Montréal Contre-information
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Le verger au complet : La répression policière contre les travailleuses du sexe

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Fév 142022
 

De la Convergence des luttes anticapitalistes (CLAC)

Pour ce premier épisode de la seconde saison du Verger au complet, on vous présente une entrevue avec Sandra Wesley, directrice générale de Stella, un organisme par et pour les travailleuses du sexe qui existe depuis plus de 25 ans et qui oeuvre à la défense des droits de ces travailleuses. Elle aborde notamment les relations entre la police et les travailleuses du sexe et les impacts des dernières lois sur leur travail.

MUSIQUE

Merci aux artistes qu’y nous ont donné la permission d’utiliser leurs chansons

  • Devon Michigan, « November 8th », tiré de l’album du même nom: https://devonmichigan.bandcamp.com/, utilisé avec la permission du groupe.
  • Les ogres de Barback, « Rue de Panam », tiré de l’album « Rue du temps » : https://lesogres.com/, utilisé avec la permission du groupe.
  • Claude L’Anthrope, « Les lumières ont tué la nuit », tiré de l’album du même nom : https://claudelanthrope.bandcamp.com/, utilisé avec la permission du groupe.
Références

Le site web de Stella : https://chezstella.org/publications/

Lire la transcription

Ici on sauve des vies, pas au gouvernement!

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Fév 122022
 

Du Collectif Emma Goldman

Chicoutimi sur le Nitassinan, 11 février 2022. Ce matin, des militants et militantes du Collectif anarchiste Emma Goldman ont posé une bannière devant l’Hôpital de Chicoutimi en soutien au personnel hospitalier qui subit de plein fouet le résultat de plusieurs décennies de démantèlement du système de santé public. Le milieu hospitalier ne s’est pas encore remis des mesures d’austérité néo-libérales mise en place par les divers gouvernements qui se sont succédés dans les trente dernières années. L’augmentation des hospitalisations suite à la COVID vient ajouter une pression énorme sur un système déjà en lambeaux. 

Face à l’hécatombe et les cas de maltraitance dans les CHSLD, des professionnels à bout de souffle et un accès aux soins toujours de plus en plus difficile, le gouvernement affairiste de la CAQ nous promet une énième réforme/refondation. On se rappelle de la dernière en date, imposée par baîllon le 7 février 2015 par le gouvernement Couillard (Parti Libéral du Québec) et son ancien ministre de la Santé Gaétan Barrette. Cette réforme a entrainé une très grande opacité, une gestion centralisée à l’extrême, avec des conseils d’administration nommés par le ministre et un réseau alourdi par une bureaucratie centrale. 

Aujourd’hui, la réelle préoccupation du Premier ministre Legault reste la santé… de l’économie. Au nom de la lutte à la pandémie, il commande à coup de décrets, il renforce son arsenal policier, impose des couvre-feux, confine et tantôt déconfine afin de maintenir les hôpitaux à flot et surtout les gens au boulot. Soudain, l’équilibre budgétaire devient moins une religion d’État et comme les gens d’affaires ne connaissent qu’un langage, celui de l’argent, il distribue les liasses en croyant que tout va s’arranger avant le prochain cycle d’austérité. 

Comme un château de cartes prêt à s’effondrer

Mais, en-dehors du débat vaccinés/non-vaccinés, le problème en ce moment c’est que l’État démontre sa grande incompétence dans la gestion du système de santé public et que la marchandisation de la santé s’avère être un échec pour contrer cette pandémie. Depuis plus de trente ans, la pression du capital a considérablement affaibli la qualité de l’offre de l’État en santé comme en éducation. 

Alors que la majorité des investissements vont dans les hôpitaux, les coupures se font dans les soins de première ligne comme les CLSC, Groupe de médecine familiale (GMF), les soins à domicile ou encore les services d’aide au maintien à domicile. Cette situation fait en sorte qu’il est de plus en plus difficile d’avoir accès à des soins en-dehors de se rendre à l’hôpital. La centralisation des soins vers les hôpitaux à comme résultat que les urgences débordent sans arrêt et les listes d’attente pour des chirurgies s’allongent puisque les médecins et le personnel hospitalier doivent donner des soins à des gens qui auraient pu aller vers la première ligne. Résultat? Congestion dans les hôpitaux et manque de personnel. 

Cependant, il ne s’agit pas d’augmenter encore une fois le rôle de l’État, car la présente crise n’a fait que rendre plus explicite le fait que ce dernier est subordonné au Capital et à sa nécessité de rentabilité. Les gens infectés par la COVID et les personnes sur le bord de craquer mentalement doivent retourner travailler le plus vite possible pour sauver l’économie. 

Les bureaucrates et les politiciens ont assez joué aux apprentis sorciers

Les solutions doivent donc passer par une nécessaire démarchandisation des soins de santé (la gratuité des soins, des médicaments, une recherche médicale indépendante de toute considération de profit, etc.) sans l’intermédiaire de l’État. Il nous faut donc décentraliser le réseau et faire en sorte que le contrôle soit exercé par les communautés locales ainsi que les travailleurs et travailleuses de la santé. Après tout, ils et elles tiennent déjà à bout de bras ce réseau.

Ottawa, l’extrême droite et l’État : Les manifestations du convoi et la lutte à trois en cours

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Fév 122022
 

De It’s Going Down

Dans cet épisode du balado It’s Going Down, nous nous entretenons avec deux anarchistes impliqué-es dans le collectif Punch Up, un groupe qui se mobilise actuellement à Ottawa, la capitale du soi-disant Canada, au milieu d’une occupation de protestation d’extrême droite composée de plusieurs centaines de véhicules dans le centre-ville.

Lancement de la saison 2 du podcast Le Verger Au Complet

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Fév 102022
 

De la Convergence des luttes anticapitalistes (CLAC)

La deuxième saison du podcast « Le Verger au Complet » débutera bientôt !

Cette année il sera entre autres question de féminisme anticarcéral, de polices en territoires autochtones, de militarisation de la police et de justice transformatrice! En attendant, vous pouvez écouter ou réécouter les cinq épisodes (et demi) la saison 1 en cherchant « Le verger au Complet » sur votre plateforme de baladodiffusion favorite ou en visitant le site web.

Amour et Rage,
La CLAC.


Nouvelle action de perturbation, en solidarité avec les Wet’suwet’en, qui s’attaque aux franchises Banques Royale du Canada (encore)

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Fév 102022
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Le 6 février 2022, à Montréal (Tio’Tia:Ke), des allié.e.s allochtones ont fait des actions de perturbation en solidarité avec le clan Gidimt’en de la nation Wet’suwet’en sur plusieurs guichets automatiques de différentes succursales de la Banque Royale du Canada dans la région du soi-disant Montréal.

Nous avons utilisé-es différentes tactiques : briser des vitres, mettre de la colle dans des serrures, insérer des cartes dans les insertions des guichets et utiliser des «tags» #FuckRBC à l’intérieur. Maintenant, les clients de la RBC vont être conscient des raisons pour lesquelles leurs banques sont constamment ciblées depuis maintenant 5 mois. Les instigateurs.trices de cette action répondent en effet à l’appel des chefs traditionnels Wet’suwet’en à perturber le Canada (#ShutdownCanada) en réaction à l’invasion de leur territoire, le Yintah, pour la troisième année consécutive par la GRC.

