Montréal Contre-information
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Solidarité avec les prisonniers anarchistes, libérez-les tous !

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Juin 192021
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

À l’été 2020, trois lycéens – Bogdan Andreev, Denis Mikhaylenko et Nikita Uvarov, tous âgés de 14 ans – ont été arrêtés dans la ville de Kansk, dans la région de Krasnoïarsk en Sibérie, à l’intérieur des frontières revendiquées de l’État russe. Les trois garçons sont accusés d’avoir formé une organisation terroriste et d’avoir comploté, entre autres, de construire une maquette du siège de la police secrète russe (FSB) dans le jeu MineCraft puis de la faire exploser. De manière plus crédible, ils sont accusés de manifester leur solidarité avec Azat Miftakhov, un étudiant diplômé en mathématiques à Moscou et anarchiste, actuellement âgé de 28 ans. Miftakhov était initialement accusé d’avoir fabriqué une bombe fumigène qui avait été lancée dans un bureau du parti politique au pouvoir plus d’un an auparavant. Il a plus récemment été condamné à six ans de détention dans une colonie pénitentiaire. Andreev, Mikhaylenko et Uvarov sont tous en attente de jugement.

Le 13 juin, nous avons brandi une bannière intitulée « Solidarité avec les prisonniers anarchistes, libérez-les tous » devant le consulat de Russie à Montréal, situé au 3655 avenue du Musée. Nous avons fait cela en partie pour marquer l’occasion de la journée de solidarité avec Marius Mason et tous les prisonniers anarchistes à long terme du 11 juin, mais aussi pour signaler notre désir de garder à l’esprit la situation en Russie, où même de très jeunes personnes risquent d’entrer dans le système carcéral et, peut-être en conséquence, de ne plus en sortir.

Nos pensées vont à tous nos camarades entre les murs des prisons, anarchistes ou non.

Feu aux prisons !

De MTL à Sask : Longue vie à Cory Cardinal !

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Juin 162021
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Cette semaine, nous avons été bouleversé.es d’apprendre la mort de Cory Cardinal à la suite d’une potentielle surdose. Suite à cette nouvelle, dans la nuit du 12 juin, nous sommes allées nous promener dans le quartier pour peindre les murs en sa mémoire.

Cory était un poète, un écrivain, un artiste et un activiste pour les droits des prisonniers membre de la Première Nation de Sturgeon Lake. Nous avons pris connaissance de son existence ainsi que de son travail dans le contexte des grèves de la faim qu’il a aidé à organiser en prison en Saskatchewan au début de la pandémie pour lesquelles il faisait du travail médiatique.

Dans ce contexte, Cory articulait avec acuité les liens entre la prison et le colonialisme et il participait au combat, à l’intérieur de la prison tout comme à l’extérieur, pour les détruire.

Selon lui, traduit de l’anglais :

« C’est vrai que nous avons été ciblés par un système raciste en tant qu’hommes autochtones. Mais malgré cette épidémie d’incarcération, notre communauté de guerriers autochtones modernes a fait preuve de résilience. Nous avons survécu grâce à notre volonté, à notre ambition et à notre créativité, pour vaincre de nombreux ennemis comme la pauvreté, l’addiction et le racisme, pour nous faire accepter, pour trouver une communauté et un sentiment appartenance dans le moule dominant. Nous n’avons pas pu le faire à partir de nos propres normes, puisque nous sommes un peuple opprimé. »

Nous envoyons nos pensées, notre solidarité et notre amour à sa famille, ses ami.es, et ses camarades.

Nous continuerons à diriger notre rage contre les prisons, le colonialisme et contre ce monde qui criminalise et tue les utilisateurs.trices de drogues.

Trainez des kits de naloxones avec vous !

#Libérezlestous
#SafeSupply

Longue vie à Cory !

– quelques anarchistes blanc.he.s vivant à Montréal

Une mine à ciel ouvert c’est comme un feu : Action contre la mine Nouveau Monde Graphite sur le Nitaskinan

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Juin 112021
 

De Mobilisation Matawinie

Nouveau Monstre Graphite et Métaux Black Rock veulent nous faire croire que creuser toujours plus loin nous sauvera du désastre écologique actuel. Nous ne sommes pas dupes de leur greenwashing. Ekoni aci! Aski mamo! C’est assez!

indigenouslanddefenders [@] gmail.com

mobilisationmatawinie [@] protonmail.com

blablADN. Tout cramer pour brûler plus longtemps : un guide pour ne pas laisser de traces

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Juin 042021
 

De Sans nom

Cliquer sur l’image pour ouvrir le pdf (en page par page)

Pourquoi cette brochure ?

La preuve par l’ADN est aujourd’hui largement utilisée par le système judiciaire comme outil de répression. Dans ce contexte-là, la circulation d’informations pas vérifiées comme « l’acétone détruit les traces ADN » met en danger les personnes face à la répression. Le but de cette brochure est à la fois de comprendre comment les flics identifient une personne avec l’ADN, et de proposer des pistes pour s’en protéger.

On aimerait voir disparaître les taules, les tribunaux et les comicos et toutes celles et ceux qui participent à la machine à réprimer. L’idée ici est de participer à construire une culture de la sécurité autour des empreintes génétiques. On va surtout parler d’ADN, qui n’est qu’une question parmi plein d’autres autour de la sécurité face à la répression.

La preuve par l’ADN est un élément de croyance scientifique. Peu importe notre état de croyance par rapport à la science, les juges, elleux, enferment des personnes sur ces bases. On va utiliser un point de vue scientifique, qui est un point de vue partiel. On ne propose pas ici de réflexion critique sur l’usage des techniques scientifiques autour de l’identification par l’ADN, ni sur la science en général. Et pourtant y’a de quoi.

Qu’est-ce qu’il y a là-dedans ?

C’est une brochure à vocation pratique, mais on va faire des détours (pas trop longs) par des trucs théoriques. On va d’abord parler de comment les keufs travaillent avec l’ADN. Ensuite on va donner des pistes sur comment rendre leur taf le plus difficile possible, aussi bien en donnant des clefs pour se faire ses propres protocoles de sécurité qu’en proposant un protocole qui nous parait pertinent. À la fin, on a rajouté des annexes plus théoriques sur la biologie de l’ADN et sur certains aspects techniques de son utilisation par les keufs scientifiques.

En bonus, une petite annexe avec une liste de labos et fabricants de matériel servant à l’identification ADN [en France ; NdMtlCi], avec des adresses.

[Extrait de l’introduction de blablADN]

PDF en page par page

Pour leur écrire : blabladn_at_riseup.net

Entretien : Un portrait des luttes sociales et antiautoritaires dans le Bas du Fleuve

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Juin 022021
 

Du Collectif Emma Goldman

Au cours des dernières années, nous avons vu apparaître plusieurs projets intéressants au Bas-du-Fleuve, principalement dans le secteur de Rimouski / Trois-Pistoles, mais pas seulement. Il y a un essaimage libertaire autour de différents projets comme un centre social et une auberge notamment et dans les milieux communautaire et syndical. La chose n’est pas entièrement nouvelle, mais ce regain a suscité plusieurs questions que j’ai voulu adresser à une personne engagée dans les luttes là-bas. Autant dire que l’entretien qui en résulte n’est pas un portrait exhaustif de tous les groupes en présence. Il faut aussi préciser que l’entretien a été réalisé il y a plusieurs mois déjà. L’information demeure à mon avis importante puisque l’existence des militantes sociales et militants sociaux en dehors de la métropole et de la capitale fait l’objet d’un oubli quasi constant.

BCEG : Salut! Peux-tu nous faire un petit portrait des différents groupes militants qui luttent dans le coin de Rimouski et les idées qu’ils portent?

Camarade du Bas du fleuve : Il y a plusieurs groupes mobilisés autour d’enjeux environnementaux dans la région, surtout contre les hydrocarbures (Prospérité sans pétrole, Non à une marée noire dans le Saint-Laurent, Rimouski en transition). Il y a aussi des groupes relativement actifs à l’université (UQAR) : le Comité féministe, le Comité étudiant de Rimouski en environnement (CÈDRE) et le Carrefour international bas-laurentien pour l’engagement social (CIBLES) (antenne uqarienne), qui œuvre en éducation populaire sur les enjeux de justice migratoire. Les actions plus militantes sont souvent menées par des groupes spontanés… Dernièrement, y’a le collectif Églantine qui a vu le jour autour d’une vigie pour Joyce Echaquan. Autour de Rimouski, y’a Le Récif à Rivière Trois-Pistoles qui est en train de mettre sur pied un centre social et qui agit comme lieu de résidence et de brassage d’idées depuis un bout. Au Kamouraska, y’a le collectif La Camarine qui organise des activités interculturelles et de soutien à diverses luttes anti-oppressives. Après, il y a peut-être aussi d’autres groupes que je connais moins, mais dans tous les cas, si ça vous intéresse d’en savoir plus sur les groupes mentionnés ci-haut, ils sont tous retrouvables sur Facebook !

Aussi, je viens de flasher sur Syndic-à-l’Est, qui est un groupe très informel qui s’attarde plus à la réflexion et au soutien à la défense des droits des travailleuses et travailleurs. Dans le milieu communautaire, y’a Action populaire Rimouski-Neigette qui œuvre en défense collective de droits des personnes vivant de la précarité pis le Comité logement de Rimouski-Neigette qui sont plus revendicateurs. Pendant le premier confinement, y’a eu un petit mouvement autour de la grève des loyers avec Solidarité logement – BSL qui voulait inciter les locataires à se parler et se solidariser…

Il n’y a pas de collectif ou groupe organisé autour d’Extinction Rebellion à Rimouski. Dans le fond, il y a eu quelques rencontres de gens pour discuter d’actions et de divers enjeux de la région. La page Facebook (Extinction Rebellion Rimouski), qui existe depuis 2019, sert surtout pour les communications publiques, comme vitrine à des actions / lieux de diffusion anonyme.

BCEG : Quels sont les enjeux porteurs des luttes dans votre secteur?

Camarade du Bas-du-fleuve : Disons que les enjeux environnementaux ont pas mal la cote dans la région, mais les gens autour de cette page (Extinction Rebellion Rimouski) s’attardent peut-être plus aux luttes anti-oppressives (anti-coloniales, anti-racistes, anti-capitalistes) et s’associent plus à une mouvance anarchiste qui voudrait rediffuser le pouvoir dans la population plutôt qu’il soit entre les mains d’une élite politico-économique.

BCEG : Quels sont les freins à ces luttes?

Camarade du Bas-du-fleuve : Les principaux freins sont probablement liés aux communications entre personnes intéressées par des actions militantes… ou du moins dès qu’on parle d’actions un peu plus dérangeantes mettons. Les médias sont souvent ouverts à diffuser nos communiqués de presse, mais évidemment ça soulève toutes sortes de commentaires de la population sur les réseaux sociaux. Par contre, je ne pense pas que ça joue comme un frein. Peut-être qu’il y a un effet d’éparpillement qui serait un frein? Autant territorial que d’enjeux ; comme Rimouski est la « grosse ville » du coin, c’est possible de se mobiliser autour d’enjeux très spécifiques et peut-être perdre en vision plus systémique des enjeux? Et y’a certainement un effet « ne pas vouloir déranger » lié au fait que nous vivons dans un petit milieu et que tout le monde se connait. Mais, cet effet a un aspect positif aussi d’encourager l’acceptation d’idées variées et peut-être encourager le travail ensemble ?

BCEG
 : Qu’est-ce que tu vois comme les plus gros défis qui peuvent se poser à la persistance dans le temps des groupes militants dans votre coin?

Camarade du Bas-du-fleuve : Je dirais que c’est la mobilité des militant.e.s !! Plusieurs personnes vont et viennent dans le Bas-Saint-Laurent, donc la durée du passage est certainement un enjeu. Aussi, plusieurs personnes qui décident de rester le font dans l’optique de mener un projet personnel ou auto-entrepreneurial qui finit par prendre beaucoup de place dans leur vie (par exemple, les projets maraîchers d’auto-suffisance alimentaire ont pas mal la cote chez les militant.e.s du coin).

