Montréal Contre-information
Montréal Contre-information
Montréal Contre-information

Plus de 3000 personnes à Chicoutimi contre le projet destructeur de GNL Québec (Énergie Saguenay)

 Commentaires fermés sur Plus de 3000 personnes à Chicoutimi contre le projet destructeur de GNL Québec (Énergie Saguenay)
Oct 052019
 

Du Collectif Emma Goldman

Le 27 septembre, nous étions plus de 3000 étudiant.e.s, retraité.e.s, enfants, travailleurs et travailleuses à marcher dans les rues du centre-ville de Chicoutimi pour dénoncer l’inaction environnementale des gouvernements et le projet destructeur de GNL Québec (Énergie Saguenay). Ce dernier consiste en la construction d’un complexe de liquéfaction de gaz naturel à Grande-Anse et d’un gazoduc de 750 km.  Parallèlement dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, 3000 personnes ont pris part à la manifestation à Alma et des centaines d’individus ont marché à Saint-Félicien ainsi que dans le quartier Saint-Coeur-de-Marie (Alma). À Québec, c’est  25 000 personnes qui ont pris part à la manifestation et à Montréal une mobilisation d’une ampleur historique au Canada a réuni près d’un demi-million de personnes. Sentant la pression, le premier sinistre du Québec, François Legault, a cru bon de tendre la main aux jeunes, pendant que sa vice-sinistre fait des appels au calme et agite des hommes de paille. Le sinistre de l’environnement parle d’un troisième lien-pont-tunnel « vert » pour  la ville de Québec et du préjugé favorable de son gouvernement au projet de gazoduc et d’usine de liquéfaction de gaz naturel. Dans ce dossier, le gouvernement affairiste de François Legault reprend les demi-vérités et les omissions volontaires du promoteur. Il affirme qu’hypothétiquement (en effet rien garantie que des usines au charbon vont fermer en Chine comme le laisse croire Énergie Saguenay) le projet de gazoduc réduira les gaz à effet de serre (GES) ailleurs dans le monde… Mais tout comme les promoteurs, François Legault omet de dire que ce projet produira des GES ici et ailleurs au Canada. Il faut aussi prendre en compte le péril mortel que la réalisation de ce projet fait peser sur la population menacée de bélugas.

 

« Comment osez-vous  ?» – Greta Thunberg

Évidemment, quelques politicien.ne.s opportunistes étaient présent.e.s aux différentes manifestations. À Chicoutimi, le candidat du Bloc québécois Mario Simard et le conseiller municipal de Chicoutimi, Simon-Olivier Côté, ont bien patiné et usé de la langue de bois politicienne lorsqu’ils ont été questionnés sur le projet de GNL.  « Je ne vois pas une opposition entre aller marcher et être pour ou contre les grands projets. Je ne suis pas en faveur ou en défaveur d’aucun projet. Ce que j’ai, c’est qu’on assure de respecter les normes et l’évaluation environnementales. » (lien) a déclaré le conseiller du district 8 et le king des stationnements du centre-ville de Chicoutimi.

En 1970, ce genre de propos aurait peut-être été préférable aux commentaires de l’ancien candidat du Parti libéral du Canada, maintenant passé chez les conservateurs, et conseiller municipal de Saguenay, Marc  Pettersen. Mais nous ne sommes plus là. Il y a une urgence climatique.

« Si nous ne changeons pas d’orientation d’ici 2020, nous risquons […] des conséquences désastreuses pour les humains et les systèmes naturels qui nous soutiennent.»  a déclaré Antonio Guterres, secrétaire général des Nations unies. Notre époque oblige, pour le bien du plus grand nombre, que notre société délaisse les énergies fossiles et entame une nécessaire décroissance économique. Que notre économie soit basée sur la satisfaction des besoins individuels et collectifs réels, orientée vers le maintien dans la durée et selon les ressources existantes.

Des membres et des ami.e.s du Collectif anarchiste Emma Goldman ont profité de l’occasion pour distribuer des dizaines de copies du  journal Cause Commune express no 31 (lien)

Déploiement de bannières à Alma

 Commentaires fermés sur Déploiement de bannières à Alma
Oct 052019
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Alma, le 26 septembre 2019. Deux bannières ont été déployées ce matin au centre-ville d’Alma près des locaux de Développement économique Canada pour les régions du Québec. On peut y lire : « Le développement industriel nous tue ! C’est pas une job qu’on veut, c’est une vie ! ». L’organisation gouvernementale qui a accordé dernièrement un financement de 2 millions $ dans les secteurs de la métallurgie a été ciblé symboliquement. L’action, signée par le Comité des eaux vives, s’inscrit dans le mouvement de grève pour le climat et vise à dénoncer les projets industriels et extractifs en cours d’analyse dans la région.

Le comité anonyme dénonce les projets de Gazoduc qui traverserait les régions de l’Abitibi, de la Mauricie et du Saguenay–Lac-Saint-Jean, du terminal de liquéfaction de Gaz naturel à Saguenay de GNL Québec, de la mine au Lac à Paul et du port en eaux profondes à Ste-Rose-du-Nord d’Arianne Phosphate ainsi que la mine et le transport par train de Métaux Black Rock entre Chibougamau et Saguenay. Selon l’un des instigateurs de l’action, « Ces projets sont une nuisance pour l’environnement et pour toutes les populations de la région. L’argument des jobs payantes ne vaut rien. Le prix à payer c’est la destruction des milieux de vie aquatique, de paysages époustouflants, d’écosystèmes fragiles et d’espèces vulnérables. Il faut qu’on arrête l’extraction des ressources naturelles au plus vite et qu’on comprenne que nous sommes dans une relation d’interdépendance avec les écosystèmes qui nous entourent. Nous devons arrêter les rapports de domination sur notre environnement maintenant. »

Le comité lance un appel à l’action dans une diversité de tactiques pour mettre fin au massacre environnemental le plus rapidement possible ! « Nous devons nous mobiliser tout de suite contre tout nouveau développement industriel et investir le temps, l’énergie et l’argent nécessaire pour développer des initiatives locales durables qui ne se font pas au détriment des autres espèces de la flore et de la faune. »

Pour terminer, le comité des eaux vives annonce que d’autres actions ciblées sont en cours de préparation.

– Le Arlequin plongeur.

Vers un mouvement environnemental révolutionnaire

 Commentaires fermés sur Vers un mouvement environnemental révolutionnaire
Oct 052019
 

De la CLAC

Ce texte a été produit par la CLAC, l’IWW et Montréal Antifasciste et a été distribué lors du manifestation pour le climat qui a eu lieu le 27 septembre 2019 à Montréal. On peut aussi télécharger la brochure pour imprimer ici.

 

1. LES GOUVERNEMENTS NE NOUS SAUVERONT PAS

Ceux qui profitent de la destruction des écosystèmes et de l’exploitation des gens qui nous tiennent à cœur ne seront pas « réformés ». Ils prétendront entendre nos voix et, par moments, mettront en place de grandes entreprises spectaculaires pour apaiser temporairement notre colère. Ils nous encourageront à canaliser notre anxiété dans des gestes inutiles qui ne font que renforcer l’individualisme. Pendant que certain.es d’entre nous s’efforcent de prendre des douches plus courtes ou de réduire les déchets qu’iels produisent, les représentants des gouvernements, des universités et des entreprises investissent sans aucune gêne dans de nouveaux pipelines, organisent des conférences académiques dépourvues de toute critique systémique ou s’envolent vers de luxueuses rencontres pour faire des promesses creuses.

L’impact humain des émissions de gaz à effet de serre sur le climat est connu depuis la fin du 19e siècle. L’impact du dioxyde de carbone sur le réchauffement climatique est largement reconnu depuis les années 70. Depuis les années 80 et 90, les études et les modèles informatiques démontrent de façon accablante l’impact de l’activité humaine sur les changements climatiques. Cela fait plus de 30 ans que l’Intergovernmental Panel on Climate Change (IPCC) a été fondé dans le but de compiler de l’information et de conseiller les gouvernements sur la façon de minimiser les changements climatiques anthropiques (produits par l’humain) qui ont déjà causé la perte d’innombrables vies humaines et l’extinction de plusieurs autres espèces animales. Ce panel affirme maintenant qu’il ne nous reste que 10 ans avant d’atteindre un point de non-retour vers la mort de la planète. Ce sont les pays du Nord global qui consomment la majeure partie des ressources de la planète. Et pourtant, nous voici encore à demander aux gouvernements coloniaux et à la classe politique qui ont causé cette catastrophe de bannir les pailles de plastiques et d’augmenter la taxe sur le carbone. Cela fait des décennies que nous les supplions. Il est grand temps que nous reprenions le pouvoir sur la situation.

 

2. LE CAPITALISME ET LA CRISE CLIMATIQUE

Le capitalisme est un système socioéconomique et politique qui implique qu’une poignée de privilégiés possèdent ce dont le reste d’entre nous a besoin pour survivre. Cela signifie que la valeur des êtres sensibles est déterminée selon leur capacité à générer du profit. Les terres, les lieux de travail, les arbres, les animaux, les habitations et l’eau sont la propriété privée d’individus et d’entreprises, leur donnant ainsi le pouvoir de les exploiter comme bon leur semble, sans égard de nos préoccupations, de nos besoins et de notre bien- être. C’est ce système économique qui permet aux entreprises d’exploiter les hydrocarbures sur des territoires autochtones non cédés alors que les gouvernements étouffent toute forme de résistance en employant des forces policières militarisées.

Pour assurer son existence, le capitalisme doit maintenir en place la hiérarchie, le pouvoir et l’obéissance. C’est ce qui explique que nos actes de rébellion soient traités différemment de leurs actes de violence systémiques (ex. voler de la nourriture au Wal-Mart ou voler les terres des communautés autochtones). Les actions que l’on pose en vue d’un meilleur futur n’ont aucun sens sans une rupture radicale avec le système qui a érigé la violence et la destruction comme l’état normal (et légal) des choses.

 

3. COLONIALISME, RACISME ET DESTRUCTION

Être vert, c’est aussi s’opposer au colonialisme et au racisme. Ces systèmes d’oppression sont intégralement imbriqués dans la crise climatique.

La pollution atmosphérique ne peut être comprise sans prendre en compte le passé et le présent des réalités coloniales. Notre compréhension des contributions respectives de divers pays aux changements climatiques doivent rendre compte de l’émission historique des gaz à effet de serre et, encore davantage, de qui profite de la destruction. Des entreprises et des empires ont été bâtis sur l’exploitation des Noirs, des communautés autochtones et d’autres personnes de couleur. Des entreprises canadiennes et américaines assassinent des militant.es pour la protection de la terre en Amérique latine et en Afrique, empoisonnent l’air et les courants d’eau en Asie et expédient nos ordures par bateau pour les déverser loin de nos regards.

À plusieurs moments dans l’histoire canadienne, la dévastation écologique a été utilisée comme une arme à l’encontre des communautés autochtones. Au 19e siècle, la surchasse des bisons par les colons dans les Prairies a mené à des famines, alors que la pratique était encouragée en toute connaissance de cause par le gouvernement canadien de John A. McDonald comme outil génocidaire visant à « clear the West ». De telles pratiques continuent toujours aujourd’hui. Dans la communauté autochtone de Grassy Narrows, située près de la frontière de l’Ontario et du Manitoba, l’eau a été contaminée par du mercure déversé dans leur source d’approvisionnement en eau par une usine de papier en amont. Une étude estime que 90 % de la population souffre d’un empoisonnement au mercure, qui peut causer entre autres des changements émotionnels, des troubles cognitifs ou des pertes de auditives. Le métal lourd peut être transmis d’une mère à son enfant durant la grossesse, ce qui en fait une problématique qui s’étale sur plusieurs générations. C’est l’héritage du colonialisme et du génocide canadien: pour plusieurs personnes la catastrophe écologique a déjà eu lieu il y a plusieurs centaines d’années.

Les personnes les plus opprimées sont toujours celles qui payent le prix des modes de vie occidentaux et de la croissance effrénée qui les accompagne. Les sécheresses, les inondations et les famines sont de plus en plus communes et créent des réfugiés climatiques de plus en plus nombreux. Pendant qu’on se bat contre les changements climatiques, on doit aussi se battre contre le système de frontières qui accorde plus d’importance à certaines vies qu’à d’autres. On doit se battre contre la police qui entre chez des migrant.es au beau milieu de la nuit pour enlever les parents. On doit se battre contre la construction de la prison de migrant.es à Laval où des enfants grandissent derrière des barreaux. On doit se battre contre les guerres du pétrole, qui laissent dans leurs sillages des pays entiers détruits. On doit se battre contre la suprématie blanche, qu’elle prenne la forme de milices néofascistes, de chroniqueurs conservateurs ou de l’État colonial réclamant la souveraineté sur des territoires autochtones. Au bout du compte, on doit aussi confronter quiconque accepte cette situation sans en ressentir une profonde colère. On ne peut pas accepter que les privilégiés de cette planète utilisent des termes comme « surpopulation » ou « crise migratoire » parce qu’ils sont trop apeurés ou égoïstes pour s’opposer aux réels coupables de la destruction de notre monde.

 

4. REFUSER LES BOUCS ÉMISSAIRES ET L’EXTRÊME-DROITE

Suite à l’ouragan Katrina qui a dévasté la Nouvelle-Orléan en 2005, des suprémacistes blancs ont profité du désastre pour assassiner, au hasard, des personnes noires qui tentaient de survivre aux inondations. Plus récemment, en 2019, que ce soit à Christchurch, en Nouvelle-Zélande ou à El Paso, des néonazis ont commis des massacres tuant des dizaines de personnes de couleur en affirmant explicitement vouloir « sauver l’environnement ». Partout sur la planète, des pressions sont faites pour que les pays riches, ceux qui sont à l’origine de la crise écologique, resserrent leurs frontières et limitent l’immigration au nom de la protection des ressources naturelles. Parallèlement, des racistes s’en prennent aux minorités visibles ou aux populations du Sud global à coût de mesures coercitives de « contrôle de population » dans le but de limiter la croissance de la population mondiale. Au Québec, les membres des groupes d’extrême-droite anti-immigration se sont parfois retrouvés les bienvenus dans les espaces de mobilisation pour l’environnement, alors que les problématiques liées aux personnes de couleurs et à l’antiracisme ont été mises de côté.

