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Sur la réponse anarchiste à la pandémie mondiale

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Fév 102021
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

La crise de la COVID 19 a représenté un défi pour les anarchistes et pour toutes celles et ceux qui croient en une vie pleinement autonome et libérée. Nous écrivons ceci aujourd’hui car nous avons le sentiment que trop de personnes qui, en des temps meilleurs, portent ces couleurs politiques et philosophiques, mettent de côté leurs croyances fondamentales – ou pire – les déforment de manière tout à fait décevante, et se conforment ainsi aux mandats des technocrates et des politiciens, convaincues qu’il s’agit d’un grand acte de solidarité envers les plus vulnérables.

Nous disons haut et fort que si les principes politiques que vous défendez et encouragez en temps normal se rétractent dans les moments de crise, ils n’ont aucune valeur. Tout système d’organisation ou toute croyance en l’autonomie humaine qui doit être mis de côté aux moindres soubresauts de l’histoire ne vaut pas la peine d’être conservé lorsque l’urgence s’estompe. En effet, ce sont les moments difficiles qui mettent nos idées à l’épreuve et nous disent si elles sont ou non aussi solides qu’on pourrait le croire.

En tant qu’anarchistes, l’autonomie de notre esprit et notre corps est une valeur essentielle. Nous estimons que les êtres humains sont suffisamment intelligents pour décider eux-mêmes comment évaluer leur environnement et déterminer comment avancer dans la vie en répondant à leurs besoins et désirs. Bien entendu, nous reconnaissons que cette autonomie s’accompagne d’une véritable responsabilité, non seulement envers soi-même, mais aussi envers celles et ceux avec qui on vit en communauté – humains et non humains. Nous acceptons tout à fait qu’on puisse demander à des individus de coopérer à la réalisation d’un objectif collectif. Mais nous sommes également convaincu.e.s de l’importance fondamentale du consentement dans de telles situations, et que la force et la punition sont contraires à une vision anarchiste du monde.

C’est pourquoi nous vous écrivons aujourd’hui. Pour vous tendre la main à vous, nos amis, nos camarades, allié.e.s intellectuel.le.s et philosophiques, et vous demander, si ce n’est déjà fait, de commencer à critiquer et à remettre en question sérieusement les réponses des États à la pandémie de la COVID 19. Nous avons observé l’année qui vient de s’écouler docilement, tranquillement, comme d’autres anarchistes qui sont resté.e.s dans les limites tracées par les bureaucrates de l’État. Nous nous sommes tu.e.s devant les anarchistes agissant avec hostilité à l’égard de celles et ceux qui se révoltaient contre les couvre-feux et les ordres de fermeture imposés par l’État, uniquement parce que ces pressions viennent ordinairement de gens affiliés à une politique de droite, cédant ainsi malheureusement ce terrain à la droite, au lieu d’élaborer nos propres critiques de la politique de l’État, et offrir ainsi un foyer intellectuel aux personnes isolées qui ont développé de l’antagonisme à l’égard de ceux qui, au pouvoir, se moquent de nos vies.

L’impulsion de ce comportement chez les anarchistes paraît enracinée dans leur désir de faire du bien à celles et ceux qui en ont besoin, et comme cette crise particulière est causée par un virus, cela semble se manifester par une volonté enthousiaste d’accepter les injonctions de l’État et de faire honte à celles et ceux qui ne les respecteraient pas. Il est admirable de vouloir bien agir envers les personnes âgées et les invalides, mais cet instinct devrait n’être que le début de la conversation, et non sonner la mise de côté de nos principes fondamentaux, et justifier cet abandon en prenant au mot les technocrates et les politiciens, en utilisant les déclarations d’experts établis comme un évangile pour prétendre que si on ne résiste pas aux injonctions, c’est qu’elles ont don ben de l’allure.

Les politiciens mentent. Ils sélectionnent les analyses et les techniciens qui font la promotion de leurs programmes. Les dirigeants d’entreprises font la file pour les soutenir, sachant que ça leur délie les cordons de la bourse de l’État. Et les médias, qui veulent toujours être dans les bonnes grâces de ceux qui détiennent le pouvoir politique et financier, fabriquent du consentement en cycles d’informations de vingt-quatre heures. Cela, nous le savons. Nous avons des bibliothèques pleines de livres que nous avons lus et recommandés pour expliquer en détail les rouages de cette réalité. Par conséquent, il est toujours nécessaire de critiquer les politiciens qui déclarent que leurs violations des libertés fondamentales sont justifiées par la crise. Il est toujours nécessaire de critiquer les dirigeants pharmaceutiques qui disent au public qu’ils sont les seuls à détenir les clés d’un avenir de liberté et de sécurité, ainsi que les médias qui agissent comme des machines de propagande au service des récits officiels.

Les anarchistes semblent savoir tout cela instinctivement quand la guerre que les politiciens veulent nous faire mener est une guerre menée avec des armes littérales, quand les victimes sont plus évidentes, quand la propagande est plus nationaliste, xénophobe et raciste. Mais avec la crise de la COVID 19 , la guerre menée par les personnes au pouvoir est ostensiblement une guerre pour sauver des vies, et cette nouvelle façon de présenter les choses semble avoir effectivement touché le cœur et l’esprit de bien des anarchistes qui, au fond de tout, se préoccupent profondément et sincèrement des autres.

Mais nous devons prendre du recul et réfléchir de manière critique à notre situation. Il est pardonnable, lorsqu’on est confronté à une situation d’urgence où tout va très vite, sans avoir les informations nécessaires pour prendre des décisions en toute confiance, de vouloir se ranger du côté des experts placés sur des podiums lorsqu’ils demandent que nous nous mobilisions toutes et tous pour le plus grand bien commun. Mais la situation a changé. Bien des mois se sont écoulés depuis l’époque où le SRAS-COV-2 était un mystérieux nouveau virus respiratoire qui infectait des dizaines de personnes à Wuhan, pour devenir un virus de portée mondiale ayant probablement infecté 20 % de la population humaine*. Les données ont afflué de la part des chercheurs du monde entier, et il n’y a désormais plus d’excuse pour prendre des décisions fondées sur la peur, pour accepter comme un évangile les perceptions et les prescriptions estampillées par l’État et distribuées par ses laquais dans les médias.

Nous pensons que cette crise est comme toutes les autres qui l’ont précédée, en ce sens qu’il s’agit d’une période où ceux qui détiennent le pouvoir et la richesse voient une opportunité d’étendre leurs griffes et de se les accaparer encore un peu plus. Nous vivons un moment de peur et d’incertitude collectives qu’ils peuvent exploiter pour prendre le contrôle encore davantage et s’enrichir aux dépens de la population. La seule chose qui semble séparer la crise de la COVID 19 de celles qui l’ont précédée, c’est la volonté d’une si grande partie de l’opinion publique (dont malheureusement de nombreux anarchistes) de soutenir volontairement et avec enthousiasme la perte de sa propre autonomie.

*Début octobre, l’OMS a publié une estimation selon laquelle 10 % de la population mondiale avait eu une infection de COVID 19. Il est donc raisonnable qu’après un deuxième hiver dans l’hémisphère nord, ce nombre ait pu doubler.

La science !!!

Dès le départ, nous pensons qu’il est très important de souligner la nature dangereuse, quasi religieuse, de la manière dont les médias et l’État poussent – et dont le public accepte – la notion d’un consensus scientifique unifié sur la manière d’aborder politiquement la question de la COVID 19. Avant tout, la science est une méthode, un outil, et son principe fondamental est que nous devons toujours poser des questions, et toujours essayer de falsifier notre hypothèse. La science n’est absolument PAS une question de consensus, car la bonne expérience menée par une seule personne peut absolument démolir les dogmes établis avec de nouvelles informations, et c’est la science dans toute sa gloire. En outre, le SRAS-COV-2 est un virus connu de l’ensemble de l’humanité depuis un peu plus d’un an. Il est absolument faux de suggérer qu’il existe une compréhension totale et irréfutable de ses caractéristiques et de sa dynamique, et que tous les scientifiques, chercheurs et médecins du monde entier sont d’accord sur la politique publique à adopter pour le combattre.

En outre, nous entrons en terrain très dangereux en tant que société lorsque nous permettons, voire exigeons, que des experts enfermés dans des laboratoires utilisant des méthodes ésotériques soient les seules voix qui génèrent des déclarations politiques uniques pour des nations entières s’étendant sur un territoire géographique immense, pour des nations peuplées de groupes d’êtres humains très divers qui ont tous des besoins différents. Ce type de technocratie est très préoccupant, tout comme le sont les déclarations selon lesquelles les gens sceptiques face à de tels schémas de manipulation sociale sont en quelque sorte des abrutis intellectuels ou des antiscientifiques.

La science est un outil qui permet d’éclairer l’humanité par l’élucidation des mécanismes de cause à effet. C’est un processus de découverte. Ce que nous faisons avec cette illumination, comment nous menons notre vie avec les informations découvertes, dépend de nous, en tant qu’individus et communautés.

Enfin, il est très facile de tomber dans le piège de la concurrence entre experts. Une partie a un expert qui dit X et l’autre partie trouve un expert qui dit Y, et nous voilà dans une impasse. Ce n’est pas notre intention, cependant, nous avons le sentiment d’être doublement coincés si nous ne démontrons pas, à un certain niveau, que le récit avancé par l’État et ses médias n’est pas aussi ancré dans les faits scientifiques qu’on voudrait nous le faire croire. Si nous ne présentons pas un certain nombre de contre-preuves, nous risquons d’être rejeté.e.s du revers de la main comme des individualistes ignorant.e.s dont les véritables motivations sont « égoïstes ». Il n’est pas facile de décortiquer un récit d’un milliard de dollars élaboré pendant près d’un an par les médias publics et privés du monde entier, dans le but de créer une atmosphère de peur et donc de conformité, et c’est pourquoi nous allons maintenant présenter certaines recherches ci-dessous afin d’aider celles et ceux qui nous lisent à comprendre la situation actuelle en se basant sur la réalité et les données, non pas pour dire que nous avons des informations alternatives et secrètes, mais simplement pour démontrer qu’il existe des recherches qui font que de nombreuses injonctions des États semblent absurdes, même d’un point de vue scientifique.

La recherche

L’idée sous-jacente aux fermetures et aux couvre-feux est que ces efforts peuvent arrêter la propagation du SRAS-COV-2. Mais est-ce vraiment possible ? C’est une question de nuances. Tout d’abord, nous sommes prêt.e.s à reconnaître que si l’on pouvait isoler chaque être humain dans sa propre bulle, oui, on pourrait probablement éliminer de nombreuses maladies (tout en créant une série de nouveaux problèmes). Mais ce n’est pas ainsi que les choses fonctionnent en réalité. Même sans parler de ces délinquant.e.s de l’ombre qu’on blâme de Londres jusqu’en Californie pour les échecs de ces efforts de confinement, incapables qu’ils et elles sont de respecter les consignes à la lettre, le fait est que la civilisation moderne exige une quantité massive de travail quotidien afin d’empêcher son effondrement immédiat, et que ce travail nécessite que les êtres humains entrent en contact les uns avec les autres, et qu’ils se déplacent sur de grandes distances.

Tout a un impact, des travaux agricoles au transport routier. De l’exploitation des centrales électriques aux plombiers effectuant des visites à domicile. Les médecins doivent se rendre à l’hôpital, tout comme le personnel d’entretien et de cuisine. Les usines d’engrais doivent continuer à produire pour la saison prochaine, comme les centres de données tentaculaires doivent rester opérationnels pour que tous les professionnels du tertiaire puissent se rencontrer sur Zoom. Et puis il y a les entrepôts d’Amazon et les Wal-Marts ! Comment nous confiner sans nos livraisons quotidiennes ? La liste des industries et des institutions qui ne peuvent pas fermer si nous voulons des maisons chauffées, de l’eau potable, des réseaux électriques fonctionnels, des routes praticables et tout autre système de soutien de la vie moderne est très longue, et chacune d’entre elles a besoin d’êtres humains pour les faire fonctionner. Ce simple fait signifie qu’il est impossible que 100 % de la population soit confinée.

