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Pour un regain antifasciste dans l’après-pandémie

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Mai 312021
 

De Montréal Antifasciste

Au moment où se dessine la sortie de la crise sanitaire, la levée progressive des mesures d’exception et le proverbial « retour à la normale[i] », les bilans s’imposent. Du point de vue de la pratique antifasciste, le phénomène ayant le plus retenu notre attention au cours de la pandémie, et plus particulièrement à partir de l’été 2020, a été la convergence de certains éléments de l’extrême droite québécoise avec des individus liés aux courants de « santé alternative » et divers adeptes de théories du complot pour former le curieux mouvement d’opposition aux mesures sanitaires.

Ce phénomène inédit a soulevé un certain nombre de questions stratégiques. Devait-on confronter directement ce mouvement dans la rue, comme nous l’avions fait dans les années précédentes avec le mouvement national-populiste, et ce, en dépit des enjeux sanitaires? Devait-on plutôt l’ignorer complètement ou contribuer modestement à en limiter l’influence en participant à la vigilance « anti-conspis » sur les médias sociaux? Ou aurions-nous dû plutôt (devrions-nous aujourd’hui) nous adresser directement à ce mouvement sur la base d’une relative sympathie pour l’hostilité qu’il exprime à l’égard des autorités et des institutions? Si oui, par quels moyens et, surtout, à quelle fin?

Sinon, et de toute manière, quelles devraient être les orientations et priorités du milieu antifasciste montréalais et québécois dans les mois et années à venir, compte tenu du rôle qu’a joué l’extrême droite dans la mouvance anti-sanitaire et celui qu’elle pourrait encore jouer dans ses possibles reconfigurations? Selon toute vraisemblance, la majeure partie de la base du mouvement anti-sanitaire rentrera sagement à la maison avec la levée des mesures d’exception; mais une autre partie poursuivra sans soute son engagement dans la « complosphère », laquelle est directement sous l’influence de l’extrême droite. Alors que faire?

Ce texte tente d’apporter quelques éléments de réflexion, tout en réaffirmant la nécessité pour la gauche radicale de redoubler d’effort, comme le font déjà certains groupes, pour organiser un mouvement populaire sur ses propres bases, à distance des dérives réactionnaires et sans tomber dans le piège du populisme.

(7 500 mots; temps de lecture : environ 20 minutes)

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La spirale descendante du complotisme anti-sanitaire

La pandémie de COVID-19 a créé tout un lot de nouvelles difficultés, en plus d’exacerber des défis existants.

On le sait, la crise pandémique s’est avérée un contexte particulièrement favorable à la diffusion de nombreuses théories du complot et, plus généralement, de la mentalité complotiste. Mentalité qui constitue en retour un terreau propice à l’enracinement de l’extrême droite. L’un des nouveaux défis auxquels la gauche radicale/antifasciste a été confrontée au cours de la dernière année a été de trouver les moyens de renverser, ou à tout le moins de freiner l’expansion de cette mouvance complotiste anti-sanitaire[ii].

Déjà, pour parler en notre propre nom, le collectif Montréal Antifasciste a décidé assez tôt dans la pandémie de renoncer à certaines des tactiques employées au cours des dernières années dans la lutte contre les groupes xénophobes et islamophobes, dont principalement l’organisation de contre-manifestations, par souci de ne pas contribuer à la propagation du virus et à une potentielle aggravation de la crise sanitaire. On n’a qu’à s’imaginer un scénario de « lutte à trois fronts » entre les antifascistes, les anti-sanitaires et la police pour redouter les possibles complications. Nous croyons encore que c’était la meilleure chose à faire dans les circonstances[iii], et doutons par ailleurs que de telles mobilisations auraient attiré assez de contre-manifestant·e·s pour faire contrepoids. La phase actuelle de la pandémie nous amène toutefois à reconsidérer ce choix tactique, car il faudra bien tôt ou tard briser le cercle vicieux de l’inaction et du constat d’échec.

Un autre élément problématique tient à la composition hétérogène du mouvement d’opposition aux mesures sanitaires. Bien qu’à ses débuts, au printemps/été 2020, l’embryon de ce mouvement était manifestement mené par des personnages liés aux groupes xénophobes et islamophobes actifs dans la période 2016-2019 (La Meute, Storm Alliance, Citoyens au Pouvoir, Vague bleue, etc.), ceux-ci n’en avaient pas le monopole. On retrouvait aussi parmi les leaders (et jusqu’à ce jour) des individus associés à la mouvance dite de « santé alternative », comme Mel Goyer ou Amélie Paul. Nous avons d’ailleurs été parmi les premiers à sonner l’alerte en constatant cette convergence inédite de certains gourous de l’extrême droite populiste avec des hippies alternatifs généralement considéré·e·s plutôt à gauche, ou du moins « apolitiques ». À ce noyau dur initial est venu se greffer toute une constellation de personnes sensibles aux explications complotistes, certain·e·s provenant de la « fachosphère » des dernières années, et d’autres dont le scepticisme à l’égard de la pandémie s’est transformé en hostilité ouverte envers (toutes) les mesures sanitaires au fur et à mesure que la crise s’aggravait et perdurait. Même s’il est impossible de quantifier le poids et la portée de chacune de ces catégories au sein de l’ensemble (et il faut de toute façon tenir pour acquis que ces facteurs fluctuent), l’opposition aux mesures sanitaires comporte aujourd’hui bon nombre de personnes qui sont tout simplement hostiles à l’égard de ce que les figures d’autorité, y compris les scientifiques et les journalistes, leur demandent de croire.

Une multitude de pages et de groupes ont ainsi été créés sur Facebook et d’autres plateformes, où l’influence de gourous complotistes comme Alexis Cossette-Trudel s’est étendue, tandis que d’autres opportunistes profitaient de cet élan pour créer des vaches à lait et tirer avantage du mouvement naissant (dont Stéphane Blais, du parti marginal Citoyens au pouvoir, et sa Fondation pour la défense des droits et des libertés du peuple).

À partir de là, à la faveur du désœuvrement d’une grande partie de la population, le mouvement a grandi exponentiellement, et un grand nombre d’influenceurs et d’influenceuses se sont démarqué·e·s sur les médias sociaux en charriant de nombreuses théories du complot toutes plus invraisemblables les unes que les autres, intégrant notamment les prémisses grotesques du mouvement QAnon, lequel sévissait déjà depuis 2017. Les anti-sanitaires, sous le leadership d’individus comme Stéphane Blais, Mel Goyer, Dan Pilon, Mario Roy ou Steeve « l’Artiss » Charland et ses « Farfadaas », et profitant de l’amplification du signal par d’autres « personnalités » des médias sociaux, ont organisé des dizaines de manifestations dans plusieurs localités de la province, ce qui a progressivement rehaussé leur profil et gonflé leurs rangs.

Un autre tournant au Québec a été l’imposition du couvre-feu en janvier 2021, qui a été considéré par plusieurs comme un coup de force illégitime et injustifiable de la part du gouvernement et a entraîné dans le mouvement d’opposition aux mesures sanitaires des segments de la population qui n’y étaient pas particulièrement sensibles jusque-là. (La gauche radicale s’y est elle aussi opposée dès le début en organisant quelques manifestations à Montréal sous la bannière du groupe ad hoc « Pas de solution policière à la crise sanitaire »). Une autre action notable est la quasi-émeute qui s’est produite le 11 avril 2021 dans le Vieux-Port de Montréal, dont tout porte à croire qu’elle a été le fruit d’une mobilisation spontanée sur les médias sociaux prisés des jeunes adultes; la présence d’éléments d’extrême droite dans la foule, dont les agitateurs de Rebel News, mène toutefois certain·e·s à croire que celle-ci n’était peut-être pas complètement étrangère à cette mobilisation. Il est possible que nous n’ayons jamais une réponse définitive à cette interrogation.

Et tout ça a culminé avec la manifestation anti-sanitaire du 1er mai 2021, intitulée « Québec Debout! », en périphérie du Stade olympique et de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont, à Montréal. On estime à 25 000 personnes le nombre de participants et de participantes à cette manifestation organisée explicitement « contre les mesures sanitaires » et implicitement (par le choix du lieu) contre la campagne de vaccination en cours. Les organisateurs de l’événement, dont les comptables Samuel Grenier et Dan Pilon, ont ainsi réussi à attirer, en plus du noyau dur de complotistes (anti-masques, anti-confinement, anti-vaccins, etc.) et certains politiciens opportunistes comme Maxime Bernier, un grand nombre de jeunes et de familles exaspéré·e·s par la pandémie, les mesures d’exception et les restrictions sanitaires. Plusieurs y étaient pour protester contre l’imposition du masque aux enfants, d’autres pour réclamer la réouverture des commerces non essentiels, d’autres encore pour dénoncer la prolongation du couvre-feu. Se mêlaient ainsi aux « coucous » hurlant contre toute logique au « fascisme » et à la « dictature sanitaire » un nombre important de personnes irritées appelant de leurs vœux un « retour à la normale ».

Il serait donc un peu trompeur d’assimiler l’ensemble du mouvement anti-sanitaire (tel qu’il se présente au printemps 2021) à l’extrême droite, bien que celle-ci y ait exercé depuis le début une très grande influence, notamment par l’intermédiaire de projets de désinformation comme Radio-Québec de Cossette-Trudel, le Stu-Dio d’André Pitre, la plateforme d’extrême droite Nomos.Tv d’Alexandre Cormier-Denis, et sous l’ascendant de figures comme Steeve Charland et Mario Roy. On peut toutefois affirmer sans grand risque de se tromper que la très grande majorité, voire la quasi-totalité, des participants et participantes à la manifestation anti-sanitaire du 1er mai (à moins d’avoir vécu sous une roche depuis un an!) devait quand même savoir assez bien dans quel genre de galère iels étaient allé·e·s s’embarquer là. Du moins, les centaines de pancartes aux discours complotistes hallucinés, de drapeaux « Trump 2020 », de références à QAnon et de vociférateurs « anti-toute » (sic) auraient dû leur mettre la puce à l’oreille.

Deux constats s’imposent ainsi d’emblée. D’abord, malgré la composition hétérogène de la foule anti-sanitaire et les degrés variables d’adhésion aux théories complotistes les plus grotesques, iels ont clairement pour dénominateur commun de faire passer leur confort individuel, sous la forme d’un « retour à la normale » qui leur sied particulièrement, avant l’intérêt commun défini beaucoup plus largement, intérêt qui exige évidemment d’importants sacrifices individuels. Les anti-sanitaires, qu’iels soient complotistes ou non, n’éprouvent aucun scrupule à manifester publiquement leur mécontentement personnel, quitte à voir la crise s’aggraver et/ou se prolonger pour d’autres, au prix de vies perdues ou abîmées et en dépit du stress accru imposé aux systèmes de soins.

Deuxièmement, si les participants et participantes à ces manifestations ne sont pas tout·e·s assimilables à l’extrême droite, il est évident que ça ne les dérange pas trop, voire pas du tout, de se retrouver côte à côte avec elle dans une cause commune, puisque la démonstration a été amplement faite de l’influence qu’exerce cette dernière sur le mouvement complotiste/anti-sanitaire.

Voilà un aperçu du bordel dans lequel nous nous sommes retrouvé·e·s au printemps 2021.

L’approche « anti-conspis » et ses angles morts

Parallèlement et en réaction au mouvement complotiste anti-sanitaire, un certain nombre de projets de vigilance se sont mis en place dans les médias sociaux pour documenter son développement et tenter d’y opposer une résistance dans l’espace numérique. Les Illuminés du Québec, l’Observatoire des délires conspirationnistes, Ménage du dimanche et le blogueur Xavier Camus ont tous à leur façon, souvent avec dérision, parfois avec le plus grand sérieux, cherché à marginaliser et contrer l’influence des discours complotistes sur les médias sociaux. Le collectif Montréal Antifasciste a quant à lui modestement contribué à ce contre-mouvement en soulignant à plusieurs reprises les liens confirmés entre le complotisme anti-sanitaire « Made in Québec » et l’extrême droite. Ces projets, dont nous avons au cours de la dernière année souligné le caractère parfois salutaire (et très souvent divertissant), ne sont toutefois pas sans comporter certains angles morts[iv], dont le principal est peut-être, à notre avis, la tendance à minimiser l’importance, voire la légitimité, de la méfiance et de l’hostilité affichée par une partie non négligeable de la population à l’égard des autorités et des « institutions » qui s’arrogent le pouvoir sur nos vies.

Comme nous l’avons déjà écrit, le hic avec la plupart des théories du complot n’est pas tant qu’elles se fondent sur la méfiance d’une partie de la population à l’égard des élites politiques, économiques et scientifiques, mais qu’elles décodent mal ou partiellement la nature du pouvoir et tendent à proposer des solutions simplistes à des problèmes complexes. Cette compréhension mauvaise ou partielle et la confusion qu’elle génère deviennent ensuite un terreau où l’extrême droite peut implanter ses propres théories toxiques sur le cours de l’histoire et l’exercice du pouvoir, ce qui sert en retour ses efforts de recrutement.

Comme nous avons écrit dans notre article Complotisme et extrême droite : une longue histoire d’amour (paru dans l’Idiot utile – automne 2020) :

« Si la plupart des idées que véhiculent les complotistes peuvent paraître irrationnelles, le fait de croire en l’existence de complots n’est pas irrationnel en soi. Au sens strict, le terme de complot désigne une entente secrète entre personnes et, par extension, l’action concertée de plusieurs personnes contre quelque chose ou quelqu’un. Nous sommes tous et toutes soumis·e·s aux conditions structurelles de la société de classes, où les intérêts respectifs de chaque classe entrent perpétuellement en conflit et où la classe dominante, par définition, agit continuellement “de manière concertée” pour préserver ses intérêts. Ainsi, les dominants complotent pour assurer la reproduction de l’ordre social et de leurs privilèges. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les théories complotistes jouissent souvent d’un écho favorable au sein des populations opprimées (classes ou nations) et qu’elles sont parfois employées pour créer des ponts entre la droite et la gauche. Elles ont le mérite de poser, implicitement ou explicitement, la question du pouvoir (qui le détient “réellement”?) et de son exercice. Elles expriment aussi des soupçons à l’égard des vérités officielles de l’État et peuvent, ainsi, contribuer à une certaine vigilance populaire et démocratique. »

De la même manière, l’on peut assez facilement concevoir d’autres raisons pour s’opposer aux mesures sanitaires qu’une adhésion aux prémisses politiques de l’extrême droite ou aux délires de QAnon. Autant la pandémie que les mesures d’exception (comme tout le reste dans notre société de classes) ont touché de manière disproportionnée celles et ceux qui subissent déjà différentes formes d’oppression, en particulier la classe ouvrière et les plus pauvres, dont au premier titre les segments racisés ou autrement marginalisés. C’est quelque chose comme la quintessence de la cruauté capitaliste que de forcer certaines personnes à travailler dans des épiceries, des entrepôts et des usines de transformation alimentaire, pour ensuite les menacer de les mettre à l’amende si elles osent sortir de chez elles pour prendre l’air après 20 h. L’obligation de rester confiné chez soi n’a pas le même impact si le foyer en question comporte un balcon ou une cour arrière, ou si c’est un petit appartement partagé avec des gens avec lesquels on ne s’accorde pas toujours.

Les contours tacites de la « reproduction sociale » et la valeur cachée qu’elle génère apparaissent un peu plus clairement lorsque les écoles doivent rouvrir pour y entreposer les enfants afin de forcer leurs parents à retourner au turbin, sans rien dire des enseignantes et des enseignants qu’on a obligé·e·s à retourner en classe (dont plusieurs avaient des conditions préexistantes les exposant à de graves complications si par malheur iels contractaient la maladie…).

Il est maintenant bien connu que la pandémie a permis à la classe milliardaire de s’enrichir encore, tandis que l’effondrement économique mondial a précipité plus de 100 millions de personnes dans la pauvreté extrême (surtout dans les pays du Sud) et provoqué d’importantes dislocations économiques dans les pays du Nord. On apprenait aussi récemment que la campagne accélérée de vaccination mondiale a fait de nombreux nouveaux milliardaires, ce qui a de quoi alimenter d’autant plus le cynisme à l’égard de l’industrie pharmaceutique.

Sur le plan politique, à l’évidence, le ton paternaliste de François Legault et de ses lieutenants rassure une grande partie de la population. Mais il en irrite en même temps une proportion non négligeable, qui n’a pu s’empêcher de constater au fil des mois la multiplication des décisions catastrophiques, des bévues petites et grandes, du manque flagrant de transparence, des valses-hésitations, des tâtonnements et des tergiversations coûteuses, dont le spin cynique n’est jamais parvenu à dissiper parfaitement le soupçon que ce gouvernement n’est en réalité qu’un ramassis d’imposteurs. Quoi qu’il en soit, au-delà des mesures distribuées aléatoirement et souvent sans aucune logique apparente, et au-delà des hypothèses complotistes sur les motivations malveillantes, en définitive, la seule constante observable dans la gestion de crise caquiste est la volonté inébranlable de faire passer l’économie avant toute autre considération.

Pour la majeure partie, les politicien-ne-s qui composent la classe dirigeante mentent régulièrement comme des arracheurs de dents, avec grande énergie en période électorale, et trahissent leurs promesses à la première occasion; changent de parti au gré des saisons et imposent aujourd’hui des programmes qu’ils dénonçaient encore hier; sont très souvent malhonnêtes et mal intentionnés; et même lorsqu’ils sont motivés par les meilleures intentions, les rouages antisociaux de la politique bourgeoise les conduisent tôt ou tard à nuire à l’intérêt public d’une manière ou d’une autre.

Au vu des programmes antisociaux qu’ils mettent en vigueur et de leur hypocrisie chronique, il n’est donc pas étonnant qu’on se méfie des politiciens, qu’on les juge sévèrement et qu’on les soupçonne de « comploter » contre l’intérêt commun. Peut-on pour autant raisonnablement conclure, comme le font les négationnistes de la COVID, que tous les politiciens et tous les gouvernements de tous les pays du monde ont mis de côté leurs antagonismes complexes pour se liguer secrètement dans la mise en scène d’une pandémie mondiale imaginaire? Bien sûr que non. On a beau trouver François Legault et Justin Trudeau[v] manipulateurs, hypocrites et incompétents, on ne nous fera pas croire qu’ils ne prennent pas la pandémie de COVID-19 au sérieux et ne sont pas convaincus de faire le nécessaire pour l’endiguer.

Pour résumer, s’il y à un complot à reprocher à la classe politique, c’est l’accord général qui tient au consensus néolibéral et la volonté de se prêter aux pires bassesses pour protéger coûte que coûte l’économie et le système capitaliste.

On pourrait aussi longuement parler de l’infantilisation de la population par les autorités de la Santé publique, de la complicité active et de l’indignation sélective des grands médias d’information, de la gestion policière et de la répression de la dissidence, des déséquilibres internationaux dans la distribution des vaccins, et de bien d’autres aspects de la gestion de crise prêtant le flanc aux critiques radicales.

