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[Vidéo] Une sortie de l’autoroute 720 bloquée en appui aux Wet’suwet’en

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Jan 302020
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info. Vidéo de subMedia.

En pleine heure de pointe, jeudi matin, une cinquantaine de personnes ont bloqué une sortie de l’autoroute 720 au centre-ville de Montréal, en solidarité avec les peuples autochtones Wet’suwet’en qui sont en lutte contre la construction d’un oléoduc sur leur territoire non-cédé. Des barricades enflammées ont été errigées au coin des rues St-Marc et René-Levesque afin de bloquer la circulation automobile. Une bannière #WetsuwetenStrong a été déployée sur un panneau de signalisation afin d’exprimer la solidarité avec les souverainetés autochtones.

Cette action s’inscrit dans la lignée d’événements organisés en appui aux Wet’suwet’en qui résistent et luttent contre la destruction de leur territoire depuis plus de 10 ans. À Montréal et à travers le Canada, plusieurs actions répondent à l’appel à la solidarité lancé par les Wet’suwet’en en réaction à l’intervention de la GRC pour empêcher l’accès à leur territoire le 13 janvier dernier.

L’état canadien, via ses forces armées et sa justice coloniale, s’attaquent présentement aux defenseur.es des territoires Wet’suwet’en afin d’assurer le déploiement des 670 kilomètres de pipeline de gaz naturel liquéfié de Coastal GasLink (CGL).

Dans ce moment critique, continuons de répondre à l’appel des Wet’suwet’en et supportons leur lutte par tous les moyens nécessaires.

Plus d’infos sur https://unistoten.camp

#WetsuwetenStrong

Les chefs héréditaires Wet’suwet’en expulsent Coastal GasLink (4 janvier)

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Jan 262020
 

Du Camp Unist’ot’en

Publié le 4 janvier 2020. L’avis d’expulsion est toujours en vigueur.

POUR DIFFUSION IMMÉDIATE : Smithers, C.-B.

Les chefs héréditaires Wet’suwet’en, représentant les cinq clans de la nation Wet’suwet’en, ont émis un avis d’expulsion visant la société Coastal GasLink (CGL). L’expulsion de CGL prend effet immédiatement et s’applique au Camp 9A sur le territoire de Dark House, ainsi qu’aux territoires voisins des clans Gidimt’en, Tsayu et Laksamshu. Des chefs héréditaires sont présents sur les territoires de Gidimt’en et de Gilseyhu afin de monitorer l’expulsion.

La société Coastal Gaslink a violé la loi Wet’suwet’en sur le droit de passage. Elle a bulldozé nos territoires, détruit nos sites archéologiques, et occupé nos terres avec des camps de travailleurs. La GRC ainsi que des sociétés de sécurité privées ont continuellement fait obstacle aux droits constitutionnellement protégés du peuple Wet’suwet’en d’accéder à ce terrritoire pour la chasse, la trappe et les cérémonies.

Dans l’affaire Delgamuukw-Gisdaywa c. La Reine, les tribunaux ont reconnu que notre peuple, représenté par nos chefs héréditaires, n’a jamais cédé ni abandonné le titre de propriété sur l’entièreté des 22 000 km2 du territoire Wet’suwet’en. L’octroi d’une injonction interlocutoire par la Cour Suprême de la Colombie-Britannique démontre que les tribunaux canadiens peuvent renier leurs propres décisions et nier notre juridiction, du moment que c’est dans leur intérêt. Nous ne pouvons compter sur ces tribunaux pour protéger nos territoires ou nos droits en tant que peuples autochtones.

La loi Wet’suwet’en, l’Anuc ‘nu’at’en, n’est pas une ” croyance ” ou un ” point de vue “. Cette loi est la base sur laquelle repose notre gestion durable des territoires et de nos relations les uns avec les autres ainsi qu’avec le monde qui nous entoure. C’est grace à cette loi millénaire que nos territoires sont intacts aujourd’hui. Elle est au cœur de notre identité. La criminalisation continue de nos lois par les tribunaux et la police industrielle du Canada est une tentative de génocide, une tentative d’extinction de l’identité Wet’suwet’en.

Nous réitérons que l’Anuc ‘nu’at’en demeure la loi suprême sur les terres des Wet’suwet’en et qu’elle doit être respectée. La responsabilité et l’autorité de protéger nos territoires non cédés nous appartient. La protection de nos yintah (territoires traditionnels) est au cœur de l’Anuc ‘nu’at’en. Nous continuerons à pratiquer nos lois pour les générations futures.

Depuis toujours, le peuple Wet’suwet’en contrôle l’accès à son propre territoire. Depuis 10 ans, chaque fois que quelqu’un qui n’est pas membre de Dark House demande l’accès au territoire, un protocole de consentement préalable, libre et éclairé (FPIC) a été appliqué. Dark House n’a pas été en mesure de mettre en œuvre ce protocole depuis janvier 2019, date à laquelle l’injonction provisoire a pris effet. Ce protocole est appliqué en vertu de la loi Wet’suwet’en ainsi que de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA). Cette déclaration garantit aux peuples autochtones le droit à un consentement libre et éclairé préalablement à tout développement sur leurs territoires.

Nous nous attendons à ce que Coastal GasLink se conforme à notre avis d’expulsion de manière pacifique. Nous exigeons que la Colombie-Britannique respecte son engagement à mettre en œuvre la DNUDPA et ordonne à la GRC de respecter nos droits et de s’abstenir de toute ingérence dans la loi Wet’suwet’en.

Solidarité avec les Wet’suwet’en : Les voies ferrées sabotées à répétition en Ontario

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Jan 242020
 

Soumissions anonymes à North Shore Counter-Info

Appel à la perturbation des voies ferrées ici.

01/07/2020 – Hamilton : sabotages simultanés de goulets d’étranglement ferroviaires en solidarité avec les défenseur.ses de la terre Wet’suwet’en

Il y a une décennie, les Wet’suwet’en en ont inspiré plus d’un.e lorsqu’il.les ont réoccupé leurs territoires non-cédés, afin d’amorcer un processus de guérison et de s’assurer que la terre soit protégée ainsi qu’elle le nécessite pour assurer le maintien de la vie et des pratiques du peuple Wet’suwet’en, la continuité de leur existence sur leur territoires traditionnels.

Il y a un an, la GRC a violemment envahi ces territoires pour permettre à l’industrie d’y avoir accès.

Il y a une semaine, l’état canadien a criminalisé Anuk’nu’at’en – la loi héréditaire Wet’suwet’en – en accordant une injonction criminalisant les personnes autochtones et leur allié.es advenant que celles-ci protègent le Yintah des forces destructives de l’industrie.

Nous honorons ces anniversaires par un énorme fuck you à l’état.

Tôt ce matin, des colons ont répondu à plusieurs appels à l’action : ceux qu’ont émis de multiples groupes de maisons (house groups) [NdT: Chaque clan Wet’suwet’en compte un certain nombre de groupes familiaux appelés Yikhs, ou groupes de maisons] Wet’suwet’en après avoir courageusement évincé l’industrie de leurs territoires non-cédés, ainsi que celui émis par des colons pour les colons.

Nous avons contribué d’un petit geste à la résistance menée contre notre gouvernement et la violence qu’il perpétue. Nous avons simultanément perturbé trois goulets d’étranglement des voies ferrées du CN et du CP, situés à des endroits stratégiques, avec l’intention de bloquer toute circulation entrant et sortant de soit-disant Hamilton. Nous l’avons fait en utilisant des fils de cuivre et des câbles de démarrage [NdT: communément appelés “câbles à booster”] attachés aux câbles des éclisses du chemin de fer, afin de créer un court-circuit – vidéo démonstratif (ouvrir avec TOR). Cette méthode est sécuritaire, facile, relativement peu risquée et facilement reproductible.

Le CN a expédié et continuera d’expédier des tuyaux vers des parcs de stockage en préparation pour de la construction. Il est aussi doté de très grands segments d’infrastructure isolés. Les premières installations ferroviaires ont eu un impact profond et durable sur la colonisation de l’île de la Tortue ; les prendre pour cible aujourd’hui a un impact direct sur l’économie du soit-disant canada.

Bien que les perturbations causées par ces actions ne soient que temporaires, nous espérons envoyer un message fort : le respect de la souveraineté autochtone – partout sur l’île de de la Tortue – n’est pas facultatif. Nous ne serons pas passifs.

Nous espérons que d’autres, à travers l’île de la Tortue – en particulier les colons – se joindront à nous pour garantir qu’il ne s’agit que du début, et pour rendre l’oléoduc de Coastal GasLink intenable à la fois pour l’industrie et pour l’état, de toutes les manières possibles.

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01/14/2020 – Toronto : Explorations sur les perturbations ferroviaires en solidarité avec les Wet’suwet’en

Ce week-end à Toronto, inspiré.e.s par les actions des défenseurs de la terre Wet’suwet’en ainsi que par un récent appel à la perturbation des chemins de fer, certain.e.s anarchistes ont pris les rails pour contribuer à l’élan des manifestations, des blocages et des actes de sabotage ayant eu lieu sur l’île de la Tortue.

Nous avons hésité à rédiger cet article car, en raison de notre manque d’expérience et de l’endroit choisi, nous ne pouvons pas être absolument certain.e.s que notre tentative de sabotage ait réussi. Mais finalement, nous avons voulu partager notre message de solidarité et notre engagement dans cette lutte, ainsi que nos propres réflexions et connaissances acquises lors de cette première tentative.

Les articles publiés précédemment sur ce site constituent un excellent point de départ pour apprendre à exécuter ce type de mission. Nous avons choisi un site à proximité d’un nœud ferroviaire et avons utilisé du fil de cuivre pour imiter la présence d’un train sur les rails, ce qui bloquerait (avec un peu de chance !) tout trafic ferroviaire jusqu’à ce que la perturbation soit éliminée. Comme nous n’avions pas de câbles de raccordement, qui assurent une connexion plus fiable, nous avons rapidement frotté nos points de jonction avec de la laine d’acier pour nous assurer qu’aucune rouille n’entravait la connexion.

Tel que mentionné dans les articles précédents, et ça s’est avéré juste dans notre cas, il peut falloir un certain temps avant de trouver un endroit où les éclisses (qui sont un endroit idéal pour se connecter) s’alignent sur les deux rails. La prochaine fois, nous chercherons probablement d’autres endroits où quitter la voie ferrée en toute sécurité, ce qui nous donnera des options plus proches de là où nous nous sommes retrouvé.e.s, au lieu de devoir revenir en arrière jusqu’à l’endroit où nous étions entré.e.s.

Un peu plus tard, en quittant les lieux, nous avons vu un camion avec les phares allumés au bord de la voie ferrée. Il est difficile de dire s’il était stationné ou s’il se dirigeait vers le site de la perturbation, mais il est bon de savoir qu’il était là.

Enfin, il aurait été bon de savoir avec certitude si l’action a réellement fonctionné. Si une connexion est établie avec succès, les barrières des passages à niveau à proximité vont s’abaisser, et il aurait donc été utile de viser un endroit proche d’une telle barrière. Sinon, on aurait pu placer un guetteur ou une guetteuse à une certaine distance du site de l’action, pour garder un œil sur un passage à niveau, ou sur toute autre activité indiquant le succès de l’action.

En conclusion, nous disons : Faites attention et lancez-vous ! Les yeux sur la ligne de front, les pieds dans la rue et… sur les voies ferrées !

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01/18/2020 – Sabotage d’une voie ferroviaire à haute capacité

Il y a quelques nuits, un.e colon.ne anarchiste a saboté la principale voie ferroviaire transcontinentale du CN. Si TC Energy voulait transporter quoi que ce soit depuis le sud de l’Ontario, ou depuis plus loin à l’est, jusqu’au site de CGL en Colombie-Britannique, elle utiliserait probablement cette voie ferroviaire. J’ai pris soin de choisir un site isolé, comme agir seul prendrait plus de temps. J’ai utilisé la méthode avec les fils de cuivre décrite ici. Afin d’assurer une bonne connexion, j’ai utilisé de la laine d’acier et du vinaigre pour enlever la rouille des voies ferrées. Je crois que la perturbation a fonctionné, puisque le fil a émis des étincelles quand il a été connecté aux voies ferrées. Je suis parti.e rapidement – même quand on ne se sent ni pressé.e ni stressé.e, il est important de partir aussi rapidement que possible – et je suis retourné.e à la maison. Cette action était facile à faire, même pour une personne complètement inexpérimentée.

Et particulièrement en tant que colons, nous devrions continuer à trouver des opportunités de perturber ce projet. CGL continue de menacer de détruire les territoires et le mode de vie Wet’suwet’en.

Solidarité avec les Wet’suwet’en ! Nous continuerons de montrer à l’état colonial violent et à CGL que nous ne reculerons pas. Il est si facile de bloquer l’infrastructure permettant les projets d’exploitation comme CGL.

***

01/23/2020 – Gardez votre feu vif : sabotage d’un chemin de fer à Burlington

La nuit dernière, nous avons fait un sabotage au niveau d’un goulot d’étranglement de la voie ferrée à Burlington. Ce lieu a été choisi car c’est là que les lignes de Detroit et de Buffalo se rejoignent pour aller vers Toronto et Montréal. Nous avons entendu dire que c’est le carrefour de ce genre le plus fréquenté au Canada. Cette action a été faite en solidarité avec les Wet’suwet’en qui luttent en première ligne contre l’État canadien et les entreprises qu’il soutient, suite à un appel au sabotage de chemins de fer.

Pour ce faire, nous avons identifié un poste de signalisation et mis le feu à son alimentation électrique pour détruire les câbles qui l’alimentaient. En espérant que cela leur prendra un certain temps pour réparer et que la ligne restera fermée le plus longtemps possible.

Nous avons fait cela pour montrer aux personnes qui luttent sur le front qu’elles ne sont pas seules, et que d’autres sont prêtes à faire des gestes forts de solidarité si la GRC agit contre elles. Nous avons choisi ce moment tendu des négociations qui ont commencé aujourd’hui pour nourrir le feu sur les premières lignes.

Continuons à bloquer les rails, la solidarité est un outil puissant qui nous permet à toutes et tous de construire notre autonomie. La GRC, hors du territoire Wet’suwet’en et partout ailleurs !