Cet héritage de l’écofascisme doit être adressé et confronté. Autrement, les mouvements écologistes sont à risque de se faire manipuler et transformer en instrument d’oppression envers les populations qui subissent déjà le plus directement les catastrophes engendrées par le capitalisme

 

5. CE QU’ON PEUT FAIRE !

  • Rejeter la légalité, particulièrement quand les lois ont été faites par des États coloniaux (comme le Québec et le Canada) et ne sont pas reconnues par les communautés autochtones.
    • Écouter et faire place aux voix des communautés autochtones au sein des luttes contre la destruction coloniale et capitaliste des écosystèmes.
    • Être à l’affût de la récupération de nos luttes par les partis politiques ou les entreprises dans le but de gagner de la sympathie ou du capital.
    • Éviter les partis politiques, les organismes ou quiconque prétend se battre contre la domination tout en reproduisant des systèmes hiérarchiques de pouvoir.
    • Apprendre des façons alternatives (anarchistes, communistes, féministes, anticoloniales) d’organiser la vie sociale.
    • S’attaquer aux symboles du pouvoir capitaliste : les banques, les compagnies minières, les corporations multinationales.
    • Prioriser la lutte contre toutes les formes d’oppression, et s’assurer que le poids lié aux problèmes causés par les changements climatiques ne retombe pas sur les épaules de celleux qui sont attribué.es par le patriarcat à des rôles de soin.
    • Mettre en pratique des méthodes de prise de décision par consensus et établir des relations consensuelles.
    • S’informer, se sortir de l’isolement en trouvant des allié.es dans nos communautés et construire des réseaux de résistance avec celleux qui veulent lutter contre le pouvoir en place.
    • Ne prendre que des risques calculés et adopter des pratiques sécuritaires.
    • Et bien sûr, si on est pour se faire arrêter, que ça en vaille la peine!

Ce pamphlet a été écrit et distribué sur des terres autochtones non cédées et sur un lieu de rassemblement appelé Tiohtiá:ke (Montréal) par la nation Kanien’kehá:ka (Mohawk).

 

AUTRES GROUPES ET RESSOURCES DINTÉRÊT

Chasser Atalante: pour qui travaillent les fachos?

 Commentaires fermés sur Chasser Atalante: pour qui travaillent les fachos?
Oct 022019
 

De Montréal Antifasciste

En décembre 2018, Montréal Antifasciste a fait paraître un dossier sur l’organisation néofasciste Atalante retraçant à la fois l’historique du groupe et le parcours de certains des individus qui se trouvent au cœur du projet, dont les membres du gang Québec Stomper Crew et du groupe Légitime Violence. Une série d’articles annexes sont parus depuis exposant différents personnages évoluant dans la sphère d’influence d’Atalante.

Nous sommes maintenant en septembre 2019, et si les activités d’Atalante ont quelque peu ralenti au cours des derniers mois, les militant-e-s du noyau dur ne montrent aucun signe de vouloir raccrocher leur faisceau, et il nous faut encore augmenter la pression pour leur faire comprendre ainsi qu’à leur entourage que nous n’avons pas l’intention de lâcher le morceau.

Pour rendre insupportable le coût social d’être fasciste ou nazi dans nos collectivités et communautés, la plus efficace des tactiques est encore d’exposer les fachos à leurs communautés, collègues et employeurs, familles et voisins, à qui ils et elles cachent généralement la vraie nature de leurs activités ou utilisent des euphémismes comme « nationalistes » pour ne pas dire qu’ils et elles sont fascistes. Puisqu’ils et elles ont fait le choix d’être des nazi-e-s et de persister dans cette voie, nous avons la ferme intention de leur en faire subir les conséquences. L’histoire nous montre que les idéaux fascistes conduisent toujours tôt ou tard à la violence -parfois jusqu’au génocide- contre différentes catégories de personnes qui subissent déjà leur lot de misère et d’oppression dans la société capitaliste soi-disant démocratique, et il n’est pas question que nous laissions cette histoire se répéter.

En nommant les différents emplois des fachos d’Atalante, notre intention est assurément de chasser les fascistes de leur lieu de travail, car les projets qu’ils portent en privé mettent en danger à la fois leurs collègues et les membres du public qu’ils y côtoient, tout particulièrement les personnes racisées, musulmanes, juives, queers et/ou identifiées à gauche.

Nous croyons que les campagnes visant à les isoler, à les expulser et à cibler les entreprises qui les soutiennent et les abritent sont nécessaires tant du point de vue de la sécurité publique que de la solidarité de la classe ouvrière.

Ceci est un rappel que les fascistes ne sont pas et ne seront jamais bienvenu-e-s dans nos milieux de vie et de travail.

 


Roxanne Baron, infirmière auxiliaire

Roxanne Baron

Roxanne Baron

Hôpital de l’Enfant-Jésus (Centre Hospitalier Universitaire de Québec)
1-418-525-4444
info@chudequebec.ca
https://www.facebook.com/HEJQc

Roxanne Baron, la seule femme du Québec Stomper Crew, n’est pas la moindre de ses membres. Elle est aussi une figure centrale d’Atalante ayant participé à quasiment toutes les actions de l’organisation depuis ses débuts.

Son rôle précis au sein d’Atalante n’est pas clair, mais nous savons qu’elle faisait jusqu’à tout récemment office d’influenceuse sur Instagram en partageant un très grand nombre de photos d’elle et de ses camarades en pleine action à Québec et Montréal, par exemple, ou en pèlerinage en Italie auprès de la « maison mère », CasaPound. (Son indiscrétion sur Instagram a d’ailleurs coûté leur anonymat à quelques-uns de ses camarades… oups.)

Fait particulièrement sidérant à plusieurs égards, Baron n’a pas hésité à mentionner à de nombreuses reprises au fil des mois et des années les lectures douteuses qu’elle faisait à même son lieu de travail : l’Hôpital de l’Enfant-Jésus. Elle a affirmé y lire à l’insu de ses collègues et usagers des ouvrages de l’organisation néofasciste CasaPound, du nazi belge Léon Degrelle, de l’historien fasciste Robert Brasillach, de l’intellectuel ultranationaliste Charles Maurras et de l’auteur antisémite français Jacques Ploncard. Elle s’est même carrément vantée de faire passer ses lectures nazies inaperçues au travail :

« Journée tranquille… Quand on croit que tu lis de petits romans comme tout le monde au travail (MDR) »

Nous savons aussi de son compte Instagram que Baron s’est fait tatouer un certain nombre d’images appartenant à l’iconographie fasciste et néonazie (voir le caroussel d’images ci-dessous), dont : un faisceau, le symbole à l’origine du mot ‘fascisme’; la croix celtique, la marque universellement reconnue du mouvement « White Power »; l’inscription « le diable rit avec nous », une référence aux paroles de l’hymne nazi SS marschiert in Feindesland; l’inscription « presente per tutti camerati caduti », un salut traditionnel du fascisme italien; et un mjölnir, ou marteau de Thor, une illustration qui n’est pas foncièrement raciste, mais qui est systématiquement arborée par les odinistes suprémacistes blancs. Pour compléter l’arbre de Noël, ce qui n’est pas sans intérêt pour les contempteurs de « signes religieux ostentatoires » en milieu de travail, Baron porte au cou un pendentif représentant le sonnenrad, ou soleil noir, un symbole occulte commun à l’ensemble des courants néonazis contemporains.

Il est pour le moins alarmant de penser que cette personne, qui dans sa vie privée adhère ouvertement à un projet politique foncièrement raciste, antisémite, islamophobe et homophobe, travaille dans un établissement du réseau de la santé et est donc quotidiennement au contact du grand public, dont une partie considérable appartient forcément aux différents segments de populations désignés comme groupes à éliminer par l’idéologie nazie.


Antoine Mailhot-Bruneau

Antoine Mailhot-Bruneau

Antoine Mailhot-Bruneau, paramédic

Dessercom
1-418-835-7154
https://www.dessercom.com/nous-joindre/
https://www.facebook.com/dessercom/

Alias « Tony Stomper ». Après avoir grandi à Mont-Laurier avec son frère cadet Étienne (lui aussi membre central d’Atalante), Antoine Mailhot-Bruneau amorce des études collégiales à Lionel-Groulx et participe au mouvement étudiant durant la grève de 2007. Il déménage par la suite à Québec, où il rejoint les Québec Stompers, qui forment déjà un gang de rue se rapprochant des idéaux ultranationalistes et d’extrême droite. Il amorce plus tard des études de matelot à Rimouski puis passe à l’Université Laval, au programme d’enseignement de l’histoire, qu’il abandonne rapidement.

Lors d’un voyage en Italie il découvre le Blocco Studentesco, une organisation étudiante néofasciste qui est en fait la branche jeunesse de CasaPound (voir le caroussel d’images ci-dessous). Petit à petit, il devient l’idéologue d’Atalante et dirige selon toute vraisemblance l’écriture du pamphlet Saisir la foudre sous le pseudonyme Alexandre Peugeot, lequel signe également quelques articles dans le journal Le Harfang de la Fédération des québécois de souche.

Beaucoup plus discret que son ami Raphaël Lévesque, Antoine a toujours pris grand soin de garder secret son rôle dans Atalante, en n’apparaissant que rarement dans les actions publiques du groupe, en floutant son visage dans les rares photos et vidéos où il apparaît furtivement et en opérant sous différents pseudonymes. Malheureusement pour lui, c’est à partir d’une entrevue qu’il a lui-même accordé en août 2017 à Zentropa Serbie (un satellite de CasaPound), sous le pseudonyme « Alexandre », que nous avons pu déterminer sans difficulté le rôle prépondérant qu’il joue dans Atalante.

Malgré sa grande circonspection, nous avons par ailleurs pu confirmer qu’il est paramédic sur la rive sud de Québec, dans la région Chaudière-Appalaches, à l’emploi de l’organisation Dessercom de Lévis.

Comme dans le cas de Roxanne Baron, les fonctions professionnelles d’Antoine Mailhot-Bruneau, un militant fasciste et membre d’un gang violent, l’amènent nécessairement à côtoyer des membres du public appartenant à des catégories stigmatisées et victimisées par les fascistes.

Imaginez si vous le pouvez le sentiment d’un immigrant de première génération, d’une musulmane ou d’un Juif souffrant d’un arrêt cardiaque ou d’un autre malaise voyant débarquer comme premier répondant un militant et idéologue fasciste, foncièrement raciste, antisémite et islamophobe. Imaginez que votre vie dépende des soins prodigués par cet individu qui adhère sans réserve, par exemple, à la nécessité d’une « remigration » de toutes les personnes migrantes ne faisant pas partie de la population de vieille souche canadienne-française et catholique.

Nous croyons quant à nous que cette situation est intolérable et s’inscrit contre les principes éthiques et les normes professionnelles à la base même du métier de paramédic.


Yan Barras

Yan Barras

Yan Barras, travailleur social (non membre de l’Ordre des travailleurs sociaux)

Habitations Meta Transfert inc.
1-418-649-9402
metatransfert@hotmail.com

Dans la nuit du 31 décembre 2006 au 1er janvier 2007, un petit groupe de Stompers et d’associés, dont Raphaël Lévesque et Yan Barras, faisait irruption au café-bar L’Agitée de Québec, une coopérative de solidarité réputée pour être administrée et fréquentée par des militant-e-s antiracistes. En moins de temps qu’il ne vous faudra pour lire cette fiche, les boneheads avait saccagé le bar et Yan Barras avait poignardé pas moins de six personnes avec un x-acto avant de déguerpir.

Malgré le caractère sordide de l’incident, les Stompers ont tiré une certaine fierté de cette agression sauvage, allant même jusqu’à y faire référence dans les paroles de la chanson éponyme Légitime Violence :

« Ces petits gauchistes efféminés,
qui se permettent de nous critiquer,
ils n’oseront jamais nous affronter,
on va tous les poignarder! »

Après avoir plaidé coupable d’agression armée, Yan Barras a été condamné à deux ans de prison ferme. Le juge l’avait même invité à suivre une thérapie en prison pour soigner ses tendances à la brutalité aveugle. À sa sortie de prison, Barras a d’ailleurs fait mine de rentrer dans le droit chemin en s’inscrivant au programme de travail social du CEGEP de Sept-Îles.

Mais loin de s’amender, Barras s’est plutôt fait tatouer l’inscription « No Remorse » dans le front, sous la représentation d’un crâne mordant les trois flèches symbolisant l’antifascisme (voir le caroussel d’images ci-dessous), et s’est empressé de regagner les rangs de son crew raciste, dont les membres allaient plus tard créer Atalante. Non seulement Barras ne s’est-il jamais éloigné de Raphaël Lévesque, des frères Mailhot-Bruneau et consorts, il a à maintes reprises participé aux activités d’Atalante au cours des dernières années, en plus de continuer à provoquer et intimider la gauche de Québec, notamment en défilant avec les Stompers au milieu d’une petite manifestation pour le droit à l’avortement, en août 2015, et plus récemment en narguant les participant-e-s de la manifestation du 1er mai 2019 avec ses frères, dont l’un s’est même fendu d’un salut hitlérien.

Barras travaille aujourd’hui pour l’entreprise de réinsertion sociale Habitations Méta Transfert inc., à Québec, où il est « coordonnateur de liaison ». Il va sans dire que cela le place dans une position d’autorité auprès d’une clientèle vulnérable, une position dont il peut se servir pour recruter quiconque correspond à ses fantasmes de « race supérieure » ou refuser des services à ceux et celles qu’il juge « inférieur-e-s ». Il est d’ailleurs permis de se demander combien d’autres néonazis cette entreprise emploie…


Shawn Beauvais-MacDonald. La citation est d'Adolph Hitler.

Shawn Beauvais-MacDonald. La citation est d’Adolph Hitler.

Shawn Beauvais-MacDonald, agent de sécurité; étudiant au Centre intégré de mécanique, de métallurgie et d’électricité (CIMME)

Securitas (banque CIBC du Chinatown, Montréal)
**Il est très possible qu’il ne soit plus à cet emploi depuis quelques mois ou ne l’occupe désormais qu’à temps partiel.**

1-888-935-2533
info@securitas.ca
https://www.facebook.com/Securitasjobs.ca
https://twitter.com/Securitas_Group

Centre intégré de mécanique, de métallurgie et d’électricité (CIMME)
1-514-364-5300
https://www.facebook.com/cimmelasalle/
https://twitter.com/csmbcimme
Commissaire : Joanne Bonnici

Shawn Beauvais-MacDonald a souvent été mentionné sur ce site. Il a d’abord accédé à la notoriété en août 2017, lorsqu’il a été aperçu parmi un groupe de Québécois ayant fait le voyage jusqu’à Charlottesville pour participer au rassemblement « Unite the Right »[1]. Il s’est avéré à peu près au même moment qu’il avait joué dans les mois précédents un rôle stratégique dans l’organigramme de La Meute, notamment en tant que gestionnaire « anglophone » de la page Facebook de l’organisation islamophobe (voir le caroussel d’images ci-dessous).

