Montréal Contre-information
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As-tu peur de la police ?

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Mar 082021
 

Du COBP

Quand la police s’attaque aux personnes blanches …

Le rôle de la police est de faire peur. Nos éluEs ne s’en cachent pas : quand ils prescrivent un couvre-feu avec des amendes allant jusqu’à 6000$, ielles parlent de « traitement choc », de « passer un signal », et dans ce travail ielles considèrent les policièrEs comme leurs « alliéEs ».

Le travail de la police, c’est le travail de la répression, de l’imposition de force de lois décrétées par un gouvernement qui ne représente qu’une minorité de la population, élu par moins de 25% des personnes ayant le droit de voter. Il ne faut pas se méprendre : le virus est réel et dangereux, et des mesures sanitaires sont nécessaires. Mais plus le temps passe, et plus on se rend compte que les mesures choisies se basent sur les pressions des lobbyistes [1] et vont en contradiction avec tous les avis scientifiques, qu’ils viennent d’ici ou d’ailleurs [2].

… comme elle le fait pour les personnes racisées

Peu importe la validité scientifique des mesures, les flics s’en donnent à coeur joie, et ne se cachent même plus pour faire du stalking de certains groupes, comme par exemple les juifs hassidiques d’Outremont. Peu importe que mononc’ Gontran fait des party à chaque fin de semaine à Longueuil, il faut des flics pour compter le nombre de juifs qui entrent et qui sortent de chaque synagogue d’Outremont.

Parce qu’autant qu’on s’insurge contre les mesures qui nous sont actuellement imposées, autant qu’on les qualifient de liberticides et d’injustifiées scientifiquement, de sans coeur pour les personnes vulnérables … ces mesures sont le business as usual pour les communautés racisées de Montréal.

Prenons un exemple, la lutte contre les gangs de rue. Qui connait le travail de l’escouade Eclipse ? Qui a déjà vu leurs voitures passer dans ses rues, stationnées sur le bord d’un parc durant les fêtes de son quartier ? Si vous habitez en-dehors de Montréal Nord, la réponse est fort probablement pas. Et si vous habitez Montréal Nord, il est impossible de l’ignorer, car elle est partout.

Et alors que la gentrification pousse les personnes plus pauvres, souvent racisées, en périphérie de Montréal, la police les suit. Un quartier noir est en émergence à Laval, qui fait face à un service de police uniformément blanc et ouvertement raciste [3]. La réaction de la ville de Laval ? Créer sa propre escouade Eclipse [4].

On va en laisser une au SPVM : on ne peut pas les blâmer de faire du profilage racial quand l’esprit des lois est essentiellement raciste. Une brigade anti-gang de rue ne va pas sévir à Brossard. Il y a des gang de rue formés de jeunes blancHEs, mais ce n’est pas l’image qu’en font les médias. Ce n’est pas l’image propagée par la police. Ce n’est pas l’image que s’en font les covidiots qui vont faire la fête avec mononc’ Gontran. Alors, faut pas se le cacher, quand l’assemblée nationale passe une loi antigang, c’est essentiellement d’une loi anti-jeunes noirEs qu’on parle.

Quand le gouvernement passe un couvre-feu, il sait que ça ne fera pas mal à sa base qui vote pour lui, parce qu’ielles ont touTEs une maison, une cour arrière. Pis leur chalet dans le nord est toujours accessible, vu que les trajets entre les régions sont toujours possibles. Le gouvernement sait que ça fera mal aux douze personnes immigrantes de Parc-Ex, entasséEs dans le même deux et demi pas de galerie miteux de Parc-Ex. Mais il s’en fout, ces personnes ne votent pas pour lui, quand on leur laisse le droit de voter.

L’ « affaire » Camara

Parlant de Parc-Ex, l’affaire Camara n’est pas la goutte qui a fait déborder le vase pour les communautés racisées. Loin de là ! Le vase déborde depuis longtemps :
• Depuis la mort d’Anthony Griffin en 1987, tué alors qu’il était sans armes et qu’il obéissait aux ordres du policier Allan Gosset. Le policier n’a pas été blâmé pour ce meurtre, même s’il avait déjà une réputation de battre ses suspects.
• Depuis le meutre de Freddy Villanueva en 2008, ce qui n’a pas nuit à la carrière du policier Jean-Loup Lapointe, qui a été promu par la suite.
• Depuis l’assassinat de Bony Jean-Pierre en 2016. Le policier Christian Gilbert a été innocenté, même s’il est entré dans l’espace confiné d’un appartement en sachant très bien qu’il avait dans ses mains une arme potentiellement létale à moins de cent mètres.
• Depuis le meurtre de Nicolas Gibb en 2018, tué alors qu’il était en détresse et qu’il marchait en s’éloignant des policièrEs.
• Depuis le meurtre de Sheffield Matthews en 2020, tué alors qu’il était lui aussi en détresse.

Le traitement infligé à Camara n’est donc pas une surprise. Le rôle de la police est de faire peur, celle-ci ne peut pas accepter que quiconque lève la main sur elle. La police doit maintenir le monopole sur la peur, et pour ce faire elle se fait elle-même vengeance pour tout tort qu’elle pense avoir subi, peut importe ce que les lois spécifient.

Le passage à tabac de Camara, son incarcération pendant six jours, le saccage de son appartement, le traitement infligé à sa femme et à ses enfants … tout ça entre dans le programme de peur de la police. Peu importe que ces actions soient illégales : le rôle de la police n’est pas d’appliquer la loi, mais de faire peur, et il faut que les communautés racisées aient peur de la police. Et s’il y a des pots cassés, des vies brisées, ce n’est jamais le policier pris en faute qui paye.

Parce que si les personnes cessent d’avoir peur de la police, c’est tout le statu quo qui est menacé. La peur pourrait alors changer de camp : quel scandale ce serait si les boss avaient peur de leurs employéEs ! Si c’était les slum lords qui craindraient leurs locataires, les racistes qui auraient peur des personnes racisées ! Quel serait le scandale si c’est tout le Système qui aurait peur !

Le mot en « s »

Ah, le fameux mot en « s », « s » pour systémique pour reprendre l’expression de Boucar Diouf [5]. On va en donner une à mononc’ Legault, parce qu’il faut lui donner ça. Son refus de reconnaître le racisme systémique au Québec a motivé la publication d’une infinité de témoignagnes. Ces témoignages dépassent la sphère policière : discrimination à l’embauche, discrimination pour l’accès au logement, racisme en éducation, racisme en milieu hospitalier, et on en passe.

Le refus de reconnaître le racisme systémique est l’expression la plus pure du maintien du statu quo actuel. Du statu quo qui s’assure que les personnes racisées auront toujours les emplois de marde, les appartements de slum lords, les écoles pourries, et pas de pension parce qu’ielles mourront jeunes d’une maladie non-diagnostiquée.

Les lois mises en place visent à maintenir ce statu quo, qui assure que les personnes blanches auront en majorité le haut du pavé : les bons emplois, de bonnes maisons, de bonnes écoles, de bons hôpitaux, et surtout, un siège confortable à l’Assemblée nationale. Tsé, quand un chef de parti politique cite à répétition les mensonges de Rebel News et que c’est une personne qui dit que ça serait bien qu’on soit juste un peu moins raciste qui se fait rentrer dedans, tu sais tout ce qu’il y a à savoir sur le « système » québécois [6].

Le rôle de la police

Oui, il y a du profilage racial dans la police, oui il y a des flics racistes. Mais au final, la police n’est que la partie émergée de la répression envers les personnes racisées. La partie cachée de la répression, c’est la personne noire qui se fait sous-évaluer sa maison [7]. C’est la personne autochtone qui se faire refuser son assurance [8]. C’est la personne immigrante qui se fait refuser un prêt à la banque [9]. C’est Joyce Echaquan qui se fait tuer dans un hôpital. C’est Raphael André qui meurt dans une toilette chimique. C’est le genou qui t’écrase la gorge depuis ta naissance, et que tu ne peux pas vraiment connaître si tu n’es pas né avec.

Et toute cette répression qui assure que les personnes blanches se trouvent en haut, et les autres en bas, n’est possible que parce que le rôle de la police est de faire peur. Alors, on peut bien chiâler que les mesures sanitaires actuelles sont liberticides et sans raison, ce qui est vrai. Mais il faut se souvenir que cette répression policière, c’est le quotidien de toutes les personnes non-blanches à Montréal.

Parce que c’est ça, le rôle de la police, c’est de faire peur. C’est seulement plus évident pour nous, personne blanches, maintenant que les lois s’attaquent à notre liberté. C’est seulement plus visibles, maintenant que la police nous suit, maintenant qu’elle s’intéresse à nous.

Et quand il s’agit de faire peur, il n’y a qu’une chose de vraie : la police au Québec fait très bien son travail.

[1] On donne un « fuck you » tout spécial au lobbyiste anti-choix Vincenzo Guzzo.
[2] En voici deux : https://www.cbc.ca/news/politics/herd-immunity-should-not-be-supported-t… et https://www.ctvnews.ca/health/coronavirus/tam-urges-provinces-not-to-loo…
[3] Voir notamment : https://www.journaldemontreal.com/2020/08/12/plaque-au-sol-pour-une-video
[4] Sur l’escouade Eclipse à Laval : https://www.lapresse.ca/actualites/justice-et-affaires-criminelles/affai…
[5] Sur le mot en « s » : https://www.lapresse.ca/debats/opinions/2021-02-20/le-mot-en-s-pour-syst…
[6] Sur les propos du chef du bloc : https://www.ledevoir.com/politique/canada/593277/politique-federale-le-b… Et sur la personne racisée qui se fait censurer : https://www.ledevoir.com/opinion/chroniques/595416/la-censure-ordinaire
[7] Oui, c’est un exemple américain. Mais si tu penses que ça n’arrive pas au Québec, j’ai un pont à te vendre : https://thehill.com/policy/finance/housing/513770-florida-couple-says-ho…
[8] Au sujet des assurances : https://www.lapresse.ca/actualites/enquetes/2020-12-11/compagnies-d-assu…
[9] Voir : https://www.reuters.com/article/us-wells-fargo-immigration-idUSKBN1AK1VK

Lutter pour mettre fin à la criminalisation des corps des travailleuses du sexe depuis 1995

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Mar 032021
 

Du COBP

Stella, l’amie de Maimie : Lutter pour mettre fin à la criminalisation des corps des travailleuses du sexe depuis 1995

Les corps des personnes qui travaillent dans l’industrie du sexe sont criminalisés, surveillés, stigmatisés et discriminés quotidiennement. Certaines personnes respectent et vénèrent nos corps comme travailleuses du sexe, tandis que d’autres nous dénigrent et nous réduisent à des parties de corps. Les prohibitionnistes anti-travail du sexe et les forces de l’ordre tentent de nous contrôler parce qu’on utilise nos corps pour le plaisir, l’empowerment économique, et l’avancement dans la société. Même si nos corps ne sont que l’un des nombreux outils de travail que nous utilisons dans le contexte de notre travail du sexe, la stigmatisation autour du travail du sexe mène au contrôle social et à la criminalisation de notre travail et de nos vies. Ceci résulte à des services de santé, publics, juridiques et sociaux discriminatoires pour les travailleuses du sexe, ce qui compromet notre santé et notre sécurité.

La criminalisation – et la prohibition ultime des travailleuses du sexe, des clients, tierces personnes, et de la publicité – introduite par le biais de la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d’exploitation (née Loi C-36) entrée en vigueur en décembre 2014, touche d’abord et avant tout les travailleuses du sexe – elle déplace les travailleuses du sexe de lieux de travail habituels nous forçant à travailler dans des lieux inconnus et sans mécanismes de sécurité; elle criminalise la communication nécessaire au consentement dans le travail du sexe; et favorise la peur d’arrestation chez les clients ce qui fait qu’ils ne partagent pas des informations importantes aux travailleuses du sexe. Ces modèles de « mettre fin à la demande » sont souvent décris comme étant la « décriminalisation des travailleuses du sexe et la criminalisation des clients » – c’est un mensonge. Une compréhension limitée des modèles « mettre fin à la demande » signifie que leurs partisans ne sont pas conscients de la manière dont ce régime criminalise encore les travailleuses du sexe et nous mettent à risque.