Le peuple Wet’suwet’en s’oppose actuellement à la construction d’un oléoduc par Coastal GasLink, une compagnie de TransCanada Energy – qui est connue ici pour avoir tenté la construction de l’oléoduc Énergie Est -, sur leur territoire traditionnel. Entre autres choses, la construction de l’oléoduc met en danger la rivière Wedzin Kwa, source d’eau et de poisson, et lieu central aux pratiques ancestrales des Wet’suwet’en, sous laquelle il doit passer.

Ce sont des petites actions faciles à reproduire et nous vous encourageons à faire vos propres tests avec des ami.es de confiance afin de trouver différentes façons de lutter contre la RBC.

Plusieurs actions de solidarité ont en effet eu lieu à différents endroits, au Canada, dans les dernières semaines. L’appel à des actions de solidarité est toujours d’actualité: « le Clan Gidimt’en invite à l’organisation de manifestations et d’actions dans votre région. Il appelle également [à] mettre de la pression sur les gouvernements, les banques et les investisseurs […] et à venir au campement.»

Solidarité avec tous les peuples qui résistent! Non à Coastal GasLink! #Fuck RBC!

Compte-rendu de voyage : Le samedi 5 février à Ottawa

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Fév 102022
 

Soumission anonyme à North Shore Counter-Info

Nous avons pris le train en ville pour éviter d’être pris dans l’embouteillage de la manifestation elle-même. J’ai passé le trajet à me préparer pour ce que nous allons voir en passant mentalement en revue toutes les choses que je dois m’attendre à voir et à entendre dans les prochaines heures à la manifestation du convoi et à me distraire en me demandant si j’aime ou non le nouveau système de transport en commun d’Ottawa. Je n’ai pas été au centre-ville d’Ottawa depuis avant la pandémie. Je sais à quel arrêt nous nous rendons, mais il est de toute façon immanquable, une vague de personnes vêtues de capes du drapeau canadien, sans masque et portant des pancartes se prépare à descendre en même temps que nous. Je me souviens avoir utilisé une tactique similaire pour trouver le bon arrêt de métro afin de me rendre au parc Zucotti en 2011. Il y a tellement de similitudes superficielles entre ici et là que je ne peux m’empêcher de ressentir une pointe de jalousie et peut-être même d’empathie envers les manifestant-es que j’ai vécus toute la semaine, en regardant leur moment se dérouler et en me rappelant des moments où j’ai ressenti de la joie, de la camaraderie et de l’anticipation du genre de celles que j’imagine qu’iels ressentent cette semaine.

La première chose que je remarque lorsque nous sortons du train, c’est un grand homme blanc portant un chapeau « Make America Great Again » et agitant le drapeau « Fuck Trudeau » qui est un emblème important de la droite depuis quelques années. Évidemment, je déteste son chapeau Trump, mais cela me rappelle aussi à quel point je déteste que l’extrême droite m’ait enlevé un slogan aussi pur et bon que « Fuck Trudeau », de sorte que je ne peux pas insulter l’homme qui est peut-être le premier ministre que je préfère le moins dans l’histoire du Canada sans d’abord déclarer que je ne soutiens pas l’extrême droite. La deuxième chose remarquable, ce sont deux jeunes familles qui se croisent, l’une se dirigeant vers le train et l’autre s’en éloignant, les enfants sautant de haut en bas en marchant et scandant « LIBERTÉ » si fort que leurs voix se brisent. Je peux dire qu’iels ont fait cela toute la journée et le mec MAGA se joint à eux avec un bruyant « FREEDOM ! FREEDOM ! » et salue les enfants avec enthousiasme.

J’ai suivi cette manifestation en ligne toute la semaine et, bien que je sache que c’est en ligne que se déroule une grande partie du badinage des manifestant-es, je savais aussi que ce serait différent d’être parmi elleux au centre-ville d’Ottawa. Je voulais le voir de mes propres yeux et me faire une idée de l’ambiance, ainsi qu’évaluer à quel point la présence du mouvement d’extrême-droite qui, je le sais, est à l’origine de ces manifestations, est évidente. Je suis ici en tant qu’observateur, je n’essaie pas de me fondre dans la masse ou de les infiltrer de quelque manière que ce soit, mais je ne les provoque pas non plus. Il est évident que je ne peux pas tirer grand-chose de ma présence sur place pendant une journée, et je ne prétends pas ou n’espère pas être un expert des convois de la liberté, mais j’espérais que le fait de le voir en personne m’aiderait à me faire une opinion à ce sujet d’une manière que les médias sociaux seuls ne peuvent pas faire.

Il y a ici beaucoup de drapeaux et de pancartes représentant diverses causes wingnut, nationalistes et de droite, mais les deux symboles les plus largement partagés de ce mouvement sont clairement le drapeau canadien et l’absence de masque facial. Le rouge et le blanc sont partout et de nombreux manifestant-es ont pris l’habitude de s’en draper, paradant avec une cape en forme de feuille d’érable. Je ne comprends pas vraiment quand l’État canadien est supposément la chose qu’iels combattent, mais encore une fois, je n’ai jamais vraiment « compris » le nationalisme canadien et ce n’est pas nouveau – la même pléthore de drapeaux canadiens était le symbole le plus commun à deux importants prédécesseurs de ce mouvement, le « mouvement patriote » populiste et islamophobe qui a émergé en opposition au projet de loi M-103 et le mouvement des « Gilets jaunes du Canada » financé par le pétrole et le gaz.
L’absence de masque facial est un symbole frappant qu’iels partagent tous et beaucoup d’entre elleux l’ont porté au-delà de la manifestation, refusant avec défi de remettre leur masque lorsqu’iels montent dans les transports en commun ou entrent dans les quelques commerces qui restent ouverts au centre-ville. Je n’en porte pas non plus et c’est tout ce qu’il semble falloir pour se fondre dans cette foule. Dans le train, j’imagine qu’iels se retrouvent ainsi, partageant des regards conspirateurs avec d’autres membres de leur nouvelle communauté qui se sont également réveillés de la stupeur conformiste et pro-restrictions dans laquelle iels imaginent le reste d’entre nous. Dans les rues, j’ai entendu parler de nombreux passants et contre-manifestant-es qui se sont fait engueuler parce qu’iels portaient le leur, et je ne suis pas du tout surpris.

Je sais qu’il y a du racisme sous-jacent, car je sais que leurs organisateurs-trices sont enraciné-es dans les mouvements plus ouvertement racistes qui ont ouvert la voie à celui-ci, mais je ne pense pas qu’un passant naïf le remarquerait nécessairement, à moins qu’il ne se trouve au bon endroit au bon moment. J’ai entendu parler de personnes racisées harcelées par des membres du convoi, mais ce n’est certainement pas leur activité principale la plupart du temps, et je ne vois pas un seul signe concernant l’immigration, la race ou le colonialisme pendant tout le temps où je suis là. J’ai remarqué deux pancartes ouvertement antisémites, principalement du type « liste de complots » que j’ai déjà vu sur des complotistes lors de manifestations de gauche à grande échelle. Il y a un certain nombre de symboles de droite parsemés dans la foule, y compris un nombre surprenant de drapeaux « Don’t Tread On Me », mais aucun signe d’organisations canadiennes connues d’extrême droite ou néo-nazies affichant leurs couleurs et leurs symboles. Plus tard, sur Twitter, j’ai remarqué que quelqu’un avait posté une photo de six membres de l’organisation patriote d’extrême droite « Canada First », cagoulés, dans les rues le même jour, mais je ne les ai pas rencontrés en personne. Je m’attendais à voir plus de preuves des fascistes déclarés du Québec et du Canada qui recrutent, mais je n’en ai pas trouvé samedi. Peut-être qu’iels se cachent ou peut-être que la foule était simplement trop grande pour que je puisse les trouver. Il y a beaucoup de blancs ici mais ce n’est certainement pas une foule homogène, peut-être même pas beaucoup plus blanche que beaucoup de manifestations écologistes ou d’autres manifestations de gauche auxquelles j’ai assisté par le passé.

