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Entre catéchisme révolutionnaire et masturbation idéologique

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Nov 232024
 

De La Mauvaise Herbe

Quelques pistes pour réfléchir à notre rapport aux idées ridicules de Première Ligne d’un point de vue anarchique

Je sais que plusieurs vont simplement décider d’ignorer d’un roulement des yeux le texte publié récemment par la revue « communiste anarchiste révolutionnaire » Première Ligne Entre obscurantisme et naïveté libérale, quelques pistes pour réfléchir notre rapport à la technique au XXIe siècle d’un point de vue révolutionnaire (signé Ana*) et ce ne sera pas par manque de quoi répondre. Déjà qu’après la tentative quand même pathétique du groupe éditorial de se distancer et se déresponsabiliser du matériel qu’il a lui-même commandé, supervisé, édité et publié, on ne nous blâmera pas de ne pas vraiment avoir envie de discuter avec un groupe qui a pratiquement affirmé qu’il ne fait que troller le milieu (voir Réponse à la « Réponse à Première Ligne », mtlcontreinfo.org/reponse-a-la-reponse-a-premiere-ligne/). Mais c’est aussi qu’à la longue on se tanne d’affronter les mêmes calomnies recyclées, venant souvent de personnes avec les mêmes patterns d’ultrasocialistes qui délirent, qui confondent le fanatisme et l’intransigeance dogmatique pour une sorte de rigueur révolutionnaire ou de radicalité militante qu’elles projettent sur tout.

Après avoir promu des idées doctrinaires de rééducation sexuelle dans son dernier numéro sur le genre, ce récent texte de Première Ligne (PL) nous annonce cette fois des réflexions sur la technique… Tenons-nous bien!

L’exercice rhétorique y est assez cheap. On y oppose une caricature d’utopisme technologique naïf, représenté par « l’accélérationnisme de gauche », à une caricature de « l’anarchisme vert » et surtout de « l’anarchisme anticivilisationnel », présentés comme des technophobies obscurantistes – tout en dénigrant les anars de Montréal – pour finalement nous mettre d’avant la plateforme de PL comme seule alternative raisonnable, évidemment. Cependant, bien que PL essaie de faire passer les autres pour des fous afin d’avoir l’air smart, la pertinence des idées qu’elle nous propose démontre assez vite pourquoi cette stratégie lui semblait nécessaire.

Si j’avoue que j’ai un certain plaisir à écouter PL se plaindre des tendances du milieu anarchiste de Montréal auquel elle se heurte, vue l’état de dispersion actuel de celui-ci je ne m’y fierais pas pour étouffer des discours aussi dérisoires qu’ils puissent paraître. Devant la présence anarchiste flétrissante et le populisme démagogique qui prospère si facilement, les communistes fanatiques y voient une opportunité. La naïveté et l’insouciance des anarchistes envers les communistes à répétitivement prouvé être mal avisée et je n’ai aucune envie de voir leurs idées toxiques proliférer de nouveau.

Face à l’inertie, PL sera contente d’entendre que mes « tendances grégaires » font défaut. La fausse camaraderie et ma tolérance envers les charlatans qui se disent anti-autoritaires en prônant des idées de domination aussi me font terriblement défaut. En fait, c’est d’une joie ravageuse que je viens ridiculiser et m’opposer fermement à des idéologues qui veulent nous faire croire qu’un proto-État ouvrier écocidaire imposé par une avant-garde de moines révolutionnaires chaste, ça a quelque chose à voir avec l’anarchie plutôt qu’un trip de cosplay trotskiste gone bad!

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*Notons que c’est la même signature que pour le texte Notre anarchisme dans le manifeste publié par Première Ligne en guise de premier numéro. Je vais donc me permettre de présumer qu’il s’agit bien ici des opinions de PL, surtout en ce qui concerne l’anarchisme. Je le mentionne parce que PL n’a pas hésité à se dissocier de Pour une éthique militante masculine et larguer son auteure après s’être fait critiquer pour avoir décidé de publier ce texte dans son 3e numéro. (voir mtlcontreinfo.org/reponse-a-la-reponse-a-premiere-ligne/)


Ça serait insultant si c’était pas si ridicule

Ça fait plus de 125 ans, depuis les premières publications des Naturiens au tournant du 20e siècle que la civilisation et le progrès sont critiqués et confrontés d’un point de vue anarchique : les réflexions nihilistes sur la société de masse, les anarchistes pacifistes critiques de la science, les analyses ellulienne de la technique, le primitivisme inspiré par l’anthropologie des années 60-70, l’anarchisme vert, l’écologie radicale, les « Fronts de libération » (ELF/ALF) et une partie de l’anarchisme insurrectionnel des dernières décennies, etc. S’il y a bien sûr des points en communs entre ces tendances, il y a aussi des divergeances et toute une diversité d’inspirations, de perspectives, d’approches et de pratiques. Les anarchistes « anticiv » en sont un amalgame. Soyons clairs, ce terme n’a jamais été autre chose qu’un raccourci pour dire au sens large « critique du progrès et de la civilisation ». Cependant, PL s’en sert tout au long du texte en l’interchangeant avec les termes « anarchiste vert » et « primitiviste », comme s’ils s’équivalaient, afin de tresser un homme de paille auquel s’attaquer. Évidemment, le but est d’en faire une idéologie avec une approche spécifique qui convient à la propagande de PL. C’est bien plus facile de s’en prendre à une parodie basée sur ses propres préjugés et idées préconçues que de chercher réellement à connaître et comprendre un vaste sujet afin d’acquérir une analyse sérieuse par un processus de remise en question.

C’est dans ce sens que PL se livre à des attaques sur la crédibilité des personnes qui critiquent la civilisation d’un point de vue anarchique. On nous affirme que « la radicalité des propositions théoriques des anticivs les isole à un point où toute action politique véritablement transformatrice devient impensable » et que « leur activité politique atteint rapidement un cul-de-sac où quasiment toute action rompt avec leurs principes de base ». Mais puisque ces affirmations, que les anticivs sont intrinsèquement des incapables, ne s’appuient sur rien d’autre qu’un pet de cerveau, PL laisse libre cours à son imagination flatulente dans toute sa verve en s’essayant à la fiction :

« Certaines décident de partir des mois par années dans le grand nord, souvent armées de fusils, pratiquer leur survivalisme en attendant de manquer de munitions ou un effondrement civilisationnel qui ne vient pas – ce qui n’ébranle pas grand-chose. D’autres décident de poursuivre leur vie en ville, vouées à malheureusement la vivre dans des espaces bétonnés, parfois publier des zines en petite quantité en espérant semer du désespoir le plus total un peu chez le voisin. D’autres, plus braves, décideront de mener des attaques violentes sur des cibles comprises comme jouant un rôle dans la reproduction de la civilisation, à savoir souvent des héoliennes, des barrages ou centrales électriques, des tours de télécommunication, etc. Ces actions restent fortement marginales et n’ont en toute vraisemblance aucune chance d’avoir un quelconque impact réel sur la société. Si c’était vraiment le cas, les États ne tarderaient pas à sortir les griffes et punir conséquemment ses adversaires – et lorsqu’iels pensent être plus fortes que l’état ou assez discrètes pour y échapper. Iels se fourvoient. Voilà comment se concrétise la vie militante des anticivs » conclut-on fatalement.

Un intérêt de longue date envers l’anarchie et les tendances critiques de la civilisation m’ont amené à croiser plusieurs « anticivs » au fil du temps, et pourtant jamais de survivaliste qui passe du temps dans le nord avec leurs fusils en attendant la fin de la civilisation. Certes, je ne connais pas tout le monde, mais c’est certainement pas typique. En fait, comme plusieurs le supposeront déjà, on y trouve toute sorte de personnes et il n’y a rien de typique aux « lifestyle » des anarchistes critiques de la civilisation. Bien qu’au début du texte PL admet s’affronter à un groupe hétérogène, on remarque vite que la convenance idéologique d’assimiler tout le monde à une caricature est plus importante que le souci de connaître le sujet. La fiction dénigrante qu’on nous propose est un montage plus convenable aussi pour la rhétorique du lifestylism récurrente dans le texte. Nous y reviendrons.

Vous avez déjà entendu parler d’attaques anticiv sur des barrages ou centrales électriques? Moi non plus. Par contre, on a déjà vu comment des individus et des petits groupes informels ont flambé des concessionnaires d’autos et des projets de développement, saboté machineries et moyens de transport, bloqué les routes et les voies ferrées, ou encore se sont attaqués aux cages où des êtres sont torturés pour notre convenance… Les initiatives individuelles n’en ont rien à faire d’attendre des grèves et des révolutions, ni de l’accord de l’avant-garde, de la logistique révolutionnaire ou des assemblées de quelconque rêverie de conseils ouvriers. Elles agissent selon leurs propres objectifs et capacités, limitées seulement par leur créativité.

Eh oui, bien sûr que les autorités lancent leurs campagnes de répression. L’écologie radicale est depuis longtemps au haut de la liste des préoccupations des agences de renseignement nord-américaines. L’infiltration, les rafles, les procès, les emprisonnements, les condamnations exemplaires… comme ils l’ont fait aussi avec les organisations révolutionnaires maoïstes quand elles ont été trop dérangeantes. Par contre, on remarque que si les actions individuelles ou de groupes informels n’ont jamais cessé de se propager, que reste-t-il aujourd’hui des organisations révolutionnaires?

Toutes ces expériences avec des conséquences réelles ont inspiré des débats, des positions, des stratégies, des actions… Et malgré la menace de la répression pendant les années du Green Scare, on a vu des anarchistes anticiv impulser des projets et des événements de toute sorte pour essayer d’apporter des perspectives écologistes plus radicales, parfois sous les calomnies et les menaces d’autres soi-disant anarchistes. On se souviendra des petits inquisiteurs de Hors d’Œuvre (une autre gang qui fantasmait d’une révolution ouvrière) qui passaient des tracts pour la « liquidation des primitivistes » avant d’envoyer des menaces de mort et un appel à la bombe contre un événement de la Mauvaise Herbe au Salon du livre anarchiste de 2007.

Justement, c’est drôle que PL tire une flèche contre la Mauvaise Herbe dans sa tentative de faire passer les anticivs pour des vaux rien. Pas besoin de le nommer, on le sait bien que c’est le seul zine « anticiv » à Montréal. Pourtant, trouvez-moi un zine anarchiste par ici, ou ailleurs, qui dure depuis plus de 20 ans avec presque 50 numéros publiés. Peut-être que PL devrait prendre la mesure des choses avant d’essayer de cracher sur les autres du haut de ses quatre zines. Et honnêtement, je préfère une revue qui prend pas son lectorat pour des caves et qui « sème du désespoir », au lieu d’une revue pleine de faux-espoirs et de bêtises qui servent seulement à étaler du branlage idéologique pseudo-intello sans humour, à la PL. De plus, à part tous les événements et projets auxquels elle à participé, collaboré, ou facilité, cette bande d’anticivs insignifiants fait aussi partie des groupes anars qui ont été actifs dans la reprise du bâtiment qui abrite le DIRA et se sont impliqués dans la librairie l’Insoumise.

En fin de compte, on dirait pas vraiment du monde isolé, paralysé par leurs principes et incapable d’actions concrètes, ces anticivs. Ce qui paralyse c’est de croire qu’on ne peut rien faire par soi-même, que l’action individuelle n’a pas d’impact, que nos actions n’ont de valeur que si elles s’inscrivent dans un but supérieur : sauver le monde, l’utopie, la révolution, la rédemption, l’organisation, le parti, Dieu, l’anarchie, etc.