Depuis 1995, les travailleuses du sexe à Montréal se battent pour la réforme des lois sur le travail du sexe – enlever les lois criminelles et d’immigration contre le travail du sexe, comme une première étape du respect des droits des travailleuses du sexe. La décriminalisation des travailleuses du sexe, des clients et des personnes avec lesquelles nous vivons et travaillons est primordiale pour respecter les droits à la sureté et à la sécurité des travailleuses du sexe qui sont garantis par la Charte. Cela fait écho non seulement à la décision Bedford de la Cour suprême, mais aussi à d’importantes recherches internationales sur les droits humains par Amnistie internationale, ONUSIDA, Human Rights Watch et l’Organisation mondiale de la santé qui font tous appel pour la décriminalisation totale du travail du sexe. La décriminalisation n’est qu’une première étape : les membres de notre communauté qui occupent l’espace public – particulièrement celles qui sont autochtones, noires, trans, qui consomment des drogues, qui vivent de l’itinérance – continueront d’être harcelées, surveillées et contrôlées. On attend depuis longtemps la fin aux visites non désirées et non sollicitées de la police dans nos vies.

Nous continuons notre lutte pour mettre fin à la surveillance de nos vies et de notre travail, et nous sommes solidaires avec les communautés pour le définancement de la police pour se rendre vers une société sans police.

Nous invitons les travailleuses du sexe qui travaillent à nous contacter pour des conseils et de l’appui sans jugement, et pour des moyens de vous protéger durant une période de surveillance accrue, de répression policière et sentiments généraux de prohibition.

http://www.chezstella.org

Solidarité avec les défenseur.es de 1492LBL

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Fév 282021
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Depuis juillet 2020, les défenseur.es des terre haudenochauni.e.s de Six Nations ont bloqué un projet résidentiel appelé Mackenzie Meadows, qui était prévu sur le territoire de Six Nations, près de la communauté de colon.es nommé Caledonia en Ontario. Les défenseur.es des terres refusant de voir leurs terres détruites davantage pour des intérêts coloniaux ont occupé le site de construction l’été dernier, le rebaptisant 1492 Land Back Lane. Suite à la réoccupation de leur territoire, une injonction a été accordée à Mackenzie Meadows et appliquée par l’OPP en août. Les défenseur.es des terres ont lutté contre l’expulsion violente de l’OPP, en se retirant temporairement du site. Peu après le raid, les défenseur.es des terres, soutenus par la communauté des Six Nations, ont bloqué la route Argyle et l’autoroute 6, et ont repris Land Back Lane à l’osti de police. En octobre de l’année dernière, la police a tenté d’arrêter un certain nombre de défenseur.es des terres, en tirant sur certain.es avec des projectiles « non mortels ». La police a finalement été chassé par des défenseur.es des terres déterminés, dont certaines de leurs voiture ont été défoncés en sortant. Cette dernière attaque violente de l’OPP a conduit les défenseur.es des terres et les membres de la communauté des Six Nations à déchirer la route d’Argyle, à perturber les lignes ferroviaires du CN qui traversent leurs terres, et à ériger des barricades afin de se défendre contre de nouvelles attaques policières.

Le 15 février, les défenseur.es des terres 1492 Land Back Lane ont achevé le démantèlement de diverses barricades afin de permettre aux membres de la communauté des Six Nations d’accéder à l’autoroute. Bien que les barricades routières aient été retirées, les défenseur.es des terres restent fidèles à leurs objectifs, vigilants face à la répression violente de l’OPP, et conscients qu’ils sont maintenant dans une position plus vulnérable.
L’automne dernier, les anarchistes et leurs complices ont répondu aux appels à la solidarité des défenseur.es de la terre de 1492 Land Back Lane par des actions contre les infrastructures essentielles à l’économie canadienne.

Nous continuons à être solidaires avec 1492 Land Back Lane, et nous invitons tous celleux qui envisagent un monde sans domination coloniale à se tenir au courant de la situation sur le terrain et à continuer à soutenir les défenseur.es des terres. Si l’OPP tente de profiter de la vulnérabilité accrue des défenseur.es des terres pour apporter de la violence à 1492 Land Back Lane, la réponse doit être rapide et étendue. En prévision de cette éventualité, nous recomandons avec insistance aux complices et allié.es anticoloniaux de prévoir des actions contre l’État et le capital, en tirant les leçons du mouvement #ShutDownCanada de l’hiver dernier.

En solidarité avec les défenseur.es de 1492 Land Back Lane! Fuck le Canada, Fuck l’OPP!

– anarchistes

Le verger au complet : Une série de podcasts sur l’abolition de la police et des prisons

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Fév 222021
 

De la Convergence des luttes anti-capitalistes

La Convergence des luttes anticapitalistes (CLAC) publie aujourd’hui le premier épisode d’une série de podcasts sous forme d’entrevues nommée Le Verger au complet. Le Verger au complet vise la diffusion d’information relative à l’abolition de la police et des prisons et à la justice, en abordant des thématiques telles que l’emprisonnement des migrant.e.s, la criminalisation de la dissidence et la justice transformatrice. Le premier épisode introduit l’idée derrière le projet et propose un survol historique de la police en Amérique colonisée et plus spécifiquement au soi-disant « Québec ».

Alors que les discours libéraux présentent les violences policières comme l’affaire de quelques pommes pourries dans le panier nous proposons plutôt une analyse critique de la police et des institutions punitives: on ne réforme pas un système pourri, on l’abolit! Attaquons-nous au verger au complet!

Si nos imaginaires radicaux sont aussi les vôtres et que vous souhaitez partager notre contenu encore tout chaud du four, toute diffusion publique et/ou à vos membres serait extrêmement appréciée! Le podcast peut être trouvé sur la plupart des plateformes de diffusions de podcasts.

Vous pouvez écouter notre premier épisode, HIS-1312 – Introduction et histoire de la police, ici :

L’épisode vise à retracer le développement des différents services de police dans le nord de l’Île de la tortue, pour mettre en évidence son importance pour le développement du racisme et du capitalisme qui continuent jusqu’à nos jours.

Produit par la CLAC, 2021. Diffusé sous license Creative Common – Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Partage dans les Mêmes Conditions 3.0 France (https://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/3.0/fr/)

Musique

* « Caché icitte » des Goules, tirée de l’album « Les Animaux », https://lesgoules.bandcamp.com/album/les-animaux , utilisé avec la permission du groupe.
* « Black Sheep » de Backxwash, tirée de l’album « God Has Nothing To Do With This Leave Him Out Of It », https://backxwash.bandcamp.com/, utilisé avec la permission de l’artiste.

Références

BRODEUR, Jean-Paul, 1984, La délinquance de l’ordre, enquête sur les commissions d’enquêtes (http://classiques.uqac.ca/contemporains/brodeur_jean_paul/delinquance_de…)
GAUTHIER, Carl, 2005, La sûreté du Québec un professionalisme en voie de développement, Mémoire de maîtrise, Université Laval (https://corpus.ulaval.ca/jspui/handle/20.500.11794/18395)
MAYNARD, Robyn, 2017, Policing black lives, Fernwood Publishing.
WILLIAMS, Kristian, 2008, Our ennemies in blue, South End Press.
ZINN, Howard, 2015, A people’s history of the USA, Harper Perennial Modern Classics, p.173-177.
La commission Viens: https://www.bibliotheque.assnat.qc.ca/DepotNumerique_v2/AffichageFichier…
La commission Keable: https://www.bibliotheque.assnat.qc.ca/DepotNumerique_v2/AffichageFichier…

Transcription

La police et les prisons sont des institutions violentes et racistes, issues d’un héritage colonial qui ne servent qu’à reproduire les injustices du système capitaliste. Tous les jours, même quand c’est la soi-disant paix sociale, la police violente, harcèle et incarcère les personnes les plus démunies et les plus opprimées. Et quand elles se soulèvent, c’est encore la police et la prison.

Le problème, ce n’est pas seulement les dérapes violentes de la police, mais l’institution policière elle-même, qui constitue une forme de violence tout comme les tribunaux, les lois et les prisons. Peut-on vraiment parler de pommes pourries quand l’institution entière existe pour réprimer et opprimer?  Le verger au complet, c’est une série de podcast sous forme d’entrevues touchant à différents thèmes liés à la police, aux prisons et à la justice, mise sur pied par la CLAC, la Convergence des luttes anticapitalistes, un groupe basé à Tiohtià:ke/Montreal, en terres Autochtones non-cédées habitées entre-autres par la nation Kanienkeha:ka. Nous vous proposons une analyse critique qui s’oppose à la vision libérale préférant cibler les pommes pourries dans le panier plutôt que de s’attaquer aux systèmes d’oppression. Ne leur laissons pas cette chance: On ne réforme pas un système aux fondations pourries, on les démolit! Attaquons-nous au verger au complet!

Derrière l’idée de ce podcast, il y a une volonté de partager les connaissances, les expériences et les imaginaires radicaux, afin de mieux comprendre qui sont et comment fonctionnent nos ennemis. Il peut être difficile d’y voir clair à travers la supposée neutralité du système juridique et les discours de légitimation de la police. Comment faire la part entre bavures individuelles et discriminations institutionnalisées? Qu’est ce qui explique la sur-représentation de certains groupes dans les prisons? Comment ces structures nous mettent à mal en prétendant vouloir nous protéger et nous servir? Comment la catégorie de « criminel » est-elle construite? Ne sert-elle pas seulement à nous faire avoir peur les unes et les uns des autres? En quoi le définancement de la police est-il insuffisant et son abolition nécessaire? Comment repenser la justice au sein d’un État qui perpétue le génocide des peuples Autochtones? Quels type de justice alternatives pourraient remplacer les systèmes répressif et punitif actuels? Quelle forme prendraient une justice transformatrice dans une société post-révolutionnaire? Et dans la société actuelle? C’est entre autres ce que nous nous proposons d’explorer au fil de ces épisodes.

Dans cet épisode, on va traiter de l’histoire de la police sur l’île de la Tortue. On va d’abord discuter des fondements de la police comme outils de protection de la propriété privée et comme groupe organisé et rémunéré visant à l’application de règles des autorités établies. On discutera ensuite du développement de forces policières dans l’Amérique colonisée en brossant un portrait de l’histoire de la police au soi-disant Canada, au soi-disant Québec, puis aux soi-disant États-Unis. Tout ça pour mettre en évidence les différentes motivations qui ont amené l’implantation de ces organisations, exposant leur caractère profondément raciste et capitaliste.

Q : À partir d’où tracerais-tu les débuts de la police comme on la connaît?

R : C’est un gros débat académique de savoir à quand date l’apparition de la police. En fait, des forces militaires, des groupes armés, des gardes du corps, des mercenaires ont existé depuis des temps immémoriaux. Pour ce qui est d’une définition de la police moderne, elle comprend différents aspects: 
• une force permanente et salariée,
• ayant un responsabilité 24 heures par jour sur une ville ou un territoire
• et dont le personnel est principalement occupé à l’application des lois et au contrôle
Pour revenir à son origine, les forces policières se renforcent au fur et à mesure de l’implantation du capitalisme. Les premières forces policières organisées telles que nous les concevons de nos jours sont apparues en Angleterre au 18ème siècle. Avec le mouvement d’appropriation des terres et d’expulsion des paysans et paysannes qui a commencé deux siècles plus tôt, phénomène qu’on associe à la naissance du capitalisme moderne, les plus riches propriétaires terriens craignent les soulèvements des paysans et paysannes expropriés. En plus d’enclôturer leurs terres afin d’empêcher l’accès au territoire, d’où le terme « enclosures », les seigneurs vont utiliser leurs ressources pour former des milices armées et protéger leur propriété. Précisons que depuis l’Antiquité jusqu’à la Renaissance, la royauté et les seigneurs recourent à leurs armées afin de réprimer violemment les révoltes des populations pauvres. Mais c’est avec l’émergence de l’État moderne qu’on voit une démarcation claire entre armée et police, pour la fonction de répression interne de la population.

Q : D’ailleurs, le déplacement vers les villes s’accompagne de plusieurs pratiques disciplinaires qui marquent les populations pauvres dans ce qui sera appelé « le grand enfermement ». Depuis le 15ème siècle, des mesures sont mises en place pour empêcher les gens qui sont capables de travailler de bénéficier de l’assistance sociale. Puis, la chasse aux sorcières s’en prendra aux femmes seules ou sans enfant et forcera plusieurs femmes vers la mise en famille. Le grand renfermement et l’apparition des asiles survenues au 17ème siècle a déplacé les personnes considérés inaptes à travailler dans des institutions. Ensuite, l’apparition des prisons au début du 18ème siècle a écarté une autre grande partie de la population. Par exemple, les nombreuses lois contre les vagabonds visent directement les personnes qui vivent du glanage, c’est-à-dire de la chasse illégale dans les forêts communes ou de la cueillette. De quelle façon la répression interne dont tu parlais a contribué à la stratification socio-économique pendant l’émergence capitalisme moderne?

