Montréal Contre-information
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Juil 122021
 

De Montréal Antifasciste

Avertissement : cet article contient des éléments de racisme, d’homophobie et de transphobie extrêmes.

Il y a de cela presque exactement un an, Montréal Antifasciste publiait un article portant sur le Front canadien-français (FCF), un groupe nationaliste réactionnaire qui nous était jusque-là encore inconnu. Dans cet exposé, nous avions intégré une liste d’une dizaine de pages de mèmes associées à l’entourage du FCF qui reprenaient des thèmes classiques de l’extrême droite : anti-immigration, antiféministe, anti-LGBTQIA+, avec pour courant central un ultra-catholicisme arriéré aux forts accents de nationalisme blanc. Avec des noms comme « Mèmes evangéliste Duplessiste » et « Mèmes clérico-nationalistes du Canada français », ces pages offrent à des militant·e·s d’extrême droite un moyen commode de relayer à leurs abonné·e·s (et plus largement) un éventail de discours réactionnaires et souvent racistes, comme la tristement célèbre théorie du complot du « grand remplacement » et de nombreuses autres constructions analogues qui participent à la déshumanisation de différents groupes de personnes (immigrantes, noires et/ou racisées, LGBTQIA+, féministes, etc.).

La page Quebec.wingism, lancée sur Instagram en janvier 2020 (d’abord sous le nom Rightwingism.quebec), s’apparente aux pages de mèmes mentionnées ci-dessus, autant sur le plan esthétique que sur le plan du contenu politique. Bien que les mèmes, par définition, soient conçus pour être largement diffusés, il n’est pas rare que certaines pages reproduisent plus ou moins à l’identique le concept, le style et la teneur de pages existantes. C’est notamment le cas de Quebec.wingism, qui a repris le modèle d’autres pages « wingism », un phénomène né de l’activité du mouvement alt-right en ligne. Entre autres choses, deux articles déjà publiés au sujet de ce phénomène (par The Gauntlet, 2018, et AntiHate.ca, 2021) nous apprennent que la toute première page « wingism » a été créée au Canada par un étudiant de l’Université de Calgary.

Le format de ces pages est le suivant : il y a habituellement plusieurs admins, identifiés seulement par la première lettre de leur nom, et bien que ces pages se targuent d’offrir une plateforme à un large éventail d’idées politiques, elles sont généralement bien campées à l’extrême droite de l’éventail politique (de l’éconationalisme au fascisme) en intégrant parfois des éléments de l’iconographie nazie pour faire bonne mesure. Un nombre important de ces pages semble s’articuler en partie autour d’une obsession pour la théorie du complot du « grand remplacement », d’un goût pour le fascisme et d’une haine féroce envers les personnes de couleur, les personnes LGBTQIA+ (en particulier les personnes trans et non conformes sur le plan du genre) et les féministes. Il semble que ce format se soit avéré facile à reproduire, puisque des individus dans différentes parties du monde s’en sont emparé en déclinant minimalement le contenu politique et la forme (surtout des mèmes passés au filtre fashwave/vaporwave et une iconographie héritée de l’alt-right) à leur contexte particulier, toujours avec un sous-discours nationaliste blanc. C’est ainsi que les pages « wingism » contribuent activement au développement et à la dissémination d’un mouvement culturel d’extrême droite en ligne.

Bien qu’Instagram ait supprimé certaines pages « rightwingism », plusieurs comptes n’ont eu aucune difficulté à ouvrir une nouvelle page en modifiant à peine le nom de celle-ci (il n’est pas rare, par exemple, de voir « v2 » ou « v3 » affixé à un nom, signifiant la première ou la seconde renaissance d’une page suite à son bannissement).

Qui sont les modérateurs et les sympathisants de Quebec.wingism? (passez directement à la galerie de portraits)

La page de mèmes Quebec.wingism a été créée dans ce même moule : des personnages fascistes et réactionnaires passés au filtre vaporwave/fashwave, une islamophobie décomplexée, des accents de nationalisme blanc et d’« ethnonationalisme », un racisme virulent, un antiféminisme primaire et une transphobie sardonique, le tout enveloppé d’un nationalisme québécois plus ordinaire. Les pages « wingism » se spécialisent dans le recyclage d’idées réactionnaires répulsives au moyen de filtres « cool » et de personnages de dessins animés « comiques », tout en se cachant derrière le déni plausible que confère un détachement ironique et une forte dose de confusionnisme. Si cette description vous donne l’impression que ce phénomène s’inspire largement des mystifications qui ont fait le succès du mouvement alt-right, on ne peut qu’être d’accord avec vous. Les pages « wingism » recyclent inlassablement les vieux mèmes poches de « Pepe » et les mêmes effets « basés » qui puent le racisme numérique de la période 2015-2019. En fait, l’alt-right n’est jamais disparu d’Internet; il n’a fait que muer.

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