Mais si la caricature que propose PL ne vous a pas encore convaincu que les anars anticiv c’est des pas bons, attendez de voir. Après nous avoir expliqué que les anticivs sont trop inutiles pour avoir « un quelconque impact réel », dans une pirouette rhétorique des plus tordues PL nous offre sa propre projection révolutionnaire d’une « hypothétique victoire de l’anarchie anticivilisationnelle » pour aussitôt accuser les anticivs du scénario génocidaire qu’elle vient elle-même d’imaginer :

« Si on veut dépasser la fatalité militante qui les attend et analyser les conséquences d’une hypothétique victoire, même partielle, de l’anarchie anticivilisationnelle, les jours ne sont pas plus heureux. Comment est-il possible d’imaginer fermer les mines, les pipelines et les barrages hydroélectriques alors que le rôle social qu’il joue dans la reproduction sociétale est autant majeur? Il va sans dire que la survie de milliards d’humaines dépend de ces institutions techniques et que les mettre à bas immédiatement équivaudrait à un acte meurtrier qui s’attaquerait d’abord et avant tout aux plus vulnérables. Dans l’histoire, l’exemple le plus abouti d’une révolution de cet ordre serait surement le mouvement de désertion des villes au profit des “communes agraires” qu’ont réalisé les khmers rouge au Cambodge. »

C’est le coup classique de s’en prendre au messager. Les anticivs essaient de faire allumer le monde sur le fait que tout ce truc ressemble à une mega-machine à tuer, et se font accuser d’être les génocidaires. Faut-il vraiment rappeler que les khmers rouge furent une organisation communiste révolutionnaire, beaucoup plus près politiquement et idéologiquement de PL que de n’importe quelle anticiv? Le plus absurde, c’est que quelques lignes plus loin on argumente que l’anarchisme anticiv « n’a rien à voir avec l’anarchisme auquel on fait généralement référence en parlant de “mouvement anarchiste” » puisqu’il ne s’intéresse pas à l’anarchisme « en tant que mouvement social révolutionnaire » et que « l’anarchisme à généralement des objectifs antagoniques aux siens, soit la mise en place d’un agencement de la civilisation différent et non son abolition ». Donc, faut-il en comprendre que PL rejette l’anarchisme anticiv parce qu’il ne partage pas les ambitions mégalomanes des khmers rouge? Mais on comprend que toute cette gymnastique idéologique est propre à un esprit doctrinaire qui ne voit le monde qu’à travers le prisme de ses propres fantasmes de prise de pouvoir et de contrôle, au point de faire de l’anarchisme une idéologie de conquête et de domination.


L’affinité des anticivs est avec les sorcières, pas les curés!

Si on ne vous a pas encore convaincus que les anticivs ce sont des pourritures, immédiatement après les avoir comparés au khmer rouge on les accuse, sans aucune explication, de vouloir remplacer la science par l’instinct pour nous plonger dans l’obscurantisme et le dogmatisme religieux. Le saviez-vous? L’anarchisme anticiv n’est pas seulement insignifiant et génocidaire… c’est aussi une sorte de fanatisme intégriste!

Malheureusement, l’accusation d’obscurantisme n’est pas nouvelle. Les socialistes qui détestent la critique du progrès et de la civilisation y on recourt ad hominem, gratuitement et sans références. J’ai toujours trouvé ça extrêmement ignorant et ethnocentrique, à part d’être colonialiste. PL nous en donne un parfait exemple :

« D’un point de vue épistémologique, s’attaquer à la science en tant que mode de développement des connaissances est aussi douteux. S’il est à la mode de condamner la rationalité occidentale, il est vraiment ridicule de prétendre vouloir baser notre système de développement des connaissances strictement sur nos instincts ou tout autre pseudo science. […] D’autre part, il faut rappeler que toute société fondée sur des critères non scientifiques n’est en rien garante d’émancipation. […] Fermer catégoriquement la porte au mode de développement scientifique des connaissances ouvre la porte à un obscurantisme favorisant l’émergence de nouveaux dogmes oppressifs ou le recyclage d’anciens sous de nouvelles formes. Comme les institutions techniciennes, la science a une importance majeure dans la reproduction de la société, dont la survie de milliards d’humaines dépend. »

Premièrement, on remarque déjà le manque d’argument quand en partant on a recours à de la tautologie rhétorique. Il ne s’agit que de savoir ce qu’est l’épistémologie pour comprendre que l’énoncé est d’une banalité évidente. Tout de même, cela nous révèle le « point de vue » académicien ethnocentrique que partage PL à propos du développement des connaissances. Ce qui est « vraiment ridicule » – pour ne pas dire colonialiste et carrément raciste – c’est de prétendre qu’en deçà de notre suprême rationalité occidentale et sa science, il n’y a que « l’instinct ou quelconque pseudo science ». Est-ce qu’il faut vraiment se replonger dans le débat de la controverse de Villadolid de 1550 quand les curés discutaient à savoir si les autochtones d’Amérique étaient des personnes capables de raison, ou des bêtes tiraillées par leurs vils instincts?

L’acquisition et le partage des connaissances basé sur l’expérience et l’observation du monde n’a pas été inventé par l’institution scientifique. Cela a existé bien avant la science et continue d’exister entre autres au sein des populations marginales qui n’ont pas encore été absorbées totalement par le progrès. Plutôt, les connaissances sur lesquelles les sciences sont basées ont été usurpées, contrôlées, standardisées et normalisées selon les besoins du progrès et du développement. Les civilisés ont enfermé la connaissance dans leurs institutions pour la baliser et y contrôler l’accès et la diffusion.

Les curés de la science argumenteront que ce réarrangement fut bénéfique pour l’humanité, mais dans leur dévotion sont incapables d’admettre que la science et le progrès technique ont toujours créé plus de problèmes qu’ils n’ont réglés. Regardons seulement l’exemple de l’évolution de l’agriculture qui nous a menés tout droit vers l’épuisement des sols et une famine mondiale où tu manges du pétrole sinon tu crèves de faim, et avec une population qui continue de croître. Tout cela bien sûr par la bénédiction des travaux scientifiques de grands héros de la civilisation tels que le prix Nobel de chimie Fritz Haber – aussi connu comme le « père de l’arme chimique », puisque dans ses recherches pour synthétiser l’ammoniac et permettre l’industrialisation des engrais chimiques, il a développé le chlore gazeux et dirigé sont déploiement sur le front lors de la Première Guerre mondiale. Ses recherches sur les pesticides furent aussi cruciales pour la production industrielle du Zyklon B. Ironie du sort et tragique exemple de l’impossibilité de prévision des conséquences de la technique, Haber était juif.

Faut-il encore rappeler que toute société fondée sur des critères scientifiques n’est en rien garante d’émancipation, elle non plus? Tous ces régimes communistes et fascistes technocrates, tous ces régimes qui ont massacré des populations avec leurs sciences d’ingénierie sociale et leur mégalomanie scientifique? Faut-il aussi encore rappeler que c’est à l’époque de la raison, en pleine exaltation de la science et du progrès qu’il y a eu de loin le plus de persécution pour sorcellerie?

Quand l’innovation technique des presses de Gutenberg permit une propagation beaucoup plus rapide et massive des idées et de l’information, c’est le Malleus Maleficarum, un manuel de chasse aux sorcières plein de fake news, de sexe morbide et d’hystérie misogyne, qui fut un des premiers bestsellers. Ce n’est donc pas si surprenant ce qui se passe sur les médias sociaux de nos jours. Le monde n’est pas nécessairement attiré par les idées bien pensantes. Il n’y a alors que le contrôle de l’information et l’hégémonie idéologique qui permettent au pouvoir de gérer une telle situation de communication de masse. Et c’est pour maximiser le contrôle et l’hégémonie institutionnelle qu’on a massacré les marginaux, les hérétiques et les sorcières qui osaient maintenir les traditions ancestrales, les pratiques subversives et transgressives, la connaissance de la contraception, des remèdes et des poisons.

C’est parce que les critiques anticiv de la science osent parler de ces choses qu’elles se font traiter d’obscurantiste par l’Inquisition scientifique. L’affinité des anticivs, c’est avec les sorcières, pas les curés!

Pendant qu’on y est, si l’on est d’accord pour dire que l’obscurantisme est une attitude qui refuse de reconnaître les choses démontrées, ne devrait-on pas alors considérer le communisme anti-autoritaire comme une forme d’obscurantisme?

Enfin, la conception doctrinaire de PL sera ébranlée d’apprendre que nombre d’anticivs, dont les plus primitivistes, se sont intéressés à des sciences telles que l’anthropologie, l’histoire, l’écologie et les sciences naturelles. Ces sciences nous démontrent entre autres que ce n’est qu’à l’aide de preuves flagrantes que la « rationalité occidentale » arrive aujourd’hui à reconnaître ce dont l’approche holistique des sagesses ancestrales primitives nous informait déjà depuis des millénaires à propos de notre environnement.

Une dernière chose qu’on peut apprendre des populations primitives – ainsi que des anarchistes – grâce aux sciences de l’anthropologie et de l’histoire, c’est que les moyens facilement reproductibles sont désirables si on veut plus facilement arriver à nos buts immédiats. On a besoin d’une certaine connaissance pour être efficace, mais pas besoin d’être scientifique pour propager le feu!


L’anarchisme montréalais entre « malaise » anticolonial et phobie technologique?

Avant de nous faire la démonstration de la supériorité de son point de vue révolutionnaire sur notre rapport à la technique, PL nous en dévoile d’abord une prémisse par un autre portrait dénigrant – de « l’anarchisme montréalais » cette fois.

Dans la dernière partie du texte, on nous affirme qu’à Montréal « l’extrême gauche – excluant les communistes étatistes – demeure largement hostile au développement technique » et que « leur opposition à l’étalement technique ne vient pas d’une analyse théorique approfondie et cohérente ou d’un projet politique primitiviste ». Bien sûr que non! Projets politiques et analyses cohérentes sont apparemment au-delà des capacités des anarchistes de Montréal. Selon PL c’est plutôt « un réflexe de confrontation avec tout ce qui émerge dans l’immédiat du Capital ou du colonialisme » qui d’une part viendrait d’un attachement « aux legs pratiques et théoriques de l’altermondialisme » (que PL associe à l’organisation locale, démocratique et à petite échelle, le DIY et le rejet des grosses compagnies) et d’autre part, du fait que « le contexte canadien est particulier puisque les militantes anarchistes settlers se trouvent prises avec le malaise d’occuper des terres qui ont été volées aux différents peuples autochtones et dont l’exploitation demeure capitale dans l’économie canadienne. Il est ainsi facile de condamner les tentatives de développement extractiviste ainsi que leurs maintiens en tant que ceux-ci passent nécessairement par la destruction environnementale ou encore l’expulsion brutale des communautés habitant un lieu considéré par l’État ou les capitalistes comme stratégique à exploiter ». Un contexte qui n’a pourtant rien de particulier dans un monde assiégé depuis des siècles par le colonialisme. Qu’il vienne de la part d’États capitalistes, de révolutionnaires communistes, de royaumes ou d’anciennes cités-États, c’est une dynamique incontournable de la civilisation. « Néanmoins, conclut-on, puisque le milieu anarchiste néglige souvent de se questionner sur les vocations du mouvement révolutionnaire sur le long terme et leurs implications/nécessités, il se retrouve souvent au final à exiger des demandes immédiates relativement similaires à celles que pourraient formuler des anarchistes verts. »

En d’autres mots, pour PL le milieu anarchiste montréalais est aussi insignifiant qu’une bande d’anticiv! Ou pire, puisque les anticivs ont le mérite d’avoir une analyse, si hérétique soit-elle. C’est presque à se demander si ces anarchistes sont capables de « rationalité occidentale »… Le milieu anarchiste montréalais serait-il en proie à l’obscurantisme génocidaire, ou encore pire, à la phobie technologique paralysante?!