R : C’est vrai que l’exode forcée des paysans et paysannes sans terres vers les villes causé par les situations que tu as nommées coïncide avec la première vague d’industrialisation et la consolidation de la bourgeoisie en tant que classe dominante. Cette bourgeoisie, propriétaire d’usines, bénéficie alors du travail bon marché des nouveaux et nouvelles citadins et citadines. Les villes deviennent des espaces où se côtoient la richesse la plus extravagante et la pauvreté la plus trash. Avec la création des premiers syndicats ouvriers et des grèves, la classe dirigeante craint une Révolution. C’est essentiellement pour contrôler ces nouveaux foyers de luttes, organisées ou non, que le premier corps policier moderne a été créée à Londres en 1829. À noter que cette réforme à été mise en place par le conservateur Robert Peel, qui, en passant, possède une rue à son nom à soi-disant Montréal. En fait, la plupart des services de police en occident sont créés en parallèle à des mouvements de grèves dans les usines. Supposément pour prévenir les émeutes, la police réprime les réunions syndicales, emprisonne les leaders syndicaux et utilise la violence pour écraser les manifestations. Lorsqu’elle n’est pas utilisée pour le contrôle des foules, on la charge de patrouiller les quartiers pauvres et d’assurer la tranquillité des quartiers riches. Derrière la création des forces policières se trouve l’idée qu’en contrôlant les soi-disantes « classes dangereuses », on diminuera les crimes. Voilà qui résume la double fonction de la police moderne: d’une part, la surveillance et l’intimidation au nom de la lutte à la criminalité et, d’autre part, la répression et le contrôle des grèves, émeutes et grandes manifestations.

Q : Fait intéressant: Les marchants riches engagent depuis longtemps des brutes ou des mercenaires pour protéger leur biens contre d’éventuels voleurs, mais avec la prise de contrôle graduelle des pouvoirs étatiques par la bourgeoisie, ils utilisent la création de services de police comme une manière de financer publiquement cette protection. Ils évitent donc d’avoir à payer eux-mêmes des agents de sécurité privés et renvoient les coûts à la société toute entière. Bref, la police moderne remplace la milice privée et le mercenariat, mais sa fonction première reste la même: protéger la propriété des mieux nantis et le système politique qui les avantage.

R : Et en prime, ce sont maintenant les opprimés qui paient!

Q : Donc là, on a parlé surtout du rôle de la police dans le contrôle des classes sociales chez ses propres citoyennes et citoyens. Maintenant, peux-tu parler du rôle de la police chez les peuples colonisés du soi-disant Canada?

R : Évidemment, la création de la Confédération canadienne en 1867 n’a pas mis un frein aux politiques colonialistes qui prévalaient à l’époque. Au contraire, tout au long de son histoire et jusqu’à aujourd’hui, le Canada reste un État colonial et ses forces policières sont utilisées pour imposer ses décisions politiques au détriment des populations autochtones. Malgré le mythe tenace selon lequel la Canada est un pays moins violent, aux méthodes plus humaines que son voisin du sud, l’histoire de la police, particulièrement la GRC, mais aussi la SQ au Québec, nous démontre que sous son masque bienveillant le Canada n’a rien a envier aux violences et à la barbarie des autres États coloniaux. Le Canada reste le territoire d’une compagnie, la compagnie de la baie d’Hudson, transformé en pays.

C’est à partir d’une force militaire formée expressément pour mater les rébellions Métis que la Police montée du Nord-Ouest, l’ancêtre de la GRC, va voir le jour au nord de l’actuel soi-disant Manitoba. Un convoi militaire d’un millier de soldats  est envoyé pour réprimer la Rébellion de la Rivière Rouge, à laquelle participent Louis Riel et ses alliées.Puis, il est établi comme force permanente sur ce territoire pour être finalement transformé en Police Montée en 1873. L’organisation participe à l’écrasement de nombreuses révoltes autochtones et Métis tout au long du 19e siècle. C’est après la grève insurrectionnelle de Winnipeg en 1919, que la Police montée du Nord-Ouest devient officiellement la Gendarmerie royale du Canada.

Q : C’est pas surprenant quand on voit ce qu’elle fait aujourd’hui.

R : En effet, le rôle de la GRC c’est d’être le bras armée dans la continuité des politiques colonialistes canadiennes. L’État se doit d’avoir plein contrôle sur l’ensemble du territoire qu’il définit comme « le sien ». Les souverainetés autochtones sont tolérées dans la mesures où elles n’entrent pas en contradiction avec les intérêts corporatifs du régime ou des compagnies qu’il protège. La GRC est alors déployée comme une armée d’occupation en territoire ennemi pour faire respecter les lois et les décrets votés par le parlement canadien… ou les projets privés cautionnés par le gouvernement. 

Q : On peut penser à certains projets extractivistes qui ont fait l’objet d’une résistance Autochtone importante dans les dernières années, comme par exemple le pipeline Coastal GasLink, le pipeline TransMountain ou le projet Alton Gas. 

R : Exactement, c’est difficile de dénombrer les projets coloniaux qui nécessitent une répression policière des protectrices et protecteurs du territoire au soi-disant Canada parce c’est simplement une réalité constante et omniprésente de l’occupation Canadienne.

Q : Quand on regarde l’histoire des luttes Autochtones au soi-disant Québec et les disputes territoriales actuelles, on se rend compte que c’est plutôt la Sureté du Québec, la SQ, qui incarne la menace de violence envers les Autochtones qui défendent leur territoire traditionnel. La force de police au soi-disant Québec, ça a débuté comment?

R : On peut remonter au rapport Durham de 1839 qui recommande la ré-implantation d’une police au Bas-Canada. Le rapport dit que la police a toujours été dysfonctionnelle sur le territoire et que ses six agents n’avaient aucun compte à rendre. C’est donc après la rébellion des patriotes que le premier service de police moderne voit le jour au Canada, avec comme objectif explicite de surveiller les activités politiques des populations rebelles. Les services de polices de Montréal et de la ville de Québec sont quant à eux crées en 1843 chacun composés d’une cinquantaine d’hommes. La police provinciale est officialisée par l’Acte de police du Québec en 1870, abolie par les libéraux en 1878 et ré-établie par les conservateurs en 1883. En 1937, le gouvernement ultra-conservateur de Maurice Duplessis réorganise la police provinciale en quatre services distincts: la police judiciaire, la gendarmerie, la police de la route et la police des liqueurs. La même année, la Loi du cadenas a été adoptée. Cette loi mène à des perquisitions et à la fermeture des établissements soupçonnés d’héberger des activités subversives, notamment des journaux communistes de l’époque, mais aussi des activités syndicales. La SQ est née suite à l’implémentation des recommandations du rapport Cannon de 1944, qui, et je cite: « se penche sur le véritable rôle de la Sûreté provinciale, notant que, dans l’opinion publique, la Sûreté était depuis des années critiquée pour l’inefficacité de son travail et le résultat négatif de ses activités ». Il semble déjà y avoir une constante, la police est inefficace.

Q : Effectivement. Puis là, si je comprend bien, l’organisation des différentes forces de police sur le territoire, c’est pas une histoire tout a fait linéaire?

R : Non en effet, et l’importance relative de la SQ en comparaison aux polices locales et municipales va continuer de changer entre l’époque de Duplessis et aujourd’hui. En général, dans les années 70s, et depuis l’implantation de leur centre opérationnel sur la rue Parthenais à Montréal, les policiers vont développer plus de niveaux hiérarchiques, implanter différentes spécialités, et s’équiper de gestionnaires pour encadrer le tout. Depuis 1960, les services de police municipaux tendent de plus en plus à disparaître pour laisser place à la SQ. C’est comme ça qu’entre 1960 et 1980, la SQ est passée de 1500 à 4500 agents, en plus d’ajouter 1000 employés civils. En 1977, la commission Keable sur l’infiltration du FLQ par la police, rapporte que les opérations étaient dépourvues de légitimité et estime que les corps policiers ne sont soumis à aucun contrôle satisfaisant. La même année, la commission Mcdonald blâme sévèrement la GRC pour diverse pratiques illégales (écoute électronique sans mandat, vols, fabrication de faux documents) et ses recommandations mènent à la séparation du service de police fédéral et de sa branche de contre-espionnage, qui devient le Service canadien de renseignement et de sécurité, le SCRS, en 1984.

Q : 1984, bel adon! Après ça, le prochain événement d’importance pour la police provinciale, vous l’aurez deviné, c’est l’intervention de la SQ lors du blocage d’une route par les Mohawks/Kanienkeha:ka de Kanesatake, le 11 juillet 1990. Un assaut manqué qui a coûté la vie à un agent, le caporal Lemay. Au fur et à mesure du déroulement de la crise d’Oka, les propos désobligeants envers les autochtones tenus par le représentant de l’Association des policiers provinciaux du Québec (le syndicat des agents de la SQ) pis les responsable de la SQ eux-mêmes, renforçaient l’image négative de la SQ. Voici un extrait du journal La Presse qui dénonce racisme de la SQ et son manque de nuance dans ses communiqués de presse: 
« Ce communiqué, où l’on n’a même pas la décence de faire la distinction entre les Warriors armés et l’ensemble de la communauté Mohawk, donne l’image d’une police raciste, aux yeux de laquelle tout Mohawk est un criminel en puissance ». 

Un rapport du coroner sera produit à ce moment, le rapport Gilbert, qui montre que la SQ a décidé d’intervenir seule, sans l’autorisation explicite du ministre. Le rapport Gilbert nous dira, ouvrer les guillemets:
« Lorsque l’ordre social et la sécurité publique sont menacés, le problème en est un qui doit être pris en main par le gouvernement et non laissé à la décision isolée de la police. » Fermer les guillemets.

Donc, même si les différentes commissions d’enquête qui se succèdent ont des mandats et des contextes différents, il reste que les services policiers continuent d’agir sans nécessairement devoir répondre à qui que ce soit. Après Oka, de nombreux efforts sont mis en place pour encadrer le corps de police provincial et le rendre plus transparent aux yeux du public. Mais malgré les efforts pour camoufler leurs bavures et leur incompétence, les rapports qui suivent continuent de pointer les mêmes problématiques.

R : Oui et c’est pas tout, avec l’obligation de toutes les municipalités du Québec de plus de 5000 habitant-e-s d’avoir un service de police, mise en place depuis 1992, plusieurs petites villes et communautés rurales ont eu à transférer leurs activités à la SQ. C’est le cas par exemple du service de police de Joliette, qui est passé au contrôle de la SQ en 2008, de celui de Val-d’Or en 2002 et tout récemment, celui de Mont-Tremblant. C’est le cadre qui va mener à la commission Viens sur les relations entre les communautés autochtones et certains services publics, dont la SQ de Val-d’Or, suite aux témoignages d’une dizaine de femmes autochtones rapportant des abus physiques et sexuels, de la négligence et du mépris entre 2002 et 2015. Ce rapport nous dit aussi que, et je cite:
« Entre le 1er janvier 2012 et le 31 août 2017, 4 270 constats d’infractions ont été remis à Val-d’Or. 75,1% de ces personnes étaient d’origine autochtone ».
Les motifs de ces interventions, selon la police sont les nombreuses infractions à la réglementation municipale, dont flâner, se trouver en état d’ébriété dans un endroit public ou troubler la paix. Encore une fois, les policiers, responsables de l’ordre public, agissent en fonction de priorités qu’ils définissent eux-mêmes. Ce sont les mêmes reproches que dans le rapport sur la crise d’Oka. La soi-disante transparence n’a aucunement augmenté et le racisme n’a pas été remis en cause. C’est presque grotesque que malgré plusieurs rapports pointant les mêmes violences et les mêmes lacunes, rien ne change réellement sur le terrain et l’histoire semble se répéter sans cesse.

Q : On parle de rapports et de commissions d’enquête, pourtant la seul tendance qu’on semble constater chez la SQ ou le SPVM, c’est l’accroissement de leur budget et de leur capacité technologique, mais leur rôle et leur façon d’agir restent sensiblement les mêmes. Peut-être qu’on peut essayer de synthétiser tout ça; j’aimerais que tu parles justement de la façon dont l’État présente la police à la population.

