En août dernier, la publication de notre article sur le Frontenac Active Club semble avoir mis un frein important aux volontés d’expansion de ce groupe d’inspiration néonazie.
Martin Brouillette, de Rawdon, après s’être fait barrer l’entrée du gym où il s’entraînait, nous a contactés pour nous demander de retirer son nom de l’article… pour la sécurité de sa famille. Évidement, sa famille n’a jamais rien eu à craindre des antifascistes, et c’est seulement son propre militantisme suprémaciste blanc et ses nombreuses provocations sur les réseaux sociaux qui ont produit son sentiment d’insécurité. À ce jour, nous n’avons pas d’indice nous permettant de croire que Martin Brouillette poursuit ses activités néonazies… hormis le fait qu’il affiche encore fièrement ses tatouages fascistes sur son compte Facebook, avec ses enfants.
Les autres membres du groupe n’ont plus donné signe de vie, et les publications sur le compte Telegram de FAC se sont réduites, pour l’essentiel, à la republication du contenu généré par d’autres groupes du réseau Active Club international et d’autres affiliés néonazis du Canada anglais. Dernière mention en date : des membres du FAC auraient participé à la plus récente action de visibilité du réseau nationaliste blanc (néonazi) formé autour du groupuscule Nationalist-13, à Toronto, le 3 mai dernier, avec une trentaine d’acolytes de la région et d’ailleurs au Canada.
Quant à celui qui faisait office de leader du groupe, Raphaël Dinucci, de Laval, il n’a pas immédiatement réagi à l’article, mais le changement de leadership au sein du FAC s’est poursuivi, et il s’est progressivement effacé du portrait pour laisser la place à Shawn Beauvais MacDonald. On ne présente plus ce dernier, sulfureux personnage qui s’est illustré dans les dernières années en participant à tous les projets néonazis québécois (Alt Right Montréal, Atalante, White Lives Matter, etc.) et en participant largement à leur autodestruction!
Celui-ci a continué à faire ce qu’il fait le mieux, en dépit de son pseudo « FriendlyFash » : être une personne absolument détestable. On a pu, par exemple, le voir errer seul les fins de semaine sur l’avenue Mont-Royal ou le boulevard Saint-Laurent, portant des vêtements ostentatoires à la gloire d’Adolf Hitler, faisant semblant de lire en terrasse et attendant des provocations antifascistes qui ne viennent pas (nous ne sommes pas complètement idiot·es). Seul, il ne l’a pas toujours été, puisqu’il a durant quelques mois pris sous son aile la très jeune et raciste Sandrine Girardot (dont nous avons déjà parlé) en l’hebergeant chez lui. Il semble, au vu de récentes publications, que le militant neonazi de 40 ans se soit finalement conduit avec la jeune Girardot (24 ans) comme l’ordure et le prédateur qu’il est.
Mais venons-en au principal objet de cet article : David Barrette, de Saint-Jean-sur-Richelieu.
Contrairement aux autres membres du Frontenac Active Club, que la discrétion en ligne caractérise (à l’exception notable de Beauvais-MacDonald), David Barrette a plutôt tendance à repousser les limites de l’expression ordurière avec ses discours haineux en ligne. Il fait l’éloge d’Hitler, compare la forme des crânes de différentes « races » en fonction de leur intelligence et se moque des meurtres de personnes racisées aux mains de la police; rien n’est trop raciste (ou même trop nazi) pour Barrette. Les normes de modération de Facebook étant désormais pratiquement inexistantes, Barrette est libre d’y publier quotidiennement ses élucubrations nazies sans aucune répercussion.
Il est également clair que la police et les tribunaux au Québec ne sont pas vraiment intéressés à combattre les discours haineux en ligne. Qu’on en prenne pour preuve leur inaction totale devant des infractions claires et répétées, ou le pitoyable bâclage de l’affaire contre Gabriel Sohier Chaput, alias « Zeiger ». Au risque de nous répéter, il est à nouveau évident que c’est à la communauté dans son ensemble qu’incombe la responsabilité de lutter contre les marées montantes du racisme et du fascisme, qu’il s’agisse de personnes alignées sur l’antifascisme militant, ou de quiconque désire prendre des mesures concrètes.
Nous avons été choqués récemment de voir Barrette franchir un nouveau pas dans la violence en ligne. Dans un récent message, il a écrit : « Fuck your optics, I’m going in » [« Je me fous des apparences, je me lance »] – une référence claire à la phrase qu’a publié le tireur de la synagogue Tree of Life, à Pittsburgh, en octobre 2018, juste avant de tuer onze personnes de confession juive –, ce qui peut raisonnablement donner l’impression que Barrette est lui aussi sur le point de se lancer dans un massacre de même nature. Il a peu après fait suivre son message d’un « Je plaisante… », et le fait que rien ne se soit produit tend à confirmer qu’il « plaisantait » effectivement, mais ce type de « plaisanterie » (surtout venant d’un antisémite décomplexé comme Barrette) n’est pas à prendre à la légère.
Nous avons déjà établi dans notre dernier article que David Barrette est une menace constante pour nos communautés – il a attaqué un rassemblement pro-LGBTQ+, diffuse des discours haineux en ligne comme d’autres respirent, et il a des antécédents de violence documentés par son casier judiciaire (voir plus loin dans cet article) –, mais le fait de déclarer publiquement qu’il se prépare à commettre une fusillade de masse est clairement un drapeau rouge, peu importe qu’il « plaisante » ou non. Prédire les fusillades de masse est une tâche pratiquement impossible, de l’avis même des spécialistes en la matière, mais nous pouvons au moins attester que Barrette présente un grand nombre de signaux d’alarme en ce qui a trait à ses opinions nazies extrêmes, et qu’il les a déjà mises en pratique en dehors du monde virtuel (que ce soit en s’organisant avec le Frontenac Active Club ou en attaquant physiquement des personnes LGBTQ+ lors d’une manifestation). Nous pensons que la collectivité doit être informée de cette affaire et la prendre très au sérieux, mais il nous apparaît particulièrement important de la signaler à son employeur, l’entreprise GloboTech Communications (ou plus simplement Globo.tech).
Barrette est très prolifique sur la plateforme de clavardage IRC, où lui et quelques autres minables passent leurs journées à dire de la merde absolue, ou dans le cas de Barrette, à parler de son amour pour Hitler et de sa haine des personnes racisées et LGBTQ+. À un moment donné, il mentionne : « j’ai un collègue arabe et je l’aime bien »… On ne peut qu’imaginer à quel point cette relation de travail doit être intense. D’autant plus qu’à un autre moment, il dit : « jparle avec des juives, des noires, des arabes… »… « jleur dit ouvertement que le but c’est de deporter (des) millions de personnes comme eu » (sic). Et croyez-le ou non, c’est l’une de ses réflexions les plus cohérentes, parmi les divagations d’un nazi halluciné qui se nourrit de haine.
Un petit répit comique est venu interrompre ce flot incessant de haine sur IRC, le mois dernier, lorsque Barrette a accidentellement publié une photo de sa bite dans le clavardoir du groupe #montreal — et les réactions étaient impayables :
Nous savons que plusieurs personnes préoccupées et se sentant concernées par la lutte contre les idées haineuses ont contacté Globotech, l’entreprise qui emploie David Barrette. Étrangement, cette entreprise semble insister pour protéger le néonazi : aussitôt que son nom est mentionné, que ce soit au téléphone, par courriel ou par le service de clavardage, les représentant·es de l’entreprise n’ont soudainement plus rien à dire.
Récemment, des camarades nous ont informé·es du lourd dossier criminel de David Barrette, pour des faits qui laissent présumer que le principal intéressé pourrait avoir un profil de récidiviste violent. Un survol de son dossier criminel nous montre qu’il a été déclaré coupable de menaces de mort ou d’avoir causé des lésions, de menace de brûler ou d’endommager des biens, de complot, de non-respect de probation…
À propos des multiples noms de domaines gérés par Barrette (nous avons déjà établi que les domaines national-socialists.club et freespeech.club lui appartiennent) nous ne sommes pas en mesure de prouver qu’ils sont hébergés chez GloboTech, puisqu’ils sont cachés derrière Cloudflare.
Toutefois, nous avons découvert une chose très intéressante dans les enregistrements MX (Mail eXchange, une liste de serveurs qui ont le droit d’envoyer des courriels pour le compte d’un nom de domaine). En effet, Barrette avait inclus une des adresses IP de Globo.tech dans la liste des serveurs acceptés pour freespeech.club et national-socialists.club. Seuls les administrateurs de GloboTech peuvent savoir si les sites web (dont l’un est clairement à caractère nazi) sont hébergés sur leurs serveurs, mais les enregistrements MX montrent que Barrette avait au minimum l’intention d’utiliser les serveurs de Globo.tech pour envoyer des courriels à partir de ses sites.
Les responsables de Globo.tech semblent penser qu’illes peuvent rester neutres dans la situation actuelle, mais la neutralité n’existe pas, et encore moins lorsqu’elle sert à protéger un nazi qui attaque des manifestations LGBTQ+, propage la haine sur Internet et fait au passage allusion à des tueries de masse.
Et lorsque GloboTech protège David Barrette, l’entreprise elle-même en devient malheureusement complice, d’autant plus si par son inaction, elle lui permet d’utiliser ses ressources pour diffuser de la haine.
GloboTech ne peut pas faire l’autruche plus longtemps.
Commentaires fermés sur L’enfer est brun, l’enfer est rouge : le « communisme » dévoyé de l’ASLN rencontre le nationalisme ethnique de Nouvelle Alliance
En février dernier, la page FB Poubelle Alliance, qui se donne un malin plaisir à satiriser le groupuscule identitaire Nouvelle Alliance (NA), dont nous avons souvent parlé (notamment ici et ici), révélait de présumés liens naissants entre ce dernier et l’Action socialiste de libération nationale (ASLN, anciennement, le Parti communiste du Québec).
Nous savions déjà que cette formation marginale appartient à un segment de la gauche qui ne nous charme pas tant : ringarde et poussiéreuse dans ses idées, nationaliste, antiwoke (c’est-à-dire, en langage clair, réactionnaire) et, fidèle à la tradition rouge-brune, complaisante envers des régimes autocratiques. (Après avoir quitté Québec Solidaire pour appuyer le Parti québécois des « camarades » Péladeau et Lisée – voir « Le Parti communiste appuie… le PQ » [Le Journal de Québec, 2018]; « Des communistes séduits par PKP » [La Presse, 2014] – , l’aile jeunesse du parti aurait été séduite par les sirènes du stalinisme, notamment en réhabilitant Enver Hoaxa, qui fut le premier ministre de l’Albanie pendant plus de quarante ans, et le dictateur roumain Nicolae Ceausescu.)
Un rapide coup d’œil au site internet et aux communications récentes de l’ASLN (dont des tentatives de mèmes qu’on ne pourrait décrire autrement que comme ultrapoches) suffit à révéler le caractère profondément cringe de cette bébitte, à la fois sur le fond et dans la forme.
Folklorique galerie de portraits mise en évidence lors d’un « camp de formation » de l’ASLN, en février dernier. On reconnaît à droite le toujours actuel et pertinent Joseph Staline. Yikes.Un échantillon de la mémétique avant-gardiste de l’ASLN.
La nature exacte des liens entre l’ASLN et Nouvelle Alliance restait à définir, mais plusieurs indices tendaient à en valider l’hypothèse. Il est a priori pour le moins étrange qu’une formation qui se veut de gauche, tout réactionnaire soit-elle, tende littéralement la main à des militants situés à l’extrême droite de l’échiquier politique sur la base d’une aspiration commune à l’indépendance du Québec, mais nous avons désormais la preuve tangible de ce rapprochement.
Le 24 mars dernier, l’ASLN a mis en ligne une invitation à un « Colloque des patriotes » devant avoir lieu à Desbiens, au Saguenay-Lac-Saint-Jean, les 3 et 4 mai prochain, au programme duquel figure un « débat » entre les « chefs » de l’ASLN et ceux de Nouvelle Alliance. S’en est suivi une série de publication sur TikTok et Instagram où Billy Savoie, le « chef » de l’ASLN, fait la promotion de l’événement et du débat en question, en promettant notamment de confronter les militants de Nouvelle Alliance sur leurs « niaiseries ». Et d’autres mots concernant de la tourtière et des œufs cuits durs.
Nous persistons pour notre part dans la conviction qu’ouvrir le débat avec des ethnonationalistes revient à les légitimer, et que cette ouverture à leur égard est en réalité un signe d’ouverture à leurs propositions toxiques.
De plus, il est permis de se demander si l’ASLN porte réellement des positions susceptibles de remettre en question les « niaiseries » de Nouvelle Alliance ou de créer un « débat » un tant soit peu intéressant ou pertinent. (Spoiler alert : nos attentes sont basses.) Voici à ce propos la réponse éclairante de Billy Savoie à un message laissé sous la publication faisant l’annonce du colloque :
Le « chef » de l’ASLN, Billy Savoie, explique ici à un internaute que le communisme de son organisation n’est pas d’extrême gauche… On ne peut qu’approuver.
Nationalistes antiwokes, se défendant d’être réactionnaires en mettant de l’avant des personnes de couleur tokenisées… jusque là, la différence avec Nouvelle Alliance paraît assez mince. Fans du Parti Québécois, catholaïques et opposés à « l’immigration massive », on dirait plutôt que la communiste ASLN cherche à rivaliser de régressisme avec Nouvelle Alliance pour se tailler un créneau sur l’échiquier nationaliste/indépendantiste… mais drapée de rouge.
Vouloir nationaliser les multinationales – si elles sont étrangères – et encourager les PME – si et seulement si elles sont marquées du sceau national – c’est plus ou moins cohérent dans une authentique perspective communiste, pour un ensemble de raisons assez évidentes. Le communisme sans l’abolition des systèmes oppressifs, c’est déjà un communisme dévoyé, mais se déclarer communistes ET nationalistes, tout en proposant des politiques sociales plus ou moins identiques à un groupuscule d’extrême droite, ça devient carrément du rouge-brunisme toxique.
En l’occurrence, l’Action socialiste de libération nationale semble surtout jouer le jeu de Nouvelle Alliance en légitimant leur démarche et en leur donnant une plateforme supplémentaire pour faire valoir leur vision étriquée de la nation canadienne-française.
NA s’est toujours prétendue ni de droite ni de gauche, malgré sa plateforme clairement réactionnaire et la horde de ses sympathisants fascisants, quasi-fascistes et full-blown fascistes! En donnant la parole à ces militants logés à l’extrême droite, quoi qu’en en disent ses « chefs », l’ASLN semble se fendre en quatre pour amplifier leur message.
Quant à NA, elle se retrouve ici avec les seuls confus (c’est le moins qu’on puisse dire) qui acceptent encore de leur parler.
Avec cette dérive évidente, l’ASLN perd des plumes; ses militants sont persona non grata dans les milieux indépendantistes, et certains des initiateurs du groupe n’apparaissent plus dans leurs publications.
Est-ce que devenir chummy-chummy avec l’extrême droite aurait pu créer des tensions au sein d’une formation théoriquement de gauche? Qui sait, peut-être que les autres membres de leur exécutif comprendront à qui profite vraiment ce rapprochement grotesque…
Un des « chefs » de l’ASLN, Sébastien Paquette, sympathise avec le « chef » de Nouvelle Alliance, François Gervais.