Mais Beauvais-MacDonald n’avait pas fini de nous réserver des surprises! Il s’est plus tard avéré qu’il était un membre très actif du salon de discussion « Montreal Stormer Book Club », sous le pseudonyme FriendlyFash, et du petit club social néonazi qui essayait à l’époque de s’organiser à Montréal. Beauvais-MacDonald ne cachait d’ailleurs pas ses penchants nazis sur Facebook ou ses autres comptes de médias sociaux.

Dans la foulée d’une manifestation d’extrême droite à Québec, à l’automne 2017, il a commencé à se faire voir de plus en plus souvent auprès d’Atalante et dans les différentes actions du groupuscule néofasciste. Il a participé à plusieurs campagnes d’affichage, distributions de denrées et autres actions de visibilité d’Atalante à Québec, Montréal et Ottawa. Il est vite devenu évident que Beauvais-MacDonald militait désormais activement pour Atalante, et ce, jusqu’à ce jour.

Lors de sa participation au podcast This Hour has 88 Minutes, le 4 janvier 2018, Beauvais-MacDonald a parlé des conséquences du doxxing dans sa vie quotidienne. Il a dit avoir perdu un de ses deux emplois (comme portier dans un bar), mais que les gens qu’il côtoyait dans son autre emploi trouvaient ça « hilarant » :

« The other job, I work with Chinese people and they find it hilarious, so whatever. »

Malgré qu’il ait été très largement dénoncé et exposé en août 2017, il semble que Beauvais MacDonald soit resté jusqu’à très récemment employé par la firme Securitas comme gardien de sécurité, notamment à la succursale de la CIBC située dans Chinatown à Montréal. La question se pose si la compagnie Securitas est restée aussi longtemps ignorante des activités de son employé (malgré de très nombreuses mentions dans les médias traditionnels et sur les sites antifascistes), ou si elle a sciemment fermé l’œil sur ces activités.

Il est aussi légitime de se demander si son job de gardien de sécurité (pour une entreprise cotée en bourse, soit dit en passant) n’a pas donné à Beauvais-MacDonald l’accès à du matériel ou à des données privilégiés qu’il aurait pu faire profiter à son réseau de néonazis[2]. Aurait-il eu accès à des bases de données informatiques ou à d’autres ressources grâce à son emploi chez Securitas?

Nous ignorons à ce stade-ci si Beauvais-MacDonald est toujours à l’emploi de Securitas, mais nous savons en revanche qu’il est aujourd’hui inscrit au Centre intégré de mécanique, de métallurgie et d’électricité, à LaSalle.

Reste maintenant à savoir comment l’administration de l’école et la communauté étudiante réagira à la présence régulière de ce nazi notoire dans leur enceinte.


Étrienne Mailhot-Bruneau

Étrienne Mailhot-Bruneau

Étienne Mailhot-Bruneau, graphiste

Sunny Side Up Creative
1-418-522-8541
info@sunnysup.com
https://www.facebook.com/SunnySideUpCreative/
https://twitter.com/sunnysideupcrea
https://www.instagram.com/sunnysideupcreative/

Frère cadet d’Antoine, Étienne Mailhot-Bruneau est un autre acteur important d’Atalante et membre en règle du Québec Stomper Crew. Finissant en 2017 au bac en art et science de l’animation à l’Université Laval, Étienne est le graphiste de facto d’Atalante, dont il a réalisé des dessins, logos et affiches sous le pseudonyme « Sam Ox ». Suite à la sortie du dossier « Démasquer Atalante » qui a établi le lien entre lui et son avatar, Étienne s’est fait discret et a désactivé tous ses comptes sur les principales plateformes professionnelles.

Malgré la tache « brune » sur son CV, il semble avoir trouvé un emploi auprès de la compagnie Sunny Side Up Creative de Québec.


Vincent Cyr

Vincent Cyr

Vincent Cyr, boucher

Fruiterie Milano
1-514-273-8558
info@fruiteriemilano.com
https://www.facebook.com/FruiterieMilano/

L’un des militants les plus actifs d’Atalante dans la région de Montréal, Vincent Cyr participe à de nombreuses activités du groupe et à la plupart des sorties d’affichage nocturne. Originaire de la rive sud de Montréal, il a longtemps traîné dans la scène hardcore et punk longueilloise avant de se radicaliser au contact de boneheads, pour finalement s’assumer pleinement comme facho. Très isolé dans son milieu (il est fils d’un militant syndical!), il semble s’être trouvé une famille avec Atalante.

Cyr est boucher à l’emploi de la fruiterie Milano, une épicerie de quartier située dans la Petite Italie à Montréal, où son frère travaille également.


Jean Mecteau

Jean Mecteau

Jean Mecteau, tatoueur

1-418-265-5222
https://www.facebook.com/jhanmecteau/
1709, rue Bergemont, Québec

Bassiste de Légitime Violence, le groupe phare d’Atalante, Jean Mecteau est issu de la scène hardcore.  Adepte de « grandeur nature », il partage sa vie entre le cosplay, son rôle de second violon dans un pitoyable band néonazi, et son business de tatoueur sous la bannière Jhan Art.

Mecteau est l’un des tatoueurs réguliers de l’entourage d’Atalante et des Stompers, ce qui explique peut-être pourquoi il a retrouvé  son salon de tatouage quelque peu « entaché » à son retour d’un récent séjour à Bicolline (le plus important site de GN au Québec)… 


Sven Côté

Sven Côté

Sven Côté, cuisinier

Restaurant Le Fin gourmet
1-418-682-5849
https://www.facebook.com/LeFinGourmet/
https://www.instagram.com/lefingourmet_qc/

« Svein Krampus » sur Facebook, Sven Côté est un bonehead de longue date proche de la scène NSBM (black métal national-socialiste). Il milite dans Atalante depuis l’hiver 2016, après une radicalisation vers le fascisme amorcée virtuellement en 2013. Protégé de Raf Stomper, avec qui il échange des publications ouvertement antisémites sur les réseaux sociaux, il est resté fidèle au groupe et n’hésite plus aujourd’hui à montrer son visage dans les activités d’Atalante. Il a grandi et vit toujours à Québec, dans la basse ville. Côté est fortement soupçonné d’être parmi les auteurs de l’attaque contre la librairie La Page Noire à Québec dans la nuit du 8 au 9 décembre 2018. Nous pensons que cette attaque faisait office de rite de passage pour être admis dans le Québec Stomper Crew, groupe dont il a reçu les couleurs le soir même de l’attaque.

Il est cuisinier au restaurant Le Fin Gourmet, dans le quartier Saint-Sauveur de Québec.

 

D’autres révélations suivront…

 

Virer les fachos : une tâche qui incombe à nos communautés

Les militants et militantes fascistes ne sont pas de simples quidams avec qui nous sommes en désaccord sur des points de détail : ce sont des individus haineux qui souhaitent réaliser un nouvel ordre social partiellement déterminé par l’oppression, la persécution et l’élimination de millions de personnes. Leur idéologie en tant que telle constitue un danger immédiat et une forme de violence contre un grand nombre d’entre nous : queers, racisé-e-s, « de gauche », musulman-e-s, Juif-ve-s, et bien d’autres identités encore.

En même temps, le capitalisme en soi constitue une forme de violence contre un grand nombre des personnes ciblées par l’extrême droite. En tant qu’anticapitalistes, nous ne reconnaissons pas l’autorité des patrons, de l’État ou des ordres professionnels, et ne leur cédons en rien la responsabilité d’expulser les fascistes de nos espaces de vie et de travail. Cela dit, nous reconnaissons que très souvent, les travailleuses et travailleurs doivent s’unir et prendre les mesures nécessaires pour forcer les employeurs à garantir leur sécurité.

L’exclusion des fascistes et autres militant-e-s d’extrême droite est une tâche qui incombe avant tout aux travailleurs et travailleuses ainsi qu’aux membres du public qui sont mis en danger par leur présence et leur activité. C’est dans cet esprit que nous partageons ces renseignements.

Ami-e-s, il est temps de nous mettre au travail.

 

 

 

 

 


[1]               Cette mobilisation se voulait une démonstration de force de tout ce que l’Amérique du Nord compte de suprémacistes blancs, de nationalistes « ethniques », d’identitaires, de néonazis et autres néofascistes alignés sur le courant « Alt-Right » américain. Les événements du 11 et du 12 août 2017 à Charlottesville sont passés à l’histoire comme un fiasco historique pour l’Alt-Right, notamment parce que le suprémaciste blanc James Alex Fields a choisi l’occasion pour perpétrer un attentat à la voiture-bélier entraînant la mort de la militante antiraciste Heather Heyer.

[2]              Il y a quelques années à peine, il a été révélé que la société de sécurité HESS en Allemagne fournissait des gardes d’extrême droite à Amazon pour surveiller les travailleurs étrangers dans les entrepôts de l’entreprise, où ils intimidaient et maltraitaient les travailleurs. Plus près de chez nous, dans les années 1980 au Canada, William Lau Richardson, le chef de la “Klan Intelligence Agency” du KKK, était employé par la société de sécurité Centurion, un poste qu’il occupait pour mener des opérations contre la gauche. Dans les années 1990, il a été allégué que le détective privé néonazi Al Overfield a également utilisé son accès aux bases de données informatiques de la police pour fournir des renseignements sur les antifascistes à ses amis du Heritage Front, et Bryan Taylor, chef du Ku Klux Klan en Colombie-Britannique, a utilisé son poste chez ADT Security Systems pour diffuser de la propagande raciste.

Comment trouver et faire des actions contre l’infrastructure frontalière à travers le Canada

 Commentaires fermés sur Comment trouver et faire des actions contre l’infrastructure frontalière à travers le Canada
Sep 282019
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

En banlieue de Montréal, à Laval, on érige présentement une nouvelle prison pour migrant·e·s et réfugié·e·s. Au fil du projet, un large éventail d’actions de résistance s’est déployée, alors que la lutte pour en empêcher la construction prenait de l’ampleur. Cette prison s’inscrit dans le cadre d’un programme de 138 millions de dollars, le Cadre national en matière de détention liée à l’immigration (CNDI), lancé par l’État canadien en 2016 suite à une vague de révolte contre l’emprisonnement des migrant·e·s. Le CNDI a pour effet d’étendre et de renforcer la capacité gouvernementale à surveiller, emprisonner et déporter les migrant·e·s, entre autres par la construction de deux prisons d’immigration, ainsi qu’une série de nouvelles formes de surveillance et de contrôle telles que le port obligatoire de bracelets émetteurs à la cheville, un système biométrique de reconnaissance vocale et des maisons de transition pour migrant·e·s.

Il peut être difficile de discerner comment intervenir dans un tel contexte, que ça soit en groupe ou individuellement. Dans une volonté de répandre toute forme de résistance possible contre les régimes frontaliers et carcéraux canadiens, nous vous proposons une liste sommaire de quelques façons dont chacun·e peut contribuer à la lutte.

On retrouve des infrastructures frontalières et carcérales dans la majorité des villes du Canada. Voici quelques façons de les identifier, dépendamment de votre contexte (et quelques idées de comment utiliser ces informations).

COMMENT IDENTIFIER LES INSTALLATIONS FRONTALIÈRES DE VOTRE RÉGION

Les États-Unis ont vu une lutte féroce et généralisée se déployer contre l’agence policière frontalière, surnommée ICE (Immigration and Customs Enforcement), menant les habitant·e·s de pratiquement chaque grande ville du pays à occuper les bureaux de l’agence pour en empêcher le fonctionnement, manifester bruyamment devant les centres de détention migratoire, et entreprendre de nombreuses tactiques créatives pour contrecarrer le régime de détention et de déportation américain. Les effets de cette résistance se sont clairement faits ressentir dans les bureaux de l’État. S’il est vrai qu’il nous reste beaucoup de chemin à faire pour y arriver, nous sommes d’avis qu’il est autant possible que nécessaire de résister avec la même force contre les frontières soi-disant canadiennes.

Le gouvernement:

  • L’agence des services frontaliers du Canada (ASFC) – Détient le pouvoir principal en matière de détention, de surveillance et de déportation des immigrant·e·s au Canada. On retrouve ses bureaux, ses agent·e·s et ses installations partout dans le pays.

Saviez-vous qu’en 2017, une demande d’accès à l’information a permis la publication des noms et des postes de centaines d’employé·e·s de l’ASFC? Pour vérifier si quelqu’un de votre entourage devrait être exposé·e pour son rôle dans la déportation et la détention d’immigrant·e·s, lisez les documents disponibles via le lien suivant: https://mtlcounterinfo.org/doxxing-the-canadian-border-services-agency/

  • Les centres de détention pour migrant·e·s de l’ASFC – Il existe actuellement trois prisons fédérales pour migrant·e·s: une à Toronto, une à Laval et une dans l’aéroport de Vancouver. La construction d’une nouvelle prison vient d’être complétée à Surrey, en Colombie Britannique, et la construction de celle de Laval est en cours.
  • Les prisons provinciales – Chaque année, l’ASFC verse des millions de dollars aux gouvernements provinciaux, dans le cadre d’accords permettant à l’Agence d’utiliser les prisons provinciales pour l’emprisonnement de migrant·e·s. En Ontario, la majorité des migrant·e·s détenu·e·s par l’AFSC se trouvent dans des prisons provinciales.

Les ONGs qui profitent du segment des « solutions de rechange à la détention » du CNDI, et le renforcent: https://communemag.com/the-same-prison-with-a-nicer-facade/

  • La société John Howard – Cet organisme à but non-lucratif s’est vu octroyer 5 millions de dollars pour implanter le nouveau programme de « Gestion des cas et de surveillance dans la collectivité », un régime de programmes et de maisons de transition pour migrant·e·s qui immite le système canadien actuel des libérations conditionnelles. Elle possède des installations dans toutes les provinces du pays, à l’exception du Nunavut et du Yukon. http://johnhoward.ca/services-across-canada/
  • Le Programme de mise en libération sous caution de Toronto: A reçu environ 7 millions de dollars pour implanter le programme de « Gestion des cas et de surveillance dans la collectivité » dans la ville de Toronto.
  • L’Armée du salut: A reçu plus d’un million de dollars pour implanter le programme de « Gestion des cas et de surveillance dans la collectivité » dans la majorité des villes canadiennes.