R : On s’entend, depuis trois quart de siècle, la police est inefficace, contre-productive et agit en cavalier seul. Même si les rapports des commissions présentent une relation houleuse entre l’État et sa police, on doit se demander: est-ce vraiment le cas? Une institution dysfonctionnelle, qui est rabrouée tout les 10 ans sans jamais rien changer me semble un signe indéniable que: son rôle informel est en fait son rôle formel. Sur papier, l’État a les compétences pour « faire le ménage » au sein des corps policiers en termes de transparence et d’imputabilité. Mais le simple fait que rien n’est mis en place depuis toutes ces années souligne très bien qu’on a affaire à plus qu’une pomme pourrie, mais bien un verger au complet, et ce tant du côté de l’État qui profite de la situation que de la police. 

Pensons par exemple à certaines manifestations du 1er mai, en réponses aux assassinats de la police ou au Printemps 2012 et 2015. Comment le ministre de la sécurité publique peut-il tolérer que des centaines de policiers armés attaquent violemment des manifestantes et manifestants à proximité de zones résidentielles? En fait, il y a deux hypothèses. La première c’est que la classe politique ne veut pas savoir les détails, pour éviter d’être tenue responsable. La seconde, plus plausible, est que ses ordres proviennent directement des éluEs, mais que ces ententes sont gardés secrètes. Dans un cas comme dans l’autre, la responsabilité des agissements de la police n’est pas assumée par les pouvoirs politiques, mais tout de même supportée tacitement. La répression, la violence et les agressions envers les plus vulnérables, qui sont au centre des agissements que la police, aurait pu diminuer en implantant les mesures d’un rapport ou d’un autre, si la volonté du gouvernement existait. Mais l’État se soucie peu de l’application des mesures, sinon que des apparences qui facilitent son acceptation sociale. La police provinciale a été mise en place à la suite de soulèvement populaires et contribue au maintient du colonialisme, du racisme et du capitalisme. C’est son rôle officieux, parfois exposé, mais jamais sanctionné. On est loin d’une quelconque garantie de justice ou d’impartialité qui garantirait le respect de la loi, comme on aime nous le dire. 

C : En d’autres mots, les services de police ne sont que les chiens de garde de l’État, jamais dociles, jamais contrôlables, même si l’État s’achète une bonne conscience et tente d’embellir son image en les critiquant de temps à autre.

Q : Pour mieux comprendre les manifestations contre la police et le mouvement Black Lives Matter aux États-Unis, peux-tu nous parler des origines de leur police?

R : La police aux États-Unis est une continuité de l’esclavagisme. Selon Howard Zinn, au 19e siècle, comme les populations esclaves américaines étaient moins nombreuses et moins denses que dans les Caraïbes, l’évasion était plus réaliste que l’insurrection armée. Les propriétaires d’esclaves mettent alors sur pied des dispositifs pour surveiller les esclaves sur leurs terres, les overseers, mais également pour retrouver les esclaves en fuite, les slave patrols, les patrouilles d’esclaves. Ces patrouilleurs agissent avec une cruauté inqualifiable envers les esclaves récalcitrantes et récalcitrants, allant jusqu’à la torture et l’assassinat légalisé. Ils utilisent des chiens de chasse pour traquer les personnes fugitives et les mutiler. Les peines pour les personnes blanches aidant des esclaves à s’enfuir sont aussi rehaussées avec le Fugitive Slave Act de 1850, qui sera appliqué dans les États du Nord, où l’esclavage est pourtant interdit. C’est entre autre aussi dans le but de décourager la solidarité de classe entre personnes noires et personnes blanches que les autorités du Sud, comme du Nord, mettent en place une ségrégation raciale de plus en plus stricte. Les overseers, engagés pour réprimer les esclaves, sont souvent des immigrants irlandais eux-mêmes très pauvres, ce qui accentue la division raciale au profit de l’élite propriétaire.

Les slave patrols servent une autre fonction, essentiellement contre-insurectionnelle: leur présence et leur méthodes brutales agissent de manière préventive, qu’on pourrait qualifier de terroriste, pour décourager tout soulèvement de la part de populations noires.

Q : Et après la guerre civile?

R : Après la Guerre Civile et l’abolition de l’esclavage, la tradition esclavagiste se poursuit dans les États du Sud. Les esclaves nouvellement libérés demeurent liés à leurs anciens maîtres à travers des dettes ou des conditions de vie misérables pour les rendre dépendantes et dépendants du nouveau système économique importé du Nord. Mais pour pouvoir exploiter leur force de travail dans les usines, il faut les autoriser à circuler librement, au grand regret de la population blanche, qui vit dans la peur constante d’une insurrection. C’est devant cette menace perçue que sont créée les premières polices modernes dans les villes. Dans certains cas, les soulèvements populaires appréhendés se sont bel et bien produits. Au Nord, entre 1801 et 1832, les noirs de New-York, par exemple, ont déclenché pas moins de quatre émeutes pour tenter d’empêcher les esclaves affranchis d’être renvoyés à leurs anciens maîtres. Ces efforts ont généralement échoué: la garde a répondu violemment et les participantes et participants ont reçu des peines particulièrement sévères. Mais malgré la désapprobation de l’élite et la répression, les classes populaires ont continué de se révolter, parfois même en transgressant les barrières raciales. 

Q : Donc gros spoiler, l’abolition de l’esclavage, c’est plutôt une transformation des mécanismes d’exploitation, c’est bien ça?

R : Exact, comme je disais, après la guerre, plusieurs états du Sud créent de nouveaux codes de lois qui reproduisent leurs lois esclavagistes, et qui régissent les déplacements et à peu près toutes les sphères de la vie des esclaves libérés. On les appelle les Black Codes ou Black Laws. Par exemple, selon les vagrancy laws, qu’on pourrait traduire comme lois sur le vagabondage, on retrouve l’obligation de trouver un travail, sans quoi on peut se faire arrêter et emprisonner pour n’avoir que marché dehors sans preuve d’avoir un travail. Ça donne le pouvoir aux employeurs et ça fait que les gens sont obligés de prendre n’importe quelle job de marde. C’est carrément de l’esclavage à peine salarié.

Q : Donc l’esclavage est soi-disant aboli… mais le fait d’exister sans travailler est criminalisé. Puis en prison, c’est le travail forcé!

R : Oui, et même si les overseers et les slaves patrols sont abolies, dans les faits, les forces policières qui les remplacent vont en conserver plusieurs éléments, dont faire respecter les couvres-feu, la surveillance des quartiers et, bien sûr, un racisme insidieux. Dès sa naissance, par exemple, le Ku Klux Klan jouit d’une immunité face à ses crimes, alors que les prisons que l’on bâtit par centaines au pays se remplissent majoritairement de détenus noirs. Ce n’est pas surprenant quand on sait que les membres du Klan sont souvent eux-mêmes des policiers ou des sheriffs. Avec une telle histoire, on comprend mieux pourquoi le profilage racial est autant enraciné dans les structures policières actuelles; c’est l’essence même de sa fondation. Aux États-Unis comme au Canada, les personnes Noires et Autochtones sont sur-représentées dans les prisons, et le racisme des services de police, qui se combine avec celui des systèmes de justices contribue fortement à cette situation. En ce moment, aux États-Unis, 40% des personnes incarcérées, tous niveaux confondus, sont Noires, alors qu’elles représentent 13% de la population. Il y a des États, comme la Louisianne et l’Oklahoma, où plus d’un pourcent de la population est actuellement incarcérée.

C : Des pendaisons publiques aux détachements militaires dans les villages, les démonstrations publiques de cruauté ont toujours visé a susciter la peur chez celleux dont l’existence est jugée un affront. Il faudrait qu’on accepte l’ordre social et qu’on abandonne notre pouvoir collectif à un vote aux quatre ans…

Tant qu’un segment de la population exercera un pouvoir disproportionné sur le reste d’entre-nous et sur les ressources dont on a besoin pour survivre, la police existera pour réguler, discipliner et maintenir ce contrôle. La violence policière n’est pas un accident – c’est une menace quotidienne – qui ne peut être séparée du contexte socio-politique dans lequel elle existe. Les mesures d’austérité s’accroissent, les mécanismes d’exploitation néocoloniale se modernisent, et les technologies de surveillance se normalisent dans nos quartiers en gentrification.

Dans le prochain épisode, on interview une militante du Collectif Opposé à la Brutalité Policière (le COBP) pour une discussion introductive sur l’abolition de la police. Ce sera l’ occasion d’explorer et d’avoir des réponses aux questions fréquemment posées sur la transition vers un monde sans police et de repenser sur quoi est basé notre sentiment de sécurité.

D’ailleurs, on en profite pour vous inviter à la 25e Manifestation Internationale contre la brutalité policière du 15 mars, organisée par le COBP. Restez à l’affût pour les détails.

Berlin: Rigaer94 appelle à la solidarité internationale – la destruction de notre espace est attendue

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Fév 182021
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Après l’expulsion du house project anarcha-queer-féministe Liebig34 le 9 octobre 2020, l’offensive de l’État et du capital contre les structures autogérées dans le nord de Friedrichshain et dans d’autres quartiers de la ville n’a pas cessé. La Liebig34 est depuis lors sous le contrôle du propriétaire et la présence de son gang a également eu un effet sur la vie locale. La Dorfplatz (« place du village ») située juste en face de la maison a été, ces derniers mois, moins utilisée par les résidentes et les visiteureuses comme espace commun et a connu quelques affrontements mineurs avec les envahisseurs. En prenant l’un des points stratégiques du quartier et en éliminant en même temps un adversaire politique, l’État et la capitale ont pu se concentrer sur la Rigaer94, qui se trouve à quelques mètres de la Dorfplatz et qui a été un sujet récurrent dans les médias au cours de l’année dernière.

Il y a quelques jours, des flics et des pelleteuses ont détruit un campement de sans-abri à Rummels Bay, à quelques kilomètres de chez nous. Le prétexte était le gel extrême, en réalité il est aussi là pour servir le profit des investisseurs. L’expulsion du Potse est également prévue dans les prochaines semaines – la ville est en train de supprimer tout site rebelle.

Ce qui a commencé par des plaintes ridicules de l’opposition parlementaire sur les risques d’incendie de la maison est devenu l’un des problèmes centraux des forces de l’ordre. Tous ceux qui ont dépensé leur énergie pendant des années pour créer une image dépolitisée de Rigaer94 comme une maison pleine de gangsters brutaux ont commencé à parler de leur inquiétude que les habitant-es puissent mourir tragiquement dans un incendie. Leur rhétorique est très transparente car elle était principalement basée sur le fait que la maison dispose de plusieurs mécanismes pour barricader rapidement les entrées principales. Ces barricades sont en fait une pièce centrale de la sécurité des habitantes. Non seulement les réseaux «sociaux» regorgent de menaces fascistes visant la maison, mais les flics ont également prouvé ces dernières années qu’ils étaient non seulement capables de lancer des actions très violentes soutenues par la loi, mais aussi de coordonner ouvertement leurs actions avec les forces para-étatiques, à savoir les fascistes organisés et la structure mafieuse de l’industrie immobilière. Par exemple, le propriétaire de Liebig34, mais aussi d’autres sociétés, sont bien connus à Berlin pour avoir expulsé des maisons en les incendiant. Le message derrière cette fausse discussion sur notre sécurité n’était rien d’autre qu’une menace directe et un appel aux forces para-étatiques pour qu’elles mettent le feu à notre bâtiment. En même temps, il visait à créer une opinion publique et une base juridique pour détruire la structure de la maison sans avoir à obtenir un titre d’expulsion.

L’obstacle juridique sur la voie d’un titre d’expulsion est apparu en 2016, lorsque la Rigaer94 a repoussé une action policière majeure de trois semaines. Sous la pression de l’opinion publique, un tribunal avait déclaré l’invasion de la maison illégale et n’avait pas reconnu les avocats du propriétaire qui est, soit dit en passant, une société de boîtes aux lettres au Royaume-Uni. Des événements récents ont fait repartir cette situation à zéro. Début février, un tribunal a décidé que la police devait soutenir cette société de boîtes aux lettres pour garantir la soi-disant sécurité incendie à la Rigaer94. Par cette décision, le propriétaire est officiellement reconnu et va bientôt essayer d’entrer dans la maison en compagnie d’un expert national en matière de sécurité incendie et, bien sûr, d’énormes forces de police. Lors de raids similaires contre Rigaer94, les forces de police spéciales et les ouvriers du bâtiment ont causé de lourds dommages au bâtiment. Leur objectif a toujours été de rendre la maison inhabitable avant qu’elle ne puisse être expulsée et qu’elle ne soit rénovée.