J’espère que ça répond à tes questions quand même pas pire. Je t’invite vraiment à contacter aussi les différents groupes que j’ai name-droppés si tu veux voir un portrait plus large des mobilisations dans le coin … pis le Réseau libertaire brume noire à Gaspé.

BCEG : Merci pour ce portrait! Ça vaudrait certainement la peine de les rejoindre et surtout d’éventuellement trouver des moyens efficaces de tisser des liens de solidarité entre nos milieux.

Pourquoi on détruit les autocollants “Boycott China”

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Mai 312021
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Ces autocollants étaient affichés dans la zone entre les rues Atwater et Peel – et peut-être ailleurs à Montréal ! On ne sait pas qui les affiche, mais on les voit parfois avec d’autres qui disent FUCK TRUDEAU ou qui appellent à la libération de Hong Kong. Nous sommes parmi celles-ceux qui enlèvent et couvrent ces autocollants.

On ne connaît pas avec certitude les intentions de celles-ceux qui les affiches. Cependant, on a l’analyse qui suit :

  1. Il y a des gens dans notre société qui veulent une guerre totale entre l’Occident (dont la définition varie) et la Chine. Ils ne sont pas motivés par un amour pour la liberté; ce qu’ils veulent est une orgie de violence qui enveloppera le monde.
  2. Une vague de violence contre nos voisin.e.s asiatiques se produit déjà, à travers l’Amérique du Nord et dans plusieurs autres pays.
  3. Dénoncer l’État Chinois est légitime – il est l’exemple ultime du “fascisme rouge” à l’ère moderne ! – mais c’est plutôt urgent de dénoncer l’empire chez nous. Le Parti communiste de Xi est dangereux, mais bien plus dangereux sont la police locale, le fascisme locale, l’ecocide locale, l’avidité locale. L’empire du mal à l’étranger est une distraction du besoin urgent pour une révolution sociale ici et maintenant!

On encourage tout les Montréalais-e-s à détruire et couvrir ces autocollants!

On encourage aussi les gens qui répandent ces messages à être un peu moins caves!

En savoir plus : https://mastodon.bida.im/@squarebethune

Le verger au complet, Épisode 5 : Répression de la dissidence

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Mai 312021
 
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De la Convergence des luttes anticapitalistes

La police opère avec de nombreux biais, et la répression politique représente l’un d’entre eux. Il se manifeste par la manière disproportionnée dont la police s’attaque aux mouvement sociaux progressistes par le niveau de violence utilisé, l’effectif déployé, la surveillance, ou l’ampleur des charges, par exemple. Cette situation est rendue bien visible au Québec par le livre tiré de la commission populaire sur la répression politique, paru en 2016, et qui avait pour titre “Étouffer la dissidence”. Nous interrogeons dans cet épisode une personne qui a participé à son écriture.

Musique

  • Mille Piastres Please, “Bégonia”, tirée de l’album “Bégonia”, https://millepiastresplease.bandcamp.com/
  • Marilyn Rambo – “Algis vasculaires du cul”, tirée de l’album “Qu’est ce que tu fais pour les balances?”, https://marylin-rambo.bandcamp.com/
  • Utilisées avec la permission des groupes.

Références

Commission populaire sur la répression politique, “Étouffer la dissidence, Vingt-cinq ans de répression politique au Québec”, Lux Éditeur, Montral, 2006.

Lire la transcription

Pour un regain antifasciste dans l’après-pandémie

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Mai 312021
 

De Montréal Antifasciste

Au moment où se dessine la sortie de la crise sanitaire, la levée progressive des mesures d’exception et le proverbial « retour à la normale[i] », les bilans s’imposent. Du point de vue de la pratique antifasciste, le phénomène ayant le plus retenu notre attention au cours de la pandémie, et plus particulièrement à partir de l’été 2020, a été la convergence de certains éléments de l’extrême droite québécoise avec des individus liés aux courants de « santé alternative » et divers adeptes de théories du complot pour former le curieux mouvement d’opposition aux mesures sanitaires.

Ce phénomène inédit a soulevé un certain nombre de questions stratégiques. Devait-on confronter directement ce mouvement dans la rue, comme nous l’avions fait dans les années précédentes avec le mouvement national-populiste, et ce, en dépit des enjeux sanitaires? Devait-on plutôt l’ignorer complètement ou contribuer modestement à en limiter l’influence en participant à la vigilance « anti-conspis » sur les médias sociaux? Ou aurions-nous dû plutôt (devrions-nous aujourd’hui) nous adresser directement à ce mouvement sur la base d’une relative sympathie pour l’hostilité qu’il exprime à l’égard des autorités et des institutions? Si oui, par quels moyens et, surtout, à quelle fin?

Sinon, et de toute manière, quelles devraient être les orientations et priorités du milieu antifasciste montréalais et québécois dans les mois et années à venir, compte tenu du rôle qu’a joué l’extrême droite dans la mouvance anti-sanitaire et celui qu’elle pourrait encore jouer dans ses possibles reconfigurations? Selon toute vraisemblance, la majeure partie de la base du mouvement anti-sanitaire rentrera sagement à la maison avec la levée des mesures d’exception; mais une autre partie poursuivra sans soute son engagement dans la « complosphère », laquelle est directement sous l’influence de l’extrême droite. Alors que faire?

Ce texte tente d’apporter quelques éléments de réflexion, tout en réaffirmant la nécessité pour la gauche radicale de redoubler d’effort, comme le font déjà certains groupes, pour organiser un mouvement populaire sur ses propres bases, à distance des dérives réactionnaires et sans tomber dans le piège du populisme.

(7 500 mots; temps de lecture : environ 20 minutes)

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La spirale descendante du complotisme anti-sanitaire

La pandémie de COVID-19 a créé tout un lot de nouvelles difficultés, en plus d’exacerber des défis existants.

On le sait, la crise pandémique s’est avérée un contexte particulièrement favorable à la diffusion de nombreuses théories du complot et, plus généralement, de la mentalité complotiste. Mentalité qui constitue en retour un terreau propice à l’enracinement de l’extrême droite. L’un des nouveaux défis auxquels la gauche radicale/antifasciste a été confrontée au cours de la dernière année a été de trouver les moyens de renverser, ou à tout le moins de freiner l’expansion de cette mouvance complotiste anti-sanitaire[ii].

Déjà, pour parler en notre propre nom, le collectif Montréal Antifasciste a décidé assez tôt dans la pandémie de renoncer à certaines des tactiques employées au cours des dernières années dans la lutte contre les groupes xénophobes et islamophobes, dont principalement l’organisation de contre-manifestations, par souci de ne pas contribuer à la propagation du virus et à une potentielle aggravation de la crise sanitaire. On n’a qu’à s’imaginer un scénario de « lutte à trois fronts » entre les antifascistes, les anti-sanitaires et la police pour redouter les possibles complications. Nous croyons encore que c’était la meilleure chose à faire dans les circonstances[iii], et doutons par ailleurs que de telles mobilisations auraient attiré assez de contre-manifestant·e·s pour faire contrepoids. La phase actuelle de la pandémie nous amène toutefois à reconsidérer ce choix tactique, car il faudra bien tôt ou tard briser le cercle vicieux de l’inaction et du constat d’échec.

Un autre élément problématique tient à la composition hétérogène du mouvement d’opposition aux mesures sanitaires. Bien qu’à ses débuts, au printemps/été 2020, l’embryon de ce mouvement était manifestement mené par des personnages liés aux groupes xénophobes et islamophobes actifs dans la période 2016-2019 (La Meute, Storm Alliance, Citoyens au Pouvoir, Vague bleue, etc.), ceux-ci n’en avaient pas le monopole. On retrouvait aussi parmi les leaders (et jusqu’à ce jour) des individus associés à la mouvance dite de « santé alternative », comme Mel Goyer ou Amélie Paul. Nous avons d’ailleurs été parmi les premiers à sonner l’alerte en constatant cette convergence inédite de certains gourous de l’extrême droite populiste avec des hippies alternatifs généralement considéré·e·s plutôt à gauche, ou du moins « apolitiques ». À ce noyau dur initial est venu se greffer toute une constellation de personnes sensibles aux explications complotistes, certain·e·s provenant de la « fachosphère » des dernières années, et d’autres dont le scepticisme à l’égard de la pandémie s’est transformé en hostilité ouverte envers (toutes) les mesures sanitaires au fur et à mesure que la crise s’aggravait et perdurait. Même s’il est impossible de quantifier le poids et la portée de chacune de ces catégories au sein de l’ensemble (et il faut de toute façon tenir pour acquis que ces facteurs fluctuent), l’opposition aux mesures sanitaires comporte aujourd’hui bon nombre de personnes qui sont tout simplement hostiles à l’égard de ce que les figures d’autorité, y compris les scientifiques et les journalistes, leur demandent de croire.

Une multitude de pages et de groupes ont ainsi été créés sur Facebook et d’autres plateformes, où l’influence de gourous complotistes comme Alexis Cossette-Trudel s’est étendue, tandis que d’autres opportunistes profitaient de cet élan pour créer des vaches à lait et tirer avantage du mouvement naissant (dont Stéphane Blais, du parti marginal Citoyens au pouvoir, et sa Fondation pour la défense des droits et des libertés du peuple).

À partir de là, à la faveur du désœuvrement d’une grande partie de la population, le mouvement a grandi exponentiellement, et un grand nombre d’influenceurs et d’influenceuses se sont démarqué·e·s sur les médias sociaux en charriant de nombreuses théories du complot toutes plus invraisemblables les unes que les autres, intégrant notamment les prémisses grotesques du mouvement QAnon, lequel sévissait déjà depuis 2017. Les anti-sanitaires, sous le leadership d’individus comme Stéphane Blais, Mel Goyer, Dan Pilon, Mario Roy ou Steeve « l’Artiss » Charland et ses « Farfadaas », et profitant de l’amplification du signal par d’autres « personnalités » des médias sociaux, ont organisé des dizaines de manifestations dans plusieurs localités de la province, ce qui a progressivement rehaussé leur profil et gonflé leurs rangs.

Un autre tournant au Québec a été l’imposition du couvre-feu en janvier 2021, qui a été considéré par plusieurs comme un coup de force illégitime et injustifiable de la part du gouvernement et a entraîné dans le mouvement d’opposition aux mesures sanitaires des segments de la population qui n’y étaient pas particulièrement sensibles jusque-là. (La gauche radicale s’y est elle aussi opposée dès le début en organisant quelques manifestations à Montréal sous la bannière du groupe ad hoc « Pas de solution policière à la crise sanitaire »). Une autre action notable est la quasi-émeute qui s’est produite le 11 avril 2021 dans le Vieux-Port de Montréal, dont tout porte à croire qu’elle a été le fruit d’une mobilisation spontanée sur les médias sociaux prisés des jeunes adultes; la présence d’éléments d’extrême droite dans la foule, dont les agitateurs de Rebel News, mène toutefois certain·e·s à croire que celle-ci n’était peut-être pas complètement étrangère à cette mobilisation. Il est possible que nous n’ayons jamais une réponse définitive à cette interrogation.

Et tout ça a culminé avec la manifestation anti-sanitaire du 1er mai 2021, intitulée « Québec Debout! », en périphérie du Stade olympique et de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont, à Montréal. On estime à 25 000 personnes le nombre de participants et de participantes à cette manifestation organisée explicitement « contre les mesures sanitaires » et implicitement (par le choix du lieu) contre la campagne de vaccination en cours. Les organisateurs de l’événement, dont les comptables Samuel Grenier et Dan Pilon, ont ainsi réussi à attirer, en plus du noyau dur de complotistes (anti-masques, anti-confinement, anti-vaccins, etc.) et certains politiciens opportunistes comme Maxime Bernier, un grand nombre de jeunes et de familles exaspéré·e·s par la pandémie, les mesures d’exception et les restrictions sanitaires. Plusieurs y étaient pour protester contre l’imposition du masque aux enfants, d’autres pour réclamer la réouverture des commerces non essentiels, d’autres encore pour dénoncer la prolongation du couvre-feu. Se mêlaient ainsi aux « coucous » hurlant contre toute logique au « fascisme » et à la « dictature sanitaire » un nombre important de personnes irritées appelant de leurs vœux un « retour à la normale ».

