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Se faire pogner: Appel à textes sur les moments où on n’a pas pu s’échapper

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Sep 172018
 

Soumission anonyme à North Shore Counter-Info

Ça se passe. Quand tu pousses les limites, à la recherche de nouvelles façons de se battre, tôt ou tard tu risques de te faire pogner. Et ce n’est pas la fin du monde.

La première fois qu’il y a eu une perquisition chez moi, il était 3h du matin. J’étais vétue de noir avec un sac marin sur mon épaule remplis de pieds de biche, de coupe-boulons et des gants. J’étais au point de sortir. Mais par la fenêtre j’ai vu les gyrophares et puis les silhouettes de flics qui promenaient des chiens sur la pelouse. Ils avaient bouclé la rue.

Certes, se faire pincer, c’est de la merde, alors continuons à trouver les moyens de l’éviter. Mais il y a de valeur à rester avec ces moments où on se rend compte qu’on ne va pas pouvoir s’échapper cette fois-ci. Y réfléchir peut nous donner le courage et la détermination de continuer, d’essayer encore pour mieux se planter la prochaine fois.

J’avais 19 ans. J’ai cherché mes collocs encore éveillés-es et, pendant que commencaient les coups sur la porte, on essayait de décider quoi faire. Ils envoyaient la lumière de leurs torches par la fenêtre. On s’est mis-es d’accord que j’allais sortir pour leur parler et que ma colloc allait fermer la porte à clé derrière moi.

« Se faire pogner » se veut un espace où raconter ces histoires. Envoyez-nous vos histoires très courtes (300 mots en anglais maxi, un peu plus long en français) sur ces moments où vous n’avez pas pu vous en sortir. On les recueillera et les publiera en brochure sur risograph, en pdf et peut-être sur un site web. Vous pourriez envoyer vos textes par mail à nothing-stops@riseup.net Clé PGP ici ou bien vous pourriez les laisser en commentaire sur cette page de North Shore Counter-Info. Si c’est clairement marqué comme une soumission, les modos ont accepté de nous le transmettre. Les textes seront anonymisés même si vous indiquez qui vous êtes. La date limite des soumissions est le 31 octobre, 2018, et la brochure sera prête par le jour de l’an.

Les flics m’ont dit qu’ils cherchaient les types qui venaient de braquer la station-service d’en face. Si on les laissait entrer, ils ne remarqueraient rien apart ces types. Ils me l’ont promis. « Mais si tu nous fais chercher un mandat… » J’ai tappé pour rentrer discuter avec mes amis-es. La maison était entourée. Les coups sur la porte ont repris immédiatement une fois que je l’ai fermée derrière moi.

Dans l’attente de vous lire. Prenez soin. N’arrêtez jamais.

(Pour le moment, nous projetons de ne sortir le recueil qu’en anglais, mais il nous est possible de traduire vos textes, alors allez-y et écrivez-le!)

Au-delà du piège à cons : la campagne électorale vue par un anar

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Sep 142018
 

Du Collectif Emma Goldman

Lors de la première élection où j’étais en âge de voter, le Parti québécois (PQ) formait le gouvernement et avait instauré le déficit zéro comme religion d’État. Dans les mois qui ont précédé la campagne électorale, l’Action démocratique du Québec (ADQ), formée par d’anciens libéraux nationalistes, trônait dans les sondages et incarnait le changement.  Mais cela n’a duré que le temps d’une saison ou de quelques élections partielles. Lors de l’élection générale de 2003, les électeurs et électrices ont opté pour l’alternance libérale et on a eu le droit par la suite à 15 ans de tarification, de privatisations, de corruption, de collusion et de mesures antisociales. Durant cette quinzaine d’années, avec une parenthèse péquiste marquée par la charte sur la catho-laïcité, les libéraux ont essayé de nous enfoncer la réingénierie de l’État. Ils se sont attaqués au programme des prêts et bourses, ont dégelé les frais de scolarité et ont lancé le Plan nord pour aider leurs petits amis de l’industrie minière. Le dernier mandat fut marqué par l’austérité et la réforme Barrette (un transfuge de la Coalition avenir Québec (CAQ)) en santé.

Aujourd’hui, nous revoilà en élection. Comme il y a 15 ans, un « nouveau » parti, la CAQ, trône dans les sondages et incarne « maintenant » le changement. Rappelons que ce parti est composé d’anciens adéquistes, de libéraux et de péquistes opportunistes. Comme quoi, plus ça change…

Campagne électorale: on n’attrape pas les mouches avec du vinaigre

Pendant un peu moins de 40 jours, les formations politiques profitent de l’attention médiatique pour essayer de séduire l’électorat. Cette campagne, outre que d’être d’un ennui mortel, ne devrait pas faire changer de direction la vague de cynisme et de désengagement de la population. Ce n’est pas non plus la campagne du directeur général des élections sur la participation électorale qui fera fléchir la tendance. Pour le simple fait que cette élection n’est qu’une Xème campagne de relation publique pour nous donner l’illusion d’un choix démocratique.  Comme l’écrivait Octave Mirabeau en 1888 dans la Grève des électeurs :

« …souviens-toi que l’homme qui sollicite tes suffrages est, de ce fait, un malhonnête homme, parce qu’en échange de la situation et de la fortune où tu le pousses, il te promet un tas de choses merveilleuses qu’il ne te donnera pas et qu’il n’est pas d’ailleurs, en son pouvoir de te donner. L’homme que tu élèves ne représente ni ta misère, ni tes aspirations, ni rien de toi ; il ne représente que ses propres passions et ses propres intérêts, lesquels sont contraires aux tiens. »

Au-delà du piège à cons

« L’État est toujours un pouvoir conservateur qui authentifie, régularise, organise les conquêtes du progrès mais ne les inaugure jamais. Elles ont toujours leur origine dans la base populaire… » – Sismondi

Les libéraux, dans leur tentative de s’accrocher au pouvoir, nous promettent des lendemains qui chantent après avoir eu 15 ans pour réaliser leurs promesses. Les péquistes jouent quant à eux leur survie et dépoussièrent leur vieux fond plus progressiste après avoir transformé le rêve d’une génération en un projet bureautico-comptable, pour ensuite le repousser aux calendes grecques. Mais la campagne du PQ, tout comme celle de Legault, est torpillé par les déboires de ses candidatEs et les médias en raffolent.