Il y a donc un très grand nombre de raisons légitimes pour se montrer hostile au mode de gestion capitaliste de la pandémie, autant de raisons que l’on peut très bien comprendre sur le plan humain et qui s’alignent même parfois avec nos propres valeurs et la manière dont nous faisons l’expérience de cette société. Il est ainsi d’autant plus frappant que le mouvement d’opposition aux mesures sanitaires, globalement, n’a jamais vraiment mis de l’avant ces aspects clés de la pandémie, ni le fait qu’elle est gérée par la vraie classe dirigeante aux dépens de celles et ceux qui subissent concrètement les diktats du capitalisme, mais s’est au contraire ancré dans une idéologie implicitement procapitaliste de liberté individuelle et d’insouciance à l’égard du bien-être d’autrui, agrémentée d’histoires croustillantes de micropuces 5G et de réseaux pédosatanistes basés dans des sous-sols de pizzeria.

On se retrouve donc devant un problème épineux. Faute de pouvoir rattraper les conspis pur·e·s et dur·e·s (jusqu’à ce que la vie, avec un peu de chance, les ramène à la réalité), comment réussir à freiner la progression du complotisme parmi ceux et celles qui s’en rapprochent et/ou sont susceptibles d’y succomber? Plus particulièrement, du point de vue de la gauche radicale et antifasciste, comment faire en sorte que ces personnes n’entrent pas dans la sphère d’influence de l’extrême droite? Et finalement, y a-t-il dans cette mouvance des individus qui seraient ouverts à une critique du capitalisme, du racisme, du patriarcat et du colonialisme?

Il faut se rendre à l’évidence : l’approche consistant à ridiculiser systématiquement les complotistes, souvent en résumant le phénomène à ses expressions les plus grotesques, n’a pas permis d’en stopper la progression. Tout au plus, il se peut qu’en alimentant une espèce de polarisation, elle ait contribué à marginaliser la « complosphère », et ce faisant, à en limiter la progression. Impossible de le dire avec certitude, mais il est certain que la gauche radicale, qui n’aspire pas seulement à endiguer la fuite vers le complotisme d’extrême droite, mais aussi à faire valoir la justesse de ses propres options, ne peut plus se contenter de jouer à la meme game, de relayer ad nauseam les mêmes âneries complotistes en ricanant et de réitérer éternellement dans sa propre chambre d’échos le caractère loufoque des covidiots.

Il est impératif que nous trouvions ensemble le moyen de sortir de cette dynamique circulaire.

Comment sortir de l’impasse?

Dans les jours et les semaines qui ont précédé la manifestation anti-sanitaire du 1er mai, et compte tenu de la charge symbolique qu’une telle manifestation revêtait à Montréal lors de la Journée internationale des travailleurs et travailleuses, différentes perspectives se sont confrontées au sein de la gauche antifasciste quant aux meilleures approches à adopter dans les circonstances. L’option générale de provoquer un affrontement ayant été vite écartée pour des raisons évidentes, plusieurs questions restaient sans réponses, et grosso modo, trois écoles de pensée se confrontaient :

  • Le phénomène d’opposition aux mesures sanitaires est un authentique mouvement populaire organique et il serait une erreur de s’en distancer complètement et de l’abandonner à l’influence de l’extrême droite; il faut opérer une distinction entre les leaders louches et/ou proches de l’extrême droite, d’une part, et la base du mouvement, d’autre part, qui n’est pas foncièrement d’extrême droite; serait-il possible de manœuvrer de l’intérieur pour séparer la base du leadership? ;
  • La distinction doit plutôt/surtout s’opérer entre un noyau dur complotiste (jugé irrécupérable dans l’immédiat) et certains segments de population récemment attirés par l’opposition aux mesures sanitaires sans pour autant être sensibles à l’extrême droite, en prenant pour exemple les jeunes qui se sont mobilisée·s contre le couvre-feu le 11 avril dernier et/ou qui sont hostiles à la police; nos manœuvres ne devraient-elles pas plutôt viser à détourner ces derniers du mouvement complotiste plus large, notamment par des opérations d’éducation populaire ciblées? ;
  • Le mouvement d’opposition aux mesures sanitaires (tel qu’il s’est présenté le 1er mai) attire toute sorte de personnes issues de différents milieux, mais il faut reconnaître qu’en s’y joignant, ces personnes ont toutes en commun de faire plus ou moins passer a priori leur intérêt personnel avant l’intérêt commun; il faut aussi reconnaître que ces personnes, dans toute leur diversité et malgré leur adhésion variable aux dérives complotistes, forment encore une minorité au sein de la population québécoise; conséquemment, est-il vraiment utile de s’adresser à ce mouvement précisément, et ne vaudrait-il pas mieux orienter nos efforts ailleurs, que ce soit plus largement ou de manière ciblée?

Cette conversation nous semble aussi pertinente qu’opportune. Sans prétendre formuler une synthèse définitive, il nous paraît important d’y contribuer de manière critique, minimalement pour dépasser ce qui se présente comme une contradiction entre une « ligne dure » consistant à rester à pleine distance du mouvement anti-sanitaire/complotiste, et une ligne plus « populiste » consistant à s’en rapprocher dans l’espoir d’en détourner une partie, quitte à mettre pour un temps en veilleuse certains principes politiques fondamentaux.

Éviter les écueils du populisme/opportunisme

Cette dernière approche s’inscrit dans une certaine tradition persistante au sein de la gauche, une tradition qui a pourtant souvent abouti sur des comportements opportunistes.

Par « opportunisme », nous entendons le fait de sacrifier les intérêts essentiels de notre mouvement, c’est-à-dire nos principes politiques, pour faire des gains rapides ou gagner la faveur de certains segments de la population. Bien que l’opportunisme puisse se produire de manière organique (par exemple, lorsqu’un mouvement n’a pas le courage de confronter sa base et d’énoncer des vérités dures à entendre), il peut aussi survenir lorsque nous construisons une image idéalisée de certaines personnes avec lesquelles nous n’avons pas de liens étroits et dont nous croyons qu’elles possèdent des qualités qui manquent dans nos propres rangs (elles seraient plus importantes, plus « authentiques », etc.), et que si nous ne nous associons pas à elles ou à leurs luttes, nous risquons de « passer à côté de quelque chose ». L’on combine ainsi un manque de confiance en nos propres traditions à une sorte de pulsion parasitaire pour compenser nos faiblesses en nous attachant à d’autres dont nous tenons pour acquis qu’iels nous rendront plus fort·e·s ou plus pertinent·e·s (sans que nous ayons à faire nous-mêmes le travail).

La gauche a une longue histoire de flirt avec l’opportunisme, qui remonte notamment au soutien qu’ont apporté des sociaux-démocrates du monde entier à « leur » bourgeoisie lors de la Première Guerre mondiale. En Amérique du Nord, l’opportunisme s’est principalement manifesté par une opposition parfois anémique de la gauche au suprémacisme blanc et au colonialisme, par crainte de s’aliéner les majorités blanches. Au Québec, l’exemple classique est celui de certains individus et groupuscules d’extrême gauche qui ont essayé de s’agripper au mouvement nationaliste, non pas par conviction que l’indépendance du Québec entraînerait l’avènement d’une société meilleure (ce qui est un phénomène distinct), mais dans le but de recruter dans les rangs nationalistes. L’opportunisme s’est aussi parfois manifesté dans le fait d’édulcorer certaines positions considérées impopulaires parmi la majorité (blanche), comme d’atténuer les positions antiracistes lors de la première « crise des accommodements raisonnables », ou d’émousser de manière analogue l’opposition à l’islamophobie dans les années depuis.

Le bilan est clair : dans aucune de ces situations, le refus de certains éléments de la gauche de « céder du terrain » n’a réellement affaibli la droite. Au contraire, si le rapprochement entre une partie de la gauche et de la droite a eu un effet, c’est principalement d’avoir contribué à légitimer le discours de la droite.

Il y a une très grande différence entre le fait d’adopter une position politique partagée par une section de la droite parce qu’elle nous semble correcte selon nos propres critères, et le fait d’entrer dans un mouvement dominé par la droite parce que nous espérons en récupérer la base ou parce que ce mouvement semble populaire auprès « des masses ». L’approche consistant à se joindre à des mouvements de droite ou « mixtes » dans l’espoir de se « faire de nouveaux amis » ou de ne pas « céder du terrain » n’a rien de nouveau. Elle a en fait été essayée très souvent, et toujours à notre détriment.

En tant que gauche anticapitaliste, antipatriarcale et anticolonialiste, notre objectif principal est-il de convaincre la base complotiste (ou même quelque segment de cette base mixte dont on considère pour une raison ou une autre qu’il serait réceptif à nos positions), ou de faire valoir plus largement et plus efficacement nos propositions bien au-delà de cette base, sans compromettre nos fondamentaux?

Il va de soi que le dialogue et l’arrimage avec différents segments de la population engagent notre capacité à prendre efficacement contact avec ceux-ci. Mais dans les circonstances actuelles, une telle démarche ne peut et ne doit pas se limiter à la périphérie du mouvement complotiste.

Tout d’abord, si nous admettons que le mouvement anti-sanitaire n’est pas uniformément acquis aux théories complotistes, nous croyons qu’il est largement illusoire (du moins dans un horizon rapproché) d’espérer convaincre les conspis pur·e·s et dur·e·s au moyen d’arguments rationnels et de faits étayés. Cet enjeu relève de la psychologie et dépasse nos compétences, mais même s’il n’est pas catégoriquement impossible de ramener un·e conspi à la raison, force est de constater après un an de ce régime que la plupart des tentatives en ce sens entraînent généralement tout le monde dans une spirale descendante. La « déprogrammation » de ceux et celles qui sont profondément enfoncé·e·s dans cet espace mental demande une dépense d’énergie colossale, et ce, sans aucune garantie de réussite. Nous croyons donc que, pour l’instant, cette énergie serait mieux investie ailleurs.

Pour ce qui est d’attirer certaines des personnes qui gravitent actuellement autour du mouvement d’opposition aux mesures sanitaires sans pour autant avoir tout à fait succombé au complotisme pur et dur, il importe de noter que ça n’est pas « tout ou rien ». Il n’est pas question de choisir entre se joindre au mouvement, d’une part, ou laisser tout l’espace à la droite, d’autre part. Dans la mesure où nous sommes actif·ves sur le terrain social, non seulement en tant qu’antifascistes, mais en tant qu’anarchistes, communistes, féministes, etc., nous sommes susceptibles de côtoyer ces personnes ailleurs, comme à des audiences du Tribunal administratif du logement, sur des lignes de piquetage, à différentes manifestations contre la brutalité policière ou contre le programme néolibéral de coupures et de dévastation environnementale, ou tout simplement dans nos milieux de travail, dans les écoles où l’on étudie et dans les quartiers où l’on habite.

Si l’on s’en tient au cadre strict des mobilisations anti-sanitaires, il ne faut pas perdre de vue que le principe fondamental qui fédère ces personnes et motive leur participation est la « liberté individuelle », soit leur liberté de ne pas porter de masque, de ne pas respecter la distance minimale prescrite, de socialiser et de consommer comme d’habitude en dépit des risques que cela comporte pour la santé publique.

Encore une fois, le « peuple », peu importe la définition qu’on en donne, n’est pas automatiquement réceptif aux principes de solidarité sociale. Pour transformer les mentalités, il n’y a pas de formule magique ou de raccourcis auxquels nous n’avions pas pensé jusqu’ici. Ça n’est que par un long et patient travail politique mené dans la collectivité, les communautés, les milieux de travail et d’étude, les milieux culturels et de vie que les principes de solidarité peuvent s’ancrer et former le socle des mondes auxquels nous aspirons. C’est un travail qui a été entamé bien avant nous et qui n’a pas de fin, toujours à développer, souvent à recommencer, un travail que nous sommes nombreux et nombreuses à mener sur différents fronts, tant bien que mal, et que la pandémie nous a conduits dans bien des cas à ralentir, mais que nous devons absolument reprendre à plein régime dès que possible. Non seulement pour contrer l’influence toxique du complotisme, mais aussi simplement pour espérer traverser les prochaines crises qui s’annoncent.

Les gens peuvent changer de positions politiques très rapidement. C’est en période de crise politique que ces changements se produisent à grande échelle, et historiquement, ça n’est que dans de tels contextes que des changements fondamentaux sont susceptibles de se produire. Bien que nous ne soyons pas en mesure de déclencher une telle crise par nous-mêmes, nous croyons que nous avons un rôle important à jouer avant et pendant de telles périodes. Dans les situations où les gens s’ouvrent à de nouvelles idées qu’elles auraient rejetées auparavant, les choses peuvent changer rapidement, que ce soit vers la gauche ou vers la droite, généralement avec des moments de polarisation intense souvent marqués par une grande confusion. Ça n’est certainement pas le temps de participer à cette confusion en édulcorant nos positions politiques et en nous joignant à des mobilisations dominées par la droite pour « être là où se trouve l’action ». Nous nous trouvons effectivement dans une période de crises en cascade (économique, climatique, sanitaire, etc.) et il y aura donc en masse « d’action » à différents carrefours, venant de nombreuses communautés différentes. Tout en restant ouvert·e·s aux transfuges venu·e·s de l’autre côté, notre priorité devrait être de consolider nos liens avec les communautés et les luttes qui affirment et aiguisent nos positions politiques, qui confrontent les systèmes d’oppression et qui ouvrent la voie vers un avenir émancipateur, antiraciste, antipatriarcal, anticolonial et anticapitaliste.

Viser la construction d’un mouvement populaire sur nos propres bases

Notre défi est donc, non pas de grappiller des appuis du côté de la base populaire complotiste ou anti-sanitaire, mais de constituer un autre pôle d’attraction, de construire une alternative populaire autonome, sur nos propres bases, qui soit aussi attrayante dans sa forme que dans son contenu.

C’est un vaste chantier, bien sûr, qui impliquera sans doute d’importantes remises en question. Les « non-initié·e·s » reprochent souvent à la gauche radicale d’être engoncée dans ses codes (souvent rébarbatifs), rigidement attachée à ses tactiques et ses façons de faire, doctrinaire et perpétuellement traversée de conflits idéologiques. Le désintérêt d’une grande partie de la population à l’égard de la gauche radicale a sans doute autant à voir avec le caractère moralisateur de sa présentation qu’avec l’hégémonie néolibérale et les aspirations petites-bourgeoises que celle-ci favorise. Il nous faut prêter davantage attention à ces critiques et en tenir compte dans la construction d’une alternative attrayante et convaincante.

Nous aurons bientôt la possibilité de nous retrouver physiquement. Nous n’aurons pas une minute à perdre si nous sommes réellement déterminé·e·s à contrer non seulement l’influence toxique du mouvement complotiste et des éléments d’extrême droite qui en ont fait leur cheval de Troie, mais aussi le régime néolibéral et ses institutions, qui perpétuent l’ordre social dominant et ses différents modes d’oppression. À cet égard, certains enjeux, comme les salaires et les conditions de travail des travailleuses et travailleurs de la santé, du soin, de l’alimentation et autres secteurs d’activité qui se sont avérés bien plus essentiels à la vie collective que les parasites qui nous gouvernent ou spéculent dans les marchés immobiliers et financiers, devraient être aussi centraux que rassembleurs. Ces salaires et conditions de travail sont d’autant plus pressants que la pandémie a démontré l’importance vitale d’investir non seulement pour attirer et retenir la main-d’œuvre, mais aussi pour prévenir les effets mortifères du néolibéralisme. Or, on peut s’attendre à ce que le gouvernement de la CAQ, entre une promesse de tunnel sous le fleuve à 10 milliards de dollars et le déni obstiné de l’existence d’une crise du logement, recommence bientôt à nous parler de dette et de l’impératif de couper dans les dépenses sociales, éducatives et culturelles. Parce qu’il faut être « responsable » et tout ça. Sauf quand on dirige Bombardier ou qu’on est un spéculateur immobilier, bien sûr. À quoi servirait un gouvernement de droite s’il ne permettait pas aux capitalistes de s’enrichir?! Le gouvernement n’a d’ailleurs même pas attendu la fin de la pandémie pour couper dans LE secteur pourtant le plus névralgique, à savoir les hôpitaux! En effet, on apprenait le 25 mai que le Trésor aurait demandé aux autorités sanitaires et aux hôpitaux du Québec de couper 150 millions de dollars dans leur budget d’opération. 150 millions!!! Au cas où il y aurait des doutes, le gouvernement nous démontre une fois de plus que le retour à la « normale », c’est le retour à la tyrannie des impératifs financiers et des marges de profit.

Car ne l’oublions pas, le gouvernement de Legault a beau ne pas être « une dictature », il n’est pas favorable à l’égalité ni fondamentalement soucieux du bien commun pour autant. D’ailleurs, la déclaration récente du ministre caquiste de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, suggérant que l’état d’urgence sanitaire (que le gouvernement dit vouloir reconduire jusqu’à la fin de l’été!) permettait de neutraliser ou de contrôler certains enjeux comme les conventions collectives des employé·e·s de l’État, illustre bien la façon dont la CAQ prétend utiliser le contexte de la pandémie pour imposer son agenda politique aux dépens des classes populaires et moyennes.

À la question sociale s’ajoute la question migratoire. En effet, la CAQ ne cesse d’élargir et de galvaniser sa base électorale en siphonnant la rhétorique nationaliste identitaire du Parti Québécois et en stigmatisant les populations issues de l’immigration, surtout si celles-ci sont musulmanes et/ou gagnent moins de 56 000 $ par année. Loi sur la « laïcité », baisse de l’immigration, précarisation des personnes en attente de résidence ou sans statut, etc. La politique de sabotage de la CAQ réussit même à faire fuir les immigrant·e·s francophones, incluant des infirmières françaises, dont on ne cesse pourtant de nous dire qu’elles viennent combler un déficit criant de main-d’œuvre. Bref, le gouvernement Legault maltraite les classes populaires et immigrées et abuse de la confiance de la population.

Dans ce contexte, la construction d’un véritable front social commun antiraciste/antisexiste/anticolonialiste apparaît comme une nécessité. Et la gauche radicale, quoiqu’on en dise, à un rôle clé à y jouer. La bonne nouvelle est que nous n’avons pas besoin de partir de zéro. Nous avons tout un répertoire de pratiques dans lequel puiser, et de nombreux exemples pour nous inspirer.

Tout d’abord, rappelons les initiatives de collectifs comme Hoodstock, qui ont su s’adapter aux aléas et aux exigences de la pandémie pour soutenir la population de Montréal Nord. Un tel mélange d’adaptation pragmatique et de constance dans l’engagement se doit être souligné et applaudi. Le travail militant de Hoodstock s’est spontanément élargi durant l’été 2020 pour contribuer à la résurgence des mobilisations de Black Lives Matter dans les semaines qui ont suivi l’assassinat de George Floyd par la police de Minneapolis. Une autre initiative digne de mention, dans le même ordre d’idée, est la création de la Coalition pour le définancement de la police (dont fait partie Montréal Antifasciste). Engagement dans la durée, focalisation sur les besoins de populations vulnérables des quartiers populaires, dosage entre objectifs concrets, revendications ambitieuses et extension du domaine de la lutte. Sans parler de « modèle à suivre », nous pensons qu’il s’agit là d’une grande source d’inspiration.

Il existe des projets similaires chez nos voisins du sud, aux États-Unis. À cet égard, le collectif PopMob de Portland, en Orégon, qui a été très impliqué dans des projets d’entraide durant la pandémie et dont la résistance active à l’extrême droite a remis en question au cours des dernières années les codes traditionnels du milieu antifasciste radical et mis de l’avant des formes de mobilisation populaire festives et multiformes sans pour autant compromettre les principes fondamentaux, constitue une référence importante.

