroix s’il se sent encore l’âme d’un prof.

La semaine dernière, ce fut officiel : les flics, les soldats, les gardiens de prison, bref les défenseurs salariés des divisions sociales ne sont pas épargnés par le virus. Nous ne nous sommes alors plus gêné.e.s : nous avons fait sauter les murs de la prison de Laval. Cela aurait été impossible il y a quelques semaines. Ce qui reste de gouvernement avait donné l’ordre de fermer les villes et nos camarades lavalois, lavaloises avaient un effectif réduit. Or depuis que les effectifs du bras armé de l’État sont à la baisse, les frontières administratives sont devenues de véritables passoires et des camarades ont pu venir en aide aux révolutionnaires de Laval.

Certitudes et incertitudes

Selon le dicton, une victoire sans péril est une victoire sans gloire. Et force est d’avouer que le péril est moindre, puisque l’on sait que nos ennemis se mettent eux-mêmes en position de contracter le Social Virus (c’est son nouveau nom). Néanmoins, on ne saurait dire que la victoire proche des révolutionnaires ne sera pas glorieuse! Jamais dans ma vie je n’ai constaté une telle abondance de solidarité dans les rues, les milieux de travail. Face aux incertitudes que pose la vie, on a enfin décidé de prendre soin, de se respecter en reconnaissant les besoins et désirs de l’autre. Il n’y aura bientôt plus de gouvernement, plus de patrons, plus de flics, quoique le dernier fantôme du vieux monde puisse dire. Il n’y aura que des individus apprenant à s’organiser en fonction des intérêts de tous et toutes, une camaraderie se généralisant, parce qu’on réalise qu’il n’est pas nécessaire que le rapport à l’autre en soit un de compétition. À ce propos, rien de nouveau : « Deux hommes valent mieux qu’un seul, lisait-on déjà dans L’Ecclésiaste, car ils ont un bon salaire pour leur travail. En effet, s’ils tombent, l’un relève l’autre. Mais malheur à celui qui est seul! S’il tombe, il n’a pas de second pour le relever. » (Qo 4.5)

Parmi nos ennemis, seules les milices patriotiques ne semblent pas atteintes, du moins pas encore, par le virus. Nous n’attendrons pas que cela advienne. Comme j’ai dit, la vie est incertaine. Nous avons en cela le devoir de ne pas nous laisser avoir par le confort que nous procure une providence inconnue. Certains adeptes du vieux monde tentent de faire croire que le virus équivaut à une punition divine « pour avoir permis le ressassement d’idéologies victimaires. » Nous révolutionnaires pensons qu’il s’agit plutôt du dernier sursis accordé à notre cause. Et nous nous devons de lutter maintenant plus que jamais, ne pas attendre la possible guérison de nos ennemis, ou ce sera un douloureux recommencement pour celleux qui ont déjà tant travaillé au monde de demain, celui où la propriété ne sera plus qu’un fantôme, celui où l’économie nous servira plutôt que l’inverse.

Conclusion : continuons.

J’aimerais dire que tout est déjà gagné. Que le socialisme anarchiste et communiste a vaincu. Or je répète : la vie est faite d’incertitudes. Puisqu’on ne sait s’expliquer l’origine du virus, craignons un retour en force et inexplicable de nos ennemis, ne nous assoyons pas sur nos victoires et continuons de combattre, même s’ils sont à l’état de moribonds, les systèmes de domination. Aussi, adressons sérieusement, mais avec calme et recul, les tensions qui existent au sein de nos groupes – rien de trop hâtif ou découlant d’un défaitisme – afin que ne soient pas reproduites les inégalités sociales. Célébrons tout de même, car à quoi bon sinon?

À l’heure où j’écris ces lignes, adressées au peu de populations qui ne sont pas encore ouvertement en guerre contre la bourgeoisie et aux groupes isolés, des camarades de Montréal s’apprêtent à rejoindre des camarades innu.e.s pour la réquisition de la centrale hydroélectrique Manic-5. À l’heure où vous lirez ce pamphlet, l’unité de la milice patriotique gardant ce lieu aura été décimée.

Ceci conclut mon appel à continuer la lutte contre les sociétés de classes. Solidarité et courage, camarades : l’avenir radieux prend place.