Appel pour activités et évènements de la semaine contre la brutalité policière

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Jan 222020
 

Du Collectif opposé à la brutalité policière

Comme à chaque année, le COBP (Collectif Opposé à la Brutalité Policière) organise une semaine contre la brutalité policière orientée autour d’un thème.

Le thème de cette année est “Police partout, justice nulle part : Solidarité internationale !”.

Les révoltes se multiplient au niveau international : Chili, Colombie, Algérie, Équateur, Haïti, Irak, Iran, France, Hong Kong, Inde … Et le point commun de toutes ces révoltes est la brutalité policière, brutalité supportée entres autres par nos puissances coloniales, qui n’hésitent pas à équiper les polices de partout d’armes de plus en plus violentes.

Nous encourageons les collectifs et les personnes à contribuer à la semaine d’activités en organisant vos propres évènements dénonçant la brutalité policière.

Cette année, la semaine d’activités aura lieu du lundi 9 mars jusqu’au dimanche 15 mars.

Vous pouvez nous communiquer vos activités au cobp@riseup.net avant le 24 février 2020.

Notez qu’il y a déjà des événements prévus dans les plages horaires suivantes :

– Mercredi 11 mars, en soirée,
– Jeudi 12 mars, en soirée
– Vendredi 13 mars, en soirée,
– Dimanche 15 mars, en après-midi.

Assurance, courage, lien, confiance : une proposition de culture de sécurité

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Jan 222020
 

Soumission anonyme à North Shore Counter-Info

Quand on parle de culture de la sécurité, les gens vivent généralement l’une de ces deux expériences : soit iels construisent des murs et tiennent les autres à l’écart, soit iels sont iels-même exclu·e·s et n’ont pas la confiance des gens. Dans les deux cas, il y a des sentiments négatifs — la peur et la suspicion pour le premier et un sentiment d’aliénation et du ressentiment pour le second. Je dirais que ce sont les deux côtés d’une même médaille, deux expériences d’une culture de la sécurité qui ne fonctionne pas bien.

Je veux être accueillante et ouverte aux nouvelles personnes quand je m’organise. Je veux aussi me protéger du mieux possible des efforts visant à perturber cette organisation, surtout de la part de l’État, mais aussi des patrons ou de l’extrême-droite. Ça signifie que je veux avoir le genre de pratiques de sécurité qui me permettent d’être ouverte tout en sachant que j’ai évalué les risques auxquels je suis exposée et que je prends des mesures intelligentes pour les minimiser. La culture de la sécurité devrait faciliter et non pas limiter l’ouverture aux autres.

Cette proposition de culture de la sécurité repose sur un recadrage — sur le passage de la peur à l’assurance, de l’aversion au risque au courage, de l’isolement aux liens, et de la suspicion à la confiance.

Il est logique d’avoir peur — l’État est très puissant, la répression est fréquente et elle a le pouvoir de nous écraser, nous et tous nos projets. Mais je ne veux pas être paralysée par cette peur. Avec des informations précises et un bon plan, on peut commencer à transformer la peur en assurance, en sachant qu’on a des pratiques de sécurité à la hauteur des risques auxquels on fait face. En fait, sans transformer la peur, il est difficile d’imaginer comment même agir face au pouvoir de nos ennemis.

Je ne veux pas avoir peur du risque. Je veux faire le choix de mes actes en fonction de leur efficacité, de leur pertinence, de mon analyse et de mon éthique. Une bonne culture de la sécurité nous permet de faire preuve de courage dans nos tactiques collectives, car on sait qu’on peut gérer les risques. Lorsqu’on ne transforme pas l’aversion au risque, on s’auto-police et on reste confiné à l’espace d’opposition symbolique qui nous est fourni.

La répression fonctionne en isolant les gens. Je ne veux pas contribuer à cet isolement par ce que je fais pour ma sécurité et celle de mes ami·e·s. Je veux une culture de la sécurité enracinée dans l’approfondissement de nos liens les un·e·s avec les autres. Quand on ne dépasse pas l’isolement, l’organisation risque de ressembler au travail et de ne pas permettre le genre de relations qui nous transforment vraiment, d’une manière qui nous fait ressentir le monde que nous voulons créer.

Je ne veux pas me méfier des gens que je rencontre. C’est toxique et ça désagrège les espaces de lutte qu’on crée. Plutôt que de ressentir de la méfiance envers quelqu’un, je préfère me demander : « Qu’est-ce que ça prendrait pour que je fasse confiance à cette personne ? » Je veux aller vers les gens et essayer de transformer la méfiance en confiance.

Je voudrais proposer une définition de la culture de la sécurité pour donner une perspective à cette conversation. La culture de la sécurité est un ensemble de pratiques développées pour évaluer les risques, contrôler les flux d’informations dans nos réseaux, et construire des relations de lutte fortes. Il existe d’innombrables cultures de la sécurité possibles, mais ce qui est important c’est qu’elles viennent de discussions claires et explicites à propos des risques et s’adaptent au changement. Dans l’exemple qui suit, le rapport au risque s’adapte à l’évolution des actions et à la répression. Les pratiques de culture de la sécurité qui y sont mentionnées seront expliquées plus loin.

Dans une mobilisation contre un oléoduc, là où je vis, on a voulu mettre l’accent sur les actions directes de masse visant les infrastructures pétrolières. On a établi que, pour les premières étapes de cette mobilisation où on se concentrait sur la sensibilisation et la recherche, le risque qu’on courait était très faible et qu’on pouvait en toute sécurité faire participer de nombreuses personnes à ces étapes, et partager ouvertement les infos par n’importe quel moyen. Quand on a commencé à planifier des actions symboliques, cette considération n’a pas beaucoup changé, mais quand on a commencé à planifier des choses comme bloquer des routes ou manifester devant un commissariat, l’élément de surprise est devenu une considération plus importante. En dehors des risques pénaux encourus, nos actions seraient tout simplement moins efficaces si elles étaient connues à l’avance. On a donc cessé d’utiliser des moyens de communication publics ou facilement surveillés et on a commencé à demander que les gens ne communiquent les détails qu’à des personnes de confiance ayant l’intention de participer.

Peu après le début de cette phase de la mobilisation, un dispositif policier national appelé Joint Intelligence Group (JIG) s’est formé pour défendre les oléoducs, avec la participation de différents services de police et de renseignement. Les JIG et les dispositifs de ce genre constituent une menace spécifique envers les luttes de toutes sortes, car ils visent directement à perturber les luttes et disposent d’importantes ressources. Donc, même si nos actions n’ont pas changé, on a repensé notre rapport au risque et on a décidé d’isoler les organisateur·ice·s des actions de possibles accusations de conspiration en planifiant les actions au sein d’un petit groupe opaque. On pouvait inviter à participer des personnes en qui on avait confiance, et on pouvait prendre des mesures pour établir cette confiance, comme vérifier les identités les uns des autres. Mais on ne planifierait plus les actions ouvertement au niveau du réseau plus large de personnes intéressées par le travail de sensibilisation. Grâce à ce changement, quand on s’est orienté vers le sabotage d’infrastructures critiques, il nous a suffi d’élargir le noyau qu’on avait formé et d’encourager d’autres groupes à s’organiser de la même manière. La coordination des groupes (groupes passés par un vouching, voir ci-dessous) se faisait via des réunions rassemblant des représentant·e·s de chaque groupe, où le rôle de chacun était décidé.

(Ce modèle d’organisation, comme tous les autres modèles, vient évidemment avec ses forces et ses faiblesses. Mon intention dans ce texte n’est pas de faire l’apologie d’une manière de s’organiser en particulier, bien que j’aie plus d’expérience avec certaines qu’avec d’autres.)

Avant d’approfondir des idées et des pratiques spécifiques, je veux parler d’une objection courante que les gens ont à l’égard des discussions sur la culture de la sécurité dans leur lutte : « Je ne fais rien d’illégal donc je n’ai pas besoin de penser à la sécurité ». Ou alors plus spécifiquement, mais l’objection sous-jacente est la même : « Je ne parle de rien d’incriminant, inutile de me préoccuper de la surveillance », ou « En général, je ne me fais pas arrêter à la frontière, donc je n’ai pas à me soucier des tas de brochures anarchistes dans ma voiture ».

C’est l’État et nul autre qui décide de réprimer ou de saper les luttes — ce qui ne passe pas forcément pas la criminalisation d’actions spécifiques. Personnellement, j’ai eu un certain nombre de condamnations pénales : j’ai passé environ un an en prison, deux ans en détention à domicile, et à peu près cinq ans avec diverses restrictions de liberté. Toutes ces condamnations étaient pour des activités de lutte de routine que l’État a choisi de réprimer pour des raisons qui lui sont propres. J’ai été condamnée à huit mois de prison pour avoir aidé à organiser des réunions et pour avoir écrit et distribué un appel à une manifestation lors d’un contre-sommet ; quelques années plus tard, j’ai été condamnée à un an pour avoir distribué un tract annonçant une manifestation et y avoir ensuite participé. Dans ces deux cas, il y a eu des dégâts matériels lors des manifestations, mais je n’en ai jamais été accusée. L’État a plutôt choisi d’utiliser des accusations de conspiration pour cibler des gens s’organisant de manière visible et routinière comme je l’ai fait à maintes reprises. Une dynamique similaire s’est manifestée dans d’autres affaires de conspiration aux États-Unis et au Canada. Mon expérience n’a rien d’exceptionnel.

Je ne raconte pas ça pour me positionner comme victime — je veux m’organiser pour menacer le pouvoir, donc il me semble logique d’être ciblée pour ça. Ce qui est notable, c’est que l’État choisisse de criminaliser la distribution de tracts et l’organisation de réunions afin d’intimider ou de faire des exemples. Même si ce genre de répression ne se produisait que dans 1% des cas (bien que ça semble arriver plus souvent), on doit faire attention et s’organiser en conséquence avec des pratiques de sécurité adaptées. Sinon on aura plus d’autre choix que de préventivement restreindre nos activités, intérioriser la répression et intégrer la crainte et la faiblesse à nos pratiques.

Ceci dit, la culture de la sécurité ne consiste pas seulement à se protéger des accusations pénales. Il s’agit d’empêcher que nos activités soient perturbées. La criminalisation est une menace particulière, mais c’est loin d’être la seule.

Pendant le contre-sommet où j’ai été accusée de conspiration, seuls deux des seize infiltré·e·s du JIG étaient impliqués dans le procès lui-même. Les autres avaient changé des mots de passe de sites Web et d’adresses électroniques, dirigé des autobus vers les mauvais endroits, volé du matériel médical, répandu des rumeurs pour aggraver certains conflits, et même tenté de piéger des jeunes dans un étrange complot autour d’un attentat à la bombe. Toutes ces actions policières ont eu un effet extrêmement perturbateur, sans jamais avoir besoin de recourir au pouvoir des tribunaux, et on ne connaîtra sans doute jamais l’étendue de leur impact.

On a déjà vu que le maintien de l’élément de surprise est souvent une considération importante en matière de sécurité. Un exemple dans notre région est l’organisation de manifs devant des prisons en soutien aux personnes à l’intérieur : en les organisant discrètement, on peut avoir une liberté de mouvement et d’action pendant un certain temps avant que la police ne soit en mesure d’intervenir. Ou imaginons qu’une section de l’IWW tente de lancer une mobilisation de type « Réclame ta paye » contre un patron — iels devront prendre des mesures pour se protéger contre des poursuites au civil ou le risque d’être ciblé·e·s par une entreprise de sécurité privée. Ou bien prenons le travail que font les antifascistes pour identifier l’extrême-droite — iels doivent se prémunir contre la divulgation de leurs propres informations personnelles et contre les violences dont iels pourraient faire l’objet dans la rue. Il y a aussi de plus en plus d’entreprises de sécurité privées engagées pour défendre des intérêts privés (et celles-ci peuvent faire des choses que la police ne peut ou ne veut pas faire), ce qui est arrivé à plusieurs reprises ces dernières années dans les luttes de défense de terres menées par les autochtones.

Les préoccupations en matière de sécurité sont déjà en grande partie intégrées dans nos modes d’organisation. Pour bâtir une culture de la sécurité, il faut évaluer les risques de manière explicite au-delà de quelques actions spécifiques, et adopter des pratiques claires conçues pour nous garder en liberté et assurer l’efficacité de nos actions, quelles que soient les formes que prennent nos luttes. Pour ça, il faut se concentrer sur la mise en place de liens solides, tout en créant un climat de confiance où il est possible d’agir avec assurance.

Voici selon moi quelques principes de base de culture de la sécurité :

Les « Deux Jamais ». Même s’ils sont relativement bien connus, ces deux points sont aussi un peu inadéquats. Dans leur forme a plus simple, ils sont : « Ne jamais parler de sa propre implication dans une activité illégale. Ne jamais parler de l’implication de quelqu’un d’autre dans une activité illégale. »

Mais c’est inadéquat, parce que la majorité de ce qu’on fait n’est pas clairement illégal. On pourrait donc reformuler les « Deux Jamais » comme : « Ne jamais parler de sa propre implication ou de l’implication de quelqu’un d’autre dans une activité qui risque d’être criminalisée. Ne jamais parler de l’intérêt de quelqu’un d’autre pour une activité criminalisée. »

Mais cette reformulation est encore inadéquate, parce que les accusations pénales ne sont pas le seul risque. Bien sûr, avoir une règle claire et respectée par tou·te·s de ne pas parler inutilement de trucs illégaux est une bonne idée, peu importe où on se trouve. Ça inclut ce qu’on croit parfois être des blagues — des paroles en l’air à propos de combattre les flics ou d’attaquer la propriété privée peuvent sembler moins légères lorsqu’elles sont consignées dans le rapport d’un infiltré.

L’une des raisons courantes qui font qu’on se met à douter d’une personne c’est quand cette personne essaie de prendre des gens à part pour discuter de tactiques illégales. Plutôt que de dire : « Cette personne est un flic qui tente de me piéger », on peut reformuler nos propos et dire : « J’ai besoin de clarifier ma vision de la culture de la sécurité avec cette personne si on continue à travailler ensemble ». La version reformulée des « Deux Jamais » peut permettre cette clarification. Elle nous aide aussi à nous souvenir de ne pas spéculer sur qui est à l’origine d’actions anonymes accomplies autour de nous. Ça, c’est le rôle de la police. Si autour de nous, des gens se demandent qui sont derrière des actions illégales anonymes, on peut leur rappeler simplement que l’action a été faite anonymement, que ce n’est pas important de savoir qui l’a faite et que l’action parle d’elle-même.