« Comment sortir d’une phobie technologique paralysante, possiblement menaçante pour l’intégrité de larges franges de la population humaine, tout en ne tombant pas dans les pièges que nous avons associés à l’accélerationnisme de gauche? Nous croyons que cet enjeu est décisif à la fois pour nos mouvements que pour toute perspective révolutionnaire sérieuse, et doit passer par la formulation anarchisante d’une réponse à celui-ci. »

Et voilà, tout ce salissage des anticivs,ce mépris du milieu montréalais, aboutissent à cette accusation sans fondement, que PL ne fait qu’affirmer sans jamais le démontrer dans les faits. Cette fiction ridicule d’une « phobie technologique paralysante menaçante pour la population », c’est un enjeu décisif nous dit-on. Quelle bande de clowns! À travers ce cirque on voit bien que la perspective eurocentrique etles fixations marxistes de PL se sont confrontées à une certaine conscience anticoloniale et écologiste dans le milieu anar de Montréal. Que cette conscience soit qualifiée de « malaise » et de « phobie » par PL en dit beaucoup sur ses prétentions anti-autoritaires, et d’insinuer que la destruction écologique et le colonialisme sont des problèmes qui en reviennent surtout au modèle de gestion et d’exploitation capitaliste, c’est du délire idéologique. En fait, PL remarque qu’il n’y a que « les communistes étatistes » qui partagent sa vision du développement. Peut-être que c’est là le moment de se rendre comptequ’il n’y a absolument rien « d’anarchisant » dans vos idées?


Le parti

« Il nous semble impératif de reconsidérer notre rapport à la technique [puisque] la pérennité des conditions climatiques permettant la vie humaine [sont menacés et que] la complexité technicienne est difficilement compatible avec des projets anarchistes ou de conseils ouvriers qui refusent d’avoir recours à l’État tout au long du processus révolutionnaire. En ce sens, nous devons trouver des avenues politiques qui ne passent pas par un rejet total de la médiation technique ni de l’extractivisme, mais qui permettent tout de même de maintenir la technologie à un seuil contrôlable et réversible. Déterminer quels sont ces seuils et quelle forme d’État peut nous permettre de les faire fonctionner est la tâche collective à laquelle nous devons urgemment nous attarder. »

Tant d’efforts déployés dans les textes de PL, tant de contorsions pour conceptualiser l’absence d’État en tant qu’une nouvelle entité dominatrice avec le même rôle que l’État. Au lieu d’écrire des textes à propos d’un « État » comme des clowns, pourquoi pas simplement s’assumer et parler d’État révolutionnaire ou proto-État? Par contre, si PL s’intéresse à l’anarchie pour autre chose que son branding (j’en doute), peut-être qu’une idée à explorer serait de remplacer l’État avec… RIEN!

Mais voyons voir… De quelle avenue politique menant vers un État communiste extractiviste… pardon, un État gestionnaire des ressources et de la technique pourrait-il bien s’agir?

« La réponse à tous nos problèmes est entre nos mains. Plutôt qu’anti-technicienne ou pro-technicienne, nous devons faire valoir une pratique politique a-technicienne, c’est-à-dire une pratique où les variables d’efficacité et d’optimisation doivent être descendues de leur piédestal et être mises sur un pied d’égalité avec les autres critères d’évaluation du politique et de la politique contestataire. Il n’y a pas d’autres moyens d’éviter l’État technocrate totalitaire et ses camps de travail que de prendre et fonder un parti a-technicien. »

Évidemment, la seule solution, le bon vieux parti!

Malgré toutes leurs agences, organisations, centre d’études et commissions, les spécialistes peinent à acquérir une certaine capacité de prévision et d’endiguement de phénomènes techniques précis, et ce même en se concentrant seulement sur quelques aspects. Il semble donc bien évident qu’avant même de penser à contrôler tout l’ensemble du progrès technique, la capacité de percevoir toutes les conséquences de son application est déjà loin de notre portée. Mais la mission idéologique de PL ne s’enfarge pas de tels détails. Devant cette entreprise surhumaine que de maîtriser tout le phénomène technique, il suffirait apparemment d’une plateforme politique basé sur quelques considérations éthiques et « un rapport qui prend à la fois en considération que la survie de populations dépend de l’organisation actuelle des choses, tout en restant fortement critique de cet ordre social. [Une approche qui] a au moins le mérite de nous placer dans un état constant de tension, où notre rapport à la technique implique un certain degré de culpabilité, mais qui reste aujourd’hui nécessaire ».

Donc, il ne faut rien changer à la façon actuelle de fonctionner, mais soyons-en repentants… et le parti c’est notre salut? C’est une formule typiquement autoritaire d’utiliser la honte et la repentance pour le contrôle social. On l’a vu à grande échelle avec le christianisme, par exemple. On l’a vu avec le maoïsme et sa Révolution culturelle, dont la toxicité contamine la gauche jusqu’à nos jours. C’est aussi typique avec les sectes et les gourous qui cherchent à exploiter les sentiments d’infériorité, d’incapacité, de doute en soi et de culpabilité – dans ces conditions, l’individu accepte plus facilement une autorité morale extérieure. Alors, permettez-moi de douter que ces belles intentions et encore plus de technique par le politique et l’ingénierie sociale n’aboutiraient pas simplement qu’à une autre tentative de manœuvrer la puissance de la technique à des fins idéologiques.

Bien que PL allègue dans le texte une « perspective ellulienne » et une conscience de la notion de l’autonomie technicienne, j’entends déjà Ellul nous rappeler :

« L’homme dans son orgueil, l’intellectuel surtout, croit encore que sa pensée maîtrise la technique, qu’il peut lui imposer telle valeur, tel sens, et les philosophes sont à la pointe de cette vanité. Il est même bien remarquable de constater que les philosophies les plus fines de l’importance de la technique, et même matérialistes, finalement se replient sur une prééminence de l’homme. Mais cette grande prétention est purement idéologique. […]
La Science et la Technique restent identiques dans un monde socialiste (y compris en Chine!) avec leurs effets et leurs structures, et c’est un simple tour de passe-passe idéaliste qui nous convainc de leur changement de signe, comparable à la croyance des chrétiens en un Paradis. Pour moi la non-neutralité de la Technique signifie qu’elle n’est pas un objet inerte et sans poids qui pourrait être utilisé n’importe comment, dans n’importe quel sens par un homme souverain. La technique a en soi un certain nombre de conséquences, représente une certaine structure, certaines exigences, entraîne certaines modifications de l’homme et de la société, qui s’imposent qu’on le veuille ou non. Elle va d’elle-même dans un certain sens. »

-Jacques Ellul, Le système technicien

Avec tout ce qu’implique un tel projet politique, les questions et les défis qu’il soulève, la seule et unique préoccupation dont on nous fait part c’est que « le danger évident d’une telle position est de conforter les militant-es dans des pratiques totalement inefficaces ou encore de survaloriser un lifestyle anarchiste ». PL nous affirme que « ce genre de repli et d’isolement ne constitue en rien une attaque à l’organisation sociale technicienne, mais plutôt une des formes les plus compatibles avec la reproduction de cette organisation sociale, en ce sens qu’elle n’incarne en rien une menace face à celle-ci, voire isole la résistance dans des foyers autodestructeurs. [Et que] les petites communautés « libérées » ne sont pas réellement indépendantes [puisque] leur existence repose sur l’exploitation du reste du prolétariat ».

Ce thème d’un supposé « lifestyle » anarchiste parasitaire qui ne s’intéresserait qu’à une esthétique de vie est récurrent tout au long du texte. On reconnaît facilement le vieux Bookchin qui chialait contre tout le monde qu’il comprenait pas ou qui pensaient pas comme lui, les accusant de « lifestyle anarchism ». S’il a bien fait rire de lui avec ses histoires ridicules de vieux déconnecté, d’autres communistes désespérés s’y sont évidemment retrouvés, partageant le même profond désir autoritaire de décider de la vie des autres qu’on retrouve de gauche à droite. Ça les perturbe tellement qu’on retrouve des individualités diverses et dynamiques qui s’intéressent à expérimenter, explorer et subvertir les liens, les interactions, les formes et les manières à partir de leur propre vie. En gros, leur discours de marde en revient à ce que tu dois te conformer en t’autoflagellant, aller travailler et payer tes comptes comme tout le monde, militer dans un syndicat ou un parti… Voilà à quoi ressemble l’action politique véritablement transformatrice par de vrais révolutionnaires! Tu les retrouves 10 ans plus tard, toutes des fonctionnaires pis des yuppies loser qui vivent dans des condos à regarder les « prolos » faire du vol à l’étalage. Mais sérieusement, quelqu’un qui pense encore aujourd’hui que le prolétariat est un sujet révolutionnaire, ça paraît que son seul contact avec des prolos c’est dans des livres d’histoire.

Si quelque doute subsiste encore sur le fake anti-autoritarisme de PL, attendez de voir la stratégie de son parti :

« L’époque où l’on pouvait écraser les forces militaires d’un tel tsar ou d’un tel État est révolue, malheureusement. […] La stratégie du parti a-technicien est donc d’un autre ordre : rendre l’État inutile par l’instauration progressive d’un État soutenu par la population, dont l’efficacité doit être mesurée non pas en termes de maximisation de la production, mais bien en fonction de seuils viables écologiquement et qui nous permettent de garder un contrôle sur l’organisation sociale. »

Au moins on s’assume. On a même laissé de côté la rature sur le mot État cette fois. L’instauration d’un État qui contrôle la technique et l’organisation sociale, et devient la mesure de l’écologie… voilà pour l’anti-autoritarisme de PL! Les principes prennent vite le bord quand il s’agit de faire la révolution. Si des anars anticiv étalait un tel plan, je suis sûr que les accusations d’écofascisme ne se feraient pas attendre.

Le texte continu en nous expliquant que le parti doit s’engager à « prendre possession des moyens de production [pour] les transformer et les adapter à nos désirs […] dans un seul geste révolutionnaire qui ne remet pas à plus tard le pouvoir populaire au nom de quelconque nécessité, mais prône l’autonomie ouvrière par la mise en place de conseils ouvriers – qui n’ont de raison de disparaître après la révolution qu’en fonction de leurs propres considérations pratiques dues à l’évolution du mouvement révolutionnaire ».

Des fantaisies trotskistes d’une Révolution permanente? Un écocide géré par des soviets? C’est ça la « formulation anarchisante » de PL? En fait, les prétentions anarchiste et anti-autoritaire de PL ne tiennent semble-t-il qu’à une sorte de communisme de conseil, mais sans aucune préoccupation envers le fait historique que cette forme d’organisation, avec un parti d’avant-garde pour mener la révolution et la société, comme le prône PL, a rapidement sombré dans l’autoritarisme après son renversement du pouvoir. La prétendue réflexion de PL sur la technique n’apporte d’ailleurs aucune considération à propos de problèmes évidents qu’amènent de telles mesures – par exemple, la complexité logistique et la bureaucratisation, ou encore la transmission et la standardisation de l’information viennent facilement à l’esprit – réduisant la technique de manière simpliste comme s’il ne s’agissait bêtement que d’une question de la volonté politique derrière la gestion de la production. Il est difficile de voir en quoi la position de PL diverge de celle des accélérationniste qu’elle dénonce, à part sa fixation sur les soviets. On retrouve aussi le même discours simpliste dans les textes qu’elle a adressé à Rage Climatique dans son 2e numéro : la révolution marxiste et les soviets sont la réponse aux problèmes écologiques par la magie de l’émancipation du prolétariat.