Il serait donc un peu trompeur d’assimiler l’ensemble du mouvement anti-sanitaire (tel qu’il se présente au printemps 2021) à l’extrême droite, bien que celle-ci y ait exercé depuis le début une très grande influence, notamment par l’intermédiaire de projets de désinformation comme Radio-Québec de Cossette-Trudel, le Stu-Dio d’André Pitre, la plateforme d’extrême droite Nomos.Tv d’Alexandre Cormier-Denis, et sous l’ascendant de figures comme Steeve Charland et Mario Roy. On peut toutefois affirmer sans grand risque de se tromper que la très grande majorité, voire la quasi-totalité, des participants et participantes à la manifestation anti-sanitaire du 1er mai (à moins d’avoir vécu sous une roche depuis un an!) devait quand même savoir assez bien dans quel genre de galère iels étaient allé·e·s s’embarquer là. Du moins, les centaines de pancartes aux discours complotistes hallucinés, de drapeaux « Trump 2020 », de références à QAnon et de vociférateurs « anti-toute » (sic) auraient dû leur mettre la puce à l’oreille.

Deux constats s’imposent ainsi d’emblée. D’abord, malgré la composition hétérogène de la foule anti-sanitaire et les degrés variables d’adhésion aux théories complotistes les plus grotesques, iels ont clairement pour dénominateur commun de faire passer leur confort individuel, sous la forme d’un « retour à la normale » qui leur sied particulièrement, avant l’intérêt commun défini beaucoup plus largement, intérêt qui exige évidemment d’importants sacrifices individuels. Les anti-sanitaires, qu’iels soient complotistes ou non, n’éprouvent aucun scrupule à manifester publiquement leur mécontentement personnel, quitte à voir la crise s’aggraver et/ou se prolonger pour d’autres, au prix de vies perdues ou abîmées et en dépit du stress accru imposé aux systèmes de soins.

Deuxièmement, si les participants et participantes à ces manifestations ne sont pas tout·e·s assimilables à l’extrême droite, il est évident que ça ne les dérange pas trop, voire pas du tout, de se retrouver côte à côte avec elle dans une cause commune, puisque la démonstration a été amplement faite de l’influence qu’exerce cette dernière sur le mouvement complotiste/anti-sanitaire.

Voilà un aperçu du bordel dans lequel nous nous sommes retrouvé·e·s au printemps 2021.

L’approche « anti-conspis » et ses angles morts

Parallèlement et en réaction au mouvement complotiste anti-sanitaire, un certain nombre de projets de vigilance se sont mis en place dans les médias sociaux pour documenter son développement et tenter d’y opposer une résistance dans l’espace numérique. Les Illuminés du Québec, l’Observatoire des délires conspirationnistes, Ménage du dimanche et le blogueur Xavier Camus ont tous à leur façon, souvent avec dérision, parfois avec le plus grand sérieux, cherché à marginaliser et contrer l’influence des discours complotistes sur les médias sociaux. Le collectif Montréal Antifasciste a quant à lui modestement contribué à ce contre-mouvement en soulignant à plusieurs reprises les liens confirmés entre le complotisme anti-sanitaire « Made in Québec » et l’extrême droite. Ces projets, dont nous avons au cours de la dernière année souligné le caractère parfois salutaire (et très souvent divertissant), ne sont toutefois pas sans comporter certains angles morts[iv], dont le principal est peut-être, à notre avis, la tendance à minimiser l’importance, voire la légitimité, de la méfiance et de l’hostilité affichée par une partie non négligeable de la population à l’égard des autorités et des « institutions » qui s’arrogent le pouvoir sur nos vies.

Comme nous l’avons déjà écrit, le hic avec la plupart des théories du complot n’est pas tant qu’elles se fondent sur la méfiance d’une partie de la population à l’égard des élites politiques, économiques et scientifiques, mais qu’elles décodent mal ou partiellement la nature du pouvoir et tendent à proposer des solutions simplistes à des problèmes complexes. Cette compréhension mauvaise ou partielle et la confusion qu’elle génère deviennent ensuite un terreau où l’extrême droite peut implanter ses propres théories toxiques sur le cours de l’histoire et l’exercice du pouvoir, ce qui sert en retour ses efforts de recrutement.

Comme nous avons écrit dans notre article Complotisme et extrême droite : une longue histoire d’amour (paru dans l’Idiot utile – automne 2020) :

« Si la plupart des idées que véhiculent les complotistes peuvent paraître irrationnelles, le fait de croire en l’existence de complots n’est pas irrationnel en soi. Au sens strict, le terme de complot désigne une entente secrète entre personnes et, par extension, l’action concertée de plusieurs personnes contre quelque chose ou quelqu’un. Nous sommes tous et toutes soumis·e·s aux conditions structurelles de la société de classes, où les intérêts respectifs de chaque classe entrent perpétuellement en conflit et où la classe dominante, par définition, agit continuellement “de manière concertée” pour préserver ses intérêts. Ainsi, les dominants complotent pour assurer la reproduction de l’ordre social et de leurs privilèges. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les théories complotistes jouissent souvent d’un écho favorable au sein des populations opprimées (classes ou nations) et qu’elles sont parfois employées pour créer des ponts entre la droite et la gauche. Elles ont le mérite de poser, implicitement ou explicitement, la question du pouvoir (qui le détient “réellement”?) et de son exercice. Elles expriment aussi des soupçons à l’égard des vérités officielles de l’État et peuvent, ainsi, contribuer à une certaine vigilance populaire et démocratique. »

De la même manière, l’on peut assez facilement concevoir d’autres raisons pour s’opposer aux mesures sanitaires qu’une adhésion aux prémisses politiques de l’extrême droite ou aux délires de QAnon. Autant la pandémie que les mesures d’exception (comme tout le reste dans notre société de classes) ont touché de manière disproportionnée celles et ceux qui subissent déjà différentes formes d’oppression, en particulier la classe ouvrière et les plus pauvres, dont au premier titre les segments racisés ou autrement marginalisés. C’est quelque chose comme la quintessence de la cruauté capitaliste que de forcer certaines personnes à travailler dans des épiceries, des entrepôts et des usines de transformation alimentaire, pour ensuite les menacer de les mettre à l’amende si elles osent sortir de chez elles pour prendre l’air après 20 h. L’obligation de rester confiné chez soi n’a pas le même impact si le foyer en question comporte un balcon ou une cour arrière, ou si c’est un petit appartement partagé avec des gens avec lesquels on ne s’accorde pas toujours.

Les contours tacites de la « reproduction sociale » et la valeur cachée qu’elle génère apparaissent un peu plus clairement lorsque les écoles doivent rouvrir pour y entreposer les enfants afin de forcer leurs parents à retourner au turbin, sans rien dire des enseignantes et des enseignants qu’on a obligé·e·s à retourner en classe (dont plusieurs avaient des conditions préexistantes les exposant à de graves complications si par malheur iels contractaient la maladie…).

Il est maintenant bien connu que la pandémie a permis à la classe milliardaire de s’enrichir encore, tandis que l’effondrement économique mondial a précipité plus de 100 millions de personnes dans la pauvreté extrême (surtout dans les pays du Sud) et provoqué d’importantes dislocations économiques dans les pays du Nord. On apprenait aussi récemment que la campagne accélérée de vaccination mondiale a fait de nombreux nouveaux milliardaires, ce qui a de quoi alimenter d’autant plus le cynisme à l’égard de l’industrie pharmaceutique.

Sur le plan politique, à l’évidence, le ton paternaliste de François Legault et de ses lieutenants rassure une grande partie de la population. Mais il en irrite en même temps une proportion non négligeable, qui n’a pu s’empêcher de constater au fil des mois la multiplication des décisions catastrophiques, des bévues petites et grandes, du manque flagrant de transparence, des valses-hésitations, des tâtonnements et des tergiversations coûteuses, dont le spin cynique n’est jamais parvenu à dissiper parfaitement le soupçon que ce gouvernement n’est en réalité qu’un ramassis d’imposteurs. Quoi qu’il en soit, au-delà des mesures distribuées aléatoirement et souvent sans aucune logique apparente, et au-delà des hypothèses complotistes sur les motivations malveillantes, en définitive, la seule constante observable dans la gestion de crise caquiste est la volonté inébranlable de faire passer l’économie avant toute autre considération.

Pour la majeure partie, les politicien-ne-s qui composent la classe dirigeante mentent régulièrement comme des arracheurs de dents, avec grande énergie en période électorale, et trahissent leurs promesses à la première occasion; changent de parti au gré des saisons et imposent aujourd’hui des programmes qu’ils dénonçaient encore hier; sont très souvent malhonnêtes et mal intentionnés; et même lorsqu’ils sont motivés par les meilleures intentions, les rouages antisociaux de la politique bourgeoise les conduisent tôt ou tard à nuire à l’intérêt public d’une manière ou d’une autre.

Au vu des programmes antisociaux qu’ils mettent en vigueur et de leur hypocrisie chronique, il n’est donc pas étonnant qu’on se méfie des politiciens, qu’on les juge sévèrement et qu’on les soupçonne de « comploter » contre l’intérêt commun. Peut-on pour autant raisonnablement conclure, comme le font les négationnistes de la COVID, que tous les politiciens et tous les gouvernements de tous les pays du monde ont mis de côté leurs antagonismes complexes pour se liguer secrètement dans la mise en scène d’une pandémie mondiale imaginaire? Bien sûr que non. On a beau trouver François Legault et Justin Trudeau[v] manipulateurs, hypocrites et incompétents, on ne nous fera pas croire qu’ils ne prennent pas la pandémie de COVID-19 au sérieux et ne sont pas convaincus de faire le nécessaire pour l’endiguer.

Pour résumer, s’il y à un complot à reprocher à la classe politique, c’est l’accord général qui tient au consensus néolibéral et la volonté de se prêter aux pires bassesses pour protéger coûte que coûte l’économie et le système capitaliste.

On pourrait aussi longuement parler de l’infantilisation de la population par les autorités de la Santé publique, de la complicité active et de l’indignation sélective des grands médias d’information, de la gestion policière et de la répression de la dissidence, des déséquilibres internationaux dans la distribution des vaccins, et de bien d’autres aspects de la gestion de crise prêtant le flanc aux critiques radicales.

Il y a donc un très grand nombre de raisons légitimes pour se montrer hostile au mode de gestion capitaliste de la pandémie, autant de raisons que l’on peut très bien comprendre sur le plan humain et qui s’alignent même parfois avec nos propres valeurs et la manière dont nous faisons l’expérience de cette société. Il est ainsi d’autant plus frappant que le mouvement d’opposition aux mesures sanitaires, globalement, n’a jamais vraiment mis de l’avant ces aspects clés de la pandémie, ni le fait qu’elle est gérée par la vraie classe dirigeante aux dépens de celles et ceux qui subissent concrètement les diktats du capitalisme, mais s’est au contraire ancré dans une idéologie implicitement procapitaliste de liberté individuelle et d’insouciance à l’égard du bien-être d’autrui, agrémentée d’histoires croustillantes de micropuces 5G et de réseaux pédosatanistes basés dans des sous-sols de pizzeria.

On se retrouve donc devant un problème épineux. Faute de pouvoir rattraper les conspis pur·e·s et dur·e·s (jusqu’à ce que la vie, avec un peu de chance, les ramène à la réalité), comment réussir à freiner la progression du complotisme parmi ceux et celles qui s’en rapprochent et/ou sont susceptibles d’y succomber? Plus particulièrement, du point de vue de la gauche radicale et antifasciste, comment faire en sorte que ces personnes n’entrent pas dans la sphère d’influence de l’extrême droite? Et finalement, y a-t-il dans cette mouvance des individus qui seraient ouverts à une critique du capitalisme, du racisme, du patriarcat et du colonialisme?