On constatera évidemment que la majorité de la main-d’œuvre qui doit continuer à travailler est col bleu et/ou gagne un salaire de misère. Ce constat à lui seul fait de l’idée même du confinement une entreprise classiste, mais ceci a déjà largement été discuté, nous allons donc poursuivre.

N’oubliez pas non plus que ces confinements massifs n’ont jamais eu pour but (dans la plupart des endroits, au départ) d’éliminer la COVID 19. Ils avaient pour objectif d' »aplatir la courbe », ce qui se traduit par « ralentir la propagation » du SRAS-COV-2 afin que les hôpitaux ne soient pas débordés. Il convient de noter que la plupart des hôpitaux dans la plupart des localités n’ont jamais été confrontés à cette menace, et que même si c’est une bonne idée d’empêcher le débordement des hôpitaux, les plans visant à prévenir un tel scénario devraient être locaux et non pas nationaux, ou même provinciaux. Au fur et à mesure que l’année avançait, lentement, on a oublié l’intention initiale des mesures de confinement, et les politiciens et leurs experts choisis ont sans cesse prolongé les fermetures, pour finalement transformer le discours qui s’est fixé sur l’éradication du virus. Cette situation est inacceptable dans la mesure où c’est un objectif probablement impossible à atteindre.

Quant à ces mesures de confinement et à leur efficacité, les recherches ont montré qu’elles n’ont pas beaucoup d’effet lorsqu’il s’agit de réduire le nombre total de cas :

« Conclusions : Bien qu’on ne puisse exclure de petits avantages, nous ne voyons pas d’effets significatifs des mesures restrictives sur la croissance des cas. Des réductions similaires peuvent être obtenues avec des interventions moins restrictives ».

Une autre étude conclue:

«Des taux plus élevés de mortalité de la Covid sont observés dans la latitude [25/65°] et dans les plages de longitude [−35/−125°]. Les critères nationaux les plus associés au taux de mortalité sont l’espérance de vie et le ralentissement de la vitalité, le contexte de santé publique (charge des maladies métaboliques et non transmissibles (MNT) par rapport à la prévalence des maladies infectieuses), l’économie (croissance du produit national, soutien financier) et l’environnement (température , indice ultraviolet). La rigueur des mesures prises pour lutter contre la pandémie, y compris le confinement, ne semble pas être liée au taux de mortalité.»

Nous devons absolument comprendre qu’aucune intervention ne vient sans coûts et lorsqu’une intervention implique de la distanciation, de l’isolement et la fermeture des points habituels d’interaction sociale et de soutien, ces coûts sont payés par la santé physique, mentale et émotionnelle de la population. Nous ne pouvons détériorer la santé publique pour sauver la santé publique. Cet éditorial du British Medical Journal soulevait que:

«Le confinement peut également causer des problèmes de santé à long terme tels que le retard du traitement et des examens. Les retards de diagnostic et de traitement de divers types de cancer par exemple, peuvent engendrer la progression du cancer et affecter la survie des patients. On estime qu’un délai de trois mois à la chirurgie cause plus de 4 700 décès par an au Royaume-Uni. Aux États-Unis, on estime que les retards dans le dépistage et le traitement entraînent chaque année 250 000 décès évitables supplémentaires de patient.e.s atteint.e.s du cancère.

De plus, une forte diminution du nombre d’admissions hospitalières pour syndromes coronariens aigus et interventions coronariennes d’urgences a été observée depuis le début de la pandémie aux États-Unis et en Europe. En Angleterre, le nombre hebdomadaire d’hospitalisations pour syndromes coronariens a chuté de 40% entre mi-février et fin mars 2020. La peur d’une exposition au virus a empêché de nombreux patients de se rendre à l’hôpital, les exposant à un risque accru de complications à long terme suite à un infarctus du myocarde.»

Malgré la pression des personnes au pouvoir pour présenter leurs mesures draconiennes préférées comme étant totalement soutenues par «la science», il y a plusieurs sources de désaccord entre les chercheurs et les médecins sur la meilleure façon de traverser cette crise. Scientific American écrit:

«Dans la lutte contre le Covid-19 d’aujourd’hui, la communauté scientifique mondiale est divisée. D’une part, certain.es penche fortement en faveur d’interventions de santé publique actives et parfois même draconiennes, comprenant l’arrêt généralisé des activités non essentielles, la prescription de masques, la restriction des déplacements et l’imposition de quarantaines. D’un autre côté, certains médecins, scientifiques et responsables de la santé publique remettent en question le bien fondé de ces interventions sanitaires en raison des grandes incertitudes qui persistent quant à leur efficacité, mais aussi de preuves de plus en plus claires que de telles mesures peuvent ne pas fonctionner dans certains cas, voir causer des dommages nets. Alors que les gens sont mis au chômage en conséquence directe des fermetures temporaires et que de plus en plus de familles se retrouvent incapables de payer leur loyer ou leur nourriture, il y a eu une forte augmentation de la violence conjugale, de l’itinérance et de la consommation de drogues illégales.»

Le confinement prolongé et les couvre feux sévères ont intéressés beaucoup de gens au danger que présente le Covid-19, sans pour autant que la menace que représente le virus puisse être réellement comprise. En raison de la posture alarmiste des médias, – une industrie que nous savons fondée sur le sensationalisme pour attirer l’attention et qui s’efforce toujours de promouvoir les récits politiques officiels – de nombreuses personnes pensent qu’une infection par le SRAS-COV-2 est beaucoup plus mortelle que ce qu’elle n’est en réalité. Selon une étude rédigée par John P. Ioannidis de Stanford, le taux de mortalité par infection dans le monde est assez faible:

«Le taux de mortalité à différents endroits peut être inféré par les études de séroprévalence. Bien que ces études comportent des mises en garde, elles montrent un tauxx de mortalité allant de 0,00% à 1,54% sur 82 estimations d’études. Le taux de mortalité médian sur 51 sites est de 0,23% pour l’ensemble de la population et de 0,05% pour les personnes de moins de 70 ans. Le taux de mortalité est plus important dans les endroits où le nombre total de décès est plus élevé. Étant donné que ces 82 études proviennent principalement d’épicentres durement touchés, le taux de mortalité au niveau mondial pourrait être légèrement inférieur. Des valeurs moyennes de 0,15% à 0,20% pour l’ensemble de la population mondiale et de 0,03% à 0,04% pour les personnes de moins de 70 ans en octobre 2020 sont plausibles. Ces valeurs concordent également avec l’estimation de l’OMS d’un taux d’infection mondial de 10% (d’où un tauxx de mortalité environnant 0,15%) au début d’octobre 2020. »

Nous sommes conscients d’un sentiment commun selon lequel le confinement pourraient éliminer le SRAS-COV-2 s’il était plus strict si seulement chaque personne s’y conformait irréprochablement. C’est le genre de pensée infalsifiable que les politiciens et les experts aiment pousser pour excuser l’échec des mesures précédentes à rencontrer les résultats escomptés, ainsi que pour cibler leurs politiciens opposants qu’ils aiment accuser de «laisser tomber la balle» et qui devraient donc porter la responsabilité du bilan de la pandémie. Toute politique reposant sur une totale adhésion de la population est vouée à l’échec dès le départ. Même en ignorant notre point précédent sur le travail requis pour maintenir la société fonctionnelle, il n’y aura jamais de conformisme total de tous les êtres humain.e.s sur aucune question.

Nous pensons qu’il est nécessaire de préciser qu’un nouveau coronavirus n’est pas quelque chose qui serait détecté immédiatement par les médecins ou les chercheurs lors de sa première transmission d’animal à humain. Étant donné que les coronavirus sont courants et parce qu’ils induisent des symptômes similaires (en plus d’avoir une évolution des symptômes similaire à d’autres formes de virus respiratoires) et que le SRAS-COV-2 n’est pas symptomatique chez un tiers des personnes qui le contractent, il ne serait pas étonnant qu’il circulait sur la Terre avant que quiconque ne sache qu’il fallait le chercher.

Il a maintenant été confirmé que le SRAS-COV-2 circulait en Italie en septembre 2019:

«Des anticorps anti-SARS-CoV-2 ont été détectés chez 111 individus sur 959 (11,6%), à partir de septembre 2019 (14%), avec un groupe de cas positifs (> 30%) au cours de la deuxième semaine de février 2020 et le nombre le plus élevé (53,2%) en Lombardie. Cette étude montre une circulation très précoce et inattendue du SRAS-CoV-2 parmi les individus asymptomatiques en Italie plusieurs mois avant l’identification du premier patient et clarifie l’apparition et la propagation du Coronavirus en 2019. »

Il circulait au Royaume-Uni en décembre :

«Le professeur Tim Spector, épidémiologiste au King’s College de Londres dirige l’étude Zoe Covid Symptom Study, qui suit les symptômes signalés par les patients pendant la pandémie.

Il a déclaré que les données collectées « montrent clairement que de nombreuses personnes avaient le virus en décembre ».

Il circulait aussi aux États-Unis à la fin de l’automne 2019 :

«Ces sérums réactifs confirmés comprenaient 39/1 912 (2,0%) dons collectés entre le 13 et 16 décembre 2019 auprès de résidents de Californie (23/1 912) et de l’Oregon ou de Washington (16/1 912). Soixante-sept dons réactifs confirmés (67/5 477, 1,2%) ont été recueillis entre le 30 décembre 2019 et le 17 janvier 2020, auprès de résidents du Massachusetts (18/5 477), du Wisconsin ou de l’Iowa (22/5 477), du Michigan (5 / 5 477) et Connecticut ou Rhode Island (33/5 477). »

Il existe d’autres exemples démontrant que le SARS-COV-2 circulait dans divers pays du monde avant que son existence ne soit confirmée par la Chine. Au fil du temps, nous aurons probablement une idée plus précise de ce à quoi ressemblait cette circulation, mais nous pouvons sans risque présumer que s’il y avait des anticorps chez les personnes sur les différents continents en décembre 2019, la circulation du virus aurait commencé des mois auparavant. Et nous soulignons ce fait, une fois de plus, pour insister sur le fait qu’il n’y avait probablement aucune mesure de confinement qui aurait pu être mise en œuvre pour éteindre le virus, car il avait déjà pris une avance si formidable.

Par principe

En tant qu’anarchistes, il y a des principes phares auxquels nous revenons dans la nuit noire de l’inconnu et ceux-ci incluent la liberté, l’autonomie, le consentement et une profonde croyance en la capacité des gens à s’auto-organiser pour leur bien en tant qu’individus et en tant que communauté. Personne n’est mieux placé que soi-même pour connaître ses besoins. En vérité, la plupart des gens ont des instincts d’autoconservation qui les poussent à choisir des comportements qui mènent à leur propre sécurité et à leur survie, ainsi qu’à celles de ceux dont ils prennent soin.

Au début de la pandémie, alors que les informations étaient encore rares, nous avons beaucoup vu des gens faire des choix pour s’éloigner des foules et des rassemblements qu’ils ne croyaient pas essentiels, alors qu’ils ont également entâmé des démarches pour soutenir et prendre soin de ceux qui pourraient être plus vulnérables à une maladie respiratoire pour laquelle il n’y a pas encore de traitement.

Bien que nous accueillons les informations et les données qui circulent, bien que désagréables, décrivant les circonstances actuelles, nous pensons qu’il faut faire confiance aux gens pour analyser ces informations. Dans le paradigme actuel, l’État et ses experts technocratiques sélectionnés filtrent les données disponibles et ne mettent en évidence que ce qui soutient les décisions politiques qu’ils ont déjà décidé de mettre en œuvre sans aucune considération de l’opinion publique. Les informations et analyses qui peuvent être considérées comme de «bonnes nouvelles» ont été largement ignorées par l’État et ses exécutant.e.s et occultées par les médias.

