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Le retour du RASH

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Nov 162017
 

De Liaisons

Le RASH fait son retour à Québec après près d’une décénie d’abscence. Nous souhaitons souligner l’initiative de ceux et celles qui ont fait en sorte que ce retour soit possible en partageant leurs réflexions sur ce que devrait être l’antifascisme aujourd’hui à Québec.

Au RASH Québec nous pensons que l’antifascisme tel qu’on le connait dans notre ville doit être revu. Actuellement, il n’est pas apte à combattre la montée de l’extrême-droite que l’on peut voir partout, avec des groupes comme la Meute, Storm Alliance et, plus proche de nous, Atalante Québec. L’antifascisme se doit d’être révolutionnaire et ne doit pas seulement se résumer à combattre l’extrême-droite en lui-même. L’extrême-droite prend plusieurs formes et nous devons toutes les combattre.

L’antifascisme doit s’inscrire dans une lutte des classes anticapitaliste; à chaque fois ou presque dans l’histoire où nous avons pu voir la montée de l’extrême-droite, une classe dirigeante, les capitalistes, s’est enrichie tandis que la classe ouvrière a saigné encore plus. À ces moments critiques, la gauche antifasciste a toujours combattu les organisations au pouvoir par le biais d’actions directes, de manifestations, etc., mais n’a toujours presque rien fait pour venir en aide directement à la classe ouvrière, laissant le chemin libre aux groupes d’extrême-droite et créant un terreau fertile à leurs idées.

Nous devons oublier les idées préconçues que nous avons de la classe ouvrière et arrêter d’avoir des préjugés comme ceux qui voudraient qu’ils et elles écoutent tous et toutes Radio x. Quand bien même ils/elles les écouteraient, cela ne fait pas de facto d’elles et eux des êtres sans intelligence et cela ne nous empechera pas d’aller à leur rencontre. En ces temps troubles, nous devons et devrons être présent.e.s pour ces gens et les éduquer ( et qui sait aussi apprendre d’elles et eux, sur les raisons de leurs/nos malheurs, et les aider du mieux que nous pouvons à trouver des solutions), sinon d’autres le feront à notre place. D’ailleurs, nous devons nous aussi les laisser nous éduquer et arrêter de prétendre que nous sommes les seul.e.s à posséder le savoir vrai.

L’antifascisme doit aussi combattre une autre chose… nos propres camarades. D’abord, en commençant par les agresseurs sexuels pour rendre nos espaces descends pour toutes et tous. Aussi, nous devons nous lever, confronter et éduquer nos camarades qui font des jokes de goulags, qui vénèrent presque Staline ou Mao, etc., de tels discours n’ont pas leur place dans les milieux antifascistes et vont à l’encontre de l’idée d’un antifascisme révolutionnaire. La classe ouvrière n’a que faire de ces discours déconnectés de la réalité et qui nous empêchent d’aller chercher plus d’allié.es dans celle-ci et dans les différentes communautés.

Finalement, il nous faut investir les communautés que nous disons défendre, aller à leur rencontre, discuter avec eux, les inviter pour une bière ou une quelconque activité, les inviter dans la lutte et ne pas parler à leur place.

Agitez – Éduquez – Organisez-vous

161% redskin

RASH Québec

Comité de défense et de décolonisation des territoires

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Nov 162017
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

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Une brèche a été ouverte par une bande d’anonymes maintenant notoire. Leur mouvement autonome de réoccupation du territoire a révélé l’intimité des perspectives écologistes et décoloniales. En bloquant le projet pétrolier de Junex et en affirmant la légitimité des souverainetés traditionnelles Mi’kmaqs sur le territoire, leur action a donné lieu à des nouvelles possibilités de luttes victorieuses. Après le démantèlement des premières barricades, cet appel à l’organisation s’inscrit dans la continuité de leur audace.

À partir du démantèlement, le Camp de la rivière devint un ancrage central de la lutte contre les hydrocarbures et la fracturation en Gaspésie. En plus d’être le lieu d’une quotidienneté emplie de sens, le camp multiplia les efforts visant à bâtir une force qui saurait s’opposer à l’économie de la mort, au travail concerté d’un État extractiviste et des entreprises pétrolières qu’il finance. En ralliant des habitant.es de partout, de la Gaspésie, du reste du Québec et des Maritimes, il a prouvé que ses potentiels de rencontres et d’alliances sont d’une grande puissance.

Dans leur déclaration au banquet Junexit, deux chef.fes traditionnel.les Mi’kmaqs écrivent qu’« après le démantèlement de la barricade, la lutte ne fait que commencer, et des coalitions se forment entre les Chefs des Districts Mi’kmaqs, ainsi que les protecteurs de l’eau et de la terre allochtones. Nous appelons tous les groupes et individus qui se sentent concernés par la protection de l’eau et de la terre sur le territoire de Gespegawagi à faire entendre leur appui, à agir et à rejoindre la lutte sur place. »

L’appel à la semaine d’actions a été un succès dans plusieurs régions, multipliant déploiements de bannières et organisant occupations, manifestations et blocage de trains. La cause, reprise par des écologistes autant que par des militant.es décoloniaux s’est posée comme symbole de la défense du territoire, de la nécessité de protéger les régions et les milieux de vie auxquels nous appartenons. « Tout à perdre, rien à gagner » : plus qu’une opposition aux projets extractivistes, nous voulons exprimer notre attachement au territoire et la menace qu’est le pétrole pour ce à quoi nous tenons.

Pour penser la suite de la lutte et son extension, pour voir comment nous pouvons contribuer à multiplier les conflits, nous proposons aux ami.es, aux camarades, aux allié.es, aux complices, de se regrouper localement dans des formes favorisant à la fois l’autonomie et l’élargissement de la lutte. Nous proposons une forme, celle des comités ouverts pouvant accueillir des individus, des membres d’autres groupes et se multiplier selon les nécessités. C’est à travers ceux-ci que nous pourrons adresser les questions brûlantes que la lutte soulève. Il nous faudra penser ensemble pour agir ensemble, mais c’est aussi dans la pratique que ces questions pourront trouver leurs réponses.

Vaincre la catastrophe

Écologie et Décolonisation

Pas une journée ne passe sans qu’un épiphénomène du réchauffement climatique ne vienne ravager une partie du globe ou qu’on nous rappelle comment la diversité animale chute drastiquement chaque année. Sous l’effet de l’extraction massive des énergies fossiles, la catastrophe fait irruption dans notre quotidien et nous peint un futur sombre. Le déraillement d’un train chargé de pétrole fait exploser un village entier. Le changement soudain du climat paralyse toute une région. Ce qu’on nomme catastrophe n’est que le fonctionnement normal d’une économie fondée sur l’accélération et la croissance.

Les énergies fossiles, censées nous libérer de la dépendance au soleil, nous ont rendu.es dépendant.es aux institutions et infrastructures qui les produisent. Au delà de l’alternative infernale, entre ceux désirant retenir ou accélérer la fin du monde, un parti de la vie se dessine en prenant sur lui de combattre les projets de l’économie de la mort et de réhabiter le monde.

Dépossédé.es, l’on voudrait nous voir vivre déconnecté.es des autres, chaque individu dans sa petite case personnelle, aveugle à la violence qu’exige cet ordre pour se maintenir en place.Défendre les territoires, c’est briser cette bulle. C’est réapprendre à vivre avec ce qui nous entoure et composer avec ce qui nous constitue. Briser le temps normal de l’économie, se retrouver.

Le blocage des projets de Junex en Gaspésie et le Camp ayant suivi sont de ces espaces qui nous permettent de nous rassembler et de nous organiser contre ce qui ravage le monde. Ils se lient aux territoires et y tissent de nouveaux sentiers.

Là est le premier point de contact possible. Les mouvements écologistes, en proposant quelque chose de nouveau pour les allochtones, ont rejoint des idées très anciennes pour les Autochtones. C’est en refusant de penser la terre comme une simple marchandise, de vouloir son exploitation pour le profit et en reconnaissant que c’est elle qui nous nourrit, que des possibles se sont ouverts. En défendant la terre contre le intérêts propres d’un État ou bien d’une entreprise, des ponts ont commencé à s’établir entre des mondes qui semblaient jusque-là irréconciliables.

Mais si le désastre qu’est l’économie du pétrole nous apparaît comme évident, le rapport à celui-ci se conçoit différemment du point de vue des peuples autochtones. Pour eux, cette catastrophe est une réalité se réactualisant depuis 500 ans. La destruction de l’environnement va de pair avec la dépossession qui la précède. Leur perspective nous éclaire sur le caractère colonial de l’histoire moderne. Elle nous permet de comprendre que le développement de l’économie n’a été possible que par la dépossession et l’exploitation. Que ce système fonctionne encore aujourd’hui sous cette même logique et que Junex en est l’ultime représentant.

Poser la question de la défense des territoires en «Amérique» implique donc inévitablement de penser le processus par lequel l’économie extractiviste et ses institutions ont pu y croître. Ce processus, c’est la colonisation, c’est-à-dire le pillage, le saccage et l’occupation des terres autochtones.

Du point de vue autochtone, défendre les territoires est donc inséparable de la lutte de décolonisation. Dans ce processus, les souverainetés ancestrales bafouées par 500 ans de conquêtes doivent être revalorisées et mises de l’avant. Pour les écologistes, cela implique d’assumer la production de mondes allochtones capables d’habiter sans déposséder. À travers une lutte commune contre ce qui nous menace et pour la survie des traditions nouvelles et anciennes, des mondes jusqu’ici incompatibles peuvent se rencontrer. Cette rencontre devra penser l’ordre colonial pour sa destruction. Par là, nous pouvons nous adresser des problèmes communs.

La construction des « Amériques » n’aura été qu’un long processus violent pour s’accaparer territoires et ressources. Les fourrures hier et le pétrole aujourd’hui. Le point de vue décolonial offre à penser cette tragédie. Pour interrompre l’Histoire, il faut bloquer ce qui la construit, c’est-à-dire l’infrastructure de l’économie extractiviste.

La force mobilisatrice qui pourrait émerger d’alliances concrètes entre perspectives écologiste et décoloniale, entre allochtones et Autochtones serait annonciatrice de luttes victorieuses. Cette possibilité de gagner contre ce monde et d’en ouvrir d’autres est entre nos mains. À nous de la saisir !

Comment faire?

« Avancer en questionnant »

La forme proposée, celle des comités, vise à favoriser l’autonomie et l’initiative locale. S’il est nécessaire de soutenir le Camp de la Rivière, nous croyons en l’importance de reterritorialiser les luttes. L’idée de croiser défense et décolonisation est de nous donner un sens commun sans fonctionner de manière programmatique. Chaque lieu, chaque réalité amène des situations différentes sans solution universelle. C’est pourquoi nous proposons le sentier de l’humilité : «avancer en questionnant». Il est nécéssaire de partir des conditions vécues et de construire à partir de là, d’agir directement tout en s’organisant sur le long terme. Pour ce faire, nous suggérons des pistes pour les mois à venir.

I – Enquêter sur les territoires

Il est tout d’abord nécessaire de faire enquête. Pratiquer l’enquête, c’est apprendre à désigner l’ennemi en le faisant apparaître concrètement, dans ses plans et ses politiques. Tout autant, c’est suivre à la trace ce qui déborde de cette logique et tente d’y mettre fin. Cette étape déjà en cours, consiste donc à repérer, à identifier, à comprendre, partout sur le territoire, les projets de l’économie extractiviste et leurs articulations avec le programme colonial. On retrouve cette articulation dans l’aménagement même du territoire et dans l’omniprésence des infrastructures d’extraction. L’espace y est fracturé d’inégalités et réunifié par tout un réseau de communication et de circulation. Il faut en saisir le fonctionnement, les méthodes et plus particulièrement, comprendre comment cette politique extractiviste mène au sous-développement et à la perte de souveraineté pour les habitant.es des régions périphériques. Dans un même geste, il nous faut se lier aux résistances et comprendre l’ennemi à partir de comment elles le désignent. Il s’agit de se lier aux personnes qui habitent le territoire et qui luttent pour le défendre. Cela implique d’apprendre à tenir à ce qu’elles aiment et à mépriser ce qui le menace, de partager la vie.

II- Construire l’autonomie

Les réseaux extractivistes de dépendance font circuler les ressources des périphéries vers le centre. Pour briser cette logique, nos réseaux doivent nous permettre de circuler et de se rejoindre dans l’action pour répondre aux appels lancés. Construire l’autonomie c’est d’abord viser à réunir les forces pour combattre ce qui saccage les territoires. Il s’agit d’insuffler une force nouvelle aux mouvements contestaires et de les réinventer à travers les traditions anciennes et nouvelles : ces formes de vie qui nous permettent de vivre à même le territoire nous apprennent nécessairement à lutter contre ce qui le menace. L’effort est donc multiple : bâtir un mouvement combatif dans l’écologisme, appuyer les formes traditionnelles de souveraineté autochtone et reprendre le pouvoir sur nos vies. Pour cela, il faut déjà rendre notre monde habitable, c’est-à-dire se re-donner les moyens matériels, les connaissances, l’imaginaire et le sens existentiel pour tenir dans la désertion et la confrontation.