Il faut se rendre à l’évidence : l’approche consistant à ridiculiser systématiquement les complotistes, souvent en résumant le phénomène à ses expressions les plus grotesques, n’a pas permis d’en stopper la progression. Tout au plus, il se peut qu’en alimentant une espèce de polarisation, elle ait contribué à marginaliser la « complosphère », et ce faisant, à en limiter la progression. Impossible de le dire avec certitude, mais il est certain que la gauche radicale, qui n’aspire pas seulement à endiguer la fuite vers le complotisme d’extrême droite, mais aussi à faire valoir la justesse de ses propres options, ne peut plus se contenter de jouer à la meme game, de relayer ad nauseam les mêmes âneries complotistes en ricanant et de réitérer éternellement dans sa propre chambre d’échos le caractère loufoque des covidiots.

Il est impératif que nous trouvions ensemble le moyen de sortir de cette dynamique circulaire.

Comment sortir de l’impasse?

Dans les jours et les semaines qui ont précédé la manifestation anti-sanitaire du 1er mai, et compte tenu de la charge symbolique qu’une telle manifestation revêtait à Montréal lors de la Journée internationale des travailleurs et travailleuses, différentes perspectives se sont confrontées au sein de la gauche antifasciste quant aux meilleures approches à adopter dans les circonstances. L’option générale de provoquer un affrontement ayant été vite écartée pour des raisons évidentes, plusieurs questions restaient sans réponses, et grosso modo, trois écoles de pensée se confrontaient :

  • Le phénomène d’opposition aux mesures sanitaires est un authentique mouvement populaire organique et il serait une erreur de s’en distancer complètement et de l’abandonner à l’influence de l’extrême droite; il faut opérer une distinction entre les leaders louches et/ou proches de l’extrême droite, d’une part, et la base du mouvement, d’autre part, qui n’est pas foncièrement d’extrême droite; serait-il possible de manœuvrer de l’intérieur pour séparer la base du leadership? ;
  • La distinction doit plutôt/surtout s’opérer entre un noyau dur complotiste (jugé irrécupérable dans l’immédiat) et certains segments de population récemment attirés par l’opposition aux mesures sanitaires sans pour autant être sensibles à l’extrême droite, en prenant pour exemple les jeunes qui se sont mobilisée·s contre le couvre-feu le 11 avril dernier et/ou qui sont hostiles à la police; nos manœuvres ne devraient-elles pas plutôt viser à détourner ces derniers du mouvement complotiste plus large, notamment par des opérations d’éducation populaire ciblées? ;
  • Le mouvement d’opposition aux mesures sanitaires (tel qu’il s’est présenté le 1er mai) attire toute sorte de personnes issues de différents milieux, mais il faut reconnaître qu’en s’y joignant, ces personnes ont toutes en commun de faire plus ou moins passer a priori leur intérêt personnel avant l’intérêt commun; il faut aussi reconnaître que ces personnes, dans toute leur diversité et malgré leur adhésion variable aux dérives complotistes, forment encore une minorité au sein de la population québécoise; conséquemment, est-il vraiment utile de s’adresser à ce mouvement précisément, et ne vaudrait-il pas mieux orienter nos efforts ailleurs, que ce soit plus largement ou de manière ciblée?

Cette conversation nous semble aussi pertinente qu’opportune. Sans prétendre formuler une synthèse définitive, il nous paraît important d’y contribuer de manière critique, minimalement pour dépasser ce qui se présente comme une contradiction entre une « ligne dure » consistant à rester à pleine distance du mouvement anti-sanitaire/complotiste, et une ligne plus « populiste » consistant à s’en rapprocher dans l’espoir d’en détourner une partie, quitte à mettre pour un temps en veilleuse certains principes politiques fondamentaux.

Éviter les écueils du populisme/opportunisme

Cette dernière approche s’inscrit dans une certaine tradition persistante au sein de la gauche, une tradition qui a pourtant souvent abouti sur des comportements opportunistes.

Par « opportunisme », nous entendons le fait de sacrifier les intérêts essentiels de notre mouvement, c’est-à-dire nos principes politiques, pour faire des gains rapides ou gagner la faveur de certains segments de la population. Bien que l’opportunisme puisse se produire de manière organique (par exemple, lorsqu’un mouvement n’a pas le courage de confronter sa base et d’énoncer des vérités dures à entendre), il peut aussi survenir lorsque nous construisons une image idéalisée de certaines personnes avec lesquelles nous n’avons pas de liens étroits et dont nous croyons qu’elles possèdent des qualités qui manquent dans nos propres rangs (elles seraient plus importantes, plus « authentiques », etc.), et que si nous ne nous associons pas à elles ou à leurs luttes, nous risquons de « passer à côté de quelque chose ». L’on combine ainsi un manque de confiance en nos propres traditions à une sorte de pulsion parasitaire pour compenser nos faiblesses en nous attachant à d’autres dont nous tenons pour acquis qu’iels nous rendront plus fort·e·s ou plus pertinent·e·s (sans que nous ayons à faire nous-mêmes le travail).

La gauche a une longue histoire de flirt avec l’opportunisme, qui remonte notamment au soutien qu’ont apporté des sociaux-démocrates du monde entier à « leur » bourgeoisie lors de la Première Guerre mondiale. En Amérique du Nord, l’opportunisme s’est principalement manifesté par une opposition parfois anémique de la gauche au suprémacisme blanc et au colonialisme, par crainte de s’aliéner les majorités blanches. Au Québec, l’exemple classique est celui de certains individus et groupuscules d’extrême gauche qui ont essayé de s’agripper au mouvement nationaliste, non pas par conviction que l’indépendance du Québec entraînerait l’avènement d’une société meilleure (ce qui est un phénomène distinct), mais dans le but de recruter dans les rangs nationalistes. L’opportunisme s’est aussi parfois manifesté dans le fait d’édulcorer certaines positions considérées impopulaires parmi la majorité (blanche), comme d’atténuer les positions antiracistes lors de la première « crise des accommodements raisonnables », ou d’émousser de manière analogue l’opposition à l’islamophobie dans les années depuis.

Le bilan est clair : dans aucune de ces situations, le refus de certains éléments de la gauche de « céder du terrain » n’a réellement affaibli la droite. Au contraire, si le rapprochement entre une partie de la gauche et de la droite a eu un effet, c’est principalement d’avoir contribué à légitimer le discours de la droite.

Il y a une très grande différence entre le fait d’adopter une position politique partagée par une section de la droite parce qu’elle nous semble correcte selon nos propres critères, et le fait d’entrer dans un mouvement dominé par la droite parce que nous espérons en récupérer la base ou parce que ce mouvement semble populaire auprès « des masses ». L’approche consistant à se joindre à des mouvements de droite ou « mixtes » dans l’espoir de se « faire de nouveaux amis » ou de ne pas « céder du terrain » n’a rien de nouveau. Elle a en fait été essayée très souvent, et toujours à notre détriment.

En tant que gauche anticapitaliste, antipatriarcale et anticolonialiste, notre objectif principal est-il de convaincre la base complotiste (ou même quelque segment de cette base mixte dont on considère pour une raison ou une autre qu’il serait réceptif à nos positions), ou de faire valoir plus largement et plus efficacement nos propositions bien au-delà de cette base, sans compromettre nos fondamentaux?

Il va de soi que le dialogue et l’arrimage avec différents segments de la population engagent notre capacité à prendre efficacement contact avec ceux-ci. Mais dans les circonstances actuelles, une telle démarche ne peut et ne doit pas se limiter à la périphérie du mouvement complotiste.

Tout d’abord, si nous admettons que le mouvement anti-sanitaire n’est pas uniformément acquis aux théories complotistes, nous croyons qu’il est largement illusoire (du moins dans un horizon rapproché) d’espérer convaincre les conspis pur·e·s et dur·e·s au moyen d’arguments rationnels et de faits étayés. Cet enjeu relève de la psychologie et dépasse nos compétences, mais même s’il n’est pas catégoriquement impossible de ramener un·e conspi à la raison, force est de constater après un an de ce régime que la plupart des tentatives en ce sens entraînent généralement tout le monde dans une spirale descendante. La « déprogrammation » de ceux et celles qui sont profondément enfoncé·e·s dans cet espace mental demande une dépense d’énergie colossale, et ce, sans aucune garantie de réussite. Nous croyons donc que, pour l’instant, cette énergie serait mieux investie ailleurs.

Pour ce qui est d’attirer certaines des personnes qui gravitent actuellement autour du mouvement d’opposition aux mesures sanitaires sans pour autant avoir tout à fait succombé au complotisme pur et dur, il importe de noter que ça n’est pas « tout ou rien ». Il n’est pas question de choisir entre se joindre au mouvement, d’une part, ou laisser tout l’espace à la droite, d’autre part. Dans la mesure où nous sommes actif·ves sur le terrain social, non seulement en tant qu’antifascistes, mais en tant qu’anarchistes, communistes, féministes, etc., nous sommes susceptibles de côtoyer ces personnes ailleurs, comme à des audiences du Tribunal administratif du logement, sur des lignes de piquetage, à différentes manifestations contre la brutalité policière ou contre le programme néolibéral de coupures et de dévastation environnementale, ou tout simplement dans nos milieux de travail, dans les écoles où l’on étudie et dans les quartiers où l’on habite.

Si l’on s’en tient au cadre strict des mobilisations anti-sanitaires, il ne faut pas perdre de vue que le principe fondamental qui fédère ces personnes et motive leur participation est la « liberté individuelle », soit leur liberté de ne pas porter de masque, de ne pas respecter la distance minimale prescrite, de socialiser et de consommer comme d’habitude en dépit des risques que cela comporte pour la santé publique.

Encore une fois, le « peuple », peu importe la définition qu’on en donne, n’est pas automatiquement réceptif aux principes de solidarité sociale. Pour transformer les mentalités, il n’y a pas de formule magique ou de raccourcis auxquels nous n’avions pas pensé jusqu’ici. Ça n’est que par un long et patient travail politique mené dans la collectivité, les communautés, les milieux de travail et d’étude, les milieux culturels et de vie que les principes de solidarité peuvent s’ancrer et former le socle des mondes auxquels nous aspirons. C’est un travail qui a été entamé bien avant nous et qui n’a pas de fin, toujours à développer, souvent à recommencer, un travail que nous sommes nombreux et nombreuses à mener sur différents fronts, tant bien que mal, et que la pandémie nous a conduits dans bien des cas à ralentir, mais que nous devons absolument reprendre à plein régime dès que possible. Non seulement pour contrer l’influence toxique du complotisme, mais aussi simplement pour espérer traverser les prochaines crises qui s’annoncent.

Les gens peuvent changer de positions politiques très rapidement. C’est en période de crise politique que ces changements se produisent à grande échelle, et historiquement, ça n’est que dans de tels contextes que des changements fondamentaux sont susceptibles de se produire. Bien que nous ne soyons pas en mesure de déclencher une telle crise par nous-mêmes, nous croyons que nous avons un rôle important à jouer avant et pendant de telles périodes. Dans les situations où les gens s’ouvrent à de nouvelles idées qu’elles auraient rejetées auparavant, les choses peuvent changer rapidement, que ce soit vers la gauche ou vers la droite, généralement avec des moments de polarisation intense souvent marqués par une grande confusion. Ça n’est certainement pas le temps de participer à cette confusion en édulcorant nos positions politiques et en nous joignant à des mobilisations dominées par la droite pour « être là où se trouve l’action ». Nous nous trouvons effectivement dans une période de crises en cascade (économique, climatique, sanitaire, etc.) et il y aura donc en masse « d’action » à différents carrefours, venant de nombreuses communautés différentes. Tout en restant ouvert·e·s aux transfuges venu·e·s de l’autre côté, notre priorité devrait être de consolider nos liens avec les communautés et les luttes qui affirment et aiguisent nos positions politiques, qui confrontent les systèmes d’oppression et qui ouvrent la voie vers un avenir émancipateur, antiraciste, antipatriarcal, anticolonial et anticapitaliste.

Viser la construction d’un mouvement populaire sur nos propres bases

Notre défi est donc, non pas de grappiller des appuis du côté de la base populaire complotiste ou anti-sanitaire, mais de constituer un autre pôle d’attraction, de construire une alternative populaire autonome, sur nos propres bases, qui soit aussi attrayante dans sa forme que dans son contenu.