Bonus track :
Billy Savoie, qui est semble-t-il enseignant au secondaire, donne à lire à ses étudiant·es de secondaire 5 un livre d’Alexandre Dougine, qui est tristement connu pour être la conscience idéologique de Vladimir Poutine, et pour être le fondateur du mouvement National-Bolchévique. Et la la.
Commentaires fermés sur Ce qui se passe en Turquie d’un point de vue anti-autoritaire
Avr052025
Soumission anonyme à MTL Contre-info
Pourquoi le soulèvement actuel en Turquie mérite d’être soutenu
Contexte
La République de Turquie, fondée sur le génocide des Arméniens dans la région dans un élan nationaliste et meurtrier, n’a pas beaucoup changé au cours du siècle dernier. Pour les non-musulmans, les Kurdes, les Alevis et les femmes qui ne détenaient ni la majorité ni le pouvoir, l’État et sa société ont toujours été une source d’oppression.
Mais à partir de 2002, en raison de la dictature d’Erdoğan, l’oppression, la pauvreté, la violence et l’exploitation ont commencé à se faire sentir également par la majorité de la société. En 2013, suite à des interdictions et oppressions croissantes, des millions de personnes sont sorties dans la rue pour défendre leurs libertés lors des émeutes du parc Gezi. Ce moment insurrectionnel a eu lieu dans des villes de tout le pays. La résistance qui a duré des mois s’est terminée par des attaques policières sans précédent à l’échelle nationale, au cours desquelles huit jeunes âgés de 15 à 22 ans ont été tués et des milliers d’autres arrêté·e·s. Depuis 2014, l’État turc est devenu un État policier et, après la tentative de coup d’État fictif de 2016, il est dirigé avec un autoritarisme absolu sous l’état d’urgence. Depuis 2021, en raison de la crise économique qui s’est intensifiée de manière exponentielle, 60 % de la population vit désormais en dessous du seuil de pauvreté.
Des millions de personnes, plongées chaque année dans une misère plus grande, croyaient à chaque élection que le gouvernement et donc cette situation changeraient. Mais Erdoğan, qui contrôle les médias et le système judiciaire, a répandu la peur et la manipulation pour éviter que que cela ne se produise. Entre-temps, afin d’empêcher les groupes opprimés de se rassembler, il a créé une haine profonde au sein de la société, qualifiant chaque jour une nouvelle communauté d’ennemi-terroriste-agent étranger : Kurdes, Alevis, étudiant·e·x·s, syndicalistes, avocat·e·x·s, journalistes, intellectuel·le·x·s. Pendant que ces personnes étaient emprisonnées pour terrorisme par les tribunaux d’État, d’autres encore en liberté étaient, elles, trompées par la propagande selon laquelle les emprisonné·e·x·s étaient des terroristes. « Terrorisme » est devenu pour Erdoğan un mot magique afin de maintenir son pouvoir, tandis que les personnes qui défiaient l’autorité finissaient en prison, en exil ou partaient à la mort. Ainsi furent créé·e·x·s des individu·e·x·s zombifié·e·x·s et une société qui jour après jour perd de son pouvoir d’action et s’effondre politiquement, économiquement et moralement. C’est dans ce contexte précis que le soulèvement actuel est mené. Par des jeunes qui n’ont jamais connu d’ autre soulèvement de masse de leur vie, mais qui sont descendu·e·x·s dans la rue en disant « rien ne peut être pire que de vivre ainsi ». Des millions de jeunes qui ont été élevé·e·x·s en apprenant que les ancien·ne·x·s rebel·le·x·s étaient des terroristes et que l’État et la police étaient, du moins en théorie, des amis. Ces millions de jeunes sont maintenant confronté·e·x·s à une réalité radicalement différente. Examinons de plus près ces manifestations.
Vers le « coup d’État » du 19 mars
Le matin du 19 mars 2025, des centaines de policiers ont arrêté chez lui Ekrem İmamoğlu – le maire d’Istanbul, pressenti candidat à la présidence lors des prochaines élections et qui pourrait vaincre Erdoğan – pour terrorisme et corruption.
Si l’incident a suscité une indignation générale en Turquie et dans le monde entier, Imamoğlu n’était pas le premier maire métropolitain en Turquie à être révoqué et détenu par les tribunaux turcs. Depuis 2016, de nombreux maires élus de villes kurdes ont été révoqués, arrêtés et remplacés par un fonctionnaire dans le cadre d’opérations similaires.
Le fait que ces maires kurdes aient été accusés de cette infraction magique de terrorisme a convaincu la majorité de l’opinion publique turque de légitimer cette situation et de ne pas s’y opposer. Le silence face à cette injustice dans les villes kurdes a permis à Erdoğan de faire de même avec d’autres maires dirigés par le CHP (Cumhuriyet Halk Partisi, Parti Républicain du Peuple – deuxième plus grand parti politique, centre-gauche nationaliste turc) et a ainsi préparé le terrain pour ce « coup d’État » du 19 mars. La détention sous l’accusation magique de terrorisme de cet homme privilégié, sunnite, turc, riche, très populaire et politiquement assez puissant pour s’opposer à Erdogan, a provoqué un choc et un scandale immenses. Le message est clair : désormais, l’honneur d’être un terroriste pourrait être attribué non seulement aux personnes marginalisées, mais également à quiconque ne se serait pas rangé du côté d’Erdoğan.
Alors que la contestation publique s’est faite détruire un peu plus chaque année, les personnes ayant gardé le silence par respect pour les institution que représentent l’État, les médias et les tribunaux se retrouvent soudain parmi les cibles du Régime. Ainsi, des milliers de jeunes aux rêves étouffés sous le poids de la pauvreté, des restrictions et de l’oppression, non encore étiqueté·e·x·s comme terroristes, se sont soudainement réveillé·e·x·s pour laisser éclater leurcolère. Le 19 mars, iiels sont descendu·x·e·s dans les rues de nombreuses villes de Turquie pour amorcer des manifestations. Bien qu’il est difficile de dire que les manifestant·x·e·s soient homogènes, il est possible d’affirmer que la majorité d’entre elleux sont des membres de la génération Z sans aucune expérience préalable de contestation pour les raisons décrites ci-dessus. Ce sont des jeunes qui jusqu’à présent n’ont pas pu sortir de la bulle de peur créée par le gouvernement et qui ont été exposé·e·x·s à l’ingénierie sociale très intense de l’État turc par le biais d’institutions telles que l’école, les médias, la famille, etc. À présent privé·e·x·s de respirer par désespoir, iiels veulent le changement. Bien que la détention d’Ekrem İmamoğlu ait été l’étincelle qui a poussé ces jeunes à descendre dans la rue, iels ont commencé à exprimer leur colère et leurs revendications sur de nombreux autres sujets en clamant « la question ne concerne pas seulement İmamoğlu, vous n’avez pas encore compris cela ? ».
« Rien n’est plus horrible que de vivre de cette façon. »
Faire face à l’État et surmonter le mur de la peur
Comme presque tous les rassemblements en Turquie, ces manifestations ont été réprimées avec une violence massive par la police. Pour la première fois, les manifestant·e·x·s ont été confronté·e·x·s à la police, qui non seulement voulait disperser la foule, mais aussi faire payer cher à quiconque le prix de sa présence. Une police qui considère avoir le pouvoir de punir les gens sans besoin de jugement; une police arrogante et brutale vouant une haine personnelle envers les manifestant·e·x·s et un plaisir personnel à les torturer, une police sûre de ne pas être tenue responsable de ses actes de violence. Les manifestant·x·e·s, qui jusqu’alors considéraient la police comme un métier parmi d’autres, similaire à l’enseignement, aux soins infirmiers ou à l’ingénierie, n’avaient pas conscience qu’en traquant lesterroriste d’hier, la police s’était transformée en une sorte de mafia monstrueuse. En une nuit, des milliers de jeunes ont vu la loi punitive de l’ennemi s’appliquer à leur encontre et ont été brutalement attaqué·e·x·s par la police à l’aide d’une quantité incroyable de gaz lacrymogènes, de balles en caoutchouc et de canons à eau. Face à cette attaque massive, la majorité de ces jeunes ne savait pas comment se protéger, comment prendre soin les un·x·e·s des autres, comment s’organiser. Pour beaucoup d’entre elleux, répondre à la police revenait à être un·x·e traître ou un·x·e terroriste. Une partie de la jeunesse s’est alors figée, tandis qu’un plus grand nombre, pensant n’avoir rien à perdre, a brisé la légitimité de la police et a riposté à la violence policière. Saisissant l’occasion d’exprimer leur colère pour la première fois, iels se sont couvert le visage et ont jeté tout ce qu’il leur était possible sur la police, ont dansé devant les canons à eau découvrant que le pouvoir et la légitimité de la police étaient des choses qui pouvaient être surmontées. Il ne semblaient pas y avoir de plan stratégique pour la suite de cette manifestation, ni de conscience politique bien réfléchie. La nuit a été dominée par la colère et le sentiment d’avoir été pour une fois entendu·e·x·s, ce qui en soi était hautement politique. Mais la nuit c’est également terminée par de nombreuses blessures et arrestations.
C’était la première fois, depuis 2013, qu’émergeait une manifestation si massive, avec des heures de résistance contre la police. Bien que les manifestations n’aient été diffusées sur aucune chaîne de télévision, elles ont été suivies par de nombreuses personnes via les réseaux sociaux. Le mur de la peur a été franchi par de nombreuses personnes qui ont réalisé qu’il était possible de défier l’État et de se rebeller. Le lendemain, de plus en plus de personnes descendaient dans les rues d’autres villes de Turquie pour manifester. Au même moment, l’État turc a restreint les bandes passantes web dans tout le pays et il fallut soudain plusieurs minutes pour télécharger ne serait-ce qu’une vidéo de dix secondes. Les manifestant·x·e·s expérimenté·e·x·s, qui ont soutenu les manifestations à la fois dans la rue et en ligne, ont informé les gens que ce problème pouvait être surmonté avec de VPNs. Et cette fois, par le biais d’Elon Musk, l’État turc a bloqué l’accès à environ 200 comptes X de journalistes, d’associations juridiques, de collectifs de médias et de partis politiques. Le même jour, le Haut Conseil de la radio et de la télévision (RTÜK) a interdit toute diffusion en direct sur les chaînes de télévision. Toujours le même jour, bien que cela n’ait pas de lien direct avec les manifestations, le conseil d’administration du barreau d’Istanbul, connu pour s’opposer à Erdoğan, a été dissous par décision de justice.
Au même moment, de nombreux·ses avocat·e·x·s de différentes villes qui souhaitaient défendre les manifestant·x·e·s détenu·e·x·s ont également été arrêté·e·x·s dans les commissariats et les palais de justice. Le nombre de personnes détenues ne cessait d’augmenter. Certaines ont directement été condamnées à des peines de prison ou à des assignations à résidence. Le maire, Ekrem Imamoğlu, et une centaine d’hommes politiques, qui avaient été arrêtés la veille, étaient toujours interrogés au poste de police. Toute cette oppression et la peur en découlant n’ont pas découragé les gens de manifester dans les rues, mais ont au contraire renforcé leur détermination. Pendant les manifestations, les députés qui prenaient le micro et prononçaient des discours en espérant l’aide des élections et de la loi étaient hués. Les jeunes faisaient pression sur les députés pour qu’ils appellent à descendre dans la rue, et non aux urnes, et cela a été accepté. Ce moment en lui-même a marqué un nouveau seuil, car « appeler à descendre dans la rue » avait été reconnu comme illégitime pendant des années dans la loi et la société fabriquées par Erdoğan. Le fait que des députés engagé·e·x·s dans une politique « légale » aient osé le faire a été en soi assez surprenant pour tout le monde. C’était comme si des milliers de personnes franchissaient une par une un mur invisible dont jusqu’à présent la société entière ne savait pas s’il existait réellement ou non et que personne n’osait le dépasser. Une fois de l’autre côté, déconcertées, dans ce pays où elles n’avaient jamais mis les pieds, toutes ces personnes se demandaient ce qui allait leur arriver.
Stratégies de l’État turc
De nombreux·ses acteur·ice··x·s de l’opposition sociale établi·e·x·s de longue date en Turquie ont appelé à ces manifestations, condamné l’arrestation d’Imamoğlu, soutenu les revendications des jeunes pour la justice, la démocratie et la liberté, et se sont élevé·e·x·s contre les violences policières et les interdictions. Parallèlement, le mouvement politique kurde (Parti DEM, Partiya Demokratîk a Gelan – en kurde, Halklarin Demokratik Partisi – en turc), l’un des acteurs les plus puissants de la contestation, a choisi de limiter son soutien à ses dirigeants les mieux placés. Seul·e·x·s les représentant·x·e·s du parti ont effectué une visite symbolique sur les lieux des protestations et ont publié une déclaration qualifiant la détention d’Imamoğlu de coup d’État. Le soutien du parti DEM à un soulèvement aussi vaste et généralisé, où des citoyens et citoyennes ordinaires ont manifesté pour la première fois depuis des années, aurait pu changer la donne pour le destin du pays et mettre Erdoğan dans une position plus difficile que jamais. Avec le recul, il n’est pas difficile de deviner ce qui a motivé Erdoğan à entamer un processus de paix avec le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan, Partiya Karkerên Kurdistan – en kurde) ces dernières semaines. La raison pour laquelle le Parti DEM a adopté une telle position reste toutefois plus complexe, et l’histoire nous dira pourquoi. Néanmoins, à ce stade, je pense qu’il est plus important de parler des résultats que des raisons, car la distance prise par le Parti DEM a eu deux conséquences importantes. Tout d’abord, La police dans la rue, tout comme Erdoğan dans l’arène politique, ont réussi à échapper à une menace très importante. La participation du Parti DEM et de la jeunesse kurde aux manifestations aurait pu rendre la tâche d’Erdoğan beaucoup plus difficile. Comparativement aux émeutes du parc Gezi, une évidente défaillance d’expérience, de résilience et de compétences organisationnelles, dû à l’absence du parti DEM et de la jeunesse kurde, se fait clairement sentir dans les soulèvements actuels. Je pense que si un génie offrait un souhait magique à Erdoğan et sa police, ils l’utiliseraient pour éloigner les Kurdes de ces manifestations.
Le deuxième point explique cela plus précisément : l’absence des Kurdes en tant que partie prenante de ce mouvement a laissé plus de place à la tendance nationaliste et étatiste, déjà très présente parmi les manifestant·e·x·s. La conséquence fut que les manifestant·x·e·s ayant une approche intersectionnelle, tel·le·x·s que les Kurdes, les féministes, les LGBTI+, les socialistes, les anarchistes, les défenseurs des droits des animaux, etc., sont devenu·e·x·s encore plus marginalisés. La crainte de mettre leur sécurité encore plus en jeu a amené une réticence naturelle parmi ces personnes à afficher leurs identités, par exemple en brandissant un drapeau arc-en-ciel. Dans la plupart des villes, les personnes queers ne se sentaient pas assez en sécurité pour participer aux manifestations ni individuellement ni de manière collective. Si Erdoğan et sa police pouvaient faire un deuxième vœu, ils choisiraient certainement l’absence de dynamique intersectionnelle au sein de ces manifestations. Parce que l’intersectionnalité, tant en termes de nombre que de qualité, représente le pire cauchemar d’Erdoğan. Parce que l’avenir et la durabilité de la colère émergée lors de ces jours ainsi que la question de savoir si elle menacerait un jour l’État ou non dépendent de son caractère intersectionnel. Comme expliqué plus haut, c’est grâce à sa politique de destruction des fondements de l’intersectionnalité qu’Erdoğan a réussi à atteindre son autorité absolue. Il ne fait aucun doute que dans cette lutte, l’union des personnes opprimées profiterait à tous les opprimé·x·e·s et désavantagerait leur ennemi commun. Malheureusement, je dois dire qu’Erdoğan et sa police semblent avoir de la chance et que leurs deux souhaits les plus chers se réalisent pleinement dans le soulèvement qui a lieu depuis le 19 mars.