III- Bloquer les flux

À celles et ceux qui vivent en ville et pour qui le monde semble impossible à ressaisir, le rôle revient de faire apparaître la confrontation en s’attaquant aux symboles, aux infrastructures, aux ennemis qui menacent les formes de vie auxquelles nous tenons. Il faut compromettre, en métropole comme ailleurs, la modernisation et le développement de l’économie capitaliste extractiviste jusqu’à les rendre intenables. La continuation de cette économie dépend de sa capacité (1) à extraire des ressources et (2) à les faire circuler. Nos considérations tactiques doivent découler de cette simple constatation. Notre mode d’organisation doit nous permettre de soutenir efficacement les luttes qui ont cours sur les territoires par-delà les frontières coloniales, d’aider à leur extension et d’acheminer des ressources qui permettent leur durée.

Nous proposons ces étapes en vue de voir se multiplier les blocages et actions sur le territoire au cours des prochains mois. Le succès des actions entreprises dépendra de notre capacité à bâtir des relations solides sur le long terme, des liens de confiance qui permettent la complicité, et des réciprocités qui nous lient. Le mouvement que nous nous proposons de développer implique une déconstruction profonde des rapports de pouvoirs présents entre nous, insufflés dans nos esprits par l’idéologie coloniale. Penser la décolonisation implique de se projeter dans une temporalité plus large qu’une campagne ou qu’un seul campement. Au final, nous désirons rendre inséparables le moment de la vie et celui de la lutte.

Approfondir les idées, développer la lutte

La formation d’un comité vise à réunir ceux et celles désirant articuler écologie et décolonisation dans la lutte pour la défense des territoires. Les comités permettent une plus large participation et une coordination des efforts. Ils peuvent à la fois soutenir le Camp de la Rivière et s’organiser sur leur propre territoire.

Pour construire les comités et se préparer à la reprise des hostilités avec les pétrolières, nous proposons quelques pistes d’activités et d’actions pour les prochains mois. Nous prévoyons organiser une fin de semaine de formation et une rencontre entre les comités dans les prochains mois. D’ici là, il s’agit de maintenir la tension, d’enquêter sur les projets en cours et de bâtir des liens solides.

Propositions concrètes

Organiser le soutien au Camp de la Rivière : Assurer une présence physique, fournir du matériel et de l’argent. Des personnes vivant au camp ont décidé d’y passer l’hiver. Il faut donc rester à l’affut des besoins qui seront exprimés dans les prochaines semaines relativement à ce défi.

Enquêter et construire la solidarité : Aller à la rencontre des personnes en lutte.Il est fondamental d’apprendre à connaître les luttes de défense des territoires et de se lier avec ceux et celles qui les mènent.

Organiser des actions autonomes : Les cibles et formes d’actions sont multiples, les adresses faciles à trouver du moment que les ennemis sont identifiés. L’organisation d’action est à la fois un moyen de se lier entre nous en incluant de nouvelles personnes et de faire monter le ton face aux projets de l’économie extractiviste.

Organiser des discussion autour de livres : Penser l’envers obscur de la modernité, Pour une histoire amérindienne de l’Amérique, Carbon democracy. Le pouvoir politique à l’ère du pétrole, Red Skins White Masks, Colonialité du Pouvoir et démocratie en Amerique Latine, 1492, l’occultation de l’autre,Wasáse indigenous pathways of action and freedom, Decolonization is not a metaphor

Mettre en place des activités de financement : Il faut financer la suite du campement, les luttes en cours et la défense des arrêté.es du blocage et de la semaine d’actions.

Organiser des projections : Kanehsatake, 270 ans de résistances, Les évènements de Restigouche, La Couronne cherche-t-elle à nous faire la guerre?, Pour la survie de nos enfants, Our nationhood-Kouchibouguac (Liste de films proposés disponible sur le site de l’ONF)

Produire du matériel d’agitation et d’information : Il est nécessaire de faire connaître les activités des comités à travers des affiches, des tracts et autres outils de diffusion.Ainsi que de sensibiliser la population aux questions écologiques et décoloniales.

Organiser des formations à l’action : Lorsque le temps vient de mettre en place des actions ou d’intervenir dans celles déjà en cours, il est fondamental de savoir le faire en minimisant le danger que nous courrons et maximiser celui que nous représentons : ABC d’une occupation, préparation d’équipes médicales, entraînement aux tactiques de rue et de survie en forêt, apprentissage du fonctionnement des technologies ennemies et de celles qui peuvent nous être utiles.

Participer à l’organisation de la tournée de conférences : Au courant du mois de novembre, il serait intéressant de circuler dans les régions qui ont signifié un appui au Camp de la Rivière. Nous proposons de mettre en place une tournée de conférence.

Adopter des positions d’appui en Assemblée générale

Pour organiser des discussions sur les événements du Camp de la Rivière avec des personnes ayant participé à la lutte : campdelariviere@gmail.com
Pour contribuer aux prochaines publications du journal et bâtir le réseau des comités : cddt@riseup.net

12 novembre, contre la haine ou juste le racisme?

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Nov 152017
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Le 12 novembre 2017, une manif de près de 5000 personnes a marché à travers Montréal sous la bannière « grande manifestation contre la haine et le racisme ». Dans un contexte où l’extrême-droite a été capable d’accoter ou même de mobiliser plus que les anti-racistes à plusieurs reprises dans les derniers mois, cette manifestation aura été une bonne démonstration de force en plus d’être une étape importante au niveau tactique de la part des organisateurs. Clairement, la manifestation a été organisée selon un modèle de coalition de gauche, ce qui a résulté en l’utilisation de discours populistes questionnables dans leur appel à la mobilisation. Alors, certain.es d’entre nous nous sommes inquiété.es d’une dérive potentielle qui mènerait à décontextualiser et une déligitimiser le concept de « haine », ce qui aurait vraisemblablement pu se retourner contre les anarchistes et d’autres radicaux à l’avenir.

Certain.es d’entre nous avons participé à la manif par solidarité, tout en restant critiques. Ci-dessous, vous retrouverez le texte que nous avons distribué aux participant.es à la manifestation et aux passants.

(certain.es reconnaîtrons ici une section du texte Contre la Logique de Soumission par Wolfi Lanstreicher)

La haine

Beaucoup sont furieux.ses face aux dérives fascistes et autoritaires du contexte politique actuel. Il y a toutefois un souci pratique lié à la tension constante pour rester consistant.es avec ses valeurs et son éthique personnelles et ce, particulièrement dans des temps d’anxiété de masse. En ayant cela en tête, en tant qu’anarchistes, nous pouvons offrir une perspective critique sur le discours «contre la haine».

Puisque nous avons pris la décision de refuser de vivre tel que l’entend la société, de nous soumettre à l’existence qu’elle nous impose, nous sommes rentrés en conflit permanent avec l’ordre social. Ce conflit sera visible dans plein de situations différentes, réveillant les passions intenses de ceux qui ont une forte volonté. Exactement comme avec nos amours et nos amitiés que nous exigeons pleines et intenses, nous voulons entrer tout entier.e dans nos conflits également, et en particulier dans le conflit qui nous oppose à cette société pour sa destruction. Nous luttons donc avec toute la force nécessaire pour atteindre ce but. C’est sous cet angle que nous, les anarchistes, pourront le mieux comprendre la place de la haine.

L’ordre social actuel cherche à tout rationaliser. Pour lui, la passion est dangereuse et destructrice puisqu’une telle intensité de sentiment est, après tout, en opposition à la froide logique du pouvoir et du profit. Il n’y a pas de place dans cette société pour une raison passionnée ou la concentration raisonnable de la passion. Lorsque la valeur sociale la plus importante est le bon fonctionnement de la machine, alors la passion et la vie quotidienne ainsi que la raison humaine portent atteinte à la société. Il faut une rationalité froide construite sur une vision mécanique de la réalité pour soutenir ce genre de valeur.

C’est ainsi que les campagnes contre la « haine » conduites non seulement par tous les progressistes et réformistes, mais aussi par les institutions du pouvoir à la base des inégalités sociales (sans nous référer à «l’égalité des droits» qui n’est qu’une abstraction légale, mais plutôt aux différences concrètes concernant l’accès aux choses nécessaires pour qu’une personne puisse déterminer elle-même ses conditions de vie.) qui introduisent la bigoterie dans le tissu de cette société, font sens à plusieurs niveaux. En se concentrant sur les tentatives pour combattre la bigoterie dans les passions des individus, les structures de domination rendent aveugles plein de gens de bonne volonté à la bigoterie qui a été insérée dans les institutions de cette société, cette bigoterie qui est un aspect nécessaire à sa méthode d’exploitation. Ainsi, la méthode pour combattre la bigoterie suit un chemin double : essayer de changer les coeurs des individus racistes, sexistes et homophobes et promouvoir des lois contre les passions indésirables. En conséquence, la nécessité d’une révolution qui détruit l’ordre social construit sur la bigoterie institutionnelle et l’inégalité structurelle est oubliée, et l’Etat ainsi que les différentes institutions à travers lesquelles il exerce son pouvoir sont renforcées, leur permettant de supprimer « haine ». De plus, la bigoterie rationalisée est utile au bon fonctionnement de la machine sociale. Une passion individuelle trop intense, même lorsqu’elle est canalisée par la bigoterie, représente une menace au bon fonctionnement de l’ordre social. Cette passion est imprévisible et c’est un maillon faible dans la chaîne du contrôle. Elle doit donc être supprimée et ne doit s’exprimer qu’à l’intérieur des cadres qui ont été minutieusement mis en place par les dirigeants de cette société. Mais un aspect de l’accent qui est mis sur « haine » (une passion individuelle) plutôt que sur les inégalités institutionnelles qui servent si bien l’Etat est que cela permet à ceux au pouvoir (et les médias à leurs bottes) d’arriver au même niveau de haine irrationnelle et bigote que les suprémacistes blancs et que les tabasseurs d’homos avec la haine raisonnable que ressentent les exploités qui se sont révoltés vis-à-vis des maîtres de cette société et de leurs laquais. C’est ainsi que la suppression de la haine se fait dans l’intérêt du contrôle social, soutient les institutions du pouvoir et, in fine, soutient l’inégalité institutionnelle nécessaire au fonctionnement du pouvoir.

Ceux parmi nous qui souhaitent la destruction du pouvoir, la fin de l’exploitation et de la domination, ne peuvent pas succomber aux logiques rationalisantes des progressistes, qui ne sont là que pour servir les intérêts des dirigeants du présent. Etant donné que nous avons choisi de refuser l’exploitation et la domination, de nous saisir de nos vies dans la lutte contre la réalité misérable qui nous a été imposée, nous nous confrontons inévitablement à toutes sortes d’individus, d’institutions et de structures qui sont sur notre route et s’opposent activement à nous (l’Etat, le capital, les dirigeants de cet ordre et leurs loyaux chiens de garde, les différents systèmes et institutions de contrôle et d’exploitation). Tous ceux là sont nos ennemis et il est raisonnable de les haïr. Il s’agit de la haine de l’esclave pour son maître, ou plus précisément, de la haine de l’esclave qui s’est échappé.e pour les lois, la police, les « bons citoyens », les palais de justice et les institutions qui cherchent à le/la rattraper pour le/la rendre à son maître. Et comme pour les passions de nos amours et amitiés, nous devons également cultiver cette haine passionnée et nous l’approprier, son énergie dirigée toute entière vers le développement de nos projets de révolte et de destruction.

Puisque nous désirons être les créateurs de nos vies et de nos relations, que nous désirons vivre dans un monde où tout ce qui emprisonne nos désirs et étouffe nos rêves aurait disparu, une tâche immense nous attend : la destruction de l’ordre social actuel. La haine de l’ennemi (de la caste de dirigeant et de tous ceux qui la soutiennent) est une passion orageuse qui peut fournir l’énergie nécessaire à cette tâche que nous ferions bien d’embrasser. Les anarchistes insurrectionalistes voient la vie d’une certaine manière et envisagent un projet révolutionnaire de façon à concentrer cette énergie pour pouvoir viser avec intelligence et force. La logique de soumission requiert la suppression de toute les passions, et qu’elles soient transformées en consumérisme sentimental ou en idéologies rationalisées de bigoterie. L’intelligence de la révolte embrasse toutes les passions, voyant en elles non seulement de puissantes armes pour la bataille contre cet ordre, mais également les bases de l’émerveillement et de la joie d’une vie vécue pleinement.

Que vous vous identifiez à l’anarchisme ou pas, vous accrocher à cet impitoyable système politique à un moment où, aux yeux de la plupart des gens, sa légitimité décline sévèrement, c’est placer entièrement la balle dans le camp de réactionnaires comme Trump, La Meute et Storm Alliance, ou alternativement, de progressistes comme Trudeau, Zuckerberg et le NPD. Les nationalistes-blancs, aux politiques ouvertes et directes, et les progressistes libéraux ne sont que les deux côtés d’une même médaille, basée sur le progrès de la même civilisation occidentale. Ils tiennent le même discours autour de la loi, de l’ordre, de la civilité et des droits.