Nous pensons que le prétexte de la sécurité incendie sera utilisé non seulement pour enlever nos barricades, mais aussi pour faire une descente légale dans tout le bâtiment et pour expulser les appartements afin de créer des bases permanentes pour la bande de propriétaires qui commencera à détruire la maison de l’intérieur. Comme prévu, la sécurité incendie est maintenant utilisée comme un outil pour terroriser les structures rebelles qui se sont emparées de la maison il y a plus de 30 ans et qui ont été impliquées dans de nombreuses luttes sociales différentes ainsi que dans la défense de la région contre l’État et le capital. En général, nous pensons que l’importance d’une communauté combative en combinaison avec un territoire occupé ne peut pas être sous-estimée. La Rigaer94 , avec ses jeunes autonomes et l’espace non commercial autogéré Kadterschmiede, est un lieu de convergence pour l’organisation politique et de quartier, qui abrite non seulement des personnes en lutte mais aussi l’héritage de l’ancien mouvement de squat et du mouvement en cours contre l’embourgeoisement et toute forme d’idées anarchistes. De nombreuses manifestations, événements politiques et cultuels ont eu lieu à partir de la maison et, pour ne pas l’oublier, de nombreux affrontements avec les forces de l’État dans le quartier ont été soutenus par l’existence de ce haut lieu. C’est pour cette idendité politique que la Rigaer94 et les structures et réseaux rebelles qui l’entourent traumatisent des générations de flics et d’hommes politiques et sont ainsi devenus un point central de leur agression contre celleux qui résistent. Au moment même où les derniers lieux non commerciaux et autogérés de Berlin sont expulsés, où la pandémie est utilisée pour répandre le virus du contrôle, de l’exploitation et de l’oppression, nous devons prendre au sérieux la menace d’une tentative très possible de nous expulser dans les jours ou les semaines à venir et, par conséquent, nous choisissons de continuer à nous organiser avec des démarches collectives pour défendre nos idéologies et nos espaces politiques. Cependant, il est politiquement important de continuer à lutter pour toutes nos luttes sociales du mouvement révolutionnaire, même en dehors de cette maison, et de ne pas laisser ceux qui sont au pouvoir intervenir dans nos agendas politiques et notre résistance.

Ils pourraient expulser notre maison, mais ils n’expulseront pas nos idées. Pour maintenir ces idées en vie et les alimenter, nous invitons tout le monde à venir à Berlin pour plonger la ville des riches dans le chaos. Nous appelons à tout type de soutien qui pourrait nous aider à empêcher la destruction de la Rigaer94. Mais si nous perdons cet endroit au profit des ennemis, nous sommes prêts à créer un scénario sans vainqueur.

Rigaer94
Rigaerstrasse 94, Berlin, Allemagne
https://squ.at/r/49pd
https://squ.at/r/5fm
https://rigaer94.squat.net/

Sur la réponse anarchiste à la pandémie mondiale

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Fév 102021
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

La crise de la COVID 19 a représenté un défi pour les anarchistes et pour toutes celles et ceux qui croient en une vie pleinement autonome et libérée. Nous écrivons ceci aujourd’hui car nous avons le sentiment que trop de personnes qui, en des temps meilleurs, portent ces couleurs politiques et philosophiques, mettent de côté leurs croyances fondamentales – ou pire – les déforment de manière tout à fait décevante, et se conforment ainsi aux mandats des technocrates et des politiciens, convaincues qu’il s’agit d’un grand acte de solidarité envers les plus vulnérables.

Nous disons haut et fort que si les principes politiques que vous défendez et encouragez en temps normal se rétractent dans les moments de crise, ils n’ont aucune valeur. Tout système d’organisation ou toute croyance en l’autonomie humaine qui doit être mis de côté aux moindres soubresauts de l’histoire ne vaut pas la peine d’être conservé lorsque l’urgence s’estompe. En effet, ce sont les moments difficiles qui mettent nos idées à l’épreuve et nous disent si elles sont ou non aussi solides qu’on pourrait le croire.

En tant qu’anarchistes, l’autonomie de notre esprit et notre corps est une valeur essentielle. Nous estimons que les êtres humains sont suffisamment intelligents pour décider eux-mêmes comment évaluer leur environnement et déterminer comment avancer dans la vie en répondant à leurs besoins et désirs. Bien entendu, nous reconnaissons que cette autonomie s’accompagne d’une véritable responsabilité, non seulement envers soi-même, mais aussi envers celles et ceux avec qui on vit en communauté – humains et non humains. Nous acceptons tout à fait qu’on puisse demander à des individus de coopérer à la réalisation d’un objectif collectif. Mais nous sommes également convaincu.e.s de l’importance fondamentale du consentement dans de telles situations, et que la force et la punition sont contraires à une vision anarchiste du monde.

C’est pourquoi nous vous écrivons aujourd’hui. Pour vous tendre la main à vous, nos amis, nos camarades, allié.e.s intellectuel.le.s et philosophiques, et vous demander, si ce n’est déjà fait, de commencer à critiquer et à remettre en question sérieusement les réponses des États à la pandémie de la COVID 19. Nous avons observé l’année qui vient de s’écouler docilement, tranquillement, comme d’autres anarchistes qui sont resté.e.s dans les limites tracées par les bureaucrates de l’État. Nous nous sommes tu.e.s devant les anarchistes agissant avec hostilité à l’égard de celles et ceux qui se révoltaient contre les couvre-feux et les ordres de fermeture imposés par l’État, uniquement parce que ces pressions viennent ordinairement de gens affiliés à une politique de droite, cédant ainsi malheureusement ce terrain à la droite, au lieu d’élaborer nos propres critiques de la politique de l’État, et offrir ainsi un foyer intellectuel aux personnes isolées qui ont développé de l’antagonisme à l’égard de ceux qui, au pouvoir, se moquent de nos vies.

L’impulsion de ce comportement chez les anarchistes paraît enracinée dans leur désir de faire du bien à celles et ceux qui en ont besoin, et comme cette crise particulière est causée par un virus, cela semble se manifester par une volonté enthousiaste d’accepter les injonctions de l’État et de faire honte à celles et ceux qui ne les respecteraient pas. Il est admirable de vouloir bien agir envers les personnes âgées et les invalides, mais cet instinct devrait n’être que le début de la conversation, et non sonner la mise de côté de nos principes fondamentaux, et justifier cet abandon en prenant au mot les technocrates et les politiciens, en utilisant les déclarations d’experts établis comme un évangile pour prétendre que si on ne résiste pas aux injonctions, c’est qu’elles ont don ben de l’allure.

Les politiciens mentent. Ils sélectionnent les analyses et les techniciens qui font la promotion de leurs programmes. Les dirigeants d’entreprises font la file pour les soutenir, sachant que ça leur délie les cordons de la bourse de l’État. Et les médias, qui veulent toujours être dans les bonnes grâces de ceux qui détiennent le pouvoir politique et financier, fabriquent du consentement en cycles d’informations de vingt-quatre heures. Cela, nous le savons. Nous avons des bibliothèques pleines de livres que nous avons lus et recommandés pour expliquer en détail les rouages de cette réalité. Par conséquent, il est toujours nécessaire de critiquer les politiciens qui déclarent que leurs violations des libertés fondamentales sont justifiées par la crise. Il est toujours nécessaire de critiquer les dirigeants pharmaceutiques qui disent au public qu’ils sont les seuls à détenir les clés d’un avenir de liberté et de sécurité, ainsi que les médias qui agissent comme des machines de propagande au service des récits officiels.

Les anarchistes semblent savoir tout cela instinctivement quand la guerre que les politiciens veulent nous faire mener est une guerre menée avec des armes littérales, quand les victimes sont plus évidentes, quand la propagande est plus nationaliste, xénophobe et raciste. Mais avec la crise de la COVID 19 , la guerre menée par les personnes au pouvoir est ostensiblement une guerre pour sauver des vies, et cette nouvelle façon de présenter les choses semble avoir effectivement touché le cœur et l’esprit de bien des anarchistes qui, au fond de tout, se préoccupent profondément et sincèrement des autres.

Mais nous devons prendre du recul et réfléchir de manière critique à notre situation. Il est pardonnable, lorsqu’on est confronté à une situation d’urgence où tout va très vite, sans avoir les informations nécessaires pour prendre des décisions en toute confiance, de vouloir se ranger du côté des experts placés sur des podiums lorsqu’ils demandent que nous nous mobilisions toutes et tous pour le plus grand bien commun. Mais la situation a changé. Bien des mois se sont écoulés depuis l’époque où le SRAS-COV-2 était un mystérieux nouveau virus respiratoire qui infectait des dizaines de personnes à Wuhan, pour devenir un virus de portée mondiale ayant probablement infecté 20 % de la population humaine*. Les données ont afflué de la part des chercheurs du monde entier, et il n’y a désormais plus d’excuse pour prendre des décisions fondées sur la peur, pour accepter comme un évangile les perceptions et les prescriptions estampillées par l’État et distribuées par ses laquais dans les médias.

Nous pensons que cette crise est comme toutes les autres qui l’ont précédée, en ce sens qu’il s’agit d’une période où ceux qui détiennent le pouvoir et la richesse voient une opportunité d’étendre leurs griffes et de se les accaparer encore un peu plus. Nous vivons un moment de peur et d’incertitude collectives qu’ils peuvent exploiter pour prendre le contrôle encore davantage et s’enrichir aux dépens de la population. La seule chose qui semble séparer la crise de la COVID 19 de celles qui l’ont précédée, c’est la volonté d’une si grande partie de l’opinion publique (dont malheureusement de nombreux anarchistes) de soutenir volontairement et avec enthousiasme la perte de sa propre autonomie.

*Début octobre, l’OMS a publié une estimation selon laquelle 10 % de la population mondiale avait eu une infection de COVID 19. Il est donc raisonnable qu’après un deuxième hiver dans l’hémisphère nord, ce nombre ait pu doubler.

La science !!!

Dès le départ, nous pensons qu’il est très important de souligner la nature dangereuse, quasi religieuse, de la manière dont les médias et l’État poussent – et dont le public accepte – la notion d’un consensus scientifique unifié sur la manière d’aborder politiquement la question de la COVID 19. Avant tout, la science est une méthode, un outil, et son principe fondamental est que nous devons toujours poser des questions, et toujours essayer de falsifier notre hypothèse. La science n’est absolument PAS une question de consensus, car la bonne expérience menée par une seule personne peut absolument démolir les dogmes établis avec de nouvelles informations, et c’est la science dans toute sa gloire. En outre, le SRAS-COV-2 est un virus connu de l’ensemble de l’humanité depuis un peu plus d’un an. Il est absolument faux de suggérer qu’il existe une compréhension totale et irréfutable de ses caractéristiques et de sa dynamique, et que tous les scientifiques, chercheurs et médecins du monde entier sont d’accord sur la politique publique à adopter pour le combattre.

En outre, nous entrons en terrain très dangereux en tant que société lorsque nous permettons, voire exigeons, que des experts enfermés dans des laboratoires utilisant des méthodes ésotériques soient les seules voix qui génèrent des déclarations politiques uniques pour des nations entières s’étendant sur un territoire géographique immense, pour des nations peuplées de groupes d’êtres humains très divers qui ont tous des besoins différents. Ce type de technocratie est très préoccupant, tout comme le sont les déclarations selon lesquelles les gens sceptiques face à de tels schémas de manipulation sociale sont en quelque sorte des abrutis intellectuels ou des antiscientifiques.

La science est un outil qui permet d’éclairer l’humanité par l’élucidation des mécanismes de cause à effet. C’est un processus de découverte. Ce que nous faisons avec cette illumination, comment nous menons notre vie avec les informations découvertes, dépend de nous, en tant qu’individus et communautés.