C’était énorme samedi. Vendredi, la police a fait état d' »environ 350″ manifestant-es dans le centre-ville et n’a rien dit sur le nombre de manifestant-es samedi, mais il y en avait certainement des milliers. Le succès des camions en tant que tactique de revendication d’espace pour ce groupe ne peut être sous-estimé. Toutes les rues autour du Parlement sont bloquées par de grands véhicules, ornés de pancartes et de drapeaux, avec des manifestant-es dans les cabines, klaxonnant, souriant et saluant la foule, dont beaucoup portent des pancartes « Merci aux camionneurs » et réservent leurs plus grandes expressions d’enthousiasme pour les rencontres avec les camions eux-mêmes. Même les jours où iels sont moins nombreux, il est difficile d’imaginer quelle tactique de la police ou des contre-manifestants pourrait réussir à saper leur contrôle sur les coins de rue entourant la colline du Parlement. Iels sont nombreux sur et devant la colline, où une sorte de « scène principale » a été installée à l’arrière d’un camion pour les orateurs et les annonces, mais iels ont tout le quartier. Plusieurs rues plus loin, un parc fait office de centre logistique, des gens y sont installés avec de la nourriture gratuite, du bois de chauffage et d’autres fournitures. Toutes les rues entre les deux et, en fait, une grande partie du centre-ville font activement partie de la zone de manifestation, remplie de gens qui crient et chantent et du son omniprésent des klaxons de camions qui a tant attiré l’attention des contre-manifestant-es locaux.

Je suis passé plusieurs fois devant la scène principale et chaque orateur que j’ai entendu était un militant anti-vaccins de quelque sorte. C’est en fait assez ennuyeux – bla bla ivermectine bla bla conspiration bla bla produits chimiques toxiques dans votre bras. Je ne peux pas dire si beaucoup d’entre elleux écoutent même les orateurs et dans les rues éloignées de la scène, le seul slogan que j’entends est « Liberté ! », il est donc très difficile de dire si les gens sont tous ou principalement des anti-vaccins, mais j’imagine que beaucoup le sont. En bas de la route, un autre haut-parleur diffuse du rock classique et un groupe tout aussi important a créé une fête dansante, agitant leurs pancartes de conspiration et leurs drapeaux canadiens et scandant « liberté » tout en dansant ensemble de manière extatique par -25 degrés. Je n’ai jamais vu notre camp se gonfler avec autant de succès en si grand nombre par un temps aussi pourri.

J’imagine que tous les complotistes que j’ai rencontrés dans la région sont ici, et bien d’autres encore. J’ai l’habitude de voir de telles personnes seules dans une foule, mais c’est un peu troublant de constater à quel point elles sont nombreuses maintenant qu’elles sont toutes réunies au même endroit. Il y a des panneaux et des brochures partout sur toutes les théories du complot d’extrémistes que j’ai entendues et même certaines que je n’ai pas entendues – les puces électroniques dans les vaccins, les juifs, les lézards, et j’en passe. Un panneau me dit qu’une triade de fouines travaillent ensemble pour contrôler la population avec la puce des vaccins : le gouvernement Trudeau, les médias grand public et l’Alliance de la fonction publique du Canada. J’espère que quelque part, un membre de l’AFPC est fier d’être élevé à un si haut statut. J’avais l’intention de parler à plus de gens, mais toutes les conversations que j’ai entendues portaient sur une théorie du complot connue – trois gars derrière moi qui parlaient de la 5G et de la Chine, une femme qui expliquait le « Great Reset » à ses enfants d’âge scolaire, un père francophone qui disait à ses enfants que les masques sont mauvais pour leurs poumons. À la fin de la journée, dans le bus du retour, je me prépare à demander à deux manifestant-es derrière moi de m’expliquer leur mouvement, mais j’abandonne quand je les entends chuchoter entre eux pour dire qu’il y a encore beaucoup à dire sur les chemtrails. Je suis frappé par une évidence à laquelle je n’avais pas vraiment réfléchi auparavant, à savoir que de nombreuses personnes d’apparence très normale, avec des familles, des emplois et de beaux sourires, sont en fait des adeptes de certaines des théories du complot que je considère comme les plus irrationnelles et impossibles à croire. Je suppose que ce phénomène a beaucoup augmenté depuis la pandémie, mais je ne peux pas le prouver.

Je soupçonne qu’une grande partie de la croissance de ce mouvement se produit parmi les personnes qui ne se sont pas manifestées et ne se seraient pas manifestées pour les mouvements de droite du passé, mais qui sont simplement véritablement fatiguées des restrictions du Covid. À un moment donné, j’ai vu un groupe d’enfants avec de jolies pancartes portant le contour d’un camion rempli de listes des choses qu’iels ont manquées depuis 2020 – le football, voir mes amis, sourire à ma grand-mère, la pratique de la chorale. Mon cœur se serre quand j’imagine les visions du monde que ces enfants rencontrent lors de ce qui pourrait bien être leur première manifestation. J’ai beaucoup d’empathie pour leur désir de s’engager dans des activités normales, ludiques et collectives après deux années à faire semblant de se satisfaire d’appels Zoom, de conversations masquées et de rencontres en plein air dans un froid glacial. Je déteste le fait qu’une grande partie de la gauche agisse comme si ces préoccupations n’existaient pas, en disant aux gens que s’iels se soucient un tant soit peu des personnes vulnérables, âgées et handicapées, iels doivent simplement faire avec et passer à autre chose. Une pancarte dit « C’est l’existence, je veux vivre ». Moi aussi, mec, à 100%. Si seulement c’était vrai ce que disent les complotistes de ce mouvement, qu’en fait le Covid n’est qu’un rhume, que le gouvernement a gonflé le nombre de morts et que tout ce que nous devons faire pour mettre fin à la pandémie, c’est prendre la pilule rouge, retirer nos masques et danser à nouveau dans les rues. Si je plisse les yeux, je peux presque voir ce qu’iels voient, iels sont enfermés à l’intérieur depuis si longtemps et les camionneurs sont les premiers à avoir le courage de s’exprimer et de dire « ça suffit », nous devons sortir. S’il n’y avait pas les racistes de droite qui dirigent le mouvement, sans parler des millions de morts réelles dues au Covid-19 qu’aucune quantité de bonnes vibrations et de mensonges ne pourra empêcher, cela aurait beaucoup de sens.

Dans l’après-midi, nous nous rendons à une contre-manifestation organisée principalement, semble-t-il, par des résidents du centre-ville d’Ottawa qui en ont assez du bruit, de la circulation, des discours haineux, du harcèlement et de l’intimidation de la part de certains manifestant-es. Il est très, très important de contrer le mouvement des camionneurs avant qu’elle ne devienne un mouvement révolutionnaire néo-fasciste à part entière, mais honnêtement, je n’ai ressenti aucune affinité avec cette contre-manifestation en particulier. La plupart des pancartes demandaient plus de policiers, se plaignaient de désagréments comme le bruit et le trafic, ou se moquaient des manifestant-es parce qu’iels n’étaient pas vaccinés et/ou étaient stupides. « Honk if you failed civics », « Self-driving trucks can’t spread covid », « Ottawa police act now », « Make Ottawa boring again ». Une dame avec une pancarte verbeuse sur la façon dont les vaccins obligatoires sauvent des vies me prend pour un membre du convoi et me réprimande parce que je suis apparemment analphabète : « Ça t’a pris quelques minutes pour lire ça, chérie ? ». J’ai un diplôme d’études supérieures et je n’ai pas à être aussi personnellement offensée, mais je ressens un élan de rage envers les élites libérales du centre-ville qui pensent que le problème est que ces gens ne sont tout simplement pas allés à l’école assez longtemps. Nous partons avant la fin de la manifestation, alors que certains manifestant-es sont engagés dans une impasse verbale – les antis scandent « Rentrez chez vous, bande d’idiots » tandis que les manifestant-es du convoi leur répondent « On vous aime toujours ! On vous aime ! Love ! » et la police forme une ligne plus forte entre les deux foules.