Les entreprises qui profitent de la construction de la nouvelle prison pour migrant·e·s de Laval

  • Tisseur – Entrepreneur général. Val-David, Qc. https://www.construction-tisseur.com/
  •  Lemay – Firme d’architecture mandatée pour la nouvelle prison pour migrant·e·s. Possède des bureaux dans les villes de Montréal, de Québec, d’Edmonton, de Calgary et de New York. Pour en obtenir les adresses, consultez ce lien: https://www.stopponslaprison.info/en/lemay-2/
  • Groupe A/Annexe U – Firme d’architecture mandatée pour la nouvelle prison pour migrant·e·s. Située au Québec. http://www.groupea.qc.ca/
  • Stantec – Cabinet d’experts-conseils en ingénierie. Possède des bureaux partout au Canada et aux États-Unis. https://www.stantec.com/en/offices/office-finder
  • BPA/Bouthillette Parizeau – Fournisseur alimentaire. L’entreprise possèdes des bureaux dans les villes de Montréal, de Longueuil, de Laval, d’Ottawa, de Gatineau, de Québec, de Lévis et de Vancouver. http://bpa.ca/
  • Englobe – Entreprise de traitement de sols, mandatée de remettre en état le sol du site de la future prison. Possède des bureaux partout au Canada. https://englobecorp.com/canada/en/contact-us/our-sites
  • KJA Experts-Conseils – Firme d’ingénierie mandatée d’élaborer les systèmes d’ascenseurs et d’escaliers roulants pour la nouvelle prison. Possède des bureaux dans les villes de Montréal, d’Ottawa, de Toronto, d’Edmonton, de Vancouver et de Calgary. https://www.kja.com/offices-s13922
  • Loiselle – Entreprise de décontamination des sols, située à Salaberry-de-Valleyfield, Québec. http://www.loiselle.ca/en/contact-us

Autres:

  • GardaWorld – Cette entreprise de sécurité privée, qui est mandatée de fournir les gardes de sécurité dans la prison actuelle pour migrant·e·s de Laval et de monter la garde du site de construction de la nouvelle prison, possède des bureaux partout au Canada. Les exemples de projets haineux auxquels elle est liée ne manquent pas. Allez visiter leur site web pour vérifier si elle possède des bureaux dans votre région.
  • G4S – Fournit les gardes de sécurité dans la prison pour migrant-e-s à Toronto.

Après avoir découvert les organismes et les entreprises qui profitent du régime frontalier autour de vous, pensez à rechercher les noms et les adresses des individus impliqué·e·s. Essayer de trouver l’adresse de leurs directeur·rice·s généraux·les, allez poser des affiches dans leur quartier et organisez une manif-surprise devant leur porte. On peut aussi leur envoyer des courriels et des lettres à partir d’un ordinateur anonyme.

Entourez-vous d’ami·e·s de confiance et agissez directement contre les entreprises et les agences concernées!

Le lien suivant vous mènera vers une liste de communiqués revendiquant des actions entreprises pour freiner la construction de la nouvelle prison pour migrant·e·s : https://www.stopponslaprison.info/nouvelles-et-analyses/

Si vous avez envie d’entreprendre des actions directes contre les installations frontalières de votre région, consultez le « Guide d’actions directes nocturnes », qui comprend de nombreuses informations utiles sur comment planifier et mener des actions directes efficaces tout en vous assurant de vous maintenir en sécurité autant que possible. https://mtlcontreinfo.org/recettes-pour-des-actions-directes-nocturnes/

Si vous n’êtes toujours pas certain·e·s d’où se trouvent les installations frontalières les plus près de chez vous, consultez votre groupe local de Personne n’est illégal·e ou un autre organisme de défense des droits des migrant·e·s pour obtenir plus d’informations. Ou alors, organisez une petite soirée de recherche avec vos ami·e·s!

Si vous vivez dans une petite communauté où il n’y a pas de installation frontalière, vous pouvez tout de même agir. Voici quelques pistes:

1. Faites circuler le matériel d’information

Consultez la page « Matériel d’information » sur le site stopponslaprison.info. Il est possible d’y obtenir des pamphlets, des affiches, des tracts et des autocollants que vous pouvez imprimer et faire circuler dans votre réseau.

Réunissez-vous entre ami·e·s pour poser des affiches dans votre quartier ou près d’arrêts d’autobus. Suivez ce lien obtenir des instructions sur comment faire de la colle de blé (qui est très difficile à enlever): https://mtlcounterinfo.org/how-to-wheatpaste/

Prenez quelques heures pour poser des autocollants dans le métro, dans les couloirs de votre école, à votre lieu de travail ou dans votre quartier.

Posez une bannière dans un endroit visible près de chez vous, qui exprime un message contre les frontières et les prisons. Voici quelques informations sur comment poser une bannière: http://destructables.org/node/56

Organisez une journée de mobilisation et de distribution de tracts. Imprimez des tracts disponibles en ligne, ou créez-en vous-mêmes! Avec quelques ami·e·s, allez dans le métro, dans les autobus ou dans les trams de votre ville et passez quelques heures à distribuer de l’information à propos du projet.

2. Harcelez les entreprises

Innondez le fax, les lignes téléphoniques, la boîte courriel et les réseaux sociaux des entreprises et de leurs employé·e·s.

Il est facile de se procurer un compte de messagerie temporaire en utilisant Protonmail ou Guerrilamail.

On peut aussi envoyer des fax gratuitement en ligne grâce aux sites https://www.gotfreefax.com/ ou https://faxzero.com/. En envoyant des fax avec beaucoup de contenu aux entreprises, on utilise toute leur encre noire et on peut temporairement bloquer la ligne de fax, les empêchant de recevoir les fax habituels.

Si vous pensez harceler les entreprises en ligne, n’oubliez pas qu’il serait peut-être mieux de ne pas utiliser vos propres comptes de réseaux sociaux ou votre propre adresse IP pour le faire. Consultez le guide EFF à propos de communications en ligne plus sécuritaires, et familiarisez-vous avec des outils tels que le navigateur Tor ou TAILS pour vous créer un compte de messagerie anonyme temporaire, ou pour envoyer des fax.
https://ssd.eff.org/
https://www.torproject.org/
https://tails.boum.org/

3. Partagez ce texte avec vos ami·e·s et votre famille, et réunissez-vous ensemble pour discuter d’un plan d’action à mettre en branle dans votre ville ou village!

Stantec et le complex Guy-Favreau ciblés durant la marche pour le climat: Voici pourquoi le mouvement pour le climat devrait combattre le régime frontalier

 Commentaires fermés sur Stantec et le complex Guy-Favreau ciblés durant la marche pour le climat: Voici pourquoi le mouvement pour le climat devrait combattre le régime frontalier
Sep 282019
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Le Canada contribue de façon majeure à la crise climatique, jouant un rôle actif en chassant des populations de leurs foyers à travers le monde. Le Canade héberge plus de 70% des industries minières du monde, industries qui sèment la dévastation environnementale et économique à l’échelle mondiale. Le pays est responsable de plus d’émissions de gaz à effet de serre que tout autre pays du G20, contribuant ainsi à la multiplication du nombre de réfugié.es climatiques. À l’intérieur de ses frontières, le gouvernement fédéral continue d’approuver projet de pipeline par-dessus projet de pipeline, malgré la résistance constante des communautés autochtones.

Alors que la crise climatique ne fait qu’empirer, favorisée par les forces extractivistes du capitalisme et du colonialisme, la crise migratoire empire de façon accélérée elle aussi. En réponse à cela, le Canada ne fait que renforcer l’imperméabilité de ses frontières, tentant d’empêcher celles et ceux qu’il a lui-même déplacé.es de trouver refuge.

Ce développement des infrastructures frontalières ne se limite pas à la frontière elle-même. Depuis deux décennies, la détention de personnes migrantes est l’une des formes d’incarcération ayant la croissance la plus rapide au Canada. L’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) entretient trois prisons uniquement pour migrant.es et loue des espaces servant à leur détention à travers le pays. En 2016, le gouvernement a investi 138 millions de dollars supplémentaires afin de renforcer et de développer ce système, menant à la construction de deux nouvelles prisons pour personnes migrantes (dont l’une se trouve à Laval, QC) ainsi que de nouveaux systèmes de surveillance et de contrôle comme les bracelets de cheville obligatoires et les analyses biométriques vocales pour les migrant.es.

Tandis que le Canada répond à la crise climatique en fortifiant ses frontières, celles et ceux qui défendent les politiques suprémacistes blanches derrière cette décision continuent d’envahir l’espace public. Au Québec, nous avons vu l’importante couverture médiatique accordée aux groupes islamophobes comme La Meute, le succès de la campagne électorale anti-immigration de la CAQ, ainsi que les conséquences violentes de l’adoption de sa loi 21. Alors que la mascarade que sont les élections fédérales commence, nous avons déjà pu voir la place de plus en plus importante prise par le nationalisme blanc, alors que les politicien.nes sèment la peur et la haine des migrant.es qui traversent la frontière à Roxham Road.

Les frontières comme les prisons ont été imposées sur ces territoires par le colonialisme et sont des systèmes fondamentalement axés sur la domination et le contrôle. Tandis que le Canada continue d’investir des milliards dans l’extractivisme, celles et ceux qui subissent le poids de la crise sont encore et toujours les communautés autochtones. Que ce soient les pipelines installées de force sur des territoires autochtones, les entreprises minières ou forestières opérant sur ces territoires sans le consentement des communautés concernées, ou encore la dévastation environnementale créée par la construction de raffineries près des réserves, les communautés autochtones sont constamment en première ligne, souffrant des effets néfastes de l’extractivisme tout en menant la résistance contre celui-ci.

Voici pourquoi Stantec et le complex Guy-Favreau ont été pris pour cible par des participant.es de la marche pour le climat. Les bâtiments ont reçu des bombes de peinture vertes et « Bienvenue aux migrants » a été écrit sur les façades. Au complex Guy-Favreau, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada tient des séances pour déterminer les conditions et périodes de détention des migrant.es, ce qui résulte souvent par une prolongation de leur emprisonnement. Stantec est une firme de génie-conseil qui travaille sur le projet de la nouvelle prison pour migrant.es à Laval.

Cette nouvelle prison fait partie de la fausse solution du Canada face à la menace posée par les changements climatiques, une tentative d’intensifier encore d’avantage le développement de ses infrastructures frontalières en gardant hors de celles-ci celles et ceux que le pays continue de chasser de leurs maisons. La réelle menace contre la Terre et les personnes qui l’habitent sont le capitalisme, la destruction de l’environnement et les politicien.nes qui, inévitablement, continuent de défendre ces systèmes tout en rejetant la faute sur les populations qu’ils et elles déplacent.

Nous croyons qu’il est nécessaire de pousser beaucoup plus loin que de simples demandes aux politicien.nes, et d’aller vers une remise en question du rôle joué par le Canada au sein de la crise mondiale. Nous espérons que la lutte pour le climat pourra élargir ses tactiques, approfondir ses analyses et continuer de créer des liens avec d’autres luttes actuelles contre le suprémacisme blanc, le colonialisme de peuplement, et l’impérialisme de frontières.

 

Climat de révolte

 Commentaires fermés sur Climat de révolte
Sep 262019
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

  • AUCUN GOUVERNEMENT NE SAUVERA LA PLANÈTE –
    NOUS DEVONS SAUVER LA PLANÈTE DES GOUVERNEMENTS!
  • QUAND LA POLICE ATTAQUE
  • UNE RÉPONSE ANARCHISTES AUX CHANGEMENTS CLIMATIQUES
  • NOS MASQUES NOUS PROTÈGENT
  • L’HISTOIRE NOUS LE DIT CLAIREMENT L’INSURRECTION POUR LE CLIMAT DOIT SAVOIR SE DÉFENDRE
  • LA RÉCUPERATION ET SES MULTIPLES FORMES
    LES VAUTOURS TOURNENT DÉJÀ EN ROND AU-DESSUS DE NOS TÊTES.

Lire.

Imprimer.

 

Une réponse anarchiste aux changements climatiques

 Commentaires fermés sur Une réponse anarchiste aux changements climatiques
Sep 232019
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Traduction de « An Anarchist Solution to Global Warming« 

Si la réponse du Capitalisme Vert face aux changements climatiques ne fera qu’ajouter de l’huile sur le feu, et si le gouvernement restera incapable de résoudre le problème à une échelle globale (comme je l’ai débattu dans les articles [1] [2]), qu’est-ce que suggèrent les anarchistes pour réorganiser la société afin de diminuer la quantité de gaz à effet de serre dans l’atmosphère et pour survivre dans ce monde qui n’est déjà plus le même?

Il n’existe pas une seule position anarchiste, et plusieurs anarchistes refusent même d’offrir une réponse en affirmant que si la société se libère de l’État et du capitalisme, elle se transformera de manière organique, et non pas en suivant les lignes d’un plan quelconque. D’ailleurs, cette attitude de contrôle politique, qui consiste à voir le monde de haut en y imposant plans et changements, est indissociable de la culture responsable de la destruction de la planète et l’oppression de ses habitant-e-s.

Malgré tout, je voudrais esquisser une manière possible d’organiser nos vies, non pas dans le but d’offrir une proposition concrète, mais parce que les visions nous rendent plus fort-e-s, et que nous avons tou-te-s besoin de courage afin de rompre une fois pour toutes avec les institutions existantes et les fausses solutions qu’elles nous offrent. Je vais décrire comment une société écologique et antiautoritaire pourrait se manifester avec les mots qui émergent de la complexité non idéale du moment présent. À des fins de simplification, je n’entrerai pas dans des débats d’ordre scientifique concernant ce qui est durable et ce qui ne l’est pas.

Je base la description de ce futur monde possible à la fois sur des nécessités physiques et sur ce qui est éthiquement désirable, en accord avec les prémisses suivantes.

  • L’extraction et la consommation de combustibles fossiles doivent être cessées complètement.
  • La production alimentaire industrielle doit être remplacée par des méthodes de cultivation durables et à échelle locale.
  • Les structures de centralisation du pouvoir sont par nature des structures qui exploitent l’environnement et qui oppriment les gens.
  • Les mentalités de valeur quantitative, d’accumulation, de production et de consommation – en d’autres mots, la mentalité marchande – sont par nature des mentalités qui exploitent l’environnement et qui oppriment les gens.
  • La science médicale est imprégnée d’une haine du corps, et même si elle a perfectionné une réponse efficace aux symptômes, sa pratique actuelle nuit à notre santé.
  • La décentralisation, l’association volontaire, l’organisation autonome, le soutien mutuel, et la non-coercition sont tous des projets et des pratiques réalisables ayant fonctionné par le passé, à la fois à l’intérieur et à l’extérieur de la civilisation occidentale, et ce à de nombreuses reprises.

Bienvenue dans le futur. Personne n’aurait pu deviner que la société globale ressemblerait à ça. Sa caractéristique déterminante est son hétérogénéité. Certaines villes ont été abandonnées; des arbres poussent au travers des avenues, des rivières se précipitent là où l’asphalte recouvrait jadis le sol, et les gratte-ciels s’effritent pendant que des cerfs se nourrissent à leurs pieds.