Si ce n’était pas encore assez clair, ce qui motive vraiment PL ce n’est pas quelconque préoccupation à propos de l’anarchie, de l’écologie ou de la technique. L’objectif de PL est un monde de contrôle social, de gestion de ressources et de développement industriel :

« La désindustrialisation du nord global […] et la construction de banlieues au détriment de la production agraire nuisent à notre faculté de contrôle sur la technique ainsi qu’à notre possibilité d’autonomie matérielle et ouvrière. Nous devons être hostiles face aux usines sur notre territoire uniquement dans la mesure où elles sont des lieux d’exploitation, d’aliénation et de destruction écologiques […] La construction d’usines ou leur réouverture sont nécessaires, ne serait-ce que dans une perspective d’équité avec les populations du sud […] La division scientifique du travail à l’échelle mondiale complexifie radicalement les scénarios d’émancipation libertaires et notre réindustrialisation pourrait y pallier au moins de manière partielle. »

Je sais pas pour vous, mais travailler dans des usines c’est pas vraiment mon idée de l’anarchie. Leur parti, que ferait-il du lumpen anticiv qui voudrait pas travailler dans ce Plan Nord communiste? Les populations locales qui ne voudront pas que les soviets viennent détruire ce qui reste des forêts, des montagnes, des cours d’eau et leurs écosystèmes? Laissez-moi deviner, « on pourra leur offrir un emploi dans le Nord autant que possible », comme disait l’autre? Ce qui est sûr en tout cas c’est que les communistes ne manquent pas d’expérience à envoyer la dissidence dans des camps de labeur dans le nord. La putride vision idéologique de PL est tellement déconnectée qu’on insinue que les usines, par la magie des conseils ouvriers, ne seraient plus « des lieux d’exploitation, d’aliénation et de destruction écologiques ». Apparemment que les usines vont cracher des fleurs pis le monde vont adorer leurs jobs de marde après avoir passé le reste du temps dans des AG!

Ils ne changent jamais ces marxistes! Toujours là pour amener à tout prix le développement industriel partout où les capitalistes l’ont négligé. Ce n’est pas assez de proposer le maintient du mode de vie extractiviste industriel, PL est carrément en train de militer pour l’ouverture d’usines à travers le monde et accélérer le saccage et la destruction des écosystèmes. Voilà pourquoi PL voit les anticivs, les « réflexes anarchistes verts », les initiatives individuelles, le « malaise » d’occuper des terres autochtones et l’hostilité envers le développement comme des entraves à ses fantasmes révolutionnaires. La seule révolution pour laquelle PL milite vraiment, c’est la révolution industrielle.

*****

Tout ce discours répugnant de prise de pouvoir, de contrôle social, d’expansion industrielle, cette ambition de devenir gestionnaire de la destruction et de l’asservissement de la nature est absolument antagonique à l’anarchie qui m’inspire; celle qui conspire, pas pour prendre le pouvoir, mais pour que le pouvoir ne puisse s’exercer; celle qui apporte le sabotage et la destruction au monde techno-industriel et tout son développement technique; qui laisse libre cours aux affluents de l’expérience individuelle et pointe sa mire contre toute autorité qui s’impose; celle qui est synonyme de chaos et de désordre, qui vient perturber la transmission, l’organisation et le fonctionnement de l’ordre social, sans appâts utopistes!

Le monde n’a pas besoin d’une de nos idéologies libératrices autant qu’il a besoin de se débarrasser de ce qui rend possible la transmission et l’application d’une idéologie à grande échelle. Regardez où nous en sommes. Nous ne sommes pas les sauveurs du monde. C’est assez évident, vous ne croyez pas?

Que nos approches sont totalement irréconciliables, c’est peu dire…
À couteaux tirés, Premières Lignes!

-Lyokha

Quelques réflexions liminaires à propos de Unity of Fields

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Nov 232024
 

De la grappe

Des luttes locales contre le sionisme, l’impérialisme, et le colonialisme prennent visiblement des approches plus destructives, décentralisées, anonymes, et autonomes, un rêve de longue date des anarchistes insurrectionnel·le·s, pourtant de nouvelles questions se posent à nous.

Vu sur Anarchist News : https://anarchistnews.org/content/some-initial-thoughts-unity-fields

Comment voulons-nous faire face avec d’autres rebel·le·s avec lesquel·le·s nous avons des différences idéologiques et des similarités tactiques ? Comment évitons-nous de nous perdre dans les tandences avant-gardistes, unitaires, nationalistes qui accompagnent souvent les approches gauchistes révolutionnaires de la lutte combative ? Sommes-nous intéressé·e·s à conspirer avec ces autres en dehors de la spontanéité de manifestations, occupations (et potentiellement d’émeutes) sauvages, et si oui comment ?

Publié anonymement –
[J’écris en tant qu’anarchiste insurrectionnel·le aux u$a et je parle dans ce contexte]

Unity of Fields est un projet de contre-info qui a émergé en août 2024. Iels décrivent leur projet comme un « front de propagande militante contre l’axe US-OTAN-sioniste de l’impérialisme. » C’était Palestine Action US et a depuis changé d’orientation. Il y a un site web et quelques comptes sur des réseaux sociaux, dont certains ont été bannis au moment d’écrire ces lignes, iels semblent être plus populaires sur Telegram. Bien que lié à des sources principalement anarchistes pour des connaissances techniques, Unity of Fields ne semble pas être un projet anarchiste et leur lecture politique et suggestions de média sont très variées. Iels suggèrent des textes décoloniaux classiques de Fanon et Césaire, des écrits de la Black Liberation Army et du Black Panther Party, des textes de diverses factions de la résistance palestinienne, ainsi que des communistes autoritaires comme Lénine ou Mao entre autres.

Leur site web est surtout un centre d’échange de nouvelles, d’analyse d’action, et de communiqués. Beaucoup de communiqués sont des publications originales bien qu’iels republient aussi depuis d’autres projets de contre-info et des réseaux sociaux. Iels publient également leurs propres écrits originaux sur leur site web. Le fait qu’iels publient du contenu vaguement criminel et renvoient à des conseils techniques sur comment mieux porter des formes insurrectionnelles de lutte est probablement une grande partie de la raison pour laquelle iels sont discuté·e·s dans les cercles anarchistes.

Qu’est-ce que l’émergence d’un projet comme Unity of Fields signifie pour nous anarchistes ? D’une part Unity of Fields étend certains espaces que nous occupons en tant qu’anarchistes — l’espace de lutte combative et l’espace numérique de contre-info. Nous ne sommes certainement pas les seul·e·s à recolorer les murs, ouvrir des fenêtres, et porter nos petits sabotages et puis écrire pour en parler, bien que, au moins pour l’instant, d’autres semblent regarder vers nos connaissances et notre expérience collectives pour des conseils techniques. Nous partageons un espace de lutte, qui n’est pas limité aux moments émeutiers et manifestations combatives, avec d’autres rebel·le·s qui se sont rendu·e·s visibles à nous. Nous sommes inclu·e·s (au moins une partie du temps) dans un dialogue avec d’autres rebel·le·s à travers le partage de nos termes et nouvelles de nos actions, et des anarchistes ont partagé des écrits de Unity of Fields sur nos propres sites web.

Des luttes locales contre le sionisme, l’impérialisme, et le colonialisme prennent visiblement des approches plus destructives, décentralisées, anonymes, et autonomes, un rêve de longue date des anarchistes insurrectionnel·le·s, pourtant de nouvelles questions se posent à nous. Comment voulons-nous faire face avec d’autres rebel·le·s avec lesquel·le·s nous avons des différences idéologiques et des similarités tactiques ? Comment évitons-nous de nous perdre dans les tandences avant-gardistes, unitaires, nationalistes qui accompagnent souvent les approches gauchistes révolutionnaires de la lutte combative ? Sommes-nous intéressé·e·s à conspirer avec ces autres en dehors de la spontanéité de manifestations, occupations (et potentiellement d’émeutes) sauvages, et si oui comment ?

En tant qu’anarchistes nous cherchons à la fois à étendre et connecter des formes anarchiques de lutte mais aussi à tenir un scepticisme sain vis-à-vis de l’unité avec les personnes qui ne tiennent pas des vues anti-autoritaires de liberté. Notre histoire inclue de nombreuses trahisons par la gauche et les progressif·ve·s, du service d’ordre des manifestations aux exécutions et emprisonnement des gouvernements révolutionnaires nouvellement établis. La question d’avec qui s’allier et pourquoi n’est pas facile, et celle-ci est mieux abordée au cas par cas. L’apparition de Unity of Fields facilite potentiellement les dialogues et la compréhension qui peuvent nous aider à mieux décider si et comment nous souhaitons faire équipe. Comme nous anarchistes pouvons souvent nous trouver isolé·e·s des autres avec qui nous pourrions avoir des parallèles politiques, l’ouverture d’un « front de propagande militante » peut être un pont pour le dialogue et l’apprentissage. Ceci n’est pas un appel à joindre les forces avec quiconque sur la base d’être anti-sioniste ou anti-amerikkkain, c’est un simple rappel pour toujours analyser les changements de terrain autour de nous et de penser en critique tandis que nous portons nos luttes.

« Vers la dernière intifada » et « Vers un autre soulèvement » semblent être les débuts d’un dialogue parmi les anarchistes qui abordent certaines de ces questions. J’ai hâte qu’il y en ait plus.

Lectures pertinentes :

Unity of Fields : Opening Up a New Front

Towards the Last Intifada

Vers un autre soulèvement

Archipel – Affinité, organisation informelle et projets insurrectionnels

Entretien avec des Anarchistes de Palestine – Perspectives depuis la lutte contre l’occupation

PS : Quelques réflexions à propos de Spectacle

Beaucoup si ce n’est la plupart des actions publiées sur Unity of Fields sont accompagnées de média visuel, habituellement des photos, parfois des vidéos. Je veux que les rebel·le·s prennent en considération quelques pièges de la spectacularisation de nos luttes. Chaque photo ou vidéo est une miette de plus avec laquelle l’état peut se régaler dans le cadre de ses enquêtes. Les médias numériques peuvent fournir des métadonnées sur où et quand et sur quel type d’appareil ça a été enregistré si elles n’ont pas été supprimées correctement. Les images montrant des rebel·le·s donnent à l’état des informations précieuses, telles que le nombre de participant·e·s, l’heure approximative de la journée, la présence éventuelle de passant·e·s, ainsi que des données biométriques même lorsqu’une personne est masquée. La taille, le teint de peau, la démarche, le poids approximatif, et d’autres informations peuvent être déterminées même à partir d’images granuleuses.

En plus il y a les mauvais côtés d’envisager nos luttes d’une manière quantitative. Cette approche peut atténuer les changements qualitatifs que la participation à la lutte peut nous apporter individuellement et collectivement. Bien sûr la propagande est utile, l’attrait séduisant de la révolte est facilité avec l’imagerie, et ces choses doivent être mises en balance, aucune lutte ne sera pure. Je veux nous rappeler que si c’est un sentier battu, ce n’est pas le seul, et si nous le choisissons laissons-nous le choisir intentionnellement.