Ce qui se passe actuellement : une résistance généralisée face à une répression très violente
À ce jour, le 27 mars, les manifestations se poursuivent avec le caractère exponentiel que j’ai mentionné plus haut. La semaine dernière, les queers, féministes, anarchistes, socialistes… ont fait des progrès significatifs pour devenir plus visibles et donner aux manifestations un caractère révolutionnaire. Simultanément, le lancement d’une campagne de boycott massif contre de nombreuses entreprises liées au gouvernement a provoqué une grande panique. Le même jour, le fait de voir des hauts fonctionnaires du gouvernement prendre la pose avec des entreprises boycottées et faire la publicité de leurs produits pour les soutenir a prouvé une fois de plus que nous étions officiellement en guerre : l’organisation criminelle étatique turque et son capital ont déclaré la guerre à toustes celleux qu’ils percevaient comme une menace pour leurs intérêts.
Dans cette guerre, la priorité n’est pas toujours d’arrêter des gens mais aussi de collecter des données sur qui se trouve sur le front adverse. Ce n’est pas sans raison que la police, après avoir, hier, encerclé des manifestations universitaires, a déclaré qu’elle libérerait les manifestant·x·e·s en échange du retrait de leurs masques. Dans un même temps, plusieurs guides sur la sécurité digitale publiés sur les réseaux sociaux par celleuxqui sont dans la rue depuis des années ont permis de sauver des vies. Dans certaines universités, les professeurs fidèles à Erdogan ont partagé les feuilles de présence avec la police pour signaler les étudiant·x·e·s qui ne suivent pas les cours ces jours-ci. Mais de nombreux·se·s autres professeurs ont soutenu l’appel au boycott universitaire suite à quoi iels ont déjà été démis·e·x·s de leurs fonctions. Même si j’ai dit que les arrestations ne sont pas la première priorité, il est bon de rappeler que les prisons autour d’Istanbul ont atteint leur capacité maximale et de nouvelleaux détenu·x·e·s devront être envoyé·e·x·s dans les prisons des villes voisines. Quelque chose qui n’aura surpris que les personnes qui ne connaissent pas la véritable fonction de la loi : Le délit mineur de « violation de la loi sur les réunions et les manifestations », – lequel n’était pas pris au sérieux dans les cycles de contestations précédentes car la plupart du temps, les gens ne recevaient même pas d’amende à l’issue du procès – sert à présent à envoyer des dizaines de personnes en prison.
La nécessité de prendre le parti de la pierre jetée sur la police plutôt que celui de la personne qui la jette.
Il devient clair une fois de plus que l’approche que nous ont enseigné le système judiciaire et les politiciens, selon laquelle nous devrions prendre inconditionnellement le parti de l’un des protagonistes d’un conflit, ou que le statut de victime et d’agresseur devrait être attribué à deux personnes/identités différentes et strictement séparées l’une de l’autre, nous conduit dans un piège. Il est frappant de voir comment tant de manifestant·e·x·s âgé·e·x·s de 16 à 24 ans, qui sur la base de l’éducation obligatoire qu’iels ont reçue de l’école, des médias et de la famille sont prêt·e·x·s à menacer et à expulser les Kurdes ou les LGBTI+ qui voudraient se joindre aux manifestations, deviennent à la fois des agresseur·se·s et des victimes. Depuis le début du soulèvement le 19 mars, en tant que victimes de l’État plus de 2 000 personnes ont été arrêtées. Des milliers d’autres ont été blessées, certaines mortellement,des dizaines ont été emprisonnées, un nombre inconnu ont été chassées du domicile de leur famille, expulsées de chez elles, virées de leur emploi, exclues de l’université ,qualifiées de terroristes par les services de renseignement. Cela est en partie dû au pouvoir qu’elles ont perdu en raison de leur rôle d’agresseur·euse·s Je constate que ce piège a fonctionné pour certains terroristes d’hier et qu’une partie importante d’entre elleux, en particulier au sein des partis politique kurde, qui ont pourtant passé leur vie à lutter contre l’État, sont à présent indifférent·e·x·s à la violence de l’État et aux revendications des manifestant·x·e·s. C’est également à travers ce filtre que j’analyse le manque de réactivité et le silence du mouvement antifasciste en Suisse et en Europe. C’est pourquoi je trouve important d’expliquer ce qui se passe dans ce soulèvement aux autres rebelles du monde entier. Je souhaite expliquer que le soulèvement actuel, malgré sa complexité, mérite d’être soutenu et la solidarité internationale ne peut se faire que dans une perspective anti-autoritaire qui ne tombe pas dans le piège d’une prise de parti rigide. Il est possible de soutenir ce mouvement sans blâmer la victime d’avoir été torturée par la police et sans excuser l’agresseur qui a tenté d’y supprimer le drapeau kurde.
« Queer – Resist »
Où se situer face à un soulèvement aussi controversé ?
Le soulèvement actuel en Turquie mérite d’être soutenu, car les manifestant·x·e·s ne sont pas seulement des nationalistes/apolitiques de la génération Z. De nombreuses personnes queer, kurdes, anarchistes, socialistes, antispécistes, féministes, qui s’impliquent dans des luttes intersectionnelles élèvent aujourd’hui leurs voix contre l’injustice et résistent à l’État turc dans les rues, comme elles le font depuis des années. Malgré leur peur à l’égard de la majorité des manifestant·e·x·s, iels préfèrent être dans la rue et iels subissent une part plus importante de la violence de l’État. La complexité de ce soulèvement signifie qu’iels ont plus que jamais besoin de soutien. Il est essentiel de soutenir ce soulèvement pour qu’iels en ressortent avec un peu de terrain conquis ou du moins sans être davantage repoussé·e·x·s. Le soulèvement actuel en Turquie mérite d’être soutenu car les manifestant·x·e·s, même si certain·ne·x·s nourrissent des idées contre-révolutionnaires, sont légitimes dans ce contre quoi iels se révoltent : les organes et les politiques de l’État turc, symbolisées par Erdoğan. C’est ce qui détermine la légitimité d’un soulèvement. Peu importe que la majorité des manifestant·x·e·s veuille que le dictateur Erdoğan tombe et soit remplacé par le nationaliste İmamoğlu. Aujourd’hui, nous pouvons nous serrer les coudes dans la lutte pour faire tomber Erdoğan et demain, nous pourrons nous séparer lorsque la demande sera de le remplacer par İmamoğlu. Une fois que nous aurons détruit la plus grande puissance existante, nous nous battrons pour détruire la deuxième plus grande puissance, puis la troisième, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de pouvoir au-dessus de nous. Ce point de vue anarchiste appelle à soutenir toute menace contre Erdoğan, son État, sa police, son système judiciaire. La critique de ces manifestations ne doit pas servir à isoler le soulèvement, mais plutôt à éclairer les débats qui suivront en cas de victoire.
Le soulèvement actuel en Turquie mérite d’être soutenu car un dictateur utilise tout le pouvoir et toutes les ressources de l’État turc, devenu une « organisation criminelle », pour massacrer des personnes qui n’ont pas ce même pouvoir et ces même ressources, peu importe qui elles sont. Non seulement les manifestant·e·x·s, mais aussi leurs avocat·e·x·s, les journalistes qui documentent les actes de torture, les médecins qui soignent les blessé·e·x·s lors des manifestations, celleux qui en parlent, celleux qui ouvrent leurs portes aux personnes touchées par les gaz lacrymogènes, toustes celleux qui ne sont pas en obéissance absolue sont désormais puni·e·x·s. Dans la Turquie de 2025, où l’État contrôle tous les aspects privés et publics de la vie et où tout notre soutien potentiel est démantelé, la survie d’Erdoğan à ce soulèvement reviendrait à laisser toutes les personnes qui ont remis en question son autorité enfermées dans un bâtiment en flamme. C’est peut-être la première, la seule et la dernière chance que nous avons depuis des années d’agir contre le pouvoir d’Erdoğan. C’est pourquoi tout soutien à ce soulèvement ou tout coup porté contre sa cible, l’État turc, revêt une importance vitale. Le soulèvement actuel en Turquie mérite d’être soutenu car pour ceux qui ne détiennent ni le pouvoir et ni la majorité, les femmes, les Kurdes, les Alevis, les homosexuel·le·x·s, les pauvres, les jeunes, les immigré·e·x·s, les terroristes d’hier, le premier pas vers la respiration, l’écoute et la liberté est l’effondrement de l’ordre actuel. Le soulèvement actuel en Turquie mérite d’être soutenu car c’est peut-être la dernière chance pour nous, terroristes d’hier, qui avons déjà été emprisonné·e·x·s et contraint·e·x·s à l’exil pour nous être rebellé·e·x·s pendant des années, de revoir la lumière du jour dans le pays où nous sommes né·e·x·s.
Commentaires fermés sur À Montréal, la police bloque les antifascistes… pour permettre aux adeptes de black metal de célébrer les exploits militaires des nazis
Montréal, le 30 novembre 2024 — Hier soir avait lieu le deuxième des trois soirées du festival black metal de la Messe des Morts, au théâtre Paradoxe, dans le quartier Ville-Émard de Montréal. À cette occasion, une manifestation antifasciste a été organisée pour dénoncer la complaisance chronique du festival et de nombreux adeptes du genre à l’égard du courant NSBM (national socialist black metal), ou néonazi, qui traverse ce milieu, et plus particulièrement la présence dans la programmation 2024 du festival d’au moins quatre groupes liés à ce courant par leurs thématiques, leurs affiliations ou leurs collaborations.
Suite à la campagne de pression exercée sur le promoteur, Sepulchral Productions, et le locateur de la salle, le groupe Paradoxe, trois des groupes problématiques au programme, Horna, Sargeist et Chamber of Unlight — soit ceux dont les liens avec le NSBM sont les plus clairs — ont été refusés de territoire au Canada en raison d’un signalement de menace à la sécurité nationale, si l’on doit en croire le communiqué du promoteur. Deux autres groupes, Conifère et Phobocosm, s’étaient désistés de la programmation dans les jours précédant le festival, pour des raisons « évidentes » et « personnelles », respectivement.
Toutefois, le groupe suédois Marduk, dont nous avons relevé les obsessions thématiques pour les exploits militaires des SS et de la Wehrmacht durant la Deuxième Guerre mondiale, a non seulement pu jouer ses concerts prévus, mais a en plus remplacé au pied levé les groupes absents, montant sur scène les trois soirs du festival.
À l’extérieur du théâtre, au point culminant d’une campagne soutenue de dénonciation et de mobilisation initiée plusieurs semaines auparavant, environ 200 personnes ont répondu à l’appel et se sont jointes à la manifestation organisée par le collectif Montréal Antifasciste. Une foule diversifiée et combative était au rendez-vous, comptant des résident·es du quartier, des organismes communautaires du Sud-Ouest et plusieurs contingents autonomes formés, notamment, derrière les bannières du SITT-IWW et de la section locale de Voix juives indépendantes.
Une masse de porcs pour la messe des morts…
Malheureusement, la manifestation a été dès le départ paralysée et encadrée par un dispositif policier absolument démesuré : plusieurs centaines d’agents à pied, à vélo, en voiture et à cheval, répartis sur deux pâtés de maisons, formant un périmètre étanche tout autour du théâtre. Malgré qu’une cinquantaine de camarades soit parvenue à déjouer temporairement ce dispositif, celui-ci s’est avéré beaucoup trop imposant pour que nous puissions le défier efficacement ou durablement. La manifestation a donc été gelée sur place sur le boulevard Monk, à moins de 100 mètres du théâtre, vers 17 h 45. Les policiers ont ensuite érigé un point de contrôle plus au sud et opéré un tri au faciès pour diriger les festivaliers sur une rue parallèle de manière à contourner le périmètre d’insécurité et rejoindre l’entrée du théâtre. On peut dire que les policiers, ce soir-là, ont littéralement fait le jeu des fascistes. Fait à noter, de nombreux membres du SPVM placés en première ligne portaient l’écusson « Thin Blue Line », un signe de reconnaissance d’extrême droite dont l’utilisation est découragée, mais pas encore interdite par le service.
Autre fait cocasse, la mascotte stéroïdée du milieu néonazi local s’est présentée vers 18 h, juste pour « voir notre petit rassemblement ». Après cinq minutes d’un face à face tendu, il est reparti la queue entre les jambes. Dans les circonstances, une altercation physique aurait inévitablement déclenché une brutale intervention policière, laquelle aurait entraîné une fin désastreuse de la manifestation. Nous félicitons nos camarades d’avoir su garder leur sang-froid devant cette flagrante provocation.
(À ce propos, un message aux politiciens [et aux médias] qui hallucinent de l’antisémitisme dans chaque manifestation de solidarité avec la Palestine : les vrais antisémites, les foutus néonazis, sont là tout juste sous vos yeux, mais ceux-là, vous préférez envoyer vos chiens enragés pour les protéger.)
Après une heure sur place à scander des slogans antifascistes (« Siamo tutti antifascisti! », « Ville-Émard en a marre, des fachos et des bâtards! »), constatant que nous ne pourrions rien accomplir de plus en restant dans cette souricière étanche, le groupe est parti en manifestation vers le sud sur le boulevard Monk. Le SPVM a alors étroitement flanqué le cortège d’un peloton d’antiémeutes de chaque côté. À une centaine de mètres de l’édicule du métro Monk, un commandant de peloton, irrité par les remontrances légitimes d’un camarade, a inexplicablement décidé de mener ses hommes dans une violente charge contre la tête du cortège, à coups de bâtons et de boucliers, en plus de décharger libéralement une bonbonne de poivre. Histoire de bien faire comprendre qui est le boss, vous voyez! La manifestation s’est ensuite dispersée dans le métro, sous l’œil belliqueux des antiémeutes.
Le collectif Montréal Antifasciste tient à remercier chaleureusement toutes les personnes et les organisations qui ont participé à la campagne de dénonciation et de mobilisation.
Un bilan de campagne positif
Comme nous l’avions expliqué dans notre article publié le 27 octobre dernier, la communauté antifasciste de Montréal n’avait pas cru bon de monter une campagne de dénonciation contre la Messe des Morts dans les dernières années, comme elle l’avait fait en 2016, car la programmation ne présentait aucun groupe particulièrement problématique. Celle de 2024, au contraire, se présentait comme une provocation.
Au début d’octobre, nous avions communiqué avec l’administration du Théâtre Paradoxe (qui relève d’une entreprise d’économie sociale) pour l’encourager à prendre les mesures nécessaires afin d’empêcher les groupes en question de se produire dans son enceinte. Malheureusement, tous nos efforts diplomatiques n’ont pas abouti, l’administration du théâtre se disant captive d’un contrat avec le promoteur de la Messe des Morts, qui, dans tous les cas, est le véritable responsable de ce fiasco grotesque. Nous n’avons donc eu d’autre choix que de tenir notre promesse d’enchaîner avec une manifestation en marge du festival.