D’autres villes sont en plein essor, mais elles ont tellement changé qu’elles sont méconnaissables. Des toits, des friches désertes, et des trottoirs se sont transformés en jardins. Des arbres fruitiers et à noix bordent chaque pâté de maisons.

Les coqs annoncent chaque lever du soleil. Environ un dixième des rues – les artères principales- restent pavées ou sont faites de gravier, les théâtres et les édifices communautaires peuvent obtenir du courant même quand il se fait tard, sur une base rotative afin qu’ils puissent rester ouverts pour des soirées cinéma et d’autres évènements. Tout le monde a des chandelles et des lampes rechargeables, il y a alors toujours des lumières qui éclairent des fenêtres le soir. Nous sommes loin du ciel urbain d’aujourd’hui: la nuit on peut voir des étoiles dans le ciel, et les enfants, incrédules, restent bouche bée quand les ancien-ne-s leur racontent comment les gens ont abandonné l’ancien monde.

L’électricité est produite grâce à un réseau avoisinant de stations où l’on brûle les déchets agricoles (comme les épis de maïs) et des biocarburants, ainsi qu’à partir d’une petite quantité d’éoliennes et de panneaux solaires. Mais la ville utilise seulement une fraction de ce qu’elle consommait avant. Les gens chauffent et refroidissent leur maison sans électricité, grâce à une conception intelligente qui utilise la passivité solaire. Dans les régions plus froides, pendant l’hiver, les gens complètent cela avec de la combustion de carburants renouvelables, mais les maisons sont bien isolées et les fours sont conçus avec la plus grande efficacité: il n’y a donc pas grand-chose à faire.

Personne ne possède de réfrigérateur, mais à tous les étages des bâtiments, on peut trouver un congélateur collectif. On entrepose les denrées périssables comme le yogourt, les oeufs et les légumes dans une glacière ou dans une cave, et les aliments sont mangés frais ou bien cannés. Les gens font pousser la moitié de leur propre nourriture dans les jardins de leur quartier. Presque toute la nourriture provient d’un rayon de 30 km. Aucun aliment n’est modifié génétiquement ou produit à partir d’ingrédients chimiques, et les aliments sont cultivés pour leur goût et leur apport nutritif – pas selon leur longévité et leur durabilité par transport. En d’autres mots, les aliments sont plus goûteux, et la nourriture est plus saine.

Toutes les maisons ont une toilette compostable et de l’eau courante, mais pas de service d’eaux usées. Une quelconque loi non écrite assure que chaque communauté à travers le monde remédie à la production de ses propres déchets. L’envoi de déchets polluants en aval est le plus grand tabou. Les rares usines restantes utilisent des champignons et des microbes situés sur de grandes parcelles boisées autour de l’enceinte de l’usine pour assainir les polluants qu’elles produisent. Les quartiers transforment tous leurs déchets en compost ou en carburant. La quantité d’eau potable disponible étant limitée, les bâtiments sont équipés de capteurs d’eau de pluie pour les jardins.

Dans la plupart des villes, les gens tiennent des assemblées de quartier périodiques ou ad hoc afin de maintenir les jardins, les routes et les bâtiments, d’organiser les services de garderie, et de médier les disputes. Les gens participent également à des réunions avec les conseils de travail ou les projets infrastructuraux auxquels illes décident de consacrer une partie de leur temps. Ceux-ci peuvent inclure: le conseil de l’eau, des transports, de l’électricité, un hôpital, un conseil de travailleur-ses de construction, de guérisseur-ses (la grande majorité des soins de santé est assurée par des herboristes, des naturopathes, des homéopathes, des acupuncteur-rices, des massothérapeutes, des sages-femmes et d’autres spécialistes effectuant des visites à domicile) ou encore une usine. Autant que possible, les conseils de travail sont décentralisés, avec des individus et des petits groupes à qui on fait confiance de bien faire leur travail. Lorsque nécessaire, illes coordonnent également leurs activités au sein de réunions se déroulant généralement sous la forme d’assemblées ouvertes utilisant le consensus et privilégiant le partage des perspectives et des informations, plutôt que la prise de décision. Parfois, des rencontres interrégionales sont organisées (pour les communautés autour d’un même cours d’eau, par exemple). Elles fonctionnent selon une structure de délégation, quoique les rencontres restent ouvertes à tout le monde et cherchent toujours à atteindre des décisions qui satisfont l’ensemble des gens, considérant qu’il n’y a pas d’institutions coercitives et que la coercition sous n’importe quelle forme est mal vue. Elle signifie « ramener les vieux jours ».

Puisque le pouvoir est toujours localisé au maximum, la grande majorité des décisions sont prises par des individus ou des petits groupes partageant des affinités et travaillant régulièrement ensemble. Depuis qu’on n’accorde plus d’importance à l’homogénéité de la population, qui servait autrefois à des fins de contrôle et d’accumulation du pouvoir, les gens ont réalisé qu’une bonne partie de la coordination prend place de manière organique: différentes personnes prenant différentes décisions et travaillant à réconcilier leurs décisions avec celles des autres.

Même si les sociétés sont structurées de manière à créer des sentiments de communauté et de mutualité, il existe également une grande marge de manoeuvre pour la vie privée solitaire. Plusieurs quartiers ont des cuisines et des salles à manger collectives, mais les gens cuisinent parfois elleux-mêmes et peuvent manger seul-es lorsqu’illes en ont envie. Dépendamment des préférences culturelles, certaines sociétés ont des bains publics et d’autres non. La mise en commun forcée des expériences passées sous les utopies socialistes est absente de ce monde. La propriété privée a été abolie dans le sens classique (c’est-à-dire où les gens reposent sur les moyens de production pour leur survie), mais n’importe qui peut avoir autant d’effets personnels qu’ille peut et veut en obtenir – vêtements, jouets, réserve de bonbons, vélo, etc.

Plus une communauté est petite, plus elle a tendance à utiliser une économie du don – tout ce que tu n’utilises pas, tu l’offres en cadeau, solidifiant ainsi les liens que tu entretiens avec les autres et augmentant la quantité d’objets en circulation – qui est possiblement le système économique le plus vieux et le plus répandu dans toute l’espèce humaine.

Il n’y a plus de police. Généralement, les gens sont armés et entrainés à l’autodéfense. La vie quotidienne de chacun-e comprend des activités qui favorisent un sens de l’intérêt personnel et collectif. Les gens dépendent de la coopération et de l’aide mutuelle pour leur survie et leur bonheur, alors celleux qui endommagent leurs liens sociaux se font surtout du mal à elleux-mêmes et s’isolent. Les gens ont combattu pour renverser leurs oppresseur-es. Illes ont défait la police et les forces militaires de la classe dirigeante, et illes se rappellent de leur victoire. L’impératif de ne plus jamais être gouverné-es constitue une part importante de leur identité. Illes ne sont pas sur le point de se sentir intimidé-es par un-e psychopathe occasionnel-le ou une bande de malfaisant-es.

En bref, la ville a une empreinte écologique négligeable. Une densité élevée de personnes habite dans des régions qui ont une biodiversité impressionnante, avec de nombreuses espèces animales et végétales qui cohabitent dans la ville. Illes ne produisent pas de pollution à laquelle illes ne peuvent remédier elleux-mêmes. Illes se procurent de l’eau dans les bassins versants, mais en quantité bien moins grande que dans une ville capitaliste, et en accord avec les autres communautés qui partagent le même cours d’eau. Illes produisent des gaz à effets de serre en quantité réduite par la combustion de carburant. Cependant illes en retirent davantage de l’atmosphère par le biais de leur agriculture (puisque tous leurs biocarburants sont agricoles et que le carbone rejeté dans l’atmosphère est le même que celui que les plantes ont absorbé pendant leur croissance).

Presque toute la nourriture est produite de manière durable et locale. Il existe quelques usines de production, mais la plupart utilisent des matériaux recyclés.

À l’extérieur de la ville, le monde est encore plus transformé. Les déserts, les jungles, les régions montagneuses, les marais, la toundra, et les autres régions qui ne peuvent pas supporter une population de haute densité, sont redevenus sauvages. Aucun programme gouvernemental n’a été nécessaire pour préserver la nature; ça ne valait tout simplement pas la peine d’habiter là-bas une fois la production de combustibles fossiles terminée. Beaucoup de ces zones ont été reprises par les autochtones qui les habitaient jadis. Dans plusieurs de ces régions, les habitant-es peuvent de nouveau pratiquer la chasse et la cueillette, retrouvant la forme d’économie la plus intelligente pour cette biorégion et renversant ainsi la notion conventionnelle de ce qui est considéré « futuriste ».

Le transport persiste encore entre les biorégions. Les villes sont reliées par des trains qui fonctionnent par biocarburant, et les gens traversent régulièrement les océans sur des bateaux alimentés principalement par le vent. Une quantité quelconque des échanges interrégionaux se déroule de cette manière, mais le transport entre les régions permet surtout un mouvement de personnes, d’idées et d’identités. Les gens sont moins mobiles qu’illes ne l’étaient dans les derniers jours du capitalisme, mais d’un autre côté, illes ne sont plus obligé-es de suivre les caprices de l’économie, ni d’être déraciné-es par la recherche de travail. Économiquement, les biorégions sont presqu’entièrement auto-suffisantes et les gens se supportent elleux-mêmes. S’illes se déplacent, c’est parce qu’illes veulent voyager, voir le monde, et sont libres de le faire car il n’y a plus de frontières.

Les communications de plus longue distance se font principalement par radio. La majorité des communautés urbaines ou semi-urbaines ont des téléphones et internet. La production hautement toxique d’ordinateurs a pratiquement cessée, mais quelques villes utilisent de nouvelles méthodes, plus lentes mais plus responsables, afin de manufacturer des ordinateurs à une échelle minimale. Des populations rurales habitent assez proches d’une ville pour accèder à ces formes de communication, de temps en temps. Les gens recoivent encore des nouvelles provenant du monde entier, et illes continuent de cultiver une identité qui est partiellement globale.

Les bases économiques de la société se sont grandement diversifiées au sein de chaque communauté linguistique. En d’autres mots, une personne peut vivre dans une commune agricole avec un niveau technologique similaire à celui de l’occident du 19ième siècle, mais à côté d’elle se trouve une forêt habitée par des chasseur-es-cueilleur-ses, et quelque fois par année elle se rend dans une ville qui est elle-même organisée par des conseils de travail et des assemblées de quartiers, où l’on trouve de l’électricité, des autobus, une station de train ou un port, et où elle peut regarder des films ou lire le blog de quelqu’un qui vit à l’autre bout du monde.

Des images et des nouvelles provenant du monde entier circulent dans les communes sur une base régulière. Les gens parlent la même langue et partagent une culture et une histoire similaires avec ces communautés qui autrement sont bien différentes. Il en résulte qu’une identité clanique et insulaire, susceptible de poser de sérieux problèmes -notamment la régénération potentielle de comportements dominateurs et impérialistes-, est constamment évitée par la cultivation d’une identité globale et par le mélange avec des membres très différents d’une communauté plus large. En effet, puisque presque toutes les communautées linguistiques s’étendent bien au-delà d’une seule biorégion, et puisque les gens connaissent une mobilité sociale sans précédent, il y a une circulation infinie des gens entre ces différentes communautés. Chaque individu décide, à un certain âge, s’ille veut vivre dans la ville, la campagne ou la forêt. Non seulement les frontières n’existent plus entre des nations construites artificiellement mais les frontières sociales n’empêchent plus le mouvement entre différentes identitées et catégories culturelles.

Pour les personnes agées, ce mode de vie est un paradis, mélangé aux détails croustillants de la réalité – conflits, labeur, chagrins et drames du quotidien. Pour les plus jeunes, c’est simplement vivre selon le bon sens.

Et d’année en année, le monde guérit un peu plus des ravages du capitalisme industriel. La quantité de forêt et de zones humides a augmenté au même rythme que la régénération de certaines zones, alors que les régions densément peuplées sont devenues des écosystèmes en santé grâce au jardinage, à la permaculture et à l’élimination des voitures.

Les niveaux de gaz à effet de serre dans l’atmosphère sont réellement en train de diminuer, bien que lentement, pour la première fois depuis des années, alors que le carbone est renvoyé dans le sol, dans les forêts et dans les zones humides et urbaines. La combustion d’énergie fossile a cessé. Plus du tiers des espèces de la planète se sont éteintes avant que les gens ne modifient enfin leur mode de vie, mais maintenant que la perte d’habitat est renversée, plusieurs espèces reprennent des forces. À condition que l’humanité n’oublie pas sa plus grande leçon jamais apprise, dans quelques millions d’années, la biodiversité de la planète Terre sera plus grande que jamais.

Une vie digne a remplacé le profit comme nouveau critère social et, en coup de poing contre tou-tes les ingénieur-es de la planification sociale, chacun-e est autorisé-e à déterminer comment y parvenir. Les gens ont retrouvé l’habilité de se nourrir et de se loger elleux-mêmes et les communautés individuelles ont prouvé qu’elles étaient les mieux placées pour élaborer un mode de subsistance plus adapté aux conditions locales et aux changements variés induits par le réchauffement planétaire. Au final, c’est une évidence: l’unique solution qui était écartée par ceux et celles qui profitaient des changements climatiques était la seule qui avait une chance de réussir.

Pendant trop longtemps, les gens n’ont pas cru ceux et celles qui les mettaient en garde contre les changements climatiques, l’effondrement écologique et les autres problèmes créés par le gouvernement et le capitalisme – ceux et celles qui réclamaient des solutions radicales. Au final, illes ont compris que la meilleure décision qu’illes avaient prise était de cesser de faire confiance aux gens au pouvoir, soit les responsables pour tous ces problèmes. À la place, illes se sont fait confiance et ont plongé.

Les lecteur-ice-s qui doutent de la possibilité de réalisation de cette vision peuvent se réferer au livre Champs, Usines et Ateliers de Pierre Kropotkin, qui énonce une proposition similaire, mais il y a plus de cent ans. Illes peuvent aussi voir comment les territoires autochtones sur lesquels illes vivent étaient organisés avant la colonisation. D’où je viens, la confédération des Powhatans a maintenu la paix et coordonné les échanges commerciaux entre plusieurs nations de la partie sud du bassin versant de la baie de Chesapeake. Au Nord, les Haudensaunne ont maintenu la paix entre cinq (et plus tard six) nations pendant des centaines d’années. Les deux groupes ont supporté de fortes densités de population grâce à l’horticulture intensive et à la pêche sans dégrader leur environnement.

Où je vis aujourd’hui, à Barcelone, les travailleur-ses ont repris la ville et les usines et ont tout dirigé elleux-mêmes en 1936. Et là où je me trouve en écrivant cet article, à Seattle, une grève générale d’un mois a eu lieu en 1919. Les travailleur-ses là-bas se sont également montré-es capables de s’organiser et de maintenir la paix. Tout ça n’es pas un rêve. C’est une possibilité imminente, mais seulement si nous avons le courage d’y croire.