Bloquons l’OTAN

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Oct 302024
 

De la Convergence des luttes anticapitalistes

Du 22 au 25 novembre, l’assemblée parlementaire de l’OTAN débarque à Montréal pour son cirque mortifère. D’une alliance militaire durant la guerre froide, l’OTAN est devenue aujourd’hui le bras armé des pays occidentaux, imposant ses politiques belliqueuses à travers le monde. Face à ces profiteurs de guerre, il est impératif de faire entendre notre voix et de combattre leur logique destructrice. L’OTAN a déjà des conséquences néfastes sur nos vies:

  • Augmentation des budgets militaires : Ce sommet survient alors que l’OTAN fait pression sur le gouvernement canadien pour qu’il augmente à 2% la part de son PIB consacré aux forces armées, une augmentation de 50%, alors que le gouvernement canadien a déjà augmenté ses investissements militaires de 41% de 2014 à 2021. Cet argent devrait servir à l’éducation, la santé et le communautaire, pas à alimenter la machine de guerre impérialiste.
  • Destructions au nom de l’impérialisme américain : Ne nous laissons pas berner par le langage stérile des forces occidentales; les interventions de l’OTAN, loin d’être stratégiques et précises sont plutôt excessivement puissantes, disproportionnées et imprécises. L’OTAN détruit tout sur son passage, répend la misère et favorise la multiplication de groupes armés, tout ça pour préserver les intérêts de ses États membres, principalement des États-Unis, pilier de l’alliance et géant du complexe militaro-industriel. Cette logique impérialiste maintient les peuples du Sud Global dans la pauvreté et la dépendance envers le Nord Global.
  • Complice du génocide palestinien : Le soi-disant Canada est  complice du génocide en Palestine en contribuant à l’approvisionnement en armement, en facilitant des partenariats économiques et académiques et, surtout, par son soutien  indéfectible à Israël qui est l’allié central de l’OTAN. C’est en soutenant militairement les forces sionistes que l’OTAN peut maintenir une main mise stratégique au Moyen-Orient afin d’y faire reigner les intérêts politiques et économiques de ses membres.

La paix ne se gagne pas à la pointe du fusil, mais en redistribuant les richesses. C’est en l’honneur de tous les peuples colonisés d’hier, d’aujourd’hui et de demain, d’ici et d’ailleurs, que nous appelons à votre courage et votre détermination pour prendre la rue avec nous !

Le 22 novembre, sortons massivement dans la rue pour faire entendre notre colère ! Unisson-nous pour rappeler aux États du monde entier que leurs mains resteront toujours salies du sang des exploité·e·s, peu importe qu’iels tentent de les dissimuler dans des gants de velours ou des sommets risibles !

Ensemble, bloquons l’OTAN et affirmons notre refus du militarisme, de l’impérialisme et du colonialisme !

Date et heure: 
vendredi, 22 novembre 2024 – 17:30

Un journal écrit en 3 semaines en vu de la venue de l’assemblée parlementaire de l’OTAN du 22 au 25 novembre 2024. Le document intégral en pdf. Ou juste la version francaise ou anglaise.

Les articles:

L’OTAN, quatre lettres à abattre

Qu’est-ce que l’OTAN

Bloquer l’impérialisme, c’est possible!

Pourquoi bloquer l’OTAN

Guerre en ukraine: les empires sont toujours là

La Palestine face à l’occident impérialiste

Strasbourg: OTAN de cendre, tout devient possible

Une manifestation en solidarité avec Gaza fracasse des dizaines de vitrines et lance des cocktails molotov vers la police

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Oct 012024
 

De Clash Mtl

Une manif pour la Palestine a pris d’assaut l’Université Concordia dimanche soir. Plusieurs vitrines de commerces de luxe sur la rue Sainte-Catherine ont également été fracassées. La police a été tenue à distance par des jets de cocktails molotov.

Retour sur la perturbation du défilé corpo de Fierté Montréal

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Août 172024
 

De la F.A.G.S.

Dimanche passé, la F.A.G.S. et ses complices queers et trans ont perturbé le défilé de la fierté corporative, sioniste et colonialiste de Fierté Montréal.

Nous nous sommes rassemblés vers 13h dans la zone des spectateurs à la Place Ville Marie en tenue et maquillage drag bloc. Près d’une douzaine de flics avec des brassards SIS se sont mobilisés pour surveiller notre rassemblement, car clairment qu’un groupe de queers à la fierté se protégeant mutuellement de la COVID est une cause de suspicion. Autour de 13h30, vers le début de la parade, nous avons pris la rue au moment où le char de parade Queer pour la Palestine de Helem, Mubaadarat et Voix Juives Indépendantes passait. En marchant derrière leur char dans le défilé pendant un court moment, nous avons réussi à apaiser les craintes des boeufs anxieux.

Après avoir défilé brièvement, nous nous sommes arrêtés et nous avons déployé une bannière extra-longue pour commencer à disperser et à perturber le défilé. Nous avons prononcés un discours sur le pinkwashing corporatif de Fierté Montréal. Nous avons ensuite communiqué avec les membres du char AGIR derrière nous, leur permettant ainsi qu’à plusieurs autres chars communautaires de passer et de continuer à défiler, avant de bloquer le char d’eau gazeuse Bubly.

Nous avons continué à marcher et à zig-zaguer vers l’arrière du défilé, évitant largement l’intervention des keufs, et bloquant brièvement plusieurs chars et contingents liés aux intérêts des entreprises sionistes. Les chars et les contingents solidaires nous ont encouragés et ont levé le poing sur notre passage. Un petit contingent portant des drapeaux sionistes s’est approché. Nous avons tenté de les bloquer en déployant rapidement une deuxième banderole extra-longue, mais la police nous a brutalement poussés sur le côté de la route et a volé notre banderole.

Comme la présence des flics commençait à s’intensifier, nous avons décidé de changer de direction et de revenir vers l’avant du défilé, en suivant et en protestant contre le contingent sioniste. Après avoir interrompu le défilé à plusieurs reprises, nous nous sommes arrêtés à l’angle de Jeanne-Mance et René Lévesque. Là, nous avons bloqué toute la partie arrière du défilé, où se trouvaient presque tous les chars complices.

Pendant ce temps, les cochons, les sionistes, la sécurité privée et les maréchaux de Fierté nous ont attaqués et insultés, tandis que les passants nous encourageaient et scandaient des slogans avec nous. Des membres autonomes des contingents Helem, Mubaadarat et VJI sont revenus nous rejoindre après leur perturbation “die-in” réussie et poignante. D’autres membres de la communauté ont répondu à notre appel public de soutien. Notre nombre est passé à environ 150 manifestants.

Alors que les cochons se multipliaient et revêtaient leur équipement anti-émeute, que les véhicules de transport de prisonniers arrivaient, que Fierté nous suppliait de permettre à leur parade corporative de continuer, que les sionistes nous lançaient des projectiles, que le soleil brûlant du mois d’août tapait sur nous, nous sommes restés fermement en place.

Alors que les flics nous bousculaient, nous tiraient, nous matraquaient, essayaient de voler notre matériel, nous menaçaient et nous brutalisaient devant une foule de nos adelphes queers, nous sommes restés inébranlables et défiants.

Nous avons bloqué le défilé à Jeanne Mance pendant près d’une heure avant que la police et les maréchaux de Fierté, traîtres de classe, ne travaillent ensemble pour rediriger le défilé de l’autre côté du terre-plein de René Levesque.

Après que le défilé soit passé de l’autre côté de la route, nous avons marché sur René Lévesque en scandant des slogans contre le pinkwashing et la police. La grande majorité des passants nous ont encouragés, tandis que certains nous ont crié du vitriol raciste, montrant leur vrai visage d’hommes cis blancs sionistes, capitalistes et colonialistes. Nous nous sommes finalement dispersés dans le métro. Aucune arrestation n’a eu lieu.

Bien que nous n’ayons pas réussi à faire annuler complètement le défilé, nous considérons que cette action a été une réussite.

Nous avons bloqué les chars des entreprises suffisamment longtemps pour que nombre de leurs spectateurs potentiels, situés plus loin sur le parcours de la parade, s’en aillent par ennui. Nous avons montré aux spectateurs queers et aux médias que la police n’a pas peur de brutaliser les queers lors d’une parade de la fierté. Nous avons rappelé au monde que la fierté était née d’une émeute contre la police, et non d’un défilé sponsorisé par des intérêts corporatistes. Nous avons montré qu’en tant que queers de conscience à Tio’tià:ke, comme à Tkaronto, les territoires Salishes côtiers colonialement connus sous le nom de Vancouver, et ailleurs sur l’île de la Tortue et dans le monde, nous n’accepterons pas un génocide en notre nom.

Fuck le pinkwashing
Fuck Fierté Montréal
Police partout
Justice nulle part

Photo : @the_purple_line

L’espoir c’est la lutte : Retour sur la manif de soir du 19 juillet

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Août 012024
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Le 19 juillet, lors d’une nuit calme, plus de 60 personnes se sont rassemblées au centre-ville de Montréal afin de manifester pour la Palestine. La manifestation a été annoncée sans l’aide des médias sociaux, de sorte qu’aucune présence policière n’était visible sur le lieu du rassemblement. Le récit qui suit provient de quelques participant-es à la manifestation. Nous espérons faire comprendre à celleux qui n’étaient pas là ce qui s’est passé et faire quelques suggestions pour la prochaine fois.

Vers 22 heures, la manifestation s’est mise en marche, une bannière annonçant « L’espoir c’est la lutte » à côté d’un cercle A, et une bannière indiquant « Libération des peuples, libération de la terre » en queue de cortège. Serpentant dans les rues sous les gratte-ciel et les slogans, l’énergie de la foule augmentait progressivement à mesure que nous nous acclimations à l’étrange réalité : pas de flics à vélo, pas de flics anti-émeute, pas de flics devant, derrière ou sur les côtés, juste nous et nos ami.e.s et camarades, et leurs ami.e.s et camarades, et les leurs, notre black bloc et keffiyeh bloc nous protégeant de la centaine de caméras de surveillance enregistreant  inlassablement notre déambulation.

La manifestation a duré seize minutes. Des feux d’artifice ont été allumés à l’arrivée au Square Victoria, où se trouvait le camp Al-Soumoud, démantelé deux semaines auparavant. Les manifestant.e.s ont rapidement commencé à briser les vitrines des banques, ciblant une CIBC et une Banque Scotia. Dans le sens inverse de la circulation sur Saint-Jacques, nous avons été accueillis avec enthousiasme par les fêtards du vendredi soir, qui sont descendus dans la rue pour applaudir, et par les automobilistes qui ont baissé leur vitre pour féliciter les militant.e.s vêtus de noir. Certains passants ont commencé à suivre la manifestation avec enthousiasme alors qu’elle se dirigeait vers la Caisse de Dépôt et Placement du Québec (CDPQ). La CDPQ, qui avait été pointée du doigt par le camp Al-Soumoud un peu plus tôt, a investi 14 milliards de dollars dans des entreprises complices du génocide en Palestine. Bien que ses fenêtres semblaient difficiles à briser, plusieurs d’entre elles ont été graffés, d’autres ont volé en éclats et un fumigène a été lancé par une ouverture dans un espace de bureau, déclenchant avec un peu de chance les gicleurs et causant des dégâts d’eau.

Les sirènes de police sont visibles et entendues de plusieurs directions, mais avant que les commandants du SPVM ne comprennent ce qui se passe, la foule se disperse et disparaît dans la nuit. Il n’y a eu aucune arrestation et personne n’a été blessé.

Alors que les médias de masse ont ignoré la manifestation, des vidéos montrant la marche et les actions directes ont circulé largement sur les médias sociaux, y compris sur un compte en langue arabe avec des centaines de milliers d’abonnés.

La lutte locale en solidarité avec la Palestine a vu une grande variété de tactiques testées en peu de temps au cours des neuf derniers mois. Les manifestations nocturnes organisées sans inviter la police sont une nouveauté dans ce contexte. Nous pourrions envisager d’en faire plus souvent.