(Une chose dont on parle moins est comment les reproches autour de la culture de la sécurité peuvent renforcer des dynamiques de pouvoir néfastes. On doit absolument parler entre nous des interactions qui nous posent problème en terme de sécurité, mais ça devrait toujours être mutuel et fait en privé si possible — décris ce que tu as entendu, présente ton idée de culture de la sécurité, demande si l’autre pense que c’est une limite raisonnable, sois prêt·e à écouter son désaccord. L’objectif est de construire une compréhension partagée pour élargir les formes d’organisation dans lesquelles on peut s’engager ensemble, pas que les autres se sentent honteux (ni se sentir soi-même plus hardcore). Une forme encore plus extrême de ça est de faire courir des ragots comme quoi quelqu’un·e serait un·e informateur·trice sans preuve à l’appui, ce qui peut avoir d’importantes conséquences sur la vie des gens ; ça a été une des causes de l’éclatement des mouvements révolutionnaires des années 1970. Un moindre exemple peut être qu’une personne plus « expérimentée » en rabaisse une autre devant un groupe pour avoir parlé d’actions qu’iel a trouvé inspirantes ou parce qu’iel parle aux mauvaises personnes.)

Un autre principe de base est de privilégier les rencontres en face-à-face. Peu importe la sécurité de tel ou tel outil de communication, on construit une meilleure confiance, des relations plus solides et on prend de meilleures décisions quand on prend le temps de se rencontrer en personne. Quand les outils de communication électroniques remplacent le face-à-face, nos conversations sont plus faciles à surveiller, génèrent plus de malentendus, et peuvent être perturbées par des décisions ou des problèmes liés aux entreprises qui gèrent ces outils. Chaque fois que tu utilises des outils électroniques pour t’organiser, demande-toi si cela remplace les rencontres face à face. Si c’est le cas, demande-toi si c’est vraiment nécessaire. Envisage de réduire ta dépendance à ces outils. (On reviendra un peu plus loin sur la sécurité informatique…)

Une des objections à ça est que plein de gens ont de l’anxiété sociale et préfèrent communiquer via leurs appareils ; une autre est que se déplacer physiquement est impossible pour certaines personnes. Comme pour d’autres sujets difficiles qui émergent quand on parle de culture de la sécurité, je t’encourage à faire face à ces obstacles et à chercher d’autres moyens de satisfaire ces besoins en essayant tout de même de prioriser les rencontres en face-à-face. Après tout, ces technologies sont très récentes et les gens ayant des handicaps de toutes sortes ont depuis longtemps développé des moyens pour se retrouver et s’organiser autour de sujets qui les affectent.

La répression est inévitable, essayer de l’éviter à tout prix ne vaut pas la peine. Peu importe la lutte, si elle est menée au-delà des limites de la légalité, elle deviendra une lutte contre la police, dont le rôle est de défendre ce monde tel qu’il est. Si on part avec l’idée que l’on évitera la répression à tout prix, on n’utilisera que des formes de luttes approuvées par la police, ce qui rend quasi impossible la construction d’un pouvoir collectif capable d’un changement transformateur. Pour ne pas subir ces limites, on doit être prêt·e·s à faire face à la répression.

Une façon de s’y préparer est de mettre la police et les prisons au centre de nos luttes dès le départ. Là-dessus, on peut apprendre des mouvements antiracistes qui gardent toujours en tête la violence raciste et physique de ces institutions et cela même lorsqu’ils choisissent de se concentrer sur des sujets plus larges. L’avantage c’est qu’on construit une culture de lutte qui n’est pas choquée par la violence policière et qui est réaliste quant à la prison. On peut aller un peu plus loin et incorporer des pratiques de solidarité dans nos luttes. Si on s’organise sur un lieu de travail on peut s’intéresser aux luttes de travailleur·euse·s ailleurs et réfléchir à des actes de solidarité pratiques avec celleux qui font face à la répression. Si on s’organise autour des questions queer on peut trouver et soutenir des prisonniers queers, et au passage apprendre à connaître les prisons de la région au cas où ça nous soit utile un jour. Si on s’intéresse aux luttes écolo et de défense de terres, il y a des défenseur·e·s de terres en prison qui font face à des accusations et à la violence physique de l’État à travers tout le continent ; incorporer des pratiques de solidarité avec elleux dans nos projets peut donner une puissante inspiration en vue d’une résistance forte et courageuse.

Un autre avntage est qu’on recevra sans doute plus de solidarité en retour puisque la prison est une grande force unificatrice qui relie toutes les formes de luttes contre la domination et l’oppression. Prendre part à une culture de résistance qui démontre de la solidarité active face à la répression peut jouer gros dans le fait de nous garder en sécurité. Comme toujours, c’est en ayant de bonnes informations qu’on combat la peur. Plus on en sait à propos du fonctionnement de la police et des prisons, plus on peut transformer notre peur en préparation et en confiance en nous-même.

Avec ça en tête, observons plus en détail ce que signifie évaluer les risques. Ce qui importe ici est de le faire ouvertement et régulièrement puis de se focaliser sur comment rendre possibles les actions qu’on pense efficaces et appropriées. Ça peut être facile d’être dans un état d’esprit réticent au risque et de s’auto-policer encore plus de ce que l’État arrive à nous contrôler. Être explicites quant aux risques peut faire en sorte que ce soit plus facile de mettre l’accent sur le courage et les possibilités.

Si vous vous posez pour prévoir une manif, pensez au ton qu’elle prendra. Est-ce que vous l’imaginez calme et ordonnée ? Ou combative et incontrôlable ? Si la police tente de vous bloquer, est-ce que vous resterez passifs où est-ce que vous essaierez de leur rentrer dedans ? Est-ce qu’il y a des actions que vous seriez excités de voir advenir pendant la manif, mais qui risquent d’être criminalisées plus que le défilé en lui-même ? Ça peut être aussi basique que de poser des autocollants ou bien ça peut être de faire des tags ou de briser des vitrines. Est-ce que votre plan sera menacé si vous perdez l’élément de surprise ? Qui ne doit pas être mis au courant de ce plan ? Comment est-ce que vous allez joindre les personnes que vous devez contacter sans risquer que les mauvaises personnes aient vent de l’initiative ? Communiquer clairement à propos du ton que prendra une action peut aider les autres à élaborer des plans autonomes appropriés.

C’est important d’éviter le laisser-aller et de ne pas prendre les choses pour acquis. Voici un exemple de 2018 :

Les organisateur·trice·s d’un salon du livre anarchiste ont décidé d’appeler à une manif de nuit après l’événement. Iels avaient mis beaucoup d’énergie dans les autres aspects de la journée et ont négligé les risques de la manif, parce qu’iels avaient organisé un tas de manifs auparavant. Néanmoins, la manif a été beaucoup plus combative que toutes les autres et il y a eu beaucoup de dégâts matériels — iels n’avaient pas évalué explicitement les risques alors que l’heure du rendez-vous approchait. Iels n’avaient pas non plus pris en compte que le JIG se focalisant sur un sommet du G7 qui allait avoir lieu dans une autre province cet été-là, ça pouvait faire que des ressources policières additionnelles les cibleraient durant cette période. Du coup les pratiques de sécurité dans l’organisation de la manif n’étaient pas adaptées aux risques que l’action a fini par comporter et tous les organisateurs du salon du livre ont été accusé·e·s de conspiration.

Il s’agit d’un exemple extrême, mais des imprévus vont toujours advenir et c’est généralement une bonne chose, vu qu’on ne peut pas vraiment prévoir notre chemin vers les situations insurrectionnelles. Rester actif·ve dans notre évaluation des risques peut réduire les chances d’être pris par surprise. Mettre régulièrement en pratique une culture de la sécurité rigoureuse peut limiter les dégâts dans ce genre de situation. Dans cet exemple, une bonne sécurité informatique, une culture de non-coopération avec la police, une solidarité persistante et active, une bonne dissimulation des visages, et un refus d’abandonner ou de se soumettre ont fait que cette situation inattendue s’est avérée bien moins problématique qu’elle aurait pu l’être, et les peronnes ont surmonté la situation la tête haute.

Comme autre exemple, prenons le développement d’une organisation de masse, par exemple une organisation antifasciste. Quel genre de questions doit-on se poser pour évaluer les risques, même si aucune mobilisation n’est prévue ? De quel niveau de confiance a-t-on besoin entre nous par rapport au genre de choses que l’on veut faire ? On risque peut-être d’être infiltré par la police donc savoir qu’on est tou·te·s les personnes qu’on prétend être peut être important. On pourrait aussi être infiltré par l’extrême droite, auquel cas comprendre nos lignes politiques respectives et construire graduellement une confiance mutuelle via des actions qui augmentent doucement en intensité peut être une solution. Le principe de privilégier les rencontres en face-à-face plutôt que la communication en ligne rendra sans doute ces objectifs plus atteignables.

Si le but est de développer les actions pendant les manifs alors il est possible de discuter de discipline et de planification. Quelles sont les attentes des un·e·s envers les autres dans des situations tendues ? Il est difficile de respecter des attentes lorsqu’elles sont vagues, et plus facile d’agir intelligemment quand on a un plan clair et qu’on arrive à estimer si ce plan fonctionne ou pas. Développer de bonnes habitudes pour gérer des situations au sein d’un groupe a d’énormes conséquences en terme de sécurité lors des manifs — ce n’est pas la culture de la sécurité, mais c’est assez lié. Par exemple, les risques des manifs antifascistes peuvent inclure d’être trop peu nombreux·ses, être encerclé·e·s ou séparé·e·s, être suivi·e·s ou identifié·e·s par l’extrême droite ou par la police, subir des blessures inutiles ou se faire arrêter.

Quelques pratiques qui tiennent compte des risques lors des manifs :

  • Un nombre minimum de participants : l’action est annulée ou modifiée par un plan B de moindre intensité si le nombre de participants minimum nécessaire n’est pas atteint.
  • Des stratégies de fuite : à quel moment partir, comment le communiquer aux autres, où se séparer, comment éviter d’être suivis, comment vérifier que chacun·e est rentré à la maison sans problème ?
  • Des points de rassemblement : se regrouper avant de se rendre vers le site d’une action.
  • Des tactiques de rue appropriées : se positionner en deux lignes avec des rôles complémentaires par exemple.
  • Des pratiques de communication claires : comment communiquer dans la rue, est-ce que vous amènerez vos téléphones, quels noms utiliser entre vous ?
  • Un moment de débriefing : comment vérifier entre vous après l’action que tous sont en sécurité, se rassembler plus tard pour faire un retour sur l’action ou offrir du soutien.

Différents groupes vivent différentes expériences de culture de la sécurité et je ne tenterai pas de parler de tout. J’aimerais plutôt en partager quelques-unes dont j’ai fait l’expérience avec les gens qui m’entourent et qui nous ont réussi. Il s’agit de la vérification d’identité, du vouching, des cercles de confiance, des structures organisationnelles flexibles et du fait d’aborder les mauvaises dynamiques de façon proactive.

La vérification d’identité sert à établir qu’une personne est bien qui elle prétend être. Lors de la mobilisation contre l’oléoduc décrite plus haut, au moment où on a voulu passer à des actions directes plus intenses, on a eu besoin d’approfondir la confiance au sein du groupe. Parce qu’on parlait régulièrement de risques, on a compris que les pratiques de sécurité utilisées pour les manifs, les petites occupations et les événements de sensibilisation n’étaient pas adaptées à nos nouveaux objectifs. Comme on s’inquiétait du risque d’infiltration, on a décidé de vérifier les identités des uns et des autres. Par exemple, je pouvais inviter une personne à prendre un café et, sans prévenir, montrer ma carte d’identité et peut-être une photo de famille ou une photo de classe. Je pouvais lui dire que je voulais qu’iel puisse avoir confiance que j’étais réellement celle que je prétendais être parce que je voulais qu’on puisse mener ensemble des actions plus risquées. On discutait ensuite de ce que cette personne pourrait me montrer. Parfois, il s’agissait d’un coup de fil à son travail ou à un membre de sa famille en haut-parleur. Je pouvais ainsi entendre la voix de la personne à l’autre bout du fil donner des détails sur la vie ou le travail de la personne. D’autres fois, la pièce d’identité était suffisante. Parfois on s’est montré nos appartements respectifs. L’idée était que ce soit aussi mutuel que possible (ce qui est difficile, car en pratique, il y a toujours une personne qui initie le processus) et de se concentrer sur la construction de la confiance.

C’est inutile de faire de telles vérifications d’identité avec des personnes en qui on n’a pas confiance ou avec qui on ne se sent pas à l’aise de faire des actions risquées. Le but n’est pas de démasquer des flics mais d’approfondir notre confiance et notre assurance. Vérifier nos identités de cette façon devrait être un signe de respect.

Plusieurs facteurs peuvent venir compliquer ce processus. Par exemple, les gens qui ont immigré n’ont peut-être pas de famille à proximité ou le même type de documents. Souvent, les personnes queers et trans n’utilisent pas les noms inscrits sur leurs documents officiels et iels ne se sentent peut-être pas à l’aise de partager leurs noms légaux ou de vielles photos. Néanmoins, ce sont des éléments à prendre en compte et auxquels s’adapter, pas des raisons de faire des exceptions. Une flic infiltrée dans ma région prétendait fuir une relation abusive et a utilisé les pratiques de solidarité avec les survivant·e·s d’agression pour éviter de parler des détails de son passé. Notre inconfort quant aux sujets plus sensibles et complexes crée des angles morts qui peuvent être utilisés par celleux qui nous veulent du mal — on doit être courageux et trouver les moyens d’aborder cette complexité. On ne doit pas l’éviter.