On peut toujours trouver des «expert.e.s» pour légitimer des horreurs. En effet, nous aurions probablement du mal à trouver un cas dans l’histoire récente dans lequel des crimes massifs contre l’humanité ne sont pas accompagnés du cachet d’approbation d’un consortium d’expert.e.s en qui tout le monde a été prié de faire aveuglément confiance. La pandémie de Covid-19 n’est pas différente et en tant qu’anarchistes nous vous demandons simplement de vous rappeler que le débat, la critique et la dissidence sont des composantes essentielles pour la libération et l’autonomie des sociétés. Nous vous demandons, quoi que vous pensiez de l’efficacité des mesures sanitaires, de ne reconnaître en aucun cas, aussi désastreux que cela puisse paraître, les décrets justifiant la menace de la force et de la violence pour atteindre leurs objectifs. Notre engagement inébranlable envers l’autonomie humaine et notre conviction qu’aucune autorité n’est valable sans le consentement de ceux sur qui elle est exercée est ce qui fait de l’anarchisme une chose à part des autres philosophies politiques. Nous n’abandonnerons pas cet engagement et espérons que vous non plus.

Complément d’information : Le policier Sanjay Vig désarmé dans Parc Ex le 29 janvier 2021 a déjà été trouvé coupable de brutalité policière et d’arrestation illégale

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Fév 042021
 

Du COBP

Le policier Sanjay Vig du SPVM matricule 5144 et désarmé dans Parc Ex le 29 janvier 2021 a déjà été trouvé coupable de brutalité policière et d’arrestation illégale par le Comité de déontologie policière.

https://www.canlii.org/fr/qc/qccdp/doc/2018/2018qccdp43/2018qccdp43.html

https://www.lapresse.ca/actualites/justice-et-faits-divers/2021-01-30/policier-blesse-dans-parc-extension/le-spvm-deploie-un-poste-de-commandement.php

Aux feux incouvrables

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Fév 012021
 

De Pas de solution policière à la crise sanitaire

Nous serions donc recouverts, écrasées. Après des mois à suivre tant bien que mal les restrictions sanitaires, voilà que l’on ploie sous le poids de l’inédit : un couvre-feu qui nous intime à rester chacun chez soi, du jamais vu de notre côté du monde depuis plus d’un demi-siècle.

L’idée n’est pas ici d’ajouter un autre texte d’analyse soulignant le caractère autoritaire, disproportionné et violemment « symbolique » du couvre-feu, son impact dévastateur sur les plus démuni.e.s, les marginaux et marginales, les travailleuses et travailleurs du soir (souvent précaires, ou déjà surmené.e.s), ou même d’en rajouter contre la dérive policière qu’il implique ou le fait que le caractère catastrophique de la situation actuelle provient surtout d’une série de compressions récurrentes dans les service publics depuis au moins 30 ans… Plusieurs textes1 prenant la pandémie au sérieux et ne tombant pas dans le registre conspirationniste ont déjà bien souligné le côté ignoble de la mesure (il ne vous reste plus qu’à les lire si ces éléments ne sont pas déjà des évidences pour vous).

Il s’agit plutôt ici de faire ressortir quelques lignes qui n’ont pas (ou si peu) été énoncées au cours des derniers mois. Des lignes qui ne nous feront pas d’ami.e.s, on le sait bien, mais qui circulent déjà comme un secret, exprimées à la fin d’une marche nocturne entre deux ami.e.s, dans une discussion furtive entre deux jeunes commis dans les allées d’une pharmacie, dans une rencontre Zoom entre des grand-parents et leurs enfants qui habitent dans une autre ville. Ces lignes, qui ont peut-être traversé par moments même les plus aligné.e.s, ne sauraient être tues plus longtemps. Il en va des sens portés par nos vies mêmes.

*

Le couvre-feu vient nous enlever un des derniers espaces de liberté qui nous restait. Celle de prendre un moment avec un.e ami.e à distance dans un parc après une journée à se faire bouffer les yeux par les écrans, celle d’aller prendre une marche pour changer d’air, sortir un peu de nos existences séparées par le confinement pour rencontrer un peu de différence. Après les fêtes, les bouffes entre ami.e.s, les moments de création collective, les concerts, on nous a enlevé ça, aussi. Alors que cette opération concertée contre les joies du commun était jusqu’à tout récemment justifiée par la science (ou du moins une certaine conception de la science), le couvre-feu semble être la première mesure proprement morale2 qui nous est imposée durant cette crise : cet « électrochoc symbolique », de l’aveu même du gouvernement et de la Santé publique, tombe comme un jugement sur les manières de vivre.

Ce nouveau diktat porte directement les mesures gouvernementales en réponse à la pandémie sur le terrain éthique, non pas dans le sens du code qui vient cadrer une série de pratiques, de règles immuables qui viennent surplomber des relations professionnelles, de recherche ou judiciaires, mais dans le sens de l’ethos, celui des manières de vivre. Cette conception de l’éthique pousse à interroger comment on souhaite vivre, qu’est-ce qui fait que cette vie vaut la peine d’être vécue, au-delà de la pure survie.

En nous imposant à résidence – réprimant toute sortie qui ne serait pas justifiée par le travail, les besoins primaires ou les soins de base –, le gouvernement nous dit ni plus ni moins comment vivre. Il y a longtemps que l’on sait que la vie est objet de pouvoir – c’est ce que Foucault avait pointé il y a plus de quarante ans par son concept de biopolitique : or ce que la pandémie vient clarifier maintenant, c’est que cette vie objet de pouvoir n’est pas uniquement la vie biologique, la survie, mais la qualité même de la vie, ce qui lui donne sa teneur, son goût, ce qui fait qu’elle peut avoir un sens pour nous.

*

La situation nous apparaît plus clairement comme une guerre entre formes de vie : ce qui est réprimé, c’est une vie faste, généreuse, conviviale3, où les liens primordiaux ne se limitent pas au couple, à la famille nucléaire, où ce qui compte ne se calcule pas en termes d’opportunités de carrière ou de bons coups sur les réseaux sociaux, mais une vie tissée de liens, pour qui les amitiés sans statut priment, une nocturne ponctuée de fêtes, de musique, tournée vers l’extérieur, vagabonde voire même sans domicile fixe. Parce qu’il se trouve que pour pas mal de monde, ce qui donne un sens à l’existence est justement ce qui est rabroué couche par couche, voire interdit, depuis le début de la pandémie.

Il faut se rendre à l’évidence : ce qui est préservé depuis la deuxième vague de la pandémie, c’est la forme-de-vie type de celles et ceux qui ont élu ce gouvernement : le petit entrepreneur, la jeune professionnelle, la gérante de service, le jeune cadre, qui se rendaient au travail juste pour faire acte de présence, mais qui n’avaient que hâte de rentrer dans leur maison de banlieue ou leur condo pour pouvoir s’enfiler quelques verres et passer le reste de la soirée à regarder des séries sur Netflix… avant de recommencer le lendemain. Le principal impact que le couvre-feu a vraiment sur ces types est qu’il n’a plus à se taper le trafic, qu’elle n’a plus besoin d’excuse pour tout acheter sur Amazon. Bon, il y a bien l’impossibilité d’organiser le souper du vendredi soir avec la belle famille (pour reprendre un des loisirs avoués du PM), ou la soirée de hockey avec les chums de gars, ou d’aller voir Louis-José Houde au Théâtre St-Denis une ou deux fois par année. Mais c’est pas mal tout que ça empêche, au fond.

On caricature un peu, c’est souvent plus complexe que ça, évidemment. Mais il reste que la plupart des gens qui soutiennent le couvre-feu sont aussi ceux et celles qui avouent que la mesure n’aura à peu près aucun impact sur leur vie quotidienne. Et ils-elles vont jusqu’à sous-entendre que ça ne devrait pas avoir d’impact négatif sur la vie de personne, comme si cette mesure était à la hauteur de l’idée misérable de la vie qu’on devrait avoir au Québec en hiver : « Anyways, y fait frette pis noir tôt, c’est plate, y’a pas de raison de sortir faque… pourquoi ça vous dérange? ». Et si vous ne pensez pas comme ça, si vous avez une autre conception de la vie, eh bien c’est vous le problème, vous êtes louches en fait.

Car voilà une des fonctions tacites les plus puissantes du couvre-feu : rediriger le ressentiment. Après avoir multiplié les petits empêchements, on peut enfin s’en prendre à ces irresponsables qui sortent le soir, qui ne vivent pas comme nous. Ça a au moins l’avantage de détourner l’attention de la gestion pitoyable de la crise, des innombrables incohérences des mesures, et des coupures et compressions répétées dans le système de santé qui l’ont rendu si vulnérable et qui ont mis tout le monde qui y travaille à bout. Grâce au couvre-feu, on peut enfin punir celles et ceux qui ont « triché » pendant le temps des fêtes, les jeunes qui se rencontrent malgré tout, mon voisin qui a reçu un ami l’autre soir sur son balcon et qui avait l’air d’avoir ben trop de fun… Et tant pis pour les pauvres qui sont trop mal foutu.e.s pour se trouver un logement où on peut rester enfermé à la journée longue sans virer fou, pour ceux qui s’entassent en ville avec plein d’étrangers, pour celles qui habitent seules sans connexion Internet…

Pendant ce temps, la majorité des éclosions a lieu dans les institutions disciplinaires (écoles, usines/lieu de travail, prisons), toutes qualifiées par un certain niveau d’enfermement. Mais mieux vaut taper sur celles et ceux qui refusent de s’enfermer.

*

Évidemment, il y a des gens qui ne prennent tout simplement pas la pandémie au sérieux, qui se croient au-dessus d’une solidarité de base et qui mettent une foule de monde en danger. Mais aujourd’hui malheureusement, pas besoin d’être aussi con pour se faire traiter d’irresponsable. Suffit de ne pas s’enligner sur la morale gouvernementale, et hop c’est parti. Mais si on s’y arrête un peu, est-ce que les jeunes qui dépriment chez eux, sans contacts sociaux, sont irresponsables d’aller voir des ami.e.s une nuit? Est-ce que des célibataires sont irresponsables de chercher à avoir une vie sexuelle pas complètement inactive malgré tout? Est-ce que l’aîné qui a reçu un diagnostic d’Alzheimer et qui n’a pas vu ses petits-enfants depuis des mois est irresponsable de passer les voir pendant une heure, masqué, à deux mètres à l’intérieur? Un peu, dans un sens, puisque si tous ces gens finissent par se faire contaminer ainsi, ils et elles iront se faire soigner comme les autres, avec tous les impacts qu’on connaît. Mais tous ces gens (et les innombrables situations différentes), ne sont pas écervelés : ils montrent seulement qu’il y a des dimensions de la vie à laquelle ils et elles ne sont pas près à renoncer totalement, que la vie est une affaire éthique. Ou, dans un langage plus clinique, qu’on ne saurait subsumer indéfiniment la santé mentale et les relations sous la santé physique (et les suicides? les dépressions? les violences intrafamiliales? les mutilations? c’est moins important parce que ça ne se chiffre pas en nombre d’hospitalisations?). Cet aspect de l’existence qui se voit constamment rabattu depuis des mois, en attendant…

Parce que ça commence à faire longtemps. Longtemps qu’entre la santé et l’économie, il ne reste plus de place pour grand chose. Que tout ce qui ne tombe pas dans ces deux catégories est limité, dissout, écrasé. Et à force d’être contraintes et isolés, on en vient à se demander ce qui reste de notre dignité, jusqu’où peut-on peut mettre la vie de côté? Quelles zones de l’existence va-t-on encore devoir mettre sur pause, voir disparaître? Combien de temps on pourra rester des zombies, chacun sur notre écran pour travailler, « voir » ses ami.e.s, se divertir, et rebelote? Deux mois? Six mois? Un an? Cinq ans? Parce que depuis le début, on nous dit que c’est un sacrifie à faire, pour un court laps de temps, pour sauver les plus démuni.e.s et éviter que le réseau de santé s’effondre. Ok, mais là ça va faire un an. Un an qu’on pourrit de l’intérieur. Et soyons réaliste, personne ne peut garantir qu’il n’y aura pas de 3e, 4e, 5e, voire même de 6e vague. Que les vaccins accordent une immunité de plus de six mois. Que le virus ne va pas muter, rendant certains inopérants. Pendant que le gouvernement fait de la gestion de la population (« il faut diminuer la probabilité des rassemblements ») et de la morale de crise, les yeux rivés surs les sondages, la vie s’écoule, dans un petit bruit qui ne reviendra pas.