Une semaine plus tôt, le 12 juillet, le SPVM a envoyé des policiers anti-émeute pour encadrer les deux côtés d’une petite manifestation nocturne annoncée sur les médias sociaux suite au démantèlement du camp de McGill. Les policiers sont entrés dans la rue le long de la marche et ont préventivement attaqué une bannière de côté, arrachant la bannière des mains des gens, distribuant des coups de matraques et déployant d’énormes quantités de poivre de cayenne. La ténacité de la foule était impressionnante, mais il n’a pas été possible de surmonter ce degré de violence policière et de commencer à transformer la manif en quelque chose de plus grand. Un rôle que peut jouer une manif de nuit sans police est de répondre à de tels événements, en soignant nos esprits militants et en réparant notre confiance, tout en démontrant que le SPVM met ses unités en danger pour rien en intimidant et en réprimant brutalement les manifs, car nos cibles se feront fracasser de toute façon.

Nous souhaitons également réfléchir à la manière dont les différentes formes de manifestations permettent plus ou moins d’aller au-delà de nos réseaux existants. Ce qui est frappant dans les interactions avec les passants enthousiastes le 19 juillet, c’est que la présence policière imposante habituelle lors d’une manifestation combative aurait rendu ces interactions impossibles. La police qui contrôle la circulation redirige généralement tous les véhicules loin d’une marche, et l’ampleur et l’agressivité des unités de police de tous les côtés d’une manifestation sont extrêmement intimidantes, limitant les possibilités d’action dans l’esprit des personnes à l’extérieur – et objectivement. Aucun civil non préparé et sain d’esprit n’essaierait de se joindre à nous. Sans la séparation imposée par la police, nous pouvons imaginer faire davantage à l’avenir pour permettre aux passants volontaires de se joindre à nous et prendre la rue. Il pourrait s’agir d’apporter une réserve de masques à distribuer, de les inviter explicitement à rejoindre la manif et de partager rapidement toute information importante en matière de sécurité de façon amicale avec les personnes qui se joignent à nous.

Un certain nombre de fenêtres sur le parcours de la manif ont malheureusement résisté aux coups de marteau et de roches. Cela soulève la question des outils. Les morceaux de porcelaine comme projectiles sont plus efficaces pour briser les fenêtres que les marteaux ou les roches. Ils sont également plus difficiles à trouver (demandez à un camarade), et il faut faire plus attention en les lançant pour éviter de blesser quelqu’un. À l’avenir, les « équipes marteau » pourraient peut-être faire la première tentative et, si la cible s’avère trop difficile, la confier à une « équipe porcelaine ».

L’enthousiasme suscité par cette nouvelle tactique montre que la communauté est à la recherche d’un nouveau format pour les manifestations. Au-delà des vitrines brisées, l’exploration de ce que les groupes autonomes peuvent faire dans les manifs sans la police laisse entrevoir de nouveaux horizons. Nous pouvons tester de nouvelles tactiques et des mélanges d’anciennes, ou même les délais de réponse de la police dans différentes zones stratégiques de la ville. Nous pouvons également améliorer notre rapidité et notre aisance à employer différentes tactiques afin de ne pas tenter des choses pour la première fois avec des flics dans le dos.

Avec les défis de ces derniers mois dans les manifestations annoncées sur les réseaux sociaux, même dans les contingents, peut-être que ce nouveau format peut aussi être vu comme une stratégie de mobilisation. Si nous jouons bien nos cartes, nous pouvons l’utiliser pour parler au public, en diffusant des idées et des pratiques anarchistes, de sorte que lorsque nous nous présentons en tant que contingent dans une manifestation publique, nos orientations sont connues de celleux qui nous entourent, qui pourraient être plus encouragé.e.s à nous rejoindre dans les actions. Avec un peu de chance, cela nous permettra de trouver un équilibre, d’être prêt.e.s à augmenter les enjeux et à être stratégiques dans la mise en œuvre d’un plan réussi, ainsi que d’être prêt.e.s à répondre de manière combative à la violence policière dans les grandes manifestations publiques aux côtés de centaines ou de milliers d’autres personnes. 

Le vendredi a permis de remonter notre moral, de renforcer la confiance et de consolider nos liens de complicité. Nous devons trouver des occasions de remporter des victoires, même minimes, et les célébrer. La même tactique peut être utilisée à des moments stratégiques tels qu’un événement majeur dans la ville, pour atteindre des objectifs stratégiques à court terme, ou en réponse à une répression policière importante.

Berlin (Allemagne) : Attaque contre les foreuses de l’entreprise Bauer et les infrastructures extractivistes ! Solidarité avec la lutte anti-coloniale des Wet’suwet’en !

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Juil 162024
 

De Indymedia.de, traduction de Sans nom

6 mai 2024

À travers le monde, d’innombrables communautés autochtones luttent contre des projets et des infrastructures extractivistes, comme des projets miniers, la fracturation hydraulique, la déforestation ou des pipelines. Dans le territoire occupé par l’État canadien, un énorme projet est par exemple en cours de construction : le Coastal GasLink Pipeline, qui doit transporter du gaz extrait par fracturation hydraulique. Ce projet ne détruit pas seulement des régions entières, mais menace également le mode de vie autochtone des Wet’suwet’en. Le gazoduc doit être construit sur leur territoire en traversant la rivière Wedzin Kwa, qui est essentielle à leur mode de vie en tant que source d’eau et de poissons. C’est pourquoi les Wet’suwet’en s’opposent depuis longtemps à ce projet avec une résistance acharnée en défendant ces terres. Leur résistance se heurte à une forte répression, mais bénéficie également d’une grande solidarité.

Nous voulons montrer que la lutte contre la colonisation, et donc contre l’industrialisation et l’extractivisme destructeur, ne connaît pas de frontières. C’est pourquoi nous avons attaqué une entreprise qui participe et s’enrichit directement sur la destruction des territoires indigènes : l’entreprise Bauer fournit les engins de forage nécessaires au gazoduc Coastal GasLink. Le 6 mai, nous avons donc attaqué par le feu deux de leurs énormes machines de forage sur un chantier de Berlin. Pour cela, nous avons placé sur leurs câbles des engins incendiaires, de l’essence et un pneu.

Le gazoduc Coastal-Gaslink n’est qu’un des nombreux projets extractivistes sur des terres indigènes volées au Canada et dans le monde. Qu’il s’agisse de pétrole, de gaz, de charbon, d’or, de lithium ou d’hydroélectricité et d’énergie éolienne (celles-ci devraient désormais produire de l’hydrogène « vert » au Canada, ce qui intéresse beaucoup l’Allemagne), tous ces projets industriels font partie d’un système colonial qui détruit la terre et élimine les modes de vie indigènes.

Nous sommes solidaires des luttes des Wet’suwet’en contre le projet colonial de gazoduc Coastal-Gaslink.

Que ce soit au Canada, au Chili, au Pérou, dans la forêt de Hambach ou au nord du Portugal, luttons contre les projets extractivistes destructeurs et mettons nos luttes en lien !

Switch off the system of destruction and colonisation !

Davantage de notes à propos du 6 juin 2024

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Juil 032024
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Un court résumé des événements du 6 juin 2024

Aux alentours de 16h, des manifestant•es étudiant•es entrent dans le pavillon James (l’administration) de l’université McGill dans le but de perturber la réunion du Conseil des Gouverneurs (CdG), s’opposant à leur complicité dans le génocide de Gaza. Le CdG est l’instance la plus haute de l’université et c’est elle qui décide où les fonds de dotation sont investis, incluant des compagnies israëliennes, sionistes et d’armement. Des centaines de manifestant•es forment alors un rassemblement autour du bâtiment, quelqu’un•es construient des barricades improvisées avec des clôtures et du mobilier. Une heure plus tard, à la demande de l’administration, une forte présence policière se présente sur le campus, incluant une douzaine de polices antiémeute. Ces derniers prennent le contrôle de l’allée est du bâtiment et tout en prévenant les manifestant•es de protéger l’entrée nord (l’arrière), les confinant donc au côté sud (l’avant) du bâtiment.

Autour de 18h30, les flics entrent la bâtiment à partir de l’entrée arrière. Ils procèdent alors à l’arrestation des manifestant•es à l’intérieur, qui essayent, du mieux qu’illes peuvent, de barricader la salle dans laquelle illes sont. En même temps, les flics attaquent brutalement la manif de support, utilisant leur matraques, poivre de cayenne et gaz lacrymo pour disperser les manifestant•es, qui n’ont abandonnerons pas sans se battre.

Un moment particulièrement drôle capturant Deep Saini se cachant de ses étudiant•es, réfugié derrière le personnel de l’administration au moment de l’expulsion.

Le niveau de violence policière a pris au dépourvu plusieurs manifestant•es: les flics tirent des gaz lacrymos et des balles de caoutchouc au niveau de la tête, visant intentionnellement les personnes avec leur gaz lacrymogènes et utilisant de grande quantité d’irritants chimiques.

À 19h45, une manif débute au campement de l’UQAM (une autre université) pour se rendre à McGill. La marche symbolise la fin du dit campement et est annoncé quelques jours avant; elle n’est donc pas en réaction à l’occupation du pavillon James, mais l’occasion a peut-être nécessité une modification à l’itinéraire, qui sait. La contestation serpente au travers du quartier de Milton-Parc, essayant d’atteindre le bâtiment d’administration, mais leurs tentatives sont contrecarrées par la police qui les suit en bloquant les rues. Finalement, la manif essaye de briser la ligne de flic sur la rue Milton, quelques centaines de mètres à l’est du bâtiment James. Les manifestant•es sont reçu violemment avec du poivre de cayenne des flics en vélos, backé par l’antiémeute. Dans la confusion qui s’ensuit, les manifestant•es courent, et de quelconque manière, atteignent le campus inférieur (lieu où se situe le campement). 

Tranquillement, le monde de l’UQAM se regroupe là et joignent leur forces des gens de McGill. Ceux•ses qui sont encore en état recommencent à marcher, ne se laissant pas abattre par la pluie torrentielle. La manif serpente une autre fois les rues, les antiémeutes bloquant de toute évidence le chemin qui pourrait les mener au James. Une fois sur Sherbrooke, une vitre de la banque Scotia est éclatée. La manif continue, déambulant dans Milton-Parc et se dirige vers l’est, elle se disout éventuelement sur St-Laurent.

Quelques réflexions

L’auteur•e de ces réflexions applaudit tout le monde qui a participé à l’occupation ou aux manifestations, et espère que les pensées qui suivent ne seront pas prises comme des critiques défaitistes, mais plûtôt des idées à réfléchir, discuter et débattre pour aller de l’avant.

    1    Sur la communication: annoncer publiquement la réunion du CdG sur les réseaux sociaux aurait rendu l’occupation du James impossible, l’admin aurait appelé les flics en prévention et la réunion se serait déplacé en ligne. Toutefois, je pense encore qu’il aurait été utile si les gens de McGill avaient partagé cette info avec des camarades uqamien•nes de confiance. D’une part, ça leur aurait permis de devancer l’heure de leur rassemblement pour pouvoir rejoindre la manif de support à temps. Ça l’aurait aussi facilité l’échange d’informations et de matériel, à savoir des cordes permettant aux occupant•es de s’échapper aux travers des fenêtres et des objets pour bloquer la porte arrière. Sur le dernier point, je pense que plus de travail de renseignement aurait dû être fait pour s’assurer que chaque entrée soit géré.

    2    Sur les conditions métérologiques: la grosse pluie a créé des conditions uniques qui a eu son lot de réussites. Même si la température a pu en décourager plus d’un•e à assister au rassemblement, elle a atténué la portée du poivre de cayenne et des lacrymos et justifié la présence des parapluies. Bien sûr, les lunettes et les masques se sont prouvés utiles cette journée là. Le vent était aussi au rendez-vous: des vidéos montrent des flics antiémeute se poivrer eux-même à cause de cela. Les conditions météorologiques et le relief du terrain (élévation, obstacles) semblent encore être des zones relativement non explorés en terme d’organisation de manifestation.