Un membre de l’Association Révolutionnaire d’Hochelaga (l’ARH)

Lincoln detox center – Interview avec Vicente « Panama » Alba

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Avr 112020
 

De Archives Révolutionnaires

Inspiré.es par le Black Panther Party et d’autres groupes de révolutionnaires qui s’organisent afin de répondre aux besoins en santé et en éducation de leur communauté, des membres du groupe latino-américain Young Lords Party mettent sur pied, en 1970, un centre de traitement de la toxicomanie. Le 10 novembre 1970, une trentaine de militant.es occupent le sixième étage (alors vacant) du bâtiment de la résidence des infirmières de l’hôpital Lincoln, dans le Bronx à New York. Il.les installent rapidement des points de contrôle et érigent une barricade ; l’administration de l’hôpital est forcée de négocier et enfin de leur céder l’espace. En partenariat avec des travailleur.euses de la santé, des personnes toxicomanes et des membres de la communauté, les Young Lords mettent alors sur pied The People’s Drug Program, un programme de désintoxication géré par la communauté. L’entrevue qui suit, réalisée par Molly Porzig, a été publiée le 15 mars 2013 dans la revue américaine The Abolitionnist. Vicente « Panama » Alba, membre du Young Lords Party et conseiller au Lincoln Detox Center durant les années 1970, y raconte son expérience.

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Les Young Lords présentent 7 demandes à l’hôpital Lincoln, en juillet 1970.

Qu’est-ce que c’était que le Lincoln Detox Center ? Comment ça a commencé et pourquoi ?

À New York, à la fin des années 60 début des années 70, nous traversions une épidémie de drogue. En novembre 1970, j’avais 19 ans et j’étais accro à l’héroïne depuis cinq ans déjà. J’ai commencé à consommer de l’héroïne quand j’avais 14 ans, ce qui était très courant parmi les jeunes hommes et femmes de ma génération. 15 % de la population des communautés du South Bronx, de Harlem, du Lower East Side et de Bushwick à Brooklyn était accro, tous âges confondus, des nouveau-nés jusqu’aux personnes âgées au seuil de la mort. La majorité des accros étaient des adolescents et des personnes entre 20 et 30 ans. À cette époque l’addiction concernait principalement l’héroïne. Dans les années 60, le gouvernement des États-Unis s’engagea dans une guerre en Asie du Sud-Est, connue en général sous le nom de « guerre du Vietnam », même si les États-Unis étaient alors engagés dans tout le sud-est de l’Asie. Il y avait une compagnie aérienne qui était une opération clandestine de la CIA dédiée au transport d’héroïne depuis l’Asie du Sud-Est vers les États-Unis. Aujourd’hui on voit dans les films d’Hollywood des « gangsters » important de l’héroïne, mais la majorité de l’héroïne importée aux États-Unis l’était via une opération du gouvernement américain, ciblant les communautés de couleur pauvres, les communautés noires et latinos. À New York, l’héroïne a dévasté la plus grande partie d’Harlem et du South Bronx. Les jeunes consommaient de l’héroïne ouvertement, ils la sniffaient dans les discothèques ou dans les toilettes des écoles, ce qui les amenait ensuite à se l’injecter directement dans les veines.

C’est une épidémie qui a été bien décrite par un membre des Black Panthers, Michael Cetewayo Tabor, un des « 21 de New York », dans une brochure appelée « Capitalism Plus Dope Equals Genocide », que nous avons beaucoup diffusé. En 1969, le Black Panther Party de la ville de New York a été décimé par l’incarcération et la mise en examen de 21 Black Panthers, ce qui les a obligés à se focaliser sur le procès et à délaisser les autres domaines de militantisme à cette période. Du fait des relations qui existaient entre le Black Panther Party et les Young Lords, nous avons commencé à nous pencher ensemble sur le problème de l’épidémie d’héroïne, de l’état de santé de nos communautés et des positions hostiles des institutions de santé publique à l’égard de nos communautés. L’hôpital Lincoln a été construit en 1839 pour prendre en charge les anciens esclaves qui migraient du sud des États-Unis [vers les villes du Nord]. En 1970, c’était le seul établissement médical dans le South Bronx. C’était un bâtiment de briques en ruines du siècle dernier qui n’avait jamais été restauré. Il était connu comme « la boucherie du South Bronx ». Dans l’ancien hôpital Lincoln (et aujourd’hui encore), quand tu marchais dans les couloirs, tu voyais du sang partout – du sang sur les murs, sur les draps, sur les brancards, et même sur tes chaussures. Ils envoyaient les médecins là-bas pour faire leur internat, pour se faire la main sur les Noirs, les Portoricains et la minuscule et chaque fois plus réduite communauté blanche du South Bronx.

Au début des années 70, ils ont charcuté une femme qui s’appelait Carmen Rodriguez et qui est morte après s’être vidée de son sang sur un brancard. En réaction à sa mort, les Young Lords, avec la participation de quelques Black Panthers, ont occupé l’hôpital Lincoln pour la première fois et exigé de meilleurs soins médicaux pour les gens de la communauté.