Alors que la droite prends les erreurs du mouvement anti-globalisation et les transforme en « rébellion » raciste contre le néolibéralisme, vers le nationalisme économique, il est de notre devoir de commencer à articuler notre propre rébellion contre cette société. Une rébellion qui se conçoive comme la lutte de la vie contre la mort, qui reconnaisse une rupture complète avec l’ordre présent comme seule solution réaliste à nos problèmes. Nous devons non seulement nous organiser pour nous défendre contre les racistes et répondre aux attaques des puissants contre les pauvres et les marginalisés, mais nous devons aussi nous organiser pour créer nos propres pouvoirs et ressources pour nous-mêmes, construire des relations qui ébrèchent la suprématie blanche et le patriarcat, et lancer des attaques contre les institutions de la société canadienne coloniale et suprémaciste blanche.

Pour une haine saine de la suprématie, du capitalisme, de l’autorité et de toutes les hiérarchies sociales!

Des anarchistes

 

Il faut bien commencer quelque part

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Nov 092017
 

De Liaisons

À lire aussi : Expériences de l’émeute du 20 août

Dans les derniers jours, semaines et mois, de nouvelles affiches et autres tags ont fait leurs apparitions sur le territoire de la ville de Québec, des signes visibles de gens qui on fait le pari de se lier au monde en laissant leurs marques sur les murs de la ville.

Que l’on connaisse leur identité ne nous fait aucune importance. Liaisons est le masque par lequel illes deviennent anonymes au pouvoir et ouverts sur le monde ; la partie visible, réflexive et informative de l’iceberg. Ce qui nous importe vraiment ce sont les liaisons qui se crées dans les failles du pouvoir et les actions pour les élargir.

C’est pourquoi nous faisons un appel

Nous faisons un appel simple : multiplions notre présence partout sur le territoire. Partout, décuplons les failles. Il n’y a pas, à ce titre, de limite à notre imagination praxéologique. Et pourquoi ne pas commencer par les murs ? Lançons un concours de poésie murale dans la ville de soi-disant Québec! Les photographies reçues par courriel seront publiées directement sur le site web de Liaisons (liaisons.resist.ca).

Profitons de cette occasion pour reprendre l’habitude et l’expérience d’agir ensemble, à la lueur de la lune. Faisons briller la nuit de mille feux!

Mais attention aux flics! Il faut agir vite, surveiller les alentours, contrôler tous les « citoyen.ne.s » qui souhaiterait jouer les héros de la propriété privés [bien que cela arrive assez rarement]. Nous ne sommes jamais trop prévoyant.e.s ou prudent.e.s. Si vous voulez un conseil ou deux, de par notre expérience :

  • Les taxis sont les pires snitchs, il faut les éviter comme on évite la police.
  • Si vous prenez-vous même les photos de vos oeuvres, utilisez des outils comme exiftool, qui vont permettre de supprimer des données comme la localisation de l’appareil et son modèle.
  • Parfois, si nous sommes attendus la nuit, le meilleur moment est peut-être tôt le matin, ou même, avec les bons équipements (stencil et sac pour le cacher), ou tout dépendant de l’endroit, en plein jour.

Allons-y!

Liaisons I

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Nov 082017
 

De Liaisons

Avouons-le, à Québec, la gauche radicale, particulièrement la gauche antiautoritaire, est moribonde.

Ce n’est pas qu’elle n’a vu ses instants de gloire : Le sommet des Amériques, les squats, même les grèves étudiantes de 2005 et 2012. Le pouvoir était tenu en respect et lorsqu’ils ne devaient pas remplacer leurs dents, les fachos se terraient la queue entre les jambes.

Que reste-t-il maintenant?

Il y a les trots d’Alternative socialiste qui jouent aux rads d’un côté, mais qui de l’autre encouragent à voter QS. Ils n’ont pas abandonné l’idée du parti de masse, les pauvres. Parlant d’indécrottables marxistes, où sont passé-e-s les Maoïstes ? Ils étaient partout il y a quelques années seulement.

Maintenant, ils sortent leurs bannières des boules à mites pour faire semblant d’exister au folklorique défiler du 1er mai. Pour en finir, le PCQ a choisi, comme pour saboter toute forme de sympathie qui pouvait leur rester, d’appuyer le PQ de PKP. Bon débarras.

Anarchistes, ne rigolez pas trop vite. Le bon vieux temps est révolu et la première étape pour aller de l’avant, c’est de se l’avouer. Les wobs sont peut-être l’organisation la plus importante en termes de membership, lorsqu’ils ne se concentrent pas uniquement sur les conditions de travail immédiates, ils sont à la remorque des initiatives venant du communautaire, ou ironiquement, des syndicats collabos. De son côté, Subvercité avait la prétention, lorsque feu l’UCL a disparu, de fédérer les anticap. De déception en déception, elle regroupe maintenant les vieux nostalgiques qui tentent bien encore de faire quelques trucs, du bout des bras.

Pour le reste, la Page Noire agonise, l’AgitéE a fermé par manque d’implication et il y a longtemps qu’il n’y a plus d’antifa pour défendre les rues de nos quartiers. Nous avons même l’impression que nous sommes rendu au point où les tags ACAB disparaissent silencieusement des murs de Québec, effacés par le temps. Il y a bien encore quelques initiatives: un festival ici, les éternelles mêmes conférences là. Mais la lutte au pouvoir ne peut pas s’étrangler à ce stade. Nous perdons l’initiative au profil de la police et des fachos. Il y avait bien longtemps que nous avons vu les flics reculer à Québec et il est grand temps que ça change.

Les fachos ont compris quelque chose.

Ils ont compris que la société s’effondre. Et cela, monsieur-madame-tout-le-monde en ont déjà plus que la conviction profonde, ils en font l’expérience quotidienne, noyé-e-s dans la vacuité du spectacle que nous offre cette auto-proclamée « société ». Cette affirmation est tellement évidente, elle en est presque devenue ridicule. Toutes les merdes politiciennes font croire, à la télé – et maintenant sur votre blogue préféré -, qu’ils ont quelque chose de différent, qu’ils souhaitent le changement. En cela, ils sont tous pareils. Lepen est arrivée au deuxième tour avec la promesse de tout casser. Trump, dans la sophistication qu’on lui connaît, a été bien plus génial. Il n’a même pas fait l’effort de camoufler ses mensonges, bien au contraire. La seule promesse qu’il a pu faire est la promesse de sa transgression. Il a exposé sa bouffonnerie.

« Ils vont payer pour le mur ». Meh. Il a exposé les simulacres de tous les crosseurs et pour ça, il a été plus sincère que n’importe quels autres. Voilà le succès et le danger des protomilices fachos qui gagnent en popularité partout en occident comme à Québec. Ils se donnent un air bien rebelle. Ils critiquent les « médias traditionnels »… en étant appuyées par tout un armé de chroniqueurs professionnels publiés à tous les jours dans les journaux les plus lus. Mais que cela ne tienne : ils ont l’allure marginale et voilà pourquoi ils gagnent en popularité. Pourquoi pas prendre un selfie avec un gun? Ou gueuler à qui veut l’entendre, sur toutes les tribunes possibles, sa haine de l’Autre, maintenant décomplexée? Mais le danger tient en cela qu’ils veulent sauver de cette société. Là où nous sommes déterminé-e-s à la détruire, ils veulent en tirer une chimère – la nation, la patrie, la race, la tradition ou la civilisation occidentale –, y prendre une ombre pour la réaliser en acte. Il ne peut en sortir que des monstres.

Et pourtant, dans la grande majorité de la gauche et même à ses extrêmes, ils s’en trouvent encore, et des nombreux, pour souhaiter rejoindre « les masses », « la majorité » ou « le peuple ». Il faut, à tout prix – il en va du devenir de la lutte historique contemporaine contre le néo-fascisme – mettre fin à cette lubie. Il n’y a plus, dans ce « peuple »-là, que des écrans et des ombres. C’est pour cela que la stratégie d’Atalante est basée sur les photos publiées sur la fachosphère et que La Meutes revendique comme membership un groupe Facebook.

Nous devons en prendre acte parce que nous en sommes atteint-e-s, et gravement.

Le peuple qui reste, notre sujet révolutionnaire, c’est celui des affectes et maintenant nous pouvons l’affirmer : ça l’a toujours été. C’est à eux que nous devons appeler, pas à « la masse ». Nous devons apprendre que « tout va mal » est une expérience universelle, la seule seulement. Nous ne devons pas nous censurer, nous retenir. Nous ne devons pas jouer le jeu risible d’un GND. Nous ne devons pas faire semblant que l’on croit encore au projet de la modernité. Plus personne n’y croit de toute façon ; au pire, justement, on fait semblant. Le danger avec les fafs est qu’ils appellent à l’affect qui se répand dans l’expérience de la solitude et de l’écran tout en préservant l’écran et la solitude. Leur écran, c’est un miroir qui leur renvoie leur image, tous pareils. Entre leur projet et les algorithmes Facebook qui nous renvoient ce que l’on veut voir, il n’y pas de différence. Si nous devons revendiquer quelque chose dans ce chao c’est: « Le monde se meurt, qu’il crève! Il était temps. »

Il reste encore à l’assumer.

Les fachos les plus dangereux, devons-nous le rappeler, sont à trouver du côté de la police. Dans le meilleur des scénarios, les boneheads ne font que remplir le rôle de boucs émissaires, une raison pour que PQ et consorts ressortent leur charte sous prétexte qu’ils veulent couper l’herbe sous le pied aux « vrais racistes ». Bref, il faut reconnaître son ennemie. Et ce n’est pas les rasés qui ont arrêté des centaines d’ami-e-s depuis 2012, au point où beaucoup d’entre nous avons développé-e-s des PTSD. Ce ne sont pas des vieux mêlés exhibant fièrement des chandails de loups qui ont empêché à maintes reprises des manifestations de prendre la rue ou qui harcellent et humilient quotidiennement les marginaux du centre-ville. Il n’avait pas non plus de runes louches sur les uniformes de ceux qui, armés de béliers, ont délogé les squatteurs aux maisons militaires de Sainte-Foy.

Depuis trop longtemps, la police agit impunément à Québec.

Il est grand temps que quelqu’un – ou plutôt quelques-un-e-s – réponde à leur agression.

Tout le reste de nos luttes y est en jeu. En ce moment, les policiers savent bien que nous allons « coopérer » et qu’il n’y aura pas de représailles à leur répression. Une petite journée au boulot qu’ils se disent. Voilà bien le problème : nous aussi. Il en va de même pour l’attitude de tous et toutes envers les actions : nous sommes blasé-e-s. Nous anticipons les actions – les nôtres – autant que l’action de la police au point où tout nous glisse dessus imperceptiblement. Devant notre cellulaire, nous attendons que quelqu’un fasse « un event » pour le liker et peut-être y « faire un tour ».

Nous entendons déjà les cris : « Anarcho-anar! Radical! Il ne suffit pas que de casser du flics! ». Évidemment, il y a un temps et une tactique bien pesée pour tous les types d’action. L’enjeu n’est pas là. Le point est que tous les ami-e-s sont à ce point lassé-e-s qu’iles se laissent porter, même dans la praxis, et qu’en conséquence, nous avons perdu l’initiative face à la police. Même les rassemblements familiaux en paient le prix. Pourtant, il ne suffit que de quelques frappes bien placées et hop! les flics y pensent à deux fois avant de rentrer dans le tas.

Ensuite, le problème n’est pas plus numérique. Il y a ce mythe qu’à Québec ne nous sommes jamais assez nombreux pour faire quoi que ce soit. Il manque la « masse critique » dit-on. Sauf qu’il y a plusieurs façons de s’attaquer au pouvoir. Considérons ceci : il y a un nombre fini de flics et un nombre infini de cibles : des caméras, des voitures de luxe, des murs blancs, des vitres de banque, des condos en construction… d’autres flics. Nous n’avons pas besoin d’être nombreus-e-s si nous sommes couvert-e-s par l’obscurité de la nuit, un masque sur notre précieux anonymat et résolu-e-s à en découdre ensemble.

Nous voilà arrivé au noeud du problème.