Un·e ami·e qui a expérimenté les vérifications d’identité pense qu’il y a peut-être des moments où c’est OK d’être moins mutuel, lorsqu’on ne veut pas donner aux gens trop de contrôle sur le type de preuve à apporter. Iel met aussi l’accent sur le fait que les vérifications d’identité n’aident pas forcément dans le cas des balances (en opposition aux infiltrés) qui sont bien celleux qu’iels prétendent être, mais qui ont de mauvaises intentions. Il faut aussi prévoir quoi faire si quelqu’un ne peut ou ne veut pas jouer le jeu, ou si on découvre quelque chose qui nous fait ré-évaluer la confiance qu’on avait en la personne.

Le vouching est une technique pour intégrer de nouvelles personnes dans un groupe déjà existant ou dans un espace d’organisation. Tout comme nos autres pratiques, c’est mieux lorsque c’est explicite et fait de manière systématique. La première étape est d’avoir des bases de confiance claires au sein d’un groupe. La base de confiance peut être que les membres aient des idées compatibles et soient fiables. Ou alors de s’assurer que les membres sont bien ceux qu’ils prétendent être, qu’ils ne paniquent pas en cas de stress, qu’ils ont certaines expériences d’organisation et qu’ils sont à l’aise avec certains types d’actions. Peu importe cette base, le vouching c’est quand un ou plusieurs membres existants introduisent une nouvelle personne au groupe, et affirment que celle-ci correspond aux bases de confiance du groupe. Les autres membres doivent explicitement accepter ou rejeter ce vouch. L’aspect explicite du vouching évite le risque de faire implicitement confiance aux gens pour des raisons superficielles, par exemple parce qu’ils correspondent aux normes culturelles d’un milieu, parce qu’on présume de leur personnalité, ou parce qu’on présume que d’autres personnes leur font confiance.

Voici un exemple de vouch, c’est-à-dire d’assurances données par des membres existants du groupe vis-à-vis d’une nouvelle personne :

« Je connais cette personne depuis cinq ans, durant ce temps on a travaillé ensemble sur des projets publics et je lui fais confiance pour me soutenir dans des moments difficiles. Je suis allé dîner chez son père une fois et je suis souvent allé la chercher au travail. »

Voici un autre exemple :

« J’ai rencontré cette personne l’an dernier à un événement sur le changement climatique et on s’est vu plusieurs fois à des événements écolos depuis. On a souvent discuté de différents sujets et je l’aime bien. Je sais qu’elle cherche à gagner en expérience dans l’organisation d’actions et je crois que ça pourrait fonctionner avec nous. »

Une exception au fait d’être explicite sur les raisons qu’on a de faire confiance à quelqu’un est de ne pas briser les « Deux Jamais ». Si vous organisez des actions clandestines, inviter de nouvelles personnes ou présenter un groupe à un autre est délicat : le vouching reste une bonne idée mais il est important de ne pas parler des actions auxquelles une personne a participé afin de ne pas la mettre en danger. Comme il est nécessaire d’avoir une forte base de confiance pour faire ce type d’actions, il est possible de faire confiance au jugement de quelqu’un sans demander de détails d’actions spécifiques.

Les cercles de confiance sont surtout destinés aux réseaux informels et à l’organisation sur des bases affinitaires (ce qui correspond à la plupart de mes expériences d’organisation). Cette technique consiste à écrire les noms des individus dans votre réseau autour d’un cercle puis à tracer différents types de lignes entre ceux-ci pour symboliser les types de relations qu’ils ont entre eux. Une ligne continue pourrait représenter une relation forte et basée sur la confiance. Une ligne brisée pourrait signifier un certain niveau de confiance et une ligne pointillée que vous ne vous connaissez pas bien. Ce processus collaboratif peut en dire long sur les dynamiques de groupe et visibiliser les liens qu’il faudrait renforcer pour développer de la confiance.

Ça peut révéler que seule une personne a des relations fortes avec tout le monde et que les autres liens sont moins solides. Cela voudrait dire qu’il y a un travail à faire pour équilibrer le réseau, ce qui le rendrait aussi plus résistant (au cas où cette personne est arrêtée ou simplement tombe malade ou fait un burn out) et plus égalitaire, car la capacité à lancer des projets est liée au nombre de personnes qui font confiance à la personne qui les lance. Cet exercice peut également montrer qu’il y a quelqu’un en qui personne ne fait confiance.

Souvent, un infiltré se rapproche d’un premier milieu, puis utilise les noms des contacts établis au sein celui-ci pour se rapprocher d’un deuxième milieu. Le vouching et les cercles de confiance protègent bien contre ça. Au-delà de démasquer les individus hostiles, les cercles de confiance nous permettent de renforcer nos réseaux en transformant ces lignes brisées en lignes continues autant que possible.

Les structures organisationnelles flexibles permettent à nos luttes de s’adapter aux besoins de différents types d’activité. L’organisation informelle sur des bases affinitaires est un modèle développé pour répondre à ce besoin. Dans un réseau informel (c’est-à-dire sans structure fixe), les individus communiquent leurs idées et leurs intentions puis des groupes affinitaires se forment autour d’un projet quelconque ou d’un désir partagé d’intervenir sur des bases communes. La force de ce modèle est qu’il est très facile d’initier des projets avec des degrés de risques variés, chacun avec sa culture de la sécurité adaptée. Cela implique aussi qu’il n’y ait que les gens concernés qui connaissent les détails ou les personnes impliquées, à moins qu’il en soit décidé autrement.

Une flexibilité semblable peut être incorporée dans d’autres modèles d’organisation. La clé est de respecter et de légitimer les initiatives individuelles, en n’exigeant pas que chaque activité soit approuvée par une entité centralisée. Une autre clé est le respect de la liberté d’association : considérer comme normal de travailler en petits groupes choisis aux côtés de groupes plus larges ayant des structures plus ouvertes. Ça peut ressembler à des comités ou à des groupes de travail ayant la capacité de définir leurs propres critères de participation. Ça peut aussi être d’être ouvert à certains éléments de l’organisation affinitaire décrite plus haut ou d’être explicite quant à quelles informations partager à qui.

Enfin, aborder les mauvaises dynamiques de façon proactive est généralement une bonne habitude à avoir, mais c’est si important en terme de sécurité qu’on devrait insister dessus dans chaque conversation sur la culture de la sécurité. De nombreuses dynamiques peuvent éroder la confiance et rendre l’organisation plus difficile. Par exemple le bullying (harcèlement, brimades), ou les comportements oppressifs enracinés dans le patriarcat ou la suprématie blanche. Un autre exemple est la centralisation des ressources et des contacts, qui fait que les projets ne peuvent être initiés que par certaines personnes. Ou encore de dire du mal des autres dans leur dos, de se vanter, ou de briser les « Deux Jamais » en posant des questions à propos des activités criminelles d’autrui. Quiconque ayant été impliqué dans un milieu militant peut facilement lister les mauvaises dynamiques qui s’y trouvent.

Comme je l’ai dit plus haut en parlant des difficultés liées à la vérification d’identité, nos difficultés liées aux mauvaises dynamiques et à l’oppression dans nos milieux sont des points faibles que la police et le renseignement connaissent de plus en plus. J’ai mentionné la flic qui prétendait fuir une relation abusive pour s’immiscer dans la vie des gens (elle avait même intégré la coloc d’une personne). Une autre expérience d’infiltration impliquait un flic dans la quarantaine à la peau foncée. Lorsque les gens parlaient de comment celui-ci les mettait mal à l’aise (entre autres pour avoir brisé les « Deux Jamais »), il arrivait à détourner ces préoccupations en répondant qu’ils étaient racistes envers lui. Il a trouvé du soutien chez un groupe d’activistes antiracistes dans une autre communauté que celle qu’il ciblait principalement et il a réussi à résister à plusieurs tentatives pour l’expulser des espaces d’organisation. Il a fini par témoigner dans un dossier qui a envoyé six personnes en prison. Il a certainement vécu du racisme dans notre milieu, ce qui, combiné à sa manipulation cynique de l’antiracisme, devrait nous pousser à examiner les faiblesses de nos politiques antiracistes. Avoir des politiques claires sur le racisme, les oppressions de genre et d’autres oppressions (c’est-à-dire être à l’aise de discuter de nos analyses sur ces sujets) ainsi que des pratiques pour adresser ces sujets de front quand ils surviennent peut réduire les chances de réussite de telles stratégies d’infiltration.

Il peut y avoir plein de raisons de ne pas faire confiance à quelqu’un, et plein de comportement prédateurs qui n’impliquent pas qu’une personne soit un flic infiltré. Le cas de Brandon Darby en est un exemple. Dans le texte « Pourquoi les misogynes font des super indics », les auteur·ice·s affirment que les gens auraient dû faire plus d’efforts pour aborder les comportements très sexistes de Darby avant même qu’il commence à coopérer avec le FBI et qu’il piège plusieurs personnes. Darby est un exemple extrême, mais il arrive très souvent dans notre milieu que des gens se sentent mal à l’aise à cause de comportements patriarcaux. Parfois, les gens vont développer des soupçons envers ceux qui ont ces comportements, ce qui est compréhensible, mais c’est une erreur de chercher des infiltrés lorsque ce qui est devant nos yeux, c’est du sexisme : les comportements destructeurs doivent être abordés en tant que tels. Et si ça nous aide contre des indics comme Darby, tant mieux.

Un mot sur les organisations de masse formelles. Ces organisations sont souvent imperméables aux débats sur la culture de la sécurité car elles associent ces débats à des modes d’organisation qui ne leur correspondent pas. La culture de la sécurité peut être perçue comme une critique générale de leurs organisations plutôt que comme un moyen de les renforcer. Certaines des pratiques ci-dessus ne s’appliquent peut-être pas aux organisations de masse formelles, mais j’argumenterais que tous les principes généraux s’appliquent. En fait, je crois que si de telles organisations font attention à leurs modes de fonctionnement, elles verront certaines de ces pratiques y existent déjà.

Par exemple, dans les sections du IWW, il est fréquent de s’organiser en secret au sein d’un lieu de travail. Parfois des noms de code sont utilisés, et seules des informations générales sont rendues publiques. Il est aussi fréquent pour de telles organisations d’assigner des petits comités à certaines tâches comme l’organisation d’une manif, et les réunions de ces comités ne sont pas forcément ouvertes aux personnes non-impliquées, ou bien des moyens de communication spécifiques sont utilisés pour éviter les grosses listes mail et les réseaux sociaux.

Ce que je suggère, c’est que des conversations explicites à propos des risques et de la sécurité soient incorporées dans les différents projets menés par ces organisations. La formation de comités autonomes qui décident de leurs propres pratiques de sécurité est une étape importante, tout comme accueillir des initiatives individuelles par des membres qui s’associent sur des bases affinitaires. C’est-à-dire que la structure doit être assez flexible pour accommoder différentes formes d’organisation pour différents types d’activité.

Certaines objections à la culture de la sécurité viennent souvent de celleux qui utilisent des réseaux sociaux comme le populaire Facebook. J’aimerais apporter quelques critiques de l’organisation par Facebook et proposer une manière pour les grosses organisations qui en dépendent de faire autrement.

Le point crucial est que les réseaux sociaux contrôlés par des entreprises réduisent les possibilités d’organisation. Puisque s’organiser par ces réseaux est à peu près aussi privé que de s’organiser dans la salle d’attente d’un commissariat (chose qui est largement admise de nos jours), il y a des limites strictes à ce qui peut y être discuté. Ce qui veut dire que si on est dépendants de Facebook parce que c’est notre principal moyen d’organisation, les limites de ce qui peut être pensé et planifié deviennent nos propres limites. Ce genre de désarmement préventif est une vraie position de faiblesse.

Sur de telles plateformes, on prend aussi le risque d’être submergé de réactions hostiles. On ne peut pas contrôler comment nos actions seront reçues, et parfois nos actions ne sont pas très populaires — après tout, on veut un monde sans capitalisme organisé sur des bases radicalement différentes. Les réactions sur Internet après une action impopulaire peuvent être déstabilisantes. Lors d’une récente mobilisation antifasciste dans ma ville, l’extrême-droite et les médias de masse ont réussi à provoquer un contre-coup contre les antifascistes qui a inondé les réseaux sociaux de menaces et de colère. Les antifascistes dépendaient fortement de Facebook pour s’organiser et iels ont dû faire face à un choix : rester hors ligne et éviter le contre-coup, mais être isolés de leurs camarades ou aller en ligne et discuter avec les gens, mais en ayant des conversations dominées par le stress et l’hostilité. Cette dynamique rend la lutte moins résiliente et notre travail plus perturbable par la mauvaise presse.

Le contrôle des plateformes par les entreprises est un autre problème. Facebook est une entreprise énorme et riche dont les intérêts sont opposés aux nôtres — ce qui est bon pour nous est mauvais pour elle. Si on dépend de ses infrastructures, elle est capable de nous faire taire à n’importe quel moment pour n’importe quelle raison. De telles entreprises sont très sensibles à la pression du public. On n’a pas besoin de réfléchir longtemps pour trouver des exemples de projets qui sont devenus impopulaires et qui ont perdu leurs pages et ainsi, leur capacité à communiquer avec leur base. Si on est trop dépendants de ces entreprises, ça peut être un désastre. Demandez-vous ce que vous feriez si toutes vos pages et vos comptes disparaissaient ce soir — comment est-ce que vous vous organiseriez demain ?

Il y a aussi le problème de la surveillance, qui ne devrait pas être controversé. Tout ce qui est écrit sur Facebook est sauvegardé pour toujours dans une base de données à laquelle la police peut avoir accès en tout temps. Facebook (tout comme Google et d’autres) vous traque et espionne vos appareils. Ces données sont également accessibles aux agences de renseignement et de sécurité. Ce n’est pas une théorie, ça a été prouvé à maintes reprises, et des accusations contre des militants basées sur ces données sont de plus en plus courantes en Europe et en Amérique du Nord ces dernières années.