C’est un vaste chantier, bien sûr, qui impliquera sans doute d’importantes remises en question. Les « non-initié·e·s » reprochent souvent à la gauche radicale d’être engoncée dans ses codes (souvent rébarbatifs), rigidement attachée à ses tactiques et ses façons de faire, doctrinaire et perpétuellement traversée de conflits idéologiques. Le désintérêt d’une grande partie de la population à l’égard de la gauche radicale a sans doute autant à voir avec le caractère moralisateur de sa présentation qu’avec l’hégémonie néolibérale et les aspirations petites-bourgeoises que celle-ci favorise. Il nous faut prêter davantage attention à ces critiques et en tenir compte dans la construction d’une alternative attrayante et convaincante.

Nous aurons bientôt la possibilité de nous retrouver physiquement. Nous n’aurons pas une minute à perdre si nous sommes réellement déterminé·e·s à contrer non seulement l’influence toxique du mouvement complotiste et des éléments d’extrême droite qui en ont fait leur cheval de Troie, mais aussi le régime néolibéral et ses institutions, qui perpétuent l’ordre social dominant et ses différents modes d’oppression. À cet égard, certains enjeux, comme les salaires et les conditions de travail des travailleuses et travailleurs de la santé, du soin, de l’alimentation et autres secteurs d’activité qui se sont avérés bien plus essentiels à la vie collective que les parasites qui nous gouvernent ou spéculent dans les marchés immobiliers et financiers, devraient être aussi centraux que rassembleurs. Ces salaires et conditions de travail sont d’autant plus pressants que la pandémie a démontré l’importance vitale d’investir non seulement pour attirer et retenir la main-d’œuvre, mais aussi pour prévenir les effets mortifères du néolibéralisme. Or, on peut s’attendre à ce que le gouvernement de la CAQ, entre une promesse de tunnel sous le fleuve à 10 milliards de dollars et le déni obstiné de l’existence d’une crise du logement, recommence bientôt à nous parler de dette et de l’impératif de couper dans les dépenses sociales, éducatives et culturelles. Parce qu’il faut être « responsable » et tout ça. Sauf quand on dirige Bombardier ou qu’on est un spéculateur immobilier, bien sûr. À quoi servirait un gouvernement de droite s’il ne permettait pas aux capitalistes de s’enrichir?! Le gouvernement n’a d’ailleurs même pas attendu la fin de la pandémie pour couper dans LE secteur pourtant le plus névralgique, à savoir les hôpitaux! En effet, on apprenait le 25 mai que le Trésor aurait demandé aux autorités sanitaires et aux hôpitaux du Québec de couper 150 millions de dollars dans leur budget d’opération. 150 millions!!! Au cas où il y aurait des doutes, le gouvernement nous démontre une fois de plus que le retour à la « normale », c’est le retour à la tyrannie des impératifs financiers et des marges de profit.

Car ne l’oublions pas, le gouvernement de Legault a beau ne pas être « une dictature », il n’est pas favorable à l’égalité ni fondamentalement soucieux du bien commun pour autant. D’ailleurs, la déclaration récente du ministre caquiste de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, suggérant que l’état d’urgence sanitaire (que le gouvernement dit vouloir reconduire jusqu’à la fin de l’été!) permettait de neutraliser ou de contrôler certains enjeux comme les conventions collectives des employé·e·s de l’État, illustre bien la façon dont la CAQ prétend utiliser le contexte de la pandémie pour imposer son agenda politique aux dépens des classes populaires et moyennes.

À la question sociale s’ajoute la question migratoire. En effet, la CAQ ne cesse d’élargir et de galvaniser sa base électorale en siphonnant la rhétorique nationaliste identitaire du Parti Québécois et en stigmatisant les populations issues de l’immigration, surtout si celles-ci sont musulmanes et/ou gagnent moins de 56 000 $ par année. Loi sur la « laïcité », baisse de l’immigration, précarisation des personnes en attente de résidence ou sans statut, etc. La politique de sabotage de la CAQ réussit même à faire fuir les immigrant·e·s francophones, incluant des infirmières françaises, dont on ne cesse pourtant de nous dire qu’elles viennent combler un déficit criant de main-d’œuvre. Bref, le gouvernement Legault maltraite les classes populaires et immigrées et abuse de la confiance de la population.

Dans ce contexte, la construction d’un véritable front social commun antiraciste/antisexiste/anticolonialiste apparaît comme une nécessité. Et la gauche radicale, quoiqu’on en dise, à un rôle clé à y jouer. La bonne nouvelle est que nous n’avons pas besoin de partir de zéro. Nous avons tout un répertoire de pratiques dans lequel puiser, et de nombreux exemples pour nous inspirer.

Tout d’abord, rappelons les initiatives de collectifs comme Hoodstock, qui ont su s’adapter aux aléas et aux exigences de la pandémie pour soutenir la population de Montréal Nord. Un tel mélange d’adaptation pragmatique et de constance dans l’engagement se doit être souligné et applaudi. Le travail militant de Hoodstock s’est spontanément élargi durant l’été 2020 pour contribuer à la résurgence des mobilisations de Black Lives Matter dans les semaines qui ont suivi l’assassinat de George Floyd par la police de Minneapolis. Une autre initiative digne de mention, dans le même ordre d’idée, est la création de la Coalition pour le définancement de la police (dont fait partie Montréal Antifasciste). Engagement dans la durée, focalisation sur les besoins de populations vulnérables des quartiers populaires, dosage entre objectifs concrets, revendications ambitieuses et extension du domaine de la lutte. Sans parler de « modèle à suivre », nous pensons qu’il s’agit là d’une grande source d’inspiration.

Il existe des projets similaires chez nos voisins du sud, aux États-Unis. À cet égard, le collectif PopMob de Portland, en Orégon, qui a été très impliqué dans des projets d’entraide durant la pandémie et dont la résistance active à l’extrême droite a remis en question au cours des dernières années les codes traditionnels du milieu antifasciste radical et mis de l’avant des formes de mobilisation populaire festives et multiformes sans pour autant compromettre les principes fondamentaux, constitue une référence importante.

PopMob s’est d’ailleurs associée au militant antifasciste Spencer Sunshine dans la dernière année pour rééditer un extraordinaire pamphlet intitulé « 40 ways to Fight Fascists : Street-Legal Tactics for Community Activists » [40 manières de combattre les fascistes : Tactiques légales pour les activistes communautaires]. Nous vous invitons à en prendre connaissance!

La tradition militante dans laquelle s’inscrit Montréal Antifasciste —l’antifascisme radical— peut s’inspirer de ces diverses initiatives. Alors que les groupuscules d’extrême droite ont convergé avec le mouvement anti-sanitaire et qu’une partie de leurs revendications xénophobes, islamophobes et identitaires sont aujourd’hui portées par le gouvernement de la CAQ, le mouvement antiraciste et antifasciste se doit d’élargir la mobilisation et de contribuer à construire de nouvelles alliances pour confronter le gouvernement rétrograde de François Legault.

Nous proposons que ce nouveau cycle de mobilisation se décline sur trois fronts : culture populaire, éducation populaire et actions directes.

Tout d’abord, pour faire face à la « guerre culturelle » déclarée et revendiquée par les polémistes réactionnaires et l’extrême droite, nous devons réintégrer la musique, les arts, la fête, les sports, etc., à nos stratégies de mobilisation. Après de longs mois de confinement, profitons de l’été pour nous afficher et occuper les parcs et les places! Nous pourrions ainsi organiser un tournoi de soccer ou de basketball contre le racisme cet été. Pour les moins sportifs·ves, un tournoi de pétanque pourrait être une alternative joviale, d’autant plus si elle est arrosée de pastis! 🥴 Mais quelle que soit l’initiative, l’important est qu’elle soit festive et inclusive. Comme dirait Donald, « Make the antiracist left fun again! ».

Ensuite, nous devons développer un programme d’éducation populaire qui prenne plusieurs formes et aille au-delà des enclaves militantes et des converti·e·s. Pour cela, nous pensons qu’en plus des traditionnelles tables d’information et des ateliers de formation, il est indispensable de nous saisir de tout le potentiel des médias sociaux pour rejoindre un public plus jeune et plus diversifié. TikTok, Instagram, podcasts, vidéos, etc. À ce chapitre l’extrême droite a pris une sérieuse longueur d’avance, que nous devons rattraper.

Nous invitons les antiracistes et antifascistes de Montréal et du Québec à se joindre à nous pour développer ensemble de tels instruments et contenus et les rendre disponibles en plusieurs langues. Le français est important, évidemment, mais il y a aussi 101 raisons de traduire une partie de nos contenus non seulement en anglais, mais aussi en espagnol, en arabe, en cantonais ou en ourdou. Ce travail de traduction est une façon à la fois simple et concrète de commencer à construire des ponts avec les différentes communautés qui font la richesse de Montréal et du Québec.

Enfin, parallèlement à la mobilisation culturelle et au travail éducatif, il sera nécessaire de continuer à nous appuyer sur notre tradition d’action directe en faisant de l’affichage, du tractage, des contre-manifestations ponctuelles, en fonction de l’actualité. Mais surtout, pour marquer le coup, nous proposons la tenue d’une grande manifestation contre la haine et le racisme à l’automne 2021, sur le modèle de ce qui a été fait en 2017-2018. En effet, le 1er octobre 2021, cela fera trois ans que la CAQ a obtenu une majorité à l’Assemblée nationale. Alors que nous semblons être sur le point de sortir de la pandémie et que la CAQ crève d’envie de couper dans le social de nouveau et d’aider ses amis des secteurs pétroliers, miniers, immobiliers, financiers, et autres, à s’en mettre plein les poches, il est plus urgent que jamais d’œuvrer ensemble à la construction d’un pouvoir populaire qui pourra rappeler au gouvernement les impératifs du bien commun.

///

[i]               Notons au passage, comme l’ont fait nos camarades de la Convergence des luttes anticapitalistes à l’occasion du 1er mai, que « la normale », ou en fait « l’anormal », n’a rien de désirable pour un très grand nombre de personnes…

[ii]               Plus largement, malgré un certain nombre d’efforts communautaires et de projets de solidarité inspirants, comme celui animé à Montréal-Nord par le collectif Hoodstock, le projet Resilience Montreal et différents groupes d’entraide auto-organisés sur les médias sociaux, la gauche – modérée comme radicale – n’a dans bien des cas réussi qu’à garder la tête hors de l’eau et n’est pas parvenue à articuler ou à proposer des alternatives de masse viables dans le contexte québécois. À vrai dire, même si elle a globalement réussi à maintenir ses activités à régime réduit, et parfois fait une vraie différence dans certaines communautés, elle a assez peu réussi à sortir de sa sphère d’influence habituelle.

[iii]              D’autant plus que plusieurs membres de Montréal Antifasciste se sont investi·e·s dans leurs milieux de vie et de travail pour appuyer des initiatives et des réseaux d’entraide. Il nous est apparu évident qu’en ces temps de crise sanitaire, la priorité devait être la solidarité et le soin d’autrui.