Au fil des ans, lentement, nous nous sommes perdu-e-s. Nous utilisions des outils de communications, mais voilà que, petit à petit, ils se sont retourner contre nous. Ils se sont à leur tour servie de nous, jusqu’à remodeler notre subjectivité. Nous nous sommes perdu-e-s de vue et de voix. Nous ne sommes plus présent-e-s les un-e-s pour les autres. Bref, nous ne sommes plus nous. C’est là la source de notre faiblesse. Pour y remédier, il n’y a pas de solutions miracles. Nous devons créer les lieux et les occasions pour nous retrouver pour discuter, pour partager, voir pour s’amuser… voir même pour s’aimer… Heureusement, certains de ces endroits existent encore : les librairies amies (nous les connaissons), les locaux étudiants, les centres communautaires… Nous ne devons pas lésiner, nous devons les multiplier. Arrêtons un instant de se fendre la tête avec l’organisation. Mieux : foutons dehors les AGs et les « réunions larges ». Nous n’avons pas besoin de « plus d’organisation ». Si tout ce qui unit une ligne contre l’antiémeute c’est une carte de membre, nous n’irons pas bien loin. Au mieux, l’organisation est un prétexte à la rencontre.Ce que nous avons besoin c’est plus d’action ensemble. Si nous avons envie de faire un cercle de lecture, pourquoi ne pas le faire? Si nous apprécions le cinéma : un club de film anarchiste. Si nous aimons la course, est-ce que l’on pourrait courir ensemble? En plus, c’est pratique pour la prochaine émeute. Mais justement, le danger c’est que ces activités deviennent des loisirs ; que ces activités se ferment sur elles-mêmes, que les mêmes vieux visages parlent des mêmes vieux trucs. Or, il ne devrait en être rien de tel. Ces activités peuvent être ouvertes ou fermées, mais nous devons faire les liens entre elles. C’est pour cela qu’elles doivent être nombreuses et que nous devons arrêter d’hésiter. Bref, il faut construire le tissu social de la commune. Les fascistes disent : « Exister c’est combattre ce qui me nie », ils n’ont pas complètement tort. Mais le monde qu’ils habitent s’est cristallisé sur lui-même, a périclité, exactement parce qu’il ne s’est pas ouvert sur l’extérieur. Alors que justement, « le cœur de la commune est précisément ce qui lui échappe, ce qui la traverse sans qu’elle ne puisse jamais se l’approprier. »

Be careful with each other to be dangerous together comme on dit en anglais.

Après, ces actions peuvent être bien faites. Elles peuvent disposer d’une intelligence. Ou elles peuvent être stupides, manquer la cible ou accuser une défaite. Il n’y a jamais de solution définitive à ces problèmes. Toutes celles et ceux qui prétendre avoir la méthode parfaite sont des bureaucrates, des gestionnaires de communauté. Nous préférons le fardeau d’accepter et d’apprendre de nos erreurs plutôt que la facilité de se soumettre à des procédures.

Analyser la situation.
Appeler les copines et les copains.
Agir rapidement.
Apprendre puis recommencer.

C’est comme cela que nous pouvons bouger rapidement lorsque les rasés se rassemblent en ville. C’est comme cela que nous résistons efficacement contre la police. Ultimement, c’est comme cela que, dans les failles du monde, nous construisons le nôtre résolu-e-s à en détruire l’ancien.

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Action en direct – La répréssion du mouvement syndical

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Nov 022017
 

De Action en direct


Émission du 28 octobre 2017

Dans cette émission nous explorons la difféerentes facettes de la répréssion subit par le mouvement syndical. Au programme :

– entrevue avec le camarade historien Mathieu Houle-Courcelles sur l’histoire de cette répréssion au Canada

– entrevue avec deux personnes syndiquées et employées du Vieux-Port

– et le pétage de coche d’Éric sur la loi et l’ordre

Bonne écoute !

Rapport critique sur la Loi 62 adoptée par l’Assemblée nationale du Québec le 18 octobre 2017

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Oct 262017
 

De Montreal-Antifasciste

Au cours des derniers jours, vous avez sûrement pris connaissance d’un projet de loi controversé proposé pour le Québec. Le projet de loi 62, qui a pour objectif de protéger la fameuse « neutralité religieuse » de l’État, est la continuation d’un débat politique de longue date sur la laïcité et les accommodements religieux au Québec – un débat visant particulièrement les femmes musulmanes.

Le 18 octobre 2017, le cauchemar devient réalité : le projet de loi, désormais la Loi 62 sur la neutralité religieuse, est adopté par l’Assemblée nationale suite à un vote de 66 contre 511. Ce rapport critique vise à brosser un portrait de cette loi et de ses implications, ainsi que de son historique et de sa place dans un contexte social plus large, notamment en relation au discours islamophobe véhiculé par les principaux partis politiques au Québec, ainsi que dans le contexte de la montée et de la normalisation de la rhétorique et des mobilisations de groupes d’extrême droite islamophobes et anti-immigrants en Amérique du Nord depuis le début de 2017. Nous croyons par ailleurs qu’il est essentiel d’aborder cet enjeu dans une perspective féministe – comme un exemple parmi tant d’autres des restrictions et des contrôles imposés aux femmes, particulièrement les femmes racisées et musulmanes, par l’État.

Obligations et implications de la Loi 62

Abordons d’abord les questions évidentes : que va-t-elle faire, exactement, cette fameuse loi? Quels impacts aura-t-elle sur nos vies? Devrait-on s’en inquiéter? Il est vrai qu’il nous arrive souvent d’aborder les effets de nouvelles lois et régulations sur un ton exagérément sensationnaliste ou catastrophiste. Malheureusement, cette fois-ci, ce n’est pas le cas – et oui, on devrait absolument s’inquiéter. Voici une liste non-exhaustive des contraintes particulièrement inquiétantes qu’introduit la Loi 62:

LOI 62 : OBLIGATIONS ET RESTRICTIONS SAILLANTES2
OBLIGATIONS
(nouvelles contraintes juridiques)
RESTRICTIONS
(nouvelles interdictions juridiques)
●       Avoir le visage découvert lorsqu’on donne ou reçoit un service public;●       Toutes municipalités, sociétés de transport, et communautés métropolitaines, ainsi que l’Assemblée nationale, doivent se conformer à cette loi. ●       Les voiles intégraux (niqab, burqa), cagoules, bandanas, ou tout autre vêtement recouvrant le visage seront interdits à bord des transports publics et dans les bibliothèques publiques;●       Interdiction de recevoir ou de donner des services à visage couvert dans un hôpital, à moins que ce soit nécessaire pour la sécurité ou le bon fonctionnement du service.

Modifiée depuis sa présentation initiale3, la loi précise maintenant que des « accommodements raisonnables » (ou situations d’exceptions), peuvent être envisagées sur demande si ces dernières respectent les conditions suivantes4:

  1. La demande doit être sérieuse.
  2. La demande doit respecter le droit à l’égalité entre hommes et femmes (du moins, la définition de l’État de ce concept).
  3. La demande doit respecter le principe de neutralité religieuse de l’État.
  4. L’accord de la demande ne poserait pas de « contraintes excessives » quant au respect des droits d’autrui, au fonctionnement du service public en question, aux coûts impliqués et/ou à la santé et la sécurité publiques.

Notons que certains partis d’opposition, dont la Coalition Avenir Québec (CAQ) et le Parti Québécois, ont lutté contre l’adoption de cette loi sous prétexte qu’elle ne va pas assez loin5. Ces deux partis soutiennent que les accommodements raisonnables devraient être complètement interdits6, et ce, même lorsque ces derniers sont demandés pour des raisons de nature religieuse. Si la loi a été contestée par les partis d’opposition et adoptée surtout en raison de la majorité Libérale, c’est principalement parce que certains partis la trouvent trop douce, et non parce qu’ils s’opposent à ses principes de base.

Il faut aussi préciser que la loi n’est pas encore en vigueur. Elle a beau avoir été adoptée par l’Assemblée, la nature du système politique canadien fait en sorte qu’une loi doit recevoir l’approbation finale du lieutenant-gouverneur (qui représente la monarchie britannique) avant de devenir officiellement loi. On dit attendre la décision finale du lieutenant-gouverneur sous peu7.

Contexte historique

Malgré qu’on en entende beaucoup parler récemment, le projet de loi 62 ne date pas d’hier. Il a été présenté initialement à l’Assemblée nationale en juin 2015 (il y a plus de deux ans) par Mme Stéphanie Vallée, Procureure Générale du Québec et ministre responsable de la Condition féminine8. Le projet de loi avait alors comme objectif énoncé de « favoriser la neutralité religieuse de l’État [québécois] ». Mme Vallée s’est prononcée en plus amples détails sur cet objectif au moment du dépôt du projet de loi9 :

«  Avec ce projet de loi, nous nous voulons rassembleurs, en consacrant une approche qui fait déjà consensus. Ainsi, nous souhaitons réaffirmer que les services offerts par l’État québécois ne doivent pas être influencés par les croyances religieuses de ses employés ni par celles des personnes à qui ces services sont rendus. De plus, nous proposons le recours à des balises claires et tirées des enseignements des tribunaux pour toute demande d’accommodement religieux dans les services publics.  »

Initialement, le projet de loi visait principalement à encadrer les demandes « d’accommodements raisonnables » de nature religieuse et imposait plusieurs restrictions et obligations à la population Québécoise, notamment10:

  • Les employé(e)s de services ou organismes publics devaient « faire preuve de neutralité religieuse » au travail;
  • Toute personne aurait l’obligation légale d’avoir le visage découvert lorsqu’elle donne ou reçoit un service public, sauf si ladite fonction professionnelle l’oblige à se couvrir le visage (par ex. un(e) médecin s’occupant d’un(e) patient(e) atteinte d’une condition contagieuse);
  • Un «accommodement raisonnable » pourrait être envisagé, mais seulement dans des circonstances très particulières.

On retrouve la majorité de ces propositions intactes dans la loi adoptée en date du 18 octobre. Les modifications majeures apportées par la ministre Vallée ont eu pour but principalement d’étendre la portée de la loi, qui s’appliquera maintenant autant aux municipalités et aux services de transport en commun qu’à l’Assemblée nationale, aux hôpitaux et à tout autre service public11. On a également pris la peine d’insister pour que la loi s’applique autant aux militant(e)s masqué(e)s12, par exemple, qu’aux symboles religieux. Hein!? Non seulement cette référence saugrenue aux manifestant(e)s masqué(e)s est-elle une tentative transparente de distancer le projet de loi de ses objectifs énoncés et de son contexte historique antimusulman suite aux critiques formulées à son endroit, elle est en outre parfaitement ridicule. Comment est-ce que cela est censé fonctionner? Les législateurs pensent-ils vraiment que les militant(e)s se rendent régulièrement au bureau de poste, à la clinique ou à la SAAQ masqué(e)s et accoutré(e) pour participer à une manif? On peut raisonnablement en doute. Ici, il est clair qu’on utilise la figure menaçante des militant(e)s masqué(s)s comme point rhétorique pour détourner la critique et faire croire que la loi n’est pas essentiellement sexiste et raciste.

En effet, il faut se rendre compte que la Loi 62 s’inscrit dans un contexte historique plus large – ce débat sur les « accommodements raisonnables »  et sur la neutralité religieuse fait rage depuis plus de dix ans au Québec. L’origine de ce prétendu « débat » – qui est en réalité une campagne prolongée d’incitation à la haine raciste – peut être retracée à la fin de l’an 2006, lorsque plusieurs demandes très différentes de personnes de confessions variées se sont vues amalgamées au sein d’un même récit public sur les demandes « non-raisonnables » formulées par des communautés racisées et de confession non chrétienne – des demandes, selon ce récit, trop souvent exaucées par une majorité québécoise par trop généreuse13. Plusieurs forces ont participé à la construction de ce discours problématique. L’empire médiatique Québécor, mené à l’époque par son président et directeur général Pierre-Karl Péladeau – le futur chef du Parti Québécois – s’est en quelque sorte spécialisé dans la recherche d’exemples courants de demandes d’accommodement pour les mettre en vedette à la une de ses journaux presque quotidiennement. Encouragé par cette mise en scène médiatique, Mario Dumont, le chef du parti Action démocratique du Québec, a déclaré que le Québec était une société européenne dont les valeurs sont inspirées de son patrimoine religieux. Il a ensuite accusé le Parti Libéral de se « prosterner » devant les communautés immigrantes et exigé que l’Assemblée nationale adopte mesures visant à renforcer et protéger « l’identité nationale » du Québec et ses précieuses valeurs « traditionnelles ».

Par la suite, le conseil municipal d’Hérouxville (une localité de moins de 1 500 habitants dans la région de la Mauricie) est intervenu de façon décisive en adoptant un ridicule « Code de conduite pour les immigrants », une règlementation raciste fondée sur des stéréotypes relatifs aux communautés religieuses et ethniques marginalisées, particulièrement les communautés musulmanes. Ce « code de conduite » suggérait notamment qu’il est nécessaire de préciser aux immigré(e)s de s’abstenir de pratiques misogynes telles que la mutilation génitale ou la lapidation des femmes. Entre autres, dans sa litanie de stipulations aussi absurdes que condescendantes, le code d’Hérouxville précise que « le seul temps où il est permis de se masquer ou se recouvrir le visage est durant l’Halloween; ceci s’agit d’une coutume religieuse traditionnelle ayant lieu en fin Octobre et célébrant le jour des saints. » Le code précisait aussi que : « le style de vie abandonné par [les immigrants] dans leur pays natal ne peut pas être transplanté avec eux ici. Ils vont devoir s’adapter à leur nouvelle identité sociale. »

Hérouxville à fait les manchettes autour du monde. Sous prétexte de critiquer un gouvernement libéral accusé d’être « mou » à l’égard des immigrant-e-s, les prophètes alarmistes avaient réussi à créer une ambiance de xénophobie raciste généralisée qui allait perdurer jusqu’à aujourd’hui. (Il est intéressant de noter que l’homme derrière la résolution d’Hérouxville, André Drouin, s’est plus tard impliqué dans un groupe d’extrême droite, RISE Canada, mené par Ron Banerjee, est s’est associé pour un temps au groupuscule néofasciste Fédération des Québécois de souche. Cette dernière, suite au décès de Drouin l’an dernier, en a fait l’eulogie en le qualifiant de « courageux combattant » dans son organe de propagande, Le Harfang14.)