Quoi qu’on puisse dire des événements de vendredi soir, absolument dominés par le SPVM, nous estimons avoir atteint les objectifs de la campagne plus largement :
deux des quatre groupes visés, les plus proches du réseau NSBM, n’ont pas pu jouer au festival ;
nous avons efficacement alerté la communauté à une situation problématique ; tout particulièrement l’administration du Théâtre Paradoxe qui, manifestement, connaissait mal le vampire qu’elle avait invité chez elle ;
nous avons entraîné des conséquences économiques majeures pour le promoteur du festival, dont les activités au fil des ans dénotent une sympathie certaine pour le NSBM ;
En fin de compte, nous dressons un bilan positif de cette campagne de dénonciation et de mobilisation. Dans les prochains mois, nous allons maintenir la communication avec l’administration du Théâtre Paradoxe pour faire en sorte que l’édition 2024 du festival soit la dernière qui ait lieu dans cette salle. Nous allons également maintenir la pression sur le promoteur du Festival, qui a encore une fois donné la preuve de sa complaisance à l’égard d’une idéologie haineuse et de ses manifestations dans le genre black metal, malgré ses prétentions à la neutralité politique.
Et bien entendu, nous allons continuer à exercer une veille constante pour que Montréal reste, résolument, antifasciste.
Commentaires fermés sur De la violence? : Un communiqué sur la casse lors de la manifestation BLOQUONS L’OTAN*
Nov252024
Soumission anonyme à MTL Contre-info
*Ce communiqué est basé sur le journal du même nom, organisé par la CLAC et D4P, mais il en est indépendant. Nous expliquerons ici le raisonnement derrière nos actions du vendredi soir 22 novembre 2024, parce qu’on sait pourquoi on fait ces choses et parce qu’on croit fort en ce que l’on fait.
Remettons nous d’abords en contexte : le vendredi 22 novembre marque le début de l’assemblée parlementaire du bras armé du Nord global, soit de l’organisation du traité de l’Antlantique Nord (OTAN), qui se tiendra à soi-disant Montréal jusqu’au 25 novembre. Alors que les gouvernements s’adonnent déjà à faire de la vie des exploité.e.s et des exclu.e.s un cirque mortifère, l’OTAN vient mettre pression pour que le soi-disant Canada consacre 50% de plus de son PIB aux forces armées. Évidemment, nos « démocraties » sont tout-à-fait à l’aise avec cet investissement. Ça représenterait 55 miliards de dollard. L’OTAN est une instance décisionnelle qui concrétise des intérêts militaristes et impérialistes. Elle est d’ailleurs complice du génocide en Palestine.
L’OTAN c’est une aliance militaire entre les pays les plus riches du monde, dont le Canada, l’Allemagne, les Étas-Unis, la France, l’Italie et l’Angleterre. Et elle conspire aussi avec des alliés non-membres comme le Japon et l’entité sioniste (Israël). Sa fonction est de protéger les hégémonies capitalistes du Nord global, ayant pour secrétaire semi-formel les Étas-Unis. L’OTAN concrétise la menace et la capacité d’agir de façon dévastatrice face à toute tentative de libération du Sud global. Ses intérêts sont parfaitement impérialistes : les États produits et guidés par le grand capital aspirent à étendre leur emprise en exploitant des territoires externes où voler des ressources, saccager la nature et asservir les gens par une domination politique, économique et/ou miltaire.
L’OTAN veut normaliser l’horreur des crimes de guerre comis par les forces militaires occidentales en les camoufflants en missions humanitaires et en en séparant les différentes tâches entre plusieurs pays, diminuant le coût politique de leurs actions et maintenant leurs bases démocratiques dans la duperie. Les interventions militaires soutenues par l’OTAN viennent protéger des gouvernements alignés sur les intérêts américains, et cherchent à écraser toute tentative de renversement. Ces décisions ont pour but de maintenir les pays les plus pauvres dans leurs situations d’exploitation par le Nord global, de les maintenir sous la contrainte capitaliste. L’alliance de l’OTAN avec l’entité sioniste est cohérente idéologiquement, comme entreprise colonisatrice, mais Israël développe et fournit aussi nombreuses armes et techniques et technologies de contrôles que les États de l’OTAN utilisent pour leur domination capitaliste à travers le monde, autant dans leurs missions impérialistes que pour contrôler leurs propres populations.
Le « problème » que nous combattons ici n’est pas spécifiquement la venue de l’assemblée de l’OTAN, ni les agissements de la Caisse de dépot et placements du Québec (CDPQ, qui force tous les salariés du Québec à financer le génocide palestinien), elles n’en sont que des symptômes. Ce « problème », c’est le système dominant auquel nous nous opposons, celui qui cause toutes ces horreurs : le capitalisme.
Oh et d’ailleurs, non nous ne défendons pas la Russie et ne l’apprécions pas plus que l’OTAN, les gens associent souvent l’OTAN à se défendre de l’empire Russe et pensent que s’opposer à ce sommet voudrait dire avoir une sympathie pour des plus petits États, mais ce n’est pas notre cas, chaque fucken colonisateur de cette planète doit tomber. N’oubliez jamais que nous détestons ce système capitaliste et ses ramifications du plus profond de notre coeur.
On a plus le temps de rester calme et de demander gentiment. La résistance est légitime, l’État et la police ne peuvent plus avoir le monopole de la violence – surtout si c’est la seule langue qu’ils entendront. Nous souhaitons faire cesser la duperie et exposer au grand jour, dans la rue et les médias, les dérives gouvernementales et leurs obsessions militaires, ces infâmités que nous tolérons sous nos nez. Nous blessons le grand capital, matérialisé le plus densément au centre-ville pour nous opposer symboliquement et matériellement à l’horreur capitaliste sous-jacente aux crimes les plus odieux :
les vitres du palais des congrès, où se tenait l’assemblée de l’OTAN,
une auto en feu,
des anti-émeute couverts de peinture,
des vitrines de commerces
Nos gestes sont chargés d’une rage qui nait face aux horreurs dont on est témoins et qu’on dénonce dans ce communiqué, mais aussi de notre misère : entre crises climatiques et crise du logement, inflation et jobs de marde, systèmes de santé et d’éducation en ruines, xénophobie, transphobie, covid et dépression, profilage et répression, montée du fascisme, etc. Tout cela répond du même système. C’est parce qu’on est à bout et horrifié-es qu’on se rassemble et qu’on affiche notre refus. Nos actions auront eu une portée symbolique et matérielle. Elles auront couté monétairement, auront dérangé, propoagé nos idéaux et visibilisé cette lutte légitime et nécessaire.
Avant même qu’il n’y ait de la casse, la police chargeait, frappait et gazait. Dans notre combat, nous avons bien vu la posture complice de nos gouvernements : la brutalité policière en est une matérialisation des plus limpides. La police, chien de garde de l’État, a utilisé ces armes et tactiques développées par l’entité sioniste et autres investissements de l’OTAN pour réprimer notre révolte. La police a encore, comme toujours, défendu les intérêts des riches et de l’État, poivrant, mattraquant, cassant des côtes et gazant, empoisonnant.
Elle tente, fort, d’étouffer les espoirs de libération des vies humaines et de la nature présentement massacrées, mais nous ne nous essouflons pas. Nous dénonçons les arrestations survenues hier et toutes les blessures encourrues (crâne fendu, bras cassé, projectiles dans les yeux, etc.), mais nous ne nous essouflons pas. L’automne a été chaud et l’hiver brûlera plus fort encore, parce que la lutte est tout ce qui nous reste d’espoir, parce qu’il faut faire tout ce que l’on peut, parce qu’on est profondément amoureux-ses de nos révolutions, amoureux-ses de nos camarades.
Les médias metterons l’accent sur notre violence, à nous, manifestant-es. Ils dénatureront nos messages qui confrontent les atrocités perpétrées par soi-disant Israël et l’OTAN, responsable de millions de morts. Alors il est crucial de rappeler que nous dénonçons la brutalité des structures d’oppression qui nous gouvernent, que la pire violence est celle des États et que cette violence est une conséquence du système capitaliste.
« Si à table se trouvent un nazi et dix autres personnes plaisantant avec lui, alors vous avez en fait une tablée de nazis. »
Ce dicton populaire se présente comme une boutade, mais l’idée qu’il exprime n’en est pas moins forte, juste et pertinente. Nous avons l’intime conviction que la complaisance à l’égard des courants les plus réactionnaires, les plus racistes et les plus haineux de l’extrême droite ne peut que vicier, par effet de contagion, les milieux où ils sont tolérés.
C’est la raison pour laquelle nous avons lancé dans les dernières semaines une campagne visant à dénoncer et à faire annuler la présence de plusieurs groupes adjacents au courant NSBM (néonazi) dans la programmation 2024 du festival black metal de la Messe des Morts, organisé par le label Sepulchral Productions et son principal responsable, Martin Marcotte[i]. Cette campagne culminera par une manifestation le 29 novembre à 18 h, devant le Théâtre Paradoxe, 5959 boulevard Monk, à Montréal.
Depuis la publication de notre dossier sur ces groupes, le 27 octobre, nous avons reçu une déferlante de commentaires ulcérés provenant d’adeptes du genre black metal qui nous accusent, suivant un script bien connu, de diaboliser ou de chercher à « canceller » le milieu tout entier. Pour l’essentiel, ces réactions ont en commun d’ignorer complètement la critique et de recourir à toute sorte d’arguments fallacieux pour défendre bec et ongles le milieu contre-culturel dont il est question.
Pour être tout à fait clairs, nous ne reprochons pas à ce milieu d’être foncièrement néonazi – nous n’opérons pas et n’avons jamais opéré cet amalgame, quoi qu’en disent nos critiques. Ce que nous lui reprochons, c’est sa trop grande tolérance aux éléments néonazis qui y persistent, comme en témoigne la présence d’au moins quatre groupes liés de proche ou de loin au NSBM dans la programmation 2024, dont la tête d’affiche, le groupe suédois Marduk, qui cultive une profonde ambiguïté à cet égard.
Le présent billet a pour but de répondre à nos critiques, en réitérant une fois de plus l’invitation lancée aux adeptes de black metal à faire le ménage une fois pour toutes dans ce milieu.
Tous ces événements ne sont pas produits dans les années 1930, ou dans les années 1980, mais en novembre 2024, au Québec, au Canada et aux États-Unis. Il serait absolument malhonnête de prétendre que les mouvements fascistes ne présentent pas une réelle menace aujourd’hui. Depuis une décennie au moins, la droite populiste monte en force un peu partout dans le monde, et dans son sillon l’extrême droite redresse la tête, avec son cortège de fascistes et de suprémacistes de tous acabits.
C’est dans ce contexte alarmant que s’inscrit notre campagne de dénonciation de la Messe des Morts.
Il est établi que le black metal est parasité depuis toujours par un courant néonazi, le sous-genre NSBM. Celui-ci ne s’affiche pas toujours ouvertement dans ce milieu, mais il le traverse de manière persistante et surtout, il y est largement toléré. Les éléments du milieu black metal qui condamnent et rejettent explicitement le courant néonazi (comme le courant Red and Anarchist Black Metal) y font figure d’exception.
L’attitude la plus répandue lorsqu’on dénonce cette réalité est celle que nous avons observée au cours des dernières semaines : une réaction épidermique caractérisée par un déni catégorique et une défense exorbitée du milieu black metal. Comme le type de musique qu’ils affectionnent constitue une partie centrale de leur identité, les fans le « prennent personnel » : iels sont fans de black metal; iels ne sont pas personnellement nazis, ERGO, le black metal ne peut pas être nazis. Or ce dont il s’agit au fond, ce n’est pas de l’adhésion de tel ou tel fan du genre aux principes du national-socialisme, mais d’un phénomène de complaisance au sous-genre NSBM qui traverse le milieu.
On retrouve essentiellement les mêmes quatre ou cinq arguments, qui ensemble forment une sorte de raisonnement circulaire :
« Même pas vrai! »;
Le NSBM en tant que tel ou son influence présumée au sein du milieu black metal seraient une sorte de mythe perpétué par « les communistes » et autres « mauvaises personnes ». C’est la position la plus facile à réfuter. Le NSBM est incontestablement un des courants constitutifs du black metal, et ce, depuis les débuts mêmes du genre.
Le NSBM existe bien (quelque part, ailleurs…), mais ici c’est une entité négligeable, du moins c’est inexistant à la Messe des Morts, qui est au-dessus de tout soupçon;
Le NSBM serait un phénomène hyper marginal, et mieux vaudrait l’ignorer complètement, selon cette ligne argumentaire. Comme toujours dans de pareils cas, nous contestons avec force cette position de l’autruche. Le courant NSBM est certes minoritaire dans son expression explicite, mais sa présence « culturelle » implicite dans le milieu est chronique et son influence y est diffuse. La présence au festival de ces trois ou quatre groupes aux associations notoirement louches et/ou aux obsessions douteuses pour le nazisme – tout comme la programmation de Graveland en 2016 – témoigne du fait que les liens avec le NSBM, et le cryptofascisme dans le cas de Marduk, ne sont jamais bien loin de la Messe des Morts. Nous savons par ailleurs que Martin Marcotte, le principal responsable de Sepulchral Productions et promoteur de la Messe des Morts, a lui-même distribué du matériel NSBM dans les années 2000, en plus d’organiser des spectacles avec des groupes néonazis à la même époque, et jusque dans les dernières éditions de la Messe des Morts! À notre connaissance, Marcotte et Sepulchral n’ont jamais publié de rétractation ou de déclaration dénonçant publiquement le courant néonazi du black metal ou adoptant une position antiraciste officielle, laquelle aurait à tout le moins pour effet de lever l’ambiguïté à cet égard. Les vagues prétentions au caractère « apolitique » de l’événement ne suffisent pas.
C’est vrai qu’il existe des éléments plus ou moins nazis dans le milieu, mais « vous ne pouvez pas comprendre », ça fait partie des codes du genre, c’est une culture de la transgression, et dans la plupart des cas, ça n’est « pas politique ».
Les éléments NSBM dans la scène n’auraient ainsi qu’un caractère folklorique, strictement pour le « shock value ». Cette position est absurde. Un événement et un milieu où des éléments nazis sont tolérés sont par définition politiques. Pour paraphraser la militante afro-américaine Angela Davis, dans un milieu où fourmillent notoirement des néonazis, il ne suffit pas de ne pas être nazi; il faut être activement antinazi. Faute de quoi le milieu sera chroniquement soupçonné de complaisance et de complicité. La défense de la manifestation culturelle ne tient pas la route : la culture et la politique sont en fait indissociables et souvent consubstantielles[ii]. Toute prétention à l’apolitisme au sein de mouvements culturels ou contre-culturels doit donc être prise avec scepticisme.
C’est vrai qu’il y a des nazis, mais c’est « pas grave », ils ont « bien le droit »;
Est-il vraiment nécessaire d’expliquer pourquoi cet argument est absolument merdique? Le fascisme, et a fortiori, le nazisme, ne sont pas des idées comme les autres. Ce sont des idéologies haineuses qui ont des effets concrets dans la vie des personnes et des groupes qu’elles prennent pour cible et qui, lorsqu’elles arrivent à leurs fins, ont des conséquences absolument catastrophiques. Là-dessus, l’histoire est sans appel. Il n’est peut-être pas étonnant qu’un genre musical cultivant une fascination pour la morbidité se laisse tenter par les aspects occultes ou « maléfiques » du nazisme, mais la ligne est fine entre la fascination morbide et la complaisance. Et c’est précisément cette complaisance que nous reprochons au milieu black metal.