[iv]          Au cours de la dernière année, cette approche « anti-conspis » a essuyé les critiques de soi-disant spécialistes en matière de « radicalisation », qui estiment qu’elle exacerbe le sentiment d’injustice des complotistes, ce qui favoriserait leur isolement et leur descente dans la spirale irrationnelle. C’est le cas notamment de Martin Geoffroy, du Centre d’expertise et de formation sur les intégrismes religieux, les idéologies politiques et la radicalisation (CEFIR), qui s’est entretenu à ce sujet avec Jonathan Le Prof (Jonathan St-Pierre) en janvier dernier. Les mêmes analystes nous expliquent pourtant du même souffle qu’il est pratiquement impossible de raisonner avec ceux et celles qui ont succombé à la mentalité complotiste, laquelle relèverait d’un état d’esprit « sectaire ». Hormis les références aux spécialistes et l’exhortation à prêter aux complotistes une oreille bienveillante, on cherche encore de ce côté une quelconque proposition concrète pour contrer ce phénomène grandissant autrement qu’au cas par cas…

[v]           Le fortunate son au sourire niais et au bilinguisme approximatif, fac-similé de PM libéral et digne héritier de la grande bourgeoisie canadienne (dont les compétences pour occuper ce poste n’ont jamais vraiment été démontrées), essaie tant bien que mal de « continuer » à projeter jusqu’à la prochaine élection l’image de gentil gendre qui l’a si bien servi jusqu’ici. La « complosphère » québécoise susceptible aux influences de l’extrême droite lui reproche bien sûr sa filiation, son multiculturalisme et ses valeurs progressistes, qu’elle tient pour preuves de son appartenance au complot « mondialiste ». Mais là encore, c’est pour d’autres raisons que nous trouvons Justin Trudeau digne de suspicion légitime. Le Parti Libéral est l’aile gauche de la grande bourgeoisie canadienne, et quoi qu’on en dise, Justin n’est rien d’autre qu’un pantin désigné par celle-ci pour représenter ses intérêts sur la scène politique. La démarche crapuleuse du gouvernement libéral, et de Justin Trudeau en particulier, dans le dossier des pipelines confirme que cette clique de la grande bourgeoisie est entièrement acquise à la raison et aux intérêts capitalistes, quitte à compromettre ses propres objectifs en matière de lutte aux changements climatiques et à trahir toutes les promesses de réconciliation adressées aux premiers peuples au fil des ans.

Bruit, drapeaux et poings: Réflexions sur une fin de semaine au centre-ville de Montréal

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Mai 312021
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Depuis le 6 mai de cette année, un conflit intercommunautaire fait rage entre voisins dans les régions urbaines multiethniques de la Palestine occupée, de Jérusalem à Jaffa et ailleurs, déclenché à ce qui parait par une dispute foncière à Sheikh Jarrah. Par conséquent, il y a eu un échange inégal de bombes et de roquettes entre l’État israélien et le Hamas, ce dernier étant l’autorité étatique du petit territoire de Gaza. Je ne sais pas ce qui va se produire en Palestine. Je n’ai qu’une compréhension de la situation de niveau Wikipédia. Je ne parle pas les langues en question et en tout cas je n’essaie même pas de suivre les actualités de près.

Mes réflexions portent sur la situation à Montréal, ville qui abrite des communautés musulmanes et juives importantes, dont respectivement de nombreux membres (au risque d’être réducteur) font partie de mouvements sociaux locaux en soutien du côté palestinien ou sioniste/israélien du conflit. La fin de semaine dernière, une partie des deux mouvements a envahi les rues du centre-ville de Montréal en réponse aux derniers événements outremer.

Le samedi 15 mai, des dizaines de milliers de personnes (au minimum) sont descendues dans la rue en soutien au côté palestinien; elles ont manifesté à Westmount Square, un complexe avec un tour de bureau où se trouve le consulat israélien, ainsi qu’au square Dorchester, au coeur du centre-ville. Pendant des heures, toute la zone entre ces deux endroits grouillait de gens qui brandissaient le drapeau palestinien, scandaient des slogans et faisaient retentir leurs klaxons. Sans doute, elle a été parmi les manifestations les plus larges qui ont eu lieu à Montréal cette dernière année. Il n’y a eu que très peu de violence ou de dégradation, bien qu’une vitre ait été cassée au Westmount Square et quelques personnes ont grimpé sur un échafaudage en proximité du Square Dorchester. Avant le début des manifs, il y a eu un cortège d’automobiles qui est parti de l’autre bout de la ville. Dans la foule, il y avait quelques anarchistes et partisans de “la gauche radicale” présent·e·s sans liens familiaux à une quelconque communauté musulmane, mais très peu par rapport à la taille de la foule.

Le dimanche 16 mai, le côté pro-israélien a eu son propre rassemblement — c’est à dire, une manifestation statique — au square Dorchester, opposé par une foule pro-palestinienne, de nombres plus ou moins égaux, qui s’est rassemblée au départ à la place du Canada, directement au sud du square. D’après mes observations, il convient de dire que certaines personnes du côté pro-palestinien se prêtaient à des provocations volontaires à l’égard de la foule pro-israélienne, en essayant par exemple de s’approcher d’eux pour agiter des drapeaux. La police a essayé d’éviter que les deux côtés n’entrent en conflit, mais la logistique de leur déploiement s’est dégradée au fil du temps et il y a eu de nombreux moments où des membres des deux camps ont pu s’approcher suffisamment pour échanger des coups de poing, essayer d’attraper les drapeaux de l’autre camp, etc. Bien que le nombre de personnes ait été beaucoup moins élevé que le jour précédent, les rues autour du square Dorchester étaient bloquées par le mouvement de manifestant·e·s pro-palestinien·ne·s essayant de se rendre au square ou à la place du Canada, puis par des membres de la foule pro-israélienne qui quittaient la zone, ainsi que par la police. La police a fait usage indiscriminé de gaz lacrymogène, ce qui a touché de nombreux passants qui n’avaient rien à faire des accrochages en cours. Des groupes de manifestant·e·s pro-palestinien·ne·s sont restés dans les environs plusieurs heures après la dispersion du côté pro-israélien à braver les charges policières et les tirs de munitions « non létales ».

Précédant cette fin de semaine, il y a eu nombreuses manifestations pro-palestiniennes de moindre envergure autour de l’ouest du centre-ville montréalais qui, si elles ne défiaient pas ouvertement la police, n’étaient pas moins bruyantes et visibles. Je m’attends à ce qu’il y ait encore plus de manifestations locales dans les jours qui viennent. (Mise à jour : Après que j’ai commencé la rédaction de ce texte, mais avant de l’envoyer à des sites anarchistes pour publication, il y a eu une autre manifestation au consulat israélien).

La solidarité internationale

Les images nous parlent. Les mots nous inspirent. Dans le stade, les joueurs adorent les hurlements de la foule. Je me dis que ça doit marcher un peu de la même manière pour ce qui est de luttes. Mais je n’en suis pas sûre.

Ce que je sais, c’est que ce qui s’est déroulé à Montréal samedi et dimanche – que se soit interpersonnel ou simplement la destruction d’une vitre, que se soit contre la police ou entre partisans de nationalismes contradictoires – n’a pas aidé de façon concrète qui que ce soit des deux camps nationaux en Palestine. Il ne m’est pas du tout clair combien de personnes en Palestine ont entendu parler de ce qui s’est passé à Montréal. Il y a eu des manifestations dans des villes aux quatre coins du monde, mais c’est à croire que l’actualité locale les préoccupe davantage.

Ça arrive que les anarchistes de Montréal manifestent au consulat montréalais d’un gouvernement étranger. Nous avons fait d’autres choses aussi. En particulier, le consulat russe a été attaqué à deux reprises les dix dernières années.

Cependant, au plus souvent, les manifestations de solidarité avec des luttes sociales en d’autres pays sont menées par les communautés qui ont des proches dans ces endroits. Il y en a constamment, bien que peu de montréalais·e·s s’en rendent compte. La plupart du temps, elles sont petites et elles ont peu de chances d’attirer l’attention de journalistes. Il faut que tu passes au bon moment pour voir la banderole ou entendre un discours sombre (peut-être dans une langue autre que le français ou l’anglais) et l’assistance dépasse rarement les soixante personnes. Même aux moments où les manifs de solidarité internationale sont plus larges, elles ne deviennent presque jamais des émeutes (ça vaut la peine de noter que malgré quelques moments isolés d’énergie bagarreuse, la manif de samedi était majoritairement non-violente).

Le problème avec les campagnes de solidarité internationale, c’est que très souvent ils détournent l’attention de projets avec plus de pertinence locale. J’ai pas envie de me faire des ennuis, donc soyons clairs : ils ont une certaine valeur. Mais je crois que c’est toujours désavantageux de mieux connaître les actualités d’un pays lointain que ce qui se passe dans leur ville. Ce qui veut dire, avoir un narratif bien précis des événements et de leurs causes dans des sociétés à l’autre bout du monde, sans comprendre ou au moins reconnaître les tensions et dynamiques qui existent dans son propre contexte.

Il se peut que la solidarité internationale soit pour des gens ailleurs, mais on ne peut pas pour autant oublier les gens qui le font. En tant qu’anarchistes, ça nous incombe de faire en sorte que ces campagnes contribuent à des stratégies qui créent de l’anarchie (ou d’autres projets en lien avec ce que veulent les anarchistes) à l’échelle locale, quoi que cela puisse signifier de façon concrète.

Montréal fait des émeutes

Montréal fait des émeutes, et ça assez régulièrement. Dans le contexte actuel, après un an de pandémie et plusieurs mois de couvre-feu imposé par un gouvernement élu par les banlieues avec son siège à Québec, cette tendance refait surface. Si ce n’était pas la Palestine, ça serait quelque chose d’autre.

J’ai quelques grosses généralisations démographiques à faire et je vais les mettre sur la table tout de suite. Premièrement, c’est surtout les jeunes hommes qui participent aux émeutes. Bien que cela ne soit pas inévitable, c’est ce que j’ai pu constater à partir de mes inférences de l’identité du genre des personnes que j’ai vues casser des vitres, piller des commerces, jeter des trucs sur la police ou essayer de s’approcher de manifestations pro-israéliennes dans la dernière année. Deuxièmement, il me semble que les personnes racisées sont aussi susceptibles de participer à des émeutes que des personnes blanches, sinon plus.

Or, si j’invoque la démographie, ce n’est que pour l’écarter. Si des gens manifestent violemment, comme ils ont fait le 11 avril en réponse au durcissement du couvre-feu, certains journalistes et commentateurs les traiteront de « blanc » sans avoir à réfléchir – et ils n’ont pas failli. Ceux qui considèrent le milieu anarchiste comme irrémédiablement problématique, y compris ceux qui veulent rester proches de ce milieu, trouveront sans doute faute avec tout engagement de ma part (ainsi qu’avec tout non-engagement de ma part) par rapport au fait que les participant·e·s à une émeute auraient une peau plus foncée et sont plus pauvres et marginalisé·e·s que les personnes qui fréquentent les milieux anarchistes.

Dans la mesure où cela nous empêche de contribuer à des ruptures sociales menées par les jeunes, je crois que c’est un vrai problème.

À Montréal, tout le monde participe aux émeutes. Pas tout à fait tout le monde, mais plein de gens de diverses origines. Et qu’il y ait des émeutes ici, ça ne date pas d’hier. L’histoire de cette ville est pleine de moments où on a tout niqué, remontant aux premières décennies du 19e. Ceci a continué durant des cycles politiques et sociaux de toute sorte, à des moments où la population urbaine montréalaise ne consistait quasiment que de personnes blanches de plusieurs variétés, beaucoup plus en tout cas que leur population relative aujourd’hui. Cette histoire rend fier chaque habitant de Montréal qui déteste la police et aime la culture de la rue. Ça ne veut pas dire que chaque émeute ait été pure ou parfaite, mais il y a beaucoup plus à célébrer que de condamner dans cette histoire. De toute façon, les émeutes, ça marche. Si on préfère le capitalisme-providence à, par exemple, ce qu’ils ont au Texas, les émeutes sont en partie à remercier pour cela et il me semble que quelques vagues d’émeutes pourraient nous gagner beaucoup plus dans les années à venir.

En tant qu’anarchistes, nous n’avons pas forcément besoin de former un « contingent » dans le cortège de quelqu’un d’autre. Pour ce qui est des parties rebelles du mouvement pro-palestinien dans la rue, celles qui cherchent le plus la confrontation, ce sont des bandes avec qui la plupart de nous n’ont aucune connexion, avec qui il n’existe en ce moment aucun rapport de confiance et qui sont de toute façon capables d’agir par eux-mêmes. Notre but devrait être d’étendre l’agitation aux commerces du centre-ville et à la logistique policière au même moment, mais pas forcément dans les mêmes endroits, que les autres événements. Nous devrons chercher à établir une position distincte capable d’attirer des gens autres que ceux qui participent déjà aux manifs pro-palestinienne et d’occuper l’attention de la police dont l’impératif stratégique est d’être partout en même temps. Le boulot de la police est impossible, mais notre présence peut faire en sorte que cette impossibilité devient manifeste le plus vite possible.