« Évidemment les pouvoirs en place ne voulaient pas de nous là-bas, mais ils ne savaient pas comment faire avec des gens qui disaient : on ne va pas partir. On va rester et on va se mettre au service des nôtres. »

Durant l’occupation, les Young Lords, les Panthers, des personnes solidaires et des traducteurs ont installé des tables où les gens venaient témoigner de leurs expériences de prise en charge médicale. Une grande partie de l’occupation s’est focalisée sur le problème posé par l’absence de traducteurs au sein de l’hôpital Lincoln. Le South Bronx est une communauté majoritairement portoricaine, composée principalement d’hispanophones à peine débarqués ou de deuxième génération, qui parlent peu ou pas anglais. Les gens déambulaient dans l’hôpital Lincoln pour qu’on s’occupe d’eux mais ils ne trouvaient personne capable de répondre à leurs douleurs ou leurs problèmes.

L’administration de l’hôpital avait également été montrée du doigt pour l’absence de services destinés aux personnes toxicomanes, et en particulier à celles accros à l’héroïne. Ce que la communauté n’a cessé de reprocher à l’hôpital, entre autres, c’est que tu allais à l’hôpital mais tu ne recevais aucun traitement. L’administration de l’hôpital n’en a pas tenu compte.

Quelques mois plus tard, le 10 novembre 1970, un groupe de Young Lords, une coalition anti-drogues du South Bronx et plusieurs membres de l’Health Revolutionnary Unity Movement (une organisation de masse regroupant des travailleurs de la santé) avec l’appui du Collectif Lincoln, ont pris le contrôle de la résidence des infirmières de l’hôpital Lincoln et y ont établi un programme de traitement de l’addiction aux drogues appelé The People’s Drug Program [Le Programme anti-drogues du peuple], qui allait se faire connaître sous le nom de Lincoln Detox Center [Centre de désintoxication Lincoln]. La police nous a encerclés, mais nous avons dit que nous n’allions pas bouger. Le deuxième jour, la nouvelle de l’occupation s’était diffusée par le bouche-à-oreille, et des centaines de personnes faisaient la queue pour être prises en charge. Un mois plus tard, l’administration dut se faire à l’idée que nous n’allions pas partir. Ils n’avaient rien fait des sommes allouées à des traitements qui n’avaient pas été mis en place. Ils ont donc apporté l’argent et les volontaires du programme de désintoxication que nous avions démarré ont été embauchés. Évidemment les pouvoirs en place ne voulaient pas de nous là-bas, mais ils ne savaient pas comment faire avec des gens qui disaient : on ne va pas partir. On va rester et on va se mettre au service des nôtres. On a été très efficaces dans ce domaine, notre programme a fonctionné jusqu’en 1979.

Les Young Lords manifestent devant l’hôpital Lincoln, le 3 septembre 1970.

De quelle façon t’impliquais-tu ?

Je me suis joint à la construction du Lincoln Detox depuis le premier jour. Avant cela, mon premier objectif était de me procurer de la drogue, jusqu’à ce jour où j’étais assis avec Cleo Silvers, qui m’a ouvert les yeux sur certaines choses importantes. Elle m’a dit de regarder la voiture de patrouille de la police de New York, où deux agents étaient assis en train de vendre de l’héroïne. Elle m’a dit : « Regarde, eux, ce sont des flics. Regarde bien à qui tu es en train de donner ton fric ! ». Il est très important de rappeler l’ambiance qui existait dans nos communautés à cette époque. D’un côté il y avait l’épidémie de drogue, mais le parfum de la révolution flottait aussi ; on pouvait respirer le changement, le goûter, le sentir, parce que le mouvement débordait de vitalité. Quelques jours avant le 30 octobre, il y avait eu une grande manifestation à l’appel des Young Lords, et j’y suis allé, même si j’étais encore accro. Ce que j’ai ressenti ce jour-là m’a conduit à me dire à moi-même que je ne pouvais pas continuer à consommer de la drogue. Je ne pouvais pas être un héroïnomane et un révolutionnaire en même temps, et je voulais être un révolutionnaire. J’ai pris la décision d’arrêter la drogue. Par coïncidence, le même jour j’ai appelé Cleo qui m’a dit d’aller à un endroit voir certaines personnes. J’ai rencontré quelques jeunes frères de la Puerto Rican Student Union [Syndicat étudiant portoricain], et ils m’ont accompagné voir Cleo à l’hôpital Lincoln. Ils venaient juste d’occuper le bâtiment une demi-heure auparavant. Mais ma désintoxication je ne l’ai pas faite au Lincoln Detox, je l’ai faite moi-même, en supportant le manque, comme un défi que je m’étais lancé.

J’ai été recruté par le Young Lords Party sur la base de cette expérience, un mois peut-être après le premier jour du programme. La présence du mouvement latino au sein du mouvement révolutionnaire aux États-Unis n’avait pas encore éclos à New York. Cela avait démarré dans le Sud-Ouest avec les Brown Berets [1], mais la communauté latino de New York était surtout portoricaine. Quand j’ai rejoint les Young Lords, j’ai été envoyé au Lincoln Detox, où j’ai travaillé comme conseiller.