Enfin, il est très facile de tomber dans le piège de la concurrence entre experts. Une partie a un expert qui dit X et l’autre partie trouve un expert qui dit Y, et nous voilà dans une impasse. Ce n’est pas notre intention, cependant, nous avons le sentiment d’être doublement coincés si nous ne démontrons pas, à un certain niveau, que le récit avancé par l’État et ses médias n’est pas aussi ancré dans les faits scientifiques qu’on voudrait nous le faire croire. Si nous ne présentons pas un certain nombre de contre-preuves, nous risquons d’être rejeté.e.s du revers de la main comme des individualistes ignorant.e.s dont les véritables motivations sont « égoïstes ». Il n’est pas facile de décortiquer un récit d’un milliard de dollars élaboré pendant près d’un an par les médias publics et privés du monde entier, dans le but de créer une atmosphère de peur et donc de conformité, et c’est pourquoi nous allons maintenant présenter certaines recherches ci-dessous afin d’aider celles et ceux qui nous lisent à comprendre la situation actuelle en se basant sur la réalité et les données, non pas pour dire que nous avons des informations alternatives et secrètes, mais simplement pour démontrer qu’il existe des recherches qui font que de nombreuses injonctions des États semblent absurdes, même d’un point de vue scientifique.

La recherche

L’idée sous-jacente aux fermetures et aux couvre-feux est que ces efforts peuvent arrêter la propagation du SRAS-COV-2. Mais est-ce vraiment possible ? C’est une question de nuances. Tout d’abord, nous sommes prêt.e.s à reconnaître que si l’on pouvait isoler chaque être humain dans sa propre bulle, oui, on pourrait probablement éliminer de nombreuses maladies (tout en créant une série de nouveaux problèmes). Mais ce n’est pas ainsi que les choses fonctionnent en réalité. Même sans parler de ces délinquant.e.s de l’ombre qu’on blâme de Londres jusqu’en Californie pour les échecs de ces efforts de confinement, incapables qu’ils et elles sont de respecter les consignes à la lettre, le fait est que la civilisation moderne exige une quantité massive de travail quotidien afin d’empêcher son effondrement immédiat, et que ce travail nécessite que les êtres humains entrent en contact les uns avec les autres, et qu’ils se déplacent sur de grandes distances.

Tout a un impact, des travaux agricoles au transport routier. De l’exploitation des centrales électriques aux plombiers effectuant des visites à domicile. Les médecins doivent se rendre à l’hôpital, tout comme le personnel d’entretien et de cuisine. Les usines d’engrais doivent continuer à produire pour la saison prochaine, comme les centres de données tentaculaires doivent rester opérationnels pour que tous les professionnels du tertiaire puissent se rencontrer sur Zoom. Et puis il y a les entrepôts d’Amazon et les Wal-Marts ! Comment nous confiner sans nos livraisons quotidiennes ? La liste des industries et des institutions qui ne peuvent pas fermer si nous voulons des maisons chauffées, de l’eau potable, des réseaux électriques fonctionnels, des routes praticables et tout autre système de soutien de la vie moderne est très longue, et chacune d’entre elles a besoin d’êtres humains pour les faire fonctionner. Ce simple fait signifie qu’il est impossible que 100 % de la population soit confinée.

On constatera évidemment que la majorité de la main-d’œuvre qui doit continuer à travailler est col bleu et/ou gagne un salaire de misère. Ce constat à lui seul fait de l’idée même du confinement une entreprise classiste, mais ceci a déjà largement été discuté, nous allons donc poursuivre.

N’oubliez pas non plus que ces confinements massifs n’ont jamais eu pour but (dans la plupart des endroits, au départ) d’éliminer la COVID 19. Ils avaient pour objectif d' »aplatir la courbe », ce qui se traduit par « ralentir la propagation » du SRAS-COV-2 afin que les hôpitaux ne soient pas débordés. Il convient de noter que la plupart des hôpitaux dans la plupart des localités n’ont jamais été confrontés à cette menace, et que même si c’est une bonne idée d’empêcher le débordement des hôpitaux, les plans visant à prévenir un tel scénario devraient être locaux et non pas nationaux, ou même provinciaux. Au fur et à mesure que l’année avançait, lentement, on a oublié l’intention initiale des mesures de confinement, et les politiciens et leurs experts choisis ont sans cesse prolongé les fermetures, pour finalement transformer le discours qui s’est fixé sur l’éradication du virus. Cette situation est inacceptable dans la mesure où c’est un objectif probablement impossible à atteindre.

Quant à ces mesures de confinement et à leur efficacité, les recherches ont montré qu’elles n’ont pas beaucoup d’effet lorsqu’il s’agit de réduire le nombre total de cas :

« Conclusions : Bien qu’on ne puisse exclure de petits avantages, nous ne voyons pas d’effets significatifs des mesures restrictives sur la croissance des cas. Des réductions similaires peuvent être obtenues avec des interventions moins restrictives ».

Une autre étude conclue:

«Des taux plus élevés de mortalité de la Covid sont observés dans la latitude [25/65°] et dans les plages de longitude [−35/−125°]. Les critères nationaux les plus associés au taux de mortalité sont l’espérance de vie et le ralentissement de la vitalité, le contexte de santé publique (charge des maladies métaboliques et non transmissibles (MNT) par rapport à la prévalence des maladies infectieuses), l’économie (croissance du produit national, soutien financier) et l’environnement (température , indice ultraviolet). La rigueur des mesures prises pour lutter contre la pandémie, y compris le confinement, ne semble pas être liée au taux de mortalité.»

Nous devons absolument comprendre qu’aucune intervention ne vient sans coûts et lorsqu’une intervention implique de la distanciation, de l’isolement et la fermeture des points habituels d’interaction sociale et de soutien, ces coûts sont payés par la santé physique, mentale et émotionnelle de la population. Nous ne pouvons détériorer la santé publique pour sauver la santé publique. Cet éditorial du British Medical Journal soulevait que:

«Le confinement peut également causer des problèmes de santé à long terme tels que le retard du traitement et des examens. Les retards de diagnostic et de traitement de divers types de cancer par exemple, peuvent engendrer la progression du cancer et affecter la survie des patients. On estime qu’un délai de trois mois à la chirurgie cause plus de 4 700 décès par an au Royaume-Uni. Aux États-Unis, on estime que les retards dans le dépistage et le traitement entraînent chaque année 250 000 décès évitables supplémentaires de patient.e.s atteint.e.s du cancère.

De plus, une forte diminution du nombre d’admissions hospitalières pour syndromes coronariens aigus et interventions coronariennes d’urgences a été observée depuis le début de la pandémie aux États-Unis et en Europe. En Angleterre, le nombre hebdomadaire d’hospitalisations pour syndromes coronariens a chuté de 40% entre mi-février et fin mars 2020. La peur d’une exposition au virus a empêché de nombreux patients de se rendre à l’hôpital, les exposant à un risque accru de complications à long terme suite à un infarctus du myocarde.»

Malgré la pression des personnes au pouvoir pour présenter leurs mesures draconiennes préférées comme étant totalement soutenues par «la science», il y a plusieurs sources de désaccord entre les chercheurs et les médecins sur la meilleure façon de traverser cette crise. Scientific American écrit:

«Dans la lutte contre le Covid-19 d’aujourd’hui, la communauté scientifique mondiale est divisée. D’une part, certain.es penche fortement en faveur d’interventions de santé publique actives et parfois même draconiennes, comprenant l’arrêt généralisé des activités non essentielles, la prescription de masques, la restriction des déplacements et l’imposition de quarantaines. D’un autre côté, certains médecins, scientifiques et responsables de la santé publique remettent en question le bien fondé de ces interventions sanitaires en raison des grandes incertitudes qui persistent quant à leur efficacité, mais aussi de preuves de plus en plus claires que de telles mesures peuvent ne pas fonctionner dans certains cas, voir causer des dommages nets. Alors que les gens sont mis au chômage en conséquence directe des fermetures temporaires et que de plus en plus de familles se retrouvent incapables de payer leur loyer ou leur nourriture, il y a eu une forte augmentation de la violence conjugale, de l’itinérance et de la consommation de drogues illégales.»

Le confinement prolongé et les couvre feux sévères ont intéressés beaucoup de gens au danger que présente le Covid-19, sans pour autant que la menace que représente le virus puisse être réellement comprise. En raison de la posture alarmiste des médias, – une industrie que nous savons fondée sur le sensationalisme pour attirer l’attention et qui s’efforce toujours de promouvoir les récits politiques officiels – de nombreuses personnes pensent qu’une infection par le SRAS-COV-2 est beaucoup plus mortelle que ce qu’elle n’est en réalité. Selon une étude rédigée par John P. Ioannidis de Stanford, le taux de mortalité par infection dans le monde est assez faible:

«Le taux de mortalité à différents endroits peut être inféré par les études de séroprévalence. Bien que ces études comportent des mises en garde, elles montrent un tauxx de mortalité allant de 0,00% à 1,54% sur 82 estimations d’études. Le taux de mortalité médian sur 51 sites est de 0,23% pour l’ensemble de la population et de 0,05% pour les personnes de moins de 70 ans. Le taux de mortalité est plus important dans les endroits où le nombre total de décès est plus élevé. Étant donné que ces 82 études proviennent principalement d’épicentres durement touchés, le taux de mortalité au niveau mondial pourrait être légèrement inférieur. Des valeurs moyennes de 0,15% à 0,20% pour l’ensemble de la population mondiale et de 0,03% à 0,04% pour les personnes de moins de 70 ans en octobre 2020 sont plausibles. Ces valeurs concordent également avec l’estimation de l’OMS d’un taux d’infection mondial de 10% (d’où un tauxx de mortalité environnant 0,15%) au début d’octobre 2020. »

Nous sommes conscients d’un sentiment commun selon lequel le confinement pourraient éliminer le SRAS-COV-2 s’il était plus strict si seulement chaque personne s’y conformait irréprochablement. C’est le genre de pensée infalsifiable que les politiciens et les experts aiment pousser pour excuser l’échec des mesures précédentes à rencontrer les résultats escomptés, ainsi que pour cibler leurs politiciens opposants qu’ils aiment accuser de «laisser tomber la balle» et qui devraient donc porter la responsabilité du bilan de la pandémie. Toute politique reposant sur une totale adhésion de la population est vouée à l’échec dès le départ. Même en ignorant notre point précédent sur le travail requis pour maintenir la société fonctionnelle, il n’y aura jamais de conformisme total de tous les êtres humain.e.s sur aucune question.

Nous pensons qu’il est nécessaire de préciser qu’un nouveau coronavirus n’est pas quelque chose qui serait détecté immédiatement par les médecins ou les chercheurs lors de sa première transmission d’animal à humain. Étant donné que les coronavirus sont courants et parce qu’ils induisent des symptômes similaires (en plus d’avoir une évolution des symptômes similaire à d’autres formes de virus respiratoires) et que le SRAS-COV-2 n’est pas symptomatique chez un tiers des personnes qui le contractent, il ne serait pas étonnant qu’il circulait sur la Terre avant que quiconque ne sache qu’il fallait le chercher.

Il a maintenant été confirmé que le SRAS-COV-2 circulait en Italie en septembre 2019:

«Des anticorps anti-SARS-CoV-2 ont été détectés chez 111 individus sur 959 (11,6%), à partir de septembre 2019 (14%), avec un groupe de cas positifs (> 30%) au cours de la deuxième semaine de février 2020 et le nombre le plus élevé (53,2%) en Lombardie. Cette étude montre une circulation très précoce et inattendue du SRAS-CoV-2 parmi les individus asymptomatiques en Italie plusieurs mois avant l’identification du premier patient et clarifie l’apparition et la propagation du Coronavirus en 2019. »

Il circulait au Royaume-Uni en décembre :

«Le professeur Tim Spector, épidémiologiste au King’s College de Londres dirige l’étude Zoe Covid Symptom Study, qui suit les symptômes signalés par les patients pendant la pandémie.

Il a déclaré que les données collectées « montrent clairement que de nombreuses personnes avaient le virus en décembre ».