Je pense que le convoi de camionneurs est une manifestation. Je ne suis pas d’accord avec celleux qui disent qu’il s’agit d’un siège, d’une insurrection ou de tout autre terme exagéré, et je pense que ces idées viennent principalement d’Ottaviens outrés que quelqu’un puisse être aussi bruyant et aussi agaçant pendant aussi longtemps. Je n’hésiterais pas à organiser et à participer à une manifestation aussi bruyante et ennuyeuse si elle était organisée par d’autres personnes pour une autre cause. Je ne vois donc pas le bien-fondé de ces préoccupations et je ne pense pas que le fait d’être très bruyant ou très ennuyeux fasse de cette manifestation autre chose qu’une manifestation. Il y a toujours eu des libéraux qui nous traitaient de terroristes lorsque nous occupions l’espace, ou qui prétendaient que nos cornes d’alarme étaient des armes et qu’iels étaient attaqués par notre refus de partir. Il s’agit d’une « occupation », dans le sens où le mouvement Occupy était une occupation, c’est-à-dire qu’il cherche à occuper l’espace comme une tactique de protestation et cherche à créer un conteneur pour que les personnes partageant les mêmes idées puissent se rassembler, à la manière d’un campement. Comme beaucoup de mouvements sociaux, il y a des éléments révolutionnaires qui aimeraient le voir se transformer en quelque chose de beaucoup plus important. Cela pourrait arriver – c’est une manifestation très importante et réussie et beaucoup de personnes présentes semblent très inspirées et engagées. Mais cela ne s’est pas encore produit. Il faut l’arrêter avant que cela n’arrive, idéalement par la résistance de la base et non par la répression policière.

J’ai beaucoup de pensées décousues à ce sujet et je pourrais probablement écrire plusieurs longs essais sur le sujet si j’avais le temps et la foi en ma propre compréhension et autorité pour le faire. Pour aujourd’hui, je vais me contenter de partager mon expérience et quelques grands thèmes de questionnement que j’aimerais approfondir, sans ordre particulier :

(1) La liberté est un objectif très réel et très important, et les restrictions de Covid contraignent véritablement les gens, souvent de manière véritablement contraire à l’éthique. Je ne soutiens pas les mandats de vaccination, même si je suis favorable à l’idée d’encourager les gens à se faire vacciner par d’autres moyens moins coercitifs. Contrairement à la droite, nous savons que la vraie liberté ne peut être atteinte que collectivement, qu’il ne s’agit pas d’un simple choix individuel. Refuser de porter un masque lorsqu’un ami ou un voisin vous demande de le faire pour sa propre santé est une conception erronée de la liberté. Mais je pense que le monde est devenu encore moins libre depuis la pandémie, que les gouvernements ont acquis de nouveaux types de pouvoirs et de nouvelles formes de surveillance. Au Canada, je pense qu’ils bénéficient également d’un nouveau niveau de sourdisme, de pacification et d’obéissance de la part d’une grande partie de la population qui ne peut pas imaginer une solution au problème du Covid-19 qui soit plus complexe que de simplement faire ce que le gouvernement dit de faire et de faire honte à celleux qui ne le font pas.

(2) Les gens vont toujours croire des choses fausses. Les théories du complot sont très ennuyeuses, mais elles fournissent des réponses faciles et sont très convaincantes. Personne ne va se sentir obligé de se faire traiter d’idiot. Nous avons besoin de meilleurs moyens de contrer la désinformation que les brimades mesquines et les reproches exagérés.

(3) Je n’ai aucun doute que si cette manifestation devenait un mouvement révolutionnaire, elle serait absolument fasciste. Les éléments qui veulent déposer le Premier ministre installeraient quelqu’un de bien, bien pire. Il n’y a aucun espoir de faire cause commune avec cette chose, mais nous devons trouver des moyens créatifs, probablement nouveaux, de la contrer. Cela n’a pas de sens de traiter ces manifestant-es comme des camarades potentiels (du moins en tant que groupe), mais cela ne fonctionnera pas non plus de les traiter comme nous avons traité les néo-nazis connus et déclarés. Quels sont les moyens de contrer ce mouvement qui ne se limitent pas (mais qui pourraient tout de même inclure) à faire honte à ses recrues potentielles et à menacer leurs événements de violence physique ?

(4) Que se passe-t-il avec la police ici, en fait ? D’une part, il est vrai qu’ils n’ont pas beaucoup essayé d’éloigner les manifestant-es (bien qu’il semble que cela pourrait changer dans les prochains jours), et le succès et la bonne ambiance de la manifestation sont en partie le résultat d’une absence quasi-totale de répression, en partie due à la blancheur et à la politique des manifestant-es. D’autre part, la police d’Ottawa ne ment probablement pas quand elle dit qu’elle n’a pas la formation ou les ressources nécessaires pour déplacer cette manifestation. Ce n’est pas parce qu’il y a trop de manifestant-es, c’est à cause de leurs tactiques, notamment les camions. Comment est-il possible qu’il n’y ait aucun plan pour empêcher la police de perdre le contrôle de la COLLINE PARLEMENTAIRE aussi facilement ? Quelles sont les leçons que nous pouvons tirer de cet événement et quelles nouvelles compréhensions de l’État canadien cela devrait-il nous donner ?

(5) Que voulons-nous faire à propos de Covid maintenant qu’il est clair que les vaccins sont un outil et non une fin ? Comment allons-nous reprendre prudemment les activités plus risquées tout en faisant preuve d’attention, d’empathie et de protection envers les personnes vulnérables au virus ? Les anti-vaccins se trompent sur les vaccins, c’est certain, mais ils ne représentent pas la totalité (ni même le principal) du problème et nous ne pouvons pas échapper au fait que le virus est probablement là pour rester. Si le virus ne disparaît jamais, nous devrons de toute façon danser ensemble dans les rues un jour ou l’autre. Cela n’a pas de sens de dire à tout le monde de simplement endurer une vie de merde indéfiniment. La liberté dont parlent beaucoup de gens du convoi est une version ennuyeuse de la liberté parce que beaucoup d’entre eux ne se soucient pas du tout que des gens meurent du Covid, mais celleux d’entre nous qui s’en soucient devront quand même trouver des moyens de vivre.

Les frontières tuent. La négligence de l’ASFC tue: Décès au centre de surveillance de l’immigration de Laval – Rage et deuil collectif

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Fév 062022
 

De Solidarité sans frontières

Dimanche 30 janvier, nous avons appris avec rage et tristesse qu’un autre décès est survenu au centre de surveillance de l’immigration de Laval. Nous ne savons rien de l’identité de cette personne qui a perdu la vie sous la responsabilité de l’Agence des services frontaliers canadien. Tout ce que l’on sait c’est qu’elle était migrante et qu’elle était détenue à des fins administratives car elle n’avait pas les bons papiers. Elle en est décédée. Cette personne n’aurait jamais dû être détenue en premier lieu. Personne ne doit être détenu-e.