L’urgence…

Récemment, François Legault, le meneur dans les sondages, nous faisait part de sa plus grande peur, soit que ses petits-enfants ne parlent plus le français. Après avoir vécu un été caniculaire, le chef de la CAQ aurait de bonnes raisons de s’inquiéter pour l’avenir de ses petits-enfants. Car ce n’est qu’un début, les changements climatiques entraîneront dans les prochaines années la hausse du niveau des mers, la désoxygénation et acidification des océans, des modifications dans l’aire de distribution de certains animaux et espèces végétales, la destruction d’écosystèmes rares, des inondations, des records de chaleur, l’augmentation des typhons, des inondations, des cyclones, etc.

Mais non, le problème c’est que l’immigration est une menace pour la langue française. Du moins, c’est pour l’heure ce qui est le plus payant de dire en période électorale. Peut-être qu’on parlera des dérèglements climatiques lorsque qu’ils entraîneront des vagues de réfugiés climatiques et que ça fera capoter la droite identitaire, populiste et fascisante.

Et Québec Solidaire et les Verts dans tout ça? 

Québec Solidaire (QS) essaie de jouer dans la cour des grands avec un bel autobus orange et en nous présentant un argumentaire tout aussi comptable que les autres.  Comme sur le salaire minimum à 15$ de l’heure: « Quand on augmente le pouvoir d’achat des gens, ils dépensent cet argent-là autour d’eux. Rapidement, la hausse du salaire minimum va stimuler l’économie locale », a déclaré par l’entremise d’un communiqué le co-porte-parole de QS Gabriel Nadeau-Dubois. Vive la société de consommation! Et ça c’est sans compter que le parti a émis le souhait d’aider les entreprises à s’adapter à la hausse du salaire minimum . Et pourtant, les chroniqueurs de Québécor continuent d’affirmer que QS appartient à la gauche radicale. On dirait bien que ces chroniqueurs confondent les économistes John Maynard Keynes et Karl Marx.

De leur côté, les Verts proposent la semaine de travail à 32 heures. En conférence de presse, Alex Tyrell a expliqué vouloir réduire la semaine de travail: « pour que les gens puissent avoir plus de temps en famille, plus de temps pour s’impliquer dans la communauté… ». Déjà, c’est plus intéressant que le statu quo, mais le chef vient gâcher le tout en affirmant: « pour qu’on puisse profiter de la nouvelle technologie qui fait en sorte que les gens sont plus productifs avec moins d’heure travaillées. »

On est encore loin de la nécessaire décroissance libertaire .

Alors le 1er octobre, « je rentre chez moi et je fais la grève ». Évidemment, le changement souhaité n’adviendra ni par les urnes, ni par l’abstention. Pour mettre fin à l’ordre de privilèges et d’exploitation vécu sous le joug du capitalisme, du patriarcat et du colonialisme, nous devons renforcer l’autonomie de nos collectivités en reprenant individuellement et collectivement le contrôle de nos vies, de nos villes et de nos moyens d’existence.

Ngalla, membre du collectif anarchiste Emma Goldman

N.B. Nos propositions feront l’objet d’un prochain texte à paraître sous peu.

From Embers : Cruise Control

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Sep 122018
 

De From Embers

Une entrevue (en anglais) avec un membre d’un collectif basé à Montréal qui fait de la recherche et de la sensibilisation autour de la répression policière ciblant les lieux de rencontres gay.

Liens:

Cruise Control page du collectif (lien facebook)

Ultra Red militant.e.s sonores, Los Angeles, É-U

À propos du Centre de détention de l’immigration de Laval

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Sep 062018
 

De Stoppons la prison

Quand le centre de détention de l’immigration de Laval devrait-il être construit?

La prison est censée être opérationnelle en 2021, bien qu’aucun calendrier officiel n’ait été rendu public.

Où sera construite la prison?

Le site de la prison est un terrain d’environ 23 700 mètres carrés situé juste à côté de la prison Leclerc, sur les terrains du Service correctionnel du Canada à Laval. L’ASFC hésitait à choisir cette parcelle de terrain, notant que «la proximité du site avec l’établissement de haute sécurité existant n’est pas idéale car l’IHC [Immigration Holding Center: leur euphémisme pour ne pas dire prison] ne devrait pas être perçue comme associée à un établissement correctionnel. » Ce site a été officiellement choisi en février 2017.

Les États coloniaux (respectivement le Canada et le Québec) à l’intérieur desquels la prison sera construite sont fondés sur la colonisation et la dépossession violentes des peuples et des terres autochtones. Plus précisément, Leclerc est situé sur Kanien’keha: ka un territoire algonquin. La gouvernance des colons repose à la fois sur la revendication illégitime de ces territoires et sur la base matérielle de leur contrôle, imposée par les différentes branches de l’Etat carcéral: de la détention et de l’expulsion des migrant-es a la criminalisation des communautés autochtones. Soutenir le projet de souveraineté autochtone signifie rejeter la légitimité de la gouvernance coloniale canadienne et québécoise, et rejeter ses fondements ainsi que ces frontières.

Capacité de cette nouvelle prison pour migrant-es?