Que faisait le Lincoln Detox Center ? Quelle était son approche ?

On proposait des désintoxications. On avait le soutien de médecins, qui nous fournissaient de la méthadone, qu’on administrait aux gens par doses croissantes durant dix jours avec l’objectif d’arrêter l’héroïne, en la remplaçant par la méthadone et la réduire ensuite de quelques milligrammes chaque jour. Après le dixième jour, tu étais physiquement nettoyé.

À l’époque Richard Nixon venait de rétablir les relations avec la Chine. Beaucoup d’informations nous sont arrivées sur les formes de vie en Chine et sur la question du soin dans ce pays. On a entendu parler d’acupuncture. On a lu un article sur un cas en Thaïlande, où un acupuncteur avait utilisé l’acupuncture pour traiter quelqu’un qui souffrait de problèmes respiratoires et d’une addiction à l’opium. On a lu que la stimulation du point du poumon dans l’oreille était la clé du traitement. On est donc allé dans le quartier de Chinatown, on s’est procuré des aiguilles d’acupuncture et on a commencé à expérimenter entre nous. Par la suite on a créé un collectif d’acupuncture au sein du Lincoln Detox. On a aussi compris que l’addiction d’un individu n’était pas qu’un problème physique, mais aussi un problème psychologique. C’était un problème très important dans notre communauté, pas parce qu’on était psychologiquement déficients, mais parce que l’oppression et des conditions de vie brutales nous conduisaient à cela. Il y avait un livre appelé The Radical Therapist que certains d’entre nous avaient lu.

« L’existence du programme était une épine dans le pied du gouvernement. Nous étions des révolutionnaires, des radicaux qui travaillaient et qui recrutaient des gens pour faire un travail que le gouvernement ne souhaitait pas voir se réaliser. »

On a développé un type de thérapie qui intégrait l’éducation politique aux discussions thérapeutiques. On mettait en place des sessions collectives où les participants étaient surtout des Noirs et des Portoricains, et durant lesquelles on avait des discussions sur ce que signifiait être noir ou portoricain, ce que ça signifiait pour quelqu’un qu’on appelait « spic » de ne pas savoir ce que signifiait être portoricain. Les Portoricains sont des sujets coloniaux des États-Unis. Si tu demandes à un Portoricain, un Portoricain lambda, il te dira généralement : « je suis citoyen des États-Unis ».

Bon, disons que tu es un citoyen des États-Unis, un citoyen qui n’est pas le bienvenu, mais alors comment tu le vis et qu’est-ce que ça signifie ? Les effets du colonialisme et la façon dont les Portoricains sont traités ici ne sont pas compris parce qu’ils sont intériorisés.

Il faut commencer par ce que ça signifie. Comment vis-tu le fait que ta famille ne puisse pas subvenir à tes besoins ? Pourquoi les flics te haïssent ? Pourquoi l’école te haït ? Moi je suis allé à l’école publique, en 4e je ne savais pas parler anglais, et ils m’ont mis dans une classe pour « personnes avec des troubles mentaux ». Il y a des personnes qui ont besoin de ce type de soutien, mais ce n’était pas mon cas. Quels sont les effets de ce type de traitement de la part des institutions ? Qu’est-ce que ça provoque pour une personne qui vit dans ces conditions, qui est tabassée par la police et traitée de « dirty spic » ? Ou à qui on refuse l’amitié parce que l’autre personne est blanche et lui est de couleur ? Les effets de ce type d’existence s’accumulent, voilà de quoi on discutait.

Comment le Lincoln Detox incorporait le travail de base dans ses activités quotidiennes ?

Quand ta vie se consume à la recherche d’une dose de drogue, à la recherche de l’argent pour avoir ta dose, te shooter, être entouré d’autres personnes avec lesquelles tu te défonces, ça devient un mode de vie. Quand les gens veulent des alternatives, il faut que tu leur en proposes. On n’avait pas les moyens de dire : « Ok, tu as 17 ans, tu peux compter sur une école d’excellence ». Mais on a une école avec des professeurs et des conseillers à l’écoute, pour que les gens se mettent en phase avec l’éducation ou pour guider les gens pour trouver du travail, particulièrement les gens qui ont été hors du marché du travail. Du fait de la puissance naturelle de l’approche thérapeutique, il était très important que tout soit basé sur la participation volontaire, que ce soit basé sur la volonté des gens. S’ils apprenaient des choses de notre programme éducatif ou des sessions thérapeutiques, alors ils voulaient faire quelque chose pour régler ces problèmes. On les poussait à s’impliquer et à participer à des campagnes que nous menions dans la communauté.