Ma proposition pour les réseaux sociaux est la suivante. Privilégier les rencontres en face-à-face. Se rencontrer régulièrement si possible, ainsi le prochain rendez-vous est déjà prévu au cas où la communication en ligne soit perturbée. Quand on utilise les réseaux sociaux, demandons-nous si c’est vraiment nécessaire si c’était possible d’utiliser un autre moyen de communication. Je vous encourage à voir un réseau social comme un mégaphone, une façon d’amplifier votre voix. Ce n’est pas comme dans un salon où on discute et on apprend à connaître les gens. Utilisez ces réseaux pour promouvoir, annoncer, disséminer, mais ayez vos conversations ailleurs. Dans les luttes auxquelles je participe, on efface presque tous les commentaires des pages qu’on administre et on les déplace vers d’autres plateformes dès qu’on les reçoit. On utilise des comptes partagés quand c’est possible et on limite notre dépendance aux comptes liés à des informations personnelles. Peut-être que vous ne voulez pas aller aussi loin, peut-être que vous voulez aller plus loin, mais c’est en tout cas une façon d’utiliser la puissance des réseaux sociaux tout en évitant leurs principaux désavantages.

L’évolution de nos usages des réseaux sociaux peut se faire graduellement, en observant ces usages de manière critique et en les déplaçant petit à petit vers d’autres platformes, ou mieux, en les transformant en rencontres en face-à-face. Ça a pris du temps pour que tant d’aspects de nos vies soient capturés par ces entreprises dégueu, et développer de nouvelles habitudes et cultures de luttes qui résistent à ces entreprises nous prendra peut-être beaucoup de temps aussi.

Enfin, parlons un peu de sécurité informatique. Le sujet est complexe et c’est facile de s’embourber. Néanmoins, il y a quelques règles simples que l’on peut suivre pour améliorer notre sécurité informatique. Voici trois points.

Un : Utilise le chiffrement de bout en bout à moins que tu aies une raison de ne pas le faire. Cette technologie peut être compliquée, mais de nos jours plusieurs applications de messagerie la rendent très accessible. Je recommande Signal, de Open Whisper Systems, même si WhatsApp utilise le même type de protocole de chiffrement, mais sans protection des métadonnées. L’inconvénient est que ce ne sont pas des logiciels multiplateformes, alors qu’avec PGP, puisque c’est possible de copier-coller des blocs de textes, on peut l’utiliser avec tout — les différents clients de messagerie, Facebook, Twitter et même les messages textes. Mais c’est plus difficile de se mettre à PGP et l’expérience a démontré que les gens ne sont pas prêts à faire beaucoup d’efforts pour leur sécurité informatique.

Deux : Chiffre les données là où elles sont enregistrées. À moins d’avoir une raison de ne pas le faire, tu dois immédiatement chiffrer ton téléphone (Android a une option pour ça, de nombreux iPhones sont chiffrés par défaut). Pour les données enregistrées sur les ordinateurs, les disques durs externes, les clés USB ou en ligne, je recommande VeraCrypt. Ça te permet de faire des « boîtes » chiffrées où tu mets tes fichiers. Par contre, ça ne t’aidera pas si ton chiffrement est déverrouillé au moment où ton ordinateur est saisi. Si tu penses que tu risques d’être arrêté, ne circule pas entre différents endroits avec ton téléphone (chiffré) allumé. Envisage de récupérer un vieux réveille-matin. Ainsi, tu peux éteindre ton téléphone et ton ordinateur pendant la nuit (ce qui ré-active le chiffrement, typiquement désactivé au démarrage), particulièrement si tu risques d’être perquisitionné. Fais des sauvegardes de tes données et garde-les dans un autre lieu.

Trois : Dissimule ton identité en ligne lorsque c’est possible. Ton adresse IP est visible par tous les sites web et les services que tu utilises et relie tes activités du point de vue de ton fournisseur d’accès à Internet et de l’État, même si tu utilises la « navigation privée ». Je recommande l’utilisation de Tor pour toute navigation ou recherche. Les réseaux sociaux d’entreprises bloquent généralement Tor (Reddit est une exception et Twitter te laissera utiliser Tor si tu le leur demandes), donc si tu essaies d’avoir un compte anonyme sur ces réseaux, une option est d’utiliser un VPN — il y en a un gratuit et disponible chez Riseup pour l’usage des anarchistes et des militants.

Beaucoup plus de choses peuvent être faites pour la sécurité informatique, mais ces trois étapes sont déjà un bon début. Il y a quelques années, la police a fait une perquisition chez nous. Ils ont saisi une quinzaine d’ordinateurs portables et de téléphones ainsi que plusieurs clés USB et disques durs. Parmi tout ça, un seul ordinateur portable n’était pas chiffré car il était resté allumé. Mais sur tout le reste, aucune information n’a pu être récupérée. Les historiques des SMS et des appels qui été obtenus via nos opérateurs téléphoniques n’ont rien révélé puisqu’on utilise le chiffrement de bout en bout avec un service qui protège les métadonnées. On utilise pas les réseaux sociaux ou Google pour communiquer. Lorsqu’ils ont fait des recherches sur ces plateformes, ils n’ont rien trouvé. Ces pratiques de sécurité informatique fonctionnent lorsqu’elles sont appliquées correctement et de façon constante. Il y a une vraie différence entre les appliquer et ne pas les appliquer, en terme de résultat. Ces méthodes nous mettent en confiance lorsqu’on se lie aux autres et contribuent à construire la confiance.

Merci de votre lecture! Ce texte est plus long que prévu, mais j’espère qu’il a été utile. Je l’ai écrit car il n’y a pas une tonne de bonnes ressources à propos de culture de la sécurité. J’espère que ça inspirera les gens à discuter de quelles pratiques sont appropriées pour elleux, animés par un esprit d’assurance, de courage, de liens et de confiance. Par nos actes, gardons le cap sur le monde qu’on tente de créer plutôt que de craindre les mouvements de nos ennemi·e·s. Bonne chance !

Un siècle de luttes LGBTQ+ au « Québec »

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Jan 202020
 

De Archives Révolutionnaires

Ce texte propose un récit des luttes des personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles, trans, queers et plus largement non-hétéronormées (LGBTQ+). Loin d’être exhaustif, il tente de mettre en valeur les épisodes de lutte les plus marquants du siècle dernier. Ce texte se concentre sur les luttes LGBTQ+ des personnes allochtones vivant sur le territoire connu comme le Québec. En raison des rapports de genre spécifiques aux peuples autochtones, nous laisserons de côté les rapports sociaux de genre au sein des communautés des Premiers peuples au sujet desquels les Autochtones s’expriment eux-mêmes. Toutefois, nous traiterons des luttes LGBTQ+ autochtones qui furent menées contre les structures coloniales. Nous tenons compte des luttes réformistes, notamment pour l’obtention de droits, car elles ont été et demeurent importantes dans la vie quotidienne d’un grand nombre de personnes. Pourtant, ce sont surtout les luttes LGBTQ+ à caractère révolutionnaire, notamment celles qui prirent en compte l’intersection entre plusieurs oppressions (classe, genre, race, etc.) ou qui ont proposé une critique radicale des rapports sociaux genrés qui retiennent notre attention ; ceci en raison de nos propres sensibilités et parce que nous croyons qu’elles sont plus à même d’éclairer les luttes actuelles. Notons enfin que dans ce texte, nous utiliserons les expressions choisies pour se définir ou se nommer par chacun des groupes en lutte selon les époques où ils étaient actifs.

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Dès le XVIIe siècle, en continuité avec ce qui se fait en Europe, on voit en Nouvelle-France des procès pour sodomie, alors considérée comme un crime grave et une pratique contre nature. Si nous ne conservons aucune trace des lieux de rencontres homosexuelles de cette époque, on sait qu’ils existaient en vertu de procès tenus à l’époque, notamment celui de trois soldats en 1691. Dans les décennies suivantes, toute forme d’homosexualité continue d’être réprimée, qu’elle soit de nature sexuelle ou présumée comme telle. Cette situation perdure aux XVIIIe et XIXe siècles, comme le démontre par exemple le procès pour homosexualité, intenté à Montréal en 1839, aux apprentis Thomas Clotworthy et Henry Cole. L’homosexualité sera donc considérée comme un crime tant en Nouvelle-France selon le droit de l’Ancien Régime que sous le Régime britannique selon le droit coutumier anglais.

Gravure du Champ-de-Mars, Montréal, 1869.

C’est à la fin du XIXe siècle que l’on voit apparaître à Montréal des lieux de rencontre pour les homosexuels, dont les plus connus servaient aux hommes. Le parc du Champ-de-Mars, situé derrière l’hôtel de ville, sert notamment de lieu de rencontre dans les années 1880. Durant les mêmes années, l’île Sainte-Hélène sera aussi un lieu de fréquentation pour les homosexuels. Notons par contre que ces lieux sont fréquemment visités par des policiers et que les homosexuels y sont souvent arrêtés, ce qui leur vaut des peines de fouet et d’emprisonnement. Un premier club pour homosexuels est recensé au début du XXe siècle : il s’agit du club du docteur Ulric Geoffrion, situé au 1219 de la rue Sainte-Catherine est à Montréal. Le docteur et ses amis s’y retrouvent pour y vivre leur homosexualité dans une certaine liberté. On sait que les homosexuels qui fréquentent le club y pratiquent un amour libre tout en s’entraidant, notamment à trouver des emplois. Le club est fermé par la police en 1908 et le docteur Geoffrion condamné à quinze ans d’emprisonnement. À cette époque, on voit une prise en charge de l’homosexualité par la médecine qui la traite comme une maladie, avec en parallèle la poursuite de la criminalisation des pratiques non-hétérosexuelles.

En 1917, un club littéraire et artistique voit le jour autour d’Elsie Gidlow (1898-1986), animé par des personnes homosexuelles (dont Roswell George Mills qui tient la chronique du cœur au Montreal Daily Star et Marguerite Desmarais, une femme mariée qui vit son lesbianisme en parallèle). Le groupe réfléchit à la liberté sexuelle en lisant les travaux du sexologue Havelock Ellis et les écrits du militant pour les droits des femmes et des homosexuel.les, Edward Carpenter. Le groupe, officiellement littéraire, a de fait des intérêts plus larges avec entre autres la publication d’une petite revue sous le nom de Coals from Hales, plus tard renommée Les Mouches fantastiques. C’est la première revue en Amérique du Nord qui aborde ouvertement les questions de l’homosexualité masculine et du lesbianisme. Par ailleurs, le groupe valorise l’art libre et s’oppose à la Première Guerre mondiale dans une perspective libertaire. Le groupe se délitera avec le départ d’Elsie Gidlow et de Roswell G. Mills pour New York en 1920, puis pour la Californie en 1926. Elsie Gidlow change son prénom pour Elsa et devient une auteure célébrée, publiant le premier recueil moderne de poésie ouvertement lesbien, On a Grey Thread en 1923. Elle sera une inspiration pour les auteures lesbiennes des décennies suivantes et sera connue en dehors des cercles lesbiens grâce à son autobiographie parue peu avant sa mort en 1986.

Elsa Gidlow en 1925.

À partir des années 1920, le lieu de sociabilité homosexuelle principal de Montréal, fréquenté surtout par des hommes, sera la rue Saint-Laurent (la Main) à Montréal. Les personnes homosexuelles y fréquentent les bars et les cinémas, dont le Midway et le Crystal pour s’y retrouver discrètement. Entre les années 1950 et 1970, les lesbiennes ouvrières se retrouvent au bar Les ponts de Paris, rue Saint-Charles. Pourtant, après l’effervescence sociopolitique engendrée par Elsie Gidlow au tournant des années 1920, on voit peu d’organisation politique homosexuelle au Québec. Face à la criminalisation de l’homosexualité, les communautés s’organisent plutôt de manière à vivre leurs expériences homosexuelles (relativement) en paix. La résistance se pratique dans l’ombre, alors que la solidarité reste la clé de voûte pour que les lieux de rencontre et de fêtes homosexuelles puissent exister. C’est par une alliance entre le crime organisé, propriétaire des bars, et leurs liens avec la police que les lieux de rencontre des homosexuel.les peuvent demeurer en activité et éviter les descentes de police trop fréquentes. S’il n’y pas de groupes politiques regroupant les femmes et hommes homosexuel.les, il existe cependant une auto-organisation par la base, discrète, mais efficace.

Le Casa Loma est un cabaret fréquenté par les lesbiennes de Montréal dans les années 1950.

Au sortir du contexte difficile des années 1930-1950, dans un Québec catholique et très conservateur, les homosexuels, lesbiennes et drags de Montréal doivent affronter un nouvel ennemi : Jean Drapeau, maire de 1954 à 1957, puis de 1960 à 1986. Jean Drapeau multipliera les opérations de nettoyage de la ville, visant à persécuter les personnes des communautés homosexuelles et à les faire disparaître de l’espace public. Notons qu’il applique des politiques semblables aux personnes pauvres, en faisant par exemple ériger un mur sous le pont Jacques-Cartier afin de cacher la population du quartier Centre-Sud de la vue des touristes venus pour les Jeux olympiques de 1976 ! La même année, Drapeau s’attaque également aux artistes en faisant démolir une exposition d’art publique mise sur pied pour les Olympiques au centre-ville de Montréal ; ce saccage commis au nom de la lutte contre l’indécence sera connu comme l’Affaire corridart.

Les résistances politiques homosexuelles commencent à s’organiser dans les années 1960 et se multiplieront après 1970. Avant l’apparition des organisations politiques gaies et lesbiennes, les hommes gais se retrouvent dans les clubs de culturisme et diffusent des images d’hommes nus dans des revues sportives. Si ces revues sont mal vues par les autorités, elles n’en donnent pas moins une visibilité aux corps des hommes et expriment une certaine homophilie, sinon une homosexualité à peine voilée. Les lesbiennes et les personnes trans continuent de se fréquenter sur la Main à Montréal, mais n’auront pas la même visibilité que les hommes. L’effervescence de cette culture trans et travestie sur la Main durant les années 1960 est célébrée dans les œuvres de Nicole Brassard et de Michel Tremblay.