On a pu apercevoir dimanche les signes d’un effondrement de la logistique et de la stratégie policière, ce qui ne visaient qu’à empêcher deux groupes, plutôt petits, de se battre. Chaque geste qui contribue au chaos compte.

Une idée : À bas la France

À part les Juifs et le Musulmans, il y a également pas mal de Français à Montréal – c’est à dire, des gens nés ou élevés en France ou qui ont de liens familiaux proches en France. J’ai connu plein d’anarchistes français·e·s à Montréal. En plus, plein d’autres anarchistes à Montréal qui ne sont pas « français » ont quand même passé beaucoup de temps en France, y ont des amis ou des opinions sur les questions politiques particulières à la France, etc. Bien que la France soit loin, elle a une proximité émotionnelle pour nombreux d’entre nous (mais pas tout le monde assurément).

La France a interdit les manifestations en faveur de la cause palestinienne, justifiant cette décision par l’agitation en 2014 lors de la dernière grande crise.

Ce qui se passe en France était déjà inquiétant. Déjà en 2016, en réponse au massacre djihadiste l’an avant (Charlie Hebdo, l’Hypercasher, le Bataclan, la Stade de France), l’État français s’est engagé sur une voie qui a mené à l’interdiction de manifester, l’état d’urgence et l’expansion des pouvoirs policiers. Le mois dernier, l’État a rendu illégal le fait de filmer les policiers. Bien sûr que sur notre territoire, les modèles de gouvernance français sont très admirés et les politiques qui y sont expérimentées seront importées ici. Ce processus se voit dans l’orientation du gouvernement à Québec par rapport à la suppression de tout ce qui est radical et de tout ce qui est islamique – deux catégories dont on fait très souvent l’amalgame.

De mon avis, c’était plus respectable de défoncer de coups de pied les vitres de Westmount Square que de chercher à tabasser des bouffons nationalistes qui portaient le drapeau israélien comme cape; je sais que plusieurs de ces bouffons cherchaient eux aussi la bagarre, mais je n’aime pas trop quand l’emportement mène à la violence interpersonnelle. Le consulat français se trouve dans un bâtiment en face de l’université McGill, à quelques rues seulement du square Dorchester. Peut-être serait-il logique pour les anarchistes ainsi que pour d’autres ennemies du capitalisme et du colonialisme d’appeler notre propre manifestation là-bas lorsqu’il y a raison de croire que des foules pro-israéliennes et pro-palestiniennes vont de nouveau s’affronter au centre-ville? Ou bien ailleurs, pourquoi pas? Mais on aime tous avoir un thème.

Au final, tout ce qui nous amène au centre-ville contribuer à l’agitation et élargir la zone de destruction, de possibilité et de rencontre, une zone qui n’est possible que lorsque la machine logistique policière s’effondre.

L’esprit de la révolte

Les adolescents ont des analyses politiques, mais elles risquent de ne pas être super. La plupart ne savent pas ce que sont l’anarchisme et le nationalisme. Ils connaissent peut-être les mots, mais cela ne vaut pas grand-chose. La plupart n’ont pas les idées bien claires pour ce qui est des questions liées aux Juifs, aux Palestiniens, aux sionistes, aux terroristes, ou quoique ce soit. Il ne faut pas non plus croire que les actions des adolescents soient forcément motivées par leurs analyses politiques de toute façon.

Tout ceci n’est pas moins vrai pour les adultes, mais les adolescents bénéficient de meilleures raisons de ne rien savoir sur tout ça que les adultes, donc ça vaut souvent la peine d’essayer de les leur expliquer, car ils et elles ne sont pas encore des causes perdues. Mais ça ne marchera jamais d’aller vers eux pour les instruire.

On ne peut discuter avec quelqu’un d’idées qu’une fois que les deux parties ont envie de discuter. Mais c’est impossible de savoir si on a envie de se parler – se parler vraiment, avec tout le risque de malentendu ou d’insulte qu’importe n’importe quelle conversation avec de vrais enjeux – avant qu’avoir une bonne raison de le faire.

Si des gens se voient dans la rue de façon régulière, ils vont sans doute commencer à se parler à un moment donné. Surtout si les deux groupes ont l’air de faire le même genre de trucs inhabituels et que les actions se complètent. Il se peut que cela s’aboutisse à quelque chose de génial, ou non. Mais si un jeune dont la famille dit beaucoup de mal des Juifs croisent des Juifs et des Juives qui sont anarchistes, qui détestent la police, qui d’ailleurs n’aiment pas trop Israël, qui ont du style, qui ne craignent pas de la bagarre, ça pourrait être du bon.

Il ne s’agit pas de descendre dans la rue pour « faire des anarchistes », mais pour faire l’anarchie. Après tout, la majorité des anarchistes deviennent tôt ou tard des sociaux-démocrates. La plupart des jeunes dans une foule de jeunes gens en colère ne vont pas trouver que l’anarchisme, peu importe sa forme sous-culturelle, leur parle ou répond à leurs préoccupations. Tant pis. Ce n’est que lors d’un triomphe de l’anarchie quelconque, peut-être due en partie au fait qu’il y avait des partisans et partisanes de l’anarchie dans la rue, que les gens prêteront attention. Certains aimeront ce qu’ils voient et essaieront de nous trouver. Il ne faut pas trop s’en soucier pourtant. C’est en dehors de notre contrôle.

Ce dont on est capable, c’est de reconnaître où il y a de nouvelle énergie, s’interroger sur le comment et le pourquoi de son émergence et se demander comment on va s’orienter par rapport à elle. Que veut-on faire? De quelle manière peut-on aider? Qu’est-ce que ça nous fait que la logistique politique soit occupée au centre-ville?

L’anarchie, et non l’émeute

Si les événements prennent la forme d’affrontements avec la police au centre-ville, les anarchistes sont capables d’amener une contribution utile. Mais on peut faire d’autres choses aussi. Il faut éviter de fétichiser l’émeute ou les gens qui contribuent le plus à l’émeute en cours. Disons plutôt que notre chemin vers l’absence de la police passe par l’émeute. C’est pas les pacifistes qui vont changer l’histoire.

L’essentiel c’est qu’on continue d’agir, qu’on ne reste pas sur la touche lors de moments insurrectionnels et qu’on se concentre sur ce qui se passe dans notre propre région. Sur ce terrain mouvant, c’est souvent difficile de suivre les événements, mais il faut faire de notre mieux.

CONTRE LE COUVRE-FEU
CONTRE LES BOMBARDEMENTS
CONTRE LES EXPULSIONS, ICI ET PARTOUT
POUR UN MONDE SANS LA POLICE
HISSEZ LE DRAPEAU NOIR

Les 4ème et 5ème révolutions industrielles

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Mai 222021
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Cet article est tiré de la 12e édition du journal anarchiste 325. Nous le traduisons et publions ici en tant que geste de solidarité avec le collectif 325 dont l’infrastructure de contre-information est ciblée par la police britannique, ce qu’il faut comprendre dans le contexte de répression internationale, mais aussi car ce texte propose une analyse très pertinente des développements technologiques qui donnent lieu à de nombreuses conversations et actions ces jours-ci, en les replaçant dans une perspective historique plus large. 

« L’une des caractéristiques de cette quatrième révolution industrielle est qu’elle ne change pas ce que nous faisons, mais c’est nous-même qu’elle change. » — Klaus Schwab, fondateur et président exécutif du Forum économique mondial, qui a créé le centre pour la quatrième révolution industrielle à San Francisco, aux États-Unis.

Une révolution industrielle est un événement économique, social, philosophique et politique par lequel l’élite s’approprie ce qui est libre – la terre, la nature, les talents, les relations sociales, les compétences et les rêves – pour les reconditionner et les transformer en agents des mécanismes du profit et du pouvoir. Pour ce faire, ses protagonistes privent la majeure partie de la population d’autonomie, d’autodétermination, d’autosuffisance, d’estime de soi, d’entraide, de relations et de liberté.                

Nous avons connu trois révolutions industrielles au cours des 250 dernières années. Nous sommes maintenant entre les griffes des quatrième et cinquième révolutions. Toutes ces révolutions ont été fondamentalement basées sur les industries extractives et la dévastation des écosystèmes.       

La première révolution industrielle advint entre 1760 et 1870 lorsque l’eau et la vapeur ont été utilisés pour mécaniser la production grâce à l’invention de la machine à vapeur, ce qui a aussi eu comme effet la mondialisation et la dé-localisation par le chemin de fer. La première révolution industrielle a rompu le rapport des gens à la nature, inaugurant l’ère des villes.             

La deuxième révolution industrielle eu lieu entre 1870 et 1914 et a ammené l’électricité à l’Occident avec l’acier, le pétrole et le moteur à combustion, permettant la production de masse et l’éradication des industries artisanales.

La troisième révolution industrielle a commencé dans les années 1980 lorsque l’électronique et la technologie de l’information ont automatisé la production et ont commencé à se décentraliser. Au même moment, l’ascension de la révolution numérique a finalement ‘démocratisé’  l’ordinateur personnel et l’Internet, un développement qui a davantage miné la relation déclinante de l’humanité occidentale avec le monde naturel et les uns avec les autres. En tant que citoyens, les personnes sont devenues les parties d’une communauté mondiale au lieu de leur communauté locale qui disparaissait rapidement. La troisième révolution industrielle et la quatrième naissante ont créé la solitude et l’isolement systémique, des problèmes de santé mentale généralisés et une dépendance plus subtile et plus complète au système: lorsque les relations humaines et les réseaux familiaux ne peuvent plus être garantis pour assurer notre survie, nous sommes amenés à croient que le recours à la machine l’est.       

Ces révolutions industrielles successives ont consolidé et approfondi cette rupture non seulement avec le monde naturel pour une grande partie de la population mondiale, désormais urbaine et dépendante des mécanismes de la culture civilisée, mais agrandissent toujours plus le fossé entre les riches et les pauvres.       

L’objectif de la quatrième révolution industrielle (4RI) est la convergence des technologies physiques, biologiques et numériques dans le but d’une nouvelle vision de l’humanité et de la planète. La 4RI, la Cyber-Physique ou l’Industrie 4.0 implique la connectivité de masse, l’intelligence artificielle, la robotique, l’accès aux connaissances via Internet, le stockage de données, les véhicules autonomes, une puissance de traitement d’information massive via la 5G, l’impression 3D, les nanotechnologies, la biotechnologie, la génétique, la bio-impression (fabrication de cellules, d’organes et de parties du corps), la prolongation de la vie, la réalité augmentée, la science des matériaux, le stockage d’énergie, les ordinateurs quantiques et l’Internet des objets tels que les bâtiments intelligents et les villes intelligentes, le blockchain et les crypto-monnaies. Ce sont des technologies ‘perturbatrices’ à tous les niveaux: gouvernance, finance, logistique, société, ontologie humaine. La conformité passe également par le fait que la 4RI fait appel à notre besoin de ‘confort, d’harmonie et de plaisir’. C’est ce qu’on entend par un monde de ‘technologie sans friction’ dans le sens d’un monde technifié.     

Dans ce nouveau monde, la Covid-19 a présenté à la techno-élite la plus grande opportunité: des populations mondiales isolées physiquement les unes des autres, dans certains pays une élimination tacite d’humains qui sont des fardeaux pour un système qui n’aura pas besoin est autorisé, une dépendance totale à la technologie pour communiquer ensemble, pour travailler ou pour se divertir, l’utilisation de ces technologies pour instaurer une surveillance et un comformisme de masse à une échelle jusqu’ici inimaginable et l’expérience et la peur d’une mort imminente inhabituelle à grande échelle. Cela nous a aussi montré certaines réalités: que malgré deux cents ans de ‘progrès’, tout ce qui s’est réellement passé, c’est que les élites ont consolidé leurs propres réserves, que les systèmes de protection sociale ont été pratiquement détruits, que l’humanité-même a été antant ‘découplée’ de la nature qu’en fait nous ne pouvons pas nous soutenir pendant une crise sans le système et que les promesses de l’élite – qu’elles soient politiques, économiques ou technologiques – ne seront jamais tenues.