    3    Sur les objectifs: la manif de l’UQAM et subséquemment celle de Lower Field avaient apparemment pour but de se rendre au James. À mon avis, autre que sa signification symbolique, cet objectif fait peu de sens, considérant que les flics avaient déjà envahi le bâtiment avant même que la manif ne soit commencée. De plus, les longs chemins sinueux n’aidaient pas à se rendre à la destination, les flics sachant constamment où nous allions. Néanmoins, la tenacité et la témérité des manifestant•es est un élément à prendre en considération et à saluer. Des camarades plus âgés ont dit que la manif leur rappelait les manifs de soir combatives de 2012.

    4    Sur la composition de la manifestation: le contingent UQAM a eu quelques confrontations avec la police, intransigeante à nous prévenir de nous rendre au James. Comme expliqué au dernier point, j’ai encore de la difficulté à comprendre l’objectif. Cependant, il y aura peut être un moment dans le futur où des confrontations similaires se prouveront cruciales pour parvenir à nos buts. Je partagerai donc mes takes sur les deux confrontations notables:

    •    La première est survenue avec les flics à vélo qui empêchaient d’avancer davantage sur la rue Prince-Arthur. Après s’être arrêté pendant un petit bout, les manifestant•es se sont avancé•es vers les flics en criant « Bouge! », pour leur donner un goût de leur propre médecine. Quelques roches furent lancés, de manière désinvolte. Malgré l’aspect comique à la situation, les flics n’ont pas cédé, quelques-uns déployant du poivre de cayenne et d’autres menaçant la foule avec leurs vélos. La manif a donc rebroussé chemin. Selon moi, la manif n’a pas foncé assez rapidement pour instiller une peur psychologique chez les flics. C’est comprenable, les manifestant•es n’avaient pas beaucoup d’équipements à leur disposition pour neutraliser les bicyclettes.

    •    La seconde confrontation s’est déroulé sur la rue Milton, où des vans de police étaient déployées tout le long de la rue, réduisant la mobilité pour les deux côtés. Encore une fois, les manifestant•es ont confronté les flics à vélo, mais cette fois-ci avec contact, leur détermination s’étant durçi. Les trois premières rangées tenaient respectivement les items suivants: bannières, parapluies et mâts de drapeau. Les manifestant•es ont tenu la ligne pendant un bout, mais elle tomba en désarroi après l’usage intensif du poivre de cayenne de la part des flics et l’arrivée de la police antiémeute. Je crois qu’avec plus d’entraînement, discipline et expérience, les manifs pourraient rester groupées en attendant l’arrivée des médics ayant la tâche de s’occuper des personnes qui se sont fait poivrés. Cela préviendrait le retrait désorganisé et individualisé qui s’ensuit habituellement. Je crois aussi que faire déborder la manif sur les trottoirs et attaquer leurs flancs (tout en laissant une route de sortie pour les flics) serait plus stratégique. 

Il vaudrait la peine de réfléchir à une autre tactique lorsque les flics bloquent l’entrée d’une zone, celle de séparer la foule en deux groupes ou plus, à condition que les groupes restent assez gros. Chacun prendrait une route différente pour essayer d’étendre et affaiblir le dispositif policier. Cela permettrait aux manifestant•es d’augmenter la zone occupée, par exemple le nombre de personnes qui font face à la police au lieu d’attendre au milieu de la foule. Il va sans dire que le succès de tels manoeuvres nécesitterait préalablement un entraînement et une communication constante entre les groupes.

5 Être comme l’eau: notre force réside dans notre habileté à être partout et n’importe où, que ce soit à une manif ou dans d’autres actions. Selon plusieurs camarades, la priorité des flics antiémeute semblait être de protéger le bâtiment James. Cela limitait leur portée de mouvement, et d’autres type de polices semblaient plus intéressés à suivre la manif que de protéger d’autres cibles potentielles, comme la Banque Scotia. Plus largement, ces événements illustrent une assymétrie entre les gens et les forces de l’État: la première, tel une cavalrie des steppes, a plus de difficulté à défendre un endroit, mais est plus agile; la dernière, tel une infanterie lourde, est plus forte dans les confrontations directes (à moins d’avoir un désavantage numérique significatif), mais est moins mobile. Alors que la police a plusieurs types de véhicules à sa disposition, ils peuvent être ralentis en mettant des objets dans la rue. Je suis conscient•e que cette pratique a une mauvaise réputation parce qu’elle ne ralentit pas vraiment les flics antiémeute et peut être un risque de trébuchement pour nous. Ceci étant dit, dans des rues plus étroites, elle s’est montrée efficace pour créer une distance entre les flics à vélos et les vans, donnant aux manifestant•es du temps pour se regrouper après une déroute.

Au-delà du campisme

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Juil 022024
 

De Mauvais Sang

Alors que le massacre insupportable à Gaza par Tsahal et ses milliers de morts continue et prend actuellement une tournure encore plus abjecte avec l’offensive sur Rafah, le climat actuel dans le milieu politique nous a poussé à écrire cet article pour redire quelques observations qui devraient être des évidences pour tout révolutionnaire anti-autoritaire : comme dans tout endroit existant sur cette planète, il existe en Israël comme en Palestine, nombre de personnes en lutte contre les différents pouvoirs qui les oppriment.

En Israël des manifestations s’enchaînent tous les week-ends depuis plusieurs mois pour réclamer un cessez-le-feu, et demander le départ de Benjamin Netanyahu et de son gouvernement, accusés de continuer une guerre inutile et meurtrière à Gaza pour se maintenir au pouvoir, tout en empêchant la libération des otages israéliens détenus par le Hamas par leur volonté de poursuivre aveuglément les combats.

Si les massacres qui se sont déroulés lors de l’attaque dirigée par le Hamas le 7 octobre dernier avaient choqué le pays et fait croire à une courte période d’union nationale, les contestations s’étaient rapidement élevées dès mi-octobre 2023 pour réclamer à l’État d’avoir pour priorité la libération des otages. Alors que le gouvernement israélien s’est entêté à poursuivre la guerre, occasionnant des dizaine de milliers de morts, ces manifestations en soirée se sont intensifiés jusqu’à faire descendre des dizaines de milliers de personnes dans la rue. Le 6 mai dernier, dans la manif’ la plus massive depuis des mois, des protestataires ont bloqué l’autoroute Ayalon, allumant des feux sur leur passages, et certains manifestants ont assailli l’entrée du Ministère de la Défense avant d’être repoussés par la police.
Ces manifestations viennent rappeler le mouvement de contestation qui avait provoqué des grèves massives et fait sortir plusieurs centaines de milliers de manifestants l’an dernier, et ce jusqu’en septembre 2023, contre la réforme de la justice. Il s’était élargi en partie à la contestation de la politique mené par le gouvernement israélien vis-à-vis des palestiniens, mais aussi à la montée de l’influence politique des mouvements d’extrême-droite sionistes ou religieux ultra-orthodoxes. Lors de certains de ces rassemblements, considérés comme faisant partie des plus massifs de l’histoire du pays, les participants étaient parvenus à plusieurs reprises à bloquer des autoroutes importantes, parfois dans plus de 150 endroits à travers Israël, des voies maritimes, et à un des moments culminants du mouvement en termes d’intensité, à s’approcher de la résidence de Netanyahu.

Aujourd’hui, les opposants à la réforme judiciaire, les familles des otages et les refuzniks, les jeunes israéliens qui refusent le service militaire obligatoire et sont pour ceci passibles de prison, se mêlent dans la rue. Le gouvernement, usant de la vieille et habituelle rhétorique nationaliste d’union sacrée, a dénoncé ces manifestations comme un « cadeau » fait par les israéliens au Hamas, tandis que la police a réprimé brutalement les rassemblements et arrêté plusieurs dizaines de personnes ces dernières semaines, dont des membres de familles d’otages, notamment pour « incitation à l’émeute ».
Solidarité aux interpellés de ces nuits là et à tous ceux qui luttent en Israël contre l’État, la répression policière et la militarisation.

Depuis qu’il a pris le pouvoir sur le mouvement nationaliste laïc du Fatah en 2007, le Hamas cherche à imposer sur Gaza, par l’application de la charia, son idéologie fondamentaliste religieuse et réprime durement toute contestation de son autorité sur ce territoire déjà éprouvé par le blocus israélien.
Cela n’empêche pourtant pas les gazaouis de se soulever contre le Hamas, sa mainmise sur les ressources économiques ou ses « comités moeurs » qui surveillent l’application des restrictions religieuses. Depuis une dizaine d’années, des manifestations et émeutes font irruption dans l’enclave palestinienne. Des manifestations de grande ampleur avaient eu lieu à plusieurs reprises dans la ville de Gaza en 2015 et en 2017 notamment pour protester contre les incessantes coupures d’électricité, dont le réseau et l’approvisionnement était partiellement contrôlé par le Hamas et le Fatah à l’époque. En 2019, les gazaouis avaient pris la rue en bloquant les routes et en enflammant des pneus pour protester contre les taxations imposées par le Hamas sur des produits de nécessité et contre les conditions de vie inhumaines, entre pauvreté, chômage, pénuries et enfermement, alors que les dirigeants du Hamas ne vivent pas à Gaza et que ses gradés profitent de positions très privilégiées par rapport au reste de la population. En juillet-août 2023, des protestations dans les villes de Gaza, de Rafah, de Khan Younès et dans les camps de réfugiés de Jabalyah et Nusseirat, ont réuni des milliers de palestiniens, après notamment de nombreux appels relayés par le compte Instagram anonyme « Virus Al Sakher » ou « Virus moqueur ». Les palestiniens manifestaient contre les conditions de vie atroces imposées par l’armée israélienne mais aussi contre le pouvoir local du Hamas, dont les partisans ont été la cible de jets de pierre et ont vu leurs drapeaux verts brûlés par les émeutiers. Les gazaouis chantaient notamment « Le peuple veut renverser le régime ».

Face à ces manifestations, le Hamas et sa police ont toujours répondu par une forte répression, en tabassant les émeutiers et en les mettant en prison, en tirant en l’air ou sur la foule. Le Hamas a constamment empêché la propagation des images et des appels sur les réseaux sociaux, même si nombre de témoignages nous sont parvenus et sont chaque jour partagés. Il a aussi, depuis sa prise de pouvoir, condamné à mort et/ou exécuté plusieurs palestiniens, et a beaucoup usé le motif de « collaboration avec Israël ». Le Hamas a en général cadenassé l’expression des désaccords dans l’enceinte de la bande de Gaza, avec une surveillance accrue des gazaouis matérialisé par : les Services de sécurité générale et de ses fichiers sur chaque individu où sont recensés ceux qui ont participé aux manifestations de 2023 ou ceux ayant jugé « immoral » ; un réseau d’informateurs étendu et un encouragement à la délation.

Solidarité avec tous ceux qui à Gaza, en plus de subir les assauts meurtriers répétés de Tsahal et le blocus israélien, descendent dans les rues contre l’autoritarisme militaire et religieux du Hamas.
Les faits rappelés ici montrent qu’en Israël ou en Palestine, des individus se sont toujours battus et se battent toujours contre ceux qui tentent de contrôler leurs vies, qu’ils soient des soldats et des politiques de l’État israélien ou des partisans du proto-État du Hamas (ou même avant, du Fatah). Ces révoltés semblent pour la gauche campiste ne pas exister, tant la volonté est grande d’assimiler tout ce monde à son gouvernement respectif pour maintenir intact son idéologie.