Entre national-populisme et néofascisme : État des lieux de l’extrême droite au Québec en 2019

 Commentaires fermés sur Entre national-populisme et néofascisme : État des lieux de l’extrême droite au Québec en 2019
Sep 152019
 

De Montréal Antifasciste

Définitions et traits caractéristiques

Originellement constitué à partir de différentes expériences militantes visant à confronter des manifestations d’extrême droite à Montréal, le collectif Montréal Antifasciste s’est principalement attaché au cours des deux dernières années à documenter et à révéler au grand jour les différents mouvements et organisations qui mettent de l’avant des croyances et des politiques d’exclusion plus radicales que ce que proposent généralement les programmes de la droite « classique ». De plus, surtout parce que nos ressources sont limitées, nous avons omis de cibler les mouvements n’ayant actuellement que peu ou pas d’activité publique dans notre ville, comme le mouvement antiavortement ou, plus largement, la droite catholique, bien que nous nous efforcions de les garder à l’œil. Ainsi, il s’agit moins d’une approche théorique que d’une démarche pragmatique. Notre objectif n’est pas de produire une grande théorie sur le développement de l’extrême droite au XXIe siècle, mais plutôt de fournir des munitions intellectuelles et pratiques au milieu militant et à la population afin d’empêcher la normalisation du racisme, de la xénophobie et de l’islamophobie et de contribuer à la consolidation des mouvements antiracistes et antifascistes.

Il nous faut aussi insister sur le fait que notre approche relève d’un souci de commodité et de rapidité. Nous ne prétendons pas réduire le problème à l’extrême droite comme telle. Nous sommes conscient-e-s du fait que certaines politiques publiques (comme la Loi sur la laïcité de l’État [projet de loi 21]) et pratiques de l’État (comme la brutalité policière et les contrôles frontaliers) ainsi que différents systèmes d’oppression au sens large ont des répercussions bien plus dommageables que l’extrême droite à elle seule. Toutefois, nous croyons que des groupes numériquement restreints, mais déterminés, ont la capacité d’influencer la société de manière disproportionnée, et que même lorsque cela paraît improbable, ces groupes représentent une menace qu’il faut neutraliser en tant que telle. C’est le mandat que nous nous sommes donné.

Une cartographie exhaustive de l’extrême droite québécoise pourrait facilement faire l’objet d’un essai beaucoup plus long; ce qui suit n’est qu’un modeste aperçu. Notre priorité, en l’occurrence, est de cerner les traits caractéristiques des différents milieux d’extrême droite et de nommer les groupes actuellement les plus actifs au Québec. Nous avons dû ignorer ou mettre de côté de nombreux éléments en raison des contraintes d’espace. Nous vous invitons à consulter notre site Internet (http://montreal-antifasciste.info) pour un examen plus détaillé et approfondi.

Bien que certain-e-s d’entre nous étudient et confrontent l’extrême droite depuis des dizaines d’années, notre travail dans le cadre de Montréal Antifasciste revêt un caractère pratique, et c’est la pratique qui a conditionné à la fois ce que nous avons pu apprendre et notre manière de conceptualiser la situation. Sur la base de cette expérience, nous avons déterminé que les croyances fondamentales de l’extrême droite québécoise sont :

  • L’islamophobie;
  • L’opposition à un « système global » défini en termes simplistes et étroitement identifié aux partis libéraux fédéral et provinciaux (personnifiés pour plusieurs par Justin Trudeau, qui est universellement honni, diabolisé, ridiculisé et accusé tous les maux imaginables; entre autres lubies, Trudeau serait le fils illégitime de Fidel Castro et il soutiendrait secrètement la pédophile et l’introduction de la charia au Canada);
  • La croyance qu’un processus insidieux est en marche pour remplacer graduellement des groupes de personnes auxquels les droitistes s’identifient (les Québécois-e-s « de souche », les personnes blanches, etc.) par des personnes issues d’autres cultures ou « races » (la mesure dans laquelle ce remplacement serait planifié, et par qui, varie d’un groupe à l’autre et entre les individus).

Au-delà de ces traits généraux qui unissent les diverses tendances de l’extrême droite, il existe un certain nombre de différences, la plus saillante étant sans doute l’écart entre, d’un côté, un groupe de militants beaucoup plus grand, mais beaucoup moins cohérent politiquement, partageant de nombreuses caractéristiques avec la « droite classique », et, d’un autre côté, une tendance plus restreinte, mais adhérant à des positions idéologiques beaucoup plus rigoureuses s’inspirant explicitement du fascisme historique et du suprémacisme blanc. Dans notre travail, nous désignons le premier groupe comme « national-populiste » et le deuxième comme « fasciste », « néofasciste » ou « néonazi », selon les cas.

D’après ce que nous avons pu voir, autant dans leurs croyances fondamentales que dans la bifurcation politique décrite ci-dessus, l’extrême droite québécoise répond aux mêmes schémas qui existent ailleurs au Canada.

Les principales organisations nationales-populistes du Québec sont La Meute (fondée en 2015) et Storm Alliance (fondée en 2016). Si, initialement, la première s’opposait avant tout à « l’islam radical » tandis que la seconde disait se battre contre « l’immigration illégale », leurs priorités politiques sont aujourd’hui plus ou moins identiques. Le groupuscule Front patriotique du Québec (FPQ), beaucoup plus petit et marginal, a aussi joué un rôle important dans ce milieu à plusieurs égards; il a régulièrement critiqué La Meute pour son « fédéralisme » et plusieurs de ses membres et sympathisants ont participé à la création de groupes de « sécurité » d’extrême droite dans le but de « protéger » leurs organisations et d’intimider leurs opposant-e-s. Il nous faut également mentionner la prétendue Vague bleue, une mobilisation qui a eu lieu à Montréal le 4 mai 2019 et dont une seconde édition a eu lieu à Trois-Rivières le 27 juillet suivant. Adoptant une approche éprouvée par le FPQ, ces rassemblements sont organisés par des éléments du milieu national-populiste, mais servent à rassembler des personnes mal informées au sujet des principes politiques qui les sous-tendent, en les flanquant de divers groupes de « sécurité » d’extrême droite comptant des éléments néofascistes. Bien que la seconde édition se soit avérée un échec lamentable (de quelque 300 participant-e-s à Montréal, le rassemblement a rétréci à moins de 75 personnes à Trois-Rivières), cette formule risque fort d’être reprise à l’avenir.

La tendance néofasciste, quant à elle, est beaucoup plus étroite que le milieu national-populiste, et on n’y retrouve actuellement que deux organisations notables : Atalante (basée à Québec et active depuis 2016), et la Fédération des Québécois de souche (décentralisée, mais comportant vraisemblablement un centre au Saguenay). Parallèlement, il y a eu un certain nombre de projets politiques semi-formels plus discrets animés au fil des ans par des néofascistes et des néonazis. L’exemple le plus important des dernières années est sans doute le groupe Alt-Right Montreal/Stormer Book Club, dont l’existence a été révélée en mai 2018 par la Montreal Gazette. Tous les groupes associés à cette tendance s’identifient d’une manière ou d’une autre à la tradition du fascisme et/ou du nationalisme blanc.

 

Le milieu national-populiste

L’apparition de La Meute (et, à un moindre degré, de Storm Alliance) a signalé un changement important au sein de l’extrême droite québécoise. Il s’agissait des premiers groupes depuis les années 1990 qui semblaient capables de s’adresser à une base plus large que leurs propres membres. En d’autres termes, ils étaient les premiers groupes depuis longtemps à présenter un véritable potentiel de croissance. Les groupes qui avaient été actifs dans les années précédentes, comme l’Ordre des Templiers, PEGIDA Québec, la Coalition des citoyens concernés (sic) ou le Mouvement républicain du Québec, n’avaient jamais vraiment été autre chose qu’une poignée d’individus (parfois même un seul individu) se présentant comme une « organisation ». Le seul groupe ayant eu une certaine portée avant 2016, Les Insoumis, n’a quant à lui jamais vraiment été en mesure de recruter au-delà de la région de Sherbrooke, même si ses membres sont venus à Montréal à plusieurs reprises pour participer aux événements organisés par d’autres groupes. Ce qui ressemble le plus à un présage de ce qui allait venir est la « Marche du silence » organisée à Montréal le 24 septembre 2015 contre le projet de loi 52 du Parti libéral du Québec (comptant sur la participation de membres des Insoumis et d’autres militant-e-s anti-immigration), même si les différentes manifestations organisées en faveur de la Charte des valeurs québécoises en 2013 constituaient en quelque sorte d’autres signes avant-coureurs.

Le milieu national-populiste comporte une importante diversité de perspectives sur différents enjeux, que reflète la volonté sans cesse répétée de préserver « l’unité » en acceptant des personnes affichant des opinions divergentes pourvu qu’elles adhèrent à « la cause » (laquelle est rarement présentée de façon précise). Par conséquent, ce milieu est beaucoup moins cohérent, mais aussi beaucoup plus grand et susceptible de se transformer que la droite néofasciste. Afin de contrer la fâcheuse tendance à décrire tous les groupes d’extrême droite comme « fascistes », il est utile de passer en revue certains des attributs du milieu national-populiste :

  • Les nationaux-populistes sont nombreux et nombreuses à insister sur le fait qu’ils et elles « ne sont pas racistes », et l’opposition à la discrimination raciale fait même partie des déclarations de principes de La Meute et de Storm Alliance. Bien que cette posture s’appuie sur l’affirmation fallacieuse voulant que « l’Islam [n’est] pas une race », ils sont très nombreux à le croire sincèrement, et cette attitude les différencie d’autres courants de l’extrême droite. Cela fait en sorte qu’un certain nombre de personnes de couleur, d’anciens musulmans ou d’Autochtones sont les bienvenus dans les mobilisations nationales-populistes (même si cette inclusion symbolique, vue de l’extérieur, a souvent un caractère particulièrement embarrassant…). Cela rend par ailleurs ces groupes plus acceptables aux yeux d’une partie de la société blanche qui, bien qu’elle soit raciste, n’est pas prête à l’admettre ouvertement.
  • Une importante partie du mouvement national-populiste adhère à un discours homonationaliste et/ou fémonationaliste, et prône ainsi un idéal du Québec que rejettent d’emblée d’autres segments de l’extrême droite. L’opposition à « l’Islam radical » et à « l’immigration illégale » est souvent formulée sous l’angle des droits des femmes et des personnes LGB (en excluant plus souvent qu’autrement les droits des personnes trans) et même parfois dans un cadre « féministe ». À de rares exceptions près, les membres de ce milieu prétendent être en faveur des droits des femmes (c’est d’ailleurs une politique officielle de La Meute et de Storm Alliance) et l’opposition aux pratiques misogynes est l’un des clichés antimusulmans les plus répandus. De plus, de nombreuses femmes sont actives dans ce mouvement et plusieurs occupent des rôles d’autorité. Cela dit, le mouvement reste dominé par des hommes; outre les cas rapportés d’agressions et de harcèlement sexuel entre les membres, un bref examen des comptes sur les médias sociaux révèle un large éventail de mèmes, gags et commentaires que la plupart des gens trouveraient sexistes ou sexuellement objectivants, et il reste que les principaux leaders de ces groupes sont pratiquement tous des hommes.
  • Ce milieu n’est pas soudé autour d’une position unique concernant l’indépendance du Québec. Bien qu’on n’y trouve que très peu de fédéralistes purs et durs, voire aucun, les opinions varient d’un soutien aveugle à l’indépendance (le FPQ et le Parti patriote) à une position mitigée selon laquelle ces questions sont secondaires, car dans l’immédiat le Canada comme le Québec doivent être défendus contre les « immigrants illégaux » et « l’Islam radical » (La Meute/Storm Alliance). Ce manque d’unité a d’ailleurs été à l’origine de nombreux conflits entre individus et même entre groupes; La Meute a ainsi souvent été accusée d’être « fédéraliste ».
  • Le milieu national-populiste affiche généralement une certaine sympathie à l’égard des peuples autochtones, qui sont dépeints comme les victimes de ce même système « globaliste » qui maintient les Québécois-es (et les Canadien-ne-s) sous son joug. On trouve aussi la position, que partagent même certains néofascistes, voulant que les mouvements contemporains doivent s’inspirer des alliances historiques entre Canadiens-Français et peuples autochtones contre les Anglais. Cette position s’appuie sur une interprétation superficielle et complaisante de l’histoire du Québec, qui nie le rôle des Canadiens français dans la colonisation et le génocide des Premières Nations, et sur une logique d’appropriation voulant que « tous les Québécois » soient eux-mêmes d’une certaine manière « autochtones » en raison d’une supposée (et largement mythique) ascendance autochtone. Cette version alambiquée de l’histoire les mène à conclure qu’aucun tort historique ne mérite vraiment de redressement, mais qu’il faut plutôt chercher à construire une alliance contre les « mondialistes » (ou les libéraux, les envahisseurs, etc.). Quoi qu’il en soit, certain-e-s Autochtones (ou personnes se présentant comme telles) ont effectivement participé à des manifestations nationales-populistes sur une base individuelle, arborant même à l’occasion le drapeau de la Société guerrière Mohawk. De plus, un certain nombre de tentatives ont été faites pour tisser des relations au sein de communautés autochtones, mais les liens concrets, si tant est qu’il y en ait, revêtent jusqu’à ce jour un caractère extrêmement marginal. En outre, ces efforts semblent aussi superficiels qu’intéressés, car les authentiques revendications politiques et réclamations territoriales formulées par certaines communautés autochtones font vite ressortir le caractère réactionnaire de nombreux militants nationaux-populistes.
  • L’antisémitisme n’est pas une orientation dominante du mouvement national-populiste, et les Juifs sont rarement ou jamais mentionnés dans les communications officielles de ces organisations. Contrairement aux nationaux-populistes du Canada anglais, toutefois, il ne semble pas y avoir eu de connexion entre les nationaux-populistes du Québec et l’extrême droite juive. Cela dit, les grilles d’analyse complotistes développées par l’antisémitisme chrétien au fil des siècles se voient clairement transposées dans la croyance en un complot « mondialiste » très répandue dans ce mouvement, lequel complot est très souvent illustré par l’évocation du milliardaire juif hongrois George Soros en sinistre manipulateur de la gauche politique et sociale du monde entier. De plus, il faut tout de même noter qu’un grand nombre d’individus au sein de ce mouvement affichent ouvertement des sentiments antisémites et il n’est pas rare de tomber sur, par exemple, des références « humoristiques » à l’Holocauste. Nous observons par ailleurs que l’imaginaire antisémite, sous l’influence de certains individus, prend de plus en plus de place dans les médias sociaux du milieu national-populiste.
  • De nombreuses personnes du courant national-populiste ne se considèrent pas elles-mêmes comme étant « d’extrême droite ». Quelques rares individus disent même se considérer « de gauche », bien que cette posture semble être, plus souvent qu’autrement, un stratagème malhonnête pour prétendre « savoir de quoi [ils] parlent » lorsqu’ils se moquent de la vraie gauche (laquelle aurait en fait été détournée par les islamistes, les hipsters et le féminisme intersectionnel!). Le plus souvent, les nationaux-populistes se disent « ni de gauche, ni de droite », mais simplement « pour le peuple » et « contre la corruption ». Un refrain souvent entonné est que le gouvernement ou les antifascistes sont « fascistes » et « racistes » envers les Québécois, les Canadiens, ou simplement, « les blancs ».
  • Bien que le mouvement national-populiste tende à se positionner contre « l’élite » et « les politiciens », ses membres sont très majoritairement sympathiques à l’appareil répressif de l’État, soit l’armée et la police. De nombreuses figures de proue du mouvement sont d’anciens membres des forces armées, et lorsqu’ils manifestent, les membres de ces groupes se font un point d’honneur de remercier la police, allant parfois jusqu’à scander des slogans pro police. Rappelons d’ailleurs que La Meute a été fondée par d’anciens militaires et a compté d’ex-policiers parmi ses figures dirigeantes.
  • Enfin, les membres du mouvement national-populiste ne rechignent pas à collaborer avec des groupes et individus ouvertement racistes ou fascistes. Bien que la très grande majorité se dise « pas racistes », ils défendent régulièrement la participation d’organisations ouvertement racistes à leurs mobilisations, ont souvent des liens dans les médias sociaux avec des membres de ces groupes, et plaident en faveur de « l’unité » avec les fascistes contre leurs opposants (les antifascistes, le gouvernement, etc.). En tant que tel, le mouvement national-populiste constitue un immense bassin de recrues potentielles, ou du moins d’alliés potentiels, pour les forces d’extrême droite plus radicales. (Notons d’ailleurs qu’un très grand nombre de nationaux-populistes, y compris de nombreuses personnes en position d’autorité ou perçues comme des leaders, suivent les pages d’Atalante et de la FQS sur Facebook, par exemple.)