Il faut bien se le dire, à un moment donné : on ne saurait « limiter tous les contacts » sans que la vie perde un peu de son sens. Il va falloir apprendre à re-vivre, à vivre-avec. Pas comme les conspis balançaient, en tout début de pandémie, qu’il fallait laisser le virus faire ses ravages, sans contextualiser, sans penser le soin, la complexité de l’immunité collective, etc. Non, vivre avec au sens de mettre fin à l’effritement de nos vies communes, de tracer une ligne, chaque fois singulière, derrière laquelle les mesures sanitaires ne passeront pas, de prendre soin de ces parts de nous qui meurent à petit feu enfermées. En fait, la question est déjà là : on « vit » déjà avec cette maladie depuis des mois. Mais on vit très mal. La question est de savoir comment vivre avec. Et ça, aucun gouvernement ne pourra nous l’imposer.

D’ici là, on lâche pas, on continue : à faire attention et à trouver des zones d’ombres, pour occuper les interstices, à prendre soin de nos proches et à retrouver le sentiment fuyant de la liberté, partager une intensité commune quelques instants, trouver les manières de contourner leurs cloisons.

Ces feux-là ne se recouvrent pas.

P.S. Oh, et pour celles et ceux qui reprendront la morale gouvernementale pour nous traiter d’égoïstes, de privilégié.e.s ou d’irresponsables (encore une fois), sachez que ces quelques lignes s’adressent à tout le monde : on le souhaite particulièrement pour les employé.e.s du réseaux de la santé, qui se font enfoncer des heures supplémentaires dans la gorge, pour les enseignantes et enseignants forcés de rentrer au travail, les itinérants et itinérantes, les fameuses gens vulnérables, qui peuvent aussi ne plus être capables de supporter l’isolement et la zoomification de l’existence… Va falloir arrêter de cliver le débat, de rabattre tout questionnement des mesures sanitaires-répressives dans l’imbécilité ou l’égocentrisme (ce qui revient souvent au même). Ce texte n’est qu’une amorce pour ouvrir des espaces de réflexion que trop de gens voudraient voir se refermer illico.

1 Notamment celui de Jaggi Singh (https://ricochet.media/fr/3431/pas-de-couvre-feu-ni-police-ni-delation), de Montreal Antifasciste (https://montreal-antifasciste.info/fr/2021/01/16/position-de-montreal-antifasciste-sur-le-couvre-feu-decrete-par-quebec) et du blogue L’Éteignoir (https://www.leteignoir.com/2021/01/ton-couvre-feu-de-marde.html), pour ne mentionner que ceux-là.

2 Une des premières mesures, plutôt : en fait le mode même d’imposition des confinements pandémiques vient implicitement poser l’unité familiale et le couple comme formes appropriées du vivre-ensemble. Sans rentrer dans le fait que la science implique souvent sa propre morale…

3 Le président français, qui semble servir d’exemple à notre mononcle national, a au moins eu l’honnêté de déclarer, lorsqu’il fut question d’imposer un nouveau couvre-feu, « Le problème, c’est la convivialité ».

Contrôle et surveillance en temps de pandémie

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Jan 302021
 

Du Projet accompagnement solidarité Colombie (PASC)

La pandémie a révélé les conséquences d’années de coupes budgétaires des gouvernements et de politiques favorisant la privatisation graduelle de nos systèmes publics de santé, au profit d’une vision mettant de l’avant la rentabilité économique de la santé.

Pour faire face à la pandémie de la COVID-19, au lieu de proposer des investissements dans nos services publics, de nombreux État ont opté massivement pour l’implantation de mesures répressives, telles que le confinement strict et le couvre-feu, et d’une panoplie de mesures de contrôle et de surveillance.

L’urgence et le climat de peur servent à forcer le consensus et à fabriquer le consentement de la population aux diverses mesures mises de l’avant pour nous sortir de la crise sanitaire. Nous acceptons jours après jours la mise en place de mesures de contrôle social qui, il y a à peine quelques mois, auraient été impensables. Le traitement médiatique de la pandémie n’est pas étranger à l’acceptation sociale des changements drastiques qui nous sont imposés.

Ainsi, la majorité des États se tournent vers le privé pour nous offrir des solutions technologiques. Comme ceux mis en place dès le début de la crise en Israël par exemple, où les données de géolocalisation des cellulaires, normalement utilisées par les services de renseignement pour réprimer les mouvements sociaux palestiniens, ont été utilisés pour identifier les personnes qui auraient été en contact avec des porteurs du virus.

Partout dans le monde, des pays ont maintenant recours à des applications de traçage numérique. Ainsi, avec le prétexte de vouloir nous protéger du virus, nous assistons à la mise en place de systèmes de suivis des déplacements et des relations de milliards d’individus, alors que les résultats sanitaires sont plus qu’incertains.

La pandémie est vue par l’élite mondiale comme une opportunité d’accélérer la mise en œuvre du capitalisme de surveillance et de ce que le Forum économique mondial (FEM) appelle, la 4ieme Révolution Industrielle : numérisation des chaines d’approvisionnement et de pans entiers de l’économie, Internet, des objets, villes intelligentes, etc. Le capitalisme de surveillance est une forme d’extractivisme, dans laquelle la matière première sont les données personnelles des individus, le nouvel « or » sur les marchés boursiers. Bref, une hyper-connexion via un système Internet totalement centralisé et contrôlé qui consigne dans de gigantesque centre de données, nos amitiés, nos désirs, nos tristesses et nos peurs afin de pouvoir les analyser et mieux les « influencer » grâce a la capacité de traitement de données de l’intelligence artificielle.

Les plans de développement des villes intelligentes, basés sur la surveillance et l’interconnectivité des données, affrontaient avant la pandémie de nombreuses réticences à cause de l’ampleur des changements proposés. La pandémie semble avoir fait disparaître ces réticences, agissant comme un choc qui permet de rendre acceptable que nos maisons deviennent notre bureau, notre gym, notre école et même notre prison si l’État le décide.

Montréal est devenue un des plus importants pôles de développement de l’intelligence artificielle dans le monde. « Les entrepreneurs en IA ont dans leur mire l’ancien pôle industriel entre Parc-extension et la Petite-Patrie, qu’ils appellent le Mile-Ex. Ils profitent aussi de l’expansion du campus de l’UdM dans la partie Sud de Parc-Extension. (…) Plusieurs start-up sont aussi situées près du Canal Lachine. (…) Ces entreprises s’approprient des ateliers locatifs, faisant grimper le prix des loyers et des ateliers, mais aussi des logements tout autour. Ce mouvement d’appropriation du territoire par les entrepreneurs en IA contribue à achever la gentrification des quartiers visés. »1 Nos luttes contre la gentrification peuvent les décourager de s’installer dans nos quartiers ; à nous de faire les liens entre l’embourgeoisement de ces derniers et le développement des pôles de l’IA.

Les crises du capitalisme opèrent toutes selon la même dynamique ; elles liquident des pans entiers de l’économie et permettent de la restructurer avant d’entrer dans une nouvelle phase de croissance et d’accumulation de capitaux, qui concentre chaque fois plus la richesse. Les crises financières, les guerres et les catastrophes, dont les pandémies, sont idéales pour remettre les compteurs à zéro. Klaus Schwab, le fondateur et président exécutif du FEM (aussi appelé forum de Davos) en est bien conscient, puisqu’il fait la promotion active de l’idée que la pandémie offre une fenêtre d’opportunité pour effectuer ce qu’il appelle The Great Reset, visant à jeter de nouvelles bases pour le fonctionnement du capitalisme global, basé sur l’idée d’une mondialisation version 4.0.

La crise actuelle permet également de mettre à jour les cadres légaux et les comportements sociaux et de réécrire les règles du jeu de la « nouvelle normalité » qui s’installe. N’oublions pas que les États tendent à rendre permanentes les lois spéciales et autres mesures d’exceptions introduites en temps de crise. Nous n’avons qu’à penser aux lois anti-terroristes ayant été votées un peu partout sur la planète après le 11 septembre 2001, donnant des pouvoirs accrus aux forces de l’ordre et à l’État en matière de contrôle et de surveillance ; l’ensemble de ces pouvoirs sont toujours en place.

En plus de mesures autoritaires comme l’imposition de couvre-feu et les contrôles d’identité, plusieurs autres moyens de surveillance médicale de masse sont en train de voir le jour : caméras thermiques et de reconnaissance faciale, bracelets électroniques pour contrôler la distanciation physique, et carnet de vaccination numérique font partie des propositions en vogue. Ce dernier est probablement le plus inquiétant car les personnes qui refusent de se faire vacciner pourrait se voir refuser l’accès aux avions, aux endroits publics, commerces, restaurants, bars, salles de spectacles et même à leur lieu de travail. L’Ontario et le Québec ont déjà indiqué qu’ils pensent à exiger des preuves de vaccination pour certaines activités.

Alors qu’on nous demande de nous adapter à cette nouvelle « normalité », nous devons nous demander jusqu’où sommes-nous prêtes à accepter ces nouvelles formes de contrôle et de surveillance de nos vies.

Nous assistons à une véritable réingénierie des comportements sociaux : imposition du télétravail, délation des voisins, peur de la contagion, peur d’une accolade, isolement social et acceptation de la surveillance de masse. Alors que le capitalisme de surveillance a bel et bien pris son envol et que son éventail de nouvelles technologies nous est présenté comme autant de solutions miracles à la crise que nous vivons; nous percevons avec inquiétude la rapide acceptation des mesures qui créent de la distance dans nos relations humaines et nous empêchent d’être ensemble…

Bien que nous acceptions la distanciation sociale comme un mauvais moment à passer, tant qu’il s’agit d’une mesure temporaire pour se protéger et protéger nos proches, nous pouvons refuser de nous y habituer et affirmer d’ores et déjà que nous n’accepterons pas la distanciation sociale perpétuelle. Nous avons besoin du contact humain et nous en priver revient à nous déshumaniser.

Tout comme nous refusons l’imposition de mesures autoritaires pour faire face à la pandémie, refusons que s’installe un monde sans contact!

Réorientation anarchiste à l’époque de la COVID

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Jan 282021
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Publication initiale le 23 mars 2020

La situation change d’heure en heure. Comme tout le monde, je le suis de près et je partage les nouvelles infos, je regarde nos vies changer chaque jour, je sombre dans l’incertitude. Il nous arrive d’avoir l’impression qu’il n’y a qu’une seule crise dont les faits sont objectifs et qui ne permettent qu’une seule voie: celle de la séparation, de l’enfermement, de la soumission, du contrôle. L’État et ses appendices deviennent donc les seuls acteurs légitimes et le récit des médias de masse, avec la peur qu’ils véhiculent, inonde notre capacité d’action autonome.

Certain·e·s anarchistes ont signalé l’existance de deux crises qui se déroulent en parallèle. La première c’est la pandémie qui se répand à toute allure, qui nuit gravement et provoque même la mort pour des milliers de personnes. L’autre, c’est la stratégie de gestion de crise de l’État. Il veut nous faire croire qu’il agit pour défendre la santé de tout le monde — il veut qu’on voit sa réponse à la crise comme objective et inévitable.

La gestion de crise permet à l’État de décider les conditions qui existera une fois la crise passée, ce qui lui permet de choisir les gagnants et les perdants, selon des critères prévisibles. Si on reconnait l’inégalité comme partie intégrante de ces mesures soi-disant neutres, il faut aussi avouer que certain·e·s payeront un prix bien plus élevé pour ce que les puissants nomment le bien collectif. Je veux retrouver l’autonomie et la liberté d’action dans cette situation et pour ce faire il sera nécessaire d’échapper au récit qui nous est donné.

Lorsqu’on permet à l’État de contrôler le récit et les questions que l’on pose, on lui permet aussi de contrôler la réponse. Si on désir un résultat autre que ce que préparent les puissants, il sera nécessaire de poser une question différente.