Sous la gouverne de Jean Charest, les Libéraux ont tenté d’atténuer cette flambée de racisme en créant une commission itinérante, dirigée par les intellectuels Gérard Bouchard et Charles Taylor, dont l’objectif était de prendre connaissance des inquiétudes de la population et de formuler des recommandations pour gérer la « crise » des demandes d’accommodements raisonnables. La Commission Bouchard-Taylor est plutôt devenue une plateforme où les racistes de partout au Québec ont pu se plaindre des musulmans, des Juifs et des Sikhs (mais surtout des musulmans), tout en légitimant la fiction selon laquelle la population immigrante croissante constituait une sorte de crise à laquelle il fallait impérativement répondre.

Vers la fin de l’été 2007, le Parti québécois a déposé un projet de « Loi sur l’identité québécoise », lequel proposait de retirer le droit de vote dans certaines élections aux personnes qui échoueraient à un test de français et/ou refuseraient de porter allégeance à la nation québécoise. La députée libérale Christine Pelchat, qui présidait alors le Conseil du statut de la femme (un organisme gouvernemental) a demandé au gouvernement d’adopter une réglementation interdisant aux employé-e-s du secteur public des porter des « vêtements religieux », un appel endossé par les dirigeants de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)  et du Syndicat de la fonction publique du Québec (SFPQ), deux des plus importants syndicats de la province, dans leurs mémoires respectifs à la Commission Bouchard-Taylor, en décembre de la même année.

En effet, il est déplorable de constater qu’une très grande partie de la gauche institutionnelle au Québec n’a pas été capable, ou n’a pas voulu intervenir sérieusement contre la montée du racisme, alors que des segments importants, non seulement du mouvement syndical, mais aussi de Québec Solidaire et d’autres groupe qui se campent normalement « à gauche », se sont laissés entraîner dans le fantasme blanc d’une nation québécoise progressiste assiégée par des forces étrangères hostiles de droite, et ont conséquemment gardé le silence ou carrément appuyé les restrictions aux droits des minorités. C’est principalement à l’extérieur de la gauche institutionnelle, dans une coalition informelle constituée autour du collectif Personne n’est illégal sous la bannière du réseau « Rejetons l’intolérance au Québec », que l’opposition à cette vague raciste s’est organisée15. Bien qu’aucune nouvelle loi n’ait été adoptée suite à cette débâcle, le psychodrame des accommodements raisonnables de 2006-2007 a tout de même servi à mettre en place un certain cadre narratif où l’islamophobie, et en particulier l’obsession avec les choix vestimentaires des femmes musulmanes, est devenu une référence centrale. Même si l’attention médiatique s’est quelque peu atténuée, les mythes et peurs racistes au sujet des musulmans ont continué à progresser, tout juste sous la surface, dans la société québécoise. Surtout, il faut le dire, dans les régions où il y a le moins de résidents musulmans.

Faisons un saut en 2013, quelques mois seulement après que le parti Libéral ait perdu le pouvoir dans la foulée de la plus importante grève étudiante de l’histoire du Québec. L’année 2012 avait été marquée par une progression considérable de la gauche radicale, doublée d’un possible recul important du programme néolibéral au Québec, lorsque des centaines de milliers de personnes étaient descendues dans la rue et que des dizaines de milliers s’étaient battues avec la police sur une base régulière, en défiance de la loi et au risque d’être arrêtées, dans le cadre d’une grève générale contre la hausse des frais d’adhésion à l’université, laquelle était cadrée par une partie du leadership étudiant en termes de lutte des classes et d’anticapitalisme.

Après la défaite des Libéraux, le Parti québécois a pris le pouvoir sous la gouverne de Pauline Marois. Sans perdre de temps, la formation séparatiste a dépoussiéré les thèmes et préoccupations de la crise de 2006-2007 et les a ré-instrumentalisés sous la forme d’une « Charte des valeurs ». Celle-ci proposait d’interdire à tou-t-e-s les employé-e-s du secteur public de porter des « symboles religieux ostentatoires » au travail. Le turban, la kippa et, en particulier, le hijab, la burka et le niqab seraient désormais interdits.

Le « débat entourant la Charte » en 2013-2014 a redonné de l’élan aux forces racistes qui s’étaient défoulées en 2006-2007. Les sympathisant-e-s de la Charte ont organisé des manifestations de dizaines de milliers de personnes où s’illustraient une multitude de thèmes laïcards, féministes, islamophobes et anti-immigration. Bien que Québec Solidaire s’y soit opposé dans sa forme initiale, le parti a tout de même insisté pour indiquer qu’il était lui aussi en faveur d’une modification de la Charte. Des pans importants du mouvement féministe québécois (historiquement le plus fort au Canada) se sont ralliés au projet de Charte des valeurs, alors que des théories du complot se sont mises à circuler voulant que la Fédération des femmes du Québec (qui s’opposait à la Charte) soit financée par l’Arabie saoudite ou l’Iran pour faire avancer la cause « islamiste ». (Pendant ce temps, moins de deux ans après la grève de 2012, très peu d’attention était portée au fait que le PQ faisait à son tour passer une série de mesures d’austérité16)

Le PQ ayant perdu les élections aux mains des Libéraux en avril 2014, la Charte des valeurs est restée lettre morte, mais ce projet législatif avait déclenché une mécanique qui allait s’avérer difficile à arrêter. Les années suivantes ont vu une augmentation régulière de l’organisation islamophobe en ligne, avec la formation de groupes comme PEGIDA Québec, les Insoumis, La Meute et les Soldats d’Odin, dont la plupart donnent l’opposition à « l’Islam radical » comme seule raison d’être. La croissance de telles organisations « venant d’en bas », et la nature de leurs obsessions racistes, sont la conséquence inévitable des campagnes alarmistes et des manœuvres « venant d’en haut », qu’une part importante des médias de masse et de l’establishment politique s’est rendue responsable depuis de nombreuses années.

L’impact dépasse toutefois la croissance de groupes d’extrême droite. Chacune des mobilisations entourant ces lois racistes a inévitablement été accompagnée d’une recrudescence du harcèlement envers les femmes musulmanes voilées. Ces femmes subissent des insultes, des menaces et des attaques verbales et physiques. Elles se font cracher dessus, gifler et, dans de nombreux cas, on tente même d’arracher de force leurs voiles. Pour prendre un exemple récent particulièrement horrible, suite au passage de la Loi 62, un homme blanc de Trois-Rivières s’est senti encouragé à déclarer sur Internet qu’il venait de s’exposer et d’uriner dans la direction de deux femmes musulmanes, précisant qu’il était prêt à les battre ainsi que toute personne qui s’interposerait17. En même temps, des groupes militants ont commencé à recevoir des rapports d’incidents où des femmes musulmanes auraient été harcelées durant des voyages en transport en commun. En décembre 2014, un sondage informel mené auprès de femmes musulmanes au Québec a révélé que 300 répondantes sur 338 avaient subi des agressions verbales durant la période de « débat » entourant la Charte des valeurs. Des travailleuses en garderie musulmanes du quartier Saint-Henri de Montréal ont dit avoir reçu des menaces de mort et de viol lorsqu’une photo où elles portaient le niqab est devenue virale sur Facebook. Des boucheries halal et des mosquées ont été vandalisées. Le lendemain de la défaite du PQ aux élections en 2014, quelqu’un a lance une hache – sur laquelle on avait inscrit « Fuck les Libéraux » et « Nous exterminerons les Musulmans » – par la fenêtre du Centre communautaire islamique Assahaba de Montréal. Plus tard le même jour, quelqu’un en bicyclette a défoncé à coup de batte de baseball les fenêtres de trois voitures stationnées devant une autre mosquée de Montréal, alors que leurs propriétaires faisaient leurs prières du soir. Cette violence antimusulmane a atteint son apogée le 29 janvier 2017, lorsqu’un homme a massacré de sang froid six hommes musulmans et blessé grièvement 19 autres individus au Centre culturel Islamique de Sainte-Foy. Il est d’autant plus abject de constater que cet attentat a ensuite servi d’encouragement aux groupes d’extrême droite islamophobes comme La Meute qui, dès le mois de  mars, ont commencé à prendre la rue en plus grand nombre que jamais.

Bien qu’il soit possible que la Loi 62 soit invalidée par les tribunaux, comme l’aurait sans doute été la défunte Charte des valeurs, l’objectif réel de ces manœuvres est de faire passer un message sur qui a sa place au Québec et qui ne l’a pas, sur quelles cultures sont jugées légitimes et lesquelles sont jugées « étrangères ». Dans le contexte actuel, où beaucoup de Québécois et Québécoises se sentent menacé-e-s, non seulement par le néolibéralisme, mais aussi par les transformations démographiques qui se produisent, ces lois cherchent à mettre en place une certaine hiérarchie au Québec, à déterminer qui sera « maître chez-nous » et qui, au contraire, sera « maîtrisé-e ». L’objectif n’est pas nécessairement de constituer une société blanche homogène, ou une société où nous partageons toutes et tous une seule et unique religion, mais plutôt une société où toute personne qui n’est pas un Québécois blanc « de souche » doit, d’une manière ou d’une autre, craindre pour sa sécurité, se sentir à risque et sentir qu’elle est une cible potentielle. La conséquence de cet ordre social imposé (c’est du moins ce qu’espèrent les racistes et les misogynes) est que ces personnes devront vivre dans la soumission et rester « à leur place ».

L’opposition à la Loi 62 : un enjeu fondamentalement féministe, antiraciste et antifasciste

On constate que le texte de la Loi 62 reflète clairement la Charte des valeurs dans ses objectifs comme dans ses impositions – à la différence que cette loi vient d’être adoptée et a une portée beaucoup plus grande. Cette loi est problématique et inquiétante pour de nombreuses raisons. Entre autres, justement, elle ne respecte pas elle-même l’égalité entre hommes et femmes! Ayant comme cible principale la femme musulmane voilée, elle impose notamment des restrictions, des obligations et des contrôles qui s’appliqueront majoritairement et de façon disproportionnée à des femmes. De façon plus générale, il s’agit d’un exemple parmi tant d’autres d’un gouvernement (composé très majoritairement d’hommes blancs, en plus) qui impose à des femmes, majoritairement racisées, des règles et des restrictions par rapport à leur tenue personnelle. Encore une fois, ils ont beau dire que cette loi « s’applique à tout le monde », la réalité est que c’est une loi conçue principalement pour obliger juridiquement un respect de la « neutralité religieuse » de l’État. Il est donc clair que les cibles principales seront des personnes qui se recouvrent le visage pour des raisons religieuses. Peu importe le texte spécifique ou « l’élargissement de la portée » de la loi, en pratique, cette loi vise et désavantage, spécifiquement et explicitement, d’abord et avant tout, les femmes musulmanes voilées.

Cela mène au prochain point. Le concept libéral de la « neutralité de l’État » ne présuppose-t-il pas qu’on ne doit pas imposer nos croyances à autrui? Sans entrer dans tous les enjeux philosophiques et éthiques du principe comme tel, n’est-il pas évident que cette loi enfreint fondamentalement la logique de son propre principe? On peut en conclure que le gouvernement cesse de se préoccuper de son principe de « neutralité » lorsqu’il devient question d’imposer les croyances et les valeurs d’une société québécoise normalisée à des femmes musulmanes et/ou racisées. C’est hypocrite, et la manœuvre est transparente.

Vu dans une optique antifasciste, cette loi a des implications fort dangereuses, surtout étant donné le climat politique que l’on connaît, et encore plus depuis l’élection de Donald Trump à la Présidence américaine et la tuerie dans la mosquée de Sainte-Foy en janvier 2017. En effet, depuis le début de 2017, nous constatons une augmentation marquée et alarmante des mobilisations de plusieurs groupes d’extrême droite Québécois – notamment La Meute, Storm Alliance et les Soldats d’Odin – des groupes islamophobes, racistes et anti-immigration qui seront évidemment encouragés et validés par l’adoption de la Loi 62. L’adoption de cette loi s’inscrit dans un contexte de normalisation de la rhétorique et du discours de ces groupes, au Québec comme ailleurs, particulièrement suite à la campagne électorale et l’élection de Trump. Au Québec, cette normalisation et la montée de l’extrême droite en général se manifestent d’une façon particulière – et spécifiquement antimusulmane – étant donné l’omniprésence d’un discours politique islamophobe, raciste et sexiste, non seulement au sein des groupes d’extrême droite, mais également, et peut-être de façon plus inquiétante encore, dans nos espaces politiques institutionnels ainsi que dans les médias de masse. On voit clairement les conséquences concrètes de la prolifération de ce discours et de la normalisation d’une rhétorique de plus en plus extrême lorsqu’on constate la montée récente des crimes haineux commis envers les musulmans, lorsqu’on se souvient de la violence spectaculaire et meurtrière commise à la mosquée de Sainte-Foy en janvier, et lorsqu’on refuse de qualifier Alexandre Bissonnette de terroriste alors que s’il avait été musulman, on lui aurait imposé cette étiquette sans hésiter.