PopMob s’est d’ailleurs associée au militant antifasciste Spencer Sunshine dans la dernière année pour rééditer un extraordinaire pamphlet intitulé « 40 ways to Fight Fascists : Street-Legal Tactics for Community Activists » [40 manières de combattre les fascistes : Tactiques légales pour les activistes communautaires]. Nous vous invitons à en prendre connaissance!

La tradition militante dans laquelle s’inscrit Montréal Antifasciste —l’antifascisme radical— peut s’inspirer de ces diverses initiatives. Alors que les groupuscules d’extrême droite ont convergé avec le mouvement anti-sanitaire et qu’une partie de leurs revendications xénophobes, islamophobes et identitaires sont aujourd’hui portées par le gouvernement de la CAQ, le mouvement antiraciste et antifasciste se doit d’élargir la mobilisation et de contribuer à construire de nouvelles alliances pour confronter le gouvernement rétrograde de François Legault.

Nous proposons que ce nouveau cycle de mobilisation se décline sur trois fronts : culture populaire, éducation populaire et actions directes.

Tout d’abord, pour faire face à la « guerre culturelle » déclarée et revendiquée par les polémistes réactionnaires et l’extrême droite, nous devons réintégrer la musique, les arts, la fête, les sports, etc., à nos stratégies de mobilisation. Après de longs mois de confinement, profitons de l’été pour nous afficher et occuper les parcs et les places! Nous pourrions ainsi organiser un tournoi de soccer ou de basketball contre le racisme cet été. Pour les moins sportifs·ves, un tournoi de pétanque pourrait être une alternative joviale, d’autant plus si elle est arrosée de pastis! 🥴 Mais quelle que soit l’initiative, l’important est qu’elle soit festive et inclusive. Comme dirait Donald, « Make the antiracist left fun again! ».

Ensuite, nous devons développer un programme d’éducation populaire qui prenne plusieurs formes et aille au-delà des enclaves militantes et des converti·e·s. Pour cela, nous pensons qu’en plus des traditionnelles tables d’information et des ateliers de formation, il est indispensable de nous saisir de tout le potentiel des médias sociaux pour rejoindre un public plus jeune et plus diversifié. TikTok, Instagram, podcasts, vidéos, etc. À ce chapitre l’extrême droite a pris une sérieuse longueur d’avance, que nous devons rattraper.

Nous invitons les antiracistes et antifascistes de Montréal et du Québec à se joindre à nous pour développer ensemble de tels instruments et contenus et les rendre disponibles en plusieurs langues. Le français est important, évidemment, mais il y a aussi 101 raisons de traduire une partie de nos contenus non seulement en anglais, mais aussi en espagnol, en arabe, en cantonais ou en ourdou. Ce travail de traduction est une façon à la fois simple et concrète de commencer à construire des ponts avec les différentes communautés qui font la richesse de Montréal et du Québec.

Enfin, parallèlement à la mobilisation culturelle et au travail éducatif, il sera nécessaire de continuer à nous appuyer sur notre tradition d’action directe en faisant de l’affichage, du tractage, des contre-manifestations ponctuelles, en fonction de l’actualité. Mais surtout, pour marquer le coup, nous proposons la tenue d’une grande manifestation contre la haine et le racisme à l’automne 2021, sur le modèle de ce qui a été fait en 2017-2018. En effet, le 1er octobre 2021, cela fera trois ans que la CAQ a obtenu une majorité à l’Assemblée nationale. Alors que nous semblons être sur le point de sortir de la pandémie et que la CAQ crève d’envie de couper dans le social de nouveau et d’aider ses amis des secteurs pétroliers, miniers, immobiliers, financiers, et autres, à s’en mettre plein les poches, il est plus urgent que jamais d’œuvrer ensemble à la construction d’un pouvoir populaire qui pourra rappeler au gouvernement les impératifs du bien commun.

///

[i]               Notons au passage, comme l’ont fait nos camarades de la Convergence des luttes anticapitalistes à l’occasion du 1er mai, que « la normale », ou en fait « l’anormal », n’a rien de désirable pour un très grand nombre de personnes…

[ii]               Plus largement, malgré un certain nombre d’efforts communautaires et de projets de solidarité inspirants, comme celui animé à Montréal-Nord par le collectif Hoodstock, le projet Resilience Montreal et différents groupes d’entraide auto-organisés sur les médias sociaux, la gauche – modérée comme radicale – n’a dans bien des cas réussi qu’à garder la tête hors de l’eau et n’est pas parvenue à articuler ou à proposer des alternatives de masse viables dans le contexte québécois. À vrai dire, même si elle a globalement réussi à maintenir ses activités à régime réduit, et parfois fait une vraie différence dans certaines communautés, elle a assez peu réussi à sortir de sa sphère d’influence habituelle.

[iii]              D’autant plus que plusieurs membres de Montréal Antifasciste se sont investi·e·s dans leurs milieux de vie et de travail pour appuyer des initiatives et des réseaux d’entraide. Il nous est apparu évident qu’en ces temps de crise sanitaire, la priorité devait être la solidarité et le soin d’autrui.

[iv]          Au cours de la dernière année, cette approche « anti-conspis » a essuyé les critiques de soi-disant spécialistes en matière de « radicalisation », qui estiment qu’elle exacerbe le sentiment d’injustice des complotistes, ce qui favoriserait leur isolement et leur descente dans la spirale irrationnelle. C’est le cas notamment de Martin Geoffroy, du Centre d’expertise et de formation sur les intégrismes religieux, les idéologies politiques et la radicalisation (CEFIR), qui s’est entretenu à ce sujet avec Jonathan Le Prof (Jonathan St-Pierre) en janvier dernier. Les mêmes analystes nous expliquent pourtant du même souffle qu’il est pratiquement impossible de raisonner avec ceux et celles qui ont succombé à la mentalité complotiste, laquelle relèverait d’un état d’esprit « sectaire ». Hormis les références aux spécialistes et l’exhortation à prêter aux complotistes une oreille bienveillante, on cherche encore de ce côté une quelconque proposition concrète pour contrer ce phénomène grandissant autrement qu’au cas par cas…

[v]           Le fortunate son au sourire niais et au bilinguisme approximatif, fac-similé de PM libéral et digne héritier de la grande bourgeoisie canadienne (dont les compétences pour occuper ce poste n’ont jamais vraiment été démontrées), essaie tant bien que mal de « continuer » à projeter jusqu’à la prochaine élection l’image de gentil gendre qui l’a si bien servi jusqu’ici. La « complosphère » québécoise susceptible aux influences de l’extrême droite lui reproche bien sûr sa filiation, son multiculturalisme et ses valeurs progressistes, qu’elle tient pour preuves de son appartenance au complot « mondialiste ». Mais là encore, c’est pour d’autres raisons que nous trouvons Justin Trudeau digne de suspicion légitime. Le Parti Libéral est l’aile gauche de la grande bourgeoisie canadienne, et quoi qu’on en dise, Justin n’est rien d’autre qu’un pantin désigné par celle-ci pour représenter ses intérêts sur la scène politique. La démarche crapuleuse du gouvernement libéral, et de Justin Trudeau en particulier, dans le dossier des pipelines confirme que cette clique de la grande bourgeoisie est entièrement acquise à la raison et aux intérêts capitalistes, quitte à compromettre ses propres objectifs en matière de lutte aux changements climatiques et à trahir toutes les promesses de réconciliation adressées aux premiers peuples au fil des ans.

Bruit, drapeaux et poings: Réflexions sur une fin de semaine au centre-ville de Montréal

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Mai 312021
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Depuis le 6 mai de cette année, un conflit intercommunautaire fait rage entre voisins dans les régions urbaines multiethniques de la Palestine occupée, de Jérusalem à Jaffa et ailleurs, déclenché à ce qui parait par une dispute foncière à Sheikh Jarrah. Par conséquent, il y a eu un échange inégal de bombes et de roquettes entre l’État israélien et le Hamas, ce dernier étant l’autorité étatique du petit territoire de Gaza. Je ne sais pas ce qui va se produire en Palestine. Je n’ai qu’une compréhension de la situation de niveau Wikipédia. Je ne parle pas les langues en question et en tout cas je n’essaie même pas de suivre les actualités de près.

Mes réflexions portent sur la situation à Montréal, ville qui abrite des communautés musulmanes et juives importantes, dont respectivement de nombreux membres (au risque d’être réducteur) font partie de mouvements sociaux locaux en soutien du côté palestinien ou sioniste/israélien du conflit. La fin de semaine dernière, une partie des deux mouvements a envahi les rues du centre-ville de Montréal en réponse aux derniers événements outremer.

Le samedi 15 mai, des dizaines de milliers de personnes (au minimum) sont descendues dans la rue en soutien au côté palestinien; elles ont manifesté à Westmount Square, un complexe avec un tour de bureau où se trouve le consulat israélien, ainsi qu’au square Dorchester, au coeur du centre-ville. Pendant des heures, toute la zone entre ces deux endroits grouillait de gens qui brandissaient le drapeau palestinien, scandaient des slogans et faisaient retentir leurs klaxons. Sans doute, elle a été parmi les manifestations les plus larges qui ont eu lieu à Montréal cette dernière année. Il n’y a eu que très peu de violence ou de dégradation, bien qu’une vitre ait été cassée au Westmount Square et quelques personnes ont grimpé sur un échafaudage en proximité du Square Dorchester. Avant le début des manifs, il y a eu un cortège d’automobiles qui est parti de l’autre bout de la ville. Dans la foule, il y avait quelques anarchistes et partisans de “la gauche radicale” présent·e·s sans liens familiaux à une quelconque communauté musulmane, mais très peu par rapport à la taille de la foule.

Le dimanche 16 mai, le côté pro-israélien a eu son propre rassemblement — c’est à dire, une manifestation statique — au square Dorchester, opposé par une foule pro-palestinienne, de nombres plus ou moins égaux, qui s’est rassemblée au départ à la place du Canada, directement au sud du square. D’après mes observations, il convient de dire que certaines personnes du côté pro-palestinien se prêtaient à des provocations volontaires à l’égard de la foule pro-israélienne, en essayant par exemple de s’approcher d’eux pour agiter des drapeaux. La police a essayé d’éviter que les deux côtés n’entrent en conflit, mais la logistique de leur déploiement s’est dégradée au fil du temps et il y a eu de nombreux moments où des membres des deux camps ont pu s’approcher suffisamment pour échanger des coups de poing, essayer d’attraper les drapeaux de l’autre camp, etc. Bien que le nombre de personnes ait été beaucoup moins élevé que le jour précédent, les rues autour du square Dorchester étaient bloquées par le mouvement de manifestant·e·s pro-palestinien·ne·s essayant de se rendre au square ou à la place du Canada, puis par des membres de la foule pro-israélienne qui quittaient la zone, ainsi que par la police. La police a fait usage indiscriminé de gaz lacrymogène, ce qui a touché de nombreux passants qui n’avaient rien à faire des accrochages en cours. Des groupes de manifestant·e·s pro-palestinien·ne·s sont restés dans les environs plusieurs heures après la dispersion du côté pro-israélien à braver les charges policières et les tirs de munitions « non létales ».

Précédant cette fin de semaine, il y a eu nombreuses manifestations pro-palestiniennes de moindre envergure autour de l’ouest du centre-ville montréalais qui, si elles ne défiaient pas ouvertement la police, n’étaient pas moins bruyantes et visibles. Je m’attends à ce qu’il y ait encore plus de manifestations locales dans les jours qui viennent. (Mise à jour : Après que j’ai commencé la rédaction de ce texte, mais avant de l’envoyer à des sites anarchistes pour publication, il y a eu une autre manifestation au consulat israélien).

La solidarité internationale

Les images nous parlent. Les mots nous inspirent. Dans le stade, les joueurs adorent les hurlements de la foule. Je me dis que ça doit marcher un peu de la même manière pour ce qui est de luttes. Mais je n’en suis pas sûre.

Ce que je sais, c’est que ce qui s’est déroulé à Montréal samedi et dimanche – que se soit interpersonnel ou simplement la destruction d’une vitre, que se soit contre la police ou entre partisans de nationalismes contradictoires – n’a pas aidé de façon concrète qui que ce soit des deux camps nationaux en Palestine. Il ne m’est pas du tout clair combien de personnes en Palestine ont entendu parler de ce qui s’est passé à Montréal. Il y a eu des manifestations dans des villes aux quatre coins du monde, mais c’est à croire que l’actualité locale les préoccupe davantage.

Ça arrive que les anarchistes de Montréal manifestent au consulat montréalais d’un gouvernement étranger. Nous avons fait d’autres choses aussi. En particulier, le consulat russe a été attaqué à deux reprises les dix dernières années.

Cependant, au plus souvent, les manifestations de solidarité avec des luttes sociales en d’autres pays sont menées par les communautés qui ont des proches dans ces endroits. Il y en a constamment, bien que peu de montréalais·e·s s’en rendent compte. La plupart du temps, elles sont petites et elles ont peu de chances d’attirer l’attention de journalistes. Il faut que tu passes au bon moment pour voir la banderole ou entendre un discours sombre (peut-être dans une langue autre que le français ou l’anglais) et l’assistance dépasse rarement les soixante personnes. Même aux moments où les manifs de solidarité internationale sont plus larges, elles ne deviennent presque jamais des émeutes (ça vaut la peine de noter que malgré quelques moments isolés d’énergie bagarreuse, la manif de samedi était majoritairement non-violente).

Le problème avec les campagnes de solidarité internationale, c’est que très souvent ils détournent l’attention de projets avec plus de pertinence locale. J’ai pas envie de me faire des ennuis, donc soyons clairs : ils ont une certaine valeur. Mais je crois que c’est toujours désavantageux de mieux connaître les actualités d’un pays lointain que ce qui se passe dans leur ville. Ce qui veut dire, avoir un narratif bien précis des événements et de leurs causes dans des sociétés à l’autre bout du monde, sans comprendre ou au moins reconnaître les tensions et dynamiques qui existent dans son propre contexte.

Il se peut que la solidarité internationale soit pour des gens ailleurs, mais on ne peut pas pour autant oublier les gens qui le font. En tant qu’anarchistes, ça nous incombe de faire en sorte que ces campagnes contribuent à des stratégies qui créent de l’anarchie (ou d’autres projets en lien avec ce que veulent les anarchistes) à l’échelle locale, quoi que cela puisse signifier de façon concrète.

Montréal fait des émeutes

Montréal fait des émeutes, et ça assez régulièrement. Dans le contexte actuel, après un an de pandémie et plusieurs mois de couvre-feu imposé par un gouvernement élu par les banlieues avec son siège à Québec, cette tendance refait surface. Si ce n’était pas la Palestine, ça serait quelque chose d’autre.

J’ai quelques grosses généralisations démographiques à faire et je vais les mettre sur la table tout de suite. Premièrement, c’est surtout les jeunes hommes qui participent aux émeutes. Bien que cela ne soit pas inévitable, c’est ce que j’ai pu constater à partir de mes inférences de l’identité du genre des personnes que j’ai vues casser des vitres, piller des commerces, jeter des trucs sur la police ou essayer de s’approcher de manifestations pro-israéliennes dans la dernière année. Deuxièmement, il me semble que les personnes racisées sont aussi susceptibles de participer à des émeutes que des personnes blanches, sinon plus.

Or, si j’invoque la démographie, ce n’est que pour l’écarter. Si des gens manifestent violemment, comme ils ont fait le 11 avril en réponse au durcissement du couvre-feu, certains journalistes et commentateurs les traiteront de « blanc » sans avoir à réfléchir – et ils n’ont pas failli. Ceux qui considèrent le milieu anarchiste comme irrémédiablement problématique, y compris ceux qui veulent rester proches de ce milieu, trouveront sans doute faute avec tout engagement de ma part (ainsi qu’avec tout non-engagement de ma part) par rapport au fait que les participant·e·s à une émeute auraient une peau plus foncée et sont plus pauvres et marginalisé·e·s que les personnes qui fréquentent les milieux anarchistes.

Dans la mesure où cela nous empêche de contribuer à des ruptures sociales menées par les jeunes, je crois que c’est un vrai problème.

À Montréal, tout le monde participe aux émeutes. Pas tout à fait tout le monde, mais plein de gens de diverses origines. Et qu’il y ait des émeutes ici, ça ne date pas d’hier. L’histoire de cette ville est pleine de moments où on a tout niqué, remontant aux premières décennies du 19e. Ceci a continué durant des cycles politiques et sociaux de toute sorte, à des moments où la population urbaine montréalaise ne consistait quasiment que de personnes blanches de plusieurs variétés, beaucoup plus en tout cas que leur population relative aujourd’hui. Cette histoire rend fier chaque habitant de Montréal qui déteste la police et aime la culture de la rue. Ça ne veut pas dire que chaque émeute ait été pure ou parfaite, mais il y a beaucoup plus à célébrer que de condamner dans cette histoire. De toute façon, les émeutes, ça marche. Si on préfère le capitalisme-providence à, par exemple, ce qu’ils ont au Texas, les émeutes sont en partie à remercier pour cela et il me semble que quelques vagues d’émeutes pourraient nous gagner beaucoup plus dans les années à venir.

En tant qu’anarchistes, nous n’avons pas forcément besoin de former un « contingent » dans le cortège de quelqu’un d’autre. Pour ce qui est des parties rebelles du mouvement pro-palestinien dans la rue, celles qui cherchent le plus la confrontation, ce sont des bandes avec qui la plupart de nous n’ont aucune connexion, avec qui il n’existe en ce moment aucun rapport de confiance et qui sont de toute façon capables d’agir par eux-mêmes. Notre but devrait être d’étendre l’agitation aux commerces du centre-ville et à la logistique policière au même moment, mais pas forcément dans les mêmes endroits, que les autres événements. Nous devrons chercher à établir une position distincte capable d’attirer des gens autres que ceux qui participent déjà aux manifs pro-palestinienne et d’occuper l’attention de la police dont l’impératif stratégique est d’être partout en même temps. Le boulot de la police est impossible, mais notre présence peut faire en sorte que cette impossibilité devient manifeste le plus vite possible.

On a pu apercevoir dimanche les signes d’un effondrement de la logistique et de la stratégie policière, ce qui ne visaient qu’à empêcher deux groupes, plutôt petits, de se battre. Chaque geste qui contribue au chaos compte.

Une idée : À bas la France

À part les Juifs et le Musulmans, il y a également pas mal de Français à Montréal – c’est à dire, des gens nés ou élevés en France ou qui ont de liens familiaux proches en France. J’ai connu plein d’anarchistes français·e·s à Montréal. En plus, plein d’autres anarchistes à Montréal qui ne sont pas « français » ont quand même passé beaucoup de temps en France, y ont des amis ou des opinions sur les questions politiques particulières à la France, etc. Bien que la France soit loin, elle a une proximité émotionnelle pour nombreux d’entre nous (mais pas tout le monde assurément).

La France a interdit les manifestations en faveur de la cause palestinienne, justifiant cette décision par l’agitation en 2014 lors de la dernière grande crise.

Ce qui se passe en France était déjà inquiétant. Déjà en 2016, en réponse au massacre djihadiste l’an avant (Charlie Hebdo, l’Hypercasher, le Bataclan, la Stade de France), l’État français s’est engagé sur une voie qui a mené à l’interdiction de manifester, l’état d’urgence et l’expansion des pouvoirs policiers. Le mois dernier, l’État a rendu illégal le fait de filmer les policiers. Bien sûr que sur notre territoire, les modèles de gouvernance français sont très admirés et les politiques qui y sont expérimentées seront importées ici. Ce processus se voit dans l’orientation du gouvernement à Québec par rapport à la suppression de tout ce qui est radical et de tout ce qui est islamique – deux catégories dont on fait très souvent l’amalgame.