Nous ne faisons pas confiance aux récits médiatiques sur bien des sujets et nous restons d’habitude conscient·e·s du pouvoir des puissants de façonner le récit pour rendre inévitable les actions qu’ils ont envie de prendre. Ici au Canada, l’exaggération et les mensonges sur l’impact des blocages liées au mouvement #shutdowncanada ont préparé le terrain pour un retour violent au normal. Il est possible de comprendre l’importance d’un protocol pour limiter les infections tout en restant critique de la manière dont l’État s’en sert à ses propres fins. Même si on regarde la situation pour nous même et on arrive à accepter certaines recomandations que prône aussi l’État, il ne nous est pas nécessaire d’adopter son projet comme le notre. Il y a toute une différence entre suivre des ordres, et la pensée indépendante qui mène à des conclusions semblables.

Lorsqu’on porte vraiment notre propre projet, il nous est plus facile d’arriver à une analyse indépendante de la situation, d’examiner les diverses informations et suggestions pour nous même et de se demander ce qui est en accord avec nos buts et priorités. Par exemple, céder la possibilité de manifester quand grand nombre ont encore besoin de bosser dans le commerce du détail ne peut être qu’une mauvaise décision pour tout projet libérateur. Ou bien reconnaître la nécessité d’une grêve des loyers, tout en propageant une peur qui interdit toute manière de se retrouver entre voisin.e.s.

Abandonner les moyens de lutter tout en accomodant l’économie n’a rien en commun avec nos buts à nous mais découle du but de l’État qui veut gérer la crise tout en limitant les dégats économiques et empêchant toute atteinte à sa légitimité. Ce n’est pas que l’État cherche à limiter la dissidence, c’est juste un sous-produit. Mais si nous avons un point de départ différent — cultiver l’autonomie au lieu de protéger l’économie — nous arriverons sans doûte à un équilibre différent sur ce qui nous est acceptable.

Pour ma part, un point de départ c’est que mon projet en tant qu’anarchiste est de créer les conditions pour des vies libres et enrichissantes et non simplement des vies les plus longues possibles. Je veux écouter des conseils intelligents sans céder mon autonomie et je veux respecter l’autonomie des autres — au lieu d’un code moral à imposer, nos mesures pour le virus devrait se baser sur des accords et des limites, comme toute pratique de consentement. En discutant des mesures qu’on a choisi, on arrive à des accords et là où l’accord est impossible, nous établissons des limites auto-exécutoires qui n’ont pas besoin de coercition. Nous prenons en compte comment l’accès aux soins médicaux, la classe, la race, le genre, la géographie et bien sûr la santé interagissent avec en même temps le virus et la réponse de l’État et nous prenons celà comme une base pour notre solidarité.

Le récit de l’État insiste sur l’unité — l’idée qu’il est nécessaire de se rassembler comme société pour un bien singulier qui nous appartiendrait à tous et toutes. Les gens aiment le sentiment de faire partie d’un grand effort de groupe et aiment l’idée qu’ils puissent contribuer par leurs gestes individuels — le même genre de phénomène qui rend possible les mouvements sociaux contestataires permetant aussi à ces moments d’obéissance de masse. Notre rejet de ce récit peut donc commencer en se rappellant de l’opposition fondamentale entre les intérêts des riches et des puissants et les nôtres. Même dans une situation où ils pourraient tomber malade et mourir eux aussi (en différence avec la crise des opiacés ou l’épidémie du SIDA avant), leur réponse à la crise à peu de chance de satisfaire nos besoins et risque même une intensification de l’exploitation.

Le sujet présumé de la plus part des mesures tel que l’auto-isolement et l’éloignement social est de classe moyenne — ils imaginent une personne avec un emploi qu’elle peut facilement faire de chez elle ou bien qui a accès à des congé payée (ou dans le pire des cas, à des économies), une personne avec un chez-elle spacieux, une voiture personelle, sans beaucoup de relations intimes et avec du fric à dépenser sur la garde d’enfants et le loisir. Tout le monde est exhorté à accepter un niveau d’incomfort, mais ceci augmente à force que nos vies diffèrent de cette idéale implicite, ce qui augmente l’inégalité du risque des pires conséquences du virus.

En réponse à cette inégalité on voit circuler de nombreux appels pour des formes de redistribution étatique, telles que l’expansion de l’assurance emploi, des prêts ou des reports de paiement. La plus part de ces mesures se résument à de nouvelles formes de dette pour des gens déjà en difficulté, ce qui fait écho de la crise financière de 2008, où tout le monde a partagé les pertes des riches tandis que les pauvres ont été laissés pour compte.

Je n’ai aucun intérêt à donner des conseils à l’État et je ne suis pas parmi celleux qui voit en ce moment un point de bascule vers des mesures socialistes. La question centrale à mon avis, c’est si on veut ou non que l’État ait le pouvoir de tout arrêter, peu importe ce qu’on pense des raisons invoqués.

Le blocages #shutdowncanada étaient jugées innacceptables, bien qu’ils ne causaient pas une fraction des dégats que ce qu’a pu faire l’État, à peine une semaine plus tard. C’est clair que le problème n’est pas le niveau de perturbation, mais qui est l’acteur légitime. De la même manière, le gouvernement de l’Ontario ne cessait de répéter à quel point la grève des enseignant·e·s et leurs quelques journées d’actions auraient été un fardeau inacceptable pour les familles, juste avant d’ordonner la fermeture des écoles pendant trois semaines. Encore une fois, le problème c’est que c’était des travailleurs·euses et non un gouvernement ou un patron. La fermeture des frontières à des gens mais non à des biens intensifie le projet nationaliste déjà en marche partout dans le monde et la nature économique de ces mesures à l’apparence morale deviendra évidente après le pic du virus et quand les appels deviendront plutôt « achêter, pour l’économie ».

L’État rend légitime ses actions en les positionnant comme la simple mise-en-pratique des recommandations expertes et de nombreux gauchistes répètent cette même logique dans leurs appels pour la gestion directe de la crise par des experts. Tous les deux prônent la technocratie et le règne des experts. On a vu de ça dans certains pays européens, où des experts économiques étaient nommés chef d’État pour mettre en place des plans d’austérité « neutres’ et « objectifs ». On trouve souvent à gauche des appels à céder notre autonomie pour se fier à des experts, surtout dans le mouvement contre les changements climatique, et aucune surprise de les retrouver pour le virus.

Ce n’est pas que je ne veux pas l’avis d’experts ou qu’il existe des individus avec une connaissance profonde de leur domaine — c’est que je trouve que la manière de présenter un problème anticipe déjà la solution. La réponse au virus en Chine nous montre de quoi la technocratie et l’autoritarisme sont capables. Le virus ralenti et les postes de contrôle, les couvre-feu, les technologies de reconaissance faciale et la mobilisation de main d’oeuvre peuvent servir à d’autres fins. Si on ne veut pas cette réponse, il faut savoir poser une question différente.

Les écrans ont déjà réussi à enfermer énormément la vie sociale et cette crise ne fait qu’accélérer ce processus — que peut-on faire pour lutter contre l’aliénation en ce moment? Que peut-on faire pour répondre à la panique de masse que répandent les médias, ainsi qu’à l’anxiété et la solitude qui viennent avec?

Comment répandre la possibilité d’agir? Les projets d’entraide et de santé autonomes sont une bonne idée, mais peut-on passer à l’offensive? Peut-on entraver la capacité des puissants de décider quelles vies valent la peine de sauver? Peut-on aller au-delà du soutien pour s’attaquer aux rapports de proprieté? Aller vers le pillage ou l’expropriation, ou même extorquer les patrons au lieu de mendier pour un peu de congé maladie?

Que fait-on pour préparer à esquiver les couvre-feu ou des restrictions de déplacements, même à traverser des frontières bouclées, si on décide que c’est approprié? Cela comprendra d’établir nos propres standards pour la sécurité et la nécessité et de ne pas accepter bêtement celles de l’État.

Que peut-on faire pour avancer nos engagements anarchistes? En particulier, notre haine de la prison dans toutes ses formes me parait pertinente. Que peut-on faire pour cibler les taules en ce moment? Et les frontières? Et si la police s’en mêlent pour appuyer les mesures de l’État, comment faire pour délégitimer et limiter leur pouvoir?

Le pouvoir se reconfigure autour de nous — comment cibler ses nouveaux points de concentration? Quels intérêts cherchent à « gagner » au virus et comment les miner (pensons aux opportunités d’investissement, mais aussi aux nouvelles lois et l’expansion de pouvoirs autoritaires). Quelles infrastructures de contôle se renforcent? Qui sont les profiteurs et comment les atteindre? Comment préparer pour ce qui viendra après et se préparer pour le moment de possibilité qui pourrait exister entre le pire du virus et un retour à la normalité économique?

Développer notre propre récit de ce qui se passe, ainsi que des buts et priorités qui nous sont propres, n’est pas mince affaire. Il sera nécessaire d’échanger des textes, experimenter en action et communiquer sur les résultats. Il nous sera nécessaire d’élargir notre idée d’intérieur-extérieur pour avoir suffisament de gens avec qui s’organiser. Il sera nécessaire de continuer d’agir dans l’espace publique et refuser de se replier sur l’internet. Avec les mesures pour combattre le virus, la peur intense et la pression de se conformer chez nombreuses personnes qui seraient autrement nos alliées rend difficile la tâche de discuter de la crise autrement. Mais si on veut vraiment défier la capacité des puissants de façonner la réponse au virus selon leurs intérêts, il faut commencer par regagner l’abilité de poser nos propres questions.

Les conditions sont différentes partout, mais les États se regardent et se prennent en exemple, alors il nous ferait bien de regarder les anarchistes ailleurs pour voir comment illes font face à des conditions qui seront bientôt les notres. Alors je vous laisse avec cette citation d’anarchistes en France, où le confinement obligatoire est en place depuis une semaine, maintenu par la force armée de la police:

Alors oui, on va éviter les activités trop collectives, les réunions superflues, on va maintenir des distances de sécurité, mais on niquera votre confinement, déjouera autant que possible vos contrôles, hors de question qu’on cautionne la restriction de nos libertés et la répression ! A tou.te.s les pauvres, les marginaux et les révolté.e.s, soyons solidaires et entre-aidons nous pour maintenir les activités nécessaires à notre survie, éviter les arrestations et les amandes et continuer à nous exprimer politiquement.

Contre le confinement généralisé, Indymedia Nantes

Compte-rendu d’une manif contre le couvre-feu

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Jan 212021
 

De No Borders Media (Facebook)

Plus d’une centaine de manifestant-es se sont rassemblé-es dans l’est de Montréal le samedi 16 janvier, pour exprimer leur opposition au couvre-feu imposé par le gouvernement et pour mettre en avant des mesures de lutte contre la pandémie fondées sur la solidarité et le soutien aux plus marginalisé-es de la société. La manifestation, qui a défilé avec succès dans les rues d’Hochelaga, a souligné les impacts cruels du couvre-feu et du harcèlement policier qui en découle sur les sans-abri, les travailleur-ses du sexe, les consommateurs de drogues, les travailleur-ses sans papiers et autres.

Les organisateurs de la manifestation – un groupe ad hoc appelé Pas de solution policière à la crise sanitaire – ont souligné que la manifestation était en faveur des mesures d’atténuation du COVID-19, mais ont rejeté le couvre-feu comme étant autoritaire et nuisible à une réponse efficace à la pandémie. Les organisateurs ont également tenu à rejeter l’implication et la présence de toute personne associée à l’extrême droite ou les mouvances anti-science et conspirationnistes, mettant plutôt de l’avant une approche pro-science et de justice sociale face à la pandémie (illustrée par une pancarte : « pro-science, pro-masque, pro-vaccin, anti-couvre-feu »).

Il y avait une forte présence policière lors de la manifestation, notamment la police anti-émeute qui a été déployé malgré le fait que la manifestation était familiale et respectait les mesures sanitaires. Les organisateurs de la manifestation ont fourni des masques aux participant-es, et les manifestant-es ont pratiqué la distanciation physique. Pourtant, au début de la manif sur la place Valois, la police anti-émeute a arrêté à tort un homme qui ne portait pas de masque. Cet homme ne faisait pas partie de la manifestation et était manifestement en détresse alors qu’il attendait un ami sur la place publique. Au Québec, les masques ne sont pas obligatoires à l’extérieur pendant la pandémie, à moins de participer à une manifestation, ce qui est une ironie pour de nombreux manifestant-es qui préfèrent de toute façon porter un masque en manif. Un autre homme a été détenu par les flics anti-émeute pour ne pas avoir porté son masque correctement (il était brièvement sous son nez), et n’a pas eu la possibilité de le corriger avant d’être emmené par un entourage d’anti-émeutes.