C’est une mort scandaleuse qui arrive à la suite d’une autre tragique nouvelle, celle d’une famille qui est morte de froid la semaine dernière en tentant de traverser la frontière au Manitoba. Les frontières tuent. La négligence de l’ASFC tue.

Ce décès n’est pas le premier dans les centres de détention gérés par l’ASFC et les compagnies contractantes (Corps des commissionnaires canadiens, Garda World) qui empochent les contrats pour s’occuper à tour de rôle « d’assurer la sécurité » des lieux. Depuis les vingt dernières années, c’est plus d’une quinzaine de personnes qui y ont perdu la vie, parfois par suicide mais aussi à la suite de mesures de contrôles corporels ou encore par manque flagrant de soin. L’ASFC laisse mourir les personnes qu’elle détient en ne leur portant pas assistance. Cette négligence se traduit par des décès évitables. Cette mort s’ajoute à la déjà très longue liste des personnes mortes aux mains de l’ASFC depuis les vingt dernières années.

Bolante Idowu Alo
Abdurahman Ibrahim Hassan
Fransisco Javier Roméro Astorga
Melkioro Gahung
Jan Szamko
Lucia Vega Jimenez
Joseph Fernandes
Kevon O’Brien Phillip
Homme non identifié
Shawn Dwight Cole
Homme non identité
Joseph Dunn
Personne non identifiée
Sheik Kudrath
Prince Maxamillion Akamai

Cela ne fait que quelques années que l’ASFC annonce publiquement lorsqu’un décès survient sous sa responsabilité. Cependant, les circonstances de ces décès demeurent souvent opaques et l’ASFC invoque la protection de la vie privée pour ne rien divulguer sur ses pratiques toxiques. Comme à l’habitude, ce sera un autre corps policier qui mènera l’enquête puisqu’il n’existe aucune entité d’enquête indépendante qui surveille l’ASFC. Sans surprise, des policiers enquêtent sur le travail de d’autres policiers. Pendant ce temps, le centre de détention demeure comme une boîte noire dont le public ne sait que très peu de chose et où la négligence, les abus et le manque de soin physique et psychique sont fréquents. Les dernières grèves de la faim entamées courageusement par des personnes détenues à Laval sont venues mettre en lumière les difficiles conditions de détention.

La construction d’une nouvelle prison et les investissements annoncés depuis 2018 pour “humaniser” le système de détention ne changeront rien. Que des arbres soient plantés dans le stationnement des visiteurs, qu’un cours de basketball et un module de jeux pour enfants soient ajoutés à la cour clôturée et cachée de l’œil du public n’y changent absolument rien; ces lieux sont des prisons où l’on enferme des personnes, des familles, des mineur-e-s. Nous les privons de liberté à des fins administratives. La détention n’est pas une mesure exceptionnelle mais bien une composante fondamentale de la matrice répressive qu’est le système d’immigration canadien.

Les conséquences de ces politiques migratoires répressives sont multiples et meurtrières. Aucune personne ne devrait être contrainte à vivre dans l’ombre en proie à l’exploitation, à la crainte d’une arrestation et d’un enfermement. La détention ne fait que favoriser l’exploitation de ces personnes en les cantonnant dans une économie informelle caractérisée par des abus et des violences et des conditions de travail médiocres.

Cette violence doit s’arrêter! Ça suffit! Pas un mort de plus!

Nous revendiquons l’ouverture des frontières et la libre circulation des personnes en quête de dignité et de justice. La libre circulation signifie avoir la liberté de pouvoir se déplacer, la liberté de pouvoir retourner et la liberté de pouvoir rester.

Arrêtons les détentions, les déportations et mettons en place un vrai programme de régularisation! Pas de prison, un statut pour tous et toutes!!

Invitation : 22.02.2022 – Vers la fin des mondes binaires – Réponse solidaire à la crise sanitaire

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Fév 042022
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Actions partout au Québec

Nous ne voulons pas de retour à la normale, nous voulons un vrai changement social !

Considérant qu’après presque deux ans de pandémie, plusieurs solutions proposées par les gouvernements sont superficielles et autoritaires :

… Ils démonisent les personnes non-vaccinées;

… Ils considèrent les gens individuellement responsables de la pandémie et de ses conséquences;

… Ils mettent en place le passeport vaccinal qui contrôle nos corps et nos déplacements;

… Ils obligent le code QR qui nous habitue à la surveillance informatisée;

… Ils favorisent l’enrichissement des compagnies pharmaceutiques par la protection des brevets sur les vaccins;

… Ils s’accaparent des doses de vaccin plutôt que de proposer une distribution égalitaire dans le monde;

… Ils adoptent un couvre-feu qui vulnérabilise les personnes déjà marginalisées et qui accroît les pouvoirs policiers;

… Ils défendent le mode de vie des familles nucléaires hétéro, cis-centristes et aisées pour qui l’impact du couvre-feu est minime.

Considérant que les problèmes sociaux qui étaient déjà là ont été exacerbés par la crise sanitaire :

…changements et injustices climatiques

…crise du logement, inflation et augmentation des écarts entre les riches et pauvres

…violence conjugale et de genre

…anxiété généralisée et troubles chroniques de santé mentale

… racisme systémique et colonialisme

(À vous de compléter la liste…)

Considérant que les politiques néolibérales ont sérieusement fragilisé notre système de santé.

Considérant que l’extrême-droite profite de la situation pour faire avancer son agenda pro-pipeline, raciste et misogyne.

Considérant que la gestion de la crise sanitaire se base et encourage des binarités dont nous ne voulons plus : homme-femme bien-mal riche-pauvre malade-sain valide-invalide civilisé-primitif – (et bien d’autres)

Considérant qu’on cherche le trouble et le plaisir.

Mobilisons-nous pour :

• Abolir le capitalisme et le colonialisme

• Mettre fin aux binarités

• Transformer et se réapproprier le système de santé

• Refuser la société de surveillance

• Stopper l’écocide

• Solidariser nos communautés

Nous appelons à une multiplicité d’actions pour le 22 février 2022.

Notre objectif : reprendre la place publique de toutes les manières – soyons visibles!

Chant – Théâtre invisible – Memes – Vidéos – Murales – Bannières – Casseroles – Manifestation ET TOUTES LES ACTIONS AUXQUELLES VOUS PENSEZ!

Deux mots des morts – sur le Manifeste conspirationniste

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Fév 022022
 

De Mathieu Potte-Bonneville

à propos de : Anonyme, Manifeste conspirationniste, éd. du Seuil, 2022.

22 janvier. – Page 1 on peut lire : « La mise en scène d’une meurtrière pandémie mondiale, « pire que la grippe espagnole de 1918 », était bien une mise en scène. Les documents l’attestant ont fuité depuis lors ; on le verra plus loin. Toutes les terrifiantes modélisations étaient fausses. ». Suit une allusion au refus gouvernemental de considérer d’autre traitement que biotechnologiques (on croit reconnaître, perdu dans une allusion suffisamment faux-cul pour être inattaquable, le profil de médaille de Didier Raoult [un microbiologiste français ayant acquis une notoriété médiatique au début de la pandémie quand il a annoncé qu’un traitement à base d’hydroxychloroquine pourrait résoudre la crise sanitaire ; NdMtlCi.] ). On se pince, on tâche de se rassurer, évidemment ça ne durera pas, c’est une préface clickbait, l’ordinaire protestation amphigourique et générale dans le style grand siècle prendra le relais, mêlant rappel des infamies d’époque à l’air d’en savoir long, mais tout de même : on en sera passé par là, par la double négation consistant à réduire la pandémie à une mise en scène et à s’en détourner sitôt qu’elle aura joué son rôle de captatio benevolentiae, parce que compte moins au fond la vie et la mort des figurants de cette mise en scène (on songe aux brésiliens, aux tunisiens, aux 120000 disparus d’ici) que leur aptitude à servir de marchepied pour pérorer à leur place. 