La dangerosité de cette loi va beaucoup plus loin que ses propres impositions; elle représente une acceptation et un renforcement systémique d’idées haineuses et d’une islamophobie dont les conséquences deviennent de plus en plus graves. En tant que féministes, antiracistes et antifascistes, nous devons nous positionner fermement contre cette loi et la dénoncer à tout prix. Nous devons également démontrer – pas juste en mots, mais en actions – notre solidarité envers les femmes musulmanes pour qui cette loi deviendra bientôt une réalité quotidienne.

Références


 

[i] http://www.ledevoir.com/politique/quebec/510664/adoption-du-projet-de-loi-62http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/projets-loi/projet-loi-62-41-1.html

[ii] Idem. ; http://www.lapresse.ca/actualites/politique/politique-quebecoise/201710/18/01-5140396-le-projet-de-loi-62-adopte-fini-le-voile-integral-dans-les-autobus.php

[iii] http://www.ledevoir.com/politique/quebec/510664/adoption-du-projet-de-loi-62

[iv] Idem.

[v] Idem. ; http://www.ledevoir.com/politique/quebec/510664/adoption-du-projet-de-loi-62

[vi] http://www.lapresse.ca/actualites/politique/politique-quebecoise/201710/18/01-5140396-le-projet-de-loi-62-adopte-fini-le-voile-integral-dans-les-autobus.php ; https://coalitionavenirquebec.org/fr/presse/neutralite-religieuse-la-caq-abrogera-la-loi-62-et-fera-adopter-une-veritable-charte-de-la-laicite/

[vii] http://www.lapresse.ca/actualites/politique/politique-quebecoise/201710/18/01-5140396-le-projet-de-loi-62-adopte-fini-le-voile-integral-dans-les-autobus.php

[viii] http://www.fil-information.gouv.qc.ca/Pages/Article.aspx?idArticle=2306104597

[ix] Idem.

[x] Idem.

[xi] http://www.ledevoir.com/politique/quebec/510664/adoption-du-projet-de-loi-62 ;      http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/projets-loi/projet-loi-62-41-1.html

[xii] http://www.tvanouvelles.ca/2017/10/18/le-projet-de-loi-sur-la-neutralite-religieuse-adopte

[xiii] http://bit.ly/2xVVDLe

[xiv] Le Harfang Vol. 5, #5, juin/juillet 2017. Il est utile de citer intégralement Rémi Tremblay de la FQS, qui décrit assez justement l’impact que Drouin a eu : « Le génie du Code de vie d’Hérouxville ne fut pas d’interdire certaines pratiques liées à l’islam, comme la lapidation, mais bien de faire réaliser à l’ensemble de la province le genre de pratiques qui pourraient fort bien arriver avec ces nouveaux venus provenant de pays où ces pratiques barbares sont us et coutumes. Le but de Drouin ne fut pas l’interdiction dans ce petit village perdu de ces actes barbares, mais bien de réveiller le Québec. Ses détracteurs les moins hostiles parlèrent d’un geste maladroit alors qu’au contraire, ce fut du génie politique. Un petit conseiller municipal sans pouvoir ou influence parvint à faire des pratiques musulmanes le sujet de l’actualité durant des mois. Il ne s’agit pas de maladresse, mais de grand art! »

[xv] http://www.dominionpaper.ca/articles/1589 ; http://solidarityacrossborders.blogspot.ca/2007/02/no-one-is-illegal-montreal-statement-on.html

[xvi] See Partisan #49, « Austérité, racisme, islamophobie : bâtissons notre opposition de classe ! ». http://www.pcr-rcp.ca/fr/3589  « Hausses régressives de divers tarifs (frais de scolarité universitaires, services de garde, électricité) jumelées au maintien des importantes baisses d’impôt consenties aux entreprises par les gouvernements précédents ; coupes systématiques à l’aide sociale, dans la santé et le système d’éducation ; promotion d’un modèle de développement tous bénéfices pour les grandes sociétés minières et pétrolières, au détriment des droits territoriaux des nations autochtones et de l’environnement : la liste est longue et il n’est pas besoin d’en ajouter plus. »

Storm Alliance à Lacolle : une manif pas raciste, mais…

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Oct 112017
 

De Montreal-Antifasciste

Un raciste qui sait qu’il est raciste est-il plus ou moins raciste qu’un raciste qui ignore qu’il est raciste? Lancinante question, puisqu’il semble qu’un trait presque universellement répandu chez les racistes soit de nier énergiquement leur racisme, une posture de déni symbolisée par la désormais classique formule « pas raciste, mais… ».

Les participant-e-s à la manif antifasciste à Lacolle, le 30 septembre dernier, ont été quelque peu stupéfait-e-s de la réaction enjouée des manifestant-e-s de Storm Alliance au slogan [♫ Tout le monde… déteste les racistes!  ♫]. En effet, les douzaines de mononcles et de matantes blanc-he-s comme neige venu-e-s des quatre coins du Québec pour protester, nous dit-on, contre « l’immigration illégale » et « les politiques du gouvernement Trudeau », se sont mis-e-s à leur tour à entonner ce même slogan avec le plus vif enthousiasme.

Les « Stormers » et consorts n’en sont certes pas à une contradiction près, mais il est tout de même étonnant de constater le déni dans lequel certain-e-s persistent… à moins bien sûr que ça soit une stratégie délibérée pour donner à leur mouvement identitaire un vernis de légitimité. Cette dernière hypothèse serait d’ailleurs soutenue par les messages suivants envoyés aux Stormers par les administratrices de ses pages Facebook après le 30 septembre dans un effort visant à « nettoyer » les manifestations les plus disgracieuses de haine et de racisme sur les médias sociaux.

Quoi qu’il en soit, il est temps de remettre certaines pendules à l’heure. C’est bien beau de répéter comme des simplets sous hypnose que « tout le monde déteste les racistes », mais s’il faut rappeler aux Stormers un peu innocent-e-s que leur manif pullulait de racistes impénitents et de sympathisants nazis, on va arranger ça tout de suite.

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Passons déjà sur la subtile référence du nom Storm Alliance (SA) à la formation paramilitaire du parti nazi, Sturmabteilung (aussi SA), et sur la vague ressemblance de leur logo avec celui de cette même formation. Dave Tregget, le chef du groupe, insiste sur le fait que toute ressemblance à cet effet ne saurait être que fortuite… Ach so, jawohl herr Leiter.

Passons aussi sur le fait que la manif de Storm Alliance devait avoir lieu précisément au poste-frontière de Lacolle, tout juste devant le camp de fortune érigé pour accueillir la récente vague de réfugié-e-s. (C’est d’ailleurs en occupant l’entrée principale du camp que les antifascistes et antiracistes ont pu empêcher Storm Alliance de passer et d’intimider les réfugié-e-s –symboliquement, car le campement était en fait désert. N’en déplaise aux Stormer, qui n’ont d’autre choix, pour sauver la face, que de se convaincre eux-mêmes contre toute évidence qu’ils ont gagné cette bataille.) Là encore, un peu bizarrement, Dave Tregget a assuré aux médias que sa manif « n’avait rien à voir avec l’immigration ». Il est tout de même permis de se demander pourquoi ils ont choisi ce lieu précis, mais bon…

Il est plus difficile cependant d’ignorer le fait que les autres manifestations organisées au Canada le 30 septembre, À L’APPEL DE STORM ALLIANCE, avaient un caractère explicitement anti-immigration et étaient organisées et peuplées par une panoplie d’individus et regroupements d’extrême droite (dont la Northern Guard, CCCC, les Proud Boys, le III%, etc.), dont le führer de pacotille du Canadian Nationalist Front, le néonazi Kevin Goudreau, à Peterborough. Lire à ce sujet les bilans et reportages du Groupe de recherche sur l’extrême droite et ses allié-e-s et d’Anti-Racist Canada, ici et ici.

Mais, trêve de considérations préalables, entrons donc dans le vif du sujet et nommons certain-e-s des (pas) racistes notoires identifié-e-s parmi la foule de Sturmers

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… en commençant par le low-key néonazi, Shawn Beauvais MacDonald qui, dirait-on, est de tous les rassemblements nationalistes identitaires. Il est désormais de notoriété publique que cet ancien administrateur de la page Facebook de La Meute a participé aux mobilisations suprémacistes à Charlottesville, en Virginie, en août dernier. Il a peu après été repéré à la manif de La Meute à Québec, le 20 août, malgré l’assurance des chefs de l’organisation qu’il en avait été suspendu. Mais voilà t’y pas que Beauvais-MacDonald retontit de nouveau à Lacolle, coiffé du classique casque de baseball rouge auquel il nous a habitué-e-s le 4 mars, le 23 avril, le 1er juillet, et encore à Charlottesville!

Shawn Beauvais-MacDonald dans la manifestation de La Meute, le 4 mars 2017, Montréal

Shawn Beauvais-MacDonald dans la manifestation du Front patriotique du Québec, le 23 avril 2017, Montréal

Shawn Beauvais-MacDonald trollant la manifestation anticolonialiste de la CLAC, le 1er juillet 2017, Montréal

Shawn Beauvais-MacDonald, le 1er juillet 2017, Montréal

Shawn Beauvais-MacDonald dans une manifestation suprémaciste, le 12 août 2017, Charlottesville, Virginie

Depuis son passage remarqué en Virginie, et malgré sa soudaine notoriété, Beauvais-MacDonald ne s’est pas du tout gardé de petite gêne, et en a plutôt rajouté une couche en partageant dans les jours suivants les « 14 words », une phrase-code inspirée à son auteur par Mein Kampf et universellement reconnue comme un slogan suprémaciste blanc.

En entrevue à The Gazette, Beauvais-MacDonald affirmait « qu’il n’y a rien d’intrinsèquement mauvais [avec le slogan] » et qu’en partageant les 14 words, il souhaitait « exposer le sentiment anti-blanc qui a été programmé dans ses parents et amis ». À Lacolle, il a expliqué au reporter de Vice s’être déplacé « contre les antifas qui en ont contre les Blancs ».

Plus récemment, il a assumé publiquement son attachement à la « plateforme fasciste » (sic) en reprenant sur Facebook la doctrine du fasciste anglais Oswald Mosley.

Shawn Beauvais-MacDonald, le 30 septembre 2017, Lacolle

La réputation grandissante de néonazi de Shawn Beauvais-MacDonald n’a manifestement pas suffi à convaincre Tregget, Éric Trudel et les autres petits chefs de Storm Alliance de l’exclure de leur rassemblement…

Le lendemain du face-à-face à Lacolle, Beauvais-MacDonald publiait sur Facebook un message ne laissant aucune place à l’interprétation, avec en vedette le mot-clic #makefascismgreatagain. Notons les « likes » de Robert Proulx (voir ci-dessous), John Hex (membre du service de sécurité des SA le 30 septembre), Rachel Child (qui agissait à titre de médic, photographiée ici en compagnie d’Éric « Corvus » Venne), et d’autres individus  abordés dans cet article :

[♫ Tout le monde… déteste les racistes!  ♫]

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À Lacolle, Beauvais-MacDonald était à nouveau flanqué de son compagnon de voyage à Charlottesville, Vincent Mercure Bélanger, lequel portait d’ailleurs le même chandail niaiseusement ironique (propreté -> pureté, la pognez-vous?) que lors de son passage remarqué en Virginie.

Vincent Mercure Bélanger, 11 août 2017, Charlottesville, Virginie

Vincent Mercure Bélanger dans un rassemblement suprémaciste blanc, le 11 août 2017, Charlottesville, Virginie

 

Vincent Mercure Bélanger à la manif de Storm Alliance, 30 septembre 2017, Lacolle

Vincent Mercure Bélanger à la manif de Storm Alliance, 30 septembre 2017, Lacolle

 

Vincent Mercure Bélanger à la manif de Storm Alliance, 30 septembre 2017, Lacolle

[♫ Tout le monde… déteste les racistes!  ♫]

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Un  autre admirateur désinvolte d’Hitler (mais qu’il ne faudrait surtout pas confondre pour un raciste) était de la partie à Lacolle : le bien nommé René Blaireau. Lui qui ne cache pourtant pas son mépris des musulmans assume encore plus vigoureusement son antisémitisme primaire :

René Blaireau à la manif de Storm Alliance, 30 septembre 2017, Lacolle

René Blaireau à la manif de Storm Alliance, 30 septembre 2017, Lacolle

 

René Blaireau à la manif de Storm Alliance, 30 septembre 2017, Lacolle

[♫ Tout le monde… déteste les racistes!  ♫]

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Ce qui nous emmène à un de nos protagonistes préférés de toute cette bande de (pas) racistes : l’inénarrable Robert Proulx. Ce « chef de sécurité » autoproclamé des manifs de La Meute, du Front patriotique du Québec et maintenant, de Storm Alliance (on nous souffle à l’oreille que La Meute l’aurait cavalièrement crissé dehors dans la foulée du récent putsch), répète à chaque occasion qu’il ne peut pas être raciste, puisqu’il est « amérindien » (sic). Proulx insiste  à faire valoir son identité « iroquoise » (sic) et son statut de « warrior », et a utilisé très ostentatoirement le drapeau de l’Unité dans de nombreuses manifestations à caractère identitaire en 2017. Pourtant, il a lui-même avoué à Radio-Canada son ignorance de la signification réelle du drapeau de l’Unité (qu’il appelle « le drapeau avec le soleil ») et s’est judicieusement engagé à ne plus le porter dans les manifs. Il semble par ailleurs avoir une compréhension tout aussi approximative du drapeau de la confédération iroquoise, si l’on se fie au post suivant :

Quelque soit l’identité dont il se réclame, il est clair que Proulx est un complice actif du racisme. Prenons pour preuve sa proximité avec pratiquement tous les personnages (pas) racistes décrits dans cet article, dont le groupie d’Hitler mentionné ci-dessus, René Blaireau.