Selon le contrat du gouvernement, la prison proposée pourra détenir 133 migrants en même temps (avec 25 lits supplémentaires, portant la capacité totale à 158). Cela augmenterait la capacité maximale actuelle qui est de 144 personnes.

Qui sera détenu dans cette nouvelle prison?

Des centaines de milliers de personnes vivent au Canada sans statut, s’intégrants et partageant des relations fortes avec leurs communautés, familles et ami-es. Chaque année, près de dix mille personnes sont arrachées à leurs réseaux, déportés dans des situations violentes et-ou dangereuses, dans des endroits qu’elles ne connaissent pas ou dans lesquelles elles n’ont aucune possibilité de subvenir à leurs besoins.

En vertu de la loi canadienne, l’ASFC peut arrêter et détenir des migrant-es – tant ceux qui sont ici sans la permission de l’État canadien que des résident-es permanent-es – qui sont soupçonnés d’être une «menace» à la sécurité publique, ceux et celles sujet à ne pas se présenter à leur audiences ou encore ceux et celles dont l’identité est remise en question. Ces migrant-es – et souvent leurs enfants – sont emmenés dans les prisons gérées par l’ASFC à Laval ou à Toronto, au centre de détention temporaire de l’ASFC à l’aéroport de Vancouver ou dans les quartiers à sécurité maximale des prisons provinciales. En vertu de la politique actuelle, il n’y a pas de lignes directrices sur la question de savoir si les enfants seront emprisonnés ou non avec leurs parents, et la détention peut être indéfinie.

En réalité, le système d’immigration du Canada empêche pratiquement tous les immigrant-es, sauf les plus privilégiés et\ou les plus aisés, à obtenir un statut légal pour vivre et travailler ici de façon permanente. Les migrant-es considérés comme une «menace» ou un risque de non-conformité aux caprices de l’ASFC sont souvent ceux qui ont des liens familiaux au Canada, des fonds insuffisants pour partir, des personnes qui subiront des violences si elles sont expulsées ou des personnes qui bénéficient d’un support public contre leur déportation.. Le risque d’emprisonnement est utilisé pour discipliner tous les migrant-es, un instrument de coercition qui normalise d’autres formes de contrôle telles que les systèmes de surveillance humaine et électronique proposés comme solutions de rechange «améliorées» par le gouvernement libéral. Mais le « choix » de se conformer et d’éviter l’incarcération est finalement un faux choix, dans lequel le résultat final est encore la déportation probable.

Dans un contexte où plus de 25 000 personnes ont traversé la frontière en provenance des États-Unis depuis 2016, où la grande majorité de ces migrant-es se verront refuser le statut de réfugié et seront bientôt expulsés, et où l’extrême droite raciste et islamophobe attise les sentiments anti-immigrant-es, nous devons comprendre la nouvelle prison pour migrant-es dans le cadre d’une stratégie de l’État canadien pour renforcer son contrôle répressif sur la liberté de circulation.

Malgré les séances de photos et les communiqués de presse sur les efforts de réinstallation des réfugiés de l’État, le Canada est loin d’être un spectateur bienveillant; L’État canadien crée et exacerbe les conditions qui obligent les gens à quitter leur foyer. Des guerres impérialistes à une économie massivement dépendante de l’extraction des ressources coloniales ici et à l’étranger. L’achat récent par Trudeau du pipeline Kinder Morgan Trans Mountain indique un avenir où l’augmentation des émissions créera de nouvelles vagues de réfugiés climatiques. Des projets miniers canadiens en Amérique latine à la production sous-traitée de biens bon marché pour les marchés canadiens, les intérêts des États et des capitalistes canadiens exportent le fardeau de la production et surveillent les mouvements de ceux qui en héritent. La prison pour migrants proposée n’est qu’une partie de cette architecture internationale et les personnes qui y seraient détenues ne sont que quelques-unes des nombreuses personnes dépossédées par l’État canadien et d’autres puissances impérialistes.

Qui est impliqué dans la construction de la prison?

Jusqu’à présent, des contrats pour la construction de ce projet ont étés attribués à deux compagnies : Lemay, une firme d’architecture qui est basée à Montréal et Groupe A, une autre firme d’architecture qui est basée dans la ville de Québec. Pour plus d’information sur ces compagnies, voir la page « Les Compagnies ». Dans les prochains mois, nous pouvons nous attendre à en apprendre plus sur les compagnies et les entrepreneurs qui seront impliqués à divers titres dans ce projet.

Qui finance la construction du projet?

Le gouvernement fédéral a annoncé un nouvel investissement de 138 millions de dollars dans la détention de migrant-es en 2016, duquel un montant de 122 millions de dollars ira à la construction de deux nouvelles prisons. Une à Laval, au Québec et une à Surrey, en Colombie-Britannique. À ce jour, plus de 5 millions de dollars en contrats ont étés accordés à Lemay et Groupe A pour la conception de cette prison à Laval.

Pourquoi faut-il s’opposer à la construction d’établissements pénitentiaires améliorés?

Dès le départ, le gouvernement a tenté de présenter ce projet comme une amélioration: du choix d’une firme « socialement et écologiquement durable » en tant qu’architecte principal, à l’emphase sur une conception « non institutionnelle » du centre et sur les alternatives à la détention. Mais l’apparence de responsabilité sociale ne change pas la violence des prisons et de la déportation : il n’existe pas de prison qui soit agréable.

Le contrat pour la prison semble être plus investi dans le fait de dissimuler sa nature carcérale aux gens de l’extérieur que de créer un environnement plus habitable pour les gens emprisonnés à l’intérieur. Les spécifications préliminaires proposent que « les clôtures soient recouvertes de façon esthétique avec du feuillage ou d’autres matériaux pour limiter son allure sévère et diminuer la possibilité d’identification claire de la clôture ». Les barres de fer sur les fenêtres doivent « passer le plus inaperçues possible pour le public extérieur » tout en maintenant cependant leur fonctionnalité. De l’emphase est mise sur le fait que la clôture d’un mètre de haut encerclant le jardin des enfants est « similaire à l’environnement d’une garderie », bien qu’une « barrière visuelle » de six mètres de haut doive être construite pour empêcher quiconque de voir à l’intérieur et les enfants de voir à l’extérieur.