Qu’une part de la gauche soit incapable de penser ensemble la pleine réalité de la crise sanitaire et la critique circonstanciée des effets d’aubaine autoritaires qu’elle représente ne fait pas honneur à son intelligence du présent. 

Que le torchon histrionique dont même le Comité invisible s’est vite démarqué ne se perçoive pas comme ce qu’il est, objectivement eugéniste (s’énoncant au nom de « tout ce qui ose encore respirer, les jeunes les pauvres, les dansants, les insouciants, les irréguliers ») n’étonne guère. 

Qu’il ait trouvé à se loger chez un grand éditeur est tout simplement consternant.

25 janvier. — « Mais tu ne peux pas critiquer le livre en ayant lu seulement ces vingt-cinq premières pages ! »

Il me semblait, à moi, que vingt-cinq suffisaient, que s’infuser dans la foulée trois cent cinquante pages de l’habituelle tambouille n’était pas indispensable, mais bon : puisqu’il fallait j’ai lu, du coup. Et puisqu’on me faisait reproche de dénoncer d’abord, dans cette affaire, l’absence de toute mention des morts et la déréalisation radicale de l’épidémie sous son interprétation politique, comme on en était restés là bah je les ai cherchés, les morts.  Au cas où ils auraient attendu, patients, après les vingt-cinq premières pages. J’ai même cherché, tenez, leurs occurrences dans le texte. Où t’as mis le corps, c’est toujours une question intéressante à poser. Or si l’on excepte une série de mentions dans le cadre circonscrit d’un commentaire d’Auguste Comte on peut dresser exhaustivement le relevé des neuf occurrences restantes :   

– Il est fait mention des morts du fait de la vaccination, aux 18e et 19e siècle, en bref des morts du vaccin (pages 202 et 204)
– Il est fait mention de deux morts par administration d’anthrax, en bref des morts d’autre chose (page 53)
– Il est fait mention de la surestimation du nombre de morts par les modèles projectifs, en bref des morts en moins (page 135, page 245)
– Il est fait mention de l’usage de la psychologie sociale pour manipuler les consciences dans la représentation des morts, en bref des morts hallucinés (page 143)
– Il est fait mention des vieux en EHPAD [l’équivalent français des CHSLD ; NdMtlCi.] morts… de solitude (page 243)
– Il est fait mention (c’est sans doute ma mention préférée) des « morts-vivants » page 211, en bref des morts pas morts, je vous donne le contexte : « l’Occident a fini par adopter une existence crépusculaire et à étendre indéfiniment les états de morts-vivants – malades à vie, immunodéprimés en sursis de cancer…». (Les personnes immunodéprimées ou porteuses d’une maladie chronique apprécieront cette délicate énumération, où vibre un discret hommage à ce que le regretté Louis Pauwels appelait il y a longtemps le « sida mental » ; mais juger le livre eugéniste était, parait-il, excessif et la formule « la biopolitique, tyrannie de la faiblesse », page 217, s’est sûrement glissée dans un chapitre par hasard)
– Il est enfin, in extremis, fait mention des « morts que nous n’avons pas pu enterrer ». C’est, comme un remords, à la page 306 d’un ouvrage qui en compte 316. Mais on ne saura pas de quoi ils sont morts, les morts. Faut pas exagérer.

J’arrête là la collecte de ce qu’il me semble difficile de ne pas lire comme un travail méthodique d’effacement, visant à araser les points de butée d’un discours qui peut alors se dévider sans couture, relier tout avec tout, dans cette logique sans friction qu’il décrit au plus juste, mais à propos de son adversaire et se mirant en somme en lui sans se reconnaître dans le miroir (« Le pouvoir démocratique se définit implicitement par ceci qu’il garantit l’Habeas corpus aux citoyens tant qu’ils se meuvent sans friction dans l’environnement matériel et virtuel. Le cyberespace est, tout autant que l’espace urbain, pensé pour une circulation absolument libre et absolument architecturée » , page 180). 

On aimerait paraphraser : hors la mort, ça glisse tout seul.

Sans monter dans les aigus, alors, on rappellera seulement ceci : la dernière fois qu’un discours radical a prétendu à gauche non seulement mobiliser la logique du complot, mais enjamber plusieurs millions de morts parce que leur survenue n’était pas intégralement fongible dans l’analyse des contradictions du capitalisme, c’était dans une petite librairie qui faisait aussi maison d’édition, du côté de la rue d’Ulm. Elle tirait son totem d’une citation de Marx, et s’enorgueillissait d’être une vieille bête qui fait des trous. Voyez ? Dans mon souvenir, pour finir il a fallu la dégager à coups de pelle, la boutique, et je ne vois strictement rien dans ce texte qui prémunisse ses thuriféraires de pareil devenir. [L’auteur fait référence à La Vieille Taupe, une librairie négationniste à Paris, fermée en 1991 suite à des manifestations ; NdMtlCi.]

26 janvier. On m’apprend que le site Egalité et réconciliation, fédérant comme on sait les amis d’Alain Soral [un essayiste et idéologue d’extrême-droite en France ; NdMtlCi.], a publié une critique louangeuse de l’ouvrage, suggérant que ce dernier laisse entrevoir un programme commun, et saluant la réconciliation du social et du national.

Comme disait l’autre : It escalated quickly.

Révolution tranquille, luttes étudiantes et réaction conservatrice

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Jan 312022
 

De Archives révolutionnaires

Guérilla académique dans les cégeps et les universités, décapitations et dynamitages de statues, sabotages et incendies pour dénoncer l’impunité d’un professeur accusé de racisme, pressions pour abolir un centre de recherche, émeutes entraînant l’annulation du défilé de la Saint-Jean-Baptiste pour plusieurs années. Ces différents événements ne se sont pas déroulés dans les dernières années sous l’impulsion d’un militantisme woke : ils ont plutôt été au cœur des tumultes ayant caractérisé la Révolution tranquille. La culture de l’annulation et le wokisme, hommes de paille des néoconservateurs, sont-ils réellement un phénomène nouveau, et surtout, une menace particulière à l’ordre social ? Afin de répondre à cette question, nous vous proposons un tour d’horizon historique des mouvements qui ont agité les universités et la société québécoise à la fin de la décennie 1960. Nous verrons que ces actions, bien que plus sulfureuses que celles d’aujourd’hui, n’ont pas renversé l’ordre établi. Ce retour sur l’histoire des mouvements étudiants nous permettra d’illustrer comment les actions actuelles des wokes, beaucoup moins véhémentes, sont maintenant montées en épingle par la droite afin de justifier ses politiques répressives, censées répondre à cet « ennemi intérieur ».