C’est « juste de la musique »; j’en écoute, moi, du NSBM, et ça n’est qu’une question de préférences et de liberté individuelle; ça ne veut pas dire que je suis nazi;
Permettez-nous d’en douter fortement. Vous avez de sérieuses questions à vous poser si vous affectionnez de la musique prônant des idées génocidaires ou glorifiant les actions des nazis. En tous cas, il ne faut pas vous étonner que les antifascistes considèrent que vous faites partie du problème… La liberté d’expression n’est pas et ne doit jamais devenir un paravent pour la promotion et la banalisation d’idées haineuses. C’est bien sûr ce que cherchent à faire actuellement les nouveaux populistes d’extrême droite[iii], qui se servent de cette défense, combinée à la désinformation et au confusionnisme, pour faire valoir dans le courant dominant les pires réflexes réactionnaires, ce qui favorise bien sûr leurs avancées sur le plan politique. Ne nous laissons pas berner.
De toute façon les antifas sont bien pires (et bien plus violents); vous dites que vous êtes antifascistes, mais c’est vous les vrais fascistes!
Certains commentateurs ont monté en épingle des anecdotes personnelles d’altercations pour chercher à démontrer que les antifascistes sont globalement des êtres éminemment violents qui ne cherchent qu’à intimider et réprimer quiconque ne pense pas comme elleux. C’est un stratagème bien connu. Il est facile et bien pratique de décontextualiser des incidents isolés pour faire dévier la conversation et éviter de regarder le problème en face. Il n’est un secret pour personne que les antifascistes cherchent à « canceller » les nazis. C’est même dans la définition de tâches. Or en l’occurrence, ce que nous avons demandé à la direction du Théâtre Paradoxe, et indirectement au promoteur de la Messe des Morts, c’est de rayer de l’affiche les trois groupes examinés dans notre article (plus celui identifié par Pivot dans son article consacré à cette polémique). Nous ne cherchons pas forcément à faire annuler le festival au complet (quoiqu’à ce stade-ci, le problème semble chronique…), mais principalement à encourager un examen de conscience au sein du milieu black metal. Nous persistons et signons en ce sens.
Manifestement, au regard de la réaction qu’a suscitée notre campagne de dénonciation de la Messe des Morts, la mauvaise foi fait partie de cette sous-culture au même titre que la confusion et la complaisance. Bien trop souvent, ses adeptes déploient des efforts de contorsion considérables pour ignorer les éléments problématiques signalés, ou du moins pour en nier le caractère problématique.
Pour reprendre le dicton cité en exergue : si vous êtes dans un party ou un néonazi s’affiche librement, et que tout le monde tolère sa présence, s’accommode de ses frasques ou ne cherche pas activement à l’exclure, vous êtes en fait dans un party nazi. C’est d’autant plus vrai si les groupes engagés pour animer la soirée ont déjà eu des membres nazis, ont déjà joué avec des nazis, ou ont déjà acheté des articles de propagande nazie sur des sites nazis, ou se spécialisent dans les chansons glorifiant les exploits nazis. Et si le promoteur du party a lui-même déjà distribué la musique d’artistes nazis et organisé des spectacles de nazis… Vous commencez à saisir le pattern?
Il existe pourtant une voie de sortie. Il serait tout à fait possible pour ces groupes, ces événements, ces promoteurs, et même les adeptes du genre regroupé·es conséquemment, de prendre position de manière claire et univoque contre toute idéologie à caractère haineux, dont le racisme et l’antisémitisme, le sexisme et l’homophobie, et en particulier contre le fascisme et le nazisme. Une telle prise de position publique aurait pour effet de dissiper toute ambiguïté. Il y aurait bien sûr des conséquences rattachées à un pareil énoncé de principes – celleux des adeptes du genre qui adhèrent au NSBM se sentant sans doute trahis –, mais c’est le prix à payer pour nettoyer un milieu contre-culturel qui mérite mieux que de traîner en permanence ce boulet.
C’est possible, et ça s’est déjà fait. Dans les années 1980 et 1990, les milieux contre-culturels punks et skins étaient parasités par des éléments néonazis, et la communauté s’est mobilisée pour les en exclure définitivement. Ça n’a pas toujours été lisse et sans accrocs, mais aujourd’hui encore, ces éléments sont systématiquement ostracisés et les boneheads doivent encore se cacher pour jouer en circle jerk.
Ceci est donc une invitation à prendre position et à faire le ménage de cette scène une fois pour toutes. Pour cela, il faut d’abord cesser de se voiler les yeux et regarder le problème en face.
[ii] Il s’avère de plus en plus clairement aujourd’hui que les transformations politiques procèdent des transformations culturelles, et que les développements politiques que nous observons de nos jours, la montée en force de la droite et de l’extrême droite, sont le résultat d’une patiente manipulation des codes culturels de masse par d’habiles acteurs idéologiques au fil des dernières décennies.
[iii] Parmi les armes fourbies par ces idéologues (pensons au trumpisme et à Elon Musk) figurent au premier chef la désinformation et le confusionnisme, soit la méthode consistant à brouiller délibérément le sens des mots et des concepts politiques pour semer la confusion et ébranler le sens de la réalité chez les sujets, ce qui favorise leur adhésion à divers fantasmes de complot et aux fausses solutions promises par les démagogues. Une autre de leurs armes favorites est le « gaslighting », soit une forme de manipulation mentale consistant à manipuler ou déformer de l’information de manière à faire douter une personne de sa perception de la réalité. Un des principaux défis qui se présentent à nous à l’ère de la post-vérité est précisément de combattre les effets pervers de ces stratagèmes sur la sphère politique et sur la société de manière générale.
Commentaires fermés sur Alors, qu’est-ce qu’on fait maintenant?
Nov082024
Soumission anonyme à MTL Contre-info
Alors, les fascistes ont gagné aux états-unis, en france, en italie … et ils s’en viennent ici. Qu’est-ce qu’on fait maintenant? On fait ce qu’on a toujours fait: on s’organise!
Construire un réseau de support pour personnes immigrantes
Beaucoup de personnes vont être forcées de fuir les états-unis. La menace de la « dénaturalisation » (un gros mot pour dire la déportation des personnes non-blanches) implique que beaucoup de personnes racisées seront forcées de quitter les états-unis dans l’urgence. Beaucoup de personnes LGBTQ+, en particulier des personnes trans, vont devoir trouver des refuges rapidement, à cause des lois transphobes et queerphobes.
Il y a des américains qui travaillent présentement à construire un réseau souterrain pour amener les gens à des endroits sûrs. Nous devrions donc nous assurer d’avoir des endroits sûrs ici pour les accueillir. Tant que le canada marque les états-unis comme un tiers pays sûr, beaucoup de ces gens se retrouveront sans statut. Le problème d’un état plus social comme le nôtre est qu’on dépend beaucoup de lui pour nos services. Il n’y a donc pas beaucoup de ressources pour les personnes sans statut à Tio’tia:ke.
Le Centre des travailleurs et travailleuses immigrantes (iwc-cti.ca) travaille avec des personnes au statut précaire et aura besoin d’aide. Solidarité sans frontières (solidarityacrossborders.org) supporte aussi des personnes au statut précaire et aura besoin de notre aide.
Aider vos antifascistes locaux
Nous ne sommes pas dans un lieu sûr nous-mêmes. Le fascisme est en hausse ici aussi. Le gouvernement legault se faufile lentement vers le fascisme, et les conservateurs fédéraux seront probablement élus avec un mandat d’extrême-droite. Et c’est sans compter les nazis locaux et leurs supporteurs. Contactez votre collectif antifasciste local (à Tio’tia:ke voir montreal-antifasciste.info) pour voir comment vous pourriez aider, ou bien créez votre propre collectif! Au minimum, enlevez tous les signes de la présences des fascistes. Ne les laissez pas prendre racine dans votre quartier!
On remarque aussi une hausse du nombre de shows de punk et de metal, malgré la fermeture de plusieurs scènes camarades. Ces shows sont beaucoup apolitiques, et si nous ne sommes pas prudent-e-s, les scènes pourraient être investies par des fachos. Tenir des tables de merchs camarades pourrait aider à rappeler aux gens ce qui est en jeu, et l’importance de jeter dehors les fascistes et nazis de nos shows.
Construire des alternatives à nos services perdus
Un des gros enjeux aux états-unis, et possiblement au canada bientôt, c’est l’accès à l’avortement et aux hormones d’affirmation de genre. Mais il y avait un moment où on pouvait assurer ces services nous-mêmes. La génération plus ancienne de personnes trans se souvient peut-être de l’époque où les personnes trans se rencontraient afin d’apprendre comment faire leur propre estrogène et testostérone. Le collectif américain Four Thieves Vinegar Collective (fourthievesvinegar.org) offre ce service en enseignant aux gens des habiletés pharmaceutiques de base.
Une autre solution pourrait être de construire une coopérative de clinique de santé. La Clinique Communautaire Pointe-Saint-Charles (ccpsc.qc.ca) en est un exemple, et fournit des services à la Pointe depuis des décennies. Bien que ces coopératives doivent respecter la loi, il pourrait être plus facile d’offrir des services additionnels sur le côté qu’à un hôpital ou une clinique d’état. Cela pourrait être crucial pour des personnes sans statut, par exemple.
Se préparer pour des catastrophes climatiques
À ce stade, il faut s’attendre à des catastrophes climatiques. Les « leaders » actuels du monde ont fait leur politique d’ignorer la crise climatique. Nous ne devons pas nous attendre à ce que des actions concrètes soient prises dans un avenir proche. Des mesures de mitigation seront prises, mais probablement uniquement pour protéger les quartiers les plus riches, au dépens des autres. Nous voyons déjà des murs marins être construits pour protecter les maisons des personnes blanches, poussant l’eau vers les quartiers racisés.
Nous avons été frappé-e-s fort cet été à Laval, mais ce n’est rien comparé avec ce qu’on a vu à Asheville (caroline du nord) et Valence (espagne). Le collectif Firestorm Books à Asheville donne de l’information sur ce qu’ielles ont fait après la catastrophe. Il existe aussi des brigades anarchistes mobiles dédiées à intervenir rapidement après une tempête de tornades ou un ouragan. Ces brigades sont souvent plus rapides à intervenir que les ressources étatiques, en particulier dans les zones les plus pauvres.
Bien que nous ne sommes pas présentement dans une zone de tornades ni d’ouragans, cela pourrait changer bientôt. Nous aurions besoin de ressources de ce genre.
Apprendre à désobéir
Cela peut être tentant de se lancer dans une action très visible, mais ce n’est pas quelque chose que la majorité des gens peuvent faire. Cela ne veut pas dire que vous ne pouvez rien faire! Toutes les petites actions peuvent aider: Oublier de demander une preuve de résidence avant de donner un service. Marquer un médicament comme perdu, et le donner à une personne sans statut. Perdre la requête d’information de la police, ou bien leur envoyer la mauvaise information à la mauvaise adresse. Conspirez avec vos collègues pour refuser une politique raciste et/ou sexiste.
Le gouvernement legault a passé récemment la raciste loi 96, qui force les employé-e-s du gouvernement à parler en français aux personnes qui viennent demander des services. Ce qu’on voit en pratique, c’est que presques tou-te-s les travailleu-se-s désobéissent à la loi, malgré la réception d’une directive stricte en ce sens. La plupart des employé-e-s du gouvernement vont vous parler dans la langue que vous préférez, même si la loi le leur interdit.
Ce refus d’obéir est important. C’est ce que nous avons besoin dans un état fasciste. Enfin, on ne pleurera pas si certains (ou toutes!) les ambassades se mettent à brûler durant la nuit, mais ce n’est pas quelque chose que tout le monde voudrait faire. Apprendre à désobéir, c’est quelque chose que nous pouvons tou-te-s faire, et que nous devons apprendre à faire.
Conclusion
Le but de ce petit article est juste pour vous donner quelques indices sur ce que vous pouvez faire. Il y a cependant beaucoup d’autres choses dont on aura besoin! La clé est d’être curieu-se, observateur-rice, et imaginatif-ve. Regardez autour de vous, parlez à des camarades, regardez ce qui manque aux gens, déterminez ce qu’il faut faire. Les vieilles approches nous ont menées dans ce pétrin: peut-être qu’il est temps d’en trouver de nouvelles.
Une chose est certaine: ils veulent nous entraîner dans leur grande noirceur. Le moindre que l’on peut faire, c’est de les faire chier un max!
Ces lignes répondent à un article paru dans Tinderbox, un journal hors-ligne d’anarchie combative.
Fin 2010 un acte individuel de désespoir dans la ville de Sidi Bouzid a déclenché un bouleversement audacieux, enragé et joyeux qui a voyagé à travers l’Afrique du Nord jusqu’au Moyen-Orient et au-delà. Les populations ont défié les systèmes oppressifs dans lesquels elles étaient immergées depuis des générations et se sont rassemblées dans les rues pour renverser les élites politiques à leur tête. Les autorités, d’abord stupéfaites par cet esprit courageux qu’elles ne pouvaient pas comprendre, ont alors délivré une réponse cynique et brutale.
Cette défaite est toujours en train d’être infligée aux populations de la région, et elle est aussi ressentie dans le monde entier par celles et ceux qui se sont tenus en solidarité avec les soulèvements mais qui ont été pour la plupart incapables de surmonter leur impuissance tandis que les soulèvements étaient massacrés.
Les horreurs dans la région durant la dernière décennie sont nombreuses. Pour en nommer quelques unes qui me restent le plus en tête : Sissi a ramené l’Égypte au temps d’une dictature militaire avec le soutien matériel des États-Unis. Les régimes dans les autres pays nord-africains sont en train de paver tout signe de liberté pendant que les pays européens les persuadent de fermer les routes migratoires sur la Méditerranée. Sans les campagne militaires meurtrières du Hezbollah et du CGRI en Syrie, Assad n’aurait pas survécu au soulèvement. Le régime iranien lui-même a brutalement réprimé trois différents soulèvements dans le pays au cours de la dernière décennie. La plupart des gens au Liban sont dans une lutte quotidienne pour la survie à cause de la cupidité de ses dirigeants politiques pendant que des foules aux ordres du Hezbollah répriment des manifestations de rue. Au début des soulèvements, le Hamas, qui a abattu des opposants politiques en plein jour dans les rues de Gaza, a éliminé les tentatives d’un soulèvement en rassemblant les organisateurs des manifestations et les menaçant de meurtre. Les dirigeants dans la région ont compris une fois de plus qu’ils peuvent utilisé tous les moyens contre les populations sous leur contrôle sans réel empêchement de l’extérieur. Indifférence, cynisme et opportunisme l’emportent sur les appels moraux, et les alliances stratégiques sont toujours en jeu. Le monde continue de tourner. Pour celles et ceux d’entre nous qui n’ont pas regardé ailleurs, comment ne pouvons-nous pas voir un lien entre Assad bombardant des villes syriennes jusqu’à la saturation et Netanyahou en train de raser Gaza ?