De mon avis, c’était plus respectable de défoncer de coups de pied les vitres de Westmount Square que de chercher à tabasser des bouffons nationalistes qui portaient le drapeau israélien comme cape; je sais que plusieurs de ces bouffons cherchaient eux aussi la bagarre, mais je n’aime pas trop quand l’emportement mène à la violence interpersonnelle. Le consulat français se trouve dans un bâtiment en face de l’université McGill, à quelques rues seulement du square Dorchester. Peut-être serait-il logique pour les anarchistes ainsi que pour d’autres ennemies du capitalisme et du colonialisme d’appeler notre propre manifestation là-bas lorsqu’il y a raison de croire que des foules pro-israéliennes et pro-palestiniennes vont de nouveau s’affronter au centre-ville? Ou bien ailleurs, pourquoi pas? Mais on aime tous avoir un thème.

Au final, tout ce qui nous amène au centre-ville contribuer à l’agitation et élargir la zone de destruction, de possibilité et de rencontre, une zone qui n’est possible que lorsque la machine logistique policière s’effondre.

L’esprit de la révolte

Les adolescents ont des analyses politiques, mais elles risquent de ne pas être super. La plupart ne savent pas ce que sont l’anarchisme et le nationalisme. Ils connaissent peut-être les mots, mais cela ne vaut pas grand-chose. La plupart n’ont pas les idées bien claires pour ce qui est des questions liées aux Juifs, aux Palestiniens, aux sionistes, aux terroristes, ou quoique ce soit. Il ne faut pas non plus croire que les actions des adolescents soient forcément motivées par leurs analyses politiques de toute façon.

Tout ceci n’est pas moins vrai pour les adultes, mais les adolescents bénéficient de meilleures raisons de ne rien savoir sur tout ça que les adultes, donc ça vaut souvent la peine d’essayer de les leur expliquer, car ils et elles ne sont pas encore des causes perdues. Mais ça ne marchera jamais d’aller vers eux pour les instruire.

On ne peut discuter avec quelqu’un d’idées qu’une fois que les deux parties ont envie de discuter. Mais c’est impossible de savoir si on a envie de se parler – se parler vraiment, avec tout le risque de malentendu ou d’insulte qu’importe n’importe quelle conversation avec de vrais enjeux – avant qu’avoir une bonne raison de le faire.

Si des gens se voient dans la rue de façon régulière, ils vont sans doute commencer à se parler à un moment donné. Surtout si les deux groupes ont l’air de faire le même genre de trucs inhabituels et que les actions se complètent. Il se peut que cela s’aboutisse à quelque chose de génial, ou non. Mais si un jeune dont la famille dit beaucoup de mal des Juifs croisent des Juifs et des Juives qui sont anarchistes, qui détestent la police, qui d’ailleurs n’aiment pas trop Israël, qui ont du style, qui ne craignent pas de la bagarre, ça pourrait être du bon.

Il ne s’agit pas de descendre dans la rue pour « faire des anarchistes », mais pour faire l’anarchie. Après tout, la majorité des anarchistes deviennent tôt ou tard des sociaux-démocrates. La plupart des jeunes dans une foule de jeunes gens en colère ne vont pas trouver que l’anarchisme, peu importe sa forme sous-culturelle, leur parle ou répond à leurs préoccupations. Tant pis. Ce n’est que lors d’un triomphe de l’anarchie quelconque, peut-être due en partie au fait qu’il y avait des partisans et partisanes de l’anarchie dans la rue, que les gens prêteront attention. Certains aimeront ce qu’ils voient et essaieront de nous trouver. Il ne faut pas trop s’en soucier pourtant. C’est en dehors de notre contrôle.

Ce dont on est capable, c’est de reconnaître où il y a de nouvelle énergie, s’interroger sur le comment et le pourquoi de son émergence et se demander comment on va s’orienter par rapport à elle. Que veut-on faire? De quelle manière peut-on aider? Qu’est-ce que ça nous fait que la logistique politique soit occupée au centre-ville?

L’anarchie, et non l’émeute

Si les événements prennent la forme d’affrontements avec la police au centre-ville, les anarchistes sont capables d’amener une contribution utile. Mais on peut faire d’autres choses aussi. Il faut éviter de fétichiser l’émeute ou les gens qui contribuent le plus à l’émeute en cours. Disons plutôt que notre chemin vers l’absence de la police passe par l’émeute. C’est pas les pacifistes qui vont changer l’histoire.

L’essentiel c’est qu’on continue d’agir, qu’on ne reste pas sur la touche lors de moments insurrectionnels et qu’on se concentre sur ce qui se passe dans notre propre région. Sur ce terrain mouvant, c’est souvent difficile de suivre les événements, mais il faut faire de notre mieux.

CONTRE LE COUVRE-FEU
CONTRE LES BOMBARDEMENTS
CONTRE LES EXPULSIONS, ICI ET PARTOUT
POUR UN MONDE SANS LA POLICE
HISSEZ LE DRAPEAU NOIR

Les 4ème et 5ème révolutions industrielles

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Mai 222021
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Cet article est tiré de la 12e édition du journal anarchiste 325. Nous le traduisons et publions ici en tant que geste de solidarité avec le collectif 325 dont l’infrastructure de contre-information est ciblée par la police britannique, ce qu’il faut comprendre dans le contexte de répression internationale, mais aussi car ce texte propose une analyse très pertinente des développements technologiques qui donnent lieu à de nombreuses conversations et actions ces jours-ci, en les replaçant dans une perspective historique plus large. 

« L’une des caractéristiques de cette quatrième révolution industrielle est qu’elle ne change pas ce que nous faisons, mais c’est nous-même qu’elle change. » — Klaus Schwab, fondateur et président exécutif du Forum économique mondial, qui a créé le centre pour la quatrième révolution industrielle à San Francisco, aux États-Unis.

Une révolution industrielle est un événement économique, social, philosophique et politique par lequel l’élite s’approprie ce qui est libre – la terre, la nature, les talents, les relations sociales, les compétences et les rêves – pour les reconditionner et les transformer en agents des mécanismes du profit et du pouvoir. Pour ce faire, ses protagonistes privent la majeure partie de la population d’autonomie, d’autodétermination, d’autosuffisance, d’estime de soi, d’entraide, de relations et de liberté.                

Nous avons connu trois révolutions industrielles au cours des 250 dernières années. Nous sommes maintenant entre les griffes des quatrième et cinquième révolutions. Toutes ces révolutions ont été fondamentalement basées sur les industries extractives et la dévastation des écosystèmes.       

La première révolution industrielle advint entre 1760 et 1870 lorsque l’eau et la vapeur ont été utilisés pour mécaniser la production grâce à l’invention de la machine à vapeur, ce qui a aussi eu comme effet la mondialisation et la dé-localisation par le chemin de fer. La première révolution industrielle a rompu le rapport des gens à la nature, inaugurant l’ère des villes.             

La deuxième révolution industrielle eu lieu entre 1870 et 1914 et a ammené l’électricité à l’Occident avec l’acier, le pétrole et le moteur à combustion, permettant la production de masse et l’éradication des industries artisanales.

La troisième révolution industrielle a commencé dans les années 1980 lorsque l’électronique et la technologie de l’information ont automatisé la production et ont commencé à se décentraliser. Au même moment, l’ascension de la révolution numérique a finalement ‘démocratisé’  l’ordinateur personnel et l’Internet, un développement qui a davantage miné la relation déclinante de l’humanité occidentale avec le monde naturel et les uns avec les autres. En tant que citoyens, les personnes sont devenues les parties d’une communauté mondiale au lieu de leur communauté locale qui disparaissait rapidement. La troisième révolution industrielle et la quatrième naissante ont créé la solitude et l’isolement systémique, des problèmes de santé mentale généralisés et une dépendance plus subtile et plus complète au système: lorsque les relations humaines et les réseaux familiaux ne peuvent plus être garantis pour assurer notre survie, nous sommes amenés à croient que le recours à la machine l’est.       

Ces révolutions industrielles successives ont consolidé et approfondi cette rupture non seulement avec le monde naturel pour une grande partie de la population mondiale, désormais urbaine et dépendante des mécanismes de la culture civilisée, mais agrandissent toujours plus le fossé entre les riches et les pauvres.       

L’objectif de la quatrième révolution industrielle (4RI) est la convergence des technologies physiques, biologiques et numériques dans le but d’une nouvelle vision de l’humanité et de la planète. La 4RI, la Cyber-Physique ou l’Industrie 4.0 implique la connectivité de masse, l’intelligence artificielle, la robotique, l’accès aux connaissances via Internet, le stockage de données, les véhicules autonomes, une puissance de traitement d’information massive via la 5G, l’impression 3D, les nanotechnologies, la biotechnologie, la génétique, la bio-impression (fabrication de cellules, d’organes et de parties du corps), la prolongation de la vie, la réalité augmentée, la science des matériaux, le stockage d’énergie, les ordinateurs quantiques et l’Internet des objets tels que les bâtiments intelligents et les villes intelligentes, le blockchain et les crypto-monnaies. Ce sont des technologies ‘perturbatrices’ à tous les niveaux: gouvernance, finance, logistique, société, ontologie humaine. La conformité passe également par le fait que la 4RI fait appel à notre besoin de ‘confort, d’harmonie et de plaisir’. C’est ce qu’on entend par un monde de ‘technologie sans friction’ dans le sens d’un monde technifié.     

Dans ce nouveau monde, la Covid-19 a présenté à la techno-élite la plus grande opportunité: des populations mondiales isolées physiquement les unes des autres, dans certains pays une élimination tacite d’humains qui sont des fardeaux pour un système qui n’aura pas besoin est autorisé, une dépendance totale à la technologie pour communiquer ensemble, pour travailler ou pour se divertir, l’utilisation de ces technologies pour instaurer une surveillance et un comformisme de masse à une échelle jusqu’ici inimaginable et l’expérience et la peur d’une mort imminente inhabituelle à grande échelle. Cela nous a aussi montré certaines réalités: que malgré deux cents ans de ‘progrès’, tout ce qui s’est réellement passé, c’est que les élites ont consolidé leurs propres réserves, que les systèmes de protection sociale ont été pratiquement détruits, que l’humanité-même a été antant ‘découplée’ de la nature qu’en fait nous ne pouvons pas nous soutenir pendant une crise sans le système et que les promesses de l’élite – qu’elles soient politiques, économiques ou technologiques – ne seront jamais tenues.

Si la 4RI est la mise en place des moyens (les nouvelles technologies) que les élites tenteront d’utiliser pour faire face à l’instabilité qui résultera de l’inégalité des ressources, du désastre climatique et de l’ascentionde l’informatique et du pouvoir post-industriel, alors la Cinquième Révolution Industrielle (5RI) commence à ce point où il y a une acceptation massive de ces nouvelles technologies qui convergent à travers nos corps, nos environnements et nos réalités à tel point que le monde des machines est toujours présent, même à l’échelle nanométrique ou jusqu’à la portée humaine la plus éloignée dans l’espace. C’est pourquoi si vous faites une simple recherche sur la 5RI, vous ne trouverez que l’écoblanchiment capitaliste sur le soi-disant ‘développement durable’ et le blablatage marketing d’une techno-utopie prétendant vouloir « améliorer la vie de tous » . C’est parce que les technocrates et les élites ne veulent pas que les vraies réalités de ces développements technologiques soient connues jusqu’à ce qu’il ne soit trop tard pour faire quoi que ce soit.

On nous dit que le progrès technologique est ‘inévitable’. La 5RI inaugurera des changements conceptuels si énormes concernant la façon dont nous voyons notre corps, la technologie et le ‘monde naturel’ que de nombreuses distinctions commenceront à avoir moins de frontières. Pour les vielles ‘reliques’ que nous sommes, qui considèrent une prothèse comme la résolution d’un handicap, la 4RI fournit la technologie qui, grâce au développement incessant, vise à obtenir des résultats supérieurs au membre d’origine. Le 5RI ne consiste pas seulement à étendre et à affiner les technologies et les incursions de la 4RI, il s’agit de les normaliser, d’amener le public à adopter ces technologies en appliquant leur propagande au plus bas instincts des humains. La 5RI est l’acceptation qu’un membre robot-cybernétique soit supérieur à un membre organique et le fait de désirer davantageun représentant artificiel plutôt qu’unqui soit organique et chaotique. Dans le contexte de cette nouvelle réalité d’artificialisation totale en évolution, alors que la technologie del’intelligence artificielle se miniaturise et intervient dans tout ce qui est à la portée des spécialistes, le résultat de la 4RI est une vision nouvelle de la Terre et une nouvelle ‘humanité’. Une ‘Humanité +’ qui vit dans un monde-prison dépendant de ‘l’énergie verte’ et régulée par des fonctionnaires, des scientifiques et des technocrates par des méthodes comme l’intelligence artificielle, la biotechnologie et la nanotechnologie. Si la 4RI est l’émergence et le développement convergent de ces nouvelles technologies post-industrielles, alors la 5RI résulte de l’accélération du rythme de développement et de l’acceptation massive de ce même complexe techno-industriel. La 5RI se caractérise par une vitesse exponentielle sans précédent (le temps des machines) en opposition autemps linéaire/non-linéaire (temps humain), ce qui signifie que même les concepteurs et les ingénieurs sociaux de ce nouveau monde admettent qu’ils ne peuvent pas contrôler les résultats de ces nouvelles technologies. On tend vers l’émergence de quelque chose d’encore plus horrible que le Skynet fictif de la série Terminator: la singularité technologique.

Ray Kurzweil écrit dans Humanité 2.0 qu’ « il est difficile de penser à quelquonque problème qu’une superintelligence ne pourrait pas résoudre ou du moins nous aider à résoudre. Maladie, pauvreté, destruction de l’environnement, souffrance inutile en tout genre: ce sont des choses qu’une surintelligence équipée la nanotechnologie avancée serait capable d’éliminer. » Il ajoute que « les machines peuvent emmagasiner des ressources de manières qui sont impossibles pour les humains ». En lisant ces déclarations, il est difficile de penser à un problème que nous ne pouvons pas résoudre par notre propre intelligence et l’intelligence de la planète avec des moyens plus simples, de la détermination et un changement de perspective et de comportement. De plus, il est évident que les humains sont tout à fait capables de mettre les ressources en commun, c’est seulement que ceux qui possèdent et profitent de toutes ces ressources les refusent aux autres par la force. Choisir de ne pas changer la situation et ne pas lutter contre le ‘futur’ est une position que la plupart choisiront.

C’est-à-dire qu’après un siècle de progrès technologique et de promesses d’éradiquer la faim dans le monde et la pollution, quelques-uns sont riches à un niveau incompréhensible, tandis que les masses se démènent pour un niveau de vie de base; les avancées médicales et les médicaments communs sont encore rares dans de nombreux pays. On nous donne des babioles pour nous tenir tranquilles: Internet, les smartphones, les applications, les médias sociaux, les jeux-vidéos, les livestreams et les podcasts, d’autres prothèses et d’autres promesses viendront. Les avancées réelles ne seront pas redistribués plus équitablement que la richesse accumulée des révolutions industrielles précédentes. Par contre, c’est nous qui devront probablement endurer ces progrès réels: la surveillance totale dans un avenir sans vie privée, des demandes pour le contrôle total de la pensée, un conformisme total par le conditionnement, la dépendance à la société, le citoyennisme, les systèmes de prestations tels que le revenu (minimum) universel garanti. Si une révolution industrielle ne peut répondre suffisamment aux besoins de l’humanité pour être pleinement acceptée, soit elle éliminera ces besoins ou soit elle s’imposera par la force.

Dans le contexte de la 4RI et de la 5RI, quelles qualités les machines manquent-elles actuellement ; l’empathie, l’amour, l’intimité. Ce sont justement ces qualités qui ont été endommagées chez l’humain par le complexe techno-industriel, que l’on parle de la peur de l’intimité ou des relations à distances développées par l’usage des médias sociaux, du manque d’empathie dont on sait maintenant que ça a été induit par des médicaments tels que le paracétamol et par le poison dans la nourriture et l’eau – afin que la technologie réponde vraiment à nos besoins (maintenant modifiés), des esclaves brutalisés domestiqués à un système mécaniste de matérialisme, de cupidité qui valorise l’intérêt individuel. Cela fait partie de la domination du monde des machines: soigner les handicaps et les maladies incurables signifie la mécanisation du corps; parler du prolongement de la vie signifie le règne des élites à tout jamais.       

Tandis que les prêtres de la technologie s’enthousiasment de la libération de nos corps biologiques – ces prisons biologiques, en téléchargeant notre conscience, réalisant l’immortalité et à la possibilité de considérer nos corps comme de simples combinaisons interchangeables lorsque désiré ou qu’il le faut, ce qui se produit réellement c’est que les corps de la majorité sont en train de se transformer en de litérales prisons par les rares qui bénéficieront des avancées dans la prolongation de la vie et du contrôle des maladies, exactement comme ielles le font en ce moment (les systèmes de santé publique sous-financés sont généralement équipés de vieilles technologies de moins bonne qualité et pour beaucoup, les systèmes de santé publique ne sont pas accessibles du tout). Mais ces nouvelles technologies transhumanistes ne sont pas vouées à libérer tout le monde.

Malgré les mensonges des futuristes, l’implantation de ces technologies élargira le fossé entre inclus et exclus. Des citadelles de puissance se dresseront et seront plus éloignées de la colère de la population que jamais auparavant. Comme le corps devient de la matière première pour un nouveau secteur de bio-science dans un monde où les machines feront la majeur partie du travail, le corps humain deviendra un autre réservoir de capital, dans de nouvelles formes d’exploitation et d’industrie. En fait, ça se produit déjà avec la recherche sur les cellules souches, l’épissage des gènes, le bio-renforcement, les nouveaux produits pharmaceutiques, les prothèses et les bases de données ADN massives. L’individualité privée et souveraine entrera simplement dans une nouvelle sphère d’évaluation, de marchandisation, d’ajustement et de divisions sociales infinis au service du capital, de la bio-surveillance, de la complaisance et des inégalités. Dans la 4RI, la société de consommation s’approfondit et devient plus sombre que le simple fait d’acheter des choses. La finalité de l’industrie 4.0 est de nous ‘découpler’ de nos corps et de notre compréhension de nous-mêmes comme faisant partis de la biosphère et du rythme biologique, de sorte que ceux-ci soient aussi considérés comme achetables, à améliorer et à ‘réparer’, comme un ensemble de pièces mécaniques constamment manipulables et interchangeables qui peuvent toutes être fabriquées et remplacées à un prix et promues comme possédant des qualités supérieures aux pièces biologiques d’origine. Un être artificiel qui, une fois entré dans le temple de la technologie, devient dépendant à tout jamais des produits pharmaceutiques, des chirurgies, de la techno-psychiatrie, des ‘mises à jour’, des appareils et des entreprises qui les maintiennent. L’avenir technologique du corps humain n’est peut-être pas la mort (pour les rares qui peuvent se permettre d’être immortel), mais ce sera un monde morbide, de froid, de faim et sans-vie.