Sans mentionner sa participation enthousiaste à titre de fier-à-bras aux événements organisés par des groupes identitaires anti-immigration[1], les nombreux commentaires islamophobes ou carrément fachos qu’il « like » à tour de bras (voir par exemple les « 14 words » et le #makefascismgreatagain de Shawn Beauvais-MacDonald, ci-dessus) et son partage du mot-clic xénophobe #remigration mis de l’avant par les militant-e-s du groupuscule néofasciste Atalante.

Dans son entrevue avec Stu Pitt, Proulx dit ne « pas savoir pourquoi » il est « pris pour cible » par les antifas. Il dit « protéger » les « manifs contre le racisme », mais pas les « néonazis ou quelque chose comme ça », parce que c’est « pas dans [son] bag ».

Robert, STP, lis cet article attentivement. Ça va peut-être t’aider à commencer à comprendre…

Robert Proulx dans la manif de La Meute, 4 mars 2017, Montréal

Robert Proulx faisant la « sécurité » dans la manif du Front patriotique du Québec, 23 avril 2017, Montréal

Robert Proulx faisant la « sécurité » dans la manif du Front patriotique du Québec, 23 avril 2017, Montréal

Robert Proulx faisant la « sécurité » dans la manif de Storm Alliance, 30 septembre 2017, Lacolle

Robert Proulx faisant la « sécurité » dans la manif de Storm Alliance, 30 septembre 2017, Lacolle

[♫ Tout le monde… déteste les racistes!  ♫]

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Pour revenir au thème d’Hitler et des nazis, une autre participante à la manif de SA à Lacolle est la désopilante Chantal Duchesneau, qui se demandait récemment sur sa page Facebook, « à la blague », bien entendu, « combien d’illégaux (sic) pourrais (sic) être héberger (sic) » dans une chambre à gaz du camp de concentration nazi de Dachau. Doit-on vraiment insister sur le caractère  parfaitement horrible et grotesque de ce commentaire?

Chantal Duchesneau dans la manif de Storm Alliance,  le 30 septembre, Lacolle

[♫ Tout le monde… déteste les racistes!  ♫]

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Et pour boucler ce tour d’horizon des (pas) racistes qui étaient à Lacolle avec les SA, décernons une mention spéciale à l’animatrice de la page Anti-Antifa Québec, la pétillante  Stéphanie Godbout/Langevin/X et à son chum Vincent Gariépy/Bergeron/X, un autre abonné des services d’ordre des manifs identitaires, dont celle de La Meute à Québec le 20 août dernier. Ce couple de (pas) racistes est proche des Soldats d’Odin, une organisation anti-immigration fondée par un néonazi en Finlande et dont la section locale, sous la direction de Katy Latulippe, est restée fidèle au credo suprémaciste de ses origines.

Stéphanie Godbout/Langevin/X dans les meilleurs termes avec Sébastien Poirier, le dude de Pegida Québec (organisation islamophobe) et du nouvellement créé Mouvement traditionaliste du Québec. Elle avoue être derrière la page Anti-Antifa Québec.

Stéphanie Godbout/Langevin/X et Vincent Gariépy/Bergeron/X lors d’un rassemblement des Soldats d’Odin et des Insoumis, mai 2017, Estrie. À l’arrière, au centre, le bonehead David Leblanc (voir ci-dessous). Au centre, de dos avec le t-shirt anti-antifa, le bonehead Philippe Gendron (plus sur Gendron ici).

Stéphanie Godbout/Langevin/X et Vincent Gariépy/Bergeron/X lors d’un rassemblement des Soldats d’Odin et des Insoumis, mai 2017, Estrie. Au centre, agenouillée, Katy Latulippe.

Vincent Gariépy/Bergeron/X participant au service de sécurité du Front patriotique du Québec, le 28 mai 2017, Montréal

Vincent Gariépy/Bergeron/X à Lacolle, le 30 septembre 2017

Stéphanie Godbout/Langevin/X et Vincent Gariépy/Bergeron/X à Lacolle, le 30 septembre 2017

À titre d’exemple récent de son (pas) racisme[2], Stéphanie Godbout/ Anti-Antifa Québec a chaudement applaudit la marche au flambeau néonazie à Charlottesville en partageant la publication de Jason Kessler, le principal organisateur du rassemblement suprémaciste Unite the Right.

[♫ Tout le monde… déteste les racistes!  ♫]

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BONUS!

Little known fact, au matin du 30 septembre, un valeureux Soldat d’Odin a tenté de paralyser les autobus nolisés par Solidarité sans frontières pour transporter les manifestant-e-s antiracistes à Lacolle. Des œufs remplis de gouache aux couleurs vives ont été projetés sur le pare-brise du premier autobus du convoi. Malheureusement pour lui, des camarades qui étaient déjà sur les lieux pour assurer la sécurité du convoi l’ont pris en chasse et vite rattrapé. Heureusement pour lui, la police était aussi sur les lieux et a procédé à son arrestation sur le champ. (Pour la petite histoire, la gouache étant notoirement soluble dans l’eau, il n’a fallu aux camarades qu’une dizaine de minutes pour nettoyer le dégât. Le fameux attentat néonazi à la gouache dont les Soldats d’Odin se félicitent sans honte n’aura finalement ni empêché, ni même ralenti le déplacement des antiracistes… Fail.)

Ce garnement à la gouache Dollorama n’était nul autre que David Leblanc, un skinhead raciste, membre des Soldats d’Odin, que les habitué-e-s de ce site ont déjà aperçu, notamment en compagnie du (pas) raciste Robert Proulx.

Le « Soldat d’Odin » David Leblanc et deux tinamis adeptes de Black Metal National-Socialiste (NSBM) exécutent un salut nazi avant une excursion à Montréal visant à purger la rue Jean-Talon d’affiches communistes.

 

Ce dernier, à Lacolle, s’est énergiquement plaint aux médias que son commerce avait été vandalisé par des antifascistes (sans preuve, d’ailleurs), mais l’ironie du sort a voulu que son acolyte Leblanc se livre exactement au même exercice au même moment. Malheureusement pour eux, nous avons la preuve que le geste de Leblanc a été prémédité et préparé avec l’assentiment de plusieurs Soldats d’Odin, dont les chefs Norm SOO et Katy Latulippe.

///

Bref, quoi qu’en pensent les Stormers qui chantaient [♫ Tout le monde… déteste les racistes!  ♫], on peut  avec certitude  que les racistes, ce jour-là, étaient de leur bord de la haie de policiers…

–  Montréal Antifasciste

 

 

 


[1]

À cet égard, l’ancien boxeur « professionnel » Proulx ne se prend clairement pas pour du 7-Up flat. Dans une entrevue toute récente avec le vlogueur alt-right Stu Pitt, il suggère que ça n’est que depuis qu’il « sécurise » lui-même les manifs que les gens y viennent parce qu’ils n’ont plus peur. Il évoque aussi un incident qui se serait produit le 4 mars 2017 comme élément déclencheur l’ayant incité à devenir spontanément grand chef de la sécurité des manifs identitaires. Or, son évocation de l’incident est un tissus d’exagérations. À écouter Proulx s’épivarder en étirant systématiquement les contours de la vérité, on se demande d’ailleurs s’il ne serait pas un peu mythomane sur les bords…
https://www.youtube.com/watch?v=ODnrH4ZTYnI

[2]

Sa page a été fermée par Facebook il y a quelque temps, emportant avec elle d’innombrables commentaires xénophobes, islamophobes et racistes, en plus de toute la haine viscérale des antifascites que le nom de la page commande.

Panorama des luttes passées et à venir en Gaspésie

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Sep 232017
 

De IWW-Montreal

1909- Partout en Gaspésie, la pêche est menée par des compagnies étrangères de l’île de Jersey, avec en tête la Charles Robin, Collas and Co. Charles Robin est de loin, le pire des employeurs ; il met en effet sur pied le «système Robin» : celui-ci assure une loyauté obligée du pêcheur envers le commerçant. Pour ce faire , s’il veut acquitter sa dette accumulée durant l’hiver dans le magasin général tenu par le même commerçant, le pêcheur ne peut voir qu’une solution : accroître la quantité de morues pêchées la saison suivante. Cependant, comme c’est Robin qui décide le prix des produits et des prises, le remboursement est, à chaque saison, loin d’être complet.

Septembre 1909, les pêcheurs apprennent que les marchands fixent le prix du quintal de morue à 3,50$ alors qu’ils s’attendaient à 5 piastres. La situation est claire : on doit agir collectivement dans l’intérêt de tous et toutes. C’est donc avec la peur au ventre, mais le poing levé, que les pêcheurs entament leurs revendications le quatrième jour de septembre. Partant de petits villages près de Rivière-au-Renard, la population entame une marche qui la mène jusqu’au lieu où se trouve les commerçants ,avec la ferme intention de mettre fin à plus d’un siècle d’exploitation.

La suite de l’histoire est prévisible, les marchands font appel aux forces armées pour assurer leur sécurité, la répression est mise en place, il y aura mort, blessés, emprisonnement chez les pêcheurs et les revendications seront refusées. Cependant, quelques années plus tard, les pêcheurs s’organiseront en coopératives pour battre le monopole en place et se libéreront ainsi de l’emprise directe des commerçants. La révolte des pêcheurs fut le premier pas vers leur émancipation face à des employeurs sans scrupules. À travers ce mouvement collectif, les pêcheurs n’apprirent non pas qu’à revendiquer de meilleurs conditions de la part de leurs patrons, mais surtout, ils comprirent qu’ils devaient s’organiser de manière à pouvoir se passer d’eux.

1957- Plus connue et récemment soulignée dû à son 60ème anniversaire : la grève des mineurs de Murdochville en Gaspésie . La principale cause de cette grève fut le refus patronal de l’affiliation des ouvriers et ourières à un syndicat plus combatif versus le syndicat de boutique et catholique auquel il-les était affilié-es. Cette grève fut aussi fortement réprimée et aucun gain direct ne fut obtenu par les grévistes. Deux d’entre eux moururent durant le conflit, environ 500 furent congédiés pour être remplacés par les scabs. Cependant, on reconnaît aujourd’hui que ce soulèvement, en plein règne Duplessiste, fut le déclenchement de nombreux autres mouvements sociaux. Il força la mise en place de quelques réformes allant vers l’amélioration partielle des conditions de travail et surtout, vers le droit pour les travailleurs et travailleuses de choisir le syndicat de leur choix au lieu d’un système de représentation des ouvriers et ouvrières. Ce système de représentation, souvent mis en place par le patronat, favorisait en effet une paix permanente entre les deux parties. Malgré cette victoire, cette culture syndicale héritée des syndicats catholique perdure toujours.

Ainsi, derrière une image de destination vacances, la Gaspésie, à travers son histoire depuis la colonisation, est le théâtre d’importantes batailles entre forces productives vs les détenteurs de capitaux et leurs moyens de productions. Bien entendu, ce rapport de domination des seconds sur les premiers est toujours d’actualité.

Parlant de destination vacances, le travail saisonnier lié à l’industrie du tourisme est ici un secteur économique de premier ordre. Les petits commerçants, dans le domaine de la restauration par exemple, doivent profiter de de la manne estivale pour accumuler le capital nécessaire pour maintenir à flots leur entreprise et leur rythme de consommation à l’année, tandis que l’employé-e espère accumuler suffisamment d’heures pour pouvoir collecter son chômage en vue de sa mise à pied une fois la saison terminée ou, s’il ou elle est étudiant-e, pour tenter d’accumuler le nécessaire pour survivre à une année scolaire. Donc, les employé-es saisonnier-ères doivent produire de manière intensive durant la saison estivale et ce, malgré la faiblesse du salaire reçu. Le petit commerçant dira alors devoir offrir des petits salaires durant l’été pour engranger des économies suffisantes et des petits salaires le reste l’année, pour tenir jusqu’à la saison suivante.