La répression frappe au même moment les communautés homosexuelles et trans aux États-Unis. Les descentes dans les bars fréquentés par les gais et les lesbiennes sont courantes, ainsi que les arrestations et les passages à tabac. Ainsi, le soir du 28 juin 1969, plusieurs dizaines d’agents font une descente dans le bar du Stonewall Inn fréquenté par des personnes gaie et trans, majoritairement portoricaines et noires, dans Greenwich Village à New York. Mais cette fois, les client.es refusent de se faire humilier et de se soumettre aux arrestations. Elles et ils répliquent aux policiers et une bagarre s’en suit. Les policiers se retrouvent alors eux-mêmes coincés dans le bar, entourés par une foule de gais, lesbiennes et trans. Bientôt, plus de 2 000 personnes attaquent les policiers (qui réussiront à s’enfuir) avant de se lancer dans une nuit d’émeutes. Les émeutes de Stonewall auront un impact immédiat à travers le monde. À New York, dans la foulée de ces émeutes, deux collectifs militants gais et trois journaux sont mis sur pied, ainsi que l’organisation trans Street Transvestite Action Revolutionaries (STAR). Au Québec, le souffle libérateur de Stonewall inspirera la création du Front de Libération Homosexuel et le premier défilé de la Fierté gaie.

Le contingent lesbien de la manifestation de la Semaine de la Fierté Gairilla, le 16 juin 1979 (photo de Denis Plain).

Le gouvernement de Pierre Elliot Trudeau choisit cette même année 1969 pour « décriminaliser » l’homosexualité. Pourtant, cette décriminalisation est très partielle et ne règle pas la discrimination légale et sociale envers les personnes homosexuelles. En fait, la loi permet seulement les rapports homosexuels entre partenaires consentants de 21 ans et plus, et uniquement dans des lieux privés, cachés à la vue d’autrui. De plus, seuls deux règlements sont abrogés, ce qui laisse en place de nombreuses infractions (notamment celle de l’atteinte à la pudeur) qui peuvent toujours être utilisées contre les personnes homosexuelles. La répression politique et surtout policière sera d’ailleurs accentuée durant toutes les années 1970-1980, jusqu’aux années 2000. Ce changement au Code criminel par le gouvernement libéral vise en fait à régler, partiellement et de manière personnaliste, un problème politique : celui du droit plein et entier à la liberté et à la dignité pour les personnes non-hétéronormées.

Il est intéressant de noter que le gouvernement canadien tente, au même moment, de régler les revendications des peuples autochtones également par une politique personnaliste, à savoir la municipalisation des réserves. Dans les deux cas, le gouvernement tente de désactiver des demandes politiques par des législations portant uniquement sur les individus. Si la politique concernant les peuples autochtones est abandonnée sous la pression des Premiers peuples, les changements au Code criminel concernant l’homosexualité seront célébrés… S’ils apportent quelques avantages aux homosexuels, il n’en reste pas moins que ces changements ne répondent pas aux exigences politiques de la situation, comme le démontre la poursuite des luttes par les groupes LGBTQ+. C’est ce que tentent d’expliquer aujourd’hui le militant Gary Kinsman et le mouvement Anti-69, en recontextualisant les changements apportés au Code criminel en 1969 et en soulignant leur insuffisance, surtout pour les lesbiennes, les trans, et les personnes racisées et des classes pauvres.

Les personnes qui créent le Front de Libération Homosexuel (FLH) ne se font d’ailleurs pas d’illusion sur leurs droits acquis et savent que la lutte est loin d’être terminée. Fondé au printemps 1971, le FLH est le premier groupe militant gai et lesbien francophone au Québec. Le FLH est issu notamment de la revue contre-culturelle Mainmise qui avait publié, en décembre 1970, une traduction du Gay Manifesto de Carl Wittman. Après quelques mois d’existence, le FLH rassemble plus de 200 membres qui sont présents lors de manifestations, notamment celle contre la fête de la Confédération du 1er juillet 1971. Le FLH adopte en effet, comme pour la plupart des organisations de gauche francophones de l’époque, une pensée nationaliste québécoise (d’où son nom rappelant celui du Front de Libération du Québec). Dans son discours lors de la manifestation du 1er juillet, Denis Côté, membre du FLH, s’adresse à la foule réunie dans un parc et déclare que la libération du Québec se fera avec la collaboration de tous, mais qu’il faut d’abord se libérer soi-même avant de libérer le Québec. Le FLH se trouve rapidement un local, situé au 2065, rue Saint-Denis à Montréal. Ce local est fermé par l’administration municipale du maire Jean Drapeau dès le 23 janvier 1972, sous prétexte qu’il n’est pas sécuritaire. Au mois de juin suivant, le FLH déménage au 269, rue Sainte-Catherine Est. Mais dès la fête d’ouverture devant financer le nouveau local, une descente mène à une quarantaine d’arrestations. Démoralisés et divisés quant aux orientations politiques de l’organisation, les membres du groupe décident de dissoudre le FLH à l’été 1972.

 Montréal, vers 1972.

En 1972, un nouveau groupe, Gay McGill, émerge à Montréal. C’est le premier groupe politique gai universitaire. Il tente de réfléchir les multiples oppressions auxquelles font face les groupes minoritaires au Québec et tente de fournir une analyse politique de la situation des personnes homosexuelles. Le groupe rencontre pourtant des contradictions internes et en 1973, dénonçant le sexisme des hommes dans cette organisation, les lesbiennes créent leur propre groupe, le Montreal Gay Women (MGW). Les femmes du MGW publient des textes et organisent des évènements. Elles gagneront beaucoup en visibilité en participant à la revue lesbienne canadienne Long Time Coming (1973-1976). Le FLH et le MGW ont en commun la lutte pour la dignité des personnes homosexuelles, la lutte pour les droits formels et pour la reconnaissance sociale, la fin de la discrimination et le droit d’exister en public. Ces groupes sont fortement politisés et lient les luttes homosexuelles aux luttes sociales en cours. Notons aussi qu’en 1973, la librairie homosexuelle l’Androgyne ouvre à Montréal ; elle demeurera en activité jusqu’en 2002.

Pourtant, la répression politique persiste, notamment à Montréal. Des descentes fréquentes ont lieu dans les espaces de rencontres homosexuels en vertu de la loi sur les maisons de débauche. Un Comité homosexuel anti-répression (devenu depuis l’Association pour les droits des gai(e)s du Québec) est mis sur pied en 1976 et il organise cette année-là la première manifestation uniquement LGBTQ+ de Montréal. Mais cela n’empêche pas l’administration Drapeau de poursuivre ses attaques. En octobre 1977, c’est le bar gai Truxx à Montréal qui est visé par les policiers. Cette fois, la communauté riposte par une manifestation de 1 500 à 2 000 personnes et par des affrontements avec la police. Devant un tel soulèvement de la part de la communauté LGBTQ+, le gouvernement du Québec finit par réagir en votant la Loi 88, interdisant la discrimination basée sur l’orientation sexuelle, puis il amende sa nouvelle Charte des droits et libertés de la personne pour y inclure cette interdiction.

Au tournant des années 1980, en vertu d’une combinaison de facteurs, dont les plans d’urbanisme de la ville de Montréal, l’épidémie du VIH et les intérêts de commerçants (dont plusieurs sont malheureusement liés au crime organisé), un secteur de l’est de la rue Sainte-Catherine est progressivement dédié aux activités gaies. Ce secteur, qui sera connu comme le Village, se situe dans le quadrilatère formé par les rues Atateken (anciennement la rue Amherst), Ontario, Papineau et le boulevard René-Lévesque au sud. À partir de ce moment et jusqu’à aujourd’hui, le Village concentre de nombreuses activités dédiées aux communautés LGBTQ+ qui peuvent s’y retrouver et s’y organiser, tout en évitant partiellement la stigmatisation. Cela entraînera à moyen terme une conflictualité interne au sein de groupes LGBTQ+, certains trouvant que l’instauration d’une zone de concentration gaie, sociale et économique (potentiellement perçue comme une zone d’exclusion) n’est pas la solution à l’oppression dont est toujours victime la communauté LGBTQ+ dans la vie de tous les jours.

Le grand combat des communautés LGBTQ+ durant les années 1980 devient celui contre le VIH / SIDA et la stigmatisation qui accable les personnes gaies, lesbiennes et trans associées par la société dominante à ce virus. Les groupes les plus touchés par le VIH / SIDA au début des années 1980 au Québec sont les communautés haïtienne, toxicomane et LGBTQ+. Ces communautés, déjà marginalisées, sont d’autant plus discriminées en raison de l’apparition de cette maladie. La résistance des autorités médicales à offrir des traitements adéquats renforce la mortalité et la stigmatisation de ces communautés. Les communautés haïtiennes et LGBTQ+ s’auto-organisent, notamment avec des campagnes de safer-sex (informations concernant les pratiques sexuelles sécuritaires et distributions de condoms, entre autres). Le Comité SIDA-Aide Montréal (CSAM) est ainsi l’un des premiers groupes à s’organiser, dès 1983, grâce à des bénévoles gai.es et des infirmières de la communauté haïtienne. En 1987, le Groupe d’Action pour la Prévention du SIDA (GAP-SIDA, maintenant GAP-VIES) est créé par la communauté haïtienne. Lors du Ve Congrès international sur le SIDA, tenu à Montréal en 1989, une grande manifestation organisée par le chapitre montréalais d’ACT UP a lieu. Les manifestant.es dénoncent le sous-financement de la lutte au VIH / SIDA et mettent en valeur le racisme et l’homophobie comme les causes de ce sous-financement. Un nouveau traitement développé en 1995-1996 vient ralentir l’épidémie, alors que la majorité des personnes atteintes sont désormais prises en charge par le système de santé. Pourtant, les personnes marginalisées, itinérantes, sans-papiers ou désœuvrées restent sans traitement et continuent de mourir dans l’ombre. Par ailleurs, une recrudescence du VIH / SIDA a lieu depuis quelques années chez les jeunes de la communauté LGBTQ+ qui n’ont pas connu les terribles années 1980-1990.

Une figure marquante de cette époque est Laurent McCutcheon (1942-2019). Militant gai depuis les années 1970, McCutcheon préside l’association de soutien aux personnes LGBTQ+ Gai Écoute de 1982 à 2013. Il crée en 2000 la Fondation Émergence, à l’origine de la Journée nationale contre l’homophobie (lancée en 2003) qui deviendra un évènement international. Il lutte aussi pour les droits des personnes atteintes du VIH / SIDA et plus tard, pour la reconnaissance des unions entre personnes de même sexe au tournant des années 1990-2000.

Si un premier député néodémocrate fédéral se déclare ouvertement gai en 1988, les discriminations et les violences se poursuivent contre les personnes non-hétérosexuelles. Ainsi, le militant pour les droits des LGBT et contre le VIH / SIDA Joe Rose (1965-1989) est assassiné par quatre adolescents, le 19 mars 1989, dans un autobus de Montréal. Ce meurtre sordide galvanisera la communauté LGBTQ+, notamment par la fondation d’un chapitre montréalais de l’organisation ACT UP qui milite pour les droits des personnes atteintes du VIH / SIDA et par des réactions défensives vigoureuses face aux attaques policières qui se poursuivent toujours à cette époque.

Descente policière au Sex Garage, Montréal, 1990.

En juillet 1990, une descente brutale a lieu au Sex Garage de Montréal. Les personnes présentes ne se laissent pourtant pas faire et la bagarre éclate entre policiers et client.es du bar. Mais les policiers ont vite fait de « rétablir l’ordre ». Ils profitent de la situation pour passer à tabac et arrêter des dizaines de personnes. Le lendemain, une manifestation puis un sit-in rassemblent plus de 400 personnes devant le poste de police du centre-ville. La tension est grande entre les manifestant.es et les policiers. En effet, les membres de la communauté LGBTQ+ n’en peuvent plus de la violence gratuite, des arrestations et des humiliations. Ils réagissent donc fortement et cet affrontement fait connaître leur lutte partout dans la province (comme l’avaient fait les émeutes du Truxx en 1977).

En 1980 est fondée l’Aide aux Trans du Québec (ATQ), pour offrir du soutien, des informations et des soins aux personnes trans. Cette organisation est mise en place notamment par Marie-Marcelle Godbout (1943-2017), pionnière des luttes transidentitaires au Québec. Marie-Marcelle Godbout s’est mise en jeu durant toute sa vie pour faire avancer la cause des personnes trans. Elle a notamment mis en place une ligne d’écoute ouverte en tout temps à son propre domicile tout en menant une lutte de reconnaissance des personnes trans auprès des médias. L’ATQ est aujourd’hui la plus grande association trans du Québec. S’inspirant de cette initiative, l’organisme CACTUS (fondé en 1989), venant en aide aux personnes (notamment itinérantes) ayant des problèmes de toxicomanie, crée un service spécifique pour les personnes trans en 1998 : l’Action Santé travestie et transsexuelle(le)s du Québec (ASST(e)Q). Le groupe Stella, qui milite pour les droits des travailleuses du sexe depuis 1995, est lui aussi animé par les luttes des travailleuses du sexe lesbiennes et trans.

Marie-Marcelle Godbout dans le premier bureau de l’ATQ.

Durant les années 1990, les mouvements LGBTQ+ se développent dans les communautés autochtones. De plus en plus de personnes non-hétérosexuelles se réclament de la figure du two-spirits. Cette manière de se présenter permet aux personnes LGBTQ+ d’affirmer leur diversité tout en faisant appel à des notions traditionnelles adaptées à leur réalité. Un militantisme gai plus classique, qui cherche à combattre le masculinisme et l’homophobie, demeure également présent dans les réserves. La marginalisation des personnes LGBTQ+ autochtones est accentuée en raison des oppressions multiples qu’elles et ils vivent, dans les réserves comme dans les villes. Les luttes pour la visibilité et contre les problèmes d’alcoolisme, de drogue, de maladie et de suicide sont au cœur des pratiques LGBTQ+ autochtones. Plusieurs figures two-spirits se font connaître dans les années 2000, dont les auteurs Beth Brant (Mohawk) ou Waawaate Fobister (Anishinabe).

Les années 1990 voient par ailleurs les groupes gais allochtones se diviser sur les manières de lutter et les objectifs à atteindre. Une partie de la communauté cherche la prospérité économique et l’intégration sociale, alors que de plus en plus de groupes LGBTQ+ s’attaquent aux inégalités engendrées par les identifications issues du capitalisme et du patriarcat. Dès la fin des années 1990, des groupes radicaux vont repenser les rôles genrés et confronter la société capitaliste et hétéronormative jusque dans la communauté LGBTQ+ elle-même. Cette critique est résumée, au début des années 2000, par une militante des Panthères roses : « Ce qui m’a amené à partir les Panthères avec d’autres personnes, c’est d’être critique par rapport à la pensée unique du Village Gai. Pour moi, Village Gai égale ton pouvoir d’achat, l’idée d’une communauté homogène, axée uniquement sur les homos blancs, imberbes, musclés, propres et souvent huilés, ça sent la monoculture ! ». Ce qui est souligné ici, c’est la constitution d’une classe plus prospère et apolitique au sein des communautés LGBTQ+, réalité qui ne doit pas nous faire oublier la fréquentation par des ouvriers.ères et la présence de nombreuses personnes marginalisée dans le Village.

