Montréal Contre-information
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Mar 042017
 

De La Fronde: Journal anarchiste montréalais
La fronde est disponible à L’Insoumise et La Déferle

Quand on pense à la lutte au Québec, une des premières choses qui nous vient en tête en est une prenant une forme syndicale, avec ces grandes assemblées générales et ces manifestations bondées de gens partant de la place Émilie-Gamelin, que ce soit des travailleur.e.s qui revendiquent un salaire de 15$ de l’heure ou des étudiant.e.s voulant bloquer une hausse de frais de scolarité. Le but de ce texte est d’amener une critique de cette forme de lutte si bien implantée dans l’horizon québécois et qui est devenue la seule façon de lutter pour une bonne partie de la population.

Depuis les années 1980, on n’a pu constater un lent déclin des syndicats, entre autres en observant le nombre de grèves qui diminue d’année en année. Les litiges deviennent de plus en plus corporatifs et portent majoritairement sur les salaires, la question politique s’éloigne progressivement du décor et les syndicats n’osent pas se mouiller dans une grève sociale. Les centrales syndicales ont aussi un grand rôle à jouer dans ce déclin notamment en signant des ententes à rabais et en s’imbriquant de plus en plus dans les rouages du système capitaliste. Les grandes centrales refusaient de se mettre en jeu lors de la campagne du 1 mai 2015 en appelant à participer à la manifestation anti-capitaliste. Comme à l’habitude, les directions ont préféré organiser un concert dans le Quartier Latin. Il faut les nommer ; que ce soit la CSN ou la FTQ, ces grandes centrales sont indéniablement ennemies de tout.tes révolutionnaires conséquent.e.s. On a même pu entendre un certain Jacques Létourneau dénoncer la grève étudiante au printemps 2015 à nulle autre station que Radio X. Ces grosses têtes ne sont que des bureaucrates cherchant à garder l’ordre des choses telles qu’elles sont. On ne voudrait tout de même pas que les gens soient trop en colère et veuillent déborder des ordres de la direction, car il faut le dire : ces syndicats agissent dans la même logique que les patrons et les banques. Nous pouvons citer l’exemple du fonds de solidarité FTQ qui est de connivence avec la mafia, avec nul autre que Toni Accurso, et qui remplit bien plus le rôle d’une grande banque que d’un syndicat.

L’objectif des grands financiers et des gouvernements a toujours été de réussir à ce que les travailleurs.es acceptent le capitalisme comme système idéal dont on ne pourrait se passer. En effet, en infligeant des conditions de vie tout à fait déplorables, il était difficile pour les patron.e.s de vendre leur salade aux ouvriers.ères en leur faisant accepter un système où la propriété privée est maître et où l’on a simplement à travailler plus fort si l’on veut s’enrichir. Au long du 20e siècle, on a pu constater une lente progression des conditions d’existences des gens employés sur le marché du travail. Bien sûr, au Québec les gens meurent moins de faim qu’avant, mais l’exploitation reste. Ce n’est pas parce que l’on peut s’acheter une maison et une voiture que la lutte devrait désormais se baser sur la conservation des acquis du passé. C’est ici que le rôle des syndicats est devenu très important au sens où, désormais, on ne cherche plus vraiment à être en conflit permanent contre les patrons, mais plutôt à négocier. On peut notamment citer leur slogan qui était en 2015 « La négociation, pas la confrontation ». On peut constater à quel point ces organes sont devenus mous et sans grandes ambitions, avec une attitude de bonne foi au lieu d’être déterminé à lutter. Malgré tout on peut dégager une tendance générale, du moins au Québec, les centrales syndicales n’ont jamais mis de l’avant la question d’un changement radical de la société. Il faut déserter ces structures qui ont littéralement miné la construction d’un projet révolutionnaire conséquent en ne mettant que l’emphase sur de meilleures conditions de vie qui n’ont jamais fin à l’exploitation qui se perpétuent encore aujourd’hui.