Les auteurs et autrices de « Vers la dernière intifada » (Tinderbox n°6) ne reconnaissent pas ces expériences de la dernière décennie. Au lieu de cela, ils et elles proposent de rejoindre le camp opposé d’une alliance géopolitique américaine (en maintenant le centralisme américain à leur propre façon). Selon elles et eux, l’Axe de la Résistance montre la voie à suivre aux anarchistes pour lutter contre l’empire. Cet article semble confondre résistance avec « la Résistance ». C’est-à-dire, qu’ils et elles font tomber toute forme de résistance de gens en Palestine, et plus largement dans la région, dans une représentation particulière, adoptant un terme parapluie utilisé par les États, les militaires, les organisations para-étatiques/para-militaires pour décrire leurs propres activités. Les auteurs et autrices de l’article mettent en garde les anarchistes contre une trop grande sensibilité à la hiérarchie – comme si c’est le seul aspect de « la Résistance » que les anarchistes pourraient trouver difficile à accepter.
Cela fait maintenant un an après l’incursion sanglante du Hamas en Israël. À part les discours, les accomplissements de la Résistance jusqu’ici sont : le Hezbollah a lancé des roquettes inefficaces qui ont seulement infligé des dommages significatifs à un village druze, les dirigeants iraniens s’occupent en faisant des appels vers l’Occident pour régner en Israël, des milices en Irak ont attaqué quelques bases militaires US dans le pays au début et puis sont tombées dans le silence, tandis que seuls les Houthis semblent avoir pris « l’Unité des Fronts » de Nasrallah au sérieux. Ils ont réussi à perturber des routes maritimes mondiales et porté des attaques aériennes inattendues sur Israël. Entre-temps, Israël a anéanti la direction du Hezbollah, lance des bombes sur le Liban quotidiennement, bombarde régulièrement des sites en Syrie sans représailles, et commet des exécutions à Téhéran. L’Axe de la Résistance et l’Unité des Fronts sont de simples slogans qui masquent les affaires stratégiques entre les organisations politiques, autoritaires et les États avec leurs propres intérêts (souvent différents). C’est illusoire de le voir comme quelque chose d’autre. Et Israël qualifie de bluff « la Résistance » avec une escalade militaire exponentielle.
Les massacres d’Israël à Gaza, avec le soutien matériel des pays occidentaux, sont incessants. Le régime d’apartheid en Cisjordanie et Israël a été bâti pendant des décennies, laissant presque aucun oxygène à respirer pour celles et ceux vivant sous son contrôle. Face à cette triste réalité et une accablante impuissance d’y mettre fin, les anarchistes sont peut-être à la recherche d’une résistance efficace (ou plutôt, semble-t-il, d’une image de celle-ci). Mais si nous voulons combattre l’oppression, nous ne pouvons pas nous contenter avec une quelconque opposition. Choisir de rejoindre un système autoritaire, militariste contre un autre ne mettra pas fin aux horreurs de ce monde – ni dans ce conflit ni dans aucun autre. Ce n’est ni intrinsèquement défaitiste ni un signe d’indifférence privilégiée de refuser de prendre parti entre groupes et États belliqueux. Nous arrivons à cette conclusion seulement si nous réduisons la réalité à des représentations simplistes. Au lieu de cela, en s’ouvrant à la complexité et la spécificité, l’agir anarchiste peut être un effort libérateur. C’est là que nous pouvons trouver des affinités, construire des relations sur une base différente, et rassembler la force et le courage – ou peut-être, l’humilité et la passion – pour l’attaque. Les anarchistes trouvent leur efficience lorsque ils et elles peuvent ébranler et détruire des systèmes oppressifs. Nous ne la trouverons pas dans une prouesse militaire qui, en fin de compte, produit plus d’oppression et de misère. Et donc celles et ceux qui ont un esprit qui leur est propre et la mémoire des révoltes passées combattront pour un autre soulèvement. Depuis la côte nord de la Méditerranée, avec un cœur lourd et une âme en feu Début octobre 2024
La Messe des Morts (MdM) est un festival montréalais qui, selon la section « À propos » de sa page Facebook, se donne pour mission de « satisfaire ceux qui aiment leur Métal sombre et haineux! » L’événement est organisé par Martin Marcotte sous son label, Sepulchral Productions. Il est principalement consacré au Black Metal et à sa scène locale, le Métal noir québécois. Il s’agit d’une scène musicale assez underground, bien que très développée au Québec, qui affectionne particulièrement les thèmes choquants, comme le satanisme et le gore, par goût de l’anticonformisme, de la provocation et de la transgression.
Ce que nous révélons ci-dessous, toutefois, dépasse largement la simple provocation.
L’édition 2016 de la MdM avait déjà défrayé la chronique suite à l’annonce de la participation au festival du groupe polonais Graveland, un groupe de Black Métal associé au sous-genre du National Socialist Black Metal (NSBM). Rappelons que l’expression « national-socialiste » désigne le parti politique allemand mieux connu sous son abréviation courante : le parti nazi.
Le National Socialist Black Metal, comme son nom l’indique, explore (parfois de manière directe et explicite, mais souvent de manière oblique ou implicite) des thèmes aussi sombres que l’apologie du nazisme, la supériorité raciale des Européens de « race blanche » et la glorification de l’Holocauste, généralement conjugués aux thèmes du paganisme, des dieux nordiques et germains et de l’héritage des peuples scandinaves.
Suite au tollé provoqué par la présence de Graveland dans la programmation de la MdM, et après une intense campagne menée par des antifascistes dans les semaines précédent l’événement, laquelle s’est achevée par une manifestation devant le théâtre Plaza le soir venu et l’intervention de la police antiémeute, le groupe a été empêché de jouer et la soirée fut finalement annulée.
Après cela, l’organisation du festival, toujours sous la bannière de Sepulchral Productions, s’est faite plus discrète (même si l’édition 2017 a elle aussi posé problème)… jusqu’à cette année.
Sepulchral Productions semble vouloir opérer cette année un fâcheux retour aux sources : au minimum trois groupes appartenant au sous-genre NSBM (ou qui en sont à tout le moins proches à divers degrés) sont annoncés dans la programmation 2024, du 28 au 30 novembre.
Voici un aperçu des groupes prévus cette année et de leurs liens avec le sous-genre NSBM.
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Marduk :
Ce groupe suédois affectionne singulièrement les thèmes macabres liés à la Deuxième Guerre mondiale. Le groupe se défend bien de donner dans le NSBM ou de glorifier les nazis, et ses membres se décrivent eux-mêmes candidement comme férus d’histoire, mais curieusement, ils explorent systématiquement ces thèmes « historiques » du point de vue du Troisième Reich, de la Wehrmacht (l’armée allemande) et des SS (unités d’élite nazies, responsables notamment de l’extermination des Juifs). Le spectacle qu’ils souhaitent présenter au troisième soir de la MdM 2024 s’intitule d’ailleurs Panzer Division Marduk, d’après le titre de leur album de 1999, en référence directe aux divisions blindées des forces armées allemandes durant la Deuxième Guerre mondiale.
On constate rapidement la monomanie que cultive ce groupe pour le régime nazi en consultant les paroles de ses chansons, réunies sur cette page : [http://www.darklyrics.com/m/marduk.html]
Le plus récent disque de Marduk, Viktoria (2018), est un retour aux thèmes explorés dans leurs disques précédents, revisitant divers épisodes de la Deuxième Guerre mondiale… toujours du point de vue nazi. La chanson « Werwolf » fait référence au plan de résistance clandestine du même nom ourdi par les nazis en 1944 en cas de défaite; « Equestrian Bloodlust » fait directement référence à la 8e division de cavalerie SS Florian Geyer; « Narva » évoque la bataille de Narva, dite « des SS européens »; « Viktoria » fait référence au chant de marche militaire des troupes nazies « Sieg Heil Viktoria », etc.
Finalement, une recherche sommaire de la marchandise du groupe offerte en ligne révèle notamment des chandails ornés du Totenkopf (tête de mort) emblématique des SS, ou encore de l’emblème de l’aigle impérial du Troisième Reich, en plus de l’imagerie guerrière associée aux disques du groupe, dont Panzer Division Marduk.
Un échantillon des chandails de Marduk reprenant l’imagerie nazie, pour donner une idée de l’iconographie qui pourrait être aperçue aux abords du Théâtre Paradoxe les 29 et 30 novembre prochain…
Le nazisme et la glorification des combats militaires allemands durant la Deuxième Guerre mondiale, en particulier des unités SS, ne sont donc pas des éléments accessoires dans l’œuvre de Marduk, mais constituent un thème central, récurrent et persistant.
Le groupe a d’ailleurs connu plusieurs polémiques dans les dernières années (voir les liens ci-dessous). En 2017, deux de leurs membres ont été identifiés comme ayant acheté du matériel du Nordic Resistance Movement, le plus gros mouvement néonazi scandinave. Suite à cela, un spectacle de Marduk a été annulé à Oakland, grâce à la pression exercée par le groupe Anti-Fascist Action Bay Area. L’année dernière, le bassiste du groupe a été filmé en train de faire un salut nazi lors d’un spectacle, suite à quoi le groupe a été contraint de le limoger.
Ce groupe finlandais entretient des liens très clairs avec la scène NSBM. L’ancien chanteur de Horna est le fondateur et membre principal du groupe NSBM Satanic Warmaster. Le leader et guitariste de Horna a longtemps géré un label ayant endisqué d’autres groupes NSBM, en plus d’avoir lui-même participé à un groupe dont les paroles prônent la suprématie blanche. L’actuel chanteur de Horna a quant à lui été claviériste du groupe français Peste Noire, une formation phare du NSBM en Europe, dont la chanson « La bataille de Sarcelles », par exemple, fait l’apologie d’une bagarre de rue contre des Arabes en France (« les ennemis de nos terres ») à coups de « battes de baseball et d’autres bâtons de guerre », avec référence aux « fanions à croix celtique », le symbole de l’extrême droite identitaire (2021), alors que la chanson « Turbofascisme » fait l’apologie du « fascisme », de la « race des Seigneurs » et de la « race blanche » de la « Vieille Europe » (2018).
Un groupe québécois dont la notoriété est en partie due à ses collaborations passées avec des groupes NSBM. Ils ont produit en 2004 un disque en collaboration avec le groupe finlandais susmentionné, Satanic Warmaster], où figure la chanson « Six Million Tears » (six millions de larmes), en référence aux six millions de Juifs tués par les nazis durant l’Holocauste.
Dans une entrevue donnée en 2004, les membres d’Akitsa disaient n’avoir aucun problème avec la scène NSBM :
« [c’est] vrai que l’on doit mettre fin à l’immigration telle qu’elle est maintenant. La plupart de nos pays occidentaux sont envahis par des étrangers avec d’autres cultures que les nôtres. Ils détruisent la culture européenne. C’est la même chose pour les valeurs américaines (ce qui comprend les idées sionistes et les lois en matière de droits de la personne). La philosophie nationale-socialiste a des bons points concernant ces problèmes. »
Le logo du groupe ci-dessus est couronné du slogan fasciste « Me ne frego »; c’est aussi le titre d’un split du groupe sorti en 2013.
Le chanteur d’Akitsa, Pierre-Marc Tremblay, alias « Outre-Tombe », a fondé le label Tour de garde en 2001 (toujours actif), par l’entremise duquel il s’est empressé de diffuser la musique d’artistes néonazis québécois (Arnstadt et Mors Summa). À noter que le logo de Tour de garde évoque clairement les écussons militaires des SS… Sans doute une autre coïncidence.
Et par-dessus le marché, les groupes finlandais Chamber of Unlight et Warmoon Lord, aussi à l’affiche de la Messe des Morts 2024, sont produits sous le label NSBM Werewolf Records. L’ancien claviériste de Graveland joue maintenant avec Warmoon Lord…
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Tout cela, vous en conviendrez, dresse un portrait extrêmement problématique.
D’ailleurs les fans de black metal eux-mêmes ne s’y méprennent pas! Voici quelques-une des réactions trouvées sur les pages du festival et de Sepulchral Productions après l’annonce de la venue de Marduk et Horna :
Nous pensons évidemment que ces artistes ne doivent pas se produire à Montréal. Nous croyons aussi que les organisateurs du festival, au premier chef Martin Marcotte, ne peuvent plus se cacher derrière la licence artistique et doivent être mis devant leurs responsabilités : celle d’inviter année après année des artistes qui valorisent et mettent au goût du jour des idéologies haineuses, glorifiant le nazisme et le fascisme, dans notre métropole multiculturelle. Nous croyons qu’il est absolument primordial de préserver le caractère accueillant, diversifié et inclusif de Montréal, et par conséquent, de signifier sans ambiguïté que ce genre de contenu haineux n’a pas sa place dans nos salles de spectacles.
Mais justement, qui accueille ce festival?
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Le Théâtre Paradoxe
Depuis l’édition 2017 de la MdM, c’est le Théâtre Paradoxe, une entreprise d’économie sociale et solidaire, qui accueille le festival. Dans une entrevue accordée au magazine Sors-tu? en 2022, Martin Marcotte s’était d’ailleurs enorgueilli de ce partenariat inusité entre les adeptes du blasphème que sont les amateurs de Black Metal, et un ancien lieu de culte chrétien.
« J’ai parlé avec la directrice, on a discuté des controverses, de la médiatisation, je lui ai donné ma version des faits, et elle était OK pour donner une chance à l’évènement. »
Il y a trois semaines, nous avons communiqué avec l’administration du Théâtre Paradoxe en leur demandant de faire preuve de bon sens, compte tenu de la programmation 2024, et de rompre leurs relations d’affaires avec la MdM. L’administration nous a alors informés qu’elle était préoccupée par la situation et la prenait au sérieux.
Après quelques échanges de courriels, l’administration du Théâtre nous a récemment invités à une rencontre afin de dialoguer avec les différentes parties concernées. Or, du point de vue antifasciste, une rencontre avec les promoteurs de la Messe des Morts ne présente aucune espèce d’utilité. Il y a des situations où il faut trancher nettement, et celle-ci en est une. Il n’y a pas de dialogue possible entre apologistes et ennemis du nazisme, ce conflit ayant été réglé de manière définitive il y a 80 ans.
De toute manière, nous connaissons déjà par cœur les éléments de la ligne de défense de Martin Marcotte et Sepulchral Productions. Ça serait un enjeu de « liberté d’expression »; ces artistes nient publiquement être néonazis et n’appartiennent « pas vraiment » au sous-genre NSBM (bien que certains aient des parcours discutables); les paroles problématiques relèvent du « deuxième degré » et de la licence artistique; l’imagerie problématique fait partie intégrante de la sous-culture, les « vrais fascistes » sont ceux qui cherchent à les réduire au silence, etc.
Tous ces arguments sont fallacieux, relèvent du gaslighting, et servent en définitive à noyer le poisson.
Depuis 2017, malgré une sourde hostilité, le milieu antifasciste n’avait plus exercé de pression sur la Messe des Morts. Or cette année, Sepulchral Productions place en tête d’affiche des groupes extrêmement problématiques et largement reconnus pour cela. À notre avis, cela dépasse une ligne rouge, et il est évident que Martin Marcotte teste la limite de l’administration du Théâtre Paradoxe pour voir jusqu’où il pourra pousser la note douteuse dans l’enceinte même de cette entreprise à vocation sociale.