Il circulait aussi aux États-Unis à la fin de l’automne 2019 :

«Ces sérums réactifs confirmés comprenaient 39/1 912 (2,0%) dons collectés entre le 13 et 16 décembre 2019 auprès de résidents de Californie (23/1 912) et de l’Oregon ou de Washington (16/1 912). Soixante-sept dons réactifs confirmés (67/5 477, 1,2%) ont été recueillis entre le 30 décembre 2019 et le 17 janvier 2020, auprès de résidents du Massachusetts (18/5 477), du Wisconsin ou de l’Iowa (22/5 477), du Michigan (5 / 5 477) et Connecticut ou Rhode Island (33/5 477). »

Il existe d’autres exemples démontrant que le SARS-COV-2 circulait dans divers pays du monde avant que son existence ne soit confirmée par la Chine. Au fil du temps, nous aurons probablement une idée plus précise de ce à quoi ressemblait cette circulation, mais nous pouvons sans risque présumer que s’il y avait des anticorps chez les personnes sur les différents continents en décembre 2019, la circulation du virus aurait commencé des mois auparavant. Et nous soulignons ce fait, une fois de plus, pour insister sur le fait qu’il n’y avait probablement aucune mesure de confinement qui aurait pu être mise en œuvre pour éteindre le virus, car il avait déjà pris une avance si formidable.

Par principe

En tant qu’anarchistes, il y a des principes phares auxquels nous revenons dans la nuit noire de l’inconnu et ceux-ci incluent la liberté, l’autonomie, le consentement et une profonde croyance en la capacité des gens à s’auto-organiser pour leur bien en tant qu’individus et en tant que communauté. Personne n’est mieux placé que soi-même pour connaître ses besoins. En vérité, la plupart des gens ont des instincts d’autoconservation qui les poussent à choisir des comportements qui mènent à leur propre sécurité et à leur survie, ainsi qu’à celles de ceux dont ils prennent soin.

Au début de la pandémie, alors que les informations étaient encore rares, nous avons beaucoup vu des gens faire des choix pour s’éloigner des foules et des rassemblements qu’ils ne croyaient pas essentiels, alors qu’ils ont également entâmé des démarches pour soutenir et prendre soin de ceux qui pourraient être plus vulnérables à une maladie respiratoire pour laquelle il n’y a pas encore de traitement.

Bien que nous accueillons les informations et les données qui circulent, bien que désagréables, décrivant les circonstances actuelles, nous pensons qu’il faut faire confiance aux gens pour analyser ces informations. Dans le paradigme actuel, l’État et ses experts technocratiques sélectionnés filtrent les données disponibles et ne mettent en évidence que ce qui soutient les décisions politiques qu’ils ont déjà décidé de mettre en œuvre sans aucune considération de l’opinion publique. Les informations et analyses qui peuvent être considérées comme de «bonnes nouvelles» ont été largement ignorées par l’État et ses exécutant.e.s et occultées par les médias.

On peut toujours trouver des «expert.e.s» pour légitimer des horreurs. En effet, nous aurions probablement du mal à trouver un cas dans l’histoire récente dans lequel des crimes massifs contre l’humanité ne sont pas accompagnés du cachet d’approbation d’un consortium d’expert.e.s en qui tout le monde a été prié de faire aveuglément confiance. La pandémie de Covid-19 n’est pas différente et en tant qu’anarchistes nous vous demandons simplement de vous rappeler que le débat, la critique et la dissidence sont des composantes essentielles pour la libération et l’autonomie des sociétés. Nous vous demandons, quoi que vous pensiez de l’efficacité des mesures sanitaires, de ne reconnaître en aucun cas, aussi désastreux que cela puisse paraître, les décrets justifiant la menace de la force et de la violence pour atteindre leurs objectifs. Notre engagement inébranlable envers l’autonomie humaine et notre conviction qu’aucune autorité n’est valable sans le consentement de ceux sur qui elle est exercée est ce qui fait de l’anarchisme une chose à part des autres philosophies politiques. Nous n’abandonnerons pas cet engagement et espérons que vous non plus.

Complément d’information : Le policier Sanjay Vig désarmé dans Parc Ex le 29 janvier 2021 a déjà été trouvé coupable de brutalité policière et d’arrestation illégale

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Fév 042021
 

Du COBP

Le policier Sanjay Vig du SPVM matricule 5144 et désarmé dans Parc Ex le 29 janvier 2021 a déjà été trouvé coupable de brutalité policière et d’arrestation illégale par le Comité de déontologie policière.

https://www.canlii.org/fr/qc/qccdp/doc/2018/2018qccdp43/2018qccdp43.html

https://www.lapresse.ca/actualites/justice-et-faits-divers/2021-01-30/policier-blesse-dans-parc-extension/le-spvm-deploie-un-poste-de-commandement.php

Aux feux incouvrables

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Fév 012021
 

De Pas de solution policière à la crise sanitaire

Nous serions donc recouverts, écrasées. Après des mois à suivre tant bien que mal les restrictions sanitaires, voilà que l’on ploie sous le poids de l’inédit : un couvre-feu qui nous intime à rester chacun chez soi, du jamais vu de notre côté du monde depuis plus d’un demi-siècle.

L’idée n’est pas ici d’ajouter un autre texte d’analyse soulignant le caractère autoritaire, disproportionné et violemment « symbolique » du couvre-feu, son impact dévastateur sur les plus démuni.e.s, les marginaux et marginales, les travailleuses et travailleurs du soir (souvent précaires, ou déjà surmené.e.s), ou même d’en rajouter contre la dérive policière qu’il implique ou le fait que le caractère catastrophique de la situation actuelle provient surtout d’une série de compressions récurrentes dans les service publics depuis au moins 30 ans… Plusieurs textes1 prenant la pandémie au sérieux et ne tombant pas dans le registre conspirationniste ont déjà bien souligné le côté ignoble de la mesure (il ne vous reste plus qu’à les lire si ces éléments ne sont pas déjà des évidences pour vous).

Il s’agit plutôt ici de faire ressortir quelques lignes qui n’ont pas (ou si peu) été énoncées au cours des derniers mois. Des lignes qui ne nous feront pas d’ami.e.s, on le sait bien, mais qui circulent déjà comme un secret, exprimées à la fin d’une marche nocturne entre deux ami.e.s, dans une discussion furtive entre deux jeunes commis dans les allées d’une pharmacie, dans une rencontre Zoom entre des grand-parents et leurs enfants qui habitent dans une autre ville. Ces lignes, qui ont peut-être traversé par moments même les plus aligné.e.s, ne sauraient être tues plus longtemps. Il en va des sens portés par nos vies mêmes.

*

Le couvre-feu vient nous enlever un des derniers espaces de liberté qui nous restait. Celle de prendre un moment avec un.e ami.e à distance dans un parc après une journée à se faire bouffer les yeux par les écrans, celle d’aller prendre une marche pour changer d’air, sortir un peu de nos existences séparées par le confinement pour rencontrer un peu de différence. Après les fêtes, les bouffes entre ami.e.s, les moments de création collective, les concerts, on nous a enlevé ça, aussi. Alors que cette opération concertée contre les joies du commun était jusqu’à tout récemment justifiée par la science (ou du moins une certaine conception de la science), le couvre-feu semble être la première mesure proprement morale2 qui nous est imposée durant cette crise : cet « électrochoc symbolique », de l’aveu même du gouvernement et de la Santé publique, tombe comme un jugement sur les manières de vivre.

Ce nouveau diktat porte directement les mesures gouvernementales en réponse à la pandémie sur le terrain éthique, non pas dans le sens du code qui vient cadrer une série de pratiques, de règles immuables qui viennent surplomber des relations professionnelles, de recherche ou judiciaires, mais dans le sens de l’ethos, celui des manières de vivre. Cette conception de l’éthique pousse à interroger comment on souhaite vivre, qu’est-ce qui fait que cette vie vaut la peine d’être vécue, au-delà de la pure survie.

En nous imposant à résidence – réprimant toute sortie qui ne serait pas justifiée par le travail, les besoins primaires ou les soins de base –, le gouvernement nous dit ni plus ni moins comment vivre. Il y a longtemps que l’on sait que la vie est objet de pouvoir – c’est ce que Foucault avait pointé il y a plus de quarante ans par son concept de biopolitique : or ce que la pandémie vient clarifier maintenant, c’est que cette vie objet de pouvoir n’est pas uniquement la vie biologique, la survie, mais la qualité même de la vie, ce qui lui donne sa teneur, son goût, ce qui fait qu’elle peut avoir un sens pour nous.

*

La situation nous apparaît plus clairement comme une guerre entre formes de vie : ce qui est réprimé, c’est une vie faste, généreuse, conviviale3, où les liens primordiaux ne se limitent pas au couple, à la famille nucléaire, où ce qui compte ne se calcule pas en termes d’opportunités de carrière ou de bons coups sur les réseaux sociaux, mais une vie tissée de liens, pour qui les amitiés sans statut priment, une nocturne ponctuée de fêtes, de musique, tournée vers l’extérieur, vagabonde voire même sans domicile fixe. Parce qu’il se trouve que pour pas mal de monde, ce qui donne un sens à l’existence est justement ce qui est rabroué couche par couche, voire interdit, depuis le début de la pandémie.

Il faut se rendre à l’évidence : ce qui est préservé depuis la deuxième vague de la pandémie, c’est la forme-de-vie type de celles et ceux qui ont élu ce gouvernement : le petit entrepreneur, la jeune professionnelle, la gérante de service, le jeune cadre, qui se rendaient au travail juste pour faire acte de présence, mais qui n’avaient que hâte de rentrer dans leur maison de banlieue ou leur condo pour pouvoir s’enfiler quelques verres et passer le reste de la soirée à regarder des séries sur Netflix… avant de recommencer le lendemain. Le principal impact que le couvre-feu a vraiment sur ces types est qu’il n’a plus à se taper le trafic, qu’elle n’a plus besoin d’excuse pour tout acheter sur Amazon. Bon, il y a bien l’impossibilité d’organiser le souper du vendredi soir avec la belle famille (pour reprendre un des loisirs avoués du PM), ou la soirée de hockey avec les chums de gars, ou d’aller voir Louis-José Houde au Théâtre St-Denis une ou deux fois par année. Mais c’est pas mal tout que ça empêche, au fond.

On caricature un peu, c’est souvent plus complexe que ça, évidemment. Mais il reste que la plupart des gens qui soutiennent le couvre-feu sont aussi ceux et celles qui avouent que la mesure n’aura à peu près aucun impact sur leur vie quotidienne. Et ils-elles vont jusqu’à sous-entendre que ça ne devrait pas avoir d’impact négatif sur la vie de personne, comme si cette mesure était à la hauteur de l’idée misérable de la vie qu’on devrait avoir au Québec en hiver : « Anyways, y fait frette pis noir tôt, c’est plate, y’a pas de raison de sortir faque… pourquoi ça vous dérange? ». Et si vous ne pensez pas comme ça, si vous avez une autre conception de la vie, eh bien c’est vous le problème, vous êtes louches en fait.

Car voilà une des fonctions tacites les plus puissantes du couvre-feu : rediriger le ressentiment. Après avoir multiplié les petits empêchements, on peut enfin s’en prendre à ces irresponsables qui sortent le soir, qui ne vivent pas comme nous. Ça a au moins l’avantage de détourner l’attention de la gestion pitoyable de la crise, des innombrables incohérences des mesures, et des coupures et compressions répétées dans le système de santé qui l’ont rendu si vulnérable et qui ont mis tout le monde qui y travaille à bout. Grâce au couvre-feu, on peut enfin punir celles et ceux qui ont « triché » pendant le temps des fêtes, les jeunes qui se rencontrent malgré tout, mon voisin qui a reçu un ami l’autre soir sur son balcon et qui avait l’air d’avoir ben trop de fun… Et tant pis pour les pauvres qui sont trop mal foutu.e.s pour se trouver un logement où on peut rester enfermé à la journée longue sans virer fou, pour ceux qui s’entassent en ville avec plein d’étrangers, pour celles qui habitent seules sans connexion Internet…

Pendant ce temps, la majorité des éclosions a lieu dans les institutions disciplinaires (écoles, usines/lieu de travail, prisons), toutes qualifiées par un certain niveau d’enfermement. Mais mieux vaut taper sur celles et ceux qui refusent de s’enfermer.