Le pire ennemi des révolutionnaires : la social-démocratie

Au Québec, nous avons la merveilleuse formule Rand qui s’applique au syndicat. Il s’agit du fait que si un syndicat est implanté dans une usine, un cégep ou une université, il détient le monopole. C’est-à-dire que s’il représente la majorité des travailleurs.euses. Ils et elles devront alors tous.tes être englobé.e.s dans le même syndicat. Cette loi datant de 1946 a été émise par le juge Rand qui trancha lors d’une grève de 17000 travailleurs.euses de Ford. Elle obligea dorénavant tous les patrons à prélever une cotisation du salaire des employé.es pour ensuite la verser au syndicat officiel de l’entreprise. Elle fut évidemment perçue comme une grande victoire pour les syndicats. Maintenant, ils allaient pouvoir remplir leurs coffres. Remettons certaines choses au clair. Elle est en fait le pire ennemi de tout personne voulant lutter contre le système dominant, car désormais le droit de grève était encadré et la grève illégale était perçue par la majorité comme un moyen illégitime. En effet, le gouvernement pouvait plus facilement lancer des injonctions pour mettre fin à la grève ou bien forcer la négociation avec les patrons. Les syndicats sont devenus des organes de plus en plus corporatifs qui ne cherchent plus vraiment à lutter, mais plutôt à syndiquer des lieux de travail sous leur propre bannière dans le maximum de secteurs possibles. Les syndicats non-officiels sont devenus peu populaires, vu le manque de budget. Les quelques journées de grèves officielles votées par les assemblées se transforment en piquetage immobile ; journée de congé payé par le fonds de solidarité. Tout acte de lutte non-légitime devient un danger d’être isolé et de se faire congédier. Il est possible de s’affiler avec un autre syndicat symbolique, mais ses décisions n’auront aucune légitimité si celui-ci n’est pas reconnu et officialisé par l’entreprise. Ainsi le but n’est plus de faire avancer la cause des gens qui doivent travailler pour survivre, mais seulement de représenter le plus de gens possible. Maintenant, les grèves ont une vocation davantage défensive, car le gouvernement peut faire plus facilement pression sur les syndicats en les menaçant de couper les cotes que ceux-ci perçoivent. La formule Rand existe toujours et fait en sorte que tous ces organes corporatifs ne font que s’asseoir sur de grosses sommes d’argent qui servent à donner des salaires à des permanents syndicaux bureaucrates, d’ailleurs souvent recrutés chez des jeunes carriéristes ayant été dans le conseil exécutif de l’ASSÉ afin de pouvoir redorer leur C.V. et se trouver des emplois à 80 000$ par année. « J’ai eu une vie de lutte », nous dirons ces sociaux-traitres, mais nous ne tomberons pas dans leurs fourbes piègent. Nous savons que ces gens sont les pires ennemies de la lutte révolutionnaire, car ils seront les premiers à appeler à se retirer d’un conflit et tireront tout le crédit d’avoir négocier une entente à rabais du haut de leur bureau, alors que les gens seront dehors à manifester, à recevoir des coups de matraque et à s’affronter avec la police.

Nous comprenons tout à fait la critique légitime de certains.nes travailleurs.euses qui remet en question le monopole de leurs syndicats ne les défendant plus. Il est maintenant possible pour les patrons d’implanter un syndicat « de boutique », c’est-à-dire que le patron d’une compagnie peut lui-même implanter un syndicat afin de donner un semblant de défense à ses employé.e.s. Lorsqu’un syndicat a déjà le monopole dans un lieu de travail, celui-ci est très difficilement dé-logeable. C’est un syndicat qui reçoit des côtes, qui ne défend personne et qui bloque l’avenue d’un autre syndicat plus combatif.