Nous comprenons bien évidemment que le Théâtre Paradoxe n’endosse pas les idées répugnantes véhiculées par le National Socialist Black Metal et ses apologistes. Cependant, l’organisme a le pouvoir d’agir avec fermeté en rompant ses relations d’affaires avec Sepulchral Productions, ce qui aurait pour effet d’envoyer un signal clair et de faire annuler la Messe des Morts, ou du moins de confronter Marcotte à ses responsabilités en le forçant à trouver un plan B.
Bref, l’heure n’est plus au dialogue, mais aux prises de position raisonnées, aux actions et aux conséquences.
Nous invitons nos sympathisantes à communiquer avec l’administration du Théâtre Paradoxe pour leur faire part (poliment, mais fermement) de leurs préoccupations.
Le 8 décembre 2023, la Gendarmerie royale du Canada annonçait avoir arrêté deux Ontariens, Matthew Althorpe et Kristoffer Nippak, et porté contre eux un certain nombre d’accusations découlant de leurs activités au sein de divers projets à caractère néonazi implantés en Ontario. Au premier chef, les deux hommes sont accusés de « participation aux activités d’un groupe terroriste », soit le réseau Atomwaffen Division, organisation classée comme terroriste au Canada. Dans son communiqué la GRC évoque également deux projets moins bien connus : le Terrorgram Collective et Active Club Canada. Le premier y est décrit comme « un groupe de chaînes sur Telegram en faveur de l’idéologie néofasciste qui publient des guides sur les moyens de se livrer à des actes de violence à caractère racial ». Active Club y est quant à lui présenté ainsi :
« Le réseau de l’Active Club est formé de cellules décentralisées de groupes néonazis et de suprématie blanche, qui sont actifs dans bien des États aux États-Unis et qui ont des chapitres ailleurs dans le monde, comme au Canada. Le réseau a été créé en janvier 2021 et préconise le recours aux arts martiaux mixtes pour combattre ce qu’il dit être un système qui cible la race blanche. Il encourage aussi le développement d’un esprit guerrier pour se préparer à la guerre raciale qui viendra. »
Active Club Canada, dont font partie les deux accusés, se présente donc comme un pôle régional du réseau Active Club international.
Quelques jours seulement avant ces arrestations, le 1er décembre, Vice News avait fait paraître un exposé détaillé du journaliste indépendant Mack Lamoureux sur Kristoffer Nippak et son rôle clé au sein du réseau Active Club au Canada, en particulier dans la région d’Ottawa. Dans son article, Lamoureux fait état d’une section régionale au Québec, mais jusqu’à présent, ce groupuscule local n’avait toujours pas fait l’objet d’un examen attentif. Le présent article a pour objectif de remédier à cette lacune en exposant le noyau dur du Frontenac Active Club (FAC), le principal projet « activiste » néonazi au Québec à l’heure actuelle.
Le 9 décembre 2023, les militants du Frontenac Active Club défendaient leurs camarades d’Active Club Canada au lendemain de leur arrestation, qualifiant les accusations portées contre eux « d’accusations politiques fabriquées ».
Que sont les Active Clubs?
Les Active Clubs forment un réseau décentralisé de groupes locaux ancrés dans l’idéologie suprémaciste blanche et néonazie. Ils incarnent une renaissance du mouvement « nationaliste blanc » (parfois désigné comme White Nationalism 3.0), faisant suite aux courants white power des années 1990 et 2000 et à la mouvance Alt-Right des années 2016-2020, épousant une structure sans leadership formel. L’origine du mouvement est généralement imputée au militant américain Robert Rundo, qui avait déjà fondé le groupe activiste Rise Above Movement (RAM) en Californie, en 2017, au plus fort de la période Alt-Right. Le but exprès de RAM était d’agresser physiquement les ennemi·es du mouvement nationaliste blanc.
Robert Rundo, l’initiateur du réseau Active Club.
Suivant la même logique, l’activité principale des Active Clubs consiste à s’entraîner à différentes techniques d’arts martiaux en vue de se préparer à la guerre raciale à venir, jugée inévitable en raison de ce que les militants conçoivent comme un « génocide blanc », soit le remplacement délibéré (par une nébuleuse élite généralement assimilée au cosmopolitisme et à la « juiverie internationale ») des populations à majorité blanche par des populations non-blanches dans les pays du bloc occidental, au moyen de « l’immigration de masse ». Les militants d’Active Club adhèrent sans réserve à ce fantasme de complot, comme à celui du « Grand Remplacement », et sont profondément ancrés dans la sous-culture néonazie contemporaine, vouant par exemple un culte à la figure d’Adolf Hitler et au parti nazi, en plus d’épouser une interprétation négationniste de l’Holocauste et de la Deuxième Guerre mondiale. Il va sans dire qu’ils baignent dans un imaginaire violent imprégné d’antisémitisme, de racisme, de misogynie, d’homophobie/transphobie et de haine viscérale des mouvements sociaux inclusifs et égalitaristes – libéraux autant que radicaux –, lesquels sont généralement regroupés sous la catégorie fourre-tout de « communiste » (la détestation du communisme est une référence constante et une valeur fondamentale).
Les Active Clubs seraient implantés dans 33 États américains et au moins douze pays, probablement plus à l’heure d’écrire ces lignes. Selon Vice News, il y aurait au moins 11 sections locales Active Club au Canada, dont le groupe Frontenac Active Club, principalement implanté dans la grande région de Montréal.
En dépit de ses déboires judiciaires, Robert Rundo demeure une figure emblématique du mouvement, et la Californie du Sud semble toujours en être l’épicentre, puisqu’un rassemblement des sections Active Club y est attendu au mois d’août 2024 (un premier événement du genre s’est déjà tenu à San Diego en août 2022). Rundo anime un certain nombre d’initiatives, dont le projet médiatique Media2Rise et la distribution de vêtements Will 2 Rise (W2R), dont les membres des Active Clubs portent très souvent les couleurs en soutien à leur maître à penser.
Ce compte lié à « Active Club » sur la plateforme Telegram renvoie aux projets Will2Rise et Media2Rise, tous deux animés par Robert Rundo.
D’où vient le Frontenac Active Club?
Le Frontenac Active Club a vu le jour au printemps 2023 (la chaîne Telegram a été créée le 16 février) et est l’héritier direct du projet White Lives Matter local, auquel nous avions consacré un article au printemps 2022. L’un des deux leaders du groupe mentionnés dans cet article est Raphaël Dinucci, de Laval, qui a visiblement poursuivi son parcours pour devenir le principal pilier du Frontenac Active Club et le militant clé sans qui le projet n’aurait sans doute pas tenu debout. Dans un premier temps, Dinucci a multiplié les liens avec des sections ontariennes du mouvement, avant de parvenir à réunir autour de lui un noyau de 5 ou 6 militants et de former ce qui est aujourd’hui le Frontenac Active Club.
La chaîne Telegram du Frontenac Active Club a été créé en février 2023. Elle compte aujourd’hui près de 800 abonnés.
On sait que le FAC entretient toujours des liens virtuels avec les autres Active Clubs canadiens, notamment avec le groupe ayant fait l’objet des perquisitions de la GRC, ainsi qu’avec le groupe Nationalist-13 implanté dans le sud-ouest de l’Ontario (13 = AC, pour anticommuniste).
Le frontenac Active Club est proche du groupuscule suprémaciste blanc Nationalist-13, implanté dans le sud de l’Ontario. Au centre, Raphaël Dinucci.Ce signe de la main que les militants du Frontenac Active Club affectionnent et reproduisent volontiers, le salut de Kühnen, est un signe de reconnaissance néonazi.
Les activités du groupe sont centrées dans le grand Montréal. Ses membres y sont disséminés sur la rive sud (Saint-Hubert, Saint-Jean-sur-Richelieu), la rive nord (Laval) et jusque dans Lanaudière (Rawdon). Bien qu’une poignée de membres/sympathisants semblent aussi être présents dans la région de Québec, on ne peut pas parler d’une section dûment constituée, puisque leurs actions se sont limitées dans la dernière année à la pose d’autocollants et à quelques sorties sociales dans la Capitale.
L’essentiel de l’activité du Frontenac Active Club dans la Capitale nationale consiste poser des collants et à se prendre en photo. Ici, Raphaël Dinucci prend la pose en août 2023.Sortie tranquillou à la Taverne Urbaine 1500, à Québec, en décembre 2023.
Sans doute dans le souci de favoriser l’esprit de fraternité raciste et misogyne qui est à la base du mouvement, l’adhésion au FAC est strictement réservée aux hommes blancs.
Le compte Twitter/X du groupe a été créé en avril 2024. Raphaël Dinucci y a également un compte personnel.
(Il importe à cet égard de souligner que cette plateforme, sous la houlette du milliardaire Elon Musk, est [re]devenue un véritable safe space pour les individus et groupes suprémacistes et néonazis, après que l’administration précédente y eût opéré une relative épuration. C’est aussi un espace où la désinformation et les discours haineux ont aujourd’hui libre cours, pratiquement sans aucune contre-mesure. À tel point d’ailleurs qu’il nous semble inutile, voire contre-productif, d’y maintenir une présence.)
Que font-ils?
Dans la droite lignée du mouvement, les membres du FAC s’entraînent assez régulièrement aux arts martiaux, de façon inégale selon les membres, généralement dans un parc public près de chez vous, surtout en périphérie de Montréal (Longueuil, Laval). L’autre aspect central de leur activité consiste à se mettre en scène sur leur chaîne Telegram, en publiant des photos de groupe documentant leurs activités. En avril dernier, les membres du noyau dur se sont notamment photographiés en prenant la pose après un entraînement au parc Mackenzie-King, dans l’arrondissement Côte-des-Neiges de Montréal, tout juste en face d’une synagogue et d’une école confessionnelle juive, et à un jet de pierre du Musée de l’Holocauste de Montréal.
Militants du Frontenac Active Club s’entraînant au parc Mackenzie-King, dans l’arrondissement Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce, à Montréal, le 22 avril 2024. Sur la photo de groupe, de gauche à droite : Mathieu Grenier, Martin Brouillette (de dos), Shawn Beauvais Macdonald et Raphaël Dinucci.
Cet événement coïncide d’ailleurs avec l’apparition à visage découvert de Shawn Beauvais MacDonald, dont nous soupçonnions déjà la connivence avec le club. Rien n’indique que Beauvais MacDonald ait été un militant sérieux du groupe avant cette année, mais il est clair que ni lui ni ses acolytes ne rechignent à ce que sa tristement notoire image soit associée au Frontenac Active Club. D’ailleurs, plus récemment encore, il semble que Beauvais MacDonald ait pris une place encore plus centrale au sein du groupe, le représentant notamment dans un tournoi de boxe amical contre les nazis de Nationalist-13 et donnant son contact personnel comme moyen d’entrer en lien avec le FAC.
Shawn Beauvais MacDonald et Raphaël Dinucci, en avril 2024, portant des t-shirt du projet Will2Rise de Robert Rundo.
L’ignorance consternante des membres du groupuscule n’a d’égale que leur extrême valorisation d’un culte du corps correspondant aux normes de la masculinité toxique qui s’imposent traditionnellement dans les milieux d’extrême droite. Outre les entraînements, le FAC se donne plus que jamais des allures de club social pour nazis rejects lorsque ses membres organisent des randonnées en nature les week-ends (par exemple au Mont Gorille, Laurentides, ou à la Montagne Noire, Lanaudière), ou se tapent une partie de badminton au Carrefour Multiport de Laval, souvent suivie d’une petite bière dans un pub local.
Sortie en nature du Frontenac Active Club, le 14 mai 2024. Au centre, à visage découvert, Shawn Beauvais MacDonald.Séance de sparring entre Martin Brouillette et Mathieu Grenier, du Frontenac Active Club, en novembre 2023.Chamaillage et posture sur le Mont-Royal, en juillet 2024. Au centre, Shawn Beauvais MacDonald.Raphaël Dinucci brandit le drapeau de son groupuscule à l’occasion d’une sortie au Mont Gosford, en Estrie, en juin 2023.
Outre les activités physiques et la représentation ostentatoire sur ses médias sociaux, le club cherche bien sûr à se donner de la visibilité dans la cité, notamment sur le mode déjà privilégié par White Lives Matter consistant à poser des autocollants un peu partout dans la région de Montréal et d’autres localités, dont Saint-Jean-sur-Richelieu, où réside notamment le militant David Barrette.
Un autocollant du Frontenac Active Club, apposé en mai 2023 à Saint-Jean-sur-Richelieu, lieu de résidence de David Barrette.Les militants du FAC affectionnent particulièrement ce genre de mise en scène, où ils brandissent un autocollant du groupe quelque part… Ici à Bromont, en mai 2023.Un autre collant du FAC, dans l’arrondissement Rosemont-La Petite-Patrie, à Montréal, novembre 2023.
Quant aux mobilisations physiques, Raphaël Dinucci et David Barrette ont eu la curieuse idée de se pointer à une manifestation contre l’heure du conte en drag et la communauté queer et trans, à Sainte-Catherine, le 2 avril 2023. Ça s’est mal passé pour eux, puisque Dinucci s’est fait battre par les manifestant·es et interpeller par la police, tandis que Barrette a reçu des accusations pour voie de fait (abandonnées au printemps dernier). Dans le même ordre d’idée, le militant du FAC Martin Brouillette a envoyé des menaces explicites aux organisateur·rices de la manifestation « Nous ne serons pas sages », en mars dernier, sous son pseudonyme « Martin Leblanc ». Il n’a toutefois pas donné suite à ses menaces.
David Barrette, alias « NatSocSiD », ou ici « SuperFrenSiD », se vante de ses « exploits » sur la plateforme Discord, dans la foulée de l’intervention des militants du Frontenac Active Club en marge d’une manifestation transphobe, à Sainte-Catherine, le 2 avril 2023.David Barrette, alias « SuperFrenSiD », relate ses déboires à Sainte-Catherine, le 2 avril 2023.David Barrette, alias « NatSocSiD », relate ses déboires sur la plateforme Undernet.Martin Brouillette, alias «Martin Leblanc», formule des menaces explicites à l’endroit des organisateur·rices de la manifestation « Nous ne serons pas sages », en mars 2024.
Une publication de juin sur la chaîne Telegram du groupe montre le militant Mathieu Grenier en visite en France, entouré de militants nationalistes de la région marseillaise.
Comment le Frontenac Active Club s’inscrit-il dans l’écosystème d’extrême droite au Québec?
Que ce soit sous la bannière Active Club ou, précédemment, celle de White Lives Matter, il est clair que ce petit noyau de militants néonazis cherche à se tailler une niche dans le milieu de l’extrême droite québécoise.
Le Frontenac Active Club s’inscrit avant tout dans la tradition du nationalisme blanc et du néonazisme made in North America, en droite ligne avec la frange la plus radicale de l’Alt-Right et les mouvements qui l’ont historiquement précédée. Il est aussi adjacent aux obsessions complotistes dominantes en Amérique du Nord (là où le « White Genocide » rencontre le Grand Remplacement), comme la panique morale entourant l’émancipation des minorités sexuelles et de genre. Les militants WLM/FAC ont notamment été aperçus durant la pandémie dans des manifestations contre les mesures sanitaires, puis, à partir du printemps 2023, en marge des activités transphobes organisées par les suspects habituels de la complosphère locale. Le FAC maintient aussi des liens avec le réseau Active Club canadien, dont les néonazis du groupuscule Nationalist-13, et avec le réseau Diagolon, principalement au moyen de communications chiffrées sur la plateforme Telegram. Lors de la récente « tournée canadienne » des militants de Diagolon, ceux-ci se sont d’ailleurs arrêtés à Montréal, où ils ont fraternisé avec les gars du Frontenac Active Club.