Pendant ce temps, la Terre continue de mourir et les développements technologiques, loin de fournir les solutions promises, la détruisent à une vitesse qui augmente sans cesse, avide de matières, d’électricité et de métaux rares. L’extraction des métaux rares nécessaires à la fabrication des téléphones intelligents cause des dommages incalculables à l’environnement et à la santé humaine.

Baotou, en Mongolie, est un des principaux sites d’extraction de métaux rares et les mines sont entourées de résidus toxiques (déchets miniers), surtout du thorium radioactif. Au Congo, l’extraction de ce minerais rare, le Coltan, est bien connue pour avoir dévasté et causé des dommages incalculables aux territoires, aux communautés humaines et à la faune. La société minière Molycrop en Californie, aime se présenter comme une société minière éthique, mais son extraction de néodyme utilisé pour les aimants de haut-parleur, d’europium servant à créer la couleur dans les écrans d’iPhone et de cérium, utilisé avec le solvant pour polir les écrans, reste du pillage à une échelle insoutenable de matières qui devraient être laissés dans la Terre. Ces mines exigent que des immenses étendues de nature soient ravagées pour leur création. À l’heure actuelle, il n’y a pas d’échappatoire à cette réalité: la technologie dépend de la destruction des écosystèmes, affecte les derniers animaux sauvages et les communautés autochtones, avec des populations humaines civilisées de plus en plus confinées dans des ‘habitats’ technologiques – des mégapoles ‘intelligentes’. Les failles où vivre seront plus petites. Nos réseaux et nos vies individuelles seront surveillés minutieusement avec l’invasion plus intime de notre souveraineté et de notre autonomie. Est-ce plus ou moins terrible que ce l’est pour un paysan forcé de quitter sa terre pour aller s’installer dans une nouvelle ville et travailler à l’usine? Ou bien la lutte que les peuples autochtones ont mené et continuent de mener partout dans le monde? Nous devons essayer de préserver ce que nous pouvons de la nature fragile qui diminue, tout en organisant et en menant des attaques qui n’atteignent pas seulement les infrastructures, mais aussi les symboles et les représentants de l’État, de la technologie et du capital. Nous devons penser et nous préparer maintenant, acquérir les compétences et les moyens dont nous et les autres aurons besoin pour naviguer dans ce nouveau monde et réfléchir à ce que signifie être anarchiste.

Nous devons essayer de limiter les dégâts causés par les civilisations prédatrices, garder la mémoire combative vivante, nous rappeler pourquoi nous nous battons et pour quoi nous luttons. Nous sommes confrontés à rien de moins que la tentative d’effacer la vie sauvage non domestiquée et l’élimination entière de modes de penser et d’être par le biais du conditionnement social, de la répression, de la participation forcée et volontaire. Les structures resteront les mêmes: des inégalité infinis, l’esclavage, les privilèges et les oppressions, l’autoritarisme, la destruction, la médiation et l’aliénation.

Il y aura des failles dans leurs systèmes, il y en a toujours. Donc l’anarchie, la volonté de liberté et la volonté de souveraineté continueront également d’être, émergeant à travers chaque faille et fissure. La continuité de la lutte réside dans les questions de la liberté, de l’autonomie personnelle, de l’esclavage, du contrôle et de la surveillance du plus grand nombre par quelques-uns selon leur agenda.

Ces choses ne changent pas, que l’on parle de le première révolution industrielle ou de la enième.

Cellule de recherche et d’entrainement – N.T.
Publié en janvier 2021 dans le 325 #12

Appel à l’action pour la Palestine

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Mai 192021
 

De subMedia

Pour la semaine du lundi 17 mai, les PalestinienNEs appellent à une semaine d’action en solidarité avec leur soulèvement national et leur grève générale. Veuillez agir pour soutenir celleux qui luttent contre l’apartheid et le colonialisme moderne.

#savesheikhjarrah #gazaunderattack #freepalestine

Voice-over par Nader Haram, musique par John Prod. Produit en collaboration avec Antimidia.

Pas de vaccin pas de piscine !

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Mai 192021
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Un texte qui parle de la situation de la pandémie en France, d’un point de vue anarchiste, mais qui peut parler à bien d’autres ailleurs qui vivent les mêmes choses.

Depuis l’an dernier, en réfléchissant à la situation que nous vivons, je me dis qu’il y a deux problèmes qui ressortent dans cette crise du Covid. D’un côté le fait de s’opposer aux restrictions mais sans en assumer les conséquences (dont la principale est de choper le virus), et de l’autre une réaction d’obéissance servile et irréfléchie, se précipitant à faire ce que l’État demande sans se poser la moindre question, et sans être capable de se poser les questions qu’on se posait avant.

Il y a là-dedans un juste milieu à avoir : ne pas être hypocrite et assumer les choix qu’on fait de ne pas respecter les restrictions; ne pas non plus ignorer qu’il y a une pandémie et que certains comportements peuvent aussi mettre la vie des autres en danger; et enfin ne pas s’enfermer dans des postures de passivité et de lâcheté en acceptant aveuglément des restrictions.

C’est dans ce genre de contexte qu’on voit ce que chacun-e a dans les tripes. De ceux qu’on prenait pour des gens sincères et rebelles et qui s’avèrent être de gentils citoyens qui n’osent même pas marcher en plein air sans leur masque alors que n’importe qui le fait. Ou de ceux qu’on croyait sensés et intelligents et qui déclarent que le Covid n’est qu’un petit rhume et que mettre un masque dans un bus bondé ça n’a pas de sens, et qu’avoir son masque sous le nez ou le menton dans un lieu public non aéré c’est trop un truc de rebelle qui ne se plie pas à la loi.

À quel moment est-ce qu’on essaie de penser à tête froide, de regarder la situation, et de se demander comment on essaie de faire pour ne pas rogner sur sa liberté tout en faisant un minimum attention car il y a quand même une pandémie ? C’est comme si cette espèce de pensée binaire tellement présente ces dernières années avait pris de l’ampleur avec la crise du Covid, et que donc on est soit contre soit pour. Qu’on m’explique comment appliquer ça à une pandémie, parce que moi je ne comprends pas comment on peut être pour ou contre un virus. Et si je ne suis pas une spécialiste à la botte d’un État ou d’un laboratoire, je suis quand même capable de trier l’information que je reçois, et de décider de quelle façon je veux faire face à la situation, basé sur ma conception des choses, sur les idées que j’ai, et les choses que je ne suis pas prête à sacrifier, comme profiter des rayons du soleil sur mon visage un bel après-midi de printemps, tout en prenant en compte les enjeux qui existent derrière cette pandémie, comme la situation des gens à la santé fragile.

C’est aussi dans des moments pareils qu’on voit qui sont les cons à tous les niveaux, et cette période aura au moins ça de positif, de faire le tri dans ses fréquentations, et de mieux voir qui sont les individus derrière les poses et les faux-semblants, et qui sont les personnes qui quoi qu’il se passe gardent le cap. Par exemple, la non solidarité entre compagnon-ne-s pendant le confinement, abandonnant à leur désespoir les personnes isolées, je pense que ça laissera des marques indélébiles chez ceux/celles qui l’ont vécu et qui ont compris que la solidarité ça n’est qu’un énième mythe chez les anarchistes, et que dans les moments de crise on ne peut pas compter sur les liens affinitaires, que c’est chacun pour soi, chacun sa “famille”, et que les asociaux crèvent seuls dans leur coin.

Certificat Sanitaire

Avant l’été 2020 l’État a commencé à parler d’un Certificat Sanitaire Européen. Là les 27 États membres de l’UE viennent de le valider, pour une sortie en juin.
Pour les précisions techniques y a des extraits d’articles de journaux en bas, qui éclairent un peu sur les modalités.

Je ne sais pas si certain-e-s se souviennent des luttes qui ont eu lieu contre le fichier Edvige, et les autres fichiers policiers et administratifs proposés ces dernières décennies. C’est vrai qu’à l’heure où les gens donnent volontairement des informations sur leurs relations sociales, leurs achats, leurs conversations privées, leurs préférences sexuelles, leurs goûts, leurs idées politiques, leurs rythmes quotidiens, les endroits où illes se rendent (avec qui, chez qui, à quelle heure, en passant par où), grâce à leur smartphone (appelé aussi « mouchard de poche ») et les réseaux sociaux, on peut se dire que la question de ces fichiers ne se pose même plus, parce que le citoyen normal donne volontairement beaucoup plus d’informations, largement accessibles pour qui ça intéresse au sein de l’État et des entreprises (ex les publicités ciblées, le fichage des employés).

Ce qui, au passage, induit que celle/celui qui n’est pas sur les réseaux sociaux et n’a pas de smartphone aujourd’hui est suspect. Ainsi, utiliser ces outils n’est pas sans conséquence pour les autres, au moins à ce niveau là : ce ne sont pas des outils « neutres », parce que derrière leur usage il y a l’idée de « moi je n’ai rien à cacher ».

Avec l’épidémie du Covid c’est au niveau sanitaire que l’étau se resserre autour de chacun-e. Il suffit qu’un collègue qui a le covid déclare à l’assurance maladie qu’on a passé 5 minutes dans l’ascenseur avec lui pour être considéré « cas contact » et intimé à rester chez soi. Ce qui s’apparente à de la délation quand le collègue balance le nom de toutes les personnes qui ont croisé sa route à ce moment là.

Dans les prochains temps la question du déplacement, de la traversée des frontières européennes ou autres, et même la question de la présence dans des lieux publics vont devenir, grâce au Certificat Sanitaire, l’arme suprême pour que tout le monde se fasse vacciner. Le gouvernement se fout de notre gueule en disant « nous n’allons pas rendre la vaccination obligatoire », car sans vaccination on se retrouvera dans la même situation qu’à l’heure actuelle, à ne pas avoir accès à des lieux qui aujourd’hui sont fermés, et qui demain seront ouverts sur vérification du Certificat Sanitaire. C’est exactement ce qui se passe en Israël : T’es pas allé à la piscine depuis plus d’un an, il fait chaud, t’as trop envie de nager ? Eh bien dommage, seuls les gens vaccinés ont le droit d’accéder à la pistoche !

Ça peut sembler nouveau, mais en fait les discriminations sanitaires existent depuis longtemps. Le cas le plus éloquent est celui du Sida. Des pays te sont interdits quand t’es séropositif aujourd’hui; plus exactement 40 pays dans le monde te refusent l’entrée sur leur territoire dans ce cas là. Et des dentistes refusent de te soigner, et les métiers de l’ordre te sont interdits, tu ne peux donc pas être policier, gendarme, pompier ou entrer dans l’armée si t’es séropo (et non je ne plains pas les gens qui sont empêchés de devenir flics !). Etc.

En se projetant dans quelques mois, est-ce que ça a du sens d’accepter un Certificat Sanitaire volontairement pour accéder à un resto, à un cinoche, à un club de sport ou traverser légalement une frontière ? Pour ceux d’entre nous qui n’accepteront pas (mais jusqu’à quand ?) cette nouvelle restriction, cela serait un peu comme essayer de vivre la vie que vivent chaque jour les personnes qui n’ont pas les bons papiers.

À quel moment on pose la limite sur ce qu’on veut accepter ou pas en restant en adéquation avec nos idées ? Et à quel moment on se dit qu’on peut s’organiser autrement, ouvrir des salles de sport non déclarées par exemple, faire de la bouffe dans la rue, organiser des projections, bref, faire que la vie sociale ne dépende pas d’un foutu certificat sanitaire et de la mainmise de l’État et sa médecine sur nos vies, comme elle dépendait déjà trop, avant cette crise sanitaire, de la possibilité de pouvoir se payer tout cela.

Sinon ça voudra dire que refuser la vaccination c’est renoncer à une vie sociale, à moins de faire un test PCR toutes les 3 jours. Et n’oublions pas que cette normalité toujours nouvelle, qu’on adopte sur commande, jour après jour selon les nouveaux ordres qui tombent d’en haut, met encore plus en lumière l’anormalité de ceux qui ne veulent pas ou ne peuvent pas s’y conformer.

On voit là la question de la malléabilité des comportements et des habitudes individuels, de la malléabilité de la société. Un discours du Président le soir et hop, notre quotidien est chamboulé du tout au tout, sans que personne ne bronche. On est quand-même de gentils moutons bien obéissants.

Il y a des restrictions complètement absurdes qui nécessitent une bonne dose d’obéissance pour être respectées. L’exemple le plus criant est l’obligation du port du masque en plein air. On peut recevoir une amende si on ne cache pas bien son nez et sa bouche dans la rue, la belle affaire ! Alors qu’avant le Covid on recevait une amende si justement on cachait son nez et sa bouche en manif. Est-ce que la peur de l’amende empêchait les gens en manif de se masquer ? J’ai pas l’impression ! Et au final on voit quand même que pas mal de gens dans la rue trouvent le port du masque absurde et se promènent sans masques, surtout lorsqu’il fait beau. Qui voudrait porter un masque sur la gueule alors qu’il fait soleil ? Et de fait, quand le quart des gens ne portent pas de masque dans la rue (ce qui se passe dans de nombreux endroits), on n’a pas à craindre de contrôles. Mais quand on est la seule personne à ne pas porter un masque dans la rue de suite on se fait facilement repérer. Et c’est un peu ça pour tout, comme le fait de se promener pendant les couvre-feu ou le confinement, etc. Quand on accepte docilement de se plier à ces restrictions on facilite le travail des flics, parce qu’on accepte et participe à une norme, ce qui met en valeur les réfractaires à cette norme.

Ceci dit, il n’y a pas besoin d’être un réfractaire pour marcher sans masque en plein air ou se promener après le couvre-feu, comme il n’y a pas que des réfractaires qui volent dans les magasins ou qui fraudent les transports. Des gens qui ne respectent pas la loi on en trouve dans tous les milieux sociaux, sans doute en plus grande proportion chez les pauvres, mais on le voit en ce moment, le gratin de la société ne se prive pas non plus de ne pas respecter les restrictions pour continuer de mener leurs petites vies mondaines. En cas de Covid ils iront dans une clinique privée, sans avoir à risquer de se faire envoyer à l’autre bout du pays faute de place à l’hôpital public. Ce que je défends ici c’est donc le fait de ne pas respecter les restrictions actuelles quand il s’agit de récupérer un peu de liberté, mais je me fous autant de ces accros aux excitants qui réclament la liberté de faire la fête, que de ceux qui se tapent des gueuletons mondains entre gros bourgeois, car comme toujours, les riches sont encore ceux qui subissent le moins les désagréments de la situation actuelle, dans leurs châteaux à la campagne ou leurs hôtels particuliers avec des cuisiniers, et même pour le passage des frontières, car ceux qui travaillent pour des boîtes françaises à l’étranger peuvent aller et venir comme ils veulent, alors que ceux qui vivent à l’étranger comme n’importe lequel de leurs voisins n’ont pas la possibilité de venir en France depuis un moment, sauf motifs “impérieux” (le décès d’un membre de leur famille en France). Je ne parle même pas de la situation des personnes des Dom-Tom…

Face à mon constat amer sur l’obéissance aveugle j’entends déjà les bons citoyens en parfaite santé qui ne s’assument pas qui vont me dire qu’ils se sentent mieux à porter un masque dans la rue, ou qu’ils sont rassurés s’ils se font vacciner, et que pendant le confinement ils avaient pas le choix que d’écrire leur petite autorisation pour faire 400 m à pied pour aller acheter du tofu et des pâtes. En réalité, on trouve toujours de bonnes justifications pour tout, même pour les pires trucs, et ne pas assumer sa lâcheté ou son obéissance, et donc ne pas faire un travail dessus, ça me semble problématique et malhonnête quand on fréquente certains milieux. C’est une chose d’avoir peur, ça en est une autre de ne rien faire contre et d’être satisfait d’être un esclave de l’État.

Au fond ça me fait me demander comment ces personnes sont capables de savoir si ces réflexes de faire ce que l’État leur demande viennent vraiment d’elles-mêmes, de ce qu’elles pensent elle-mêmes, de ce qu’elles ont vraiment envie de faire (genre avoir vraiment envie de marcher en plein soleil avec un masque sur la gueule !), ou bien si ça vient de la propagande qui est faite depuis un an, basée sur la peur et la culpabilisation, et que pour une raison ou une autre ça a un effet direct sur elles ? Et à ce compte là, quelle propagande n’aurait pas un effet sur ces personnes ? Vous vous souvenez de certains anarchistes qui ont suivi l’Union Sacrée pendant la première guerre mondiale ? Heureusement que d’autres ont su penser indépendamment de la propagande nationaliste et belliqueuse des États européens de l’époque !

En critiquant le citoyennisme grégaire je ne fais pas l’apologie de se ramener dans un bus ou une supérette sans masque et d’éternuer partout. Il y a quand même une pandémie, et dans les lieux non aérés on a de fortes chances de refiler le virus à un-e autre si on est porteur. Et c’est pas un mythe, la plupart des gens que je connais qui ont choppé le Covid c’était en se tapant un gueuleton avec des amis, en intérieur, avec une personne qui contamine tous les autres qui sont sans masque. Et bien sûr que c’est légitime de passer un bon moment avec ses amis autour d’un repas. Là où ce genre de choix deviennent plus problématiques, selon moi, c’est quand ils ne sont pas assumés et que sitôt malades les gens n’hésitent pas à occuper des places dans les hôpitaux, alors qu’ils semblaient ne pas se préoccuper de leur santé auparavant, et ça devient absurde dans un contexte où les places dans les hôpitaux se font rares … si on s’en fout d’être malade, assumons nos choix jusqu’au bout, au lieu de vouloir le beurre et l’argent du beurre (et papa État avec son système sanitaire, quand on est malade), vouloir vivre sans les contraintes actuelles, mais ne pas avoir à assumer de choper le virus d’une pandémie qui n’est pas un mythe pour faire peur, qui est bien là, malheureusement.

Il y a un enjeu aujourd’hui à ne pas accepter le Certificat Sanitaire, qui risque de s’installer définitivement. Vous vous souvenez de comment le fichage ADN est passé en France ? Parce qu’aujourd’hui n’importe qui en garde à vue pour des broutilles se voit demander un prélèvement d’ADN (bien sûr il faut toujours refuser !), et ça montre comment l’État détourne toujours les trucs liberticides qu’il arrive à faire passer quand la population est sous le coup de l’émotion d’un évènement effroyable. Et ça serait naïf de penser que l’instauration au niveau européen ou international d’un passeport sanitaire ne va que se cantonner au Covid, et disparaîtra une fois la pandémie terminée. Ce sont des outils pérennes qui sont mis en place grâce au Covid, comme ce sont des outils pérennes qui sont mis en place à chaque fois que des illuminés butent des gens devant une école, dans un supermarché, dans une salle de concert ou dans la rédaction d’un journal. C’est important de garder la tête froide face à des situations souvent horribles, et d’anticiper et s’inquiéter de la réponse de l’État, qui nous touchera tous, et particulièrement les réfractaires et tous ceux/celles déjà dans le viseur de la répression.