Ces deux détentions (et les contraventions qui en ont probablement résulté, au coût de plusieurs centaines de dollars) ne sont que des exemples de plus de l’incapacité structurelle du SPVM à exercer la « discrétion » et le « bon jugement » que la mairesse de Montréal Valérie Plante, la ministre de la Sécurité publique du Québec Geneviève Guilbault et le premier ministre François Legault leur accordent. Pendant la pandémie, le SPVM a émis des contraventions à des sans-abri pour des infractions sanitaires, et pendant le couvre-feu, des flics ont demandé à fouiller illégalement des travailleur-ses essentiel-les, en plus de refuser à d’autres travailleur-ses essentiel-les des documents clairs leur permettant de se rendre au travail et d’émettre des contraventions de plus de 1 000 $. La police anti-émeute a également expulsé un campement de sans-abri à Hochelaga (Campement Notre-Dame) en décembre dernier. Il est probable que de nombreux autres cas d’abus policiers pendant le couvre-feu, et la pandémie en général, n’ont pas encore été signalés. Les abus structurels de la police soulignent à nouveau la nécessité de définancer la police et d’allouer plutôt des ressources et des fonds à la santé, à l’éducation et aux services sociaux.

Malgré les actions de la police, la manifestation de samedi a été un succès. Conjointement aux déclarations publiques d’organismes montréalais en opposition au couvre-feu et à une conférence de presse pour dénoncer le couvre-feu lundi dernier regroupant plusieurs organismes communautaires, la manifestation était un premier pas modeste vers l’occupation d’un espace public plus important – en tant que mouvement en faveur de la justice sociale et de la science – pour s’opposer aux mesures autoritaires comme le couvre-feu tout en promouvant des solutions solidaires pour atténuer la pandémie. C’est un pas positif pour s’éloigner des conspirationnistes d’extrême droite, anti-science, qui ignorent la justice sociale et la solidarité, et peut-être un petit pas vers une future désobéissance stratégique du couvre-feu, si celui-ci est prolongé plus tard en février.

Manifester est désormais interdit à Toronto

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Jan 212021
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Le samedi 16 janvier, le service de police de Toronto a tweeté ce qui suit :

Donc, c’est officiel. Le gouvernement a déclaré que les manifestations sont désormais illégales à Toronto, et probablement dans tout l’Ontario.

En effet, Doug Ford a déclaré qu’il n’est pas permis de quitter son domicile pour des raisons « non essentielles ». Qu’est-ce qui est essentiel et qu’est-ce qui ne l’est pas ?

Heureusement, Dougie apporte des éclaircissements utiles : « Je sais qu’essentiel signifie différentes choses pour différentes personnes … donc nous avons besoin que chacun utilise son meilleur jugement. Si vous n’êtes pas sûr qu’un voyage soit absolument essentiel, il ne l’est probablement pas », dit-il.

Cela veut-il dire que si vous n’êtes pas sûr que quelque chose est illégal ou non, c’est probablement le cas ? Qui doit décider ? Cela ne donne-t-il pas à la police le pouvoir d’interpeller et de harceler arbitrairement quiconque pour un grand nombre de raisons ?

A partir de quel moment appelle-t-on cela un État policier ?

Le dictionnaire Oxford définit ainsi l' »État policier » : « un pays où la liberté des personnes, notamment de voyager et d’exprimer des opinions politiques, est contrôlée par le gouvernement, avec l’aide de la police ».

Bien sûr, la question de savoir si c’est réellement illégal ou non est différente, étant donné que le Canada est ostensiblement une monarchie constitutionnelle, où la constitution est la loi la plus élevée du pays, mais dans quelle mesure cela importe-t-il encore ?

La Charte des droits et libertés, qui fait partie de la constitution, stipule explicitement que les gens ont la liberté de réunion, la liberté de mobilité, la liberté d’expression et la liberté de religion, mais cela n’a pas empêché l’État d’adopter toutes sortes de lois draconiennes cette année. Un précédent est-il en train d’être créé, à savoir que les droits humains fondamentaux ne s’appliquent pas en temps de crise ?

Cette extension des pouvoirs de la police a déjà des conséquences tragiques. Pensez à la mort tragique de Moses Demian, un habitant de Scarborough. Quelques heures après les événements de cette vidéo, qui montre l’arrestation de M. Demian dans un stationnement, M. Demian s’est suicidé.

Cette tragédie s’est apparemment produite parce que M. Demian a refusé de produire une pièce d’identité lorsque la police l’a exigée. Il a peut-être estimé qu’il avait le droit de traîner dans un stationnement, et a choisi de faire valoir son droit. Peut-être savait-il qu’il n’était pas légalement tenu de produire une pièce d’identité (la loi ontarienne exige que vous vous identifiez verbalement, mais pas de produire une pièce d’identité). Peut-être en avait-il simplement assez d’être harcelé et a-t-il exprimé sa frustration. En tout cas, il a défié un flic, et maintenant il est mort.

Il convient de mentionner que la loi de confinement de l’Ontario, à la manière orwellienne, s’appelle la « Loi de réouverture de l’Ontario ». Je pose donc à nouveau la question : Vivons-nous dans un État policier ? Et si c’est le cas, que faut-il faire ?

Levée de fonds pour la famille de Moses Demian:
https://www.gofundme.com/f/28rgs4bt6o

Territoire Gidimt’en : La solidarité est inclusive

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Jan 182021
 

Du Point d’accès Wet’suwet’en en territoire Gidimt’en (Facebook)

Cela fait presque un an que l’appel a été lancé aux peuples de tout le Canada pour qu’ils fassent preuve de solidarité, qu’ils respectent les lois et la juridiction des Wet’suwet’en sur nos terres et qu’ils luttent ensemble contre la colonisation, le génocide industriel, et pour empêcher CGL et la GRC d’envahir notre yintah.

Alors que nous affirmions le contrôle total de l’accès à notre yintah et que nous bloquions l’industrie, beaucoup d’autres se sont levés avec nous. Des grandes manifestations aux blocages ferroviaires en passant par les sabotages clandestins des infrastructures de la colonisation, de nombreuses nations, groupes et personnes se sont battus à nos côtés. Ces actions nous ont donné de la force face à l’accumulation de la police militarisée.

Après que la police ait fait une descente à quatre points de contrôle sur le yintah et volé des dizaines de personnes sur nos territoires, les peuples de ce pays ont fermé le Canada. De nos alliés en territoire Mohawk et Haudenosaunee qui ont occupé des terres près des voies ferrées et des autoroutes à Tyendinaga, aux Six Nations, Kahnawake et Kanesatake et à nos voisin.es et notre famille Gitxsan, en passant par les jeunes autochtones qui ont occupé la législature du « BC » et toutes celles et ceux qui ont mis leurs cœurs et leurs corps en jeu.

Le mouvement pour la souveraineté autochtone s’est développé d’un océan à l’autre. C’est toujours un combat pour nos terres, nos modes de vie et l’affirmation de nos lois, mais aussi un dialogue entre les nations autochtones agissant en solidarité les unes avec les autres. Il a été un tournant pour de nombreux allochtones, qui ont pu pratiquer une véritable réconciliation avec les propriétaires légitimes des terres sur lesquelles ils et elles vivent. Une réconciliation qui signifie « Land Back » au lieu d’un dialogue vide avec des gouvernements moralement en faillite.

Nombre de ceux qui ont agi avec nous font encore l’objet d’accusations pénales et civiles. Nos alliés Haudenosaunee et Mohawk sont toujours criminalisés. D’autres, à Hamilton, font toujours l’objet d’accusations en raison des actions de solidarité qui y ont été menées. Nos voisin.es Gitxsan qui ont agi sont toujours poursuivi.es. Récemment, deux personnes dans l’État de Washington ont été arrêtées pour des accusations de terrorisme absurdes et inventées de toutes pièces, pour avoir prétendument agi en solidarité avec nous. Nous savons qu’il y a probablement beaucoup d’autres personnes qui sont criminalisées pour avoir soutenu et respecté la souveraineté autochtone.

Nous voyons les accusations pour ce qu’elles sont : une tentative désespérée du système colonial pour rompre les liens de solidarité qui se sont forgés et renouvelés l’hiver dernier. Par peur des représailles qu’ils subiraient s’ils poursuivaient les accusations portées contre notre peuple et nos invité.es arrêté.es sur nos propres terres, ils ont redoublé d’efforts pour criminaliser et attaquer nos alliés. Ils espéraient effrayer les gens dans la passivité et nous laisser, ainsi que tous les peuples autochtones, isolés les uns des autres et des alliés qui se battraient à nos côtés. Ils veulent dépeindre la souveraineté et la résistance justifiée comme un crime. Mais ils ont échoué. Nous connaissons la justesse de la souveraineté autochtone et ils ne briseront jamais notre solidarité.

Nous sommes aux côtés de nos alliés face au poids du système juridique colonial et nous exigeons que les tribunaux coloniaux abandonnent toutes les accusations !

Veuillez soutenir tous les défenseurs des terres !

GoFundMe pour Tyendinaga :
https://gofund.me/9d41a6b7

GoFundMe et transfère d’argent pour Six Nations :
https://gofund.me/7ad24c0a
landback6nations@gmail.com

GoFundMe pour Hamilton :
https://ca.gofundme.com/f/hamiltonsolidarityfundraiser

Pour nos ami-es, contre la répression et la dépression

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Jan 172021
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Janvier 2021.

Nous écrivons à bout de forces, depuis soi-disant Montréal que même l’hiver a deserté.

Au départ nous voulions écrire à propos du couvre-feu, énième mesure de marde mise en place par un gouvernement de bourgeois-es banlieusard-es ne pensant qu’à son petit électorat de petit-es bourgeois-es banlieusard-es bien blanc-ches et bien au chaud dans son confort.

Nous voulions écrire à propos des conséquences désastreuses d’une telle mesure sur les populations déjà fragilisées et mises à mal par la gestion capitaliste de la pandémie.

Nous voulions mettre en évidence, une fois de plus, que la répression n’écrasera pas le virus et que l’État, le néo-libéralisme, les patrons, banquiers, propriétaires et l’armée de porcs qui les protègent n’ont jamais été et ne seront jamais nos alliés.

Nous voulions dire aux médias que lorsqu’ON nous menace à coup d’amendes démesurées, de contrôles policiers accrus et de délation organisée, le terme de collaboration sonne comme une mauvaise blague et n’est pas appropriée. Dites les choses comme elles sont: la population se soumet parce qu’ON lui a assez fait peur. Précisez aussi que le nombre de contraventions distribuées entre 20h et 5h démontrent que certain-es n’ont pas les moyens d’échapper à la répression et que dans le cas présent, l’obéissance est signe de privilèges. Pour les autres c’est l’intimidation, le contrôle au facies, le racisme et le sexisme inhérents, bref c’est la violence de l’État décuplée comme s’il n’y en avait pas déjà assez.

Et pendant ce temps, le personnel de santé est à bout de souffle, le virus continue de se propager et des personnes continuent de crever dans les rues comme dans les CHSLD ; sans parler de la detresse psychologique de certain-es puisque la santé mentale passe évidemment à la trappe. De toute façon qu’est ce qu’ON s’en fout des suicidé-es quand ON ne pense qu’à sauver le cul de l’économie.

Mais écrivant cela, nous ne ferions que paraphraser des textes que certain-es de nos ami-es ont déjà écrit ici et là. Ces textes circulent, et sous d’autres formes, des voix se sont déjà soulevées et continuent de se faire désespérément entendre, malgré l’épuisement et le découragement ambient.

Force est de constater que dans tout ce marasme et malgré notre fatigue, nous éprouvons l’urgence de réagir.

Alors ce texte sera finalement un appel à l’action. Du moins un début de tentative de peut-être pourquoi pas quelque chose. Parce qu’il y en a raz le cul du foutage de gueule généralisé.