Frontenac Active Club et le groupe Nationalist-13 ont récemment participé à un tournoi de boxe amical entre néonazis. À noter que Shawn Beauvais MacDonald est décrit dans cette publication comme le « champion » du FAC et que son compte Telegram est indiqué comme contact du groupe.Les militants du Frontenac Active Club et de Nationalist-13 se sont réunis en Ontario dans la semaine du 5 août.Les militants du Frontenac Active Club ont eu l’occasion de fraterniser avec ceux du réseau Diagolon à Montréal, le 1er août 2024. Là encore, Shawn Beauvais MacDonald semble être devenu un membre clé du groupuscule, s’exprimant ici à la première personne.
Mais ses membres flirtent également avec le fascisme en ceinture fléchée. Ils ont notamment participé au moins une fois à l’horripilante « Saint-Jean de la Race » de Nomos-TV, le programme de propagande ethnonationaliste dirigé par Alexandre Cormier-Denis. Depuis quelques années, ces festivités prennent la forme d’un enregistrement de Nomos en direct, le 23 juin, suivie d’une petite fiesta intime entre fachos. Raphaël Dinucci était définitivement présent à l’édition 2022 de cet événement à Québec (au Bar Le Duck), notamment aux côtés de membres du groupe néofasciste Atalanteet du Parti nationaliste chrétien (néonazi) de Sylvain Marcoux, avec qui le FAC semble en termes amicaux depuis l’époque de WLM. Nous avons de bonnes raisons de croire que Dinucci était à nouveau présent lors de la dernière édition de la Saint-Jean de Nomos, à Montréal le 23 juin dernier, qui se tenait pour une deuxième année consécutive dans les locaux de Lux Média, le projet de « réinformation » d’André Pitre. (Beauvais MacDonald y a quant à lui été aperçu l’année précédente.)
Le plus important à retenir ici est précisément que ces « activistes » néonazis qui se fantasment un rôle prépondérant dans une guerre raciale qu’ils imaginent imminente – du côté des croisés de la race blanche, bien entendu – font partie intégrante de l’écosystème de l’extrême droite au Québec. Bien qu’ils y soient encore relégués à la marge, ils y jouent définitivement un rôle, ne serait-ce que comme repoussoir pour les autres, qui peuvent à loisir se dépeindre comme « moins pires que ». Sans que tous leurs éléments spécifiques s’arriment nécessairement, il faut bien comprendre que tous les groupes et les courants mentionnés dans le présent article et dans les autres communications récentes de Montréal Antifasciste (des nazis 3.0 de WLM/FAC aux nationalistes ethniques de Nouvelle Alliance, en passant par les complotistes transphobes, les cryptofascistes de Nomos et les nationaux-socialistes déjantés du Parti nationaliste chrétien) occupent un espace particulier dans un seul et même écosystème, où ils tendent à se renforcer mutuellement.
Il importe aussi de rappeler le rôle clé que jouent certaines figures des médias dominants d’ici (est-il même besoin de les nommer?) pour normaliser l’extrême droite… en répétant aussi souvent que possible qu’elle n’existe tout simplement pas.
Qui forme le noyau dur du Frontenac Active Club?
Photo de groupe du Frontenac Active Club prise dans le garage de Martin Brouillette, à Rawdon, en janvier 2024. De gauche à droite: Martin Brouillette, Mathieu Grenier (à genou, t-shirt « Free Rundo »), David Barrette (debout derrière), Steven Khazanov et Raphaël Dinucci (à l’avant, t-shirt HTLR).
Raphaël Dinucci est fort probablement le fondateur et le principal animateur du Frontenac Active Club. Il apparait d’abord sur notre radar en 2022 comme coadministrateur du canal Telegram White Lives Matter Québec, sous le pseudonyme de « Whitey », aux côtés de Yannick Lachapelle, alias « Nord-Est ». Ils forment en fait à eux deux le noyau dur de l’éphémère groupuscule.
Profil Telegram connu de Raphaël Dinucci.Actuel profil Telegram de Raphaël Dinucci.
Dinucci se distingue dès le début par un activisme intense, notamment dans les rues de Laval, qu’il recouvre de stickers et de graffitis.
On comprend que cette petite crevette prématurée a eu 23 ans le 22 juillet dernier.
Après la sortie de l’article White Lives Matter : un nouveau projet néonazi fait des petits au Québec en mars 2022 et l’évaporation dans la nature de Yannick Lachapelle, Dinucci se retrouve seul aux commandes. Nous savons qu’il multiplie les liens avec des membres ontariens de WLM et Active Club, et c’est éventuellement à ce moment que lui vient l’idée et l’envie de passer à la vitesse supérieure et de fonder le Frontenac Active Club.
Dinucci se prend en selfie pour la chaîne Telegram du Frontenac Active Club, en citant le nazi belge Léon Degrelle.Détail du tatouage de Raphaël Dinucci : une figure de loup surimposée dans une rune de Tir.
On le retrouve sur quasi toutes les photos des activités du groupe de Montréal et il est aussi celui qui s’occupe des relations publiques pour le FAC, que ce soit en rencontrant les membres du Parti Nationaliste Chrétien (PNC, basé à Drummondville), ou en participant aux différentes éditions de la « Saint-Jean de la Race » de Nomos-TV.
Il est présent le 2 avril 2023 au rassemblement de Sainte-Catherine avec David Barrette et Sylvain Marcoux (du PNC), et ils déploient quelques secondes une bannière « Sales pédos hors du Québec », qui leur est rapidement confisquée.
Il est toujours domicilié chez son père dans le secteur Auteuil de Laval.
David Barrette
Telegram : @NatSocSiD Adresse : 863 rue Saint-Jacques, Saint-Jean-sur-Richelieu
David Barrette est un néonazi du clavier hyperactif depuis des années, principalement sous le pseudo @NatSocSid (il en a plusieurs autres), sur de nombreuses plateformes virtuelles, dont Telegram, Discord et le serveur IRC #Montreal du réseau de clavardage Undernet. Il est également actif sur YouTube, BitChute, TikTok et plusieurs autres plateformes. Il était déjà membre du groupe White Lives Matter en 2020 et a naturellement fait la transition vers le Frontenac Active Club à sa création, avec Dinucci et d’autres sympathisants.
Mesdames, à qui la chance?
Son activité et son implication au sein du FAC sont limitées en raison d’une blessure chronique à la cheville. Cela ne l’a pourtant pas empêché d’accompagner Raphaël Dinucci lors d’une aventure « in real life » à Sainte-Catherine le 2 avril 2023, aventure qui s’est soldée pour lui par une arrestation et des accusations de voies de fait (accusations retirées en mars dernier par les autorités, pour des raisons que nous ignorons). Nous croyons que ces déboires judiciaires ont refroidi son enthousiasme pour l’activisme politique, mais il reste très proche du noyau dur du FAC.
David Barrette, en fâcheuse posture, le 2 avril 2023, à Sainte-Catherine.
David Barrette habite à Saint-Jean-sur-Richelieu et travaille à Montréal dans le domaine des technologies de l’information, pour la compagnie Globotech Communications, spécialisée dans l’hébergement Web. Les renseignements que nous avons recueillis nous portent à croire qu’il se sert de sa position privilégiée au sein de cette compagnie pour y héberger de manière clandestine des sites et services à caractère antisémite, néonazi ou suprémaciste blanc, à même les serveurs de l’entreprise.
Profil Instagram de David Barrette, alias NatSocSiD.David Barrette est gestionnaire chez Globotech Communications, à Montréal.
L’employeur de Barrette sera sans doute intéressé de connaître les activités extracurriculaires de son employé, voire de procéder à un examen minutieux des serveurs placés sous sa supervision.
Globotech Communications :
sales@globo.tech/support@globo.tech / abuse@globo.tech / NOC@globo.tech Téléphone : (514) 907-0050 ou 1 888-482-6661 (À noter que Barrette reçoit lui-même les messages de demande de soutien et est susceptible de les filtrer; il est donc indiqué d’écrire à plusieurs adresses pour faire en sorte que le message se rende bien aux autorités compétentes…)
Nous avons eu les premiers échos de ce sinistre personnage en mars dernier, lorsque le comité Nous ne serons pas sages – un groupe grassroots formé pour contrer le ressac anti-LGBTQ et le soi-disant « Comité des sages » du gouvernement de la CAQ – nous a contacté pour nous signaler des menaces violentes et haineuses reçues d’un certain « Martin Leblanc ». Ce dernier disait vouloir « se rencontrer » pour « enlever des pédophiles et des trans de ce monde », et qu’il leur donnait « rendez-vous sur Fullum » (le lieu de la manif du Comité). Dans un autre message, tout aussi violent, il se disait « fasciste, violent, près (sic) à faire le ménage », qu’il avait « déjà cracher (sic) sur des juifs et des gay » et qu’il voudrait « continuer [son] cheminement ».
Nous avons assez facilement retrouvé un « Martin Leblanc » sur Telegram (chaîne associée, « My Ancestral Calling »), avec un profil dont le caractère suprémaciste blanc ne laisse aucun doute (hommage à Hitler, etc.). Sa photo de profil le montre dans un gym dont les murs sont tapissés de symboles néonazis et d’un drapeau du Frontenac Active Club; c’est d’ailleurs le même gym qu’on aperçoit sur certaines photos publiées par le groupe sur sa propre chaîne.
Martin Brouillette dans le gym privé aménagé dans son garage, à son domicile de Rawdon. À noter, le tatouage d’un faisceau (symbole du fascisme) sur sa nuque et l’arrière de sa tête.Martin Brouillette dans le gym privé aménagé dans son garage, à son domicile de Rawdon.Martin Brouillette se vante d’avoir bâti son garage/gym durant la pandémie.
Ce profil nous a permis de trouver son vrai nom, Martin Brouillette – dont le compte Facebook est illustré par la même photo de profil que le compte Telegram de « Martin Leblanc » – où celui-ci se décrit carrément dans sa bio comme « fasciste ». (À ce propos, les robots de Facebook semblent de moins en moins capables de détecter les publications néonazies ou suprémacistes blanches, et même les profils qui écrivent « fasciste » en clair, en plus d’afficher du contenu haineux, ne semblent pas être détectés dans ce Meilleur des mondes placé sous le signe de l’intelligence artificielle.)
Le compte Facebook de Martin Brouillette.
Les photos affichées par Brouillette sur sa chaîne Telegram nous enseignent également qu’il s’entraîne au gym Kanreikai Karaté Joliette, situé à Saint-Charles-Borromée. C’est par les mêmes moyens que nous avons pu déterminer que son gym privé, là où il invite ses potes fascistes à se rouler par terre, se trouve dans son propre garage, sur le chemin Bélair dans la municipalité de Rawdon.
Martin Brouillette, membre du groupuscule néonazi Frontenac Active Club, prend la pose dans les locaux de Kanreikai Karaté Joliette.Martin Brouillette, membre du groupuscule néonazi Frontenac Active Club, affiche discrètement ses couleurs à l’intérieur du club de karaté Kanreikai Joliette, sans doute à l’insu du sensei et des autres membres du club.
(Nous vous invitons à faire preuve de mesure et de politesse si vous choisissez de communiquer avec les responsables de l’école; il s’agit d’une entreprise légitime, a priori gérée par des personnes raisonnables dont nous n’avons aucune raison de croire qu’elles sont au courant des activités politiques de Martin Brouillette.)
Shawn Beauvais MacDonald
Telegram : @FriendlyFash
Eh la la, comme on dit dans le milieu… Cet abruti saucé est littéralement de tous les mauvais plans, à tel point que les autres nazis devront bien, à un moment donné, se rendre compte qu’il est toxique et que tout ce qu’il touche se transforme en marde. Il n’a en tous cas aucune notion de sécurité opérationnelle et vit sa petite vie de nazi comme un livre ouvert, ce qui expose tôt ou tard ses petits camarades. Que dire encore sur cet énergumène que nous n’ayons pas déjà dit 100 fois?
Nous soupçonnions déjà depuis avril 2023 que Beauvais MacDonald jouait un rôle, soit au cœur, soit en marge du FAC, mais nous n’en avions aucune preuve. En avril dernier, il a toutefois commencé à s’afficher à visage découvert avec le groupe sur son compte Telegram, suite à quoi celui-ci a décidé d’en faire un poster boy sur sa propre chaîne Telegram. Il a récemment pris une place plus centrale au sein du groupe. Il convient de remarquer que son arrivée dans le décor a coïncidé avec une séance d’entraînement au jiu-jitsu tout juste devant une synagogue dans le quartier Côte-des-Neiges de Montréal.
Shawn Beauvais Macdonald est désormais, littéralement, une figure centrale du Frontenac Active Club.Shawn Beauvais Macdonald pose avec ses camarades du Frontenac Active Club à Montréal, en juillet 2024.
Accessoirement, Beauvais MacDonald semble récemment plus que jamais en roue libre. On nous signale qu’il a été plus d’une fois aperçu en public à proférer des menaces contre des personnes l’ayant reconnu (qu’il assimile évidemment aux « antifas »). De plus, il semble s’être acoquiné avec la jeune Sandrine Girardot, de Châteauguay, qui s’est tristement fait connaître en mars dernier pour avoir commis une série de graffitis haineux dans cette ville, notamment sur son propre immeuble à logements. Cette dernière a elle-même publié sur ses comptes de médias sociaux une série de publications et de vidéos complètement déjantées où l’on aperçoit avec Shawn Beauvais MacDonald dans divers quartiers et dans le métro de Montréal, agressant verbalement des passant·es avec des invectives et des insultes racistes et homophobes, criant leur admiration pour Adolf Hitler et faisant des saluts nazis, hilares.
Lorsque nous avons signalé publiquement ce rendez-vous galant de néonazis en goguette, Beauvais MacDonald a répondu en formulant des menaces explicites :
… si on demandait à un robot conversationnel de produire un message de menaces dégoulinant de masculinité toxique, comme en ferait un néonazi stéroïdé de 40 ans salivant sur une jeune femme de 23 ans visiblement dans un état de grande fragilité mentale.
Mathieu Grenier
Mathieu Grenier utilise l’alias « @matthewattic » sur Telegram. Nous savons peu de choses de lui, hormis qu’il est roux et qu’il fut jadis impliqué dans le (très éphémère et essentiellement virtuel) groupe Proud Boys de Montréal. Il a récemment fait un voyage à Marseille, où il a socialisé avec des fachos locaux.
Steven Khazanov
Khazanov utilise l’alias « @stvjms » sur Telegram. Il vit sur la rive-sud de Montréal et a participé à plusieurs activités du Frontenac Active Club au cours de la dernière année.
Sa photo de profil sur Telegram le montre s’entraînant dans les installations extérieures du Parc de la Cité, à Saint-Hubert. Il est domicilié au 3133, rue Ovila-Hamel, à Saint-Hubert.
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Afin de ne pas nuire à nos enquêtes, nous avons choisi de ne pas inclure tous les renseignements dont nous disposons dans cet article. Nous continuons bien sûr à recueillir des renseignements sur les membres actifs du Frontenac Active Club. Si vous avez des renseignements sur ces individus ou d’autres rattachés au groupe ou évoluant dans ce milieu, n’hésitez pas à nous écrire à alerta-mtl@riseup.net.