On avait des gens qui apportaient leur soutien dans des centres de sécurité sociale, qui formaient les gens sur les droits des usagers de la sécurité sociale, et des traducteurs qui aidaient ceux qui ne savaient parler que l’espagnol. On a participé à la création d’une coalition pour soutenir les travailleurs du bâtiment qui faisaient partie des minorités, parce que c’était un travail bien payé mais les entreprises du secteur en excluaient les minorités. Voilà le genre de choses qu’on faisait, en plus des campagnes politiques. Plusieurs personnes qui sont passées par nos programmes ont rejoint les Young Lords, le Black Panther Party ou la Republic of New Africa [2]. Certains sont devenus musulmans et se sont énormément investis. D’autres se sont impliqués dans les campagnes pour la libération des prisonniers politiques ou ont commencé à monter leurs propres collectifs.

On luttait jour après jour – pour le droit de manger, le droit de recevoir un salaire, le droit d’être respecté, le droit de ne pas être emmerdé par la police. On n’a jamais rien exigé en échange.

Tu peux mentionner quelques points forts, réussites, défis et faiblesses du programme ?

Il y a eu des points forts et des réussites tout au long du programme, mais tout n’a pas été glorieux. Depuis le premier jour, le 10 novembre 1970, on a eu un afflux quotidien et constant de personnes qui cherchaient du soutien. Je ne parle pas de dizaines de personnes, mais de centaines et de centaines de personnes qui arrivaient quand le mot a circulé à propos du Lincoln Detox, de l’opportunité pour les gens de pouvoir compter sur le soutien réel de gens comme eux (pas de professionnels blancs, mais des leurs), des gens généreux, développant une compréhension des choses qu’ils avaient besoin d’exprimer. Les gens venaient de toute la ville de New York et de l’État du Connecticut, de Long Island, et même du New Jersey. Le programme Lincoln Detox est devenu tellement populaire et efficace qu’une délégation des Nations unies est venue nous voir et nous a exprimé sa reconnaissance.

À ce moment-là, l’acupuncture est devenue sujette à controverse parce qu’il s’agissait de soins médicaux pratiqués par des gens qui n’étaient pas officiellement membres des professions médicales. Des lois ont alors été adoptées pour restreindre la pratique de l’acupuncture, qui ne pouvait désormais être pratiquée que sous la supervision d’un médecin, même si ce dernier ne connaissait rien à l’acupuncture. Ce type de luttes politiques constituait un grand défi : conserver les financements pour le programme, continuer de faire vivre le programme malgré les pressions de la police locale et de la police de l’hôpital qui essayaient continuellement de s’introduire dans le programme, car le Lincoln Detox était une espèce de sanctuaire où les toxicos pouvaient se rendre sans peur de la police. Après on a dû lutter avec l’hôpital pour obtenir des rations alimentaires pour les usagers du programme. Les gens venaient de la rue, ils n’avaient rien à manger et ils avaient besoin d’un traitement. On a lutté et on a fini par résoudre le problème.

On a aussi lutté pour développer nos compétences dans le domaine du traitement, de l’acupuncture et de la désintoxication. À l’époque où nous avons lancé le programme, il existait une forte tendance à promouvoir l’administration de méthadone au long cours comme modalité de traitement. La méthadone est une drogue terrible, développée par des scientifiques nazis afin de se fournir eux-mêmes en opiacés. Elle est hautement addictive et le sevrage est différent de celui de l’héroïne. Peu à peu on a développé un protocole pour se désintoxiquer de la méthadone. On pouvait désintoxiquer une personne de l’héroïne en dix jours et la laisser dans un bon état physique. Mais se sevrer de la méthadone exigeait plusieurs mois très douloureux, quelques fois trois ou quatre mois.

L’existence du programme était une épine dans le pied du gouvernement. Nous étions des révolutionnaires, des radicaux qui travaillaient et qui recrutaient des gens pour faire un travail que le gouvernement ne souhaitait pas voir se réaliser.

Un matin en 1979, on est venu travailler et l’hôpital Lincoln était encerclé par la police, qui contrôlait l’identité de toutes les personnes qui entraient. Ils avaient une liste de noms et l’accès du bâtiment était interdit aux membres des Young Lords, du Black Panther Party et de la Republic of New Africa, et à d’autres personnes ; s’ils tentaient d’entrer malgré tout, ils seraient arrêtés. Ils ont démantelé le programme.

Un des aspects qui les intéressait énormément était l’acupuncture, parce que c’était devenu une grosse source de revenus. Certaines personnes disent que le Lincoln Detox existe toujours, mais ce n’est pas vrai. Il existe une clinique d’acupuncture au sein du nouvel hôpital Lincoln, mais le programme a été démantelé.