Pour nous qui écrivons, la priorité est celle de nous retrouver. « Nous retrouver » ce n’est pas espérer un « beau retour à la normale » pour aller se mettre chaud-es au bar du coin, même si cela nous ferait crissement du bien.

Ce n’est pas non plus aller manifester comme de gros colons contre le port du masque ou au nom d’une liberté dont le sens nous échappe totalement.

Ce n’est certainement pas mettre en danger nos vies et celle des autres.

Non. « Nous retrouver » signifie ici retrouver nos luttes, nos stratégies, nos forces d’action. Entre ami-es. Entre damné-es. C’est défier l’isolement, la perte de confiance, le désespoir.

Théoriquement et historiquement, l’idée n’est pas nouvelle. Oui, il nous faut mettre en relation nos luttes, comprendre que le bordel dans lequel nous sommes englué-es n’est pas tombé du ciel avec une pandémie, mais n’est que la continuité de décisions politiques toujours au service du capital.

Il devient évident de mettre en perspective l’agonie des peuples avec le colonialisme en pleine santé ; un virus qui ne rencontre aucun obstacle avec la catastrophe écologique en cours ; l’expression de plus en plus décomplexée du fascisme avec la banalisation de discours racistes, sexistes et autre dégueulasseries véhiculées, entre autres, par un débile comme Trump ; l’état du système de santé abandonné par les gouvernements néo libéraux et leur politique d’austérité. BREF. Comprendre que se protéger et préserver la vie, c’est autant porter le masque et se laver les mains que s’opposer à la construction d’une prison pour migrant-es, refuser que les violeurs aient encore la parole ou soutenir de notre mieux les Wet’suwet’en quand iels se battent contre l’installation de pipelines sur leurs territoires. Pour ne citer que ces exemples.

Se retrouver c’est donc se positionner du côté de la vie.

Comme dit l’adage: il faut choisir ses combats. Certes. Faire avec les moyens du bord pour se débarrasser de ce qui nous tue, là où nous sommes. Mais il est important de garder en tête que sur un autre territoire, parfois même au sein d’une même ville, dans d’autres communautés et avec d’autres tactiques et d’autres stratégies, des luttes sont menées dans la même optique: de préserver ce qu’il reste de vivant. Il faut garder en tête que ces luttes ne sont pas isolées les unes des autres, qu’elles sont perméables. Ainsi de cette diversité de luttes, il nous faut créer une communauté d’ami-es : créer des points de rencontre, d’échange et de solidarité. Il faut nous mettre en commun. Et de là tisser la résistance. Pour résumer: apprendre des luttes décoloniales et envisager la décolonisation comme contre attaque ultime. Sans compromis, ni avec l’État ni avec les flics, ni avec l’extrême droite.

En pratique, la chose est moins aisée, surtout quand la police est à chaque coin de rue. Alors que pouvons-nous faire, ici, à soi-disant Montréal?

Que le problème soit ontologique ou pas, reste que plus rien ne semble tenir entre nous dès lors que l’ON nous sépare physiquement. Être loin de nos familles, de nos ami-es et partenaires de crime nous dépossède de nous-mêmes et nous plonge dans une sorte de paralysie. De sorte que nous n’avons plus la force de nous aider et d’aider nos ami-es parmis lesquel-les la dépression est devenue un fardeau quotidien. Nous nous découvrons complétement impuissant-es. Et le sentiment de déposséssion est accentué quand on regarde les déserts dans lesquels nous « vivons ». La métrople n’est pas tellement amicale en ce moment… L’urgence ici est de se rappeler que nous sommes là et tenter de réduire le sentiment d’abandon. Alors il faudrait se faire signe. S’envoyer des signaux à travers la ville. Faire péter des feux d’artifice pour contrer le spectacle abject des gyrophares. Se laisser des mots sur les murs des quartiers, à coup de peintures ou de collages. Laisser savoir que nous sommes là. Profiter de l’aube pour poser une bannière. Trouver le peu d’espace qui ne soit pas surveillé, s’y faufiler. Être là où l’ON ne nous attend pas. Profiter d’être masqué. Mettre nos privilèges, si nous en avons, au service du grabuge et de la perturbation. Pour l’instant, peut-être, juste pour rappeler que nous sommes présent-es, que nous habitons encore ces rues.

Par la suite, que ceuzes qui ont des idées se manifestent. Réenvisager la grève des loyers? Penser la grève comme un refus de se mettre en danger au nom de l’économie? Jumper les bus et les métros quand ON nous oblige à les prendre pour aller travailler. Partir en manif pour forcer la main au pouvoir à prendre ses resposabilités. Fabriquer des masques et les distribuer gratuitement. Voler des choses, essentielles ou non, et les donner à ceuzes qui en bavent le plus. Créer des caisses de solidarité. Le tout en faisant gaffe de ne pas se transmettre le virus, car nous ne voulons pas aggraver la situation. Les idées sont peut-être lancées à la va-vite mais c’est quelque chose comme ça.

Le pouvoir a gagné la bataille du découragement mais nous pouvons encore allumer des feux. Pour y voir plus clair. Pour nous réchauffer.

Puisse nous rester l’amitié.

Notes sur le caprice fasciste qui a défrayé la chronique : une réaction anarchiste à la mêlée du 6 janvier à Washington, DC

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Jan 162021
 

De Radio Fragmata

A quel drôle de bordel avons-nous assisté aux Etats-Unis, mercredi 6 janvier ?

Il y aurait tant de remarques à faire au sujet du spectacle dont nous avons été témoins dans l’enceinte du Capitole de Washington, DC. Toutefois, nous nous contenterons ici d’une déclaration succincte, en espérant clarifier la lecture de la situation depuis l’étranger et faire entendre le besoin urgent dans lequel se trouvent nos camarades états-unien.ne.s, qui sont confronté.es simultanément à une violence croissante de la part de certaines franges organisées de la population et à la répression étatique. Pour aller à l’essentiel, nous pourrions dire cela : que ce qui s’est produit n’était ni une insurrection, ni une révolte : et que le monde a seulement assisté à un caprice fasciste autorisé.

En Grèce, on se souvient bien du jour où les manifestants qui prenaient la rue dans le cadre des mobilisations nationalistes autour de la question du « nom de la Macédoine » ont forcé l’entrée du Parlement, sur la place Syntagma, juste avant que ne soit rendu le verdict concernant l’affaire stupide qui les animait, et nous n’avons pas oublié l’attitude de la police d’alors, qui avait opéré un service strictement minimal de manière à rendre évidents son soutien et sa solidarité avec celles et ceux qui s’emparaient du Parlement – sans toutefois courir le risque d’y laisser leur emploi. Parmi les slogans entendus sur le parvis du Capitole -tels que « U-S-A » ou « Trump est président, le Christ est roi », nombreux sont ceux auxquels on pourrait trouver des équivalents en Grèce.

Le 6 janvier 2021, le gouvernement américain s’est réuni pour ritualiser la certification des résultats du vote du Collège Électoral, actant ainsi le lancement du transfert de pouvoir vers une nouvelle présidence. C’est là un rituel archaïque qui -puisqu’il a été fondé avant que ne se développent les moyens modernes de circulation, ce qui supposait que les États les plus périphériques avaient besoin de plusieurs mois après l’élection pour que leurs votes puissent parvenir à la capitale à cheval- se tient en janvier, plutôt qu’au moment de l’annonce des résultats du vote, en novembre. Trump et ses partisan.es s’accordaient à voir dans cet événement leur dernière chance de perturber par un coup d’éclat la passation de pouvoir entre un Parti Républicain d’extrême-droite et un parti Démocrate de droite « modérée ».

Le fait que l’appareil de sécurité états-uniens ne réprime pas avec la même virulence une foule estampillée MAGA (Make America Great Again, slogan de campagne de Donald Trump, ndt) que des manifestations antifascistes, anarchistes ou abolitionnistes a été illustré assez clairement le 6 janvier. À tel point que les médias mainstream ont bien été contraints de le remarquer également, avant de se fondre en lamentations publiques pitoyables prétendant se poser la question de comment la police avait pu se montrer si tendre avec cette foule lâche et égocentrique qui ne cherchait qu’à renforcer les pires traits de la société états-uniennes contemporaine, et qu’on avait laissé forcé l’entrée d’un bâtiment pourtant doté de sa propre force de police (dont le budget annuel dépasse les 500 millions de dollars).

La tolérance dont la police a fait preuve à l’égard des partisan.es de Trump n’avait rien d’une coïncidence. Il est bien établi que l’extrême droite états-unienne a fait le choix stratégique d’infiltrer les forces de l’ordre autant que les instances du pouvoir politique depuis la chute du groupe de guerilla neo-nazi The Order au tournant des années 1980 et l’attaque à l’explosif d’un bâtiment fédéral d’Oklahoma City en 1995 par le suprémaciste blanc Timothy McVeigh, qui avait coûté la vie à 168 personnes. Ce choix tactique n’a rien d’un secret, ayant même récemment fait l’objet d’un rapport du FBI. McVeigh comme les membres de The Order s’inspiraient de la bible suprémaciste de l’époque, le roman Les Carnets de Turner (1978), qui présentait la mise en place d’une congrégation de fascistes se définissant comme des « patriotes ». Pour prendre la mesure de l’ampleur du succès de cette opération d’infiltration, on ne peut se contenter de dénombrer le suprématisme formalisé omniprésent dans l’institution policière états-unienne, puisqu’on doit également rajouter à cela que l’ensemble des syndicats policiers a soutenu la candidature de Trump en vue de la campagne présidentielle de 2020. Quand bien même les effectifs policiers seraient plus hétérogènes aux Etats-Unis que dans de nombreux autres pays, on ne peut oublier que les missions fondatrices de la police dans ce pays consistaient d’une part à traquer les esclaves en cavale, et d’autre part à brutaliser les syndicats de travailleur.euses. Le caractère fasciste d’une telle fonction dépasse donc même le cadre strict du racisme.

Si des banderoles anarchistes, antifascistes ou de soutien à la cause noire avaient été déployées le 6 janvier, on aurait assisté à des arrestations massives, à un niveau de brutalité policière largement supérieur, et probablement à un massacre. Cinq personnes ont perdu la vie lors des événements du 6 janvier. Trois d’entre elles sont mortes des suites de blessures auto-infligées : l’une en déchargeant par accident son taser contre son entrejambe, ce qui a provoqué un arrêt cardiaque ; une autre en chutant lors de l’escalade d’un échafaudage ; et une dernière piétinée, alors même qu’elle portait un drapeau siglé du slogan conservateur « Ne me marche pas dessus ». Un flic est mort à la suite d’une agression physique*, et une manifestante a été abattue par la police. Les trois autres n’ont fait les frais que de leur propre stupidité et ont maintenu leur privilège blanc jusque dans leurs morts grotesques. Si l’évènement n’avait pas été de nature suprématiste blanche – voire ostensiblement fasciste- il est évident que des dizaines de personnes auraient été abattues par la police.
Outre les assassinats quotidiens de personnes racisées et de prolétaires par la police aux Etats-Unis, on peut s’intéresser à deux cas de figure très récents (les sorts réservés à Kyle Rittenhouse et à Michael Reinoehl) pour tenter de mieux comprendre l’attitude de la police le 6 janvier, lorsqu’elle s’est trouvée confrontée à ses homologues fascistes issu.es de la société civile.

Kyle Ritthenhouse a commis un double meurtre lors d’une manifestation en réaction au supplice de Jacob Blake – un homme noir dans le dos duquel un policier blanc a tiré sept balles sous les yeux de ses enfants. Blake est sorti de cette agression paralysé, mais l’agent responsable a été disculpé en débit de preuves vidéos incontestables.