Au-delà de considérations d’esthétique ou d’efficacité énergétique, une prison demeure un bâtiment fortifié que les gens ne peuvent pas quitter, isolant les personnes à l’intérieur de leur communauté, de leurs proches, de soins de santé adéquats et soumettant les prisonnier-ères à une détresse psychologique extrême. Depuis 2000, au moins seize personnes sont mortes en centre de détention pour migrant-es alors qu’elles étaient détenues par l’ASFC. La réponse superficielle de l’ASFC face à l’indignation suscitée par ces morts est évidente dans les spécifications du projet, qui demandent tout simplement que l’architecture limite les possibilités de se faire mal soi-même, tout en reproduisant inévitablement la misère inhérente à l’incarcération.

Même pour les personnes qui ont étés épargnées de l’expérience d’une incarcération précédant leur déportation, la menace de la prison demeure, contraignant les migrant-es à accepter d’autres types de conditions répressives. Ces institutions normalisent également la légitimité de l’État canadien de contrôler qui se déplace et qui reste dans le territoire qu’il occupe.

En effet, tout récit du contrôle du territoire par un État colonial devrait commencer par l’occupation coloniale des territoires autochtones qui est en cours. Faire avancer la souveraineté autochtone requiert une contestation de la légitimité de la gouvernance coloniale canadienne et québécoise, incluant la création et l’imposition de frontières. Les mêmes rapports coloniaux et impériaux qui déplacent les migrant-es ailleurs dans le monde sont la base même de l’existence de l’État colonial canadien.

La lutte pour bloquer la construction du centre de détention de l’immigration de Laval est donc ancrée dans les luttes plus larges contre le colonialisme et l’impérialisme. Elle fait partie d’une lutte pour abolir toutes les prisons et pour démolir toutes les frontières coloniales. Nous ne voulons pas simplement arrêter cette prison, mais aussi fermer toutes celles qui existent déjà.

Le gouvernement ne se tournait-il pas vers le financement d’alternatives à l’emprisonnement et la détention?

Des 138 millions de dollars que le gouvernement libéral a alloué à « la réforme de l’immigration », seulement 5 millions sont destinés aux « alternatives » à la détention. Quelles sont ces « alternatives »? Elles comprennent des « systèmes de surveillance humaine et électronique » tels que des moyens de contention, des bracelets électroniques et des systèmes de signalement électroniques. Ces systèmes de signalement sont en eux-mêmes une autre forme de détention – par exemple, devoir se présenter quelque part deux fois par semaine empêche souvent les migrant-es d’avoir des emplois stables. Ces « alternatives » comportent également des arrangements qui mettent des ONG responsables de la « surveillance communautaire ». Pendant que le gouvernement canadien cherche à réduire les coûts en déléguant le contrôle des migrant-es à des technologies envahissantes et à des ONG complices, la majorité de leur plan d’immigration « revu et amélioré » demeure axé sur la détention, par la construction de deux nouvelles prisons à Laval et à Surrey.

À certains égards, les alternatives proposées sont préférables à la prison. Mais, elles sont loin d’être « humaines ». D’un côté, la menace de l’incarcération d’une durée indéfinie dans une des prisons de l’ASFC sert de justification pour les mécanismes de contrôle de plus en plus envahissants à l’extérieur de la prison – comme si tout ce qui n’est pas un emprisonnement est un acte de compassion. D’un autre côté, ces « alternatives » normalisent la continuelle brutalité de l’emprisonnement en tant que forme de peine pour les personnes incapables ou peu désireuses de se soumettre aux conditions du contrôle étatique. Dans tous les cas, tant les prisons que les « alternatives » se terminent par la déportation, alors que la seule vraie alternative à la déportation – une voie vers un statut régularisé tous et toutes – reste inaccessible.

Montréal n’est-elle pas une ville sanctuaire?

En février 2017, Montréal s’est déclarée « ville sanctuaire ». Malheureusement, cette déclaration s’est avérée n’être guère plus que des paroles creuses. Le SPVM continue à collaborer activement avec l’ASFC, ce qui signifie que même un contrôle routier de routine peut mener à l’intervention de l’ASFC, et les migrant-es sans-papiers ont peu de répit face à la menace de la détention et la déportation. En fait, depuis la déclaration de « ville sanctuaire », les appels du SPVM à l’ASFC ont augmenté, faisant de Montréal la ville canadienne avec le taux le plus élevé de contact entre la police locale et l’ASFC. En mars 2018, des agents de l’ASFC ont violement arrêté Lucy Francineth Granados à son domicile à Montréal. Lucy a ensuite été expulsée d’une ville dont la nouvelle administration « progressiste » avait fait campagne sur la promesse de mettre en place une « vraie » ville sanctuaire.

Comment pouvons-nous arrêter la construction de la prison?

Pour arrêter la prison nous allons avoir besoin d’une lutte à plusieurs facettes. Nous aurons besoin d’efforts de recherches concertés, de campagnes d’information publiques, de grandes mobilisations, de perturbations directes de chaînes d’approvisionnement et de sites de construction, de tout ce qu’il faudra pour rendre impossible la construction de ce projet.

Pour ce faire, nous devons réfléchir de manière stratégique à quels points de pression nous pouvons cibler et tirer avantage, ainsi que comment construire des alliances avec des mouvements semblables contre les prisons, les frontières, et la suprématie blanche; aucune lutte n’existe isolément. Distribuer des pamphlets à vos voisins, organiser des manifestations et des actions qui s’y opposent, il y a de nombreux moyens pour que les gens s’organisent de façon autonome contre ce projet.