Un truc tout con, ce certificat sanitaire ça veut dire qu’on ne pourra pas, dans l’Union Européenne, passer une frontière pépère sans montrer patte blanche à un douanier. Et on peut ne pas avoir envie que nos allées et venues soient notées quelque part, et certaines personnes ne peuvent simplement pas se permettre de montrer leur passeport à un douanier. Toutes les personnes vivant illégalement en Europe vont devoir faire comme on faisait avant Schengen (qui occasionnellement est remis en question ou mis entre parenthèse), et comme beaucoup font déjà, se faire déposer à un endroit, traverser à pied, et se faire récupérer de l’autre côté de la frontière. Sauf qu’en hiver, quand c’est des montagnes qu’on doit traverser, ça devient un peu plus difficile voire dangereux. Tandis que les bons citoyens qui n’ont rien à se reprocher pourront traverser les frontières tranquillou dans leur petit confort en avion, en train, en bus ou en voiture, prêts à dégainer le QR code de leur Certificat Sanitaire de leur smartphone dès qu’on le leur demandera. Bénis soient les smartphones qui facilitent tellement ce flicage sanitaire ! Le même outil peut contenir tes papiers, tes billets de transport, et ton certificat de vaccination. Que c’est pratique le progrès !

Mais ce certificat sanitaire ouvre aussi la porte à un flicage sanitaire qui pourrait dépasser largement le cas du Covid. Qu’est-ce qui empêche que ce certificat comprenne un carnet de vaccination qui confirme qu’on est bien à jour de tous les vaccins, ou contienne toutes les infos sur les maladies physiques ou mentales qu’on a ? Qu’est-ce qui empêche que ça permette de stigmatiser et exclure encore plus les personnes séropositives, mais aussi les personnes chez qui un psychiatre aurait diagnostiqué une schizophrénie, ou de la bipolarité, etc. (alors que ce genre de diagnostics varient d’un psychiatre à l’autre) ? Se voir refuser l’accès à un cours ou une activité quelconque, ou un travail, un emprunt, une frontière, etc, parce que le Certificat Sanitaire divulgue des informations sur notre santé, ça pourrait faire partie de la réalité de nombreuses personnes dans les années à venir. Au passage, pour ceux/celles qui l’auraient raté, en février 2020 l’État a autorisé un nouvel outil de fichage, GendNotes, utilisé par la gendarmerie. Parmi les données qui peuvent être collectées sur cette application mobile figurent des informations « relatives à la prétendue origine raciale ou ethnique, aux opinions politiques, philosophiques ou religieuses, à l’appartenance syndicale, à la santé ou à la vie sexuelle ou l’orientation sexuelle».

Parfois des lois passent et soudainement on se rend compte qu’on est encore plus coincé qu’avant. Et je crains beaucoup qu’après la pandémie on va avoir l’impression d’avoir une grosse gueule de bois en voyant tout ce qui est passé sans qu’on s’en soit trop inquiété. Le réveil va être difficile. Et il n’y aura pas de retour en arrière sur ces nouveaux outils liberticides qui passent.

Y aura toujours une situation d’urgence et donc une nouvelle limite dépassée qui nous poussera à trahir nos propres idées, et toujours des gens qui refuseront et d’autres qui accepteront sans sourciller. Et ça n’est pas une question de force de caractère, c’est simplement une question de sincérité dans ce qu’on pense, de savoir ce qu’on veut, et pourquoi, savoir ce qu’on fout là et les sacrifices qu’on est prêt à faire pour ce qui compte pour nous.

Pour l’anarchie
fin mars 2021

Extraits de journaux parlant du Certificat Sanitaire Européen :

« L’idée d’un “digital green pass” a été présentée par la Commission européenne début mars et a été validée par les 27 Etats membres de l’Union européenne, même si la France paraissait réfractaire. Interrogé dimanche 28 mars 2021 au Grand Jury RTL, Thierry Breton, commissaire européen en charge des vaccins, a apporté des précisions sur ce fameux certificat sanitaire, qui pourrait être disponible sur le site du Ministère de la Santé d’ici deux à trois mois dans toute l’Union européenne. “À partir du moment où nous pourrons être sûr que chaque Européen qui souhaite se faire vacciner aura un accès équitable au vaccin, comme ce sera le cas dans les deux à trois mois qui viennent, il sera bon que l’on puisse avoir un certificat sanitaire qui démontre votre état”, a-t-il expliqué. Cet espace digital mentionnera les informations personnelles et certaines données de santé de son détenteur, telles que les tests PCR_récemment réalisés ou les injections de vaccin anti Covid administrées. L’accès à certains pays ou à certains lieux publics (restaurants, lieux culturels…), actuellement fermés à cause de la pandémie de Covid-19 pourrait se faire sur présentation de ce pass sanitaire.

[…]

Les modalités précises de ce nouveau pass n’ont pas encore été confirmées. Néanmoins, il_consisterait en un espace digitalisé personnel, accessible depuis son smartphone,_qui pourrait répertorier certaines informations comme :
• un QR code
• l’Etat de résidence
• les tests PCR négatifs récents
• les attestations de non symptômes
• le cas échéant, les certificats de vaccination de son titulaire._
Il existera également une version papier qui mentionnera :
• votre nom
• votre date de naissance
• le numéro de votre passeport certifié avec le QR code
• le fait_que vous ayez été vacciné ou non,
• le type de vaccin et si vous avez été porteur de la maladie
• “pour ceux qui n’auront eu ni le vaccin, ni la maladie et pour lesquels on demandera un test PCR, on trouvera l’état de votre test PCR”, a précise le commissaire européen._
[…]

Une fois coordonné cet outil numérique_pourrait permettre de se déplacer au sein de l’Union européenne, mais pourquoi pas aussi dans d’autres pays du monde. “Nous préparons un instrument à l’échelle européenne, incluant des données très objectives”, mais il reviendra aux Etats membres de l’UE de_décider_”quel usage précis ils en feront”, a détaillé le vice-président de la Commission, Margaritis Schinas.

[…]

Dans un communiqué du 17 février, la compagnie aérienne Air France a annoncé qu’elle allait expérimenter_un pass sanitaire, à compter du 11 mars_sur plusieurs de ses vols,_à destination des Antilles, notamment de_la Guadeloupe (tous les vols Charles-de-Gaulle/Pointe-à-Pitre) et de la Martinique (tous les vols Charles-de-Gaulle/Fort-de-France). Il s’agit d’un système_qui permettra_de vérifier les tests COVID de manière sécurisée et de fluidifier le parcours des clients à l’aéroport. Concrètement, les passagers devront télécharger l’application mobile AOK Pass sur leur smartphone et y enregistrer les résultats de leur test Covid réalisé dans un laboratoire partenaire (liste disponible sur l’application)._L’application valide ensuite que le test présenté est conforme à la réglementation du pays de destination. Une fois à l’aéroport, les passagers présentent leur smartphone. Air France ne rendra pas l’utilisation de cette application obligatoire, il sera toujours possible se rendre au comptoir d’enregistrement avec un résultat de tests PCR imprimé sur papier.

[…]
Un pass sanitaire pour aller au restaurant ?
Ce pass sanitaire pourrait_être demandé à l’entrée des lieux publics comme les restaurants, les bars, ou les musées_afin de “faciliter le système d’alerte”, selon Emmanuel Macron, ainsi que_le traçage des cas contacts en cas de contamination à la Covid-19. Ce pass pourrait également permettre d’accéder à des salles de concert ou de spectacle.

Autre article :

[…]
Un QR code
« On y trouvera votre nom, votre date de naissance, le numéro de votre passeport certifié avec le QR code, le fait que vous ayez été vacciné ou non, le type de vaccin et si vous avez été porteur de la maladie », a précisé le commissaire européen, document à la main. Pour les autres, qui n’auraient eu ni le vaccin ni la maladie, un simple test PCR sera demandé par les autorités.
[…]

Si les autorités européennes poussent ce modèle, qui a fait ses preuves en Israël, l’idée du « certificat sanitaire » a encore du mal à faire son chemin chez certains scientifiques. Stéphane Gayet, infectiologue hygiéniste au CHU de Strasbourg, juge que le certificat sanitaire est « une façon détournée de rendre la vaccination obligatoire, et de préparer les esprits à des restrictions en matière de liberté de circulation ».

Répression de la contre-information internationale : Déclaration de solidarité de la Croix noire indonésienne

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Mai 112021
 

De la Croix noire indonésienne (WA)

La même chose se produit en Indonésie, où la police encourage toujours davantage le bâillonnement et la répression des médias de contre-information, avec notamment la création d’une “cyber police” ou police des médias sociaux, dont l’un des objectifs est d’isoler la diffusion de l’information, non seulement des réseaux anarchistes, mais aussi d’autres dissident.e.s politiques et de celles et ceux qui ont le courage de critiquer l’État. 

De 2014 à 2019, la police indonésienne a déboursé environ 900 milliards de roupies pour payer des influenceurs sur les réseaux sociaux afin de freiner la propagation et la croissance des médias de contre-information. En 2018, la police indonésienne a commencé à viser de nouveau spécifiquement le mouvement anarchiste en Indonésie, et a produit récemment une déclaration interdisant aux médias de couvrir les violences policières. Cependant, nous n’avons aucun doute que les individus et les groupes qui se concentrent sur la contre-information et les rapports grassroots continueront à exister et à se développer. Face à la gravité de cette situation où l’État, le capitalisme et tous ses outils tentent de forcer le silence et la répression, que ce soit en ligne ou dans le monde physique, ce n’est pas le moment de se taire ni de s’abandonner à la peur.

Les gouvernements de divers pays se servent de l’augmentation continue des cas de Covid-19 à l’échelle internationale  pour élaborer des politiques qui mettent à mal non seulement notre capacité économique, mais aussi nos libertés les plus fondamentales.

Nous pensons que rien n’est totalement sûr et exempt de risques, surtout lorsqu’on gère des sites de contre-information en ligne. Et c’est en fait la raison fondamentale pour laquelle nous devons réagir à cette situation de plus en plus étouffante.

Nous appelons à la solidarité internationale (par tous les moyens possibles) pour nostate, 325, Anarchist Black Cross Berlin, Montréal Contre-info, Northshore Counter-Info, Act For Freedom Now! et les autres sites de contre-information. Solidarité pour chaque prisonnier anarchiste dans tous les coins du monde (Toby Shone, Monica, Franciscoet les autres), envers les mouvements anti-éviction de Bara-Baraya, Pancoran et Pakel, et toutes les formes de lutte pour la libération et l’indépendance.

Il faut bien commencer quelque part, il faut bien commencer un jour, quel meilleur endroit qu’ici ? Quel meilleur moment que maintenant ? -RATM

Croix noire anarchiste (WA) – Indonésie (PALANG HITAM ANARKIS)

Communiqué du collectif 325, à propos de l’attaque répressive contre la contre-information internationale

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Mai 112021
 

Du Collectif 325

Le 29 mars 2021, la police néerlandaise a fait une descente dans le data center qui héberge le serveur nostate.net et a carrément saisit le serveur, dans le cadre d’une enquête criminelle pour ‘terrorisme’. Nostate.net est un collectif qui fournissait une plateforme pour des sites web subversifs, au niveau international, comme des groupes de solidarité avec les prisonnier.e.s, des collectifs de différentes campagnes, des sites liés à des contre-sommets et des sites de contre-information internationale. Parmi les sites remarquables qui utilisaient nostate.net comme plateforme et qui ont été visés par cette attaque répressive de la police néerlandaise on trouve Anarchist Black Cross Berlin, Montreal Counter-Info, Northshore Counter-Info, Act For Freedom Now! (maintenant réactivé sur noblogs.org, à l’adresse https://actforfree.noblogs.org/) et 325.

En tant que collectif, nous sommes conscient.e.s qu’il ne s’agit pas seulement d’une attaque de la police néerlandaise, mais que cela a été fait en collaboration avec la Counter Terrorism Unit du Royaume-Uni, en rapport avec leurs récentes attaques répressives à l’encontre des milieux anarchistes de ce pays. Non seulement ils nous ont menacé.e.s, mais, récemment, ils avaient menacé nostate.net, en leur demandant de fermer notre site. En plus de çia, ils ont demandé à l’hébergeur de leur donner des informations sur l’identité de toute personne impliquée dans le projet 325. Le niveau de l’attaque portée par les autorités contre nous-mêmes et contre toutes les personnes qu’ils suspectent de nous aider, ne nous surprend pas ; nombreux sont les exemples, à travers l’histoire, de répression, de la part des forces de l’état, de toute personne qui ose se mettre débout et les combattre. Cette attaque répressive doit être considérée comme une attaque contre tout projet de contre-information, contre les milieux anarchistes au niveau international. Dans la situation actuelle de pandémie de Covid-19 et d’actions répressives de la part des états du monde entier, cela ne nous surprend pas qu’ils travaillent ensemble, au delà des frontières ; la récente répression subie par le compagnon anarchiste Gabriel Pomba Da Silva, avec la coopération entre les états espagnol, italien et portugais, est un exemple récent plus qu’évident.

Nous pensons encore à la répression contre Indymedia, en Allemagne et en Grèce, ainsi qu’à l’emprisonnement, il n’y a pas si longtemps, des compas impliqué.e.s dans Culmine, ParoleArmate et Croce Nera Anarchica, en Italie. Au fil du temps, le mouvement anarchiste a vu, au niveau international, ses moyens de communication pris pour cible, avec d’innombrables publications anarchistes qui ont vu leurs locaux perquisitionnés, des compas arrêté.e.s et même des publications censurées, voire détruites, comme cela a été le cas, dans un passé pas si lointain, avec ‘La joie armée‘ d’Alfredo M. Bonnano, en Italie, et même ‘Le soleil se lève encore‘ de la Conspiration des Cellules de Feu, en Grèce.

Ce n’est pas non plus une coïncidence si cette attaque répressive arrive maintenant, après la récente publication du numéro 12 de 325, nommé ‘Contre la Quatrième et la Cinquième Révolution Industrielle‘. Cette publication qui, à notre avis, touche au cœur de ce que les états et le capitalisme sont en train de mettre en avant, déjà auparavant et encore plus maintenant, avec l’excuse de la pandémie de Covid-19, est une menace directe pour leurs plans d’asservissement, de robotisation et d’automatisation généralisés. Leur attaque a momentanément affecté la distribution de notre publication, à la fois en ligne et physiquement, mais elle a inévitablement échoué. Les technocrates qui veulent façonner notre monde en une société carcérale militarisée et technologique sont dévoilés, non seulement par nous-mêmes, mais aussi par les toujours plus nombreuses attaques qui visent leur infrastructures, au niveau international. Voilà ce qu’ils craignent, que cela puisse se développer, et c’est pourquoi ils s’en prennent à nous. D’après ce que nous savons, les flics qui essayent de nous traquer s’appuient sur des tactiques issues de leur vieux livre de ruses, en essayant de pousser les autres à moucharder et en éteignant la contre-information. Depuis leur ‘Opération Rhône’, qui voulait réprimer les milieux anarchistes de Bristol, ils n’ont attrapé qu’une seule personne impliquée dans une attaque, mais personne qui soit impliqué.e dans la Fédération Anarchiste Informelle ou dans les innombrables autres attaques anarchistes. Il est clair qu’ils n’ont étouffé aucun foyer de rébellion, comme le montrent l’émeute, l’attaque du poste de police et l’incendie de voitures des flics, le mois dernier.

Cela fait trop longtemps que le silence dure, sur cette île de conformité, pendant que le monde dehors recommence à brûler ; ces braises brillent encore et nous en ressentons la chaleur. Plus que jamais, il y a un besoin absolu de coordination internationale entre compas, pour attaquer directement ce cadavre puant qui tente de se relever pour nous emprisonner davantage. La contre-information fait partie intégrante de cette coordination internationale, de façon que celles/ceux qui veulent agir pour la liberté dans ce monde puissent voir des signaux de complicité dans toutes les langues possibles, pour parler le langage unique de l’insurrection et de l’anarchie. Il nous faut une redynamisation du réseau international de contre-information, pour redevenir une fois de plus une menace internationale, après la réaction répressive qui essaie d’isoler les anarchistes les un.e.s des autres, non seulement à travers le monde, mais aussi au niveau local. Le collectif 325 continue à avancer sur ce chemin que nous avons déjà parcouru ; même en ce moment, nous continuons avec nos projets de publication, y compris une nouvelle réimpression du douzième numéro de la revue 325, un nouveau numéro, augmenté, de ‘Dark Nights‘ et d’autres projets futurs, au niveau international. Ils ne nous feront pas taire, ils ne nous arrêteront pas et nous aurons notre revanche!

Par rapport au site web, nous ne savons pas encore s’il reviendra ; il est très clair pour nous que s’il est ressuscité sous le nom de ‘325’, n’importe où ailleurs en ligne, les autorités le prendront immédiatement pour cible, une fois de plus. Cela signifie aussi que, à l’avenir, nous pourrions mettre en danger tout hébergeur, et mettre en danger de fermeture d’autres projets de contre-information et de mouvement, comme cela s’est produit avec la récente attaque répressive. Qui sait où tout cela va nous mener ? Ce que nous savons, c’est que nous sommes loin de laisser tomber : pas un pas en arrière, face à l’ennemi. Peut-être serait-il mieux de revenir à la traditionnelle presse imprimée, de voir les visages des gens, de parler, de conspirer. Nous ne disons pas que le site ne reviendra jamais, ni qu’il ne se manifestera pas sous la forme d’un nouveau projet, seul le temps nous le dira.

Pour l’instant, nous envoyons notre solidarité absolue aux compas de nostate.net et d’Act For Freedom Now! ainsi qu’à tous les autres projets de contre-information affectés par cette opération.

RIEN N’EST FINI, LA LUTTE CONTINUE!

Le collectif 325

Déjouer le SPVM pour attaquer un pôle de la haute technologie : Un premier mai anticapitaliste qui donne espoir

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Mai 032021
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Ce 1er mai, la manifestation anticapitaliste annuelle organisée par la CLAC s’est rassemblée au parc Jarry sous le thème “Pas de retour à la normale”. C’était une fin d’après-midi ensoleillée et l’énergie était au rendez-vous à travers les bannières et les drapeaux noirs quand la foule a commencé à traverser les rues résidentielles de Villeray.
 
D’abord vers l’ouest sur De Castelnau, des feux d’artifices ont été lancés, et des cônes de construction utilisés pour bloquer la route derrière nous. Les policiers ne semblaient pas préparés pour le trajet choisi, et donc il y en avait de moins en moins aux alentours. Tournant d’abord vers le sud pour rejoindre Jean-Talon, la manif a ensuite continué vers l’ouest sous le viaduc, en dessous de la ligne des trains de banlieue vers St-Jérôme.

Se débarrasser du dispositif policier

La manif tourna ensuite vers le sud sur l’avenue Parc, pour entrer sous un second viaduc passant sous la même ligne de train. Cette fois, une surprise attendait les policiers en camions et en vélo qui attendaient que la foule passe pour continuer à leur poursuite : des fumigènes ont été lachées sous le viaduc et des pieds de corbeau ont été déployés sur la route pour crever les pneus des véhicules policiers qui tenteraient de continuer leur poursuite sous le viaduc rempli de fumée. Ces actions ont ainsi bloqué complètement le passage sous le viaduc, une voie clée permettant normalement l’accès à la portion du quartier dans laquelle la manif avait continué.

La majorité des effectifs policiers étant coincée au nord du chemin de fer surplombant le viaduc, la manifestation a tourné abruptement à gauche sur la rue Saint-Zotique en quittant le viaduc. Des ordures et des meubles de terrasses ont été déplacés au milieu de la rue afin de protéger la manifestation dont la vitesse de marche a pu accélerer.

Nous n’acceptons pas que la police entoure nous manifestations, se déplaçant sur le côté, en nous filmant et en nous intimidant, ou encore en nous suivant de près avec des dizaines de camionnettes de policiers émeutes prêts à nous gazer à tout moment. Certaines situations nous appellent à entamer des confrontations directes, mais ce jour-là, notre meilleure stratégie était de les semer. Avec un peu d’inventivité, de prévoyance et de l’intelligence collective, nous avons pu laisser la police loin derrière.