Le Dr Richard Taft reçoit un traitement d’acupuncture d’une patiente-stagiaire au Lincoln Detox Center.

La collaboration entre des groupes aussi différents que les Young Lords, le Black Panther Party, la Republic of New Africa et les communautés musulmanes a-t-elle été spontanée, automatique, ou le produit d’efforts plus délibérés ?

C’est une question complexe. D’un côté tu as le principe fondamental de l’unité et du respect, et de l’autre le fait que nous étions tous dans un processus d’apprentissage et de construction permanents. Ce n’est pas comme si un soir tu te couchais en étant un junkie et le lendemain matin tu étais devenu un révolutionnaire. Le développement et le changement sont un processus. Étant des produits de la société actuelle, nous ne sommes pas des exemples de la société que nous construisons pour l’avenir.

La collaboration et la solidarité étaient très importantes au Lincoln detox, et il y a eu de nombreuses luttes. On considérait le Black Panther Party comme l’avant-garde du mouvement révolutionnaire à cette époque, mais la réalité c’était que le Black Panther Party était en train de se désintégrer. Certains membres du Black Panther Party ou des Young Lords qui étaient extrêmement arrogants. On devait lutter contre cela et combattre ces penchants. On revenait toujours au principe consistant à se demander ce qui est le mieux pour le peuple. Les résultats étaient très positifs et nous avons appris énormément les uns des autres. En 1973, lorsque l’American Indian Movement a affronté le FBI à Wounded Knee, dans la réserve de Pine Ridge dans le Dakota du Sud, pour nous il n’y avait pas de doutes. Notre responsabilité immédiate était de les soutenir et de nous engager dans cette lutte. Nous avons développé une philosophie, une pratique qui nous a permis de faire ces choses.

Quelles leçons en avez-vous tirées qui pourraient aider à renforcer nos luttes aujourd’hui ?

J’ai l’impression que beaucoup de ce qui s’organise aujourd’hui dépend de subventions. On n’entend pas beaucoup parler d’initiatives indépendantes. Une des choses dans lesquelles le Lincoln Detox a été extrêmement impliqué a été le soutien aux frères prisonniers en rébellion durant la prise de la prison d’Attica en septembre 1971. On a fait plus de 20 événements de soutien en 15 jours, dans différentes parties de la ville de New York. Il n’y avait ni internet ni les portables, ni institutions pour financer les photocopieuses, ni de trucs comme ça. On se débrouillait pour écrire les tracts, on coupait et on collait les images, on faisait des pochoirs.

On a construit un mouvement et on a cherché des manières de le faire survivre sans avoir besoin des fonds du gouvernement. Personne ne pouvait nous dire ce que nous devions faire. Aujourd’hui, beaucoup des choses reposent sur les ressources des fondations, les gens se focalisent sur l’argent et ne mènent plus de campagnes politiques.

Bien qu’on ait obligé le gouvernement à souscrire à notre travail pendant des années, en fin de compte c’est lui qui avait le pouvoir et il a fini par prendre le dessus. Nous n’avions pas le pouvoir pour continuer dans cette institution. Si nous n’avions pas été dans leurs installations, auraient-ils pu nous faire fermer ? Je n’en sais rien, mais je crois que ça aurait été différent.

Nous devons reconnaître que nous ne pouvons pas avoir nos institutions au sein des institutions. Je veux dire que finalement on en est arrivé d’une manière ou d’une autre au point où le Lincoln Detox a abouti. Il faut que nous pensions à nos efforts à court mais aussi à long terme. Comment en finir avec les prisons sous le joug de l’impérialisme ? En en terminant avec l’impérialisme.

En attendant, on peut s’investir dans certaines luttes qui peuvent conduire à certaines réformes, et cela doit être étudié et discuté. On peut le voir depuis une perspective humaniste et voir que nous avons sauvé et transformé de nombreuses vies, des gens qui seraient morts à cause de l’héroïne. J’en fais partie, un parmi beaucoup d’autres. Beaucoup de gens ont contribué à ce progrès, mais lorsque le monde change, les obstacles changent aussi. Après l’héroïne est arrivé le crack. On n’a pas pu stopper le fléau de la drogue dans notre communauté.

Quels sont certains des héritages ou des effets à long terme du Lincoln Detox Center ?

En toute humilité, je ne crois pas que le nouvel hôpital Lincoln existerait sans notre travail. Sans les luttes que nous avons menées, le nouvel hôpital Lincoln n’aurait jamais été construit, parce que les intérêts politiques n’ont rien à voir avec ceux des gens de la communauté. On a dû lutter pour mettre les intérêts de la communauté au premier plan, et exiger la construction de l’hôpital.