Voilà ce qui m’amène à parler d’une première difficulté dans le domaine de l’organisation et de la revendication. C’est qu’il semble difficile, dans ce contexte, de revendiquer de meilleures conditions de travail sans se faire reprocher de s’en prendre «aux petits commerces qui font vivre l’économie locale». Le prétexte de la «précarité économique» des petits commerces gaspésiens semble justifier, aux yeux de plusieurs, la précarité des travailleurs, travailleuses et étudiant-es gaspésien-nes. Ainsi, les personnes travaillant d’arrache-pied dans les cuisines, les salles à manger, les cafés, les boutiques diverses pour que les touristes se sentent reçu-es comme roi et reine, jouent éternellement le rôle de support économique jetable et bon marché au service des patrons et des touristes.

Une autre difficulté d’ici dans le même domaine semble provenir du fait que dans ce milieu où tout le monde se connaît, les situations conflictuelles semblent devoir être évitées à tout prix, de peur qu’elles n’affectent les relations sociales hors travail et que les noms des personnes concernées ne deviennent synonymes de «trouble maker» et ainsi entraîner pour elles une certaine exclusion du marché du travail, problème moins présent dans l’anonymat des grands centres urbains.

Une troisième difficulté est le caractère de courte durée de la saison durant laquelle ce type d’emplois abondent. Un changement de culture est long à effectuer et demande une implication constante de nombreuses personnes. Bon nombre de ces travailleurs et travailleuses n’étant que de passage, ils et elles laissent derrière eux et elles les même conditions de travail qu’à leur arrivée, se disant que de toute façon ce n’est que temporaire. La saison hivernale serait donc le bon moment pour s’organiser avec celles et ceux qui héritent de cette situation de précarité à l’année.

Outre cela, on nous chante ici souvent la promesse de jours meilleur grâce à l’arrivée de la grande industrie : pâte et papier (la Gaspésia), ciment (ciment McInnis à Port-Daniel), pétrole (Pétrolia), industrie de l’éolienne (LM windpower)etc. Ces géants industriels, en collaboration avec l’État qui les finance, se présentent comme les sauveurs de la région. «Ils apporteraient emplois et prospérité», alors qu’à de nombreuses reprises, ce type de modèle économique n’engendre que chômage et dévitalisation. En effet, sauf dans le cas de LmWindpower qui engage plusieurs centaines de travailleurs et de travailleuses, ces industries préconisent l’achat d’équipement automatisé et n’apporte ainsi que quelques emplois qui disparaîtront aussitôt que l’entreprise subira les soubresauts d’une quelconque crise économique à Wall Street ou d’une décisions administrative prise très loin d’ici. Ainsi, elles laisseront derrière des personnes sans revenu et des ruines polluantes. Bref, il me semble qu’une organisation du travail fait par et pour les travailleurs et travailleuses dans l’optique d’une amélioration de la qualité de vie de tous et toutes serait sans doute supérieure à une distribution du travail par des dirigeants d’entreprises et d’état, décidant de produire tout et n’importe quoi, pourvu qu’il y ait un profit à en tirer pour les uns et pour les autres que leurs promesses électorales de création d’emplois semblent être tenues, au risque d’ajouter d’autres cicatrices sociales et environnementales dans la région.

Pour conclure, tout au long de leur histoire, les gens d’ici ont supporté d’intolérables traitements de la part d’élites économiques et politiques, autant sur la mer qu’au fond de la mine en passant par l’usine. Par contre, l’histoire populaire nous montre aussi que quand il est temps de se serrer les coudes entre camarades pour améliorer nos conditions, la passion, l’organisation et l’action sont au rendez-vous. Un long travail reste à faire pour déconstruire les préjugés qui divisent la population ouvrière, surtout ceux visant les personnes sans emplois, ou entre travailleurs et travailleuses permanent-es et saisonniers (chômeurs et chômeuseuses saisonnier-es). Aussi, avec un nouveau «chapitre» du groupe d’extrême droite La Meute en Gaspésie, la question du racisme et du fascisme devient prioritaire, sans oublier les luttes contre le sexisme, l’homophobie, luttes autochtone etc. Le SITT-IWW compte ici très peu de membres actuellement, mais son développement dans la région me semble fort pertinent et même urgent. Sur ce, s’il y a des personnes intéressées à venir «salter» dans le coin, gênez-vous pas!

Fiche de renseignements sur Storm Alliance

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Sep 182017
 

De Montreal-Antifasciste

Qu’est-ce que Storm Alliance ?

 Storm Alliance (SA) est une organisation anti-immigration active au Québec depuis 2016, née d’une rupture avec Soldiers of Odin (SOO), une organisation plus ouvertement raciste. Le leader du groupe au Québec est Dave Tregget, anciennement chef de Soldiers of Odin, qui ne cache pas que son objectif est d’unir l’extrême droite et d’en adoucir l’image[1].

Combien de membres compte Storm Alliance et que font-ils?

 Le groupe affirme avoir 3 000 membres au Canada, mais ce chiffre ne représente en fait que les personnes qui ont adhéré à leur groupe Facebook. Dans les faits, ils ont encore de la difficulté à mobiliser plus de quelques dizaines de membres à leurs événements. Le plus important a eu lieu le 1er juillet 2017 au chemin Roxham, à Hemmingford, où ils se sont rassemblés pour intimider les migrant-e-s qui traversent la frontière. Même avec les renforts du groupe islamophobe La Meute, ils n’ont pu réunir qu’entre 60 et 70 personnes.

Les membres de SA ont aussi essayé de se joindre à une manifestation contre les réfugié-e-s organisée par des suprématistes blancs au Stade olympique de Montréal, le 6 août dernier. Quand il est devenu clair que les contre-manifestant-e-s allaient être en nombre supérieur, les organisateurs ont annulé leur manif et les membres de SA ne se sont pas présentés[2].

Ils ont aussi essayé de rejoindre à la manifestation de La Meute à Québec le 20 août dernier, mais à leur arrivée, ils ont été repoussés par La Meute en raison de frictions internes entre les deux groupes. La veille (19 août), SA avait participé à une plus petite manif à Québec, en compagnie de racistes notoires, dont La Meute s’était publiquement distancée.

Le 30 septembre prochain, SA organise une autre manifestation à la frontière, cette fois à St-Bernard-de-Lacolle. Ça sera un test important pour le groupe, car La Meute a indiqué qu’elle ne fera pas partie officiellement de l’événement (contrairement au 1er juillet).

Storm Alliance est-elle vraiment raciste ou fasciste?

 SA insiste pour dire qu’elle n’est pas raciste, ni même opposée à l’immigration, mais uniquement contre « l’immigration illégale ». Cette posture concorde avec la stratégie de Tregget visant à adoucir l’image de l’extrême droite.

Il est important de noter que selon le Barreau du Québec, il n’y a pas d’immigration « illégale » : d’un point de vue juridique, cette catégorie n’existe tout simplement pas[3]. Les dispositions de l’Entente sur les tiers pays sûrs entre le Canada et les États-Unis forcent les personnes qui veulent demander un statut de réfugié au Canada à traverser de manière irrégulière à des endroits comme le chemin Roxham. L’étiquette fallacieuse « illégaux » est une manipulation du langage visant à projeter l’impression que les réfugié-e-s font quelque chose de mal ou qu’ils et elles sont des criminel-le-s.

SA propage cette confusion en pleine connaissance de cause, en accusant les réfugié-e-s ayant traversé la frontière cet été de « passer avant leur tour » et en se plaignant du nombre d’hommes qui passent la frontière, ce qui alimente la phobie raciste envers les hommes de couleur. Dave Tregget lui-même, en parlant des récent-e-s réfugié-e-s haïtien-ne-s, a dit : « je ne dirai pas que c’est une invasion, mais je ne dirai pas le contraire[4] ».

SA attire toutes sortes de personnes, dont des gens sincèrement inquiétés par les messages que propagent les médias au sujet de l’immigration, mais aussi des suprématistes blancs et des néonazis. L’un de leurs membres, Jean-François Dionne, a participé à la manifestation du 20 août à Québec en portant un drapeau nazi. Tandis que La Meute s’est dépêchée de se dissocier de cet individu, SA a refusé de l’exclure en prétextant que toute l’affaire n’était qu’une erreur de bonne foi[5]. Et ce n’est pas un incident isolé! SA se fait un point d’honneur d’accueillir quiconque adhère à des politiques anti-immigration. Récemment, le nouveau groupe anti-immigration Northern Guard a annoncé que ses membres se joindraient à SA le 30 septembre prochain[6], et c’est le groupe néonazi « ethniquement conscient » Canadian National Front qui a pris en charge l’organisation du rassemblement de Peterborough, en Ontario, dans le cadre de la journée d’actions anti-immigration appelée par SA[7].

Cela dit, SA n’est pas une organisation fasciste à proprement parler. Ils n’ont pas pour but de renverser le gouvernement ou d’instaurer une dictature. C’est plutôt une organisation populiste et nationaliste s’appuyant sur des politiques racistes opposées à l’immigration et au multiculturalisme et qui tolère la participation de membres suprémacistes blancs et néonazis.

Pourquoi est-il important de s’opposer à Storm Alliance?

 L’époque actuelle est catastrophique à plusieurs égards. Les guerres, les famines et les cataclysmes naturels mettent en danger la vie de centaines de millions de personnes. Les pays riches comme le Canada sont en partie à blâmer pour cette accablante situation. Les gouvernements du Canada et du Québec, par exemple, ont soutenu le coup d’État contre le président démocratiquement élu d’Haïti, Jean-Bertrand Aristide, en 2004. C’est l’interventionnisme occidental dans le monde musulman qui a créé les conditions où des groupes comme Daesh (l’État islamique) ont pu prospérer et gagner du terrain. Ce sont nos émissions de carbone qui causent la famine en Afrique subsaharienne et les inondations dévastatrices en Asie du Sud.

En conséquence, le taux de migration est actuellement à son plus haut point et les migrations forcées ne feront qu’augmenter dans le futur. Actuellement, le Canada ne fait que le strict minimum pour aider les gens qui sont en quête de sécurité pour eux-mêmes et pour leurs êtres chers. En fait, il aggrave la situation en maintenant ses frontières fermées et en participant à des structures politiques comme le G7, tout en poursuivant l’exploitation brutale de la main-d’œuvre et des ressources de nombreux pays d’Asie, d’Afrique et du reste des Amériques.

Sans opposition, des groupes comme Storm Alliance ont beau jeu de se présenter comme des « citoyens inquiets » adoptant une position « légitime », tandis que leur programme raciste et leurs liens avec l’extrême droite passent inaperçus. Ils jouent un rôle important en semant la confusion et en essayant de transformer une crise humanitaire en combat réactionnaire contre des personnes soi-disant « indignes » et « illégales ». Ils renforcent le raisonnement qu’emploie le gouvernement canadien pour continuer à déporter des gens dans des conditions dangereuses et entretenir une situation où des dizaines de milliers de personnes doivent vivre sans services de base, sans droits et sans sécurité durant leur séjour au Canada. Et lorsque le gouvernement, au nom des riches et des sociétés multinationales, sabre dans les programmes sociaux venant en aide aux plus démuni-e-s et à la classe ouvrière canadienne, des groupes comme Storm Alliance protègent de facto les vrais coupables dans la mesure où ils désignent nos amis et voisins d’autres pays comme boucs émissaires.

Nous devons tous et toutes prendre position contre le programme anti-immigration. Nous devons montrer que nous n’avons pas peur des racistes et exprimer avec force notre colère contre des groupes comme Storm Alliance, dont la rhétorique ne fait qu’alimenter la violence contre les réfugié-e-s. Il est important de manifester pour que les réfugié-e-s ne se sentent pas seul-e-s lorsqu’ils et elles sont confronté-e-s à l’extrême droite.

Joignez-vous à nous le 30 septembre, à Saint-Bernard-de-Lacolle, pour manifester votre opposition à Storm Alliance, à Northern Guard et aux autres racistes et xénophobes qui se mobiliseront pour intimider les réfugié-e-s. Des autobus partiront de Montréal. Pour RESERVER une place, envoyez un courriel à solidaritesansfrontieres@gmail.com (écrivez « Autobus à la frontière » dans la ligne d’objet).

 

[1]              http://www.cbc.ca/news/canada/montreal/quebec-far-right-soldiers-of-odin-1.3896175

[2]              https://montreal-antifasciste.info/fr/2017/08/07/6-aout-2017-plantage-epique-des-racistes-a-montreal/

[3]              http://www.barreau.qc.ca/fr/actualites-medias/lettres-medias/2017/0825

[4]              https://montreal-antifasciste.info/fr/2017/08/07/6-aout-2017-plantage-epique-des-racistes-a-montreal/

[5]              https://montreal-antifasciste.info/fr/2017/09/13/le-torchon-brule-entre-la-meute-et-storm-alliance/

[6]              https://www.vice.com/fr_ca/article/wjjmjw/un-nouveau-groupe-ultranationaliste-montrera-ses-couleurs-le-30-septembre

[7]              http://globalnews.ca/news/3729276/group-plans-anti-trudeauillegal-immigration-rally-in-peterborough/