La page « Matériaux » de stopponslaprison.info contient quelques ressources pour les personnes qui cherchent un endroit où commencer.

Où puis-je en apprendre plus sur ce projet?

Stopponslaprison.info est un centre d’information pour partager; nouvelles, analyse et documents liés à la lutte contre le Centre de détention pour les immigrants de Laval.

Vous pouvez télécharger et consulter la recherche et les documents liés à ce projet dans la section « Documents »

Affiches abstentionnistes et perspective anarcho-syndicaliste sur les élections

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Sep 042018
 

Du CEDAS-ASCED

Le cirque électoral reprend de plus belle au Québec.

En tant qu’anarcho-syndicalistes, nous croyons nécessaire de promouvoir une position abstentionniste systématique.  C’est pourquoi nous partageons ici deux affiches à diffuser en réponse à la propagande étatique et l’endoctrinement à l’électoralisme.

Notre abstention est la suite logique de notre projet révolutionnaire.

Il est illusoire de croire que notre émancipation viendra du parlement. On ne pourra concrétiser le communisme libertaire (seul système économique et politique garant de notre émancipation individuelle et collective) qu’en organisant nos luttes de manières horizontales, égalitaires… et loin des partis politiques.

Pour nous, les  partis « de gauche » orientent les énergies des mouvements sociaux et de militant-e-s bien intentionnées dans un cul-de-sac électoraliste qui n’offre que déceptions, trahisons, instrumentalisations, manipulations, mensonges, illusions, etc. Tandis que se construit la machine électoral des partis « de gauche », les esprits et les idées des militant-e-s des mouvements sociaux sont orientés vers l’aliénation étatique et l’attentisme électoral. Il n’y a pas de capitalisme à visage humain, l’état est le rouage de notre exploitation. Il faut abolir les deux pour être libre.

En somme, nous restons convaincus que nous n’avons rien à attendre de l’état, peu importe qui est au pouvoir. Tant les partis « de droite » que « de gauche » reproduisent et soutiennent l’état et le capitalisme qui s’appuient sur les oppressions et l’exploitation systématiques.

Les élections contribuent à l’aliénation de nos vies.

Élections partout – texte

Élections partout – Poster

Résister à l’esclavage : De Marie-Joseph Angélique (1734) à la Grève des prisonniers (2018)

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Août 292018
 

De It’s Going Down

Le 23 août, des anarchistes se sont réuni.es afin de placarder, partout dans le Vieux-Port de Montréal, des affiches sur lesquelles on pouvait lire en français et en anglais :

Résistance à l’esclavage : de Marie-Joseph Angélique-1734 à la grève des prisons de 2018.

Du 21 août au 9 septembre.

Plus d’info : twitter.com/JailLawSpeak

Nous avons affiché sur le chemin où Angélique a été transportée, quelques moments avant d’être pendue et brûlée. Angélique, nous nous souvenons. L’esclavage, le vol des terres et les génoocides dessinent les contours des projets coloniaux inachevés de l’Île de la Tortue (Amérique du Nord). En solidarité avec les prisonniers et les prisonnières qui se battent contre l’esclavage dans toutes les prisons des États-Unis, nous tenions à (re)raconter l’histoire de Marie-Joseph Angélique. Angélique était une femme noire mise en esclavage à Montréal au 18e siècle et qui a été condamnée à la torture et à mort pour avoir supposément mis le feu à la maison de ses maîtres, causant ainsi un incendie qui a ravagé la majorité de la ville de Montréal. Nous proposons l’histoire d’Angélique comme exemple pour rappeler que le Québec et le Canada on pratiqué l’esclavage pendant plus de 200 ans. Nous avons choisi son histoire car elle permet de lier notre ville à la lutte en cours pour abolir l’esclavage sur le continent.

Les prisonniers étatsuniens et les prisonnières étatsuniennes ont organisé cette grève en l’inscrivant dans la longue histoire de résistance à l’esclavage. Le 21 août 1831 a marqué le début de la rébellion de Nat Turner, un moment significatif de la résistance des personnes mises en esclavage. Le 21 août 1971 marque aussi le jour où l’État a tué George Jackson, un révolutionnaire Noir emprisonné très impliqué dans les luttes de libération des peuples Noirs. La mort de Jackson a déclenché une période d’organisation dans les prisons. Le 9 septembre 1971 marque le début de la mutinerie de la prison d’Attica, une des moments les plus significatifs de la résistance dans les prisons aux États-Unis. Les prisonniers d’Attica ont fait paraître une liste de demandes raisonnables pour améliorer leurs conditions de vie. Ces demandes n’ont jamais été acceptées, mais elles ont une influence claire sur les grèves des prisonniers et prisonnières aujourd’hui. La résistance à l’esclavage est une lutte ininterrompue pour ceux et celles qui font face à l’incarceration aux États-Unis. Le 13e amendement de la constitution des États-Unis cite :

« Ni esclavage ni servitude involontaire, si ce n’est en punition d’un crime dont le coupable aura été dûment condamné, n’existeront aux États-Unis ni dans aucun des lieux soumis à leur juridiction. »

L’esclavage se poursuit aujourd’hui dans les prisons des États-Unis. Le 13e amendement justifie légalement la violence et les conditions brutales qui définissent le système carcéral. Ces conditions sont la raison de la grève menée par les prisonniers et prisonnières un peu partout à travers le pays et qui s’étendra sur les deux prochaines semaines. Même si le Canada n’a pas d’amendement constitutionnel similaire, nous voyons les prisons comme un symbole de la domination, mais aussi de l’extension du projet colonial canadien. Le but pemier du colonialisme de peuplement consiste dans la spoliation des terres pour l’établissement des colons et pour l’extraction des ressources naturelles. C’est à travers ces relations coloniales aux territoires que le système assure sa reproduction et l’accumulation des richesses. Les Premières Nations et les nations Inuits et Métis sont vues par les élites économiques et politiques comme un obstacle à la futurité coloniale. L’État et la société coloniale ont utilisé des tactiques et des stratégies telles que la surveillance, la disciplinarisation, la répression, et l’incarcération sur la base de la race et de la classe. Le contrôle et le confinement ne sont pas seulement centraux au projet colonial, mais les prisons et l’incarceration sont aussi des éléments stratégiques pour arracher les populations autochtones à leurs territoires, où elles contestent le pouvoir étatique.