Depuis le 7 octobre, une partie de la gauche et des aires subversives françaises et internationales se vautrent dans un campisme des plus débilitant. Alors que la droite et l’extrême-droite soutiennent de manière obscène le gouvernement israélien, Tsahal, et leur « droit » à la riposte militaire et aux massacres, la gauche sous anti-impérialine, des bouteldjistes de Paroles d’Honneur à Solidaires en passant par les trotskystes, a répondu par un soutien, « critique » ou pas, à ceux qui sont supposés être « le camp des palestiniens », en l’occurrence le Hamas, présenté comme étant la « résistance palestinienne ». Enfin LFI, qui soigne sa période électorale, tire son épingle du jeu en se présentant comme le parti défenseur des opprimés, après avoir fait maintes fois preuve de positions ambiguës sur la Syrie de Bachar al-Assad ou sur le génocide des Ouighours par la Chine.

Hors des plateaux-télés, les occupations étudiantes se succèdent et certaines des revendications qui y sont portées nous interrogent : l’arrêt des poursuites contre les étudiants mobilisés ne nous pose absolument aucun souci, mais une autre revendication qui revient concerne l’arrêt des partenariats avec les universités israéliennes, notamment parce que celles-ci auraient des filières en lien avec l’armée israélienne. Assez cocasse de la part d’étudiants de Science Po, dont une grande partie constitue les futurs politiques, ambassadeurs, bureaucrates des cabinets ministériels, qui collaboreront bientôt avec leur État et leurs armées et tous ceux du monde, quand ils auront enfin fini de boycotter des triple-cheeses. Si cette revendication était obtenue, cela reviendrait à empêcher notamment tout échange universitaire pour les israéliens désirant se rendre en France, peu importe ce que ces israéliens pensent de leur gouvernement, qu’importe apparemment si ces derniers sont des refuzniks ou des émeutiers ayant combattu l’État israélien depuis le printemps dernier ou plus longtemps encore. Récemment, un appel a été lancé à Paris pour demander l’annulation de la venue des exposants israéliens lors d’un salon de l’industrie de l’armement à Paris (« Aucune arme israélienne à Eurosatory »). L’antimilitarisme serait-il devenu sélectif, en fonction du pays qui utilise-vend-achète les nouvelles technologies militaires qui serviront à tuer tous azimuts ? Y a-t-il maintenant les bons et les mauvais missiles ? A-t-on enterré l’internationalisme le plus élémentaire pour de bon ?

Pire encore, une partie de ceux que nous avons cités se baignent lamentablement dans un antisémitisme sous couvert d’antisionisme dans la plus pure tradition soviétique (ou sorialienne). On en viendrait presque à confondre certaines déclarations de gauche avec des saillies dieudonnistes, surtout quand d’aucuns, perdurant ainsi la longue tradition de l’antisémitisme de gauche, viennent accuser de « sionistes » ceux qui critiquent une rhétorique confusionniste ou antisémite de la part de leurs idoles gauchistes qui reprennent le vieux poncif des « juifs nouveaux nazis » ou du lobby sioniste qui contrôle le monde. Ou que d’autres viennent déballer leur nouvelle forme de négationnisme pervers en affirmant que le nazisme ne fut pas « nécessairement antisémite » (vu sur Twitter).

Nous rappelons ici à ces raclures que critiquer Israël, ses massacres, sa colonisation en Cisjordanie et sa politique générale envers les palestiniens est possible sans en appeler à la référence sensationnaliste aux nazis, qui avaient une spécificité assez essentielle : vouloir éradiquer les Juifs (ce qui ne les a pas empêché d’exterminer d’autres impurs et indésirables du IIIème Reich).

En faisant ceci, ces raclures ne rendent service ni aux gazaouis et aux initiatives de soutien, ni à la lutte contre l’antisémitisme.

De l’autre côté de l’échiquier politique, le RN, parti de racelards créé par d’anciens collabos et Waffen-SS, se sent maintenant de tenter de faire gober à tous qu’il est un parti protecteur pour les juifs, en déversant par la même occasion sa bile contre les immigrés maghrébins et arabes.

Quelle époque détestable mais qui ressemble finalement à toutes les autres : comme toujours, la gauche comme la droite nous donnent envie de gerber.

Les actes antisémites ont augmenté partout en flèches et, devant la banalisation, à gauche notamment, de discours, d’actions ouvertement antisémites ou flirtant avec, il nous semble plus que jamais nécessaire de marquer une rupture.

Par ces quelques observations, nous voulons rappeler que la stratégie qui consiste à amalgamer les individus aux États ou aux organisations qui les oppriment est une arnaque factuelle et conceptuelle la plus complète, la réalité ayant toujours contredit ces analyses, et qu’elle équivaut à donner absolution à ces mêmes États, tant ces derniers se frottent les mains en voyant leurs discours si proprement diffusés.
S’il doit sans doute être difficile de penser à autre chose qu’à sa survie quand on est sous les bombes comme les gazaouis le sont actuellement, s’il est sur qu’il est de plus en plus ardu en Israël, où le pouvoir politique mène une intense propagande de guerre et d’union sacrée, de résister aux sirènes nationalistes, nous savons qu’il existe toujours une potentialité pour la révolte là-bas, des deux côtés de la frontière. Il est une nécessité pour les révolutionnaires d’ici et de partout d’affirmer en solidarité que la défense d’un drapeau national n’a jamais émancipé personne dans ce bas-monde et que la bataille ne se mène pas entre nations, entre religions, entre « peuples » mais qu’elle se mène contre ceux qui nous exploitent et nous oppriment, qu’ils soient soldats, religieux, démocrates ou capitalistes !

Retour sur l’émeute du 6 juin

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Juin 162024
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

La journée du 6 juin 2024 devrait rester dans notre mémoire longtemps.

Ce qui c’est passé ce jour là est plus qu’impressionant. Une émeute à émergé spontanément sur la campus de McGill en réponse à la violence policière et suite à une convergence des forces de l’intifada étudiante.

Puisque la couverture médiatique semble taire la force de la résistance de la jeunesse ce jour là, il apparaît important de faire un retour sur les évènements de la journée.

D’abord, une manifestation avait déjà été appelé par les forces de l’Université Populaire Al-Aqsa (UQAM) qui finissait son occupation plus tôt en journée. En parallèle de celà, une occupation du bâtiment de l’administration de McGill a été organisée par des étudiant-es de l’université. C’est autour de cette occupation que l’émeute s’est organisée.

Suite à l’appel au soutien lancé par les groupes de McGill, une centaine ou plus de militant-es ont convergé vers McGill pour soutenir les étudiants barricadés au sein du bâtiment.

La police sur le terrain a agi avec une agressivité démesurée face à la passivité assez forte des personnes présentes. Forçant physiquement les étudiants qui bloquait les portes secondaires vers le rassemblement principale devant la porte avant. Des centaines de policiers ont été mobilisés alors pour sécuriser la zone autour du bâtiment et permettre aux policiers au sein du building d’intervenir pour arrêter les 13 étudiants enfermés en dedans.

L’agressivité de la police ainsi que son effort ridicule pour arrêter une poignée d’étudiants a rapidement fait chauffer les esprits. Les étudiants présents sur le terrain ont donc commencé à se préparer pour faire face à une opération de dispersion de la police. Alors qu’une petite ligne tenait l’Ouest de la zone les forces ont convergé à l’est pour tenir une ligne face aux anti-émeute qui se massait. Aidé-es de militant-es plus expérimenté-es, les étudiant-es ont alors commencé à se tenir dans des formations de défense collective. Peu de temps après la police a tenté une première charge dans les lignes. Surprennement malgré la poivre, le gaz, les boucliers et les matraques, les lignes ont tenu bon à la charge. Alors que le gros des forces en présence semblait composé de militant-es nouvelleaux aux affrontements de rue, les lignes ont tenu à une charge de police et ont réussi à repousser la ligne d’anti-émeute. Peut-être que l’escalade de violence que la police construit depuis le 15 avril a réussi à achever les efforts d’auto-pacification du mouvement. Peut importe ce qui a poussé alors les gens réunis ce jour-là à tenir bon, leurs actions furent plus que louable.

Une partie des gens présents ont alors battu en retraite face aux irritants mais plusieurs d’entre-eux sont revenus ensuite renforcer les lignes. Lignes qui retinrent une seconde charge (notamment en faisant usage de clôtures, de rampes de chantier et d’autres obstacles) avant qu’une troisième charge finissent par percer la ligne d’étudiant-es. La police alors sûrement atteinte dans son égo a procédé à brutaliser autant de militant-es qu’elle pouvait. Au contraire de démobiliser le groupe, cette violence a alors renforcé la rage des militant-es. Qui se sont réunis au milieu du campus.

Pendant que cet affrontement avait lieu, les forces de l’UPA arrivaient en soutien. Prenant position de l’autre côté des forces policières, iels menacèrent de prendre la police en étau avec la manifestation de soutien au sud. Cette situation poussa la police à attaquer la manifestation avec grande brutalité, les étudiant-es essayèrent de résister mais finirent par être obligé-es de battre en retraite jusqu’à l’entrée sud du campus.

Les forces des deux groupes se regroupèrent alors du bord de Sherbrooke et sous l’appel des forces radicales au sein de la manif les forces prirent alors la rue.

Motivé-es à aller chercher les camarades arrêté-es, enragé-es de la violence subie et motivé-es par la force de leur résistance les étudiant-es se sont alors engagé-es dans un harcèlement de ligne de police disposé autour du bâtiment de l’administration. Bien que les forces de la résistance échouèrent à désarrêter les camarades ils forcèrent la police à se renfermer sur leur position.

Alors que la nuit tombait et que la tension recommençait à monter, les étudiants abandonnèrent le campus et prirent les rues autour. Alors les forces de l’intifada étudiante apprirent le langage de l’émeute, des vitrines de banques furent fracassées, des policiers subirent tirs de pyrotechnie et pluie de roches et tous les objets disponibles pour former des barricades furent utilisés pour bloquer l’accès aux véhicules de police alors que les étudiant-es prenaient contrôle des rues pour quelques heures.

Nous devons tirer des leçons de cette journée et s’assurer que le mouvement ne revienne jamais en arrière. L’intifada doit réaliser son plein potentiel.

Une première leçon à tirer est d’abandonner les black blocs dans ce genre de manifestation. En se dispersant dans la foule, les révolutionnaires expérimenté-es réussirent à se mélanger à la foule et lui transmettre la pratique de la résistance face à la police. Adoptons la tenue du mouvement, le keffiyeh bloc est au goût du jour.

Une seconde leçon a tirer est d’adresser la foule clairement dans les manifs et en ignorant les paciflics de tous genres. Alors que des leaders auto-proclamés, apparemment détachés des groupes étudiants, essayaient de disperser et pacifier la foule nos camarades et les étudiant-es plus expérimenté-es expliquaient sur le terrain aux gens comment résister et les encourageaient à tenir le terrain face aux policiers.

Les militants moins expérimentés attendent que celleux qui savent résister les guident dans les gestes et actions. Nous ne pouvons continuer à agir comme une force distincte du reste de la manifestation, nous devons voir dans les visages présents dans la manifestation autant de camarades. Il faut contrer le leadership des opportunistes, paciflics et autres saboteurs.

Dernière leçon, il faut savoir saisir l’opportunité d’escalader quand elle se présente. Lorsque la police commet des erreurs, lorsqu’elle brutalise et révèle son visage, les révolutionnaires doivent être parmi celleux qui restent pour tenir les lignes et encourager la jeunesse à nous suivre. Il faut aussi mettre la police sur la défensive, l’attaquer et la forcer à défendre des cibles précises pour ainsi avoir le champ libre dans la rue.