Pink Bloc appelé par les Panthères Roses dans le cadre de la Journée Mondiale des Femmes, Montréal, 2004.

Ce renouveau critique, que représentaient notamment les Panthères roses (2002-2006), s’inspire principalement du féminisme radical, du lesbianisme radical (par exemple du Combahee River Collective) et de la pensée queer (de Monique Witting à Judith Butler). Un nouveau plan de réflexions et de pratiques est ainsi introduit dans la communauté LGBTQ+ et dans les luttes politiques liées au genre. Ces nouveaux groupes réfléchissent, écrivent et militent afin de déconstruire l’ensemble des rapports sociaux genrés. Ainsi, on cherche à dépasser les identités fixes, hétérosexuelles ou homosexuelles, pour laisser place à de nouvelles manières d’être. Ces perspectives heurtent naturellement le milieu LGBTQ+, qui a été discriminé durant des siècles sur la base des identités sexuelles et qui s’est affirmé lui-même sur la base de ces identités pour qu’elles soient reconnues socialement. Cette tension entre la valorisation des identités de genre et une volonté de dépasser les identités est au cœur des luttes LGBTQ+ actuelles.

Sur le plan légal, l’union de fait entre personnes de même sexe est légalisée au Canada en 1999, puis le mariage en 2005. Cependant, de nombreux préjugés sociaux et des inégalités persistent. Notamment, il est interdit aux hommes ayant eu des rapports homosexuels dans les cinq dernières années de donner du sang au Canada, peu importe que les personnes soient monogames et sans maladie transmissible par le sang…

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Ce texte est issu d’une présentation donnée le 14 décembre 2019 au centre social et culturel alternatif Le Drapeau noir, situé à Sherbrooke. Cette présentation s’inscrivait dans la soirée By the Outcasts for the Outcasts qui portait sur l’histoire et l’actualité des luttes radicales liées aux genres. Cette présentation a aussi fait l’objet d’une brochure sur le même thème.

Au sujet de la vie homosexuelle montréalaise des années 1880-1920, on consultera la thèse de Dominic Dagenais, Culture urbaine et homosexualité : pratiques et identités homosexuelles à Montréal, 1880-1929 (UQAM, 2017, disponible en ligne). Pour de plus amples renseignements sur l’histoire des communautés, mouvements et luttes LGBTQ+ au Québec, on consultera avec profit le site des Archives Gaies du Québec (AGQ) et notamment son bulletin annuel l’Archigai, dont le numéro 5 porte sur le Front de Libération Homosexuel (FLH). Le centre de documentation et la bibliothèque des AGQ sera aussi une ressource précieuse pour celles et ceux qui voudraient approfondir leurs recherches. Enfin, on consultera les travaux de la professeure Viviane Namaste pour en connaître plus sur l’histoire des personnes trans et les luttes contre le VIH / SIDA chez la communauté haïtienne.

Perturbation matinale du Port de Montréal en solidarité avec les Wet’suwet’en en lutte contre Coastal GasLink (vidéo)

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Jan 162020
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Ce matin vers 7h30, une soixantaine de personnes enragées par l’invasion des territoires Wet’suwet’en par Coastal GasLink et la GRC se sont rassemblées dans l’est de Montréal. Elles ont bloqué l’intersection du Boulevard Pie-IX et de la rue Notre-Dame Est en pleine heure de pointe, afin de perturber l’accès au Port de Montréal ainsi qu’au centre-ville via l’autoroute 720.

Sur des bannières on pouvait lire « GTFO of Wet’suwet’en land » et « Solidarité avec les souverainetés autochtones », et des tracts expliquaient aux automobilistes les raisons de l’action.

Laissant derrière des barricades enflammées, le groupe a marché vers l’ouest sur Notre-Dame, formant un blocage déambulant en érigeant d’autres barricades sur sa route.

L’appareil répressif anti-manifestation du SPVM n’était heureusement pas au rendez-vous, puisque l’appel à l’action n’a pas été diffusé sur les médias sociaux. Quelques chars de flics sont apparus vers la fin.

Face à l’État qui cherche à détruire toute relation au territoire qui n’est pas soumise à l’économie, notamment les formes relationnelles ancestrales autochtones sur leurs propres territoires, perturber l’économie coloniale est une réponse appropriée et nécessaire.

Ce n’est qu’un début, multiplions les offensives contre l’État canadien, son économie, sa paix sociale, et chacune des facettes de la catastrophe coloniale !

Le monument de Macdonald vandalisé avec de la peinture en solidarité avec les défenseur.e.s des terres autochtones qui luttent contre les pipelines

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Jan 162020
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

-> Photos: https://postimg.cc/gallery/odqgsg22/

16 janvier 2020, Tiohtiá:ke/Montreal — Plus tôt ce matin, un petit groupe d’artistes anticoloniaux a attaqué le Monument de John A. Macdonald à Montréal avec de la peinture bleue. Cette attaque s’insère dans une série d’au moins une douzaine d’autres actions à caractère antiracistes et anticoloniales ciblant spécifiquement la statue.

Nous avons entrepris notre action en solidarité avec les défenseur.e.s des terres autochtones qui, au front, continuent de s’opposer et de résister à la construction de pipelines sur leurs terres ancestrales. Nous pensons spécifiquement aux nations Wet’suwet’en et Secwepemc (entre autres) qui maintiennent depuis des années l’unique opposition à la construction du gazoduc Coastal GasLink (CGL) et du projet d’expansion de l’oléoduc Trans Mountain sur leurs territoires respectifs. Ils ne sont toutefois pas impliqués directement ou indirectement dans notre action. Nous vandalisons la statue de Macdonald comme un simple message de soutien anticolonial en provenance de l’autre côté de l’Île de la Tortue. Nous encourageons toutes et tous, à faire de même.

John A. Macdonald était ouvertement raciste et il prônait le génocide des peuples autochtones. Nous avons ciblé le monument de Macdonald, mais notre message s’adresse plus spécifiquement à Justin Trudeau et au gouvernement fédéral qui est directement responsable du Square Dorchester et de ses monuments situés au centre-ville de Montréal. Pendant que Trudeau fait l’éloge de la réconciliation, le capitalisme corporatif, en ce qui concerne la construction des pipelines et l’extraction des ressources en général, piétine tous engagements significatifs pris avec les nations autochtones.

Toute la force répressive de l’État canadien est actuellement déployée contre les défenseur.e.s des terres autochtones (et leurs complices) qui sont au front de la lutte contre les pipelines. Nous faisons référence ici aux services de polices militarisées, aux injonctions judiciaires, aux accusations criminelles, aux zones d’exclusion, aux barrages policiers et à la complaisance des médias dominant. Le moins que nous puissions faire est de poser des gestes symboliques de solidarité et ce que nous en tant que non-autochtones résidant sur l’île de la Tortue DOIVENT faire, est de se livrer à des actes significatifs de perturbation économique. C’est parti !

– Certaines personnes anticoloniales de Montréal
info: MacdonaldMustFall@riseup.net

Un appel d’allochtones à allochtones à perturber les voies ferrées en solidarité avec les Wet’suwet’en

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Jan 142020
 

Soumission anonyme à North Shore Counter-Info

Soyons clair·e·s : ce texte est écrit par des allochtones. Nous n’avons pas le vécu de personnes autochtones, ni donc des Wet’suwet’en. Ces mots nous viennent du cœur et nous nous sentons en affinité avec cette lutte tant au niveau personnel que pour ce qui est des idées et des relations. Nous estimons qu’il est de notre responsabilité d’agir contre les systèmes et les corporations qui nuisent aux gens et à la terre. Nous reconnaissons notre responsabilité et notre complicité en tant qu’allochtones, et nous cherchons des opportunités et des stratégies en accord avec nos idées pour montrer notre solidarité. Pour autant, nous ne parlons pas à la place de personnes autochtones et nous sommes ouvert·e·s à la critique.

Tout d’abord, voyons les raisons pour lesquelles il y a pu avoir parfois un manque de clarté sur ce que veulent les gens dans l’Ouest.

Nous souhaitons simplement rappeler aux ami·e·s qui lisent ces lignes que certaines personnes ont l’interdiction de mettre en œuvre ou d’encourager des actions contre le projet — et même de le critiquer. Ce bâillon prend la forme d’ordonnances judiciaires qui les menacent financièrement, et fait courir le risque à la communauté de perdre un centre de guérison basé sur le territoire. Nous nous rappelons que les gens à qui on aurait pu donner le rôle de “chefs” n’ont pas forcément envie de se retrouver sur un piédestal, ni d’être fétichisés par des allochtones désireux·euses de réponses concrètes — ce qui entraîne des risques considérables pour plusieurs d’entre eux.

Au sein de cette lutte et ailleurs, on encourage souvent les allochtones à s’occuper de leurs semblables, du processus de colonisation en cours et de ses maux. En tant qu’allochtones, nous entendons par cela une exhortation à défier — avec une position offensive — l’État et les industries qui sont prêts à tuer pour le profit tout en prétendant agir dans notre intérêt.

Nous reconnaissons aussi le sentiment de désespoir que beaucoup d’entre nous ont ressenti lorsque, après une décennie de ligne dure, les chefs ont accepté que la barrière d’Unist’ot’en soit ouverte. Vous savez déjà qu’acquiescer sous peine de violences, ce n’est pas du consentement. Mais il y a aussi d’autres faits à considérer, comme la GRC qui venait chez les chefs la nuit pour les menacer de manière plus ou moins explicite. On peut se demander si le désespoir et la déception n’existaient pas dans les deux sens, et jusqu’où le faible nombre de sympathisant·e·s voulant ou pouvant se rendre sur la zone après une décennie de promesses n’a pas influencé l’issue de l’affaire et ses suites. Pour notre part, nous passons à l’action quand nous nous sentons à notre plus fort·e·s — bien reposé·e·s, centré·e·s, encouragé·e·s, appuyé·e·s. En quoi sommes-nous aussi responsables de la décision d’ouvrir cette barrière, nous les allochtones, allié·e·s ou sympathisant·e·s, qui n’avons pas été présent·e·s ou n’avons pas agi de notre côté ?

Malgré tout ça, les Wet’suwet’en n’ont jamais cessé de demander du soutien et des actions de solidarité, et ielles n’ont jamais cessé de défendre leur territoire. Et le 5 janvier, les Wet’suwet’en et leurs sympathisant·e·s ont de nouveau pris physiquement position pour protéger le Yintah et leur mode de vie, pour garantir la survie des générations futures. Contre la violence impérialiste et coloniale de l’État canadien menée au service d’entités privées, c’est leur simple existence qu’ielles défendent, et l’autorité et la juridiction du Canada et de CGL sur leur territoire non cédé qu’ielles rejettent.

Nous luttons à leurs côtés et nous sommes prèt·e·s à exprimer notre solidarité par des actes.

En plus, ami·e·s et camarades, nous voulons vous donner envie de passer à l’action, vous aussi!

Anarchistes, camarades, radicaux·ales, celleux en soi-disant Ontario qui pensent comme nous ont une longue histoire d’actions de solidarité avec, pour et inspirées par les blocages et les projets fonciers indigènes. Ces actions de soutien ont été des moments beaux et courageux, et de là sont nés des relations et des réseaux durables.

Rêvons en grand et faisons en sorte que cela se reproduise!

CGL a coupé à blanc de larges pans de forêt cette année, dispersé la faune, établi un camp pour travailleurs et déplacé ou détruit des lignes de trappe. La GRC est venue établir un “bureau pour la protection de l’industrie”, le tout sur des terres non cédées. Cette année, on a également appris que la GRC, au service des corporations, était prête à tuer des personnes autochtones.

En outre, s’inscrivant dans la lignée des génocides commis contre les peuples autochtones, la juge Marguerite Church vient d’octroyer une injonction interlocutoire contre les Wet’suwet’en, ce qui rend illégal, selon le droit colonial, la défense de leurs terres contre l’industrie ou contre le Canada en tant que nation envahisseuse. Dans cette injonction, il est écrit que “le droit autochtone n’a aucun effet sur le droit canadien”. Ceci permettra la destruction du camp Gidimt’en, ainsi que les cabanes éparpillées sur le territoire, et menace le centre de guérison.

On ne s’étonnera pas de ce ramassis de conneries impérialistes.

Pourquoi chercher d’autres raisons d’agir?

Seule nous reste la question de quoi faire.

En tant qu’allié·e·s lointain·e·s, il faut reconnaître qu’on n’obtiendra peut-être jamais de manière large et explicite la permission d’agir, ni une quelconque autorisation “officielle” (interrogeons-nous d’ailleurs sur notre désir d’obtenir une telle approbation). Mais quelques considérations peuvent nous donner une bonne idée de ce qui est nécessaire et souhaité.

1) L’intensité de la situation actuelle. À l’heure actuelle, les chefs héréditaires Wet’suwet’en se sont réuni·e·s pour une dernière confrontation, et pour chasser l’industrie de leurs territoires afin d’empêcher de nouveaux dommages à la terre et à l’eau, ce qui assure leur sécurité et leur mode de vie. Les actions en justice n’ont pas marché, alors le moment est peut-être venu — la dernière chance de protéger leur Yintah.

2) Ce développement entraînera de nouveaux appels à solidarité, plus intenses et plus enflammés.

3) Parmi les actions qui, par le passé, ont suscité appui et enthousiasme, on trouve des perturbations conflictuelles, telles des blocages de ports ou d’autoroutes, des occupations et tentatives de fermeture d’installations pétrolières et la fermeture d’un terminal Shell. Aucune action n’a encore été dénoncée.

4) Les demandes précédentes conseillaient de respecter les accords et les responsabilités du territoire où on se trouve, de respecter la terre, l’eau et la vie, et d’honorer et de mettre en avant les perspectives autochtones.