*

Évidemment, il y a des gens qui ne prennent tout simplement pas la pandémie au sérieux, qui se croient au-dessus d’une solidarité de base et qui mettent une foule de monde en danger. Mais aujourd’hui malheureusement, pas besoin d’être aussi con pour se faire traiter d’irresponsable. Suffit de ne pas s’enligner sur la morale gouvernementale, et hop c’est parti. Mais si on s’y arrête un peu, est-ce que les jeunes qui dépriment chez eux, sans contacts sociaux, sont irresponsables d’aller voir des ami.e.s une nuit? Est-ce que des célibataires sont irresponsables de chercher à avoir une vie sexuelle pas complètement inactive malgré tout? Est-ce que l’aîné qui a reçu un diagnostic d’Alzheimer et qui n’a pas vu ses petits-enfants depuis des mois est irresponsable de passer les voir pendant une heure, masqué, à deux mètres à l’intérieur? Un peu, dans un sens, puisque si tous ces gens finissent par se faire contaminer ainsi, ils et elles iront se faire soigner comme les autres, avec tous les impacts qu’on connaît. Mais tous ces gens (et les innombrables situations différentes), ne sont pas écervelés : ils montrent seulement qu’il y a des dimensions de la vie à laquelle ils et elles ne sont pas près à renoncer totalement, que la vie est une affaire éthique. Ou, dans un langage plus clinique, qu’on ne saurait subsumer indéfiniment la santé mentale et les relations sous la santé physique (et les suicides? les dépressions? les violences intrafamiliales? les mutilations? c’est moins important parce que ça ne se chiffre pas en nombre d’hospitalisations?). Cet aspect de l’existence qui se voit constamment rabattu depuis des mois, en attendant…

Parce que ça commence à faire longtemps. Longtemps qu’entre la santé et l’économie, il ne reste plus de place pour grand chose. Que tout ce qui ne tombe pas dans ces deux catégories est limité, dissout, écrasé. Et à force d’être contraintes et isolés, on en vient à se demander ce qui reste de notre dignité, jusqu’où peut-on peut mettre la vie de côté? Quelles zones de l’existence va-t-on encore devoir mettre sur pause, voir disparaître? Combien de temps on pourra rester des zombies, chacun sur notre écran pour travailler, « voir » ses ami.e.s, se divertir, et rebelote? Deux mois? Six mois? Un an? Cinq ans? Parce que depuis le début, on nous dit que c’est un sacrifie à faire, pour un court laps de temps, pour sauver les plus démuni.e.s et éviter que le réseau de santé s’effondre. Ok, mais là ça va faire un an. Un an qu’on pourrit de l’intérieur. Et soyons réaliste, personne ne peut garantir qu’il n’y aura pas de 3e, 4e, 5e, voire même de 6e vague. Que les vaccins accordent une immunité de plus de six mois. Que le virus ne va pas muter, rendant certains inopérants. Pendant que le gouvernement fait de la gestion de la population (« il faut diminuer la probabilité des rassemblements ») et de la morale de crise, les yeux rivés surs les sondages, la vie s’écoule, dans un petit bruit qui ne reviendra pas.

Il faut bien se le dire, à un moment donné : on ne saurait « limiter tous les contacts » sans que la vie perde un peu de son sens. Il va falloir apprendre à re-vivre, à vivre-avec. Pas comme les conspis balançaient, en tout début de pandémie, qu’il fallait laisser le virus faire ses ravages, sans contextualiser, sans penser le soin, la complexité de l’immunité collective, etc. Non, vivre avec au sens de mettre fin à l’effritement de nos vies communes, de tracer une ligne, chaque fois singulière, derrière laquelle les mesures sanitaires ne passeront pas, de prendre soin de ces parts de nous qui meurent à petit feu enfermées. En fait, la question est déjà là : on « vit » déjà avec cette maladie depuis des mois. Mais on vit très mal. La question est de savoir comment vivre avec. Et ça, aucun gouvernement ne pourra nous l’imposer.

D’ici là, on lâche pas, on continue : à faire attention et à trouver des zones d’ombres, pour occuper les interstices, à prendre soin de nos proches et à retrouver le sentiment fuyant de la liberté, partager une intensité commune quelques instants, trouver les manières de contourner leurs cloisons.

Ces feux-là ne se recouvrent pas.

P.S. Oh, et pour celles et ceux qui reprendront la morale gouvernementale pour nous traiter d’égoïstes, de privilégié.e.s ou d’irresponsables (encore une fois), sachez que ces quelques lignes s’adressent à tout le monde : on le souhaite particulièrement pour les employé.e.s du réseaux de la santé, qui se font enfoncer des heures supplémentaires dans la gorge, pour les enseignantes et enseignants forcés de rentrer au travail, les itinérants et itinérantes, les fameuses gens vulnérables, qui peuvent aussi ne plus être capables de supporter l’isolement et la zoomification de l’existence… Va falloir arrêter de cliver le débat, de rabattre tout questionnement des mesures sanitaires-répressives dans l’imbécilité ou l’égocentrisme (ce qui revient souvent au même). Ce texte n’est qu’une amorce pour ouvrir des espaces de réflexion que trop de gens voudraient voir se refermer illico.

1 Notamment celui de Jaggi Singh (https://ricochet.media/fr/3431/pas-de-couvre-feu-ni-police-ni-delation), de Montreal Antifasciste (https://montreal-antifasciste.info/fr/2021/01/16/position-de-montreal-antifasciste-sur-le-couvre-feu-decrete-par-quebec) et du blogue L’Éteignoir (https://www.leteignoir.com/2021/01/ton-couvre-feu-de-marde.html), pour ne mentionner que ceux-là.

2 Une des premières mesures, plutôt : en fait le mode même d’imposition des confinements pandémiques vient implicitement poser l’unité familiale et le couple comme formes appropriées du vivre-ensemble. Sans rentrer dans le fait que la science implique souvent sa propre morale…

3 Le président français, qui semble servir d’exemple à notre mononcle national, a au moins eu l’honnêté de déclarer, lorsqu’il fut question d’imposer un nouveau couvre-feu, « Le problème, c’est la convivialité ».

Contrôle et surveillance en temps de pandémie

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Jan 302021
 

Du Projet accompagnement solidarité Colombie (PASC)

La pandémie a révélé les conséquences d’années de coupes budgétaires des gouvernements et de politiques favorisant la privatisation graduelle de nos systèmes publics de santé, au profit d’une vision mettant de l’avant la rentabilité économique de la santé.

Pour faire face à la pandémie de la COVID-19, au lieu de proposer des investissements dans nos services publics, de nombreux État ont opté massivement pour l’implantation de mesures répressives, telles que le confinement strict et le couvre-feu, et d’une panoplie de mesures de contrôle et de surveillance.

L’urgence et le climat de peur servent à forcer le consensus et à fabriquer le consentement de la population aux diverses mesures mises de l’avant pour nous sortir de la crise sanitaire. Nous acceptons jours après jours la mise en place de mesures de contrôle social qui, il y a à peine quelques mois, auraient été impensables. Le traitement médiatique de la pandémie n’est pas étranger à l’acceptation sociale des changements drastiques qui nous sont imposés.

Ainsi, la majorité des États se tournent vers le privé pour nous offrir des solutions technologiques. Comme ceux mis en place dès le début de la crise en Israël par exemple, où les données de géolocalisation des cellulaires, normalement utilisées par les services de renseignement pour réprimer les mouvements sociaux palestiniens, ont été utilisés pour identifier les personnes qui auraient été en contact avec des porteurs du virus.

Partout dans le monde, des pays ont maintenant recours à des applications de traçage numérique. Ainsi, avec le prétexte de vouloir nous protéger du virus, nous assistons à la mise en place de systèmes de suivis des déplacements et des relations de milliards d’individus, alors que les résultats sanitaires sont plus qu’incertains.

La pandémie est vue par l’élite mondiale comme une opportunité d’accélérer la mise en œuvre du capitalisme de surveillance et de ce que le Forum économique mondial (FEM) appelle, la 4ieme Révolution Industrielle : numérisation des chaines d’approvisionnement et de pans entiers de l’économie, Internet, des objets, villes intelligentes, etc. Le capitalisme de surveillance est une forme d’extractivisme, dans laquelle la matière première sont les données personnelles des individus, le nouvel « or » sur les marchés boursiers. Bref, une hyper-connexion via un système Internet totalement centralisé et contrôlé qui consigne dans de gigantesque centre de données, nos amitiés, nos désirs, nos tristesses et nos peurs afin de pouvoir les analyser et mieux les « influencer » grâce a la capacité de traitement de données de l’intelligence artificielle.

Les plans de développement des villes intelligentes, basés sur la surveillance et l’interconnectivité des données, affrontaient avant la pandémie de nombreuses réticences à cause de l’ampleur des changements proposés. La pandémie semble avoir fait disparaître ces réticences, agissant comme un choc qui permet de rendre acceptable que nos maisons deviennent notre bureau, notre gym, notre école et même notre prison si l’État le décide.

Montréal est devenue un des plus importants pôles de développement de l’intelligence artificielle dans le monde. « Les entrepreneurs en IA ont dans leur mire l’ancien pôle industriel entre Parc-extension et la Petite-Patrie, qu’ils appellent le Mile-Ex. Ils profitent aussi de l’expansion du campus de l’UdM dans la partie Sud de Parc-Extension. (…) Plusieurs start-up sont aussi situées près du Canal Lachine. (…) Ces entreprises s’approprient des ateliers locatifs, faisant grimper le prix des loyers et des ateliers, mais aussi des logements tout autour. Ce mouvement d’appropriation du territoire par les entrepreneurs en IA contribue à achever la gentrification des quartiers visés. »1 Nos luttes contre la gentrification peuvent les décourager de s’installer dans nos quartiers ; à nous de faire les liens entre l’embourgeoisement de ces derniers et le développement des pôles de l’IA.

Les crises du capitalisme opèrent toutes selon la même dynamique ; elles liquident des pans entiers de l’économie et permettent de la restructurer avant d’entrer dans une nouvelle phase de croissance et d’accumulation de capitaux, qui concentre chaque fois plus la richesse. Les crises financières, les guerres et les catastrophes, dont les pandémies, sont idéales pour remettre les compteurs à zéro. Klaus Schwab, le fondateur et président exécutif du FEM (aussi appelé forum de Davos) en est bien conscient, puisqu’il fait la promotion active de l’idée que la pandémie offre une fenêtre d’opportunité pour effectuer ce qu’il appelle The Great Reset, visant à jeter de nouvelles bases pour le fonctionnement du capitalisme global, basé sur l’idée d’une mondialisation version 4.0.

La crise actuelle permet également de mettre à jour les cadres légaux et les comportements sociaux et de réécrire les règles du jeu de la « nouvelle normalité » qui s’installe. N’oublions pas que les États tendent à rendre permanentes les lois spéciales et autres mesures d’exceptions introduites en temps de crise. Nous n’avons qu’à penser aux lois anti-terroristes ayant été votées un peu partout sur la planète après le 11 septembre 2001, donnant des pouvoirs accrus aux forces de l’ordre et à l’État en matière de contrôle et de surveillance ; l’ensemble de ces pouvoirs sont toujours en place.

En plus de mesures autoritaires comme l’imposition de couvre-feu et les contrôles d’identité, plusieurs autres moyens de surveillance médicale de masse sont en train de voir le jour : caméras thermiques et de reconnaissance faciale, bracelets électroniques pour contrôler la distanciation physique, et carnet de vaccination numérique font partie des propositions en vogue. Ce dernier est probablement le plus inquiétant car les personnes qui refusent de se faire vacciner pourrait se voir refuser l’accès aux avions, aux endroits publics, commerces, restaurants, bars, salles de spectacles et même à leur lieu de travail. L’Ontario et le Québec ont déjà indiqué qu’ils pensent à exiger des preuves de vaccination pour certaines activités.

Alors qu’on nous demande de nous adapter à cette nouvelle « normalité », nous devons nous demander jusqu’où sommes-nous prêtes à accepter ces nouvelles formes de contrôle et de surveillance de nos vies.

Nous assistons à une véritable réingénierie des comportements sociaux : imposition du télétravail, délation des voisins, peur de la contagion, peur d’une accolade, isolement social et acceptation de la surveillance de masse. Alors que le capitalisme de surveillance a bel et bien pris son envol et que son éventail de nouvelles technologies nous est présenté comme autant de solutions miracles à la crise que nous vivons; nous percevons avec inquiétude la rapide acceptation des mesures qui créent de la distance dans nos relations humaines et nous empêchent d’être ensemble…

Bien que nous acceptions la distanciation sociale comme un mauvais moment à passer, tant qu’il s’agit d’une mesure temporaire pour se protéger et protéger nos proches, nous pouvons refuser de nous y habituer et affirmer d’ores et déjà que nous n’accepterons pas la distanciation sociale perpétuelle. Nous avons besoin du contact humain et nous en priver revient à nous déshumaniser.

Tout comme nous refusons l’imposition de mesures autoritaires pour faire face à la pandémie, refusons que s’installe un monde sans contact!