L’esclavage, le vol des terres et les génocides continus sont les histoires fondatrices des États coloniaux qui occupent ce continent et elles sont au fondement des systèmes que nous cherchons à abolir. Nous lions les événements historiques mentionnés plus haut pour illustrer qu’ils appartiennent à un contexte global et prolongé d’expension coloniale, d’exploitation pour le profit et d’enrichissement de quelques humains au dépends de multiples formes de vie.

Solidarité avec les prisonniers en grève, en mémoire d’Angélique.

Contre les prisons, contre l’esclavage, contre le colonialisme!

Liens URL aux fichiers pdf des affiches : https://archive.org/details/PrisonStrike2018posters

Loi 25 sur l’aide sociale : une guerre aux pauvres!

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Août 102018
 

Du SITT-IWW

Le 1er avril dernier est entrée en vigueur la loi 25 – « Loi visant à permettre une meilleure adéquation entre la formation et l’emploi ainsi qu’à favoriser l’intégration en emploi » – qui a été intégrée à la loi actuelle sur l’aide sociale. Nous pensons qu’il s’agit de la fin anticipée de l’aide sociale parce que les principes fondateurs à l’origine de cette dernière, le droit de vivre de façon décente et l’accès à un revenu quelque soit la cause du besoin, ne sont plus pris en compte. Sa mise en place mettra en péril la vie des gens en leur imposant de tenter de survivre avec des miettes, ou d’embarquer dans le grand projet Objectif emploi, dont le but est de fournir un cheap labor aux entreprises.

Avec la loi 25, toute personne qui est arrivée à l’aide sociale après le 1er avril 2018 doit maintenant obligatoirement entrer dans le programme Objectif emploi. C’est aussi le cas pour les personnes déjà sur l’aide sociale avant cette date mais qui font partie d’une famille dont l’un des membres du couple est maintenant primo-demandeur ou primo-demandeuse*.

La loi 25 implique que, lorsqu’on se retrouve dans ces catégories, si l’on manque une convocation avec notre agente ou agent d’aide sociale, elle ou il pourra retenir complètement notre chèque. De plus, en cas de manquement à l’une de nos obligations sans motif « valable » (selon le plan fixé par l’agent-e d’aide sociale correspondant à notre situation : à faire des démarches en emploi, à suivre une formation ou à « développer ses habiletés sociales »), l’agent-e aura le droit de couper notre chèque le mois suivant ou le mois d’après.

  1. 56 $ pour le 1er manquement ;
  2. 112 $ pour le 2e manquement ;
  3. 224 $  pour le 3e manquement.

En gros, si l’on refuse de se conformer au programme d’intégration en emploi, on nous force à vivre avec un chèque de 409$ par mois. Il est donc clair que l’objectif de la loi 25 est d’obliger les personnes jugées sans contrainte au travail à s’en trouver un, selon les priorités de l’entreprise privée et selon les besoins du marché du travail (et aux conditions établies par l’agent-e d’aide sociale). Mais nous savons que le travail n’est pas la seule façon de se réaliser dans la vie ! Et nous revendiquons le droit de vivre décemment peu importe la façon dont on le fait. Dans les faits, cette loi renforce la notion de « bons et de mauvais pauvres » et les préjugés envers les personnes qui n’occupent pas un emploi. Le gouvernement les amplifie volontairement. C’est tout à son avantage de le faire, en brisant la solidarité dans la population, en suscitant la grogne contre les personnes assistées sociales qui l’ont « facile », qui sont « gras dur, parasites, fraudeurs, profiteurs » et qui méritent de vivre dans la misère.

Le plus ironique est que même le Conseil du patronat a émis des réserves quant aux mesures punitives du programme Objectif emploi. En commission parlementaire, M. Yves-Thomas Dorval, PDG du Conseil du patronat du Québec, disait : « […] Cela dit, je vais être honnête avec vous, M. le ministre : Le montant d’aide sociale, là, ce n’est pas grand-chose non plus, […]. C’est pour ça que j’étais très heureux de voir qu’on bonifiait l’aide sociale pour ceux qui veulent participer. Et là-dessus je peux vous assurer de notre complet appui de ce côté-là. Maintenant, c’est difficile pour un gouvernement de faire des mesures sans avoir une contrepartie. Et ça, je ne le sais pas si c’est la meilleure, on n’est pas spécialistes là-dedans, mais je peux juste vous dire : C’est sûr que ce n’est déjà pas élevé, là, le niveau d’aide sociale.» (27 janvier 2016).

L’objectif du gouvernement est clair : il souhaite discipliner le monde pauvre afin d’en faire une main-d’œuvre servile et captive, sans autre alternative que de participer activement aux programmes imposés par le ministère pour ne pas crever de faim. Ce qui est annoncé, ce n’est pas une lutte à la pauvreté, c’est une guerre aux pauvres! En nous maintenant dans des conditions abjectes, en agitant une carotte sous la forme d’ajustements éventuels sur leur chèque et un bâton sous la forme de grosses coupures de chèque ou de fermeture de dossier, le parti libéral vise un cheap labor, cadeau pour l’entreprise, et à long terme, la fin de l’aide sociale.