Rendre visite aux gros noms de l’intelligence artificielle

Près de deux minutes après avoir continué à l’est sur Saint-Zotique, la manifestion a tourné à droite sur Saint-Urbain. Un petit groupe de policiers à vélo observaient la manifestation à environ un coin de rue de distance, mais leur back-up antiémeute n’était nulle par à vue, obligeant les policiers à vélo à garder une distance de sécurité.

À notre droite se dressait l’immeuble “O Mile-Ex”, qui tient lieu d’épicentre du secteur de l’intelligence artificielle à Montréal, tel qu’imaginé par les politiciens et universitaires dans les cinq dernières années afin de positionner la ville comme centre névralgique mondial de ce domaine. Les immeubles regroupées entre le 6650 et le 6666 Saint-Urbain abritent MILA (un institut de recherche affilié à l’Université de Montréal qui collabore avec Google et Facebook), Thales (une compagnie française de défense et de sécurité), Borealis (le laboratoire d’intelligence artificielle de la Banque royale du Canada, Quantum Black (le laboratoire d’intelligence artificielle de la firme de consultants McKinsey), SCALE AI (un supercluster de la chaîne d’approvisionnement contrôlé par la famille Desmarais), et plus d’une vigntaine d’autres laboratoires et start-ups.

Pendant qu’ils discutent d’éthique afin de distraire la population, ces compagnies développent des technologies qui renforcent l’emprise du capitalisme et de l’autorité sur nos vies. Qu’elles rendent plus efficaces les chaînes d’approvisionnement des grandes entreprises, qu’elles automatisent la vidéosurveillance et la réconnaissance faciale afin de protéger le gouvernement et la propriété des riches, ou qu’elles développent des algorithmes afin de surveiller les milieux de travail et imposer des conditions déshumanisantes aux travailleur-euses, nous savons qui tire profit de ces outils, et ce ne sont pas les exploité-es, les exclu-es et les opprimé-es de la société. Comme des anarchistes l’ont écrit récemment, “ce qui est en jeu, c’est notre capacité d’avoir des secrets, de résister, d’agiter, d’attaquer ce qui détruit tout ce que nous aimons et qui protège tout ce que nous détestons”.

De plus, les installations de O Mile-Ex, avec ses hordes de yuppies du monde de la techno, sont un moteur majeur du déplacement des populations moins nanties de cette partie de la ville. Avec l’implantation du nouveau campus Mil de l’Université de Montréal, ses effets s’étendent sur l’ensemble de Parc-Extension, un quartier ouvrier, principalement immigrant, soumis à la menace grandissante de gentrification.

Les entreprises techno ont exploité notre isolement pendant les mesures de confinement de la pandémie de COVID-19 afin d’augmenter leurs profits et étendre leur présence avec peu de résistance. Comme la crise pandémique introduit une phase nouvelle dans la crise du capitalisme, ces compagnies entendent façonner une “nouvelle normalité” qui alimenterait leur pouvoir.

L’immeuble de O Mile-Ex sans vitrines

Pour toutes ces raisons, de voir différents groupes attaquer ces immeubles était satisfaisant. Alors que les vitrines de MILA étaient brisées les unes après les autres par des marteaux, des roches et d’autres projectiles, toute illusion comme quoi ces entreprises et ses chercheurs profitaient des bénéfices d’un consensus social éclatait également. Des fumigènes ont été lancées dans l’immeuble au travers des trous dans les vitrines dans le but d’activer les systèmes de gicleurs et de causer davantage de dommages.

À la suite de l’attaque sur le O Mile-Ex, quelques policiers sont apparus au sud de Saint-Urbain et ont reçu des vollées de roches et de feux d’artifices. La manifestation s’est dirigée vers l’est sur Saint-Zotique, continuant d’éviter un déploiement policier majeur, tournant au sud sur Clark, puis traversant le parc de la Petite-Italie pour tourner au nord sur Saint-Laurent. Le parc et plusieurs rues transversales à Saint-Laurent ont offert plusieurs bonnes opportunités afin de se changer et de quitter. La dispersion a été accélérée par l’antiémeute qui a chargé sur Saint-Laurent derrière la manifestation en lançant des gaz lacrymogènes. Quelques policiers ont été vus sur le toit d’un immeuble résidentiel, lançant des gaz lacrymogènes sur la foule, une manoeuvre inattendue. Un conducteur de voiture agressif qui a tenté d’avancer sur la manifestation a été confronté et les vitres de sa voiture ont été brisées. Les policiers qui ont envahi la zone où les personnes tentaient de se disperser ont détenu quelques personnes, arrêtant deux d’entre elles, mais aucune accusation sérieuse ne leur a été donnée. Le blocage des rues avec des ordures et d’autres obstacles dans ce contexte aurait pu permettre de réduire leur capacité d’action.

C’est une expérience précieuse que de prendre des risques ensemble dans les rues avec des centaines de camarades et de complices anonymes, qui rêvent d’un monde après le capitalisme, de postes de police et de postes frontaliers incendiés, de supermarchés pillés, de forêts, de montagnes et de rivières protégées de toutes les formes de destruction industrielle et retournées au soin de l’autonomie territoriale autochtone. Bien que les réussites d’une seule manif du premier mai soient minimales face à l’ensemble de nos aspirations, nous croyons que les relations développées au travers de ces moments ne devraient pas être sous-estimées.

– Des anarchistes

Manifestation anticapitaliste du 1er Mai: Pas de retour à la normale!

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Mai 022021
 

De la Convergence des luttes anticapitalistes

La Convergence des luttes anticapitalistes (CLAC) dénonce la répression brutale de sa manifestation encore cette année. En effet, le SPVM a procédé, fidèles à leurs habitudes, à des arrestations injustifiées et violentes. Les policiers y sont allé de coups de matraques et de gaz lacrymogène pour faire taire la population qui en a assez de se faire exploiter chaque jour pour enrichir des bourgeois·e·s nauséabond·e·s et leurs compagnies qui profitent de la COVID-19. Plusieurs personnes on été blessées et les policiers ont même détruit le cellulaire d’un·e participant·e.

Plus de 750 personnes étaient rassemblées pour dénoncer l’exacerbation des injustices sociales et de la précarité durant la pandémie actuelle. Le capitalisme et le néolibéralisme ont posé les bases de ce désastre et ce n’est certainement pas à travers ce système économique que nous parviendrons sortir de la crise. Les organisateur·trice·s tiennent à remercier les participant·e·s à la manifestation qui ont repris la rue cette année, malgré le contexte de crise sanitaire, avec masques et mesures de distanciation.

Dans le cadre de la Journée internationale des travailleurs et des travailleuses, la CLAC organisait aujourd’hui la manifestation anticapitaliste annuelle du 1er Mai, qui commençait à 16h au parc Jarry. Rappelons que l’année dernière, en raison du contexte sanitaire, il n’y a pas eu de rassemblement, mais nous avions tout de même appelé à une journée d’actions de visibilité, qui fut un vif succès malgré tout.

Cette année, nous avons été manifester dans le Mile-Ex pour dénoncer les compagnies d’intelligence artificielle qui profitent éhontément de la crise, en convertissant des subventions publiques en outils pour le secteur privé. Les entreprises qui y sont situées sont une force majeure de la gentrification et du déplacement des résident·e·s du quartier Parc-Extension en plus de participer à la surenchère technologique de la surveillance.

Stacy Langlois, une manifestante, déclare : « Comme toujours, ce sont les travailleurs et travailleuses, les pauvres, les personnes migrantes, les personnes qui occupent des emplois majoritairement féminins, qui se tuent – littéralement – pour faire vivre les plus riches. C’est nous qui cuisinent et qui leur livrent leur bouffe pour pas qu’ils aillent besoin de faire la file à l’épicerie comme nous autre.» Elle poursuit: «Leur plan de relance, c’est de nous garder dans la misère.»

En plus, le renforcement des frontières et les abus des instances d’immigration ont pour mission de préserver ces inégalités. Les personnes migrantes qui ont eu la “chance” de venir ici meurent dans nos hôpitaux et nos entrepôts. Les rues des quartiers les plus pauvres sont vides, la police étant toujours en recherche de ses prochaines victimes. Les Premiers Peuples sont humiliés, agressés et tués par les instances gouvernementales pilotées par les compagnies extractivistes. Et dans tout ce chaos, on nous impose l’obéissance, le silence, l’aveuglement face à tout ce qui se passe autour de nous. C’est absurde et révoltant!

Lors d’un discours d’ouverture enflammé, Steven Lafortune-Sansregret s’est écrié : « Ce que nous devons relancer, ce n’est pas l’économie, mais les luttes pour la fin de l’exploitation capitaliste ! » Ensemble, prêt·e·s à nous battre, nous sommes bien plus fort·e·s et bien plus nombreux·euses que ceux qui nous oppriment en tout impunité. Refusons cet avenir “ubérisé” et bâtissons un monde d’entraide et d’équité. Pour y arriver, nous utiliserons tous les moyens nécessaires.

Nous ne voulons pas de ce monde qu’ils essaient de nous vendre! Ni de l’ancien, ni du nouveau! À bas le capitalisme!

Le verger au complet, Épisode 4, Abolition du système carcéral – Entrevue avec Helen Hudson

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Avr 272021
 

De la Convergence des luttes anticapitalistes

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Les prisons n’ont pas toujours existées. Leur apparition s’inscrit dans un processus de gestion des corps et des vies humaines qui accompagne la naissance du capitalisme. Les prisons comme telles font bien-sûr partie d’un plus grand système carcéral, très développé dans notre société, qui ne sert pas seulement à punir une personne qui a commis un geste considéré illégal, mais permet aussi à l’État d’exercer un contrôle social.

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Toutes utilisées avec la permission des groupes.

Références

La définition de la justice transformatrice du gouvernement fédéral: https://www.justice.gc.ca/fra/jp-cj/jr-rj/index.html

Deux livres parus chez AK Press portant sur la justice transformatrice pour les personnes intéressé.e.s:
* Beyond Survival – Dixon
* We Will Not Cancel Us – adrienne maree brown

Transcription

Introduction Comme on l’a mentionné dans le dernier épisode, les prisons n’ont pas toujours existées. Leur apparition s’inscrit dans un processus de gestion des corps et des vies humaines qui accompagne la naissance du capitalisme. Les prisons comme telles font bien-sûr partie d’un plus grand système carcéral, très développé dans notre société, qui ne sert pas seulement à punir une personne qui a commis un geste considéré illégal, mais permet aussi à l’État d’exercer un contrôle social. Les répercussions de ce système sont néfastes pour les personnes emprisonnées et leur communauté aussi bien que pour le reste d’entre-nous qui vivons en connaissant les conséquences de ce qu’il représente.

Pour en apprendre plus, nous vous présentons une entrevue avec Helen Hudson.

Depuis une vingtaine d’années, Helen Hudson milite en solidarité avec des prisonnières et prisonniers. Elle habite sur le territoire Kanien’kehá:ka non-cédé, aussi connu sous le nom de Montréal, mais travaille principalement avec des prisonniers politiques aux États-Unis. Elle s’identifie comme une femme noire, queer et anarchiste.

Q: Aux niveaux politique et social, qu’est-ce que c’est la prison?

R: La prison n’est pas juste un endroit qui existe, c’est une institution sociale. C’est-à-dire, il y a une fonction que la prison sert dans notre société, et puis c’est lié avec toute autre institution dans notre société. Donc, c’est clair que c’est lié au gouvernement, à la police, mais il faut aussi être conscient que c’est lié à l’économie, à l’éducation, aux frontières, tout ce qui fait fonctionner la société a un lien avec la prison et c’est quoi la fonction de la prison? Pour moi, dans mon analyse, c’est un contrôle social spécifiquement quand la société, le capitalisme, l’État, causent la précarité. Il faut faire quelque chose avec ces gens précaires et il faut faire quelque chose pour faire en sorte que les gens comprennent qu’il y a des pouvoirs que l’État a sur eux, alors c’est ça la fonction de la prison, avoir un endroit pour garder un surplus de personnes, de travailleurs, et pour envoyer un message clair que la coercition est là comme menace pour le peuple.

Q: Peux-tu nous dresser un portait de la population carcérale au Canada? Qui se retrouvent en prison et quels sont les liens entre leur incarcération et les autres formes d’oppression auxquelles ces personnes font face?

R: Comme j’ai dit, la prison est là pour envoyer un message et contrôler les gens, alors ça ne surprend pas que les gens marginalisés, opprimés se retrouvent en prison en grand nombre. Au cours des dernières décénnies, mettons, les dernières quatres décénnies, on va avoir une augmentation en général du nombre de prison dans le monde occidental–c’est à dire dans des pays comme le canada, les états-unis, en europe, etc. Euh, Au Canada, on n’a pas vu augmenter notre population incarcérée, mais on a vu augmenter les personnes opprimées. Par exemple, en 2001, le pourcentage des personnes dans les prisons canadiennes fédéraux, où se retrouve le monde qui purgent une peine de deux ans ou plus, le taux des personnes autochtones étaient juste en bas de 20%. Là c’est juste en haut de 30%, 30,5%. Quand on regarde chez les femmes autochtones, c’est plus de 40% et avec les jeunes, les personnes jeunes peut importe leur genre, c’est aussi élevé comparé à ce 30%, qui est déjà élevé par rapport au 5% de personnes dans l’État du Canada qui est autochtone, et ça on voit aussi ça chez les personnes noires. Ca On parle donc de racisation des prisonnières mais aussi quand on regarde l’oppression, la pauvreté, les problèmes de santé mentale, l’analphabétisme, tout ça c’est surreprésenté en prison. Donc on voit clairement que les personnes opprimées sont les personnes qui se retrouvent derrière les barreaux.

Q: Comment la prison touche-t-elle la vie de gens qui ne sont pas elleux-mêmes emprisonnées?

R: Pour moi c’est très clair que la prison touche les personnes emprisonnées, mais touche des communautés. Quand une personne est en prison, cette personne laisse sa famille, laisse sa job qui sont souvent enracinées dans sa communauté. Mettons par exemple une communauté noire comme à Montréal-Nord, pour prendre un exemple. Je vais parler dans l’État canadien, mais la même dynamique se reproduit dans toute la société occidentale. Quand on enlève en grand nombre tout le monde qui peut travailler, tout le monde qui peut être tête d’une famille, tout le monde qui a les rôles dans une communauté et qui transmettent des savoir culturels, qui peut être le leadership–pour dire comme ça– d’une communauté, si ces gens sont derrière les barreaux, c’est pas juste eux qui sont affectés. C’est sûr que eux y sont affectés très concrètement, mais c’est aussi un cercle vicieux qui se produit dans le sens que les jeunes, les enfants, dans des communautés où beaucoup d’adultes sont emprisonnés vont voir leurs chances d’être emprisonnés aussi dans le futur augmenter.

Q: Donc, en plus de cibler et d’affecter les populations déjà les plus opprimées et les moins privilégiées de la société, le système carcéral perpétue ces oppressions. Au lieu de régler quoi que soit, la prison accentue les causes de la soi-disante criminalité. Pour toi, l’abolition des prisons est une réponse à ces injustices. Peux-tu nous expliquer ce qu’est l’abolitionisme?

R: L’abolitionnisme, c’est clair par son nom, il a pour but d’abolir la prison, de faire en sorte qu’on va avoir une société sans prison. Quand je mentionne ça souvent j’ai une réaction que c’est une idée ridicule ou un peu utopiste dans le sens que qu’est-ce qu’on peut faire pour régler ce qu’on appelle des crimes, c’est-à-dire des méfaits entre des personnes : quelqu’une blesse quelqu’une d’autre ou prend quelque chose qui appartient à quelqu’un d’autre. Comment est-ce qu’on peut régler ça sans prison ? Honnêtement, je n’ai pas de réponse très simple et concrète à ça, mais juste pour dire qu’il y a des sociétés où ça ne se fait pas de façon comme on règle ça dans nos sociétés — avec des prisons. L’autre chose à mentionner est que si on veut régler des problèmes entre les gens en dedans des communautés, c’est très différent d’y impliquer l’État, parce que avec les notions des crimes qu’on a, avec les courts, la police, les prisons, ce qui vient avec est toute la pression que je viens de mentionner, mais aussi que ce n’est plus conceptualisé comme un méfait contre une autre personne, mais plutôt un méfait contre l’État. Par exemple, si je prends ta bicyclette, avec notre conception du crime, ce n’est pas entre moi et toi, c’est entre moi et l’État. Ça devient complètement autre chose. Avec l’abolition des prisons, on veut toujours avoir une façon de régler ça entre moi et toi, entre tout le monde qui est affecté, mais ce n’est plus un méfait contre l’État. En plus, ce n’est plus question de punir, parce que voilà un autre aspect de l’abolitionnisme : c’est axé sur des solutions, c’est axé sur ce qu’on apppelle en anglais la “restorative justice”. C’est-à-dire de retourner à un état — une situation — où tout le monde est correct et où on a guéri l’injustice qui s’est produite. Autre chose que je voudrais mentionner avec l’abolitionnisme est que c’est à la fois pour faire en sorte qu’il n’y ait plus de prison et en même temps construire des alternatives ; il y a donc à la fois une lutte anti-carcérale et à la fois une lutte pour une vision d’une autre société.

Narration: “Restorative justice, en français la justice réparatrice, sert, en bref, à trouver un moyen pour la personne qui a causé un tort à une ou des personnes de réparer le mal qu’elle a causé, selon les besoins et les demandes de la ou des victimes.” Au soi-disant Canada, le gouvernement fédéral s’est approprié le de terme justice réparatrice en lui donnant une place dans son système carcéral punitif.[1] Aujourd’hui certain.e.s préfèrent donc parler de justice transformatrice, soit une forme de justice refusant toute collaboration avec l’État et misant sur la transformation des mentalités notamment par le biais de processus entre les victimes/survivantes et les personnes ayant causé du tort. Nous allons revenir sur ces notions dans un des prochains épisodes du Verger au complet, qui portera plus spécifiquement sur les formes de justices alternatives.

Q: Parmi les gens qui voudraient voir un monde sans prisons, il y en a qui sont critique du terme “abolitionisme”. Peux-tu nous en parler? Qu’est-ce que le mot abolition veut dire exactement pour toi?