Les individus qui adhèrent à ce genre de croyances ne sortent bien sûr pas de nulle part, et on les trouvait auparavant en périphérie de partis politiques plus « légitimes ». On peut supposer que le principal facteur qui a fait croître leur nombre est une série de campagnes islamophobes orchestrées de haut en bas par certains politiciens et conglomérats médiatiques depuis le premier « débat sur les accommodements raisonnables » en 2007. Il s’est en fait agi d’un processus continu, où le Parti québécois sous la direction de Pauline Marois (2007-2014) et l’empire médiatique Québecor (sous la gouverne de Pierre-Karl Péladeau, un riche homme d’affaires ayant lui-même brièvement dirigé le PQ de 2015 à 2016) ont tous deux joué un rôle de premier plan. Québecor Media, le plus important conglomérat médiatique au Québec (et le troisième plus important au Canada), offre une plateforme extraordinaire à de nombreux propagandistes de droite, comme Richard Martineau, Mathieu Bock-Côté, Lise Ravary et d’autres, tout en publiant un flux constant d’articles stigmatisant divers groupes minoritaires dans la société québécoise, en particulier les personnes musulmanes. S’étant retiré du Conseil de presse du Québec en 2010, l’entreprise Québecor ne rend pratiquement plus de comptes à personne et poursuit impunément, jour après jour, son entreprise de conditionnement idéologique de la population québécoise. En plus de ce géant médiatique, un autre facteur pouvant servir à mesurer à la fois l’attrait potentiel du mouvement national-populiste et sa récente expansion a été le développement du phénomène des radios poubelles, principalement dans la région de Québec. (Les radios poubelles sont une forme particulière de radio conçue sur mesure pour les hommes de 18 à 45 ans des classes ouvrière et moyenne vivant en banlieue et qui cultive leurs pires instincts avec un bombardement constant de propos violemment réactionnaires sur divers sujets, tombant souvent dans la diabolisation et le harcèlement de boucs émissaires désignés, comme les féministes, les gauchistes, les environnementalistes, les étudiants, les immigrants et les musulmans.) Non seulement ces radios ont-elles fait la promotion des idées d’extrême droite, elles se sont aussi régulièrement employées à légitimer les organisations nationales-populistes en invitant leurs porte-parole à s’exprimer en ondes et à défendre leurs activités lorsqu’elles ont fait l’objet de critiques.

Finalement, les échecs répétés du mouvement indépendantiste de tendance social-démocrate, avec le déclin du soutien populaire au projet souverainiste, d’une part, et l’incapacité du Parti québécois à résister au virage austéritaire néolibéral, d’autre part (certaines des mesures d’austérité les plus draconiennes ayant été imposées par des gouvernements indépendantistes entre 1994 et 2003, puis entre 2012 et 2014), ont créé les conditions propices à la réémergence d’un nationalisme identitaire ayant davantage en commun avec le mouvement conservateur des années 1920 qu’avec le projet indépendantiste porté par la génération du baby-boom.

Certaines villes et régions ont aussi eu leurs propres personnalités et enjeux localisés qui ont favorisé le développement du milieu national-populiste. Par exemple, sur la Côte-Nord, Bernard « Rambo » Gauthier a su exploiter sa popularité en tant qu’« homme du peuple » bourru et mal dégrossi pour catalyser une certaine influence politique (limitée, mais bien réelle) avec laquelle il a popularisé un sentiment islamophobe et anti-immigrant formulé en termes familiers : « Moé sauver des étrangers au détriment des miens, ben y’en est crissement pas question! On est assez dans marde comme ça pour en rajouter! » En 2007, le conseil municipal de la petite localité de Hérouxville, en Mauricie, adoptait un foncièrement raciste « code de conduite pour les immigrants », lequel jouait sur divers préjugés et stéréotypes au sujet des minorités ethniques et religieuses, en particulier les personnes musulmanes, en insinuant qu’il fallait expressément leur interdire de se livrer à des pratiques misogynes comme la lapidation des femmes et la mutilation génitales. (Le conseiller municipal à l’origine du code de conduite d’Hérouxville, André Drouin, s’est plus tard impliqué dans le groupe d’extrême droite RISE Canada et s’est pour un temps associé à la Fédération des Québécois de souche qui, après sa mort en 2017, a fait son éloge dans sa revue Le Harfang en le désignant comme un « courageux combattant ».)

Malgré ce contexte déjà passablement sordide, ça n’est qu’en 2016, dans le contexte des campagnes électorales de Donald Trump et de Marine Le Pen et suite à la création de La Meute, que ce milieu amorphe a graduellement commencé à prendre conscience de lui-même et à se constituer en mouvement.

Un tournant décisif a été le massacre au Centre culturel islamique de Québec, le 29 janvier 2017, lorsqu’Alexandre Bissonnette est entré dans la mosquée et a ouvert le feu sur les fidèles, tuant six personnes et en blessant plusieurs autres. (Bien que le caractère islamophobe de cette attaque soit indiscutable, Bissonnette n’était affilié à aucun groupe connu.) La tuerie de la mosquée de Québec a en quelque sorte précipité les choses pour l’extrême droite. Les militant-e-s se sont senti-e-s attaqué-e-s lorsque la police a annoncé avoir entrepris des enquêtes sur les discours haineux en ligne, et c’est à ce moment que leurs appréhensions se sont cristallisées autour de la Motion M-103, un projet de loi (non contraignant) d’initiative parlementaire condamnant l’islamophobie qui avait été déposé à la Chambre des communes quelques mois plus tôt. Pour bon nombre de ces militant-e-s, l’introduction de ce projet de loi représentait un moment charnière.

Ainsi, l’année 2017 a été une période de croissance rapide tandis que les organisations nationales-populistes ont pris la rue à plusieurs reprises, ce qui a contribué à accroître leur visibilité et l’influence de leur discours. Bien que cela ait représenté un important pas en avant pour ces groupes, un examen de la participation à leurs mobilisations révèle qu’ils sont restés incapables de mobiliser à la même échelle que les principaux mouvements sociaux, dont la gauche radicale :

  • Le 4 mars 2017, dans le cadre d’une journée nationale d’action contre la Motion M-103, près de 200 personnes se sont réunies sous la bannière de La Meute à Montréal, tandis qu’une centaine d’autres manifestaient à Québec (le même jour, environ cent personnes ont marché à Saguenay et des groupes plus modestes se sont mobilisés à Trois-Rivières et Sherbrooke).
  • Le 23 avril 2017, une manifestation organisée par le Front patriotique du Québec sur le thème « Un peuple se lève contre le PLQ » a réuni environ 100 personnes au centre-ville de Montréal.
  • Le 28 mai 2017, environ 50 personnes ont participé à une autre manifestation contre le PLQ organisé par le Front patriotique du Québec à Montréal.
  • Le 1er juillet 2017, environ 60 personnes, dont des membres de La Meute, ont répondu à l’appel lancé par Storm Alliance et se sont réunies à Roxham Road, à la frontière avec les États-Unis et près de la petite ville d’Hemmingford, pour « surveiller » les passages irréguliers et intimider les réfugié-e-s, dont le nombre avait considérablement augmenté en raison des mesures anti-immigration instaurée par l’administration Trump aux États-Unis. (Une contre-manifestation tapageuse organisée par Solidarité sans frontières a empêché les militant-e-s anti-immigration de se rendre directement au point de passage.)
  • Le 20 août 2017, à Québec, La Meute a réussi à mobiliser un large éventail de personnages d’extrême droite pour une manifestation contre « l’immigration illégale »; après avoir été confinés à un stationnement sous-terrain pendant plusieurs heures par une contre-mobilisation antifasciste déterminée, entre 200 et 300 membres et sympathisant-e-s de La Meute ont pu marcher brièvement en silence dans les rues avoisinant l’Assemblée nationale.
  • Le 30 septembre 2017, Storm Alliance a organisé sa plus grande manifestation à la frontière à ce jour, lorsqu’une centaine de personnes se sont réunies au passage frontalier de Saint-Bernard-de-Lacolle, où un camp (vide au moment de la manifestation) avait été érigé provisoirement pour accueillir les réfugié-e-s. À nouveau, plus d’une centaine d’antiracistes et d’antifascistes de Montréal et des collectivités frontalières avoisinantes leur ont bloqué le passage.
  • Le 25 novembre 2017, à Québec, une manifestation conjointe organisée par Storm Alliance et La Meute pour « soutenir la GRC » et dénoncer « l’immigration illégale » a attiré tous les principaux pans de l’extrême droite québécoise, y compris un contingent néofasciste; en tout, entre 300 et 400 personnes y ont participé.
  • Le 15 décembre 2017 (et ce, bien que le réseau TVA se soit préalablement rétracté), des douzaines de personnes se sont rassemblées devant une mosquée de Montréal que le réseau d’information islamophobe avait fautivement accusé de vouloir exclure des femmes d’un chantier routier adjacent à la mosquée.

Il est important de noter que toutes les mobilisations mentionnées ci-dessus comportaient des petits groupes de néofascistes ainsi que des individus clairement sympathiques au suprématisme blanc et au néonazisme.

Les manifestations nationales-populistes se sont poursuivies en 2018. Le Front patriotique du Québec a réussi à réunir une centaine de personnes le 15 avril, lors d’une manifestation contre les Libéraux, et Storm Alliance et La Meute ont continué à coopérer en organisant une manifestation conjointe à la frontière, le 19 mai, toujours contre « l’immigration illégale », et ont mobilisé pour une autre manifestation à la frontière le 3 juin, celle-là organisée par la propagandiste suprémaciste de Toronto, Faith Goldy. Il faut aussi souligner qu’en 2018, les organisations nationales-populistes ont mobilisé leurs membres à deux reprises pour se rendre à Ottawa dans le cadre de manifestations organisées par des groupes du Canada anglais :

  • Le 18 février, lors d’une manifestation organisée par la Chinese Canadian Alliance, un groupe qui semble n’avoir été formé que pour réagir à une fausse accusation ayant fait les manchettes plus tôt la même année voulant qu’un homme d’origine asiatique ait arraché le hijab d’une jeune fille à Toronto. (Notons au passage que des documents rendus publics récemment par le leadership de La Meute révèlent que le groupe a reçu 5 000 $, soit près de la moitié de son budget annuel, « des Chinois » [sic], vraisemblablement en échange de son appui à la manifestation de la Chinese Canadian Alliance sur la colline parlementaire.)
  • Le 8 décembre, lors d’une manifestation organisée par le groupe ACT! for Canada contre le Pacte mondial sur les migrations des Nations Unies; cette manifestation est notable pour la présence d’une diversité de militant-e-s d’extrême droite, dont les nationalistes blancs d’ID Canada et le politicien danois d’extrême droite, Rasmus Paludan.

Malgré ces exemples et différentes tentatives infructueuses menées par La Meute et Storm Alliance pour mettre en place des sections locales fonctionnelles à l’extérieur de la province, les activités du mouvement national-populiste québécois sont restées distinctes et généralement séparées des mouvements semblables dans le Canada anglais, sans toutefois leur être hostiles. (Selon l’évolution de la situation, il n’est pas impossible que le Parti populaire du Canada de Maxime Bernier brasse un peu les cartes, car ce parti a accueilli dans ses rangs des individus nationaux-populistes de partout au pays, ce qui les regroupe dans un cadre pancanadien commun.)

Cela dit, après une période de croissance rapide entre 2016 et 2018, le milieu national-populiste a souffert d’épuisement et de conflits internes. Sa principale organisation, La Meute, a été secouée par des crises répétées et de nombreux militants clés ont abandonné le milieu en citant des problèmes personnels ou des frustrations face à l’incapacité du mouvement à dépasser ses limites actuelles. En moins de deux ans, les deux fondateurs de La Meute (Éric Venne et Patrick Beaudry) ont quitté l’organisation ou été forcés de partir sous le coup d’accusations de malversation financière (à cet égard, on ne saura peut-être jamais s’il s’est agi de fraude ou d’incompétence). Puis, en novembre 2017, l’organisation a été visée par des révélations d’agressions sexuelles, dont plusieurs plaintes à l’endroit d’Éric Proulx, un membre du conseil de La Meute, qui a finalement été expulsé.