Il ne manque pas de possibilités, mais en réfléchissant à ce qu’on a déjà vu marcher par ici, ce qui serait pertinent et stratégique, ce qui peut incorporer différents tons et tactiques, nous sommes arrivé·e·s au sabotage ferroviaire.

La circulation ferroviaire offre une excellente opportunité de perturber l’État et l’économie : l’étalement des infrastructures est tel qu’elles sont quasiment indéfendables, surtout en dehors des villes. Partout sur l’Île de la Tortue, les particularités géographiques créent des milliers de goulots d’étranglement. Ce sont des cibles hyper efficaces et vulnérables à toute une gamme de méthodes. L’histoire nous montre que même des perturbations de courte durée — à cause d’actions ou de grèves — ont un impact économique démesuré. Récemment, après deux jours de grève dans le secteur ferroviaire, le gouvernement fédéral s’est mis à élaborer une législation d’urgence par souci pour l’économie. En 2012, une perturbation de neuf jours a fait chuter le PNB de 6,8%.

Imaginons que des allié.e.s perturbent et détruisent les infrastructures ferroviaires et les goulots d’étranglement au nord du Colombie-Britannique, entre Kitimat-Chetwynd-Houston-Stewart; les sections de d’oléoduc resteraient en rade aux ports, devant l’impossibilité de les cheminer aux chantiers.

Il n’est pas nécessaire de se mettre en première ligne, on peut lutter là où on est.

Le sabotage ferroviaire fonctionne à la fois comme tactique et stratégie, alors nous appelons à des perturbations ferroviaires continues en solidarité avec le peuple Wet’suwet’en qui défend son territoire non cédé contre l’industrie et une invasion policière.

Nous recommandons l’emploi de fil de cuivre pour activer les blocs signaux et détruire les postes d’aiguillage et les rails d’acier — mais même de grands groupes de désobéissance civile peuvent bloquer des voies ferrées essentielles, ce qui est beaucoup mieux que de ne rien faire. Continuez à lire pour avoir les détails, les mises en garde et les liens.

Comme à chaque fois, nous vous encourageons à penser à vos cœurs, ainsi qu’à la pérennité de ses actions et de la lutte de manière générale. Un petit rappel de prendre soin de vous, de vos empreintes digitales et de vos traces d’ADN — pour la sécurité de tous·tes — car la répression suit souvent l’action.

Empreintes digitales

On peut enlever les empreintes digitales d’une surface à l’aide d’isopropanol. Bien essuyer chaque objet au cas où quelque chose serait laissé sur les lieux ou se fasse découvrir. Gardez les items dans des sacs propres et neufs et enlevez-les en portant des gants.

ADN

Il y a de nombreuses façons de laisser son ADN. Soyez dilligent·e·s; ne vous touchez pas la figure et ne toussez pas dans vos mains lorsque vous portez des gants. Brossez bien vos cheveux pour enlever les cheveux morts et attachez-les. Ne fumez pas et ne crachez pas aux environs de la cible. Ne laissez derrière vous. Attention de ne pas vous blesser. Débarassez-vous des masques, chapeaux, matériaux ou vêtements comme il faut (eau de Javel, chaleur ou feu). Les jours de pluie sont salissants mais utiles : la pluie va laver, déplacer et contaminer les fibres et l’ADN. L’eau de Javel peut détruire l’ADN en empêchant sa reproduction en laboratoire et donc son analyse. La chaleur et le feu détruisent l’ADN aussi.

Si vous n’êtes pas sûr·e·s, assurez-vous.

Méthode fil en cuivre

– À NE JAMAIS ESSAYER SUR LES VOIES DE METRO, elles sont électrifiées.
– Cette méthode est utile pendant la désobéissance civile en groupe pour envoyer le signal d’arrêter la circulation des trains

Les rails en acier font partie du circuit d’un dispositif nommé le “système de bloc automatique|” (ABS). Un faible voltage traverse les rails entre des capteurs pour créer des cercles divisés en blocs géograhiques. Lorsqu’un train traverse un bloc, les essieux du train interrompent ou raccourcissent le circuit, les capteurs remarquent que le bloc est occupé et arrêtent de manière automatique la circulation des trains dans la zone.

Avec un fil en cuivre à jauge élevée (épaisse!) qu’on passe autour et puis entre les rails, il est possible de tromper les capteurs et de les déclencher. À retenir: il n’est pas nécessaire de trouver les capteurs de blocs eux-mêmes.

Astuce: il faut que le fil en cuivre soit en contact avec des sections des deux rails sans rouille ni oxydation. Du fil en cuivre de jauge élevée est nécessaire. Servez-vous d’un·e guetteur·euse pour vous assurer qu’il n’y ait pas de trains ni de patrouilles de sécurité. Faites un plan avant de commencer à passer le fil. Trouvez un bon endroit, creusez sous les deux rails pour passer le fil autour de l’un puis de l’autre. Souvenez-vous qu’au moment où vous attachez le fil au deuxième rail vous interrompez le circuit, et que les capteurs se déclencheront pour signaler le problème. Disparaissez le plus vite possible. Si vous enterrez la cable avec de la pierre concassée, de la neige ou de la terre, cela rendra sa localisation plus difficile dans le bloc.

Détruire les postes d’aiguillage

Les postes d’aiguillage font partie du circuit des rails. Si vous vous baladez le long des voies ferrées, vous les aurez sans doute vues : ce sont des structures grises, grosses comme un abri, ou de petites boîtes grises attachées à des poteaux. Ces boîtes reçoivent et interprètent les signaux du circuit. Leur revêtement est en métal et leurs portes sont scellées d’une manière ou d’une autre. Les petites boîtes sur les poteaux ont des câbles qui sortent et descendent au sol vers les rails. Comme ces câbles ont des composants électriques, on ne recommande pas de simplement les couper, à moins que vous ne maîtrisiez bien l’électricité. On peut aussi se servir d’un feu brûlant pour abîmer les cordes et les circuits électriques. Il ne faut pas se contenter de les tremper d’essence et s’en aller — il faut partir un feu plus chaud et le faire durer longtemps. La bonne technique pour allonger le temps de combustion d’un liant fibreux (nous, on aime bien les balles de tissu ou de coton), c’est d’ajouter de la gelée de pétrole et bien imbiber le tissu. Vous pourrez juste l’allumer, ça fonctionnera comme mèche. Pour augmenter la chaleur, on peut ajouter du caoutchouc de pneu ou de chambre à air de vélo. Avec un petit feu comme ça dans les boîtes du circuit ou bien à l’endroit où le câble entre dans le sol, on devrait endommager le circuit et empêcher la circulation ferroviaire en activant durablement le système de blocage automatique.

À noter: il faut se pratiquer à faire de tels feux pour voir ce qui est possible. Brûler du caoutchouc provoque des émanations toxiques. Il s’agit ici d’un incendie volontaire, ce que les autorités prendront plus au sérieux que la méthode du fil en cuivre. Faites attention : trouvez un bon endroit, ayez des guetteur.euse.s en place et un plan d’arrivée et de fuite où vous n’aurez pas à croiser du monde. Assurez-vous de ne pas laisser d’empreintes digitales ni d’ADN, débarrassez-vous des équipements comme il faut et mettez en place une excellente culture de sécurité avec votre bande.

Détruire les rails d’acier

Comment détruire des rails en acier sur lesquels passent des milliers de tonnes tous les jours? De la même manière qu’ils sont soudés, à la thermite.

La thermite est un mélange de carburant et d’oxydant dont on peut modifier les proportions pour qu’il dégage une chaleur suffisante pour brûler le bloc moteur d’une voiture. Ce n’est pas dangereux à produire, mais ça dégage énormément de chaleur et de luminosité en brûlant, alors faites attention. Cette méthode exige très peu de temps sur place, juste un moment pour l’allumer et partir. Cela produit un maximum de dégâts matériels, car il faudra remplacer le rail ou le poste d’aiguillage.

Le carburant le plus simple est la poudre d’aluminium. On peut le trouver dans des vieux etch-a-sketch ou le produire à base de (vrai) papier d’aluminium dans un moulin à café. Plus la poudre ou les flocons sont fins, plus rapidement ça brûlera.

L’oxydant le plus simple, avec la poudre d’aluminium, c’est l’oxyde ferrique : la rouille rouge sur le fer. Là encore, vous pouvez le récolter et le réduire en poudre fine, ou bien le fabriquer à base de laine d’acier à grain 0000 trempée dans de l’eau de Javel. Laissez-la reposer pendant une journée pour créer une pâte, qu’on peut laisser sécher et utiliser ainsi.

Vous aurez également besoin d’une mèche d’allumage. Pour mettre feu à un carburant métallique, il faut une flamme vraiment chaude, alors un briquet ou même la mèche d’un feu d’artifice ne marchera pas. Utilisez un cierge magique, ou bien une mèche faite maison avec des têtes d’allumettes enroulées dans du papier d’aluminium. Le cierge magique risque d’allumer la thermite avec ses étincelles avant le moment voulu.

La thermite en poudre

Mélanger trois doses d’oxyde ferrique à deux doses de poudre d’aluminium. Coupez ou percez un trou dans un réceptacle (une boîte de conserve, par exemple). Insérez quelques pouces de votre mèche dans le trou pour qu’elle soit en contact avec le mélange dans la boîte, puis remplissez-le de poudre. Placez-le et allumez-le à l’endroit voulu.

La thermite dure

Trois doses d’oxyde ferrique, deux doses de poudre d’aluminium, deux doses de plâtre de Paris. Versez le mélange dans un moule (boîte de conserve…), insérez quelques pouces de mèche en angle. Laissez sécher puis enlevez-le du moule.

La thermite moulable

Huit doses de poudre d’aluminium, trois doses d’oxyde ferrique, quatre doses d’argile. Mélangez bien les poudres et ajoutez-les à l’argile. Insérez la mèche de quelques pouces. Placez le mélange où vous voulez et allumez-le.

Notes: Comme ces méthodes s’attaquent directement aux rails, elles comportent un risque de déraillement. Pour éviter ça, vous voudrez peut-être activer le système de bloc automatique en attachant les rails avec du fil de cuivre, comme dans la première méthode. Encore une fois, les flics sont susceptibles de bien fouiller si vous employez de la thermite. Assurez-vous que tous les items que vous laissez sur place n’aient aucune trace d’empreintes digitales ni d’ADN. Employez des guetteur.euse.s et choisissez des chemins d’approche sans caméra. Débarrassez-vous des vêtements et des bottes. La thermite brûle rapidement et en dégageant beaucoup de lumière — ne fixez pas la flamme des yeux après l’allumage. La poudre en aluminium très fine est réactive à l’oxygène et risque de s’allumer facilement. Si de l’eau (pluie, neige, flaques) touche le mélange, l’explosion résultante va projeter du fer fondu dans tous les sens. N’essayez jamais d’éteindre un feu de thermite avec de l’eau.

Sherbrooke contre le monde et sa prison

 Commentaires fermés sur Sherbrooke contre le monde et sa prison
Jan 132020
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Afin de débuter de manière combative nos années 20 et son flot de désastres à venir, notre petite troupe de complices décidé.es s’offrit une visite surprise à la prison Talbot de Sherbrooke/Nikitotegwak (à la rivière qui fourche) ce 31 décembre peu avant minuit.

Bien dissimulé.es dans un boisé environnant, nous attendirent que sonne 2020 pour souhaiter nos vœux de bonne année; soit en allumant et dirigeant nos pièces pyrotechniques festives vers cette infrastructure liberticide de malheur. Bien vite nous entendirent venir de la prison des acclamations enthousiastes de la part des détenu.es, en espérant que cet instant de joyeuse surprise permit à tous et toutes d’oublier momentanément la violence du monde carcéral et de sa justice pourrie.

En solidarité avec les détenu.es du monde entier. Une attention particulière pour les autochtones, dont les Mohawks et les Abénaquis, à qui appartiennent les terres que nous squattons actuellement, les toxicos, les femmes et la communauté LGBTQ+, les personnes vivant.es avec des troubles de santé mentale, les itinérant.es, les immigrant.es et personnes racisé.es, les prolétaires marginaux et autres sujets sur-judiciarisés, enfermés, violentés, surveillés, ostracisés et assassinés par les forces armées du capital.

Comme résolution de la décennie à venir, nous nous sommes entendu.es de ne plus attendre pour affirmer et entretenir un rapport de conflictualité permanent contre les institutions bourgeoises et coloniales. Le Vieux-Monde ne s’écroulera pas tout seul.

Fuck le projet-consortium de gentrification accélérée de la Well Sud, et la répression policière envers les habitant.es du centro, faisant place nette aux investisseurs, bourgeois.es et autres jeunes cadres branché.es du secteur technologique.

Cette occupation policière se développe et s’enracine dans la quotidienneté de nombreuses manières, que ce soit au niveau de la vidéo-surveillance étendue à l’ensemble du centre-ville, aux lois municipales discriminantes et/ou avantageuses pour certaines parties des habitant.es, au profilage suprémaciste lors des contrôles, ou encore lors des arrestations arbitraires, parfois violentes, des forces de l’(dés)ordre, ce sont toujours les mêmes qui en payent le prix fort et qui sont systématiquement visé.es. Ainsi, lors de ces grands projets-chocs de privatisation de l’espace social-collectif, les SDF, consommateur.trices de drogues, travailleur.euses du sexe, les jeunes marginalisé.es, racisé.es, et les locataires précaires sont encore plus à risque qu’à la normale, déjà bien périlleuse, de finir piégé.es dans le système judiciaire et /ou carcéral.

En réaction à cette répression, des collègues auraient, à l’aide de projectiles remplis de peinture, attaqué.es le pavillon de technique policière du Cégep de Sherbrooke il y a quelques semaines, et cela ne semble être qu’un début.

Contre la nouvelle prison pour migrants à Laval ainsi que tout autres projets visant à entretenir le système mortifère des frontières internationales, qui laisse activement périr des genses par milliers en mer ou dans le désert, alors que la marchandise, elle, n’a aucune misère à traverser les océans!
Pour l’abolition du système pénal et des institutions autoritaires et disciplinaires de l’État!
Pour un futur conflictuel et créatif!

Réseau Autonome de Sherbrooke -Le-Bol !