Quand ils ont fermé l’ancien hôpital et qu’ils ont déménagé dans le nouveau, ils ont fait de la place pour tous les services, sauf pour le Lincoln Detox. Mais l’héritage du Lincoln Detox va bien plus loin. Si tu vas dans n’importe quel hôpital public de la ville de New York, tu peux voir la Déclaration des droits du patient collée au mur. Cela, c’est le résultat de la première occupation de l’Hôpital Lincoln. On s’est débrouillé pour qu’elle devienne une réalité au sein du Lincoln Detox.

Harlem, 1970. Des Young Lords posent devant un camion à rayons X pour la détection de la tuberculose, un service que l’organisation offre 7 jours sur 7.

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Pour en savoir plus sur l’histoire des Young Lords, consultez notre article à leur sujet. On lira avec plaisir la première monographie en français sur l’organisation : Young Lords. Histoire des Black Panthers latinos (1969-1976), parue aux éditions l’Échappée.


[1] Organisation nationaliste noire séparatiste, fondée en 1968.
[2] Les Brown Berets sont une organisation révolutionnaire chicana, apparue à la fin de l’année 1968 dans le sud-ouest des États-unis. Active encore aujourd’hui elle s’est principalement consacrée aux questions de lutte contre les violences policières et d’organisation des populations chicanas et mexicaines contre l’exploitation et les politiques racistes.

Interview traduite par les Éditions Premiers Matins de Novembre et le Collectif Angles Morts

Jour de loyer – appel à l’organisation des locataires

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Avr 012020
 

De Grevedesloyers.info

En ce 1er avril, jour de loyer: des milliers de personnes partout au Québec ne peuvent pas payer leur loyer.

Montréal, 1er avril 2020 — En ce jour de loyer, des milliers de locataires partout au Québec ne sont pas en mesure de verser les sommes exigées par leur propriétaire. D’autres se retrouvent dans l’impossible dilemme de choisir entre payer leur loyer ou conserver l’argent nécessaire pour se nourrir, se soigner et satisfaire d’autres besoins fondamentaux. Ces locataires sont effrayés, craintifs et anxieux. Alors que toute la société tente de gérer une crise de santé publique, un des principaux indicateurs de la santé physique et mentale – le logement – devient une source d’anxiété et de dépression.

DES PERSONNES OUBLIÉES PAR LA PRESTATIONS CANADIENNE D’URGENCE

L’argument principal opposé aux locataires par les associations de propriétaires est que le versement de la Prestation canadienne d’urgence (PCU) par le gouvernement fédéral – une aide financière de 2000$ par mois pour les travailleurs victimes de la pandémie COVID-19 – permettra de payer leur loyer. Or, non seulement cette prestation n’arrivera dans les poches des bénéficiaires qu’à la mi-avril mais de nombreuses personnes en seront exclues et demeureront ainsi dans la précarité financière. Parmi elles se trouvent entre autres:

  •     Les travailleurs ayant démissionné avant le début de la crise.
  •     Les travailleurs ayant maintenu des revenus, même minimaux, dans les deux dernières semaines n’y auront pas immédiatement droit.
  •     Les personnes vivant sur des économies et n’ayant donc pas eu 5000$ d’entrées monétaires l’année dernière.
  •     De nombreux étudiant.es, particulièrement des étudiant.e.s internationaux qui se sont vu couper du financement provenant de leur pays d’origine ou celles et ceux qui reviennent d’un séjour d’études à l’étranger.
  •     Les travailleurs sans statut.
  •     Les travailleuses et travailleurs du sexe.
  •     Les personnes qui dépendaient de revenus non déclarés.
  •     Les personnes n’ayant pas déclaré leurs revenus aux impôts au cours des deux dernières années.
  •     Les personnes vulnérables qui pour des raisons de santé, de précarité ou autres ne seront pas en mesure de remplir la demande.

Ces travailleurs n’auront par ailleurs absolument aucun recours si la PCU leur est refusée. C’est pourquoi certains d’entre nous seront en grève de loyers forcée et que d’autres nous appuieront en faisant grève et/ou en arborant le drap blanc sur la façade de leur logement. Pour soulager les plus démunis nous croyons que le gouvernement doit agir de façon responsable en :

  • annulant immédiatement le paiement des loyers au Québec ;
  • décrétant un moratoire sur toute expulsion liée à l’incapacité de payer le loyer pendant la pandémie COVID-19. Donc que les personnes qui ne payent pas leur loyer pendant la crise ne soient pas non plus expulsables après celle-ci;
  • ouvrant un maximum de logements vacants — tels que les unités Airbnb vides, les condos vacants, les hôtels — pour y loger les personnes sans abri ou vivant actuellement dans des conditions de logement dangereuses, insalubres ou abusives.