En juin 2019, La Meute a connu une autre crise importante, lorsque la majeure partie des dirigeants du groupe (plus de 35 sur une quarantaine, dit-on) ont démissionné en masse juste avant la Saint-Jean-Baptiste et dans la foulée d’une tentative ratée d’évincer Sylvain Brouillette, qui avait assumé le rôle de grand chef depuis l’expulsion de Beaudry en 2017. Les membres s’étaient plaints que Brouillette refusait de partager les responsabilités ou de divulguer des renseignements, malgré le fait qu’il était lui-même manifestement incapable de s’acquitter de toutes les tâches qui lui incombaient. L’un des principaux points de litige concernait le fait qu’il tardait à révéler des renseignements financiers, ce qui retardait toujours plus la création officielle de La Meute en tant qu’organisation à but non lucratif. Brouillette a réussi à reprendre le contrôle en moins d’une semaine, après quoi plusieurs de ses rivaux ont publié sur Facebook des vidéos et des photos d’eux-mêmes détruisant leurs casquettes, chandails, drapeaux et écussons de l’organisation en signe de protestation. La poussière n’est pas encore complètement retombée au moment d’écrire ces lignes, mais il semble qu’un grand nombre des membres clés de La Meute aient décidé par la suite de se joindre à Storm Alliance.

L’opposition constante des antifascistes a certainement contribué à miner ces groupes. Par exemple, lors de la dernière tentative de La Meute d’organiser une « grande » manifestation à Montréal, le 1er juillet 2018, les quelques 150 participant-e-s se sont trouvé-e-s à nouveau confiné-e-s dans un espace restreint (lors de la journée la plus chaude d’une intense canicule) par une coalition ad hoc de groupes de la gauche montréalaise. Après ce fiasco, un certain nombre de personnes ont publiquement démissionné de La Meute et celle-ci est passée à des activités beaucoup moins visibles dans la région de Montréal (comme du tractage et des prétendues « manifestations mobiles », lesquelles n’étaient en fait rien d’autre qu’une poignée d’individus conduisant des voitures arborant des pancartes mal orthographiées…). Plusieurs militant-e-s ont en effet invoqué l’opposition antifasciste pour justifier leur décision de « prendre une pause » ou de quitter définitivement l’organisation.

Le taux élevé d’épuisement parmi les nationaux-populistes et les conflits houleux au sein de leurs organisations (ponctués d’accusations de malversations, de harcèlement sexuel et d’exercice dictatorial du pouvoir) mettent en relief l’une des caractéristiques de ce mouvement. En effet, il s’agit de la toute première expérience de militantisme pour plusieurs acteurs clés. Cela explique en partie l’apparente bouffonnerie de ces groupes ainsi que certaines des erreurs (tactiques et organisationnelles) qu’ils ont commises, que leurs adversaires prennent parfois trop facilement pour de la stupidité.

Enfin, il convient de souligner qu’à l’heure actuelle, la très grande majorité des activités des groupes d’orientation national-populiste se déroule sur les médias sociaux. Bien que la dynamique de ces médias et des espaces numériques en général donne parfois une importance disproportionnée à certaines personnes et à certaines déclarations, elle n’en demeure pas moins fondamentale pour saisir le développement de ce milieu militant ainsi que l’adhésion à des croyances totalement infondées et déconnectées de la réalité. La caisse de résonnance qu’incarne notamment Facebook vient ainsi consolider et approfondir les préjugés les plus intolérants et les théories complotistes les plus délirantes. Il s’opère alors une (re)socialisation politique à peu de frais qui serait beaucoup plus laborieuse à réaliser ailleurs, dans des espaces « en personne ». Notons aussi que les médias sociaux favorisent énormément la diffusion et la normalisation des discours haineux en permettant aux gens de s’approprier le contenu et de le partager au sein de leurs réseaux comme s’il s’agissait de leur propre production plutôt que le discours officiel d’organisations militantes.

Dans ce vaste espace numérique, profitant du scepticisme croissant à l’égard de tout ce qui est « officiel » ou « mainstream », certains individus ont su se tailler une niche en tant que « journalistes indépendants ». Un certain nombre de « journaux » en ligne ont été créés qui se spécialisent dans le recyclage d’histoires sensationnalistes (et souvent carrément fausses) et de théories complotistes. Parmi ces nombreux sites de désinformation (dont certains disparaissent aussi vite qu’ils apparaissent), nommons Les Manchettes (administré par André Boies, qui a traduit et diffusé le manifeste du tueur de Christchurch le jour même du massacre) et Le Peuple. À ceux-ci viennent s’ajouter un grand nombre de vidéoblogueurs et utilisateurs Facebook qui publient régulièrement des vidéos en direct à l’intention de leurs adeptes. Parmi les plus notables, mentionnons André Pitre et Ken Pereira, qui produisent depuis peu une série de programmes examinant en détail diverses théories du complot qu’ils diffusent sur la chaîne YouTube de Pitre. (Fait à noter, Ken Pereira se porte candidat pour le Parti populaire du Canada aux élections fédérales de 2019, aux côtés de Raymond Ayas, lui-même animateur d’un média national-populiste anglophone, The Post Millenial.)

 

Les néofascistes

Parallèlement au milieu national-populiste, sans pour autant en être complètement séparé, il existe un nombre beaucoup plus restreint de personnes adhérant à une vision du monde plus étroite et rigoureuse. Puisqu’ils s’inspirent explicitement du fascisme, du nationalisme blanc, du traditionalisme catholique et, dans certains cas, du nazisme, nous appelons ces réseaux fascistes ou néofascistes.

Le mouvement néofasciste au Québec comporte deux pôles principaux.

D’une part, un certain nombre d’individus sont issus des sous-cultures de jeunes ancrées dans la violence de rue et d’autres activités criminelles ainsi que dans les activités culturelles associées à la musique « underground » ou indépendante (organisation de concerts et de partys, tournées, production de zines, etc.). L’organisation à l’échelle locale et les liens internationaux avec des individus partageant ces mêmes idées ailleurs dans le monde ont souvent été facilités, sinon modelés, par ces activités culturelles et criminelles. Au Québec, ce pôle remonte aux années 1980 et, dans les années 1990, des membres de cette sous-culture se sont régulièrement livrés à des actes de violence et d’intimidation contre la gauche et contre des personnes racisées et/ou queer, allant jusqu’au meurtre. Si à une certaine époque la scène était dominée par la culture skinhead (bonehead), il convient de mentionner que depuis plusieurs années la scène black métal et le néo-folk sont aussi des espaces culturels ciblés par les néofascistes et les suprémacistes blancs.

Bien qu’il s’agisse d’une tradition sporadique comportant plusieurs épisodes distincts, on peut affirmer que le deuxième pôle du mouvement fasciste au Québec remonte aux années 1920. Depuis les années 1980, il s’est généralement fait très discret, au point même d’opérer en secret. Ce pôle est composé d’individus qui, culturellement, se situent à plusieurs égards à l’opposé des voyous skinheads et de leur mode de vie antisocial, et qui sont amenés à soutenir le militantisme fasciste et nationaliste blanc pour des raisons intellectuelles et souvent religieuses. Cette tendance s’est organisée publiquement pour la dernière fois autour du Cercle Jeune Nation (de 1980 à 1990) et certains de ses membres ont aussi été actifs dans les cercles traditionalistes catholiques, comme la Société Saint-Pie X, alors que d’autres ont trouvé leur place dans l’aile droite du mouvement nationaliste québécois. En raison de leur position sociale plus respectable (et plus privilégiée), les individus gravitant vers ce pôle ont un réel intérêt à rester circonspects sur leurs croyances. Cela ne signifie pas pour autant qu’ils sont inactifs, loin de là.

On a pu observer un certain rapprochement entre ces deux pôles au cours des vingt dernières années. Par exemple, bien qu’Atalante et la Fédération des Québécois de souche aient toutes deux été créées par des skinheads nationalistes blancs, ni l’une ni l’autre ne se limite ou ne se confine aujourd’hui à ce milieu. De plus, ce noyau organisé peut compter sur l’appui d’un nombre important d’individus sympathiques aux idées fascistes et néonazies qui choisissent pour le moment de rester inactifs politiquement.

Parallèlement, un pôle plus explicitement néonazi s’est formé au cours des dernières années dans la région de Montréal, prenant exemple sur d’autres groupes basés principalement sur Internet, comme The Right Stuff et le Daily Stormer. La nature secrète de ces groupes (principalement organisés dans des salons de discussion privés et des forums cachés en ligne) a offert un espace confortable tant aux individus qui aspirent à créer un mouvement politique « dans la vraie vie » qu’à un certain nombre d’individus qui s’y cachent pour laisser libre cours à leur intolérance, avant que des antifascistes ne perturbent sérieusement leurs projets en 2018. Il y a fort à parier que ce noyau dur néonazi est toujours actif dans d’autres forums privés et continue de recruter parmi des jeunes adultes sympathiques à ces idées.

La formation d’un milieu national-populiste au Québec a donné l’occasion aux néofascistes de mieux se faire connaître. Tandis que certains néonazis, comme ceux de la scène Alt-Right montréalaise, se moquent des nationaux-populistes comme autant de « boomers » déconnectés et insignifiants et expriment leur volonté de s’en dissocier complètement, l’existence d’un tel milieu ouvre un espace politique et offre des occasions pratiques (comme des manifestations) où les deux courants peuvent se rencontrer et créer des liens. L’année 2017, en particulier, a été remarquable par la façon dont les néofascistes ont réussi à plusieurs reprises à revendiquer leur légitimité au sein de l’extrême droite plus large. Alors que le 4 mars, à Québec, les membres d’Atalante ont choisi de manifester à l’écart de La Meute (en la critiquant implicitement avec un slogan piqué à la gauche sur une bannière où était écrit : « Immigration : Armée de réserve du Capital »), à Montréal, des membres du groupe Alt-Right Montréal étaient au beau milieu du foutoir, auprès de La Meute et de Storm Alliance, et ont pris part à des confrontations physiques avec des contre-manifestant-e-s antifascistes. Huit mois plus tard, à Québec, Atalante et les Soldiers of Odin mettaient en scène leur propre entrée spectaculaire dans la manifestation nationale-populiste du 25 novembre, après s’être positionnés sur les remparts de l’esplanade et en surplomb d’une plus petite contre-mobilisation antiraciste. Il convient de mentionner qu’à leur entrée dans la plus grande manifestation, les néofascistes ont été chaudement applaudi-e-s par les membres de La Meute et de Storm Alliance, dont un grand nombre sont ensuite allés « aimer » leur page Facebook et les féliciter.

Les principales caractéristiques de la tendance néofasciste sont :

  • Une opposition à la démocratie et une croyance en la « loi naturelle »;
  • Une acceptation de la violence comme élément nécessaire du changement politique, doublée d’une glorification de la violence en tant que telle, comme qualité virile et guerrière;
  • Une croyance en la race et en la nation comme deux catégories fondamentales de l’existence humaine; la manière dont les différentes races et nations interagissent (dans un esprit « égaux, mais différents », dans une hiérarchie rigide, ou dans un état de guerre) peut varier;
  • Antisémites; au mieux, ils soutiennent que les Juifs ont une influence néfaste sur la nation, et au pire, ils adhèrent à la théorie du complot voulant que les Juifs forment une race sournoise et ennemie qu’il faut exterminer;
  • Unanimes dans leur homophobie et leur transphobie;
  • Islamophobes, mais avec l’indication (souvent explicite) que les musulmans sont manipulés par les Juifs (ou les « mondialistes ») pour miner et détruire la race ou la nation;
  • Très majoritairement masculins, avec une ouverture à l’égard de la misogynie politique; le féminisme est souvent décrit comme une autre manipulation juive;
  • La plupart des néofascistes du Québec sont en faveur de l’indépendance et s’opposent au Canada, qui est considéré comme une force d’occupation, bien que cette position ne soit pas partagée par tous.

Comparés aux nationaux-populistes, les néofascistes ont des liens beaucoup plus étroits avec des organisations et des réseaux américains et européens, et on peut dire qu’ils appartiennent à un mouvement politique et intellectuel international. Les membres d’Atalante, par exemple, ont des liens étroits avec le réseau « Rock Against Communism » et s’inspirent directement du mouvement néofasciste italien CasaPound, empruntant à la fois des éléments de discours (rhétorique reliant le sentiment anti-immigrant à l’anticapitalisme, etc.) et des tactiques de mobilisation (initiatives charitables exclusivement pour les citoyens « de souche », etc.). Pour sa part, la FQS publie fréquemment dans sa revue Le Harfang des entrevues avec des intellectuels de l’extérieur du Québec. Ce qui distingue les néofascistes du Québec des néofascistes d’ailleurs en Amérique du Nord, c’est la place importante qu’occupent les mouvements européens dans leur vision du monde. Par exemple, alors que l’Alt-Right aux États-Unis introduisait assez récemment certains textes de la Nouvelle droite européenne dans l’extrême droite américaine, ces idées sont connues de nombreux néofascistes québécois depuis les années 1970 et 1980.

 

Perspectives pour l’avenir

L’augmentation de l’activité des groupes et réseaux d’extrême droite au Québec au cours des dernières années est attribuable à plusieurs facteurs externes au mouvement, dont certains sont d’ordre international et d’autres propres à notre situation particulière : la « guerre contre le terrorisme », l’essor des médias sociaux, la crise financière de 2008, les échecs répétés de la gauche indépendantiste québécoise et l’élection de Trump aux États-Unis, pour n’en nommer que quelques-uns.

Nous ne nous attendons pas à ce que cette croissance ralentisse. En fait, nous croyons que l’avenir nous réserve d’autres « bonds » dans la mauvaise direction, car les crises financières et écologiques mondiales ne cessent de s’intensifier. Dans un avenir immédiat, nous prévoyons que la bifurcation de l’extrême droite décrite dans cet article se poursuivra, qu’un mouvement beaucoup plus vaste, avec un éventail de perspectives plus large, continuera de se développer, et que cette croissance profitera également à des organisations plus petites et plus rigoureuses, aux aspirations politiques plus radicales. Ces mouvements s’inscrivent dans une dynamique qui pèse directement sur l’ensemble du débat politique, normalisant certaines idées et légitimant des mesures « moins radicales »; l’élection de populistes néolibéraux un peu partout au Canada, y compris ici au Québec avec la CAQ, témoigne de cette réalité.

Le Québec n’est pas une anomalie : aujourd’hui, l’extrême droite, dans ses variantes nationales-populistes et néofascistes, a un impact concret sur l’équilibre politique du pouvoir, non seulement en Europe et en Amérique du Nord, mais aussi dans certains pays « émergents » du Sud (BRICS), où ses représentants ont été portés au pouvoir. La tâche qui nous incombe aujourd’hui est d’affronter l’extrême droite et d’apprendre à (re)construire des mouvements d’émancipation radicaux qui pourront faire des gains concrets et gagner sur ce terrain.