R: Il y a deux aspects de cela: d’abord, tout à fait, on peut avoir une critique très réelle dans le sens que d’abolir la prison, ça veut dire quoi ? C’est une question tout à fait pertinente parce qu’on ne peut pas abolir une institution de la société et la faire disparaître. C’est sur que si c’est lié à la suprématie blanche, le capitalisme, le patriarcat, l’homophobie, toute sorte de choses, on ne peut pas juste l’abolir. C’est sur qu’il y a des personnes qui se disent abolitionnistes et qui n’ont pas une critique de toutes ces autres institutions mentionnées et donc ce n’est pas très réaliste pour moi de dire on va juste abolir les prisons et le reste de la société va rester comme elle est. Pour moi ce n’est pas réaliste et pas juste non plus. D’un autre côté, le terme abolitionnisme fait référence à l’abolitionnisme de l’esclavage et il y a beaucoup de gens dans les mouvements abolitionnistes qui font ces liens dans le sens que la prison est une institution profondément suprémaciste blanc et profondément coloniale. Alors quand il y avait le mouvement abolitionniste de l’esclavage, ce mouvement n’a pas tout à fait réussi : l’esclavage a légué le suprémacisme blanc, et le suprémacisme blanc est un des fondements de l’institution des prisons. Et donc, pour beaucoup d’abolitionnistes, c’est toujours le même mouvement. C’est une continuation du mouvement abolitionniste d’il y a un siècle et pour moi en tant que personne noire et antiraciste, c’est important de faire ce lien et c’est en partie pourquoi je me dis abolitionniste et pas seulement anti-prisons. L’autre chose est qu’il y a aussi l’abolitionnisme anti-prisons, mais il y a aussi l’abolitionnisme carcéral. Pour moi l’abolitionnisme carcéral est plus pertinent, c’est plus large dans ce sens qu’il y a d’autres institutions carcérales, il y a aussi d’autres façons d’enfermer des gens, c’est-à-dire les choses qui se disent des alternatives aux prisons, par exemple des bracelets GPS où des gens sont confiné.e.s chez eux mais toujours surveillés par l’État et incapables de partir de chez eux. Il y a des frontières, il y a des hopitaux psychiatriques fermés–et je mets hopitaux avec des guillemets parce que ce ne sont pas des vrais hopitaux pour moi, il n’y a personne qui va se soigner là-bas. Alors c’est ça l’abolitionnisme carcéral, c’est-à-dire l’abolitionnisme des prisons et de toute autre instance carcérale avec un lien historique avec l’abolition de l’esclavage.

Q: Tu voulais nous parler du féminisme carcéral?

R: En fait, en parlant je me suis rendu compte que dans une des autres questions j’aurais voulu parler un peu plus du patriarcat spécifiquement parce qu’une partie du discours pro-prisons très central est que les prisons sont là pour nous garder en sécurité, nous protéger des personnes emprisonnées. Parmi les luttes radicales, révolutionnaires, je pense qu’il y a des éléments réformistes qui ont comme réponse à leur oppression qu’il faut punir les gens et entre autres avec la prison. Mais surtout dans les luttes anti-patriarcales et contre les violences faites aux femmes, il y a des éléments qui exigent des peines plus longues, des lois plus sévères et il y a un nom pour ça : le féminisme carcéral. Et là, dans les années récentes, ça me donne beaucoup d’espoir de voir un dialogue en dedans des mouvements féministes comme quoi le féminisme carcéral est un grand problème et c’est pas une solution au sexisme d’enfermer les gens parce que ça n’améliore pas la sécurité des femmes. On voit avec les lois plus sévères que ce sont souvent les femmes qui se retrouvent derrière les barreaux pour se défendre. Donc voilà ce que je voulais ajouter parce que c’est souvent une question que les gens ont : comment est-ce qu’on va être en sécurité, comment est-ce qu’on va se protéger et c’est comme “a trap” de penser que la prison va nous protéger et de faire recours à ça dans nos revendications.

Q: Alors, être abolitioniste, ça implique quoi en termes concrêts, comme actions, comme stratégies ou comme engagement politique?

R: Pour moi, je commence par la fin : comme engagement politique, pour moi c’est central. Quand je me suis radicalisé, au début ce n’était pas contre les prisons. Je faisais du militantisme féministe, queer, antiraciste et ça m’a pris plusieurs années pour comprendre que les prisons sont centrales dans toutes ces luttes : c’est une façon d’opprimer les gens des mouvements. Beaucoup de mon travail avec les prisonniers c’était avec des prisonniers politiques dans le sens que c’étaient des prisonniers incarcérés pour le rôle dans d’autres mouvements sociaux. Si on est sérieuses à opposer et à vaincre le patriarcat, le capitalisme, le suprémacisme blanc, le colonialisme et la transphobie et là je peux continuer la liste avec toutes les formes d’opporession, toutes les structures qui nous oppriment. C’est important de ne pas avoir des murs en dedans de nos luttes. C’est d’inclure tout le monde incluant les prisonniers et les prisonnières dans nos luttes et de viser l’institution des prisons comme une cible de toutes ces luttes. Là c’est une réponse un peu plus théorique. Pour aller un peu plus dans le concret, comme j’ai mentionné plus tôt, il ya comme deux pistes : il y a la piste abolitionniste comme lutte en tant que telle et il y a aussi le côté plus visionnement des alternatives. Honnêtement, moi je suis moins impliquée dans la partie vision mais je trouve important de le mentionner. Mais en termes de ce qui est le côté plutôt “anti” c’est de surtout prendre le leadership des prisonniers et prisonnières, donc de soutenir les luttes qui se font en dendans des prisons. Et il y en a plein : il y a des grèves de la faim, des grèves de travail où les prisonniers refusent de travailler, toute sorte d’autres action. D’être en lien avec toutes ces luttes-là et de prendre le leadership de ces gens et ça veut dire des fois de faire des choses qui n’ont pas juste la destruction complète des prisons comme exigence et comme but. Des fois, il y a des prisonniers et prisonnières qui réclament des conditions un peu moins sévères et des fois nous les militantes en dehors des prisons on peut trouver ça un peu réformiste mais c’est une lutte très concrète pour améliorer les conditions de vie de nos camarades. Donc d’être en solidarité avec ces luttes c’est très important et d’y apporter un regard abolitionniste, c’est d’avoir un dialogue comme quoi ces luttes font partie d’une lutte plus large. Aussi, très important concrètement, c’est d’opposer tout ce qui est l’expansion des prisons, c’est jours-ci il y a beaucoup de surpopulation dans les prisons qui existent, beaucoup de prisons sont très vieilles donc des fois on peut avoir des revendications pour des nouvelles prisons, des prisons qui sont dites “meilleures”, mais c’est très important d’être opposé.e.s à ça dans le sens que quand on construit des nouvelles prisons, on va les remplir. On voit ça très clairement quand on regarde l’histoire plus ancienne et l’histoire plus récente que c’est toujours très important d’opposer ça. Et c’est une des choses que les abolitionnistes font beaucoup. Je sais qu’actuellement à Montréal il y a une campagne contre une nouvelle prison de migrant.e.s qui s’est faite. Donc voilà je pense que je vais terminer là.

Conclusion Bref, plutôt que d’être une lutte secondaire, militer pour l’abolition des prisons constitue une nécessité en soi pour quiconque souhaite réellement s’attaquer au système capitaliste. Leviers de reproduction des inégalités sociales, les prisons oppriment, marginalisent et se basent sur une vision patriarcale et suprémasciste de la société pour punir. Édifier un monde antiautoritaire passe donc nécessairement par l’abolition des prisons et, de manière plus juste, du sytème carcéral qui se reproduit par l’enfermement des personnes stigmatisées comme “indésirables”. S’il peut sembler à première vue irréaliste de régler le tort commis par les membres d’une communauté sans avoir recours à l’État, comment s’empêcher d’arriver au même constat avec le système carcéral? N’est-il pas fondamentalement irréaliste d’espérer régler tous nos problèmes sociétaux en enfermant toutes les personnes ayant causé du tort?

S’il faut lutter activement pour l’abolition et contre l’extention du système carcéral, oublier les personnes y étant actuellement enfermées apparaît cependant comme non-souhaitable et ce surtout pour les personnes n’ayant jamais été emprisonnées ou n’étant pas en contact avec des personnes emprisonnées. De la réduction des méfaits à l’autonomie radicale des collectivités, sans oublier les formes de justices alternatives comme la justice réparatrice ou transformatrice, de nombreux exemples de communautés refusant d’avoir recours au système punitif pour régler le tort causé se doivent d’inspirer nos trames de résistances collectives.

Un dernier mot pour vous inviter à la manifestation anticapitaliste du 1er mai, à 16h au parc Jarry, coin St-Laurent et Gary-Carter. La manifestation de cette année a pour thème: “pas de retour à la normale” parce que nous refusons autant le monde prépandémie que l’avenir néocapitaliste qui se dessine. On se voit dans la rue!

Translation

As mentioned in the last episode, prisons have not always existed. Their appearance is part of a process of management of human bodies and lives that accompanies the birth of capitalism. Prisons as such are of course part of a larger prison system, highly developed in our society, which not only serves to punish a person who has committed an act considered illegal, but also allows the state to exercise social control. The repercussions of this system are harmful for the imprisoned persons and their community as well as for the rest of us who live knowing the consequences of what it represents.

To learn more, we present an interview with Helen Hudson.

Helen Hudson has been an activist in solidarity with prisoners for the past twenty years. She lives in the Kanien’kehá:ka Non-Cede territory, also known as Montreal, but works primarily with political prisoners in the United States. She identifies as a black, queer and anarchist woman.

Q: On a political and social level, what is a prison?

A: Prison is not just a place that exists, it is a social institution. That is to say, there is a function that the prison serves in our society, and then it is linked with every other institution in our society. So, it is clear that it is linked to the government, to the police, but we must also be aware that it is linked to the economy, to education, to borders, everything that makes society function has a link with the prison and what is the function of the prison? For me, in my analysis, it’s a social control specifically when society, capitalism, the state, cause precariousness. You have to do something with these precarious people and you have to do something to make people understand that there are powers that the state has over them, so that’s the function of the prison, to have a place to keep a surplus of people, of workers, and to send a clear message that coercion is there as a threat to the people.

Q: Can you give us a snapshot of the prison population in Canada, who ends up in prison, and what are the links between their incarceration and other forms of oppression they face?

A: As I said, prison is there to send a message and control people, so it’s not surprising that marginalized, oppressed people end up in prison in large numbers. Over the last few decades, say, the last four decades, we’re going to see an increase in the number of prisons in general in the western world–that is, in countries like Canada, the United States, Europe, etc. Uh, in Canada, we haven’t seen an increase in our incarcerated population, but we have seen an increase in the number of oppressed people. For example, in 2001, the percentage of people in Canadian federal prisons, where the world is, who are serving a sentence of two years or more, the rate of Aboriginal people was just under 20%. Now it’s just over 30%, 30.5%. When you look at Aboriginal women, it’s over 40% and with young people, young people of any gender, it’s also high compared to that 30%, which is already high compared to the 5% of people in the state of Canada who are Aboriginal, and we also see that with Black people. So we’re talking about the racialization of women prisoners, but also when we look at oppression, poverty, mental health issues, illiteracy, all of that is overrepresented in prison. So you can clearly see that the oppressed people are the people who end up behind bars.

Q: How does prison affect the lives of people who are not themselves in prison?

A: For me it’s very clear that prison affects people in prison, but it affects communities. When a person is in prison, that person leaves his or her family, leaves his or her job, which are often rooted in the community. Let’s take a black community like Montreal North, for example. I’m going to speak in the Canadian state, but the same dynamic is reproduced in all of Western society. When you take out in large numbers all the people who can work, all the people who can be the head of a family, all the people who have roles in a community and who pass on cultural knowledge, who can be the leader–to put it that way–of a community, if these people are behind bars, it’s not just them who are affected. Of course, they are affected very concretely, but it is also a vicious circle that occurs in the sense that young people, children, in communities where many adults are imprisoned will see their chances of being imprisoned in the future increase.

Q: So, in addition to targeting and affecting the already most oppressed and least privileged populations in society, the prison system perpetuates these oppressions. Instead of solving anything, prison exacerbates the causes of so-called crime. For you, the abolition of prisons is a response to these injustices. Can you explain what abolitionism is?

A: Abolitionism, it’s clear by its name, its goal is to abolish prison, to make sure that we will have a society without prison. When I mention this, I often have the reaction that it’s a ridiculous idea or a bit utopian in the sense that what can we do to solve what we call crimes, that is to say misdeeds between people: someone hurts someone else or takes something that belongs to someone else. How do you deal with that without jail? Honestly, I don’t have a very simple and concrete answer to that, but just to say that there are societies where it’s not done in the way we deal with it in our societies — with prisons. The other thing to mention is that if you want to solve problems between people within communities, it’s very different to involve the State, because with the notions of crimes that we have, with the courts, the police, the prisons, what comes with it is all the pressure that I just mentioned, but also that it’s no longer conceptualized as a misdeed against another person, but rather a misdeed against the State. For example, if I take your bike, with our conception of crime, it’s not between me and you, it’s between me and the state. It becomes something completely different. With the abolition of prisons, we still want to have a way to settle it between me and you, between everyone who is affected, but it is no longer a misdemeanour against the State. Moreover, it is no longer a question of punishment, because here is another aspect of abolitionism: it is focused on solutions, it is focused on what is called “restorative justice”. That is, to return to a state — a situation — where everyone is okay and the injustice that occurred has been healed. Another thing I would like to mention with abolitionism is that it is both to make sure that there are no more prisons and at the same time to build alternatives; there is So there is both an anti-prison struggle and a struggle for a vision of another society.

Narrative: “Restorative justice, in short, serves to find a way for the person who has caused harm to a person or persons to repair the harm he or she has caused, according to the needs and requests of the victim or victims.” In Canada, the federal government has appropriated the term restorative justice by giving it a place in its punitive prison system. 1] Today, some people prefer to speak of transformative justice, a form of justice that refuses all collaboration with the State and that focuses on transforming mentalities, particularly through processes between victims/survivors and those who have caused harm. We will come back to these notions in one of the next episodes of The Complete Orchard, which will deal more specifically with alternative forms of justice.

Q: Among those who would like to see a world without prisons, there are those who are critical of the term “abolitionism”. Can you talk about this? What exactly does the word abolition mean to you?

A: There are two aspects to this: first, quite frankly, there is a very real critique in the sense that abolishing prison means what? It’s a very relevant question because you can’t abolish an institution of society and make it disappear. Of course, if it’s related to white supremacy, capitalism, patriarchy, homophobia, all sorts of things, you can’t just abolish it. Of course there are people who call themselves abolitionists who don’t have a critique of all these other institutions mentioned and so it’s not very realistic for me to say we’re just going to abolish prisons and the rest of society is going to stay the way it is. To me that’s not realistic and not fair either. On the other hand, the term abolitionism refers to the abolition of slavery and there are a lot of people in the abolitionist movement who make these connections in the sense that prison is a deeply white supremacist and deeply colonial institution.

So when there was the slavery abolitionist movement, that movement didn’t quite succeed: slavery bequeathed white supremacism, and white supremacism is one of the foundations of the prison institution. And so, for many abolitionists, it’s still the same movement. It’s a continuation of the abolitionist movement from a century ago and for me as a black person and an anti-racist, it’s important to make that connection and that’s part of why I call myself an abolitionist and not just anti-prison. The other thing is that there is also anti-prison abolitionism, but there is also prison abolitionism. For me prison abolitionism is more relevant, it is broader in the sense that there are other prison institutions, there are also other ways of locking people up, that is to say things that are called alternatives to prisons, for example GPS bracelets where people are confined to their homes but still monitored by the police. but still monitored by the state and unable to leave their homes. There are borders, there are closed psychiatric hospitals–and I put hospitals with quotation marks because they are not real hospitals for me, there is nobody who goes there to be treated. So that’s prison abolitionism, that is to say abolitionism of prisons and of any other prison instance with a historical link to the abolition of slavery.

Q: You wanted to talk to us about prison feminism?

A: Actually, as I was talking I realized that in one of the other questions I would have liked to talk a little bit more about patriarchy specifically because part of the very central pro-prison discourse is that prisons are there to keep us safe, to protect us from the people in prison. Among the radical, revolutionary struggles, I think there are reformist elements that have as a response to their oppression that they need to punish people and among other things with prison. But especially in the anti-patriarchal struggles and against violence against women, there are elements that demand longer sentences, harsher laws and there is a name for that: prison feminism. And now, in recent years, it gives me a lot of hope to see a dialogue within the feminist movement that prison feminism is a big problem and that it’s not a solution to sexism to lock people up because it doesn’t make women safer. We see with tougher laws that it’s often women who end up behind bars to defend themselves. So that’s what I wanted to add because it’s often a question that people have: how are we going to be safe, how are we going to protect ourselves and it’s like “a trap” to think that prison is going to protect us and to use that in our demands.

Q: So, what does being an abolitionist imply in concrete terms, as actions, as strategies or as political commitment?

A: For me, I start at the end: as a political commitment, for me it’s central. When I became radicalized, at first it wasn’t against prisons. I was doing feminist, queer, anti-racist activism and it took me several years to understand that prisons are central to all of these struggles: it’s a way of oppressing people in movements. A lot of my work with prisoners was with political prisoners in the sense that they were prisoners incarcerated for their role in other social movements. If we are serious about opposing and overcoming patriarchy, capitalism, white supremacism, colonialism, and transphobia, and I can go on and on with all the forms of oppression, all the structures that oppress us. It’s important not to have walls within our struggles. It is to include everyone including prisoners in our struggles and to target the institution of prisons as a target of all these struggles. This is a more theoretical answer. To go a little more concrete, as I mentioned earlier, there are like two tracks: there is the abolitionist track as a struggle as such and there is also the more visionary side of the alternatives. Honestly, I’m less involved in the visioning part but I think it’s important to mention it. But in terms of what’s the more “anti” side, it’s mostly about taking leadership from prisoners, so supporting the struggles that are going on inside prisons.

And there are plenty of them: there are hunger strikes, work strikes where prisoners refuse to work, all sorts of other actions. To be connected to all these struggles and to take leadership of these people and that means sometimes doing things that don’t just have the complete destruction of prisons as an exi and as a goal. Sometimes, there are prisoners who demand less severe conditions and sometimes we activists outside of prisons may find this a bit reformist but it is a very concrete struggle to improve the living conditions of our comrades. So to be in solidarity with these struggles is very important and to bring an abolitionist perspective, it is to have a dialogue as if these struggles are part of a larger struggle. Also, very important concretely, is to oppose everything that is the expansion of prisons, these days there is a lot of overcrowding in the prisons that exist, a lot of prisons are very old so sometimes we can have demands for new prisons, prisons that are said to be “better”, but it’s very important to be opposed to that in the sense that when we build new prisons, we are going to fill them. We see that very clearly when we look at the older history and the more recent history that it is always very important to oppose that. And that’s one of the things that abolitionists do a lot. I know that in Montreal right now there is a campaign against a new migrant prison that has been done. So I think I’ll end there.

Conclusion In short, rather than being a secondary struggle, campaigning for the abolition of prisons is a necessity in itself for anyone who really wants to attack the capitalist system. As levers of reproduction of social inequalities, prisons oppress, marginalize and rely on a patriarchal and supremacist vision of society to punish. Building an anti-authoritarian world therefore requires the abolition of prisons and, more justly, of the prison system that reproduces itself through the confinement of people stigmatized as “undesirable. While it may seem unrealistic at first glance to address the harm done by members of a community without recourse to the state, how can one help but arrive at the same conclusion with the prison system? Is it not fundamentally unrealistic to expect to solve all our societal problems by locking up all the people who have done wrong?

While we must actively fight for the abolition and against the expansion of the prison system, forgetting about those who are currently locked up seems undesirable, especially for those who have never been imprisoned or who are not in contact with imprisoned people. From harm reduction to radical community empowerment, not to mention alternative forms of justice such as restorative or transformative justice, there are many examples of communities refusing to resort to the punitive system to address the harm done that should inspire our collective resistance.

A final word to invite you to the May 1st anti-capitalist demonstration, at 4pm at Jarry Park, corner of St-Laurent and Gary-Carter. The theme of this year’s demonstration is “no return to normal” because we refuse both the pre-pandemic world and the neo-capitalist future that is taking shape. See you in the streets!