L’université doit changer : vers « le pouvoir étudiant »

Le manifeste Université ou fabrique de ronds-de-cuir, publié en février 1968 par une dizaine d’étudiant.es de l’Université de Montréal, dont Louise Harel et Roméo Bouchard, est au fondement d’un mouvement étudiant combatif qui marque les universités québécoises jusqu’à aujourd’hui. Ce manifeste constitue une violente charge contre l’université, l’enseignement et les professeur.es. Le texte décrit l’université comme « une usine où les notables se reproduisent en série », assujettie aux « mêmes patrons que la société » et dénonce « l’enseignement imbécile par des imbéciles », un « enseignement à transmission de recettes abrutissantes et nécessaires à l’étudiant pour qu’il prenne sa place dans un rouage du système ». Les professeur.es n’échappent pas à la critique, alors que le manifeste souligne la défiance de la nouvelle génération (née après la Deuxième Guerre mondiale) envers eux : « Autrefois les vieux disaient : « le professeur, c’est le meilleur ». Ils avaient un peu tort. Aujourd’hui les jeunes disent : « à bas les professeurs ». Ils ont raison. » Au-delà de la dénonciation, le manifeste propose de passer à l’action : « On ne s’attaque pas au pouvoir en le discutant. On fesse dedans. » S’inspirant explicitement des mouvements pour la liberté d’expression[1] sur les campus américains – notamment celui de l’Université Berkeley –, le manifeste suggère de mettre sur pied un « système mobile de guérilla académique » et appelle à la tenue de sit-ins, au recyclage des professeur.es par des cours de pédagogie, voire à l’expulsion de ceux-ci à l’aide de tomates et d’œufs pourris.

Cet appel à l’action sera mis en pratique dès le printemps 1968 par des mouvements qui touchent plusieurs départements de l’Université de Montréal (philosophie, sciences sociales et lettres notamment). Les revendications mises de l’avant par les étudiant.es concernent notamment « la participation réelle des étudiants à l’orientation académique et pédagogique », dénonçant une conception verticale de l’enseignement universitaire. Les tensions sont importantes au département de philosophie où, dès le printemps 1968, des enseignants se font interrompre dans leurs cours par des étudiant.es contestataires. À l’automne 1968, cette contestation qui touchait jusque-là principalement des départements de lettres et de sciences humaines à l’Université de Montréal s’élargit au réseau collégial et à d’autres universités.

Un important mouvement d’occupation essaime à partir du mois d’octobre 1968 dans les différentes institutions d’enseignement post-secondaire du Québec. Les occupant.es des cégeps exigent la gratuité scolaire, le pré-salaire étudiant, l’ouverture d’une seconde université francophone à Montréal et plus fondamentalement le « pouvoir étudiant » et l’autogestion des établissements. L’occupation de l’École des beaux-arts est un des symboles forts de ce mouvement. Les étudiant.es y prennent le contrôle de l’établissement, expulsent l’ensemble des enseignant.es et employé.es, excepté le responsable de la chaufferie, et occupent l’école durant plus d’un mois. Le lieu est renommé « La république des Beaux-Arts ». Les occupant.es remettent en question l’ensemble des traditions, érigeant un cimetière sur la rue Sherbrooke afin d’y enterrer les valeurs du passé. Ce désir de rupture avec la tradition se révèle à la fin de l’occupation lorsqu’un étudiant profane une momie exposée dans l’école en la brisant à coup de barre de fer. Un communiqué de l’Université libre des arts du quotidien (ULAQ) fait de cette profanation un symbole de la lutte contre une culture et une société pétrifiées et exige que la momie soit remise à l’Égypte.

Les étudiant.es ébranlent Sir-George-Williams, McGill et l’UQAM

En février 1969, un nouveau conflit éclate à l’Université Sir-George-Williams (aujourd’hui l’Université Concordia), cette fois en raison du racisme d’un professeur à l’égard d’étudiant.es noir.es et d’origine caribéenne. Face à l’inaction de l’administration dans ce cas de racisme, des étudiant.es caribéen.nes de l’université et des étudiant.es francophones ayant participé au mouvement d’octobre 1968 organisent une occupation du local informatique de Sir-George-Williams. Cette occupation dure deux semaines durant lesquelles plus de deux cents militant.es appuient les étudiant.es subissant le racisme de cet enseignant. En réponse à l’occupation, l’administration appelle l’escouade antiémeute pour déloger les étudiant.es qui se barricadent et lancent les fiches informatiques à partir des fenêtres du neuvième étage. L’occupation se conclut par un incendie et l’arrestation d’une centaine de personnes, dont certaines sont condamnées à purger des peines en prison. Plus largement, cet épisode témoigne du racisme systémique à l’œuvre dans les universités québécoises, dénoncé par les étudiant.es noir.es de Sir-George-Williams, mais aussi par les étudiant.es des cégeps et universités francophones venu.es en solidarité. Après cet événement, l’administration de l’université revoit le traitement des plaintes de racisme, crée un bureau de l’ombudsman et intègre des membres étudiant.es au processus décisionnel de l’université.

Un mois plus tard, c’est l’Université McGill qui se retrouve au cœur de la tourmente. Une coalition de groupes étudiants, indépendantistes et socialistes décide d’organiser une manifestation le 28 mars 1969 afin d’exiger que McGill devienne une université francophone et populaire : la fameuse « Opération McGill ». Les organisateurs et organisatrices de la manifestation déclinent leurs revendications en sept points. Si la question linguistique et la question des frais de scolarité sont présentes dans ces demandes, les militant.es critiquent aussi l’orientation de la recherche à McGill en exigeant l’abolition du centre d’études canadiennes-françaises et la redirection des fonds de recherche vers les « intérêts nationaux ». Dans l’espace public, certains journalistes conservateurs s’évertuent à dénoncer un « nouveau dogmatisme » ainsi qu’un « terrorisme intellectuel ». De son côté, Wilder Penfield, chercheur à McGill, compare Stanley Gray, un des organisateurs de la manifestation, à Hitler et brandit la menace d’une « fin de la civilisation ». Alors que la panique et la peur d’une irrépressible violence s’emparent de plusieurs personnalités publiques, la manifestation, bien que la plus importante au Québec depuis la Seconde Guerre mondiale, se déroule sans accrocs majeurs. Quelques vitrines volent en éclats et des feux de poubelles sont allumés sur Sainte-Catherine à la suite de la dispersion de la manifestation, toutefois la bataille rangée attendue par les conservateurs n’entraîne pas, comme ils le craignaient, la fin de la civilisation.

La critique de l’enseignement et du contenu des cours se poursuit à l’automne 1969 au moment de la fondation de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Le département de philosophie est, lors de la première année d’existence de l’université, un lieu de conflit entre les étudiant.es gauchistes, de nouveaux enseignants modernisateurs et un vieux corps professoral jésuite et thomiste issu du Collège Sainte-Marie. Les étudiant.es du module de philosophie multiplient les coups d’éclat contre les vieux professeurs dans ce qu’un des acteurs appellera postérieurement une « guerre civile lettrée » : perturbations de cours, grandes affiches murales dénonciatrices et « procès populaires » des professeurs réactionnaires sont à l’ordre du jour. L’assemblée du module de philosophie, à laquelle participent les étudiant.es, adopte une réforme du programme qui intègre les contenus critiques désirés par les étudiant.es et abolit les examens et les travaux comme forme d’évaluation. Cette première année agitée au département de philosophie de l’UQAM se conclut avec le non-renouvellement du contrat de plusieurs professeurs, dont neuf issus de la tradition thomiste, et par la mise sous tutelle du module par l’université qui tente d’en reprendre le contrôle.