Rittenhouse est actuellement en train d’être jugé pour les meurtres qu’il a commis, et il a pu traverser sans être inquiété les lignes policières juste après avoir avoir fait feu sur des manifestants. Le contraste avec le cas de Michael Reinoehl est saisissant. Ce dernier, un antifasciste autoproclamé résidant dans l’Oregon, a fait feu sur un fasciste qui l’agressait dans le cadre d’une manifestation pro-Trump. Le lendemain de cette altercation, Reinoehl a donné une interview à Vice News pour attester du caractère de légitime défense de son geste. Un jour plus tard, la police fédérale lui trouait le corps d’une cinquantaine de balles. Trump n’a pas hésité à se vanter publiquement de l’assassinat de Reinhoel. Son sort a globalement eu peu de résonance médiatique, et illustre parfaitement le déséquilibre entre les obstacles auxquels sont confronté.es les révolutionnaires et ceux qu’on prétend opposer aux comportements «rebelles» des fascistes et consorts. Ce constat vaut également pour ce que l’on peut observer à l’intérieur des tribunaux. Les enquêtes et les condamnations qui donnent suite aux actions menées par la droite sont gérées d’une manière qui semble plus tenir de l’obligation que de la ferveur avec laquelle l’état attaque les mouvements révolutionnaires et émancipateurs.

Ce jour là, nous avons observé les élites sociales-démocrates verser des larmes hypocrites, des milices fascistes hallucinées jouer la farce d’un coup d’État sous le regard attendri de leurs baby-sitters en uniforme, et les médias tenter désespérément de rationaliser la situation en affectant un cynisme timide: « il n’y a rien à voir, ce ne sont que des joueurs costumés ». Une chose est certaine: celles et ceux qui se sont « saisi » du Capitole après y avoir invité, y trouvant les portes grandes ouvertes, n’ont fait preuve d’aucun courage et n’ont en aucun cas mis en œuvre l’insurrection que les modérés et les médias prétendent y avoir discerné.

Lorsque les mouvements révolutionnaires qui s’opposent sincèrement au système prennent la rue, ils doivent faire face à une situation autrement plus dangereuse. Un parti dominant de droite modérée comme les Démocrates, ou des appareils policiers prétendument « neutres » comme le FBI, ne tarderont pas à faire un exemple de certain.es de ces crétin.es de droite, mais il ne s’agira que d’une opération de communication comparable à celle opérée par le gouvernement de Nouvelle Démocratie en Grèce lors du procès du parti néo-nazi Aube Dorée, ou à celle mise en œuvre par Facebook qui avait censuré des dizaines de pages anarchistes pour compenser la suppression d’un nombre équivalent de profils néo-nazis. Ces stratagèmes n’ont pour but que la mise en scène d’une esthétique de la neutralité, alors même que ces acteurs continuent à imposer la société atroce que nous combattons.

L’intensité de cette action préfigure la guerre civile latente à venir, par ailleurs déjà déclarée par la droite, qui se trouve désormais plus en confiance que jamais à l’issue des événements du 6 janvier. La particularité de la droite états-unienne tient à ce qu’elle peut se pavaner en armes en toute légalité tant qu’elle n’ouvre pas le feu, et que même si elle en arrive là -on l’a vu lors de l’affaire Trayvon Martin ou des agressions à l’encontre d’antifascistes dans les manifestations Black Lives Matter- elle se voit donner des gages de tolérance judiciaire que nous ne connaîtrons jamais.

Il n’y a pas que l’extrême droite violente qui sorte radicalisée de cet incident ; les pontes de la sociale-démocratie états-unienne, qui représentent une menace égale à celle des fascistes, en sont également des bénéficiaires directs. Les chef.fes-de-file de la modération et du « bon sens » politique sont même les grand.es gagnant.es de ce spectaculaire caprice fasciste. Celles et ceux qui prétendent dicter les limites du politiquement acceptable, qui ont l’audace de mettre dans le même sac les insurrectionnalistes et les abolitionnistes d’une part et les fascistes et les anti-sémites théoriciens du complot ont réellement tiré leur épingle du jeu ici, comme en attestent les qualificatifs haineuses et ignorantes d’ « insurrection » et d’ « anarchie » employés pour décrire les événements du Capitole.

L’administration Trump s’est démenée tout au long des dernières années pour faire passer les anarchistes, les « antifas », et Black Lives Matter pour des organisations terroristes alors même qu’elle refusait d’utiliser les mêmes termes pour qualifier les groupes néo-nazis et suprémacistes blancs. Si les deux partis majoritaires se proposent désormais d’enquêter sur Qanon (un groupe persuadé que Trump, qui est pourtant confronté à des dizaines d’accusations de viol, y compris sur mineures, serait occupé à sauver le pays d’une conspiration orchestrée par des célébrités et des politicien.nes juives mettant leur pouvoir au service du trafic d’enfants) et les Proud Boys (un groupe de chauvinistes occidentaux revendiqués fondés par le fondateur démissionnaire de Vice Media, Gavin Mcinnes), il est tout à fait certain que ce durcissement s’accompagnera d’un renforcement parallèle de la répression des mouvements d’émancipation. Une semaine tout juste avant le 6 janvier, l’administration Trump rédigeait un décret proposant d’interdire l’accès au territoire états-uniens à toute personne soupçonnée d’affinités anarchiste ou antifasciste.

Ce décret s’inscrit dans la longue liste des prérogatives élargies des gardes-frontières sous les administrations Obama et Bush, notamment depuis le Patriot Act, et devrait passer comme une lettre à la poste aux yeux de l’administration Biden qui s’annonce.

Tout ceci se déroule alors même que les Démocrates viennent d’accéder à la Maison Blanche et d’obtenir une majorité des sièges au Congrès. L’extrême-droite demeure en revanche aux manettes de la Cour Suprême, ce qui a des conséquences lourdes sur les vies des segments marginalisés ou minoritaires de la population, ainsi que sur la santé des mouvements révolutionnaires.

La persistance du soutien populaire, lequel découle à la fois de longues années à subir les énormités d’extrême-droite du gouvernement Trump et de la révolte (majoritairement noire) qui a fait suite à l’assassinat de George Floyd, est déjà largement menacée par les tromperies des huiles démocrates depuis la victoire de Biden en novembre dernier. Cette victoire ne laisse présager aucun traitement de faveur pour celles et ceux qui font face à des années d’emprisonnement pour leurs actes de résistance dans le cadre de la révolte « Black Lives Matter » de 2020.

Les meneurs sociaux-démocrates et la frange de la gauche qui conserve foi en l’État et en sa capacité de réforme aimeraient peindre cet événement sous les traits d’un « coup d’État avorté » ou d’une attaque portée contre la volonté populaire. Ces discours émanent très largement d’une part très privilégiée de la population qui considère que le système électoral est là pour l’écouter. La majorité des personnes qui ont usé de leur droit de vote en 2020 l’ont fait par culpabilité ou parce qu’elles se sentaient malheureusement obligées de choisir entre deux maux. Elles ont été conditionnées à ne pas en attendre trop d’un État qui use d’un slogan aussi affligeant que Freedom isn’t free, « la liberté se monnaie ». En tant qu’anarchistes, nous rejetons le processus électoral étatique dans son intégralité, et ne voyons aucune possibilité de triomphe d’une « volonté populaire » dans un système qui se maintient par la confiscation du pouvoir et la coercition. Les choix qu’ils nous proposent dans le cadre leur spectacle de votation démocratique ne correspondent en rien au chemin qui pourrait nous mener à la liberté. Dès lors, nous rejetons ces rituels. Par ailleurs, les rituels d’origine coloniale, tels que le vote représentatif dans un système eurocentrique, ne pourront jamais accorder la liberté à quiconque sur une terre volée.

Tandis que nous continuons, en tant que mouvements anarchistes, abolitionnistes, et révolutionnaires, à mener une lutte incomparablement plus sincère que celles qui animent des citoyen.nes déboussolé.es et des célébrités prétentieuses au gré des effets de mode, nous devons redoubler de solidarité afin de ne pas nous laisser isoler, alors que la violence exercée par des groupes fascistes de la société civile s’accroît, de pair avec un acharnement policier brutal qui arbore le sourire mensonger des élites sociales-démocrates.

On aurait presque envie de rire en contemplant les politicien.nes apeuré.es, la droite et la police qui en arrivent aux poings, et l’absurdité généralisée qui s’est matérialisée ce jour là. Néanmoins, nous ne pouvons oublier qu’au cours des dernières semaines, des antifascistes ont été pris.es pour cible et attaqué.es à coups de feu dans le Nord-Ouest du pays, ni qu’en parallèle du caprice fasciste au Capitole une femme noire a fait l’objet d’une tentative de lynchage public dans le cadre d’un rassemblement néofasciste à Los Angeles. L’inquiétude ne nous permet donc pas d’en rire.

La droite a adopté une posture post-moderne quant à la question du racisme aux Etats-Unis, parce qu’elle se sentait bridée par l’étau des « politiques d’identité » mâtinées de politiquement correct promue par le parti de droite modérée (les Démocrates). Cette politique semble prête à dénoncer n’importe quoi, à l’exception du classisme et du racisme systémiques, et présente l’attribution de métiers qui prolongent le statut quo colonial aux personnes colonisées comme une forme éthiquement viable de réparation et de dédommagement. Les groupes de droite ont donc opéré une transition vers un monde nourri de théories conspirationnistes piochées sur le deep web qui encouragent les personnes pauvres à se mettre au service de milliardaires et à traquer les reptiliens juifs qui « tirent les ficelles » du capitalisme mondial au travers du réseau 5G plutôt que de simplement avoir recours à la terminologie raciste historique autour de laquelle ils gravitent pourtant tous. Malgré cette rhétorique de haine extrême, ces groupes prétendent toujours être éligibles aux plus hautes fonctions. C’est là un problème qui se pose à l’échelle mondiale, puisque des fascistes de cette trempe ont fait émergence sur la scène publique aussi bien aux États-Unis qu’au Brésil, en Allemagne, et ailleurs.

Il est impératif que nous continuions à combattre le statut quo technocratique et libéral en même temps que nous maintenons notre garde dressée face à un fascisme contemporain dont les incarnations sont nombreuses et parfois déstabilisantes. Nous devons aussi être capables de reconnaître le regain d’assurance de notre propre mouvement. Aux États-Unis, les rangs des anarchistes, des antifascistes et des abolitionnistes ont énormément grossi malgré la répression violente qui leur a été opposée, et une nouvelle génération courageuse a fait preuve de sa force tout au long de l’année 2020.

Ni les murs des prisons, ni ceux des frontières ne suffisent à endiguer la solidarité révolutionnaire.

Celle-ci nous permet de rester vigilant.es, connecté.es, de ne jamais nous perdre de vue alors même qu’un nouveau confinement et une nouvelle ère de fascisme modéré nous guettent.

Cette solidarité révolutionnaire, nous l’exprimons à toutes les personnes qui risquent la prison pour avoir pris part à la révolte contre le suprématisme blanc, et à toutes celles qui mènent une lutte sincère contre l’État et le capitalisme.

—Radio Fragmata / Janvier 2021

Post-Script
*le profil Parler (réseau social prisé des extrémistes de droite) du policier mort de ses blessures à la suite des événements du Capitole, Brian Sicknick, a depuis été révélé publiquement. On a pu y découvrir que l’agent « suivait » de nombreux comptes d’extrême-droite, comme ceux de la Team Trump, d’Alex Jones ou de Gavin McInnes.
*Bien que cela n’ait rien de surprenant, il a depuis établi que de nombreux policiers hors-services et politiciens de droite avaient pris part aux agissements du 6 janvier. Selon certains rapports, des officiers auraient même montré leurs badges à des officiers en service au cours de la bousculade.

Tenez vous au courant des luttes en cours et de la répression à l’encontre des mouvements révolutionnaires via les sites suivants :
Bay Area Anti-Repression
https://antirepressionbayarea.com/ 
NYC Anarchist Black Cross
http://nycabc.wordpress.com
Its Going Down
itsgoingdown.org
RAM
https://revolutionaryabolition.org
Up against the law legal collective 
https://upagainstthelaw.org 
Portland General Defense Committee
https://pdxgdc.com

Puget Sound Prisoner Support
https://twitter.com/PugetSupport 

Michigan Solidarity Bail Fund:
https://michigansolidaritybailfund.com/
Tilted Scales Collective
http://tiltedscalescollective.org
Scuffle Town Anti-Repression
https://scuffletownarc.wordpress.com/