UN ABANDON DE LA MINISTRE LAFOREST

Dans un communiqué envoyé à la veille du 1er avril (www.newswire.ca/fr/news-releases/pandemie-de-la-covid-19-1er-avril-le-gouvernement-du-quebec-rappelle-les-mesures-en-place-888418021.html), Andrée Laforest, ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, a laissé tomber les locataires. Elle exhorte ces derniers à contacter leurs banques. Cela signifie deux choses aussi insultantes l’une que l’autre : i) Laforest ignore la réalité vécue par les locataires pauvres, qui ne peuvent pas se qualifier pour les prêts bancaires. ii) Laforest suggère aux locataires de s’endetter afin de faire face à la crise actuelle. Ces dettes ne feront qu’augmenter l’angoisse qui repose sur les épaules des personnes les plus vulnérables et qui sont, bien souvent, déjà très endettées.

DES LOCATAIRES SE RASSEMBLENT

Des locataires de tout le Québec expriment leurs craintes, tout en demandant l’annulation immédiate des loyers. De nombreux témoignages peuvent être consultés ici :  https://grevedesloyers.info/temoignages-3/

Dans un immeuble du quartier Rosemont—La Petite-Patrie, des locataires précaires de 10 appartements ont pris la décision de faire une grève des loyers afin de signifier ensemble à leur propriétaire leur impossibilité de payer leur loyer du 1er avril:

« Nous travaillons ensemble pour assurer la sécurité de toutes et tous. Toutefois, les circonstances actuelles compromettent non seulement notre santé physique, mais aussi notre santé financière » explique Dexter Xurukulasuriya, un des locataires. Dans une lettre envoyée à leur propriétaire, ils et elles demandent qu’il soit entendu que « l’incapacité de certain·e·s à payer le loyer est due à une crise de santé publique indépendante de notre contrôle, et que pour le bien de la sécurité publique », les locataires doivent pouvoir rester chez eux, « sans craindre de ne pas pouvoir subvenir à leurs besoins de base.»

« Bien sûr, nous sommes conscient·e·s que [notre propriétaire] est également touché par cette crise, et nous sommes rassuré·e·s de savoir que [les propriétaires] ont accès à des outils et à des mesures d’aide comme le report d’hypothèque » ajoute Xurukulasuriya.

DES OUTILS MIS À LA DISPOSITION LES  LOCATAIRES

Des centaines de locataires de Montréal, du Québec et du Canada s’organisent collectivement. Face à l’injustice, à la peur et à l’isolement, nos meilleures armes sont la solidarité, l’attention et le soutien.

Les Draps blancs pour une grève générale ont élaboré une section qui décrit pourquoi et comment participer à une grève des loyers : https://grevedesloyers.info/pourquoicomment/

Nous avons également mis en place d’importantes considérations légales, afin que vous soyez au courant de vos droits, des risques et de la meilleure façon de vous organiser par rapport à ceux-ci :  https://grevedesloyers.info/legal

Nous encourageons les locataires qui s’organisent de manière autonome à nous faire part de leurs mises à jour ou de difficultés rencontrées à l’adresse suivante : grevedesloyers@riseup.net.

Un syndicat autonome des locataires de Montréal prend également forme ; pour en savoir plus : https://syndicatlocatairesmtl.wordpress.com

Il est possible de nous faire parvenir des photos de draps blancs. Le drap blanc est le symbole d’une trêve nécessaire des loyers et des paiements hypothécaires, de la grève des loyers et de la solidarité envers les personnes les plus affectées par cette crise.  Les photos que nous recevons sont rassemblées sous notre galerie : https://grevedesloyers.info/gallerie-2/

Les locataires autonomes de Montréal ont lancé une PÉTITION spécifique au Québec, avec trois demandes claires, dont l’annulation du loyer. La pétition atteint 10 000 signatures. Signez et partagez la pétition : http://chng.it/XJctK2Tw

Rappel de nos précédents communiqués de presse qui contiennent des informations qui demeurent pertinentes en date d’aujourd’hui :

– 31 mars 2020 :  https://grevedesloyers.info/ressources/communique31mars/

– 30 mars 2020 :  https://grevedesloyers.info/ressources/communique2/

– 26 mars 2020 :  https://grevedesloyers.info/ressources/communiquepresse/

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Bien que les Draps blancs soient une initiative qui émane du Québec, des grèves de loyers s’organisent partout en Amérique du Nord et dans le monde.

– Voici le site pancanadien ANNULEZ LES LOYERS : www.annulezlesloyers.ca

– Les efforts entourant la grève états-unienne des loyers sont rassemblés ici : https://www.rentstrike2020.org/

– Pour plus d’informations sur les efforts nord-américains et mondiaux, consultez : https://5demands.global/map/