Si la 4RI est la mise en place des moyens (les nouvelles technologies) que les élites tenteront d’utiliser pour faire face à l’instabilité qui résultera de l’inégalité des ressources, du désastre climatique et de l’ascentionde l’informatique et du pouvoir post-industriel, alors la Cinquième Révolution Industrielle (5RI) commence à ce point où il y a une acceptation massive de ces nouvelles technologies qui convergent à travers nos corps, nos environnements et nos réalités à tel point que le monde des machines est toujours présent, même à l’échelle nanométrique ou jusqu’à la portée humaine la plus éloignée dans l’espace. C’est pourquoi si vous faites une simple recherche sur la 5RI, vous ne trouverez que l’écoblanchiment capitaliste sur le soi-disant ‘développement durable’ et le blablatage marketing d’une techno-utopie prétendant vouloir « améliorer la vie de tous » . C’est parce que les technocrates et les élites ne veulent pas que les vraies réalités de ces développements technologiques soient connues jusqu’à ce qu’il ne soit trop tard pour faire quoi que ce soit.

On nous dit que le progrès technologique est ‘inévitable’. La 5RI inaugurera des changements conceptuels si énormes concernant la façon dont nous voyons notre corps, la technologie et le ‘monde naturel’ que de nombreuses distinctions commenceront à avoir moins de frontières. Pour les vielles ‘reliques’ que nous sommes, qui considèrent une prothèse comme la résolution d’un handicap, la 4RI fournit la technologie qui, grâce au développement incessant, vise à obtenir des résultats supérieurs au membre d’origine. Le 5RI ne consiste pas seulement à étendre et à affiner les technologies et les incursions de la 4RI, il s’agit de les normaliser, d’amener le public à adopter ces technologies en appliquant leur propagande au plus bas instincts des humains. La 5RI est l’acceptation qu’un membre robot-cybernétique soit supérieur à un membre organique et le fait de désirer davantageun représentant artificiel plutôt qu’unqui soit organique et chaotique. Dans le contexte de cette nouvelle réalité d’artificialisation totale en évolution, alors que la technologie del’intelligence artificielle se miniaturise et intervient dans tout ce qui est à la portée des spécialistes, le résultat de la 4RI est une vision nouvelle de la Terre et une nouvelle ‘humanité’. Une ‘Humanité +’ qui vit dans un monde-prison dépendant de ‘l’énergie verte’ et régulée par des fonctionnaires, des scientifiques et des technocrates par des méthodes comme l’intelligence artificielle, la biotechnologie et la nanotechnologie. Si la 4RI est l’émergence et le développement convergent de ces nouvelles technologies post-industrielles, alors la 5RI résulte de l’accélération du rythme de développement et de l’acceptation massive de ce même complexe techno-industriel. La 5RI se caractérise par une vitesse exponentielle sans précédent (le temps des machines) en opposition autemps linéaire/non-linéaire (temps humain), ce qui signifie que même les concepteurs et les ingénieurs sociaux de ce nouveau monde admettent qu’ils ne peuvent pas contrôler les résultats de ces nouvelles technologies. On tend vers l’émergence de quelque chose d’encore plus horrible que le Skynet fictif de la série Terminator: la singularité technologique.

Ray Kurzweil écrit dans Humanité 2.0 qu’ « il est difficile de penser à quelquonque problème qu’une superintelligence ne pourrait pas résoudre ou du moins nous aider à résoudre. Maladie, pauvreté, destruction de l’environnement, souffrance inutile en tout genre: ce sont des choses qu’une surintelligence équipée la nanotechnologie avancée serait capable d’éliminer. » Il ajoute que « les machines peuvent emmagasiner des ressources de manières qui sont impossibles pour les humains ». En lisant ces déclarations, il est difficile de penser à un problème que nous ne pouvons pas résoudre par notre propre intelligence et l’intelligence de la planète avec des moyens plus simples, de la détermination et un changement de perspective et de comportement. De plus, il est évident que les humains sont tout à fait capables de mettre les ressources en commun, c’est seulement que ceux qui possèdent et profitent de toutes ces ressources les refusent aux autres par la force. Choisir de ne pas changer la situation et ne pas lutter contre le ‘futur’ est une position que la plupart choisiront.

C’est-à-dire qu’après un siècle de progrès technologique et de promesses d’éradiquer la faim dans le monde et la pollution, quelques-uns sont riches à un niveau incompréhensible, tandis que les masses se démènent pour un niveau de vie de base; les avancées médicales et les médicaments communs sont encore rares dans de nombreux pays. On nous donne des babioles pour nous tenir tranquilles: Internet, les smartphones, les applications, les médias sociaux, les jeux-vidéos, les livestreams et les podcasts, d’autres prothèses et d’autres promesses viendront. Les avancées réelles ne seront pas redistribués plus équitablement que la richesse accumulée des révolutions industrielles précédentes. Par contre, c’est nous qui devront probablement endurer ces progrès réels: la surveillance totale dans un avenir sans vie privée, des demandes pour le contrôle total de la pensée, un conformisme total par le conditionnement, la dépendance à la société, le citoyennisme, les systèmes de prestations tels que le revenu (minimum) universel garanti. Si une révolution industrielle ne peut répondre suffisamment aux besoins de l’humanité pour être pleinement acceptée, soit elle éliminera ces besoins ou soit elle s’imposera par la force.

Dans le contexte de la 4RI et de la 5RI, quelles qualités les machines manquent-elles actuellement ; l’empathie, l’amour, l’intimité. Ce sont justement ces qualités qui ont été endommagées chez l’humain par le complexe techno-industriel, que l’on parle de la peur de l’intimité ou des relations à distances développées par l’usage des médias sociaux, du manque d’empathie dont on sait maintenant que ça a été induit par des médicaments tels que le paracétamol et par le poison dans la nourriture et l’eau – afin que la technologie réponde vraiment à nos besoins (maintenant modifiés), des esclaves brutalisés domestiqués à un système mécaniste de matérialisme, de cupidité qui valorise l’intérêt individuel. Cela fait partie de la domination du monde des machines: soigner les handicaps et les maladies incurables signifie la mécanisation du corps; parler du prolongement de la vie signifie le règne des élites à tout jamais.       

Tandis que les prêtres de la technologie s’enthousiasment de la libération de nos corps biologiques – ces prisons biologiques, en téléchargeant notre conscience, réalisant l’immortalité et à la possibilité de considérer nos corps comme de simples combinaisons interchangeables lorsque désiré ou qu’il le faut, ce qui se produit réellement c’est que les corps de la majorité sont en train de se transformer en de litérales prisons par les rares qui bénéficieront des avancées dans la prolongation de la vie et du contrôle des maladies, exactement comme ielles le font en ce moment (les systèmes de santé publique sous-financés sont généralement équipés de vieilles technologies de moins bonne qualité et pour beaucoup, les systèmes de santé publique ne sont pas accessibles du tout). Mais ces nouvelles technologies transhumanistes ne sont pas vouées à libérer tout le monde.

Malgré les mensonges des futuristes, l’implantation de ces technologies élargira le fossé entre inclus et exclus. Des citadelles de puissance se dresseront et seront plus éloignées de la colère de la population que jamais auparavant. Comme le corps devient de la matière première pour un nouveau secteur de bio-science dans un monde où les machines feront la majeur partie du travail, le corps humain deviendra un autre réservoir de capital, dans de nouvelles formes d’exploitation et d’industrie. En fait, ça se produit déjà avec la recherche sur les cellules souches, l’épissage des gènes, le bio-renforcement, les nouveaux produits pharmaceutiques, les prothèses et les bases de données ADN massives. L’individualité privée et souveraine entrera simplement dans une nouvelle sphère d’évaluation, de marchandisation, d’ajustement et de divisions sociales infinis au service du capital, de la bio-surveillance, de la complaisance et des inégalités. Dans la 4RI, la société de consommation s’approfondit et devient plus sombre que le simple fait d’acheter des choses. La finalité de l’industrie 4.0 est de nous ‘découpler’ de nos corps et de notre compréhension de nous-mêmes comme faisant partis de la biosphère et du rythme biologique, de sorte que ceux-ci soient aussi considérés comme achetables, à améliorer et à ‘réparer’, comme un ensemble de pièces mécaniques constamment manipulables et interchangeables qui peuvent toutes être fabriquées et remplacées à un prix et promues comme possédant des qualités supérieures aux pièces biologiques d’origine. Un être artificiel qui, une fois entré dans le temple de la technologie, devient dépendant à tout jamais des produits pharmaceutiques, des chirurgies, de la techno-psychiatrie, des ‘mises à jour’, des appareils et des entreprises qui les maintiennent. L’avenir technologique du corps humain n’est peut-être pas la mort (pour les rares qui peuvent se permettre d’être immortel), mais ce sera un monde morbide, de froid, de faim et sans-vie.

Pendant ce temps, la Terre continue de mourir et les développements technologiques, loin de fournir les solutions promises, la détruisent à une vitesse qui augmente sans cesse, avide de matières, d’électricité et de métaux rares. L’extraction des métaux rares nécessaires à la fabrication des téléphones intelligents cause des dommages incalculables à l’environnement et à la santé humaine.

Baotou, en Mongolie, est un des principaux sites d’extraction de métaux rares et les mines sont entourées de résidus toxiques (déchets miniers), surtout du thorium radioactif. Au Congo, l’extraction de ce minerais rare, le Coltan, est bien connue pour avoir dévasté et causé des dommages incalculables aux territoires, aux communautés humaines et à la faune. La société minière Molycrop en Californie, aime se présenter comme une société minière éthique, mais son extraction de néodyme utilisé pour les aimants de haut-parleur, d’europium servant à créer la couleur dans les écrans d’iPhone et de cérium, utilisé avec le solvant pour polir les écrans, reste du pillage à une échelle insoutenable de matières qui devraient être laissés dans la Terre. Ces mines exigent que des immenses étendues de nature soient ravagées pour leur création. À l’heure actuelle, il n’y a pas d’échappatoire à cette réalité: la technologie dépend de la destruction des écosystèmes, affecte les derniers animaux sauvages et les communautés autochtones, avec des populations humaines civilisées de plus en plus confinées dans des ‘habitats’ technologiques – des mégapoles ‘intelligentes’. Les failles où vivre seront plus petites. Nos réseaux et nos vies individuelles seront surveillés minutieusement avec l’invasion plus intime de notre souveraineté et de notre autonomie. Est-ce plus ou moins terrible que ce l’est pour un paysan forcé de quitter sa terre pour aller s’installer dans une nouvelle ville et travailler à l’usine? Ou bien la lutte que les peuples autochtones ont mené et continuent de mener partout dans le monde? Nous devons essayer de préserver ce que nous pouvons de la nature fragile qui diminue, tout en organisant et en menant des attaques qui n’atteignent pas seulement les infrastructures, mais aussi les symboles et les représentants de l’État, de la technologie et du capital. Nous devons penser et nous préparer maintenant, acquérir les compétences et les moyens dont nous et les autres aurons besoin pour naviguer dans ce nouveau monde et réfléchir à ce que signifie être anarchiste.

Nous devons essayer de limiter les dégâts causés par les civilisations prédatrices, garder la mémoire combative vivante, nous rappeler pourquoi nous nous battons et pour quoi nous luttons. Nous sommes confrontés à rien de moins que la tentative d’effacer la vie sauvage non domestiquée et l’élimination entière de modes de penser et d’être par le biais du conditionnement social, de la répression, de la participation forcée et volontaire. Les structures resteront les mêmes: des inégalité infinis, l’esclavage, les privilèges et les oppressions, l’autoritarisme, la destruction, la médiation et l’aliénation.

Il y aura des failles dans leurs systèmes, il y en a toujours. Donc l’anarchie, la volonté de liberté et la volonté de souveraineté continueront également d’être, émergeant à travers chaque faille et fissure. La continuité de la lutte réside dans les questions de la liberté, de l’autonomie personnelle, de l’esclavage, du contrôle et de la surveillance du plus grand nombre par quelques-uns selon leur agenda.

Ces choses ne changent pas, que l’on parle de le première révolution industrielle ou de la enième.

Cellule de recherche et d’entrainement – N.T.
Publié en janvier 2021 dans le 325 #12