« Annuler la Saint-Jean »

En parallèle de ces importants remous dans les universités, l’effervescence de la contestation touche de larges pans de la société québécoise qui s’attaquent aux reliques du passé. Les événements entourant la fête de la Saint-Jean-Baptiste des 24 juin 1968 et 1969 sont emblématiques d’une « culture de l’annulation » portée par une jeunesse désirant dynamiter la fédération canadienne, mais aussi la tradition d’inféodation canadienne-française héritée de la « grande noirceur ». La Société Saint-Jean-Baptiste invite, en 1968, Pierre Elliot Trudeau à assister à son défilé à Montréal, rituel annuel du clérico-nationalisme avec lequel la jeunesse est en rupture. Le soir du défilé, une importante émeute éclate et la police réprime violemment les contestataires. Cette soirée a reçu, a posteriori, le nom de « lundi de la matraque ».

Toutefois, la défiance à l’égard du défilé de la Saint-Jean-Baptiste va connaître une nouvelle escalade en 1969. Les militant.es étudiant.es, socialistes et indépendantistes ayant organisé l’Opération McGill, réuni.es au sein du Mouvement syndical et politique (MSP) et du Front de libération populaire (FLP), appellent à la perturbation pour une seconde année consécutive du défilé de la Saint-Jean-Baptiste. Pour les jeunes contestataires, le défilé de la Saint-Jean est un rituel traditionaliste et bourgeois qui met en scène la soumission du peuple à l’élite. Ceux-ci suivent donc, lors d’une marche de perturbation bruyante, les chars allégoriques avant de terminer leur journée en décapitant le monument de Jean le Baptiste et en se servant de sa tête comme ballon de football[2]. À la suite de cette deuxième émeute consécutive, le défilé de la Saint-Jean-Baptiste de Montréal est annulé pour une vingtaine d’années, avant d’être réhabilité de manière régulière au début des années 1990.

« Moment 68 » : un héritage en péril

Depuis 2020, les cégeps et universités ont à nouveau défrayé la chronique. La polémique qui a touché une chargée de cours à l’Université d’Ottawa a enflammé l’opinion de droite, qui dit craindre une menace historique à la liberté académique. À la suite de cette affaire, les chroniqueurs et journalistes néoconservateurs cherchent à exposer l’ampleur de la menace qui pèserait sur les universités québécoises en publiant une série d’articles à ce propos. On y parle d’étudiant.es qui auraient laissé des tracts sur le bureau d’une enseignante, qui auraient fait circuler une pétition auprès de leurs collègues ou ayant exprimé leur opinion critique sur les réseaux sociaux. Le tour d’horizon historique que nous avons effectué nous indique toutefois que les mouvements actuels sont bien moins agités que ceux de la Révolution tranquille, et que la peur et la panique actuelles soi-disant causées par les actions étudiantes sont surtout une excuse de la droite conservatrice pour vilipender toute forme de contestation étudiante, dans le but (à terme) de pouvoir empêcher l’organisation politique étudiante. Peu importe ce que l’on pense des actions associées au wokisme, force est de constater que le mouvement n’est pas un véritable danger pour la société bourgeoise, dont les représentant.es montent en épingle la menace afin de servir leur propre agenda politique.

Le gouvernement réactionnaire de la CAQ a néanmoins profité de ces polémiques pour tenir une commission sur « la reconnaissance de la liberté académique dans le milieu universitaire ». Les conclusions de la commission, dévoilées le 14 décembre 2021, sont à sens unique : les seul.es bénéficiaires de la liberté académique sont les enseignant.es, chargé.es de cours, chercheur.es et auxiliaires de recherche et d’enseignement. Les étudiant.es y ont pour seule liberté celle d’apprendre, c’est-à-dire choisir leurs cours et leur programme et participer aux échanges en classe. Le rapport Cloutier représente un recul majeur dans le projet de démocratisation de l’enseignement supérieur qui avait notamment pour objectif de donner plus de pouvoir aux étudiant.es dans l’orientation du contenu des cours et de l’enseignement. Cette conception asymétrique de la liberté académique réhabilite ainsi la tradition paternaliste et autoritaire de l’université où l’étudiant.e est considéré.e comme une cruche à remplir, conception archaïque de la pédagogie que l’on pensait éteinte avec le duplessisme. En effet, même si les projets de réformes portés par les étudiant.es des années 1960 n’étaient pas nécessairement révolutionnaires, ils tendaient vers un enseignement et une gestion moins autoritaire, que la droite politique actuelle tente d’effacer, soi-disant en réponse à la menace woke qu’elle construit de toute pièce.

Plus fondamentalement, un projet de loi issu de ces recommandations risque d’accomplir le programme réactionnaire d’enterrer l’héritage contestataire du « moment 68 ». En effet, puisque les grèves étudiantes ne sont ni légales ni illégales au Québec, l’adoption d’une loi qui imposerait des sanctions aux perturbations de l’enseignement aurait pour conséquence d’interdire de facto les grèves étudiantes. Ainsi, au-delà des polémiques entre étudiant.es et professeur.es, c’est la possibilité même de contester le pouvoir à partir de l’université qui est menacée. On ne s’étonne pas qu’un Mathieu Bock-Côté se fasse le porte-étendard de ce programme, lui qui dénonce les « techniques pédagogiques débiles » héritées des années 1960 et plus généralement les mouvements féministes, homosexuels, étudiants et antiracistes qui auraient participé au basculement de notre civilisation. Il est toutefois plus décevant de voir des syndicats (FNEEQ-CSN et FQPPU) et des enseignant.es se revendiquant de l’héritage subversif de la Révolution tranquille se faire les porte-voix de ce discours réactionnaire. Il semble que pour plusieurs, la contestation ne soit acceptable qu’au passé et que la jeunesse actuelle doive être privée de son droit à la contestation, notamment son droit acquis au débrayage.

Si le mouvement étudiant des années 1960 n’a pas achevé son programme révolutionnaire de renversement de l’institution scolaire, il a tout de même apporté certains gains objectifs (droit de grève, droit de regard sur l’élaboration des programmes d’étude et sur les plans de cours) aux étudiant.es. Alors que le mouvement woke est beaucoup moins subversif et dangereux (notamment parce qu’il a généralement des visées réformistes plutôt que de transformations structurelles, donc révolutionnaires), il est évident qu’il est monté en épingle par la droite réactionnaire afin qu’elle puisse « réagir » à cette menace et supprimer les acquis des années 1960. Le meilleur moyen de résister à cette attaque de la droite est certainement de ne pas faire son jeu (qui oppose wokisme et droite bien-pensante), mais de renouer avec un programme radical de remise en question de l’école, de l’ordre établi et de la société capitaliste, afin de nous offrir collectivement un horizon révolutionnaire et de vraies possibilités de rapport de force avec l’État. Si le wokisme sert de faire-valoir à la droite, déjouons le plan de celle-ci et répondons-lui par un programme révolutionnaire qui viendra ébranler ses fondements.

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Pour en savoir plus sur l’histoire des luttes étudiantes au Québec, et plus largement sur la subversion populaire des années 1960, nous vous suggérons les quelques titres suivants :

Nous vous recommandons finalement l’écoute du film Neuvième étage (Mina Shum, 2015, 81 minutes), disponible sur le site de l’ONF.


[1] À l’époque, ces mouvements pour la liberté d’expression ont pour objectif de permettre aux étudiant.es d’exprimer un discours critique sur leurs campus. Dernièrement, le néoconservatisme a réussi à inverser le sens de ce concept, comme il l’a fait avec la laïcité, pour en faire un mouvement contre l’expression critique des étudiant.es en milieu universitaire.

[2] Les monuments et statues symbolisent le poids du passé sur le présent et ont été régulièrement la cible des contestataires, notamment des militant.es du Front de libération du Québec (FLQ), qui vandalisent et dynamitent une dizaine de statues et monuments durant la décennie 1960.