Au SITT-IWW, nous continuerons à nous opposer à tout projet qui crée une classe de travailleurs et de travailleuses précarisé-e-s et c’est pourquoi nous sommes solidaires de cette lutte contre le projet Objectif emploi!

* Un primo-demandeur ou une primo-demandeuse est une personne qui fait une demande d’aide sociale pour la première fois.

1 juillet : une victoire antifasciste

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Juil 252018
 

De Montréal-Antifasciste

Le 1er juillet, La Meute, Storm Alliance et un nouveau groupe nommé « Independence Day » s’étaient donné pour but de converger au centre-ville de Montréal afin de marcher contre l’immigration « illégale ». La Meute promettait pour l’occasion une manifestation d’une importance historique, autant numériquement que symboliquement. Grâce à une réponse coordonnée d’antifascistes, d’antiracistes, de militante-e-s anarchistes et communistes, d’activistes autochtones et anticoloniales-aux, de groupes pour la justice migratoire et de résident-e-s de Montréal, ce fut plutôt un échec historique. C’était la première tentative de La Meute de manifester à Montréal depuis le 4 mars 2017, et cette fois-ci, ils n’ont pas été en mesure de prendre la rue et d’exprimer leur rhétorique haineuse.

Les antifascistes ont fait face à un certain nombre de défis logistiques. Les racistes avaient déclaré sur les réseaux sociaux qu’ils se réuniraient dans « l’est de Montréal » et marcheraient à partir de là, mais n’annonceraient les détails précis que le matin même de la marche. La manifestation antiraciste a été convoquée à la Place Simon Valois, non loin du métro Joliette, une zone considérée comme un « pilier de la gauche radicale » et dont on espérait qu’elle servirait de zone de rassemblement pour aller plus à l’est si nécessaire (on supposait alors que l’extrême droite se réunirait au métro Radisson). Il semblerait que les renseignements relatifs à « l’est de Montréal » n’aient en fait été qu’une désinformation de leur part, puisqu’ils se sont finalement donné rendez-vous au métro Bonaventure, à l’ouest du centre-ville. En très peu de temps, les forces antiracistes se sont arrangées pour avoir des tickets de métro, et après un rassemblement à la Place Valois avec des discours du Montreal Wolf Pack (une patrouille de rue autochtone) et des organisatrices antifascistes locales, elles se sont dirigées vers la station Joliette pour prendre le métro vers l’ouest.

Entre 200 et 300 personnes se sont rendues à la place Simon Valois, et environ 200 se sont dirigées vers l’endroit où les manifestant-e-s d’extrême droite se réunissaient. Il y a eu une certaine confusion (dont la faute incombe aux organisateurs-trices) sur la nature du rassemblement antiraciste. Sur les médias sociaux, il avait été annoncé que cela ne serait pas une contre-manifestation, mais celleux qui ont participé à l’organisation de l’événement et la plupart des personnes qui étaient présent-e-s au rassemblement voulaient confronter l’extrême droite. C’est pourquoi les gens ont choisi de se déplacer à Bonaventure. À tout-e-s celleux qui se sont présenté-e-s en espérant une manifestation distincte contre le racisme, et qui ont été déçu-e-s quand c’est devenu une contre-manifestation au centre-ville, nous offrons nos excuses. Nous tenterons de communiquer de manière plus cohérente et précise à l’avenir.

Il est également important de noter que, pour différentes raisons, nous étions très peu de personnes pour organiser et mobiliser en vue de cette manifestation. Le 1er juillet est une journée particulièrement difficile pour organiser une manifestation à Montréal, car beaucoup de gens déménagent ce jour-là. La gauche compte aussi beaucoup sur les forces étudiantes et leurs réseaux, lesquels sont absents durant l’été. Et enfin, les antiracistes se mobilisaient déjà cette semaine (et ce jour-là) pour visiter les communautés habitant près de la frontière dans une «Caravane de bienvenue aux réfugié-e-s à la frontière». Bien que nous ayons fait de notre mieux, considérant le très petit nombre d’organisateurs-trices, certaines tâches ont malheureusement été négligées. Une conséquence de ceci est que malgré notre victoire dans la rue, nous avons été incapables d’imposer ou même de mettre de l’avant nos propres idées dans les médias les jours qui ont suivi. La prochaine fois nous devons faire mieux.

Malgré ces défis, le jour même, une fois arrivé-e-s au centre-ville, il est devenu clair que nous étions nettement plus nombreux-ses que nos adversaires. Un peu spontanément, nos forces se sont séparées en deux, enfermant les racistes derrière les lignes de police qui les protégeaient. S’en est suivi plusieurs heures de siège sous une chaleur étouffante (le 1er juillet le plus chaud jamais enregistré à Montréal) alors que nous maintenions les manifestant-e-s d’extrême-droite immobiles. Un grand bravo à celleux qui sont resté-e-s sur place sous le soleil brûlant, à celleux qui ont pris l’initiative d’aller chercher de l’eau pour leurs camarades, une fois que l’eau apportée par les organisatrice-teurs a été épuisée, et à celleux qui ont pris la tête en criant des slogans antiracistes, antifascistes et anticolonialistes pour maintenir l’énergie de la manifestation malgré la chaleur.

Les dirigeants de La Meute a plus tard affirmé que leur marche a été un succès, malgré le fait qu’à peine une centaine de personnes s’y soient pointées, venues de partout au Québec, parce qu’elles ont réussi à marcher quelques mètres jusqu’à leur première cible (les bureaux d’Immigration Canada, qui étaient de toutes manières fermés ce jour-là!) avant que nous venions les bloquer. Un simple coup d’œil aux commentaires publiés dans leurs groupes privés, cependant, montre clairement ce qu’il en est de l’affaire, soit qu’ils avaient l’intention de marcher et ont été bloqués par nos forces, car ils avaient compté sur la police pour retenir ou attaquer les antifascistes (comme celle-ci l’avait fait en avril 2017 à Montréal et en novembre de la même année à Québec). Quand cela ne s’est pas produit, ils n’avaient aucun plan B, et dans ce qui est en train de devenir une tradition de La Meute, ils ont passé la plus grande partie de l’après-midi à échapper à la chaleur dans un parking de garage.

En ce qui concerne Storm Alliance, si peu de leurs membres se sont présentés que le « chef » Éric Trudel a fini par réprimander son propre groupe dans une vidéo post-manif sur Facebook en traitant ses membres de « jaseux » sans action. Nous ignorons ce que Trudel avait pris (notez le reniflement constant pendant la vidéo…), mais cette attaque décousue contre son propre groupe le fait ressembler de plus en plus, lui et son groupe, à une bande de clowns. Le groupe n’est certainement pas retombé sur ses pieds depuis que son fondateur Dave Tregget a quitté l’hiver dernier.

De nombreux facteurs ont contribué à notre succès à bloquer cette tentative de marche raciste. D’abord et avant tout, le succès n’était pas strictement le nôtre, mais était en fait le succès de la gauche radicale montréalaise, laquelle contient de nombreuses tendances divergentes et comporte de sérieux différends idéologiques, mais qui s’est néanmoins regroupée pour coopérer de manière exemplaire. Les antifascistes font partie d’un mouvement plus large avec une histoire profonde et riche dans cette ville; nous ne pouvons gagner que lorsque nous nous souvenons de ce fait et puisons dans ces forces. Deuxièmement, notre mouvement antifasciste lui-même a eu plus d’un an, depuis la première sortie publique de La Meute à Montréal, pour apprendre de ses erreurs. Alors que notre mouvement était il n’y a pas si longtemps un réseau nébuleux et désorganisé de groupes ayant peu ou pas de communication les uns avec les autres, nous sommes maintenant beaucoup plus efficaces dans notre capacité à coordonner les actions. Troisièmement, il faut mentionner que les forces de La Meute étaient incroyablement mal organisées ce jour-là, même sans tenir compte de la chaleur intense. Les meutards ont apparemment oublié leur eau et leurs pancartes dans les voitures, semblaient compter sur la police pour diriger leur manifestation à leur place, et un membre a même perdu une liste de tous les participant-e-s de leur Clan, puis n’a même pas averti leurs membres de cette bourde avant que les antifascistes aient trouvé ces documents et les aient publiés de sorte que tout le monde puisse les voir.

Un autre facteur important en notre faveur : les récentes interventions par des militant-e-s montréalais-e-s ont attiré l’attention médiatique sur le fait que la police a ouvertement pris le parti de l’extrême droite lors de nombreuses manifestations au cours de la dernière année; ceci a créé une situation où la police était sous pression de ne pas trop embarrasser leurs patrons en se rangeant trop ouvertement du côté de La Meute cette fois-ci.

Enfin, il faut aussi noter que les forces d’extrême droite étaient divisées le 1er juillet. Alors que Storm Alliance et Independence Day rejoignaient la marche de La Meute, une autre petite manifestation d’extrême droite se frayait un chemin à travers les rues de Montréal. Le Front patriotique du Québec – une petite étoile dans une plus grande constellation de forces racistes, et pour qui l’indépendance du Québec est primordiale – organise un « rassemblement pour une République du Québec » tous les 1er juillet depuis plusieurs années maintenant. Le FPQ n’a pas fait preuve de gentillesse envers La Meute, qui a choisi de convoquer un rassemblement anti-immigration en même temps que leur marche annuelle. Bien qu’il y ait eu des appels à « l’unité » dans la droite, les militant-e-s du FPQ ont ouvertement attaqué La Meute en dénonçant le caractère « fédéraliste » de ce groupe. Bref, de nombreux nationalistes, y compris des racistes et des extrémistes de droite dans le camp nationaliste, voient de plus en plus dans La Meute un groupe peu fiable et arrogant qui profite de l’attention des médias mais qui est incapable de mobiliser sur le terrain.

Parce qu’il faut donner crédit à qui de droit, l’image de « La Merde » que les antiracistes ont utilisé sur les médias sociaux et les posters pour le 1er juillet est en fait empruntée à Sylvain Lacroix, ancien membre du FPQ, proche du groupe 3 %, qui tente lui-même maintenant de créer une milice d’extrême droite au Québec. Celleux qui se sont plaint en ligne que cette image était « anti-Québec » devraient se regarder dans le miroir : l’image est venue de vos propres rangs, et de la section nationaliste de vos rangs, qui plus est! La haine de La Meute peut être assez intense dans d’autres groupes d’extrême droite, avec même parfois des menaces de violence (dont nous ne pouvons pas montrer les captures d’écran pour des raisons que les gens devraient pouvoir deviner).

Plus marginalement, les membres de la scène Alt-Right de Montréal (qui contient de nombreux néonazis) considèrent également La Meute comme un groupe de losers.

Nous avons peut-être gagné cette bataille, mais la guerre contre la montée de l’extrême droite, ici et ailleurs, continue. Ne nous méprenons pas : leur mouvement ne cesse de croître, leurs idées anti-immigrant-e-s, racistes, islamophobes et misogynes sont encore prises au sérieux, et leur rhétorique est toujours véhiculée par les partis politiques dominants, dont la CAQ, qui a de très bonnes chances de gagner les prochaines élections provinciales du Québec en octobre.

Il est important de célébrer nos succès, mais il est encore plus important, maintenant plus que jamais, que ces petites victoires nous motivent pour le long combat à venir!