Un autre point important de la culture syndicale est l’assemblée générale. Ces assemblées sont souvent d’une platitude à en dormir. Le code Morin agit comme « lois » qui régissent ces assemblées. Plusieurs codes y sont écrits, qu’il faut respecter pour le soi-disant bon déroulement de l’assemblée. Lorsqu’on analyse avec profondeur le mode de fonctionnement de ces assemblées on peut constater qu’il s’agit surtout d’une petite élite bureaucrate qui peut tenter de jouer sur les règles afin d’avoir la salle de son côté ou de retarder le processus. Dans ces assemblées on nous vente les bienfaits de la démocratie-directe soit le fait que chaque décision soit prise par l’assemblée au lieu d’avoir des représentants comme au parlement. Derrière ce mode de fonctionnement se cache une complète hypocrisie. Nous devrions toujours être critiques de la loi du nombre, comme le fait que s’il y a une majorité de gens votant contre la grève, on prendra la décision collective de ne pas la faire. Le fait de vouloir lutter ne devrait jamais être entre les mains du plus grand nombre de personnes dans une assemblée, mais quelque chose qui nous fait vivre. Nos rêves ne doivent pas nous filer entre les doigts. La démocratie est une arme de pacification afin de délégitimer notre désir d’aller plus loin.

Depuis quelques années nous ne pouvons omettre la présence de syndicats tels le IWW-SITT (syndicat industriel des travailleurs et travailleuses) qui prennent plus de place dans le paysage politique notamment avec la syndicalisation des Frites Alors. Bien sûr, il s’agit d’un syndicat prônant la révolution en ayant pour objectif de faire la grève générale qui nous y mènera et qui fera tomber le pouvoir. Le problème est que cette fameuse grève ne se discute que dans les petits cercles fermés entre militants. On n’ose jamais le dire trop fort de peur d’effrayer les gens qui voudraient rejoindre le syndicat. Notre critique se base aussi sur la culture qui veut qu’une organisation forte soit une organisation composée de beaucoup de membres. En effet nous ne croyons pas arriver à une situation révolutionnaire en faisant signer le plus de cartes de membre possible. Nous croyons à des groupes affinitaires qui se multiplient et se coordonnent afin d’attaquer toujours plus fort l’État-Capital. Nous ne voulons plus de l’idéologie qu’il faudrait une plateforme avec des demandes concrètes pour se battre contre le patronat. Nous voulons aussi rester critiques de la culture de l’ouvriérisme qui reste dans la logique où le prolétariat serait le sujet révolutionnaire. Soit la seule classe pouvant faire la révolution. Nous ne percevons pas non plus la révolution comme le paradis ; cette illusion que tout sera parfait après le grand soir.

Allons plutôt vers les grèves sauvages et le sabotage comme moyen de lutte contre le patronat et surtout contre le travail et le monde qui en a besoin. N’acceptons plus le fait que nous devons représenter une majorité afin de nous battre. Nous ne représentons personne. Luttons sur nos propres bases, anti-autoritaires et en libre-association volontaire. Souvent, certains acquis améliorent nos conditions d’existences à court terme, mais si nous voulons réellement en finir avec le travail et l’exploitation, nous devons aller de l’avant et faire rupture totale avec les patrons et les syndicats qui contrôlent la révolte. Mener une grève, ça veut dire bloquer les entrées, saboter les équipements et empêcher les scabs de passer, en considérant les conséquences potentielles sur nos vies, et surtout construire une solidarité révolutionnaire entre travailleurs.euses et chômeurs.euses de plusieurs lieux afin de coordonner nos efforts. Organisons des assemblées pour partager nos idées, mais ne reproduisons pas la dictature de la majorité ; valorisons les initiatives décentralisées et volontaires. Les demandes spécifiques pour de meilleures conditions de travail sont trop limitatives. Ne tombons plus dans le piège d’une lutte soi-disant victorieuse au niveau des demandes qui finit par mettre à terre tout désir de voir tomber ce monde, car on a voulu nous donner des miettes. Par contre, on peut partir de là pour nous rencontrer et pousser la lutte révolutionnaire toujours un peu plus loin afin de répandre l’anarchie. Faisons guerre à l’État-Capital et mettons